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  • Attention, danger : les idées du FN progressent !

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    Lu dans Le Monde :

    Le Front national se banalise et plus d'un tiers des Français adhèrent à ses idées. C'est le principal enseignement du baromètre d'image du Front national édition 2013 réalisé par TNS Sofres du 24 au 28 janvier pour France Info, Le Monde et Canal Plus. Ce baromètre présente l'avantage de cerner les évolutions de perception de ce parti sur une longue période, puisqu'il fait l'objet d'une édition annuelle depuis 1983.

    Aujourd'hui, 47 % des personnes interrogées estiment que le FN "ne représente pas un danger pour la démocratie" (soit 8 points de plus qu'en 2012). Ils sont dans la même proportion à penser le contraire (en recul de 6 points par rapport à 2012). Des chiffres inédits depuis 1984. Mais à cette époque, le FN émergeait à peine sur le devant de la scène politique. Il n'était pas, contrairement à aujourd'hui, le troisième parti de France. A titre de comparaison, plus de 70 % des sondés désignaient ce parti comme un danger dans la seconde partie des années 1990.

    Ces résultats soulignent donc de manière significative une normalisation du parti d'extrême droite. Et notamment sous le prisme des sympathisants de droite : 54% de ceux de l'UMP disent ainsi ne plus percevoir le FN comme un danger. 

    SANS PRÉCÉDENT  

    Le niveau d'adhésion aux idées portées par le Front national reste pour autant stable, à 32 % (contre 31 % en 2012). Ce qui constitue tout de même un record depuis 1991. 63 % se disent en revanche en désaccord avec les idées défendues par le parti d'extrême droite.

    Autre signe de normalisation de la perception du FN : pour la première fois, le leader du Front national (aujourd'hui Marine Le Pen), est davantage désigné comme le représentant d'une "droite patriote attaché aux valeurs traditionnelles" (44 % des sondés, contre 41 % l'année précédente) que comme un représentant "d'une extrême droite nationaliste et xénophobe" (43 % des personnes interrogées, contre 45 % en 2012). Cela n'était évidemment pas le cas durant les longues années de présidence de Jean-Marie Le Pen. C'est sans précédent depuis 1983.

    En particulier, 54 % des sympathisants UMP considèrent, selon cette enquête, que Marine Le Pen est une représentante d'une "droite patriote attachée aux valeurs traditionnelles". 51 % d'entre eux déclarent adhérer aux "constats exprimés par Marine Le Pen, mais pas à ses solutions".   

    Les idées défendues par le FN rencontrent le plus d'adhésion dans un électorat peu ou pas diplômé, chez les ouvriers (42 % se disent d'accord), les employés (34 %), dans les zones rurales (41 %), les rurbains (36 %) et périurbains (38 % d'adhésion). A l'inverse, ceux qui disent rejeter le plus les idées frontistes sont les diplômés d'études supérieures (79 % pas d'accord avec les idées du FN), les urbains surtout dans les grandes villes, les cadres et professions intellectuelles (85 % de désaccord).   

    Politiquement, 83 % des électeurs de gauche se disent en désaccord avec les idées du FN, avec une pointe de rejet à 86 % au Front de gauche.   

    "Ce n'est pas une rupture. Le mouvement entamé depuis plusieurs années se poursuit : un FN présent de manière continue dans la politique française ne crée pas de crispation comme il pouvait y avoir à une époque, note Edouard Lecerf, directeur général de TNS Sofres. Il y a une forme d'intégration très claire à droite dans la prise en compte du FN comme un élément complémentaire de la vie politique française." Du point de vue des électeurs de droite, le FN devient donc un acteur "comme un autre" du jeu politique en France.   

    "CAPABLE DE GOUVERNER"  

    Ces résultats attestent de la réussite de la stratégie dite de "dédiabolisation" voulue et portée par Marine Le Pen. Ce choix a été conçu, d'abord, pour banaliser le FN, lui "retirer la tunique de Belzébuth" nourrie du "soupçon d'antisémitisme" qui pèse sur lui, selon les termes de Mme Le Pen. Surtout, cette dernière a voulu, depuis son accession à la tête du FN il y a deux ans, élargir son électorat en ne cantonnant plus son parti à la seule fonction protestataire. Mme Le Pen a ainsi mis l'accent dans son discours sur des thèmes économiques et monétaires.   

    Davantage de sondés voient Marine Le Pen comme capable de gouverner. Point sur lequel elle a gagné en crédibilité. Leur proportion est ainsi passée de 31 % en 2012 à 35 % aujourd'hui, alors que dans le même temps, la part de ceux qui voient le FN comme un parti essentiellement contestataire a reculé de 57 à 54 %. Le potentiel électoral du FN est en outre important : 27 % des personnes déclarent envisager de voter FN à l'avenir. Parmi eux, deux tiers de personnes l'ont déjà fait, un tiers est composé de "nouveaux potentiels".

    Cette crédibilité nouvelle se note aussi dans l'image que Marine Le Pen revêt chez les sondés. Elle est perçue comme "volontaire" (81 %), "capable de prendre les décisions" (69 %), ou "de comprendre le quotidien des Français" (49 %).  

    LA PERMÉABILITÉ DE L'ÉLECTORAT DE DROITE

    Plus étonnant, pour 53 % des personnes interrogées, Marine Le Pen serait "capable de rassembler au-delà de son camp". Un paradoxe quand on se souvient que la présidente du FN ne cesse de rejeter toute alliance avec la droite, se bornant à agréger dans le Rassemblement bleu Marine de minuscules partis sans poids politique.  

    Crédibilité en hausse et perméabilité de l'électorat de droite. Ces deux ingrédients donnent logiquement un souhait d'alliance entre l'UMP et le FN en progression. 28 % des personnes interrogées estiment donc que l'UMP devrait "faire des alliances électorales selon les circonstances" avec le FN. Une progression de 4 points par rapport à l'an dernier. A l'UMP, ils sont 38 % à partager cet avis et 43 % au FN.

    Si l'on y ajoute les 11 % des sondés qui estiment qu'il faut que l'UMP traite le FN en allié, le souhait d'alliance entre la droite parlementaire et l'extrême droite atteint 39 % des personnes interrogées. A l'inverse, ils sont 29 % à penser que l'UMP doit refuser "tout accord politique avec le FN mais sans le combattre" et 18 % à estimer que l'UMP doit le combattre. Cependant ces chiffres importants sont contrebalancés par un refus majoritaire d'alliance UMP-FN lors des municipales. 59 % des personnes interrogées ne veulent pas d'alliance au cas par cas (51 % à l'UMP) et 62 % refusent un accord électoral national (53 % à l'UMP).

    Sur cette question, ce sont les électeurs FN qui sont le plus demandeurs : 68 % d'entre eux appellent à une entente au cas par cas, 62 % à une alliance globale.

      http://rivarol.over-blog.com/

  • SEYFO 1915 : l’histoire niée et occultée du génocide assyrien – Par Eric Timmermans

    SEYFO 1915 : l’histoire niée et occultée du génocide assyrien – Par Eric Timmermans

    Image ci-dessus : en rouge, régions majoritairement assyriennes au moment du génocide.

    « Nous Assyriens avons perdu les deux tiers de notre population en 1915. Nous avons été arrachés de notre terre natale. Les survivants du génocide furent jetés dans des lieux éloignés dans le monde. Aujourd’hui nous luttons pour notre pure existence. » (Seyfo 1915. Allocution de Sabri Atman, spécialiste du génocide de 1915, à la Chambre des Communes de Londres le 24 janvier 2005, à l’occasion de la conférence organisée par l’institut Firodil)(10).

     

    [NDLR : Seyfo est le nom sous lequel est également connu le génocide assyrien]

    Les personnalités assyriennes et les spécialistes du génocide assyrien soumis à la « loi du silence » jusque sur le sol européen ?

    Le 11 décembre 2007, vers 15h30, à l’Université de Örebro, en Suède, un homme s’écroule. Un individu vient de l’attaquer par derrière et de lui porter plusieurs coups de couteau au cou. Le 12 décembre, la mort de cet homme est annoncée. Il se nommait Fuat Deniz.

    Aussitôt, la police suédoise, en liaison avec la Säkerhetspolisen (SÄPO), soit la Sûreté suédoise, annonça qu’elle examinait l’hypothèse d’un attentat politique, et les observateurs de tourner leurs regards vers certains milieux radicaux turcs. De fait, le Dr. Fuat Deniz (1967-2007), sociologue et écrivain suédois d’origine assyrienne, travaillait au Département des Sciences Politiques et Sociales de l’Université d’Örebro. C’était une personnalité connue de la communauté assyrienne en Suède et il était également connu internationalement pour sa recherche sur le massacre des Assyriens de Turquie.

    Certes, il s’avéra ultérieurement que les motivations de cet assassinat n’avaient rien de politiques. La thèse de l’attentat politique fut dès lors écartée (Nouvelles d’Arménie Magazine,18 janvier 08, 14 : 23. Voir sources en fin d’article). Pourtant, a priori, cette thèse n’avait rien de saugrenue. Les recherches du docteur Deniz portaient sur le massacre des minorités chrétiennes en Turquie, en 1915, et spécialement sur le génocide assyrien. Il avait consacré sa thèse de doctorat –« L’Odyssée d’une Minorité : l’Exemple assyrien-chaldéen-syriaque »- à cette question, et il comptait y consacrer un second livre. En outre, Fuat Deniz devait participer à une conférence internationale consacrée à l’identité assyrienne et au génocide des Assyriens par les Turcs, le 14 décembre 2007, à l’Université de Leiden, aux Pays-Bas. La thèse de l’assassinat politique, si elle ne put être effectivement retenue dans le cas qui nous occupe –il s’agirait d’un meurtre lié à un contentieux familial très ancien-, était d’autant moins absurde que plusieurs collègues de Deniz, en Suède, avaient eux-mêmes été menacés en raison de leur travail sur les génocides assyrien et arménien.

    Comme l’a souligné, pour le journal suédois Svenska Dagbladet, David Gaunt, historien suédois de l’Université Söderthörn (sud de Stockholm), « Il y a une menace contre tous ceux qui conduisent des recherches sur les Assyriens et les meurtres de masse sous l’Empire Ottoman. De temps en temps des gens prétendant être des journalistes apparaissent et prennent des photos de ceux qui suivent des séminaires (sur ce thème). Même si ce ne sont pas toujours des menaces directes elles sont sous-entendues. C’est une question extrêmement sensible où les recherches sont prises pour des faits politiques. Tous ceux qui s’intéressent aux minorités chrétiennes en Turquie le vivent comme une menace. » (jcdurbant.wordpress.com, voir sources en fin d’article)

    Les Assyriens, des chrétiens d’Orient méconnus

    Pour l’écrasante majorité des Européens, le terme « assyrien » renvoie exclusivement à la plus haute antiquité proche-orientale et à l’univers feutré des salles de musée. Nous viennent à l’esprit des images de palais grandioses, de statues monumentales et de jardins suspendus, de dieux et de déesses, qui n’ont plus rien de commun avec la réalité des populations assyriennes du 21e siècle. Comme nous allons le rappeler, les populations assyriennes furent l’objet d’un génocide orchestré par l’Empire ottoman, au même titre que les populations arméniennes. Mais l’extermination planifiée des deux tiers de ce peuple, sa dispersion en de nombreuses communautés réparties désormais sur plusieurs continents et la notoriété de l’ampleur et de l’horreur du génocide arménien, ont abouti à l’occultation pratiquement totale de l’histoire de ce peuple que l’on commence à peine à redécouvrir.

    En France et dans le monde occidental francophone, les travaux de Josef Yacoub ont toutefois permis de souligner les caractéristiques des Assyriens, « ce professeur de science politique à l’université catholique de Lyon a publié de nombreux ouvrages et articles sur la question des minorités et la nécessité de leur articulation au sein des Etats modernes. La minorité syriaque est encore mal connue dans notre pays et un travail sur l’histoire et le destin des minorités chrétiennes du Moyen-Orient (Syriaques orthodoxes, Chaldéens, Assyro-Chaldéens) est primordial. » (jcdurbant.wordpress.com, voir sources en fin d’article). De fait, il convient aujourd’hui de rappeler à la mémoire du monde l’odyssée tragique du peuple assyrien et de relayer, autant que faire se peut, ses légitimes revendications.

    Définir ce qu’est le peuple assyrien n’est guère chose aisée pour l’observateur extérieur, d’autant que les différentes composantes de ce peuple, adeptes d’auto-désignations ethniques particulières, ne s’accordent pas toujours entre elles, et ce pour des raisons tant historiques que religieuses et linguistiques. Pour résumer, disons que les Assyriens se présentent, d’une part, comme les héritiers de l’ancien Empire assyrien, d’autre part comme les héritiers des anciens Araméens dont la langue était la langue administrative de l’Empire perse. Du 3e siècle, jusqu’à l’an 650 de l’ère chrétienne, l’araméen constituait la principale langue écrite au Proche-Orient et pouvait servir de langue véhiculaire dans pratiquement l’ensemble du monde connu, de l’Egypte à l’Indus. Il existe également un alphabet araméen particulier. L’araméen appartient, comme l’hébreu et l’arabe, à la famille sémitique. Son nom a pour origine Aram, une ancienne région du centre de la Syrie. On distingue aujourd’hui trois groupes dialectaux : le néo-araméen occidental (ou syriaque occidental, que l’on retrouve dans certaines régions de Syrie et du Liban, de même que dans la diaspora américaine) ; le néo-araméen oriental (ou néo-syriaque, syriaque vulgaire, qui compterait quelques centaines de locuteurs particulièrement concentrés dans le nord de l’Irak, dans le Caucase et dans la diaspora d’Europe, des Amériques et d’Australie) ; le néo-araméen central (que l’on parle encore dans les villages de la région de Tur-Ubin, en Turquie, de même que dans la province syrienne d’Al-Hasaka et dans la diaspora, particulièrement en Suède).

    Ces populations se divisent en outre en un certain nombre d’églises dont les membres ont leur préférence en matière d’auto-désignation ethnique (Assyriens, Araméens, Syriaques, Chaldéens…) : l’Eglise apostolique assyrienne de l’Orient et l’Ancienne Eglise de l’Orient (« Assyriens orientaux »), de même que d’autres chrétiens de langue araméenne membres d’autres églises de tradition syriaques telle que l’Eglise syriaque orthodoxe, l’Eglise catholique syriaque, l’Eglise maronite (« Assyriens occidentaux ») et l’Eglise chaldéenne (Assyriens orientaux de confession catholique). Afin de simplifier, nous utiliserons donc le terme « Assyrien » comme terme générique, et les termes « araméens » et « syriaques » comme des « presque-synonymes ».

    Au début du 20e siècle, les populations assyriennes étaient largement concentrées dans ce qui correspond aujourd’hui à la région où se rejoignent les frontières de l’Irak, de l’Iran et de la Turquie (plus précisément : la Turquie orientale, le nord de l’Irak et le Nord-Ouest de l’Iran) ; à noter que les Assyriens de Perse seront également exterminés par les troupes ottomanes). D’importantes communautés étaient localisées non loin du lac d’Orumieh (Perse), du lac de Van (particulièrement la région du Hakkari), en Mésopotamie, de même que dans les provinces de Diyarbakir, Erzeroum et Bitlis (aujourd’hui situées en Turquie). Ces populations avaient pour principaux voisins des populations majoritairement musulmanes (à l’exception du Hakkari et, dans une moindre mesure, du Tur-Abdin, « région-refuge » des Assyriens). La population assyrienne était en grande partie rurale et se voyait traitée, tout comme les autres chrétiens de l’Empire ottoman, comme des citoyens de second ordre, avant de se voir accusés par les politiques, suite aux défaites subies par les troupes ottomanes face à l’armée russe, de constituer une « cinquième colonne chrétienne » dans l’Empire, ce qui devait déboucher sur le génocide que l’on sait. Celui-ci était déjà en cours au 19e siècle, connut une pointe dans les années 1895-1896 (massacres de Diyarbakir), puis son apogée dans les années 1914-1923, qui seront d’ailleurs suivies de persécutions, d’intimidations et de vexations constantes, celles-ci expliquant l’exode massif des Assyriens survivants vers l’étranger.

    Une résistance militaire assyrienne tenta bien de s’organiser, mais le petit nombre de résistants, leur manque d’armes et de munitions et le fait qu’ils furent, en définitive, lâché par le Royaume Uni, ne lui permit pas de remporter des succès militaires décisifs. Un certain nombre d’assauts furent cependant menés, notamment à Ainwardo, où un grand nombre d’Assyriens affluèrent. Ils furent ainsi 22.000 à y résister durant deux mois. Le 3 mars 1918, les forces ottomanes, menées par des soldats kurdes, assassinèrent l’un des leaders assyriens de l’époque, Mar Shimun XIX Benyamin. Les Assyriens ripostèrent en attaquant avec succès la forteresse kurde de Simku. Leur victoire ne leur permit toutefois pas de capturer le leader kurde responsable de la mort de Mar Shimun XIX Benyamin, qui parviendra à prendre la fuite. Les Assyriens vont ainsi mener un certain nombre de combats contre les forces ottomanes, mais leur manque de moyens et leur isolement politique les prédestinaient à la défaite. Certes, Londres, qui, dans le cadre de la Première guerre mondiale et pour des raisons économiques –vues sur les réserves pétrolières de la région de Mossoul-, voulaient obtenir le soutien des Assyriens, leur avait promis qu’à l’issue de la guerre, un Etat leur serait octroyé.

    SEYFO 1915 : l’histoire niée et occultée du génocide assyrien – Par Eric Timmermans

    « The Assyrian Levies ». Crédit photo : atour.com, via Wikipédia, (cc).

    Les Assyriens jurèrent donc fidélité au Royaume Uni qui, comme on le sait, ne tint pas parole et abandonna par la suite les Assyriens à leur sort. Un escadron assyrien, réuni dans une unité militaire moderne, « The Assyrian Levies », a pourtant servi sous commandement britannique de 1918 à 1955. Cet escadron incluait notamment une unité parachutiste et il servit de nombreux fronts (Italie, Grèce, Albanie, Proche-Orient…).

    En Europe, aujourd’hui, la grande majorité de la population syriaque survivante est présente en Suède où l’on compterait environ 60.000 Syriaques, parfaitement intégrés dans la société suédoise. Il en était ainsi de Fuat Deniz, qui naquit en 1967 dans le village de Kerbûran, dans la région du Tour Abdin (Sud-Est de la Turquie), et qui émigra en Suède, avec ses parents, à l’âge de huit ans. De fait, nombre de Syriaques, pour des raisons tant politiques que religieuses (ex. : assassinats non-revendiqués dans des villes du sud de la Turquie), émigrèrent dans ce pays, dans les années 1970. Une grande partie de cette population vit aujourd’hui dans une ville du sud de la région de Stockholm, Södertälje. De fait, seules quelques familles syriaques osent encore vivre dans des agglomérations du sud de la Turquie, les autres ayant choisi d’émigrer en Europe, dans les Amériques ou en Australie. Le 11 mars 2010, le génocide du peuple assyrien a été officiellement reconnu par le parlement suédois, au même titre que les génocides des Arméniens et des Grecs pontiques. En Belgique, la communauté araméenne n’est certes pas aussi importante qu’en Suède, mais on retrouve néanmoins à Bruxelles 80 % de la communauté araméenne de Belgique soit, selon le journal Le Soir, 1500 familles, soit environ 5000 personnes. Elle tente de faire entendre sa voix notamment par des manifestations (devant le mémorial arménien d’Ixelles, au parc du Cinquantenaire), mais ne bénéficie que d’une médiocre, pour ne pas dire d’une inexistante, couverture médiatique.

    Le génocide physique des populations chrétiennes de Turquie a donc été parachevé par un génocide culturel. Aussi est-il aujourd’hui essentiel de parler de ces identités saccagées, d’entretenir leur mémoire, et voilà pourquoi les travaux de Fuat Deniz seront poursuivis, « car l’étude de l’identité de ces minorités est fondamentale pour comprendre la complexité et la diversité des populations aux traditions anciennes ayant habité au Moyen-Orient. Ses travaux avaient mis en évidence la permanence dans le temps de l’identité syriaque, souhaitons que d’autres voix surgissent pour porter cette exigence scientifique. » (5).

    A noter encore que si, au Traité de Lausanne de 1923, les Arméniens, les Grecs et les Juifs obtinrent d’Istanbul le droit de pratiquer librement leur religion, les Assyriens durent, eux, y renoncer. En outre, ils ne sont toujours pas reconnus comme un peuple autochtone, ni même une minorité, en Turquie.

    Seyfo : cet autre génocide nié par la Turquie

    Ankara, nous le savons, s’obstine à ne pas reconnaître sa responsabilité dans le génocide arménien dont la Turquie va d’ailleurs jusqu’à contester l’existence (nette révision à la baisse du nombre de victimes, assimilation de celles-ci à des activistes révolutionnaires, mise en cause de prétendus « bandits et pillards arméniens » qui, selon la Turquie, seraient les vrais exécuteurs des massacres, etc.) et mène une campagne acharnée contre tout Etat (dont la France) ou personne qui ose affirmer la réalité de cette extermination planifiée des populations arméniennes sous l’empire ottoman. Ainsi, au début de l’année 2004, un romancier turc nommé Orhan Pamuk, qui avait osé écrire, dans un journal suisse, qu’un million d’Arméniens avaient été massacrés en 1915, a vu ses livres rassemblés et brûlés dans les rues de Turquie. Mais si le génocide arménien est connu, le génocide assyrien, lui, n’évoque généralement rien pour la grande majorité des citoyens européens. Or, ce génocide a bel et bien existé et a été reconnu par l’IAGIS, l’Association Internationale des Universitaires Spécialistes du Génocide.

    En 2007, dans le cadre d’un complément d’études, l’IAGIS votait massivement –la motion a été adoptée à 83 %- « la reconnaissance des génocides infligés aux populations assyriennes et grecques de l’Empire ottoman entre 1914 et 1923 » a ainsi indiqué le journaliste indépendant français Jean Eckian. La résolution de l’IAGIS déclare ainsi que « c’est la conviction de l’IAGIS que la campagne contre les minorités chrétiennes de l’Empire ottoman entre 1914 et 1923 constitue un génocide contre les Arméniens, les Assyriens, les Pontiens et les Grecs de l’Anatolie » et « invite le gouvernement turc à reconnaître les génocides contre ces populations, à présenter des excuses officielles, et à prendre rapidement des mesures importantes pour les réparations. » (6).

    SEYFO 1915 : l'histoire niée et occultée du génocide assyrien - Par Eric Timmermans

    Corps de victimes du génocide assyrien. Crédit photo : auteur inconnu, via Wikipédia.

    Les Assyriens et les Grecs ont donc bien été exterminés dans des conditions analogues et avec des méthodes globalement semblables à celles utilisées par les Ottomans dans le cadre du génocide perpétré à l’encontre de la population arménienne de l’Empire : expropriations, expulsions, enlèvements (particulièrement des femmes et des adolescentes, parmi les plus jolies), mariages forcés, conversions forcées à l’islam, famines organisées (notamment dans des camps de concentration édifiés en zone désertique), marches de la mort, déportations en wagons à bestiaux, et, finalement, exécutions directes. Ces crimes furent commis par les génocidaires turcs et leurs supplétifs kurdes (« massacreurs d’infidèles », trop heureux de se débarrasser de leurs voisins et rivaux arméniens), de 1894 à 1923, soit bien au-delà du génocide proprement dit de l’été 1915, et ce sous les régimes du Sultan Abdul Hamid, des Jeunes-Turcs et de Mustapha Kemal Attaturk (jcdurbant.wordpress.com). Sir Henry Robert Conway Dobbs, haut-commissaire du royaume d’Irak sous mandat britannique de 1923 à 1929, estimait à cette époque que les Assyriens, persécutés et massacrés dans tout l’Empire ottoman, avait perdu environ deux tiers de leur peuple. Au cours de l’histoire de l’Empire ottoman, il y aurait ainsi eu une trentaine de génocides perpétrés contre les Assyriens, les faisant passés de vingt millions à un ou deux millions. De manière plus générale, la population chrétienne qui représentait jadis un tiers de la population de la Turquie, n’en représenterait plus que 0,1 % aujourd’hui (jcdurbant.wordpress.com). Ajoutons, à titre indicatif, que sur les centaines de villages assyro-chaldéens-syriaques présents dans la région du Hakkari (Turquie), seuls dix villages ont survécu au génocide (la-croix.com, citant l’Institut assyro-chaldéen-syriaque).

    Au total, le génocide turc aurait fait 270.000 morts parmi les Assyriens, si l’on en croit l’universitaire Joseph Yacub, mais ces chiffres ont été largement revus à la hausse : l’Agence d’informations assyriennes évoque ainsi 750.000 morts, soit les trois quarts de la population assyrienne de l’Empire ottoman. On compte également 1,5 million de victimes arméniennes et 500.000 victimes grecques, soit un total d’environ 2,75 millions de chrétiens orientaux exterminés. Ce génocide trouve notamment son origine dans les défaites subies par les troupes ottomanes face aux armées russes sur le front caucasien. A la suite de ces défaites militaires, les autorités ottomanes prétextèrent un complot des Arméniens contre l’Empire, dans le but de légitimer la déportation et l’extermination de ceux-ci. Suite à une nouvelle défaite face aux Russes, à Sarikamish, le 29 décembre 1914, après laquelle l’Empire ottoman se voit envahi par les troupes de Moscou, puis au soulèvement de la ville de Van, le 7 avril 1915, les Jeunes-Turcs vont profiter de l’occasion pour exterminer la totalité des Arméniens de l’Asie mineure. Ce sera ensuite le tour des Arméniens du reste de l’Empire, auquel il faut donc ajouter les victimes assyriennes et grecques. Les massacres de 1915 ne constituent donc pas un élément isolé de l’histoire turco-ottomane, mais un point d’orgue dans une opération génocidaire qui s’étala sur des siècles et s’accéléra dans la moitié du 19e siècle pour finalement atteindre son apogée au début du 20e siècle.

    A Ankara, l’élite politique veut considérer le triple génocide des Arméniens, des Assyriens et des Grecs comme un élément du passé relevant exclusivement du domaine des historiens, comme si la Turquie actuelle n’avait plus qu’à oublier les persécutions et les massacres commis par elle durant un passé finalement assez récent. A cette attitude, il est permis de répondre : « Notre problème est ceux qui ont planifié et mis en œuvre ce génocide. Vous croyez peut-être que c’est bizarre, puisque les criminels sont tous morts. En effet. Mais c’est sur leur héritage que le pays a été fondé. C’est de cette façon que la République moderne de Turquie a été fondée. La Turquie a été homogénéisée, et cela est uniquement dû aux exterminateurs. Il n’est pas exagéré de prétendre que la prospérité économique et les succès des élites politiques en Turquie n’ont pu être réalisés que grâce au génocide des Chrétiens. Et je n’ai pas entendu parler de recherches sérieuses sur ce sujet en Turquie à ce jour. » (Sabri Atman, allocution à la Chambre des Communes de Londres, le 24 janvier 2005).

    SEYFO 1915 : l'histoire niée et occultée du génocide assyrien - Par Eric Timmermans

    Cliquer sur l’image pour l’agrandir. Crédit photo : EliasAlucard, (cc).

    Mais, faut-il le préciser, Ankara ne reconnaît pas plus les génocides assyrien et grec que le génocide arménien. Ainsi, lorsque la Municipalité de Sarcelles fit ériger, le 15 octobre 2005, une stèle (photo ci-contre) à la mémoire du « génocide assyro-chaldéen », Uluç Özulker, ambassadeur de Turquie en France écrivit au maire de Sarcelles, une lettre datée du 20 octobre et écrite en ces termes : « C’est avec une grande surprise que j’ai été témoin qu’une stèle à la mémoire d’un certain « génocide assyro-chaldéen » dont je n’ai pu trouver trace nulle part dans l’histoire, a été érigée par vos louables efforts personnels et inaugurée par votre Municipalité en votre présence le 15 octobre. Je vous félicite d’avoir écrit une nouvelle page d’histoire inconnue ! »

    Nulle trace du génocide assyrien dans l’histoire, donc, selon M. Özulker. Mais comme le rappelle justement la résolution de l’IAGIS, « le déni du génocide est largement reconnu comme l’étape finale du génocide, de la consécration de l’impunité pour les auteurs du génocide. » Cette dénégation ouvre « manifestement la voie aux futurs génocides », et les universitaires de s’inquiéter du sort de la population assyrienne d’Irak, particulièrement vulnérable à une attaque génocidaire. De fait, depuis 2003, les Assyriens d’Irak ont été exposés à de graves persécutions et ont eu à subir des opérations de « nettoyage ethnique ». Près de la moitié de la population assyrienne aurait d’ores et déjà fui ce pays. Et l’on ne peut également que s’inquiéter du sort des chrétiens orientaux de Syrie où sévit la guerre civile que l’on sait.

    Alors que l’on parle de manière régulière du génocide arménien, les génocides assyrien et grec sont eux pratiquement autant absents des pages des grands médias que des cours d’histoire de nos universités. Aussi, afin de faire face au négationnisme d’Ankara et d’alerter plus efficacement l’opinion publique mondiale sur les menaces bien réelles qui pèsent aujourd’hui encore sur les peuples chrétiens du Proche-Orient, les Arméniens ont pris la décision de s’engager plus avant au côté des Assyriens et des Grecs, autres victimes du génocide orchestré par la Turquie ottomane. Symboliquement, un mémorial consacré  aux victimes du génocide assyrien a été inauguré à Erevan, capitale de l’Arménie, le 24 avril 2012, jour durant lequel, chaque année, sont commémorées les persécutions dont les Arméniens eurent à souffrir. Cette journée rappelle la date du 24 avril 1915, durant laquelle plus de 200 intellectuels et dirigeants de la communauté arménienne à Constantinople (Istanbul) furent arrêtés par les Turcs. Cette série d’arrestations avait marqué le début d’une vague de massacres et de déportations qui se sont poursuivies jusqu’en 1917.

    Le génocide des Arméniens en cache donc deux autres, celui des Assyriens et celui des Grecs. Ces génocides furent perpétrés par une Turquie qui refuse aujourd’hui encore de reconnaître la réalité de ces crimes et moins encore la responsabilité qu’elle porte dans leur perpétration. C’est pourtant ce pays que d’aucuns nous proposent avec insistance de laisser adhérer à l’Union européenne, ce pays donc, qui se contente d’affirmer que l’extermination systématique de ses populations chrétiennes qui représentaient un tiers de la population de l’Empire ottoman, n’est plus aujourd’hui qu’un problème d’historien, ce pays qui occupe toujours militairement la moitié de l’île de Chypres, ce pays dont nombre d’élites économiques et politiques européennes et occidentales ne cessent pourtant de vanter les mérites. Or, sans même aborder la question des différences civilisationnelles qui distinguent la Turquie de l’Europe, soulignons que le refus de la Turquie d’assumer son histoire et de reconnaître sa responsabilité historique dans les génocides commis à l’encontre de ses minorités chrétiennes, rend absolument absurde l’idée que ce pays puisse adhérer à l’Union Européenne.

    Rappelons encore à ce sujet qu’au Canada, le simple fait que les atrocités commises par les Ottomans lors du triple génocide des Assyriens, des Arméniens et des Grecs pontiques, aient été incluses dans un cours portant sur les génocides historiques, avait suffit à provoquer la colère des organisations turques, mais également d’autres organisations musulmanes non-turques qui ont protesté contre cette décision. En Turquie, le triple génocide est présenté comme une « cruelle conséquence de la guerre », pudiquement baptisée au mieux de « tragédie de 1915 », au pire de « prétendu génocide arménien » (« Sözde Ermeni Soykirimi ») et non comme un acte volontaire. Dans le nouveau Code pénal turc, pourtant censé rapprocher la Turquie des standards européens en terme de droits de l’homme, il est prévu des sanctions à l’encontre de ceux qui contreviendraient à la version officielle turque sur le triple génocide : l’article 305 punit ainsi de trois ans à dix ans de prison et d’une amende, tous les « actes contraires à l’intérêt fondamental de la nation », la peine pouvant être étendue à quinze ans de prison, si cette opinion est exprimée dans la presse. La Turquie refuse également d’ouvrir les archives ottomanes concernant la période du triple génocide, autant dire qu’une information libre et objective sur le sujet y est impossible.

    La majorité des intellectuels et des historiens turcs soutiennent les thèses niant le triple génocide, rares sont ceux qui osent aller à contre-courant de la thèse officielle. Et pour cause. Le 16 décembre 2005, un procès sera ouvert contre Orhan Pamuk, pour des propos considérés comme une « insulte à l’identité nationale turque » et passibles à ce titre de six mois à trois ans de prison. Les poursuites seront toutefois abandonnées en 2006. Un prêtre assyrien du nom de Yusuf Akbulut, sera lui emprisonné et accusé de trahison pour avoir défendu la réalité du génocide assyrien de 1915 au côté du génocide arménien. Le 19 janvier 2007, Hrant Dink, le rédacteur en chef de la revue arménienne d’Istanbul Agos et principal promoteur de la reconnaissance du génocide en Turquie, fut assassiné par un jeune nationaliste turc. Certes, l’on soulignera que près de cent mille manifestants descendront dans les rues d’Istanbul à l’occasion de ses funérailles, en scandant « nous sommes tous des Arméniens », mais selon les sondages, huit Turcs sur dix pensent que leur pays devrait rompre les négociations d’adhésion avec l’Union européenne, si celle-ci exigeait la reconnaissance du génocide.

    De fait, la reconnaissance officielle du triple génocide pourrait impliquer d’importants enjeux financiers et territoriaux pour la Turquie. Reconnaître ce triple génocide perpétré contre les populations chrétiennes de l’Empire ottoman pourrait ainsi ouvrir la voie à des demandes de dommages et intérêts, de même qu’à des revendications visant à la restitution de territoires originellement dévolus aux populations arméniennes, grecques et assyriennes.

    Bref, le passé doit être oublié, dit en substance Ankara aux descendants des victimes des génocidaires ottomans. Mais comment oublier, même au-delà des décennies et des siècles ? Kémal Yalcin, un écrivain turc qui vit en Allemagne, connaît bien les Assyriens et les Arméniens qu’il a souvent interviewé à propos du génocide. Dans un livre, il résume en ces termes, par la voix d’un vieil homme, les émotions et les pensées de nombreux Assyriens et Arméniens : « Peu d’entre nous ont été témoins de la grande, horrible catastrophe. Mais ses blessures ont modelé nos mémoires. Je souffre même de ma mémoire. Même si nous n’avons pas vécu ces jours effroyables, ces caravanes de la mort, nous portons leurs cicatrices sur nous. Et qu’ont fait ceux qui ont connu ces jours ? Dans notre région, le meurtre des Arméniens était délégué aux Kurdes. Tout le monde sait cela. Les Kurdes employaient l’expression : « le massacre des infidèles ». (Je dois signaler que le terme « infidèle » [gâvour] est un terme dédaigneux pour désigner les Chrétiens). Je n’accuse nullement ni tous les Kurdes, ni les Turcs. Ma colère s’adresse à ceux qui ont planifié cette catastrophe en détail. Je serai soulagé quand tout cela sera révélé et reconnu. Je n’ai pas de haine envers les Turcs, ni envers les Kurdes. Ils devraient avoir honte d’eux-mêmes ! Mais je prie que Dieu les punisse ! »  

    Les régions du sud-est de la Turquie où vivaient autrefois une majorité d’Assyriens, n’en comptent plus aujourd’hui que quelques milliers. L’islamisation, l’émigration massive causée par les persécutions, de même que les massacres planifiés, ont largement affecté l’identité de cette région. Mais bien qu’ils vivent actuellement à l’étranger, les Assyriens originaires de Tur-Abdin et du Hakkari, restent attachés à leur pays d’origine, et cela même si leur départ remonte à de nombreuses décennies. Un bel exemple de fidélité à la terre natale.

    Eric TIMMERMANS pour Novopress

    Sources :

    (1) « Assassinat d’un chercheur du seyfo assyro-chaldéen-syriaque ». http://suryoye.forumpro.fr/, 16 décembre 2007.

    (2) « Fuat Deniz », http://fr.wikipedia.org/wiki/Fuat_Deniz

    (3)  Nouvelles d’Arménie Magazine, le 18 janvier 2008, 14 : 23

    (4) « Génocide assyrien : la continuation du jihad par d’autres moyens – Turkey’s other forgotten Christian genocide », http://jcdurbant.wordpress.com/2007/12/27/

    (5) « Deniz, l’odyssée de la minorité syriaque », Christophe Premat, liberation.fr, 12 mai 2008.

    (6) « Turquie : L’IAGIS reconnaît officiellement les génocides assyrien et grec », Radio Publique d’Arménie, traduit par GM, http://eafjd.eu/spip.php?brevel1083 , 19 décembre 2007.

    (7) « Le génocide Assyrien », http://www.forum-metaphysique.com/t9317-le-genocide-assyrien , 28 juillet 2012, 15 :59

    (8) « Un mémorial pour les victimes du génocide assyrien à Erevan, en Arménie », www.la-croix.com, 24 avril 2012

    (9) « Question d’Histoire : Quelles sont les raisons du génocide assyrien par les musulmans ? », http://fr.answers.yahoo.com/, 2010.

    (10) « SEYFO 1915 : Où sont maintenant les enfants d’Assyrie ? », Allocution de Sabri Atman, spécialiste du génocide de 1915, à la Chambre des Communes de Londres le 24 janvier 2005, à l’occasion de la conférence organisée par l’institut Firodil, traduction Louise Kiffer,

    (11) http://fr.wikipedia.org/wiki/G%C3%A9nocide_assyrien

    (12) « Les Syriaques se déchirent », Robert François, lesoir.be, 29 octobre 2008.

    (13) « Des Araméens au Maelbeek. Conversation discrète dans un appartement d’Ixelles », Robert François, lesoir.be, 2 septembre 1991.

    Crédit carte en Une : Rafy, via Wikipédia, domaine public.

  • Robert Steuckers : russie "Remettre une élite politique sur pied" (archive 2006)

     1 — Nous observons aujourd’hui en Russie l’émergence d’un fort courant nationaliste qui traverse tous les partis et bouscule ainsi le traditionnel clivage gauche/droite. Ceci rend difficile un décryptage aisé des forces en présence ainsi qu’une compréhension claire des projets portés par chacune d’elles. Par exemple, que renferme le mouvement de gauche Rodina (« mère-patrie »), dirigé par des anciens membres du Parti communiste ? Certains le considèrent comme une création du Kremlin. Si c’est le cas, à quelles fins ?
    Votre question, très précise et fort bien formulée, évoque avant tout une évidence qui crève les yeux : un courant nationaliste puissant bouscule forcément, et quasi par définition, le clivage arbitraire et intenable sur le long terme entre « gauche » et « droite ». Surtout en Russie. Pour des motifs historiques bien patents. La Russie est aujourd’hui un pays perdant, un vaste pays, un pays-continent, qui a perdu la Guerre Froide, qui a évacué sa première ceinture de glacis, soit les pays du COMECON en Europe centrale et orientale. Elle a ensuite perdu ses glacis conquis au prix fort au temps des tsars, dans les années vingt et trente du XIXe siècle dans le Caucase d’abord, dans la seconde moitié du XIXe en Asie centrale ensuite. Le processus actuel de dissolution, sous les coups bien ciblés des diverses stratégies américaines mises en œuvre avec une constance et un acharnement féroces, s’est déclenché non pas immédiatement après la seconde guerre mondiale, comme on nous le fait croire, ou sous le règne de Khrouchtchev, mais immédiatement dans la foulée de l’invasion soviétique de l’Afghanistan en décembre 1979.
    L’URSS, malgré les cadeaux européens, consentis par Roosevelt à Yalta, restait une puissance encerclée, sans véritables ouvertures vers les mers chaudes donc sans espoir de se développer dans la compétition bipolaire et d’acquérir un statut authentique de grande puissance. Jordis von Lohausen, le géopolitologue autrichien qui fut mon maître, nous expliquait fort bien, dans la double tradition géopolitique allemande de Ratzel et de Tirpitz, qu’une vraie superpuissance est une superpuissance qui a accès à toutes les mers, les dominent et entretient une flotte capable de damer le pion à tout adversaire potentiel. Dans ce contexte de la guerre froide, les États-Unis, dans un premier temps, avaient intérêt à maintenir l’Europe en état de division, à ne pas en chasser les forces soviétiques qui occupaient les espaces complémentaires nécessaires au déploiement de la machine économique de leurs concurrents allemands et ouest-européens, à se faire passer pour les protecteurs « bienveillants » des pays satellisés de la portion occidentale de notre continent, où ils avaient remis en selle tous les corrompus, les prévaricateurs et les concussionnaires d’avant-guerre.
    Le soviétisme, offensif en apparence, militarisé, avait, par les allures qu’il se donnait, une utilité médiatique : il apparaissait comme un croquemitaine ; des politicards véreux, revenus dans les fourgons de l’armée britannique ou de l’US Army, recyclés dans un occidentalisme hostile aux souverainetés nationales, comme Paul-Henri Spaak, pouvaient s’écrier à toutes les tribunes internationales « J’ai peur ! » et réclamer, en tant que faux socialistes, des crédits militaires inutiles, en faisant acheter, par les gouvernements européens vassalisés, du matériel et surtout, bien entendu, des avions américains ; du coup, face à une URSS peu séduisante sur le plan publicitaire, les États-Unis se donnaient toujours le beau rôle, gagnaient la bataille médiatique et pouvaient fourbir leur meilleure arme, celle du soft power.
    Ce concept de la politologie moderne désigne et définit l’ensemble des atouts médiatiques, scientifiques, culturels, cinématographiques (Hollywood), politiques, économiques des États-Unis, selon la définition du politologue contemporain Nye, ensemble d’atouts qui fait que les masses ignorantes et manipulables à souhait, ou des fragments considérables de la masse, capables, même minoritaires de faire basculer les opinions publiques, adhèrent sans réfléchir, tacitement, à l’image quasi publicitaire que donne l’Amérique d’elle-même. Ces masses ou parties de masse considèrent les « vérités » médiatiques américaines comme des évidences incontestables. Qui ne sont presque jamais contestées effectivement, parce qu’il n’existe aucun soft power alternatif !
    Pour revenir plus directement à votre question, je dirais d’abord que la Russie actuelle ne dispose pas de ce soft power, ni de rien d’équivalent, ensuite que les médias occidentaux puisent encore et toujours dans les arsenaux publicitaires de la guerre froide, puisque la Russie reste, en fin de compte, l’ennemi à abattre, qu’elle ait été tsariste ou communiste hier, qu’elle soit démocratique aujourd’hui. Poutine passe pour une sorte de nouveau Staline, pour un « méchant » qui devrait au plus vite quitter le pouvoir, pour laisser la place à un « chef » que l’on considèrera comme un good guy, bien « démocratique », mais qui laissera oligarques, banquiers, organisations internationales piller, neutraliser et avachir la Russie.
    En Belgique, le principal quotidien bruxellois, Le Soir, publie chaque jour des articles haineux, et de ce fait délirants, contre la Russie. De ses colonnes, on pourrait facilement tirer une anthologie de la russophobie la plus rabique. Aucune autre instance médiatique ne peut répondre à ces délires, ni en Belgique ni dans le reste de la francophonie (à l’exception, parfois du Temps de Genève), en démonter l’inanité, en exhiber la profonde malhonnêteté, car aucun soft power russophile n’existe, ne dispose d’arsenaux sémantiques suffisamment étoffés, d’instruments cinématographiques ou de banques d’images alternatives.
    La mouvance identitaire, à laquelle vous appartenez, devrait réfléchir à cette terrible lacune, qui nous fait perdre guerre après guerre, dans les conflits « cognitifs » d’aujourd’hui : il n’y certes pas de soft power russe ; il n’y a pas davantage de soft power européen ou japonais, capables de neutraliser les effets du soft power américain. On constate, à intervalles réguliers, que, pour dénigrer l’Allemagne ou la France, le Japon ou la Chine, des images stéréotypées, totalement fausses mais médiatiquement vendables, des clichés rabâchés sont ressortis et diffusés à grande échelle, créant, ponctuellement, dans les pays anglo-saxons, et dans le monde, des réflexes germanophobes, francophobes, japonophobes ou sinophobes.
    Rappelez-vous que Chirac en a fait les frais lors de ses essais nucléaires en 1995, puis en 2003, lors de l’épisode fugace de l’Axe Paris-Berlin-Moscou, et enfin, pour le rendre encore plus malléable, lors des émeutes des banlieues en novembre 2005 ; quant à la germanophobie, elle est récurrente, d’autant plus que le croquemitaine nazi n’a jamais cessé d’être agité. Pour le Japon, les médias et agences médiatiques disposent de clichés bien rodés, que vous connaissez forcément : le méchant « Jap » revient souvent à la surface, tant dans les médias anglo-saxons que dans certains médias parisiens, où les ennemis de l’Amérique sont fustigés avec une hystérie bien connue.
    La meilleure exploitation offensive du soft power, à des fins qui équivalent à une guerre classique, soit la conquête d’un territoire qui se traduit aujourd’hui par son inféodation à l’OTAN, a été la pratique nouvelle des « révolution de velours », en Serbie, en Ukraine, en Géorgie et au Tadjikistan. On voit alors sur les écrans des télévisions du monde entier un peuple qui se dresse sans armes, en agitant des drapeaux d’une couleur douce, « sympa » ou « cool », ou en battant des casseroles comme jadis au Chili pour tenter de faire tomber Pinochet. Tout cela se passe soi-disant de manière spontanée, alors que ces phénomènes sont téléguidés par des professionnels de l’agitation bien entraînés, dans des séminaires largement financés par les fondations privées, d’inspiration néo-libérale, qui travaillent directement pour les intérêts géopolitiques de Washington.
    La Russie risque de subir, elle aussi, une « révolution orange » à la mode ukrainienne lors des prochaines présidentielles de 2008. Si une telle opération réussissait, le pouvoir central russe ne se soucierait plus de récupérer les influences perdues dans ces périphéries de glacis, que j’évoquais ici au début de ma réponse. Il est donc normal, pour revenir à votre question, que les Russes nationalistes, qui acceptent l’ensemble des avancées positives de la Russie depuis sa création et surtout depuis la renaissance qu’elle a connue à partir d’Ivan le Terrible au XVIe siècle, d’une part, et que les Russes nostalgiques de la super-puissance soviétique (mais une super-puissance relative !), d’autre part, connaissent une convergence d’intérêts, partagent une communauté de soucis bien justifiables. Les uns comme les autres veulent ravoir un pays qu’ils pourraient à nouveau juger intact, avec des frontières « membrées » (comme le disaient Vauban et Richelieu), capables de retenir ou d’absorber une invasion en direction du cœur moscovite de l’empire (comme contre les Tatars à l’Est, contre les Polonais à partir du « Temps des Troubles » à la fin du XVIe et du XVIIe, contre les Suédois de Charles XII, contre Napoléon et contre Hitler).
    Le terme Rodina, ou « mère-patrie », rappelle le sursaut russe de 1942, quand Staline consent à abandonner la phraséologie soviétique, qui ne motivait pas le peuple et, même, pire, le révulsait, pour reprendre à son compte les linéaments du patriotisme russe traditionnel, beaucoup plus porteur sur le plan de la propagande. « Mère patrie » est donc un vocable né à l’ère soviétique, tout en s’en démarquant sur le plan strictement idéologique. Quand le mouvement déliquescent de mai 68 frappait l’Europe occidentale et qu’il était « in » de se proclamer contestataire dans le sillage du jeune Cohn-Bendit, l’Union Soviétique était, a contrario, agitée par une contestation tranquille, nullement « progressiste » et déliquescente, mais soucieuse de renouer avec les racines russes pré-soviétiques, afin de redonner une « épine dorsale » spirituelle à un empire soviétique, prisonnier des limites et des apories de l’idéologie froide (la notion d’ « idéologie froide » se retrouvait dans les écrits de Castoriadis, Papaioannou et Axelos en France).
    Dans les rangs de l’armée rouge, dès la fin des années 60, l’idéologie communiste ne faisait plus recette, était vraiment considérée pour ce qu’elle était, c’est-à-dire une fabrication sans profondeur temporelle ni spirituelle : les officiers se souvenaient des généraux des tsars, de Pierre le Grand, de Souvarine, de ces conquérants de terre, de ces défenseurs de la « russéité » face aux dangers tatar et turc. C’est à cette veine-là que se réfèrent indubitablement les animateurs, anciens communistes, du mouvement Rodina.
    La convergence, qui éveille votre curiosité et justifie votre question, entre nationalisme et résidus du communisme dans la Russie actuelle n’est donc nullement étonnante. Seul ce mixte peut donner à terme une majorité parlementaire capable de défendre les intérêts de la Russie contre les menées des agences internationales, des fondations américaines, d’un éventuel mouvement « orange ».
    Que Rodina soit ou non une création du Kremlin, n’a pas d’importance. Ce mouvement doit, avec d’autres, participer au barrage qu’il faudra bien constituer en Russie, demain, pour affronter les « forces orange » qui ne manqueront pas de se dresser, avec l’appui de la Fondation Soros et de ses consœurs, toutes virtuoses de la « nouvelle subversion ».

    
• 2 — En novembre 2005, le LDPR de Vladimir Jirinovski a fait exclure Rodina des élections à la Douma de la ville de Moscou pour incitation à la haine raciale. Ceci ne laisse pas de surprendre. Que faut-il penser du LDPR ? Son chef plutôt controversé, personnage haut en couleurs et peu économe en provocations, est-il à prendre au sérieux ?
    Vous savez bien que les dissensions, les exclusions mutuelles, les querelles de chapelle, les chamailleries de chefaillons sont le lot quotidien des mouvements « identitaires ». La France, la Belgique francophone, l’Allemagne, l’Espagne et d’autres pays encore connaissent ce phénomène. La mouvance « nouvelle droite » en deviendra même le paradigme aux yeux des historiens de demain. Il est dû, à mon avis, indirectement aux effets inconscients du soft power américain. Je m’explique.
    Jadis, Yannick Sauveur [ici en 1983 aux côtés de Thiriart], représentant malheureusement isolé, mais pertinent et courageux, du mouvement Jeune Europe (1962-1969) et de Jean Thiriart (1920-1992), avait rédigé un mémoire universitaire sur la fonction métapolitique d’une revue comme Sélection du Reader’s Digest, où il démontrait comment, tout de suite après la victoire américaine de 1945 en Europe et en Extrême-Orient, les services cherchaient à remplacer les cultures nationales par une culture prédigérée (« digest » !), édulcorée, banale, où ne s’insinuerait aucune pertinence historique ou politique, pouvant s’avérer à terme contraire aux intérêts américains.
    Par ailleurs, le grand angliciste français Henri Gobard, à qui nous devons le concept de « guerre culturelle », dénonçait les stratégies de Hollywood, où le cinéma américain, qui a cherché à s’imposer par la force, par le chantage (comme celui que subit le gouvernement Blum en France en 1948), dans tous les pays d’Europe et d’ailleurs, offre des images, souvent bien présentées selon toutes les règles du septième art, qui éclipsent toutes les autres, potentielles, que l’on pourrait créer sur notre propre histoire, sur nos propres mœurs, en y insinuant nos propres messages politiques. Claude Autant-Lara, dans le discours inaugural * qu’il fit, en tant que doyen des parlementaires à Strasbourg, a fustigé cette situation avec un brio remarquable, qui provoqua bien entendu un scandale chez les bonnes consciences de la « correction politique » à Paris.
    Les chamailleries des chefaillons viennent du simple fait qu’ils sont inconsciemment imbibés de cette culture fabriquée et exportée, qu’ils sont ensuite prisonniers de vieux schémas obsolètes, que l’on a laissé survivre parce qu’ils n’étaient pas dangereux, qu’ils adhèrent et participent aux faux débats, créés artificiellement par les médias, débats sans objet réel qui visent surtout à esquiver l’essentiel. La mouvance nationaliste ou identitaire ou néo-droitiste (peu importent les qualificatifs) n’a pas généré une culture alternative suffisamment forte pour affronter le soft power américain en France, une culture alternative qui aurait été non schématique, bigarrée, aussi polyvalente que la culture du Reader’s Digest ou de Hollywood. Les cénacles qui composent cette mouvance sont traversés de contradictions irrésolues, sources de querelles, de scissions, d’effondrements politiques et de ressacs, tout simplement parce qu’il n’y a pas d’accord durable possible sur l’essentiel, c’est-à-dire sur la sauvegarde des cultures et des traditions du Vieux Monde, cultures et traditions qui sont bien entendu les garantes de la souveraineté des peuples, car elles devraient, si elles retrouvaient leur authenticité, générer des formules politiques adéquates, inscrites dans la continuité historique des peuples, dans leur vécu pluriséculaire.
    En ce sens, ce paysage politique de la mouvance identitaire fragmentée, paysage tout de désolation, est, indirectement, le résultat du poids très lourd que pèse le soft power américain sur l’ensemble des cultures d’Eurasie, Russie comprise. Dans les États vassalisés de l’américanosphère (selon le terme forgé par Guillaume Faye dans les années 80), aucune opposition organisée n’a vu le jour, jusqu’ici, parce que toute émergence d’un mouvement offensif sera, à court ou moyen terme, « cassée » par une dissidence soudaine, qui agira souvent en toute bonne foi, mais sera inconsciemment téléguidée par un appareil secret, dont le siège se trouve Outre-Atlantique, où l’on ne cesse de pratiquer la « guerre cognitive », comme la nomment les stratégistes français contemporains.
    L’opposition offensive, avant d’être brisée dans son élan, reposera forcément sur une synthèse ou un syncrétisme idéologique et affectif, composé de « dérivations » et de « résidus » pour parler comme Pareto, qui sera bien évidemment fragile, présentera des failles, des faiblesses, où s’insinuera le dissensus, téléguidé par ceux qui, au sein des services, ont pour profession d’observer d’abord, d’étudier les dynamiques à l’œuvre dans le pays donné, de faire appel à des historiens et des politologues qui éclaireront leur lanterne. Il suffit de passer en revue les catalogues de certaines maisons d’édition anglo-saxonnes. Une dissidence apparaîtra qui s’appuiera sur un programme en apparence similaire, sauf quelques nuances, qui fera perdre des voix et des sièges à l’opposition de première mouture, la déforcera dans la mise sur pied de majorités parlementaires ou dans la création d’un gouvernement de coalition. On se rappellera qu’il suffisait jadis de générer des dissensions au sein du mouvement communiste à l’aide des cénacles trotskistes pour ruiner l’accession de communistes à des postes clefs. Avec les nationalistes, au discours plus flou, aux références bien plus bigarrées, le travail serait, en l’état actuel des choses, beaucoup plus aisé.
    Dénoncer Rodina pour « incitation à la haine raciale » doit tout simplement nous faire réfléchir à quoi servent les lois, règlements et dispositions qui permettent ce genre d’intervention intempestives, contraire à la liberté d’expression et même à l’esprit de tous les corpus juridiques européens, soucieux de la liberté du civis romanus ou de l’homo germanicus. Notez que je m’insurgerais avec la même véhémence contre toute loi qui interdirait le socialisme, ou punirait l’expression d’idées anarchistes, ou voudrait juguler l’expression de la religion ou bannirait toute nouvelle exploitation ou interprétation des idées de Marx et Engels (contre la nouvelle internationale du « néo-libéralisme » par ex., qui est l’idée motrice de la « globalisation » et de la « mondialisation » actuelles).
    Tous les appareils et arsenaux judiciaires qui existent en Europe, pour limiter l’expression d’idées, sont autant de dénis des libertés politiques et intellectuelles, qui servent à casser des élans et à maintenir le statu quo ou à renforcer la mainmise néo-libérale. C’est-à-dire à installer la dictature masquée des sphères économiques, ou comme ose le dire Pierre-André Taguieff, en réhabilitant par là même un concept qui était devenu sulfureux, la dictature « ploutocratique ».
    Or, au départ, les principes de la démocratie visaient à faire advenir dans nos espaces politiques une pratique quotidienne des « choses publiques » (en latin : res publicae) cherchant à briser la pesanteur des situations de statu quo. En Belgique, la loi électorale à l’échelon communal (municipal) prévoyait, au début de notre histoire politique, un exercice, comme aujourd’hui, de six années, avec renouvellement du tiers des conseils communaux tous les 2 ans, afin d’éviter les encroûtements, l’installation durable d’incapables et les pratiques de concussion sur le long terme. Aujourd’hui, cette pratique intelligente du « renouvellement », à chaque tiers de législature, est depuis belle lurette jetée aux orties, et la corruption fonctionne allègrement comme le prouvent les scandales récents, ingérables, qui ont secoué le paysage politique de villes comme Charleroi et Namur.
    Ensuite, Moshe Ostrogovski, théoricien de la démocratie dans la première moitié du XXe siècle, démontrait qu’une démocratie optimale ne peut nullement fonctionner sur base de partis politiques permanents. Si un parti politique demeure « permanent », s’impose à la société comme une « permanence » inamovible et indéboulonnable, il crée, par sa présence ubiquitaire à tous les échelons de décision de la communauté populaire, des niches d’immobilisme, contraires au principe de fluidité qu’a prétendu vouloir incarner la démocratie, au départ, en Europe occidentale. Le socialisme wallon, mais aussi le démocratisme chrétien flamand, sont des exemples devenus paradigmatiques de déni de démocratie, sous couleur d’une idéologie qui n’a de « démocratique » que le nom qu’elle veut bien se donner. Le grand sociologue Max Weber, l’idéologue italien Minghetti, avaient, à leur époque, dénoncé, eux aussi, ces dérives malsaines.
    Ce type de dénonciation est reprise aujourd’hui par le libéral belge a-typique (et qui a de gros ennuis !), Alain Destexhe. Il est en butte à la haine du bourgmestre FDF Gosuin d’Auderghem, qui a lâché des fiers-à-bras, armés de marteaux et d’autres objets contondants, contre les amis de ce politologue avisé, comme s’ils étaient de vulgaires militants « identitaires » ; preuve sans nul doute que Destexhe, dans ses critiques, a visé juste. Petite parenthèse : avez-vous déjà entendu un idéologue de la mouvance identitaire faire référence à ces corpus démocratiques, rédigé par Destexhe et son ami Eraly, pour dénoncer la fausse démocratie ambiante ? Non. Voilà une des raisons de leur stagnation.
    Je déplore donc que Jirinovski et ses co-équipiers aient choisi de telles pratiques pour exclure un adversaire politique des débats de la Douma. Ceci dit, je suis profondément intéressé par ce que je lis, et qui émane du LDPR et de sa commission géopolitique, où œuvre le géopolitologue Mitrofanov, dans les entretiens qu’a donnés Jirinovski au Deutsch National Zeitung du Dr. Frey à Munich, et surtout dans l’ouvrage universitaire que Fabio Martelli a fait paraître naguère à Bologne sur la « géopolitique de Jirinovski » (La Russia di Zhirinovskii, Il Mulino, Bologna, 1996 ; recension in Vouloir n°9, 1997).
    Cet ouvrage est important car il nous donne effectivement les grandes lignes d’une géopolitique eurasienne intéressante, dont les piliers sont les suivants :
        •    1) faire advenir un projet eurasien qui repose sur l’idée d’une fédération d’empires traditionnels régénérés (on reconnaît là une idée-maîtresse de Douguine, dont l’influence a dû s’exercer un moment sur les think tanks du LDPR) ; pour l’équipe rassemblée à l’époque autour de Jirinovski, les principales traditions impériales à ranimer sont celles de la Russie, bien évidemment, du Japon, de l’Iran, du Saint Empire romain-germanique.
        •    2) À ce quadrige d’empires devrait s’ajouter le pôle balkanique serbo-bulgare, d’inspiration byzantine et de base ethnique slave, réminiscence du projet brisé de Stepan Douchane au XIVe siècle, immédiatement avant les invasions ottomanes.
        •    3) Jirinovski parle ensuite de briser la puissance de l’Arabie Saoudite wahhabite et alliée des États-Unis, depuis le contrat pétrolier qui a uni Roosevelt et Ibn Séoud en 1945. Au wahhabisme, il faut dès lors opposer un islam plus riche, plus trempé de traditions diverses, enrichi par des syncrétisme divers, not. islamo-perse.
        •    4) Le programme de la commission géopolitique du LDPR évoque également le projet de déstabiliser les pays très fortement liés aux États-Unis, et périphériques de la masse continentale eurasienne, comme la Grande-Bretagne, en pariant là-bas sur l’élément celtique et irlandais. Ce travail ne serait possible que par le truchement d’une élite d’ascètes traditionalistes, réceptacles des cultures immémoriales du Vieux monde eurasien.
    Un programme cohérent, donc, à méditer, au-delà de toutes les querelles de chapelle.

    • 3 — Récemment les français ont pu découvrir Alexandre Dugin et aussi lire ses travaux qui empruntent à Alain de Benoist, sans s’en cacher d’ailleurs, un bon nombre de ses réflexions. Bien que Dugin soit souvent cité dans les milieux identitaires, son mouvement Evrazija (Eurasie) semble pourtant aligner des effectifs plutôt limités. Que recouvre concrètement le terme d’Eurasie ? Quelle est l’influence réelle de Dugin et de son mouvement sur la politique Russe ?
    Vous aurez appris que j’ai rencontré Alexandre Douguine, à Paris d’abord en 1991 [au XXIVe colloque du GRECE], à Moscou ensuite en 1992, et, enfin, en novembre 2005, lors de sa tournée de conférence en Belgique. On ne peut pas dire que Douguine incarne un calque russe du message de la « nouvelle droite » parisienne, du moins dans l’état actuel où se trouve celle-ci. L’évolution de ce mouvement français, rupturaliste à ses débuts, va, depuis une bonne décennie, comme l’avait très bien prévu Jean Thiriart dès la fin des années 60, dans le sens d’une confusion totale et se caractérise par l’absence de toute clarté dans le discours. Douguine, comme moi-même et bien d’autres, retient fort justement l’idée néo-droitiste initiale d’une bataille métapolitique, à gagner avant de vaincre sur le plan politique, mais, la situation française étant ce qu’elle est, avec ses verrouillages et ses interdits, de Benoist [ci-contre à côté de Douguine, à Moscou en 2008] n’a pas pu véritablement s’insérer dans les débats de la place de Paris.
    Face à cet échec, dont il n’est nullement le responsable mais la victime, de Benoist a cru bon, par toutes sortes de manœuvres rentrantes et de stratagèmes de contournement, finalement boiteux, de tenter quand même un entrisme dans le PIF (paysage intellectuel français), not. via les antennes de France Culture, où il participait à d’excellentes émissions, comme aujourd’hui, en marge du PIF, à Radio Courtoisie. Alain de Benoist s’est fait malheureusement éjecté de partout, poursuivi par la vindicte d’une brochette de vigilants hystériques. Les plus anciens de vos lecteurs se rappelleront certainement de toutes ces affaires parisiennes récurrentes, où le pauvre de Benoist était la tête de Turc, de l’affaire ridicule des candélabres SS, du complot dit des « rouges bruns » (1993), orchestrés par les Olender, Daeninckx, Monzat, Spire, Plenel et autres figures malveillantes et malfaisantes du Tout-Paris.
    Cette haine tenace, indécrottable, permanente, a déstabilisé psychologiquement le malheureux de Benoist, qui en est sorti complètement déboussolé. Peureux de nature, n’étant ni un polémiste vigoureux ni un foudre de guerre, déçu et meurtri, tenaillé par la frousse de se faire traiter de « raciste » (ce qu’il n’est assurément pas), il n’a plus cessé de se dédouaner et, dans ce misérable travail de déconstruction de soi, de ce qu’il avait été, a trahi tous ses amis, dont Guillaume Faye, exposant d’un intéressant projet « eurosibérien ». Cette trahison, peu reluisante sur le plan éthique, lui a valu des polémiques supplémentaires, dont il fit les frais, et qui émanaient cette fois de la mouvance néo-droitiste elle-même, dont un certain Cercle gibelin, aujourd’hui disparu. De Benoist est désormais pris en tenaille, d’une part, par ceux qui ont toujours voulu l’exclure des débats, et, d’autre part, par ses anciens amis qui n’acceptent pas ses trahisons. Sa position est pour le moins inconfortable.
    Les « vigilants » de la correction politique reprochaient à de Benoist d’avoir fréquenté Douguine. Et d’avoir rencontré Ziouganov, leader du PCR, et Babourine à Moscou. Pour ces « vigilants », ces petits débats moscovites, intéressants, courtois, publiés dans le journal « Dyeïnn » de Prokhanov — l’ancien directeur de Lettres soviétiques qui avait réhabilité Dostoïevski (quel crime !) — annonçaient une terrible convergence totalitaire, qui allait tout de go balayer la démocratie occidentale, provoquer comme par un coup de baguette magique la fusion entre le PCF et le FN de Le Pen, capable de devenir le premier parti de France : la figure de « Mascareigne », du fameux roman humoristique de Jean Dutourd, risquait de devenir une réalité ! On nageait en plein délire. Les rapports entre de Benoist et Douguine se sont relâchés, à la suite de ces scandales, jusqu’au moment où notre ami russe a connu le succès dans son pays, est devenu un animateur radiophonique en vue, a patronné la création de plusieurs sites internet du plus haut intérêt, sans plus éveiller la méchante verve de nos « vigilants », dont les gesticulations n’avaient pas vraiment ameuté les foules.
    Le tour de force de Douguine a été de trouver dans quelques pays de bons traducteurs de la langue russe. En Belgique, je dois à ce cher Sepp Staelmans quelques excellentes traductions de Douguine et d’articles tirés de sa revue Elementy. Les autres traductions issues du russe me viennent de jeunes et charmantes collaboratrices et stagiaires de mon bureau, et je profite de votre entretien pour les remercier une fois de plus. En Espagne et en Italie, des slavistes chevronnés, dont Mario Conserva, nous ont livré de bonnes traductions, qui ont servi de base à leurs publications en français, généralement éditées par Christian Bouchet. La stratégie de Dougine, avisée, a donc été de trouver les bons hommes aux bonnes places, partout en Europe et dans le monde.
    Pour moi, Douguine est essentiellement, sur le plan spirituel et idéologique, le traducteur et, partant, l’importateur, des idées et visions de René Guénon et Julius Evola en Russie. En ce sens, il doit plus aux travaux d’un Claudio Mutti en Italie ou d’un Antonio Medrano en Espagne qu’à de Benoist. Douguine est aussi celui qui a couplé le traditionalisme de Guénon et d’Evola à l’œuvre du Russe Constantin Leontiev. Ce dernier contestait la volonté des panslavistes modernistes à vouloir démembrer l’Empire ottoman moribond, à ramener les Balkans dans le giron d’une Europe gangrenée par la modernité ou dans celui d’une orthodoxie dont la rigueur s’affaiblissaient.
    C’est dans Leontiev qu’il faut aller retrouver les racines d’une certaine « islamophilie » de Douguine. Cette islamophilie n’est nullement d’inspiration hanbalite ou wahhabite mais renoue avec un certain soufisme caucasien, plus particulièrement azéri et perse, qui a fusionné avec le chiisme au temps des shahs séfévides. Dans ce soufisme azéri islamisé, on trouve des références à la tradition hyperboréenne, que ne retient évidemment pas l’islam saoudien. Rappelons que la dynastie des Séfévides iraniens s’est imposée à la Perse, moribonde après les invasions mongoles, grâce au concours d’un mouvement religieux et militaire azéri et turkmène, les Qizilbash, ou « chapeaux rouges », qui s’opposeront aux Ottomans sunnites et aux Ouzbeks, tout en faisant alliance avec les Byzantins en exil, le Saint Empire et l’Espagne.
    Pour clore le chapitre des rapports de Douguine et de la ND française, je rappellerais ici que, pour illustrer ce qu’est, ou a été, la ND, le site Evrazija affiche mes réponses personnelles sur cette mouvance, accordée à Marc Lüdders à la fin des années 90, dans le cadre d’un ensemble de débats, en Allemagne, sur les évolutions, involutions, mutations et métamorphoses des « nouvelles droites » (car le pluriel s’impose, effectivement !).
    Le mouvement Evrazija n’est pas un mouvement de masse, donc la question de ses effectifs me parait oiseuse. Ce qui compte, c’est son accessibilité via la grande toile, c’est la présence réelle et physique de son animateur sur la scène internationale, en Europe, aux États-Unis, au Japon, en Iran, c’est la répercussion de ses voyages dans les médias russes.
    Quant au terme « Eurasie », terme-clef dans la vision du monde de Douguine, je pense qu’il signifie surtout, pour lui, de 2 choses :

    
1) sauver au minimum la cohérence du territoire de l’ex-URSS, réceptacle potentiel d’une aire de « civilisation russe », exactement comme le Shah d’Iran parlait, à propos des zones chiites de Mésopotamie et d’Afghanistan, d’une aire de la « civilisation iranienne ». En même temps que cette cohérence territoriale du noyau russe et de ses glacis adjacents, Douguine réclame, dans sa vision eurasiste, une cohérence spirituelle en amont de l’histoire, qui se réfère au temps d’un « âge d’or », contrairement à la cohérence en aval que postulait le communisme messianique, qui œuvrait pour l’avènement d’une félicité planétaire au terme de l’histoire, après l’élimination de tous les reliquats du passé (« Du passé, faisons table rase ! »). Cette cohérence en amont permet de sauter au-dessus des clivages religieux et ethniques et d’unir tous les tenants de la « Tradition primordiale », dont dérivent toutes les traditions actuelles (ou ce qu’il en reste), dans une même phalange, contre l’idéologie moderniste de l’Occident américanisé ;
    2) de donner, à l’instar des nombreux eurasistes russes des années 20, qu’ils aient été blancs ou rouges, en URSS ou en exil, ou qu’ils se soient situé idéologiquement entre les 2 pôles de la terrible guerre civile, comme les « monarchistes bolcheviques », une dimension dynamique à références scythes, mongoles ou tatares. Pour les eurasistes des années 20, comme pour le panslaviste Danilevski au XIXe siècle, comme pour le Spengler tardif, les sociétés sédentaires d’Europe occidentale ont fait vieillir les peuples prématurément, en ont fait de petits rentiers craintifs, des boursicotiers ou des ronds-de-cuir, alors qu’une idéologie sauvage, conquérante et cavalière, comme celle, implicite, des conquérants mongols unificateurs de l’Eurasie quand ils étaient au sommet de leur gloire, aurait permis de garder la jeunesse et, partant, la créativité. Pour Douguine, tous les unificateurs de l’Eurasie, quelle que soit leur carte d’identité raciale, sont des modèles à rappeler, à exalter et à imiter. Douguine a parfois parlé de la Russie, du Continent russe, comme le fruit de la fusion idéale entre éléments slaves (indo-européens) et turco-mongols.
    À ces 2 piliers principaux de la vision douguinienne du mouvement eurasiste, il faut ajouter la connaissance de la géopolitique allemande de Karl Haushofer, penseur de l’idée du « quadrige grand-continental », avec la Russie soviétique, l’Allemagne hitlérienne, l’Italie mussolinienne et le Japon shintoïste.
    Mon compatriote et ancien voisin de quartier, Jean Thiriart, qui fit également le voyage à Moscou avant de mourir en novembre 1992, avait théorisé l’idée d’une grande Union Soviétique, étendue à l’ensemble de la masse continentale eurasienne, portée par un communisme corrigé par la philosophie nietzschéenne (réétudiée en URSS par le philosophe Odouev), et par là même, futuriste, toujours hostile aux religions établies. Thiriart et Douguine s’entendaient bien, même si leurs visions étaient diamétralement opposées sur le plan religieux. Il faut relire aussi les textes derniers de Thiriart, not. dans les diverses revues « nationales bolcheviques », publiées à l’époque par Luc Michel, et dans Nationalisme & République, organe animé par Michel Schneider, vieil admirateur français de Thiriart.
    L’influence de Douguine sur la politique russe ne peut pas se mesurer de manière précise : disons qu’il est un exposant de vérités russes, eurasiennes, parmi beaucoup d’autres exposants. Comme dans le cas de la Révolution conservatrice allemande des années 20, qui fut un foisonnement luxuriant, Douguine, au sein de l’anti-conformisme russe actuel, occupe une place de choix, parmi bien d’autres, dans un paysage idéologique tout aussi luxuriant.

    • 4 — Tous ces mouvements précédemment évoqués semblent plus ou moins soutenir la politique de Poutine. Est-ce vraiment le cas ? Faut-il en conclure que le personnage de Poutine n’est pas exempt d’aspects intéressants au regard d’un identitaire ? Peut-on lui faire confiance ?
    Douguine a très bien expliqué que Poutine, dans le contexte d’une Russie démembrée, est le « moindre mal ». Douguine insistait pour nous expliquer qu’à son avis la faiblesse du poutinisme réside tout entière dans son incapacité à générer une élite ascétique alternative, suffisamment bien armée et structurée, pour faire face à toutes les éventualités. Il dit ainsi, en d’autres termes, ce que j’ai tenté de vous expliquer dans l’une de vos questions précédentes : en Russie aujourd’hui, comme en Europe ou ailleurs dans le monde, la plus extrême difficulté, à laquelle nous allons tous devoir faire face, est de remettre une élite politique sur pied, à même de comprendre les rouages impériaux et traditionnels, de connaître notre histoire sans les filtres médiatiques, qui faussent tout.
    Il faut un temps infini pour reconstituer une élite de ce type, telle que l’avait si bien définie, en son temps, l’Espagnol José Ortega y Gasset. Pour l’instant, sans cette élite alternative, sans les glacis qui membraient jadis le territoire russe, sans les masses financières dont disposent ses adversaires, Poutine n’a évidemment pas les moyens de faire une grande politique russe tout de suite, de mettre « échec et mat » ses adversaires en un clin d’œil. Il doit avancer au coup par coup, à petits pas, travailler avec les moyens du bord, en affrontant le travail de sape des oligarques, des fondations néo-libérales, des agences médiatiques américaines.
    Poutine gagnera la bataille, mais uniquement s’il parvient, comme nous l’a démontré notre ami autrichien Gerhoch Reisegger dans les colonnes d’Au fil de l’épée, à réaliser les projets eurasiens d’oléoducs et de gazoducs, entre la Chine, le Japon, les 2 Corées, l’Inde, l’Iran et l’Europe. Le pétrole et le gaz fourniront à la Russie, du moins si les oligarques n’en détournent pas les fonds, les moyens de sortir de l’impasse. Mais ce projet général est systématiquement torpillé par les États-Unis et leurs alliés saoudiens wahhabites.
    La Tchétchénie se situe sur le tracé d’un oléoduc amenant le brut des rives de la Caspienne. La Géorgie devait théoriquement accueillir les terminaux sur la Mer Noire ; elle pratique une politique anti-russe, dont les derniers soubresauts ont émaillé les actualités fin septembre début octobre 2006. Pour alimenter l’Allemagne, il a fallu contourner les nouveaux membres de l’OTAN en Europe de l’Est, la Pologne et la Lituanie.
    La grande guerre pour le pétrole est celle qui se déroule sous nos yeux, mais elle ne fonctionne plus comme les 2 grandes conflagrations de 1914 et de 1939. La guerre a pris d’autres visages : celui de la guerre cognitive, celui de la guerre indirecte, celui du low intensity warfare, celui des guerres menées par personnes ou tribus interposées.

    • 5 — Seul le Parti National Bolchevique, à l’esthétique pour le moins provocante et conduit par le célèbre écrivain Eduard Limonov, entretient une véritable agitation contre le pouvoir Poutinien. Dans son opposition systématique au Kremlin, il est allé jusqu’à s’allier aux mouvements pro-occidentaux et libéraux. N’est-ce pas un peu paradoxal ? Que penser de ce mouvement et de son chef qui semble compter quelques soutiens parmi de nombreux intellectuels français de gauche comme de droite ?
    Pour moi, Edouard Limonov reste essentiellement l’auteur d’un livre admirable : Le Grand Hospice occidental. Dans cet ouvrage, publié en français, Limonov reprenait à son compte un vieux thème de la littérature russe, celui du vieillissement prématuré et inéluctable de l’Occident [Zapad]. On le retrouve chez les slavophiles du début du XIXe siècle, qui considéraient les peuples latins et germaniques comme « finis », comme des peuples qui avait épuisé leurs potentialités, bref comme des peuples vieux.
    Danilevski, dans une perspective non plus slavophile et donc ruraliste et paysanne, mais dans une perspective panslaviste plus moderniste et offensive, réactualisait, quelques décennies plus tard, la même idée. Plus récemment, un auteur, mort dans la misère à Moscou en 1992, Lev Goumilev, qui a influencé Douguine, évoquait la perte de « passion », de « passionalité », chez les peuples en voie de déclin (sur Goumilev et son influence sur les nouvelles droites russes, voir l’ouvrage universitaire très fouillé de Hildegard Kochanek, Die russisch-nationale Rechte von 1968 bis zum Ende der Sowjetunion, F. Steiner Verlag, Stuttgart, 1999). Moeller van den Bruck, traducteur allemand de Dostoïevski et figure de proue de la Révolution conservatrice, parlait de « révolution des peuples jeunes », parmi lesquels il comptait les Italiens, les Allemands et les Russes. Pour lui, les peuples vieux, étaient les Anglais et les Français.
    Limonov ne veut pas que la Russie devienne un « hospice », comme l’Occident qu’il fustigeait à sa façon, en d’autres termes que Zinoviev quand ce dernier démontait les mécanismes de l’occidentisme. Mais, à lire attentivement les 2 ouvrages, celui de Limonov et celui de Zinoviev, on trouvera sans nul doute des points de convergence, qui critiquent l’étroitesse d’horizon, la nature procédurière, voire judiciaire, des rapports sociaux, en Occident.
    Cette horreur du vieillissement et de l’encroûtement, que subissent effectivement nos peuples, a amené bien évidemment Limonov à une autre nostalgie, intéressante à noter : celle de la littérature engagée, celle de l’écrivain combattant, militant, auréolé d’un panache d’aventurier. Jean Mabire, récemment décédé, n’avait jamais cessé de nous dire, justement, que cette littérature-là est la plus séduisante de nos 2 derniers siècles, qu’elle est impassable, qu’on y reviendra inlassablement. Limonov, fidèle à ce double filon, celui de la jouvence russe et celui de l’engagement, a forcément posé une esthétique de la révolution et de la provocation, de la bravade, celle que vous évoquez dans votre question.
    Cette esthétique est comparable à celle des écrivains du temps de la guerre d’Espagne ou à celle des rédacteurs de Gringoire ou Je suis partout en France, autant d’écrivains engagés, dont le plus connu demeure évidemment André Malraux, avec sa Voie royale et son action dans l’aviation républicaine. Il y a eu des Malraux communistes, fascistes et gaullistes. Limonov entend faire la synthèse de ces gestes héroïques, de ces postures mâles, politisées, impavides, picaresques, et de les incarner en sa propre personne.
    Limonov a donc pris la pose de ces écrivains des années 30, dans un contexte contemporain où ce type d’attitude est totalement rejeté et incompris, car nous ne sommes plus du tout dans une période héroïque de l’histoire, mais dans une période plate et triviale. Cet anachronisme apparent, qui déroute et choque, rend évidemment Limonov sympathique à tous ceux qui, à gauche comme à droite, regrettent le bel âge des engagements totaux.
    Embastillé naguère pour ses multiples frasques par Poutine ou par un juge nommé par Poutine, Limonov, en toute bonne logique révolutionnaire/littéraire, se mettra à combattre, sans répit et de manière inconditionnelle, celui qui l’a fait jeter dans un cul-de-basse-fosse. Et là, nous débouchons immanquablement sur les paradoxes que vous soulignez. Un ultra-national-bolchevique, haut en couleur, au talent littéraire avéré, qui s’allie à des libéraux pour lutter de concert contre un régime présidentiel parce que celui-ci ne les autorise pas à marchander et à trafiquer à leur guise, c’est bien entendu un paradoxe de belle ampleur ! Mais ce n’est certes pas la première fois dans l’histoire que cela se passe…
    Il n’y a rien à « penser » du mouvement de Limonov. Il y a à constater son existence, à observer ses vicissitudes. Sans entonner des louanges déplacées. Sans tonner de condamnation pour se dédouaner. Le phénomène Limonov, comme tout phénomène du même acabit, comme celui d’Erich Wichman en Hollande dans les années 20 et 30, comme le phénomène Van Rossem en Belgique il y a une quinzaine d’années, sont nécessaires au bon fonctionnement d’une communauté politique. Les outrances ne déplaisent qu’aux rassis et aux moisis. Elles mettent en exergue des disfonctionnements avant que tous les autres ne s’en rendent compte. Elles font office de signaux d’alarme.
    Personnellement, je n’ai jamais rencontré Limonov. Le Français qui l’a le mieux connu, et l’a défendu en organisant pour lui un comité de soutien, est Michel Schneider, l’ancien animateur de la revue Nationalisme & République.

    • 6 — D’autres mouvements plus marginaux, comme l’Union Russe Nationale, aux sympathies ultra-orthodoxes et au nationalisme traditionnel, semblent constituer une nébuleuse insaisissable. Quel est le potentiel de ces multiples mouvements dont le discours est un subtil mélange de panslavisme, d’anti-américanisme, d’orthodoxie et parfois même de communisme ?
    Comment voulez-vous que je vous réponde, si la nébuleuse est insaisissable ? Comment voulez-vous que je la saisisse ? Comme les bravades de Limonov à l’avant-scène, sous les feux de la rampe, les nébuleuses, en arrière-plan, comme « fond-de-monde », sont tout aussi nécessaires. Dans le contexte qui nous préoccupe, vous énumérez les ingrédients de la nébuleuse, tous ingrédients consubstantiels à la culture russe. Vous oubliez simplement la slavophilie, présente dans des réseaux comme Pamiat, au début de la perestroïka. La slavophilie, comme toutes les références völkisch (folcistes) est évidemment insoluble dans le libéralisme et la globalisation, puisque ses références sont le peuple particulier, face à un monde d’élites dénationalisées. Aucune « généralité » philosophique ou politique ne trouve grâce à ses yeux.
    Le panslavisme hisse cette slavophilie à un niveau quantitativement supérieur, veut une union de tous les Slaves, qui ne s’est pas réalisée parce les clivages confessionnels sont demeurés plus forts que l’appel à l’unité. Entre Catholiques polonais et Uniates ukrainiens, d’une part, Orthodoxes russes et autres, d’autres part, sans oublier la tradition laïque ou hussite en Bohème, entre Catholiques croates et Orthodoxes serbes, les fossés sont chaque fois trop grands, n’ont jamais pu être comblés, en dépit des exhortations et des proclamations. Si le panslavisme n’a pas fonctionné, comment voulez-vous, dès lors, que cette russéité, ou ces identités slaves non russes, s’évanouissent dans une panmixie planétaire ?
    L’orthodoxie, bien plus conservatrice que le catholicisme, dans ses formes et sa liturgie, constitue bien entendu un rempart plus solide encore contre la mondialisation et ses effets pervers. Quant au communisme, aujourd’hui, il n’est plus du tout la pratique quotidienne de la révolution, l’espoir d’un monde meilleur, mais un reliquat du passé. Le réflexe conservateur inclut désormais l’idéologie révolutionnaire dans ses nostalgies, parce que cette idéologie ne meut plus rien, ne participe pas à la grande marche en avant éradicatrice de la modernité : l’idéologie de la globalisation, de la table rase, de l’éradication, c’est désormais le néo-libéralisme et non plus la vieillerie qu’est devenue le communisme.
    Dès l’heure de la perestroïka, le philosophe Mikhaïl Antonov avait repris la critique du matérialisme économique énoncée au début du XXe par des figures comme Soloviev et Boulgakov. Pour leur discipline et actualisateur Antonov, les idéologies matérialistes, comme le capitalisme et le socialisme se réclamant du matérialisme économique, sont responsables des catastrophes du XXe siècle et de l’effondrement de l’économie soviétique. La disparition du communisme strict, sous Gorbatchev, ne conduira, pensait Antonov, qu’à un accroissement du bien-être matériel, ce qui maintiendra, pour son malheur, la Russie dans une forme seulement plus actualisée du soviétisme moderniste, lui-même issu du matérialisme bourgeois occidental.
    Pour éviter cet enlisement, l’économie doit se référer à des traditions nationales russes, moduler ses pratiques sur celles-ci, et ne pas adopter des modèles occidentaux, américains, néo-libéraux. Le publiciste nationaliste Sergueï Kara-Mursa, poussant plus loin encore les thèses d’Antonov, affirme que le capitalisme est intrinsèquement étranger à l’âme russe, incompatible avec les principes de fraternité de la chrétienté orthodoxe, fondements du caractère national russe et matrices de ses orientations socialistes spontanées et particulières, inaliénables et pérennes.
    L’ouverture que constituait la perestroïka était dès lors perçue, par des hommes comme Antonov et Kara-Mursa, comme une tentative de miner les fondements moraux et spirituels du peuple russe et de lui injecter, par la même occasion, le « poison » de la civilisation capitaliste occidentale. Les théories d’Antonov seront rapidement reprises par Ziouganov dans le programme du PCR, ce qui explique la mutation profonde de ce parti, qui renonce ainsi à tout ce que le communisme avait de rébarbatif et d’inacceptable, et, par voie de conséquence, explique toutes les convergences entre nationaux et communistes, objets de cet entretien.
    Dans la nébuleuse, que vous évoquez, c’est la notion de fraternité qui est cardinale, qui est le point de référence commun. Elle est effectivement incompatible avec le néo-libéralisme, idéologie de la globalisation. Elle postule le solidarisme, soit un socialisme de la fraternité, d’où ne sont pas exclues les dimensions religieuses.

    • 7 – Les médias occidentaux ont attribué la paternité des violences ethniques survenues en Carélie, dans la ville de Kondopoga, à un mystérieux mouvement russe contre les migrations illégales, le DPNI. Qui se cache derrière cette organisation et quelle force représente-t-elle concrètement ? Le DPNI semble jouir d’une certaine sympathie auprès de la population russe, est-ce le cas ?
    L’affaire de Kondopoga est évidemment un fait divers tragique, comme nous en connaissons à profusion en Belgique et en France. Cette année, à Arlon et à Ostende, des bandes tchétchènes ont tué un jeune, rançonné des fêtards, ravagé une discothèque. Les brigades spéciales de la police fédérale de Bruges ont dû intervenir à la côte. Ces énergumènes ont évidemment un sentiment de totale impunité : ils se posent comme les victimes de Poutine et de l’armée russe. Ils sont des résistants intouchables, adulés par un journal comme le Soir. À Arlon, à la suite de l’assassinat sauvage d’un jeune homme tranquille de 21 ans, une « marche blanche » de plus de 2.000 personnes a défilé, réclamant la dissolution des bandes tchétchènes. La presse n’en a pas dit un mot !
    En Russie, et surtout dans cette zone excentrée de la Carélie, la foule n’a pas eu recours à une « marche blanche », mais s’est exprimée d’une autre façon, plus musclée.
    Je ne peux évidemment juger du capital de sympathie ou d’antipathie dont bénéficie le DPNI en Russie. On peut simplement constater en Europe comme en Russie une lassitude de la population face à des exactions commises par des diasporas agressives et déboussolées.

    • 8 – L’antenne russe du site internet Indymedia, qui se revendique un média alternatif et dont la tonalité est clairement altermondialiste, a récemment suscité la polémique. Certains militants antiglobalisation accusaient son animateur, Vladimir Wiedemann, de sympathie avec la Nouvelle Droite. Plus largement, existe-t-il en Russie des connexions entre la mouvance antiglobalisation et des éléments d’obédience nationale-identitaire ?
    Vladimir Wiedemann est l’un des hommes les plus charmants, que j’ai rencontré. J’ai fait sa connaissance dans le Fichtelgebirge en Allemagne et nous nous sommes promenés, avec le Dr. Tomislav Sunic venu de Croatie, dans les rues de Prague. C’était à l’occasion d’une Université d’été allemande en 1995. Depuis, V. Wiedemann a participé à plusieurs universités d’été et à des séminaires de Synergies européennes ou de la DESG/Deutsch-Europäische Studien Gesellschaft, organisation sœur en Allemagne du Nord. Wiedemann a ensuite négocié avec les altermondialistes d’Indymedia l’ouverture, sous sa houlette, d’une antenne russe de ce réseau de sites contestataires. C’est bien sûr ce qui a déclenché le scandale après quelques mois.
    Je ne sais pas si l’on peut qualifier V. Wiedemann d’exposant de la ND. Ses positions sont bien différentes. Surtout quand il évoque la nécessité de retrouver des racines byzantines et orthodoxes pour refonder l’impérialité russe. La renaissance russe passe donc, à ses yeux, par une théologie impériale, de facture byzantine, où l’Empereur est simultanément chef de guerre et pontifex maximus.
    Cette position orthodoxe pure met évidemment Wiedemann en porte-à-faux avec une ND, du moins en France, qui valorisait l’Empereur, et surtout Frédéric II de Hohenstaufen à la suite de Benoist-Méchin, mais un empereur qui s’était débarrassé au préalable de tous les oripeaux du christianisme et ne régnait que par son charisme personnel et par la gloire de ses actions, sans référence à un au-delà ou à une métaphysique quelconque. Wiedemann va même plus loin : cette théologie impériale byzantine doit être capable, à terme, de générer un « espace juridique et impérial unitaire et grand continental », expliquait-il lors de l’Université d’été du Fichtelgebirge.
    Nous n’avons plus affaire, comme chez Douguine, à une référence à l’eurasisme des années 20, d’inspiration scythique ou panmongoliste, complétée par une réflexion sur les thèses ethnogénétiques de Goumilev, ni à un futurisme technocentré et technomorphe comme chez Thiriart ou Faye, mais à une tradition religieuse romaine, dans l’expression qu’elle s’était donnée à Byzance, au temps de sa plus grande gloire. Wiedemann prend très au sérieux, et sans nul doute plus au sérieux que tous les autres exposants du non conformisme identitaire russe contemporain, le rôle dévolu à la Russie après la chute de Constantinople en 1453 : celui d’être une « Troisième Rome », qui reprendrait intégralement à son compte le système traditionnel de l’impérialité incarnée par le Basileus byzantin (cf. V. Wiedemann, « Russie : arrière-cour de l’Europe ou avant-garde de l’Eurasie ? », in : Vouloir n°6, 1996).
    Quant aux connexions entre altermondialistes et identitaires, elles existent de facto potentiellement, à défaut d’exister in concreto sur le plan organisationnel, car une hostilité au déploiement néo-libéral planétaire actuel est plus conforme aux discours, épars aujourd’hui encore, des identitaires qu’à ceux des altermondialistes de gauche. Ceux-ci rejettent tout autant les obligations et les devoirs qu’implique une identité, ou, plus exactement, une imbrication dans une continuité historique particulière et non interchangeable, que les capitalistes globalistes contre lesquels ils s’insurgent. Au discours globaliste de Davos, ils opposent un autre discours globaliste, également sans frontières, sans ordre, sans garde-fou. Quand des militants de l’antenne wallonne de Terre & Peuple, de concert avec des militants de Nation, m’avaient demandé de parler de l’Europe et de la globalisation en novembre 2005 à Charleroi, j’ai utilisé, pour parfaire et étayer ma démonstration, les nombreux petits ouvrages diffusés par ATTAC, en en corrigeant les outrances ou les dérapages ou les insuffisances, mais aussi en montrant tous les points de convergence qui pouvaient exister entre eux et les positions de Synergies européennes.
    Wiedemann a dû poser exactement la même analyse en Russie : il s’est présenté et est devenu tout naturellement l’animateur d’Indymedia-Russie. Sa haute intelligence doit rendre ce site-là bien plus intéressant que les autres émanations d’Indymedia. Wiedemann ne doit publier que des textes pertinents, en expurgeant toute la phraséologie post-soixante-huitarde, tous les dégoisements gnangnan que cet altermondialisme officiel produit. D’où les colères impuissantes qu’il a suscitées.
    ► Fait à Forest-Flotzenberg, octobre 2006. Paru dans ID n°7, 2006. http://vouloir.hautetfort.com
    * : Le bateau coule : Discours de réception à l'Académie des Beaux-Arts, éd. Libertés, 1989. Un appel aux européens pour sauver leurs arts, leurs avant-gardes, leurs réflexes philosophiques et religieux profonds. Discours prononcé avant l'entrée de l'auteur au Parlement de Strasbourg, ce texte recèle un vigoureux plaidoyer contre l'hollywoodisme, contre l'intervention des marchands dans le monde des arts. Claude Autant-Lara milite pour sauver le cinéma français et européen, victime de la bourgeoisie ploutocratique, du mauvais goût des esprits bas qui cherchent à se donner bonne conscience en prononçant des discours aussi généreux dans la forme qu'insipides dans le fond. Le vieux cinéaste, le parlementaire qui a osé dire comme l'enfant d'Andersen que « le roi est nu », s'est attiré la haine féroce des voleurs et des escrocs de la politique, a suscité la méchanceté insondable de tous les les abominables médiocres qui ont tué la culture européenne, de tous ceux que le sublime aveugle, qui confondent liberté d'expression et étalage des turpitudes, des bassesses, des petites saletés qui encombrent toutes les âmes. Ceux qui injurient Autant-Lara ne méritent que nos crachats, autant qu'ils sont. Surtout les "socialistes" [alors au gouvernement au moment du scandale journalistique] et les hommes de gauche qui ont vendu leur âme par conformisme, qui ont baissé la garde pour des mangeoires, qui ont oublié leur jeunesse contestataire, qui ont oublié que, jadis, ils voulaient que l'imagination prenne le pouvoir. 

  • Crise du Mali, réalités géopolitiques (3eme partie) : intérêts pétroliers et autres intérêts – Par Aymeric Chauprade

    Les intérêts pétroliers

    Le Mali possède 5 bassins sédimentaires dont le potentiel pétrolifère est avéré :

     

    • bassin de Taoudenni (au nord et vers la frontière mauritanienne) : 600 000 km2 pour le seul Mali mais 1,5 million de km2 partagés entre Mali, Algérie, Mauritanie, Niger. Schites riches en matière organique. Il serait comparable au bassin d’Illizi en Algérie.
    • le fossé (ou graben) de Gao : 15 000 km2, un seul puit à l’heure actuelle.
    • les bassins contigus de Iullemeden et Tasmena (à l’Est et frontaliers avec le Niger), 80 000 km2, deux puits à l’heure actuelle ; comparable au bassin de Doba au Tchad ou aux bassins d’affaissement paléozoïque d’Algérie.
    • fossé de Nara au centre, près de Mopti, également comparable au bassin Crétacé de Doba au Tchad soit aux bassins d’affaissement paléozoïque d’Algérie.

    L’AUREP, l’Autorité pour la Recherche pétrolière au Mali soutient que le sous-sol du pays est très potentiel pour le gaz et le pétrole et le directeur Afrique du Nord de Total, Jean-François Arrighi de Casanova va dans ce sens quand il parle lui de “nouvel eldorado pétrolier” à propos de la zone Mauritanie/Mali/Niger.

    Cependant, à ce jour, le Mali compte encore un faible nombre de puits et son sous-sol reste sous-exploité.

    Pour l’instant, Total est surtout présent chez le voisin mauritanien.

    La multinationale d’origine française est présente dans l’exploration sur les permis Ta7 et Ta8 de la partie mauritanienne du bassin de Taoudéni mais en partage avec les Algériens et les Qataris. Total possède 60%, la Sonatrach (Algérie) 20% et Qatar Petroleum International 19%.

    S’agissant du permis Ta8, le forage du puits d’exploration s’est achevé en 2010 et le résultat est décevant. Sur le bloc Ta7, une campagne d’exploration sismique est en cours depuis 2011.

    L’exploration on-shore s’est étendue avec un nouvel accord, en janvier 2012, entre Total et le gouvernement mauritanien. Cet accord donne à Total une participation de 90% en tant qu’opérateur sur le bloc Ta29 situé dans le désert du Sahara, à 1000 km à l’est de Nouakchott et au nord du bloc Ta7. Les 10% restants sont entre les mains de la SMH, la compagnie nationale mauritanienne.

    Les intérêts de Total dans la zone ne se limitent pas à l’on-shore. Ils portent aussi sur le off-shore :

    • accord Total/gouvernement mauritanien de décembre 2011 pour le bloc off-shore C7 (bassin côtier).
    • accord Total/gouvernement mauritanien de janvier 2012 pour le bloc C9 (Total 90%, SMH 10%) situé à 140 km à l’ouest des côtes mauritaniennes et qui s’étend sur plus de 10 000 km2 par 2500 à 3000 m de fond.

    Signalons à l’attention de ceux qui pourraient, un peu trop rapidement, être choqués par un partage 90/10 entre Total et la SMH, que l’exploration nécessite des investissements colossaux que seul Total peut amener.

    Il faut bien comprendre que la chute du régime de Kadhafi ouvre, dans toute l’Afrique du Nord et au Sahel en particulier, la perspective d’une vaste redistribution des cartes en matière pétrolière et gazière.

    S’agissant du Mali et de la Mauritanie, Total, la Sonatrach algérienne et la compagnie qatarie ont des intérêts à la fois communs et rivaux. La capacité de ces compagnies à peser sur les gouvernements africains concernés sera en effet d’autant plus forte que l’influence de leur État d’appartenance sera grande.

    Il est essentiel de comprendre que la distribution des blocs, et des parts relatives à l’exploitation des blocs, est intimement liée aux rapports de force géopolitiques entre la France, l’Algérie et le Qatar.

    Regardons maintenant la question de l’or et des autres richesses minières

    Le Mali est le troisième producteur d’or du continent africain après l’Afrique du Sud et le Ghana. En 2011 il a produit 56 tonnes d’or sur une production minière mondiale d’or qui oscille selon les années entre 2000 et 2500 tonnes.

    Voici le classement 2011, production annuelle et réserves prouvées

    1. Chine : 355 t/1900 (en 2007 la Chine est passée devant l’Afrique du Sud)
    2. Australie : 270/ 7400
    3. États-Unis : 237 t/3000
    4. Russie : 200 t/5000
    5. Afrique du Sud : 190 t/6000
    6. Pérou : 150 t/ 2000
    7. Canada : 110 t/ 920
    8. Ghana : 100 t/ 1400
    9. Indonésie : 100 t/ 3000
    10. Ouzbékistan : 90 t/1700

    Le Mali est très prometteur dans ce domaine et devrait bientôt dépasser le Ghana devenant alors le 2e producteur d’or du continent africain.

    En 2011, le Mali est devenu producteur de minerai de fer (exploitation de Tienfela). Il dispose également d’un potentiel élevé en manganèse et produit du phosphate. Ses réserves de bauxite sont estimées à 1,2 million de tonnes et pourront être exploitées dans un futur proche. Un potentiel en lithium, diamant, kaolin et pierres gemmes est également identifié, sans compter bien sûr l’uranium dont nous avons déjà parlé.

    Il me semble important d’insister sur l’or. N’oublions pas que nous sommes dans un contexte de dépréciation des grandes monnaies mondiales comme le dollar et l’euro. Les banques centrales comme de nombreux opérateurs financiers sont en train d’assurer leur avenir en achetant de l’or physique. L’Allemagne a pris la décision historique de rapatrier une partie de ses stocks d’or physique détenus à New York, Londres et Paris et de très nombreux pays font de même. La Suisse est maintenant, après l’Allemagne, touchée par le mouvement the “Swiss Gold Initiative”, initiative lancée par 4 membres du Parlement suisse en mars 2012 visant à exiger le rapatriement de l’or de la BNS (Banque nationale suisse) laquelle refuse d’indiquer dans quel(s) pays se trouve son stock d’or.

    Un exemple récent encore (et ils se multiplient presque chaque semaine) : le Fonds d’État pétrolier de l’Azerbaïdjan (SOFAZ) a retiré une tonne de son or physique des coffres de J.P Morgan à Londres pour le placer dans les coffres sécurisés de la Banque centrale de Bakou.

    Tout le monde est en train de réaliser que les banquiers anglo-saxons ont tout simplement vendu ou “joué” l’or que des États et fonds souverains leur avaient confié.

    Et le mouvement se propage !

    Washington et Londres – les Français ont sans doute été les plus honnêtes avec les Allemands puisqu’ils ont annoncé qu’ils restitueraient rapidement les lingots ce qui laisse à penser que la France a vendu… son or et non celui des Allemands!- ont déjà annoncé qu’il leur faudrait 7 ans pour restituer à l’Allemagne son or, ce qui signifie très probablement que ces pays n’en disposent plus.

    Songez encore que la FED refuse d’apporter la preuve que l’or américain existe encore! Que peut-il bien en être alors de l’or allemand confié aux États-Unis?

    L’or n’y est probablement plus, comme le soutient le GATA (Gold Anti-Trust Action Committee) car il aura été prêté aux banques d’affaires et vendu sur les marchés afin de maintenir les cours sous pression et de sauver la confiance dans l’argent papier.

    Les mauvaises langues insinuent que les États-Unis et la France pourraient se servir dans les mines d’or du Mali où il sera facile d’opérer à l’abri du monde.

    Les intérêts qataris

    Le Qatar porte une responsabilité évidente dans les révolutions de Tunisie, d’Égypte, de Libye (il a financé les islamistes de Cyrénaïque à l’origine du déclenchement de la révolution avant que les militaires qataris ne jouent eux-mêmes un rôle opérationnel actif, au sol, auprès des forces spéciales occidentales), de Syrie (il finance les rebelles islamistes, tout comme l’Arabie Saoudite, la France, la Grande-Bretagne et les États-Unis).

    L’action du Qatar est également prouvée au Mali où l’émirat a directement financé les groupes Mujao et Ansar Dine (tandis, je le répète, qu’AQMI est un faux-nez des services algériens) et son influence se dissimule derrière l’action opérationnelle du Croissant rouge qatari.

    Le 6 avril 2012, le journal malien l’Indépendant, relatait qu’un avion cargo qatariote avait atterri à Gao pour livrer des armes et des stupéfiants aux rebelles touaregs. La drogue est en effet une source de revenu essentielle des rebellions dans le monde, et ce sont des services secrets étatiques qui la fournissent souvent directement aux seigneurs de la guerre et aux mafieux ; certains pays savent en effet recycler leurs saisies policières et douanières en outil de financement de guerres occultes aux mains des services secrets. Pour en revenir à l’article de l’Indépendant, un comité d’accueil a été formé autour de l’avion sous la direction d’Iyad Ag Ghaly, leader touareg du mouvement salafiste Ansar Dine qui contrôlait à ce moment Tombouctou et Kidal. Ancien consul du Mali à Djeddah (mais menacé d’expulsion par les Saoudiens en 2010 il est revenu au Mali, sans doute récupéré par les Saoudiens par les Qataris eux-mêmes farouches ennemis des Saoudiens), ce touareg avait profité d’années d’activité dans le Golfe pour développer ses connexions islamistes.

    D’autres sources maliennes affirment qu’après la prise de Tessalit par les islamistes, le 10 mars 2012, un avion cargo du Qatar avait aussi atterri dans cette localité pour y livrer une quantité importante d’armes modernes, des munitions, des 4×4.

    Le Qatar a tout fait pour favoriser Ansar Dine, branche dissidente et islamiste du MNLA, contre la branche historique et nationaliste des Touaregs.

    Par ailleurs, il faut remarquer qu’en janvier 2012, l’émir du Qatar s’est brouillé violemment avec le président mauritanien, Ould Abdel Aziz. Le Figaro du 12 janvier 2012 relate les faits suivants, qui sont d’une extrême gravité quand on connaît la culture du Golfe : “L’émir du Qatar a voulu donner certaines directives au président Abdel Aziz, usant d’un ton comminatoire, et menaçant d’utiliser sa chaîne al-Jazeera pour faire éclater une révolution en Mauritanie, comme en Tunisie et en Égypte. Le chef de l’État mauritanien, un militaire, a alors explosé et a congédié l’émir”.

    Cette affaire a forcément fragilisé les intérêts du consortium Total/Qatar Petroleum International en Mauritanie (voir les accords plus haut).

    Le Qatar, qui joue un rôle important dans la nouvelle donne pétrolière et gazière en Libye, veut étendre son influence dans le Sahel (Mauritanie et Mali) et utilise les groupes islamistes à cet effet.

    Quelle est la vision stratégique qui sous-tend ces actions? Le Qatar détient 15% environ des réserves prouvées de gaz. Trois acteurs, la Russie, l’Iran et le Qatar détiennent à eux trois 60% des réserves prouvées du monde. En essayant d’étendre son emprise sur le Moyen-Orient (Syrie) et sur le Sahara (Libye, Sahel et demain l’Algérie sur laquelle plane la menace d’une révolution arabe soutenue par Doha), le Qatar, de concert avec les États-Unis, veut couper l’Europe de la Russie (principal fournisseur de gaz des Européens) et remplacer Moscou et Alger.

    Les investissements du Qatar dans les actifs stratégiques français vont dans le même sens. En s’appuyant sur l’islam en France, en contrôlant des parts croissantes d’actifs stratégiques, le Qatar veut pouvoir influer sur la décision politique française (ce qui s’est passé entre l’émir du Qatar et le président Sarkozy laisse hélas présager de ce qui pourrait se passer demain lorsque de nombreux parlementaires français seront mis sous influence).

    Et l’on voit bien où cela pourrait mener… à renforcer un lobbying actif pour faire sortir la France du nucléaire et pousser celle-ci à aller davantage encore vers le gaz (car évidemment les énergies renouvelables ne peuvent être que des composantes minoritaires dans un mix énergétique).

    Les intérêts américains

    Après le 11 septembre 2001, sous prétexte de lutte contre le terrorisme islamique, les Américains ont augmenté leur effort d’implantation sur le continent africain, en particulier dans les zones d’influence traditionnelles de la France.

    Depuis 2002, 1700 soldats américains sont basés à Djibouti, point d’implantation historique de la France. Depuis 2003, les Américains ont développé avec les pays de la frange saharienne la PSI (Pan Sahel Initiative), un programme d’assistance militaire aux pays sahéliens, qui concerna au départ le Tchad (où la France est pourtant militairement présente), le Mali, la Mauritanie et le Niger, avant de s’étendre en 2005 au Maroc et au Nigeria pour devenir la TSCTI (Trans Saharan Counter Terrorism Initiative). En décembre 2008, les Américains ont créé un commandement stratégique dédié à l’Afrique (à l’exception de l’Égypte qui reste attachée au CENTCOM, le commandement en charge des opérations au Moyen-Orient), en détachant cette zone de leur commandement européen Eucom. Cependant, aucun pays africain n’ayant accepté d’accueillir ce commandement, AFRICOM reste à Stuttgart en Allemagne.

    La raison profonde de cet intérêt américain pour l’Afrique n’est pas le terrorisme mais le pétrole et le gaz.

    L’Afrique pèse plus aujourd’hui dans les importations pétrolières américaines que l’Arabie Saoudite. Un quart des importations de pétrole américaines viennent d’Afrique, du Golfe de Guinée (Nigeria et Angola mais aussi Guinée équatoriale) et les Américains ont aussi des ambitions en Afrique sahélienne.

    Si l’on regarde les effets de la coopération militaire américaine au Mali, le résultat est implacable. Les Américains ont surtout formé des Touaregs qui ont ensuite déserté l’armée malienne pour rejoindre le MNLA et Ansar Dine et participer à la guerre contre l’État central malien! Quand ils formaient des Noirs du Sud, il s’agissait du capitaine Sanogo lequel renversait, en mars 2012, le président Amadou Toumani Touré et créait l’anarchie dans le pays!

    Le général Carter Ham qui dirige Africom, a beau s’être déclaré déçu du comportements des officiers formés par les États-Unis, le fait est que tous ses élèves ont tenté de détruire l’État malien et ce qui restait de l’influence française!

    Cela fait dix ans maintenant que nous écrivons qu’au nom de la lutte contre le terrorisme dans le Sahel, les Américains sont en train d’évincer la France de la zone et de faire main basse sur les réserves pétrolières, gazières et minérales. Pendant que je prêchais dans le désert, des communicants acquis aux intérêts américains expliquaient doctement sur les plateaux de télévision français que les États-Unis n’avaient d’autre ambition que de faire reculer le terrorisme et développer la démocratie. Que seule “l’odieuse Françafrique” avait des intérêts égoïstes sur le continent noir… Qu’il fallait aussi avoir très peur de la Chine laquelle allait “avaler tout le monde tout cru”.

    La réalité est qu’une fois de plus la politique américaine converge avec celle de l’islam radical.

    Conclusion

    La bande Tchad/Niger/Mali/Sénégal doit rester sous contrôle sécuritaire français. Il en va des intérêts stratégiques de la France (hydrocarbures, uranium, or, et autres ressources) comme du maintien de son influence (la France conservera son intérêt aux yeux des Africains, à la condition de garantir à ceux-ci leur sécurité). Puissance francophone et historiquement liée à tous les États de la région (Afrique du Nord et Sahel), la France est légitime pour aider les pays de la zone à se débarrasser des groupes islamistes mafieux et à restaurer la stabilité.

    Sur les ruines de la Libye de Kadhafi, il est évident que d’autres puissances islamiques cherchent à contrôler la zone : l’Algérie bien sûr, qui a de grandes ambitions dans la région, mais aussi le Qatar. L’Algérie manipule certaines franges de l’islamisme radical jusqu’à s’auto-infliger des attaques (mais contrôlées dans leur portée : In Amenas qui représente 18% de la production de gaz algérien n’a pas sauté ni subi de dommages importants) afin de se présenter comme une puissante garantie de lutte contre le terrorisme. L’Algérie ne veut pas de l’islamisme à sa tête et elle a bien raison, mais hélas, son État profond contribue lui à maintenir l’incendie terroriste à un niveau de “basse intensité” de sorte que les Américains et les Européens ne se mettent pas à imaginer un quelconque changement à Alger.

    Le Qatar, quant à lui, actionne presque ouvertement des groupes terroristes et joue un rôle clairement déstabilisateur Mali.

    Quant aux Américains, qui sont avant tout pragmatiques et ne respectent que la force, nul doute qu’ils considèreront mieux la France après son opération militaire au Mali et qu’ils chercheront un terrain d’entente avec elle.

    Aymeric Chauprade http://fr.novopress.info

    Source : Realpolitik.tv.

  • Zemmour : « Marine le Pen va finir par faire du FN un parti d’extrême-gauche »

    A propos du débat sur le « mariage » homo, dans sa chronique du 8 février sur RTL, Eric Zemmour dénonce le nouveau Front, qui à force de ne jurer que par le social, va finir par devenir un parti d’extrême gauche. Il l’oppose à l’ancien Front, attaché aux valeurs traditionnelles :


    "La Chronique d'Eric Zemmour" : vous avez dit... par rtl-fr

  • Mariage homo : Le Bloc Identitaire veut un référendum

     

    Communiqué du Bloc Identitaire - Mariage homo, PMA, GPA : référendum pour tous !
    Depuis des mois, et d'autant plus depuis le début des « débats » parlementaires, le pouvoir socialiste affirme tout son mépris pour cette France qui se refuse à voir le mariage dénaturé et la famille mise en danger par ses projets d'apprentis-sorciers. Christiane Taubira en est la plus exécrable représentation.
    Élu par seulement 33% des Français en âge de voter, François Hollande n'a aucunement la légitimité suffisante pour décider de mener une réforme aussi profonde que l'ouverture du mariage et de l'adoption aux couples de même sexe.
    Aujourd'hui pourtant, malgré une très forte opposition de la population (y compris de très nombreux homosexuels), le gouvernement essaie de passer en force. Derrière les prétentions égalitaires et le terme propagandiste de « mariage pour tous », c'est une véritable révolution sociétale - anthropologique même - que la gauche, toujours avide de briser davantage le cadre traditionnel, veut mener.
     

    Nous devons réclamer un RÉFÉRENDUM sur l'ensemble de la révolution sociétale à laquelle le projet de loi Taubira ouvre la porte : l'ouverture du mariage et de l'adoption aux couples de même sexe, mais aussi l'accès à la Procréation Médicalement Assistée et à la Gestation Pour Autrui (c'est-à-dire l'utilisation de mères porteuses !) qui en seront les conséquences logiques et directes.
    Parce que les Français doivent pouvoir décider, parce que nous ne sommes pas les esclaves de Mme Taubira : exigeons le RÉFÉRENDUM POUR TOUS !

    Pétition pour un référendum
  • Crise du Mali, deuxième partie : Les intérêts de la France

    Au regard des intérêts de la France en Afrique, la décision d’intervention militaire française apparaîtra, je le crois, comme une bonne décision. Pour en juger, et comme toujours si nous voulons être fidèles à notre ligne réaliste, il faut être capable de s’élever au-dessus des partis pris politiques et idéologiques des uns et des autres. Chacun sait en effet que je me situe, sur le plan des idées, à des années-lumières des gouvernements qui se sont succédés en France ces trente dernières années, et que j’exècre, peut-être plus que tous ceux qui l’ont précédé, ce gouvernement qui mine les fondements de notre civilisation, accélère l’invasion migratoire, achève notre économie, et pousse à l’exil, par son fanatisme de l’Égalité, ce qu’il reste de créatif en France.

    Il est arrivé souvent dans l’Histoire qu’une décision prise au nom de mauvaises raisons ait pu produire les résultats les plus positifs. N’est-il pas étrange de constater aujourd’hui qu’un président issu d’un camp que rien ne prédispose à la défense d’intérêts français en Afrique ait néanmoins pris une décision qui va peut-être améliorer sensiblement le statut de la France en Afrique ?

    Car quelle était la situation de la France en Afrique avant cette affaire du Mali ? Plus précisément que devenait l’influence française en Afrique depuis le discours de la Baule du président Mitterrand, le 20 juin 1990 ?

    La réalité est que, depuis la fin de la Guerre froide, et faute de vision géopolitique, la France n’a cessé de reculer en Afrique. En position défensive, sans vision ni anticipation, elle n’aura fait que subir la montée de l’influence américaine dans toutes ses anciennes colonies. Prise en tenaille entre ses devoirs européens et l’atlantisme, son influence s’est considérablement amoindrie outre-mer. D’un côté le discours de la démocratisation, de l’autre les magouilles du personnel politique (cette françafrique que l’on ne saurait confondre avec les intérêts légitimes de la France en Afrique) ; et bien sûr une montée en puissance des États-Unis sur le prétexte de la lutte contre le terrorisme islamiste, au début des années 2000…

    Fidèle à mon habitude consistant à soumettre à la critique du lecteur ce que j’ai pu écrire par le passé, je ne résiste pas à l’envie de vous livrer d’abord la quasi-totalité d’une tribune que je donnais en 2008 à Valeurs actuelles, au moment où Nicolas Sarkozy s’attachait à réduire notre présence militaire en Afrique.

    La France doit-elle quitter l’Afrique ?

    En 2007, l’Afrique subsaharienne a connu au moins deux événements majeurs : la Chine est devenue son premier partenaire commercial et les États-Unis ont annoncé la création d’un commandement stratégique dédié au continent : l’AFRICOM. Américains et Chinois s’intéressent à l’Afrique pour ses immenses richesses. Le continent possède 10% des réserves mondiales prouvées de pétrole et contribue déjà à hauteur de 10% à la production pétrolière mondiale. Il contient aussi une bonne partie de l’uranium de nos centrales nucléaires de demain ainsi que de nombreux minerais indispensables aux nouvelles technologies civiles et militaires. Surtout, ses 800 millions d’êtres humains vivent dans la dernière zone de la planète qui ne s’est ni dotée de gouvernement de « Bien commun » (à quelques exceptions près), ni, par voie de conséquence, engagée sur la voie du développement.

    A la fin de la Guerre froide les Européens ont décrété la démocratie en Afrique. Les Africains en paient hélas aujourd’hui les conséquences. Car la démocratie est un résultat davantage qu’une cause de développement. En réalité, dans l’histoire, l’identité nationale a toujours précédé l’établissement de la démocratie faute de quoi la guerre civile est assurée. Il faut commencer par aider les Etats africains, dont les frontières contredisent souvent si dramatiquement la carte des peuples, à devenir des États-nation. Ceci implique des phases transitoires de « bonne gouvernance dirigiste » plutôt que l’utopie de la « bonne gouvernance démocratique ».

    Si la France se désengage d’une Afrique subsaharienne dans laquelle 20% de la population est touchée de plein fouet par la guerre, cela signifie qu’elle abandonne les richesses à l’Empire dominant (Washington) et à l’Empire montant (Pékin) pour ne recevoir en échange que la certitude d’une immigration massive. L’immigration choisie ne ferait que précipiter l’effondrement de l’Afrique. La seule politique réaliste revient à combiner flux d’immigration inversés et soutien actif au développement.

    La France doit restaurer sa politique africaine. Plutôt que d’observer une neutralité de façade qui, dans les faits, profite à des gouvernements n’ayant plus d’autre activité que de piller leur pays et faire chanter Paris (Tchad), elle doit favoriser l’émergence d’une classe de dirigeants habitée par le Bien commun.

    Sauf à désespérer complètement de l’Afrique subsaharienne, une telle politique est possible.  Elle implique cependant que l’armée française conserve des forces conséquentes en Afrique. Certes, on peut encourager la prise en main de la sécurité par les Africains eux-mêmes (RECAMP c’est très bien…), mais il est trop tôt pour partir. Les identités nationales sont encore fragiles (quand elles ne sont pas inexistantes) et ne supporteraient pas notre retrait.

    Il ne faut avoir aucun apriori négatif quant au changement dans la disposition de nos forces en Afrique. Il est parfaitement normal que des dispositifs militaires se remettent en question. De même, renégocier nos accords de défense peut nous permettre de relancer notre coopération sur des bases saines et de rappeler à nos amis africains que la présence française n’est pas une « assurance anti-coup d’Etat » permettant de gouverner n’importe comment.

    La France occupe aujourd’hui des positions précieuses en Afrique qu’elle doit veiller à ne pas abandonner : d’abord les ports de Dakar et Djibouti, qui disposent de fortes capacités, et nous seraient précieux en cas de conflit de haute intensité. Ensuite, le Tchad qui sera bientôt le 4e pays d’Afrique subsaharienne en réserves prouvées de pétrole, derrière le Nigeria, l’Angola et la Guinée équatoriale, c’est-à-dire le premier pays pétrolier francophone. Cet immense territoire, faiblement peuplé mais occupant une position stratégique, pourrait idéalement être le siège d’un dispositif de protection des pays africains de la frange saharienne, autant face aux ambitions salafistes que face aux projets géopolitiques des puissants voisins du Maghreb.

    Il nous faut ensuite une plateforme dans le Golfe de Guinée, zone que Paris ne saurait abandonner aux poussées américaine et chinoise. Elle pourrait concentrer les missions des bases actuelles du Gabon (Libreville) et de Côte-d’Ivoire. Le choix est ouvert en Afrique centrale et dans le Golfe de Guinée, mais ce qui est certain c’est que nous ne pouvons pas abandonner cette région pétrolifère instable.

    Une nouvelle politique africaine pour la France, de fait alors pour l’Europe, pourrait être fondée sur les principes suivants : la France aiderait les pays africains à se protéger des fléaux que sont l’islamisme, le chaos ethnique, les ambitions voisines ; elle favoriserait le maintien des élites en Afrique et l’émergence de dirigeants de « Bien commun » plutôt que des démocraties fausses et inefficaces. En retour, les dirigeants africains aideraient la France à accéder aux ressources et à lutter efficacement contre l’immigration ; ils travailleraient au développement en faisant cesser de manière significative les pratiques de prédation. Une telle politique s’appuierait sur une crédibilité de puissance, celle de forces françaises permanentes basées à l’ouest (Dakar et Golfe de Guinée), au centre (Tchad) et à l’Est (Djibouti). En vérité, il s’agit là d’une proposition somme toute bien modeste si on veut bien la comparer à l’AFRICOM américain…”

    Cinq ans plus tard imaginez donc ce qui se serait passé au Mali si nous avions écouté les socialistes et les nombreux libéraux atlantistes qui voulaient plier bagage et nous désengager de l’Afrique ! Sans dispositifs pré-positionnés dans la zone et avec un porte-avions Charles de Gaulle en cale sèche pour 6 mois (puisque nous n’avons plus, hélas, qu’un seul porte-avions, sujet sur lequel je m’étais également fortement engagé autrefois), comment la France aurait-elle pu intervenir en janvier ? La réponse est simple : elle n’aurait pas pu le faire à temps et Bamako serait tombée. Nous n’aurions pu faire que des frappes en faisant décoller nos chasseurs bombardiers depuis le sol national et en les ravitaillant en vol (ce qui d’ailleurs a été fait). Mais rien au sol et donc rien de décisif ! Il a fallu un mois avant qu’un BPC rempli de matériel lourd puisse décharger dans un port africain. Je serais heureux d’entendre nos politiques, de droite comme de gauche, sur ces points, eux qui ont voté toutes les réductions capacitaires. Car évidemment, les mêmes qui applaudissent l’intervention ont voté la sortie de l’Afrique.

    Revenons donc à la cause de l’intervention elle-même. Je ne voudrais pas que nos lecteurs puissent penser que je ne parle d’intérêts masqués que lorsqu’il s’agit de guerres américaines, et non de guerres françaises. Loin de moi, en effet, l’idée d’esquiver la question des intérêts français. Je me suis opposé sans ambiguïté à la guerre (française en partie) contre le régime libyen en y dénonçant des appétits stratégiques déguisés derrière le masque de la Morale et en prédisant que le résultat serait surtout favorable aux islamistes et au chaos dans le Sahara.

    Il est cependant important de souligner que les causes de la guerre au Mali sont sensiblement différentes de celles de la guerre en Libye, en même temps d’ailleurs que la première est largement une conséquence de la deuxième.

    Au moment où les groupes jihadistes fondaient vers le Sud du Mali, après s’être emparés de Tombouctou et Gao, il y avait 6 000 Français vivant et travaillant à Bamako ! Voilà, à mon sens, ce qu’un président français assumant de manière “normale” les intérêts de la France et la sécurité des Français aurait du simplement affirmer devant les Français pour justifier le déclenchement d’une opération militaire incontestablement unilatérale, et qui ne revêt pas le plus simple appareil de légalité internationale : “Si nous n’intervenons pas, nous n’aurons pas seulement 6 otages dans le Sahel, nous aurons 6 000 otages français à Bamako“. Il y a là, me semble-t-il, une réalité sécuritaire qui s’imposait à tous, et donc quand même à Hollande, pressé par des militaires français qui voyaient l’armée malienne s’effondrer complètement face à la blitzkrieg touareg et jihadiste.

    Ce faisant – et c’est là qu’un basculement sans doute historique s’est produit – la France, par son rôle protecteur, a retrouvé la “valeur ajoutée” qu’elle semblait avoir perdu aux yeux des dirigeants africains. La plupart des dirigeants africains francophones viennent de comprendre, s’ils ne l’avaient pas encore compris, qu’ils sont à la tête de pays non seulement sous-développés économiquement mais surtout fragiles dans leur existence même du fait de leurs contradictions identitaires et du faible degré unitaire de leur État-nation. Et au moment où l’Afrique suscite tous les appétits, chinois, américains, islamiques (car les groupuscules islamistes ne sont que le bras armé de puissants États du Golfe comme l’Arabie Saoudite et le Qatar lesquels veulent prendre par la force les fruits des “arbres à madrassas” qu’ils ont planté depuis des décennies sur le continent africain), ces dirigeants commencent peut-être à comprendre que la France est le dernier État qui, bien qu’ayant aussi des intérêts matériels à défendre, est in fine capable de s’engager pour la défense de leur propre existence historique.

    Le meilleur argument que la France peut mettre en avant pour justifier sa présence en Afrique, c’est le rôle protecteur qu’elle peut avoir pour les Etats africains, lesquels sont sans doute encore trop faibles pour protéger seuls leur souveraineté. Ce rôle protecteur et pacificateur est d’ailleurs en filiation directe avec l’époque coloniale, à la différence notable qu’il s’agit aujourd’hui de prouver aux Africains que le but français n’est pas d’exercer la souveraineté à leur place mais de protéger celle-ci. À côté de cela, on ne voit pas au nom de quel principe d’auto-flagellation, il faudrait s’interdire d’avoir des intérêts économiques et stratégiques, tout comme les autres nombreux acteurs extra-africains en ont : États-Unis, Israël – très fort intérêt dans l’accès aux ressources minérales pour leur industrie de l’armement : il faut lire à ce sujet l’excellent livre de Pierre Péan, Carnages, les guerres secrètes des grandes puissances en Afrique (Fayard) qui met en lumière l’importance des ressources minérales africaines pour l’État d’Israël, et les fameux BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud…), les puissances islamiques comme le Qatar, l’Arabie Saoudite, la Libye, l’Algérie…

    Voyons à présent ces fameux intérêts matériels que la France peut avoir au Mali et plus largement dans la région

    L’un des premiers intérêts à préserver pour Paris est son exploitation de l’uranium du Niger.

    Le Niger a produit 4 000 tonnes d’uranium en 2011. La World Nuclear Association estime que cela place le Niger entre le troisième et le cinquième rang mondial des producteurs d’uranium. Le Niger représente actuellement 40% de l’uranium importé par Areva en France, groupe qui exploite deux mines dans le pays : Arlit et Akouta, et prévoit d’en exploiter une troisième plus grande encore Imounaren.

    Entre 1971 et 2012, la mine d’Arlit (mine à ciel ouvert) a produit plus de 44 000 tonnes. En 2009 la production était d’un peu plus de 1800 t.

    La mine souterraine d’Akouta a la capacité de produire 2 000 tonnes par an et a déjà produit plus de 55 000 tonnes d’uranium depuis le début de l’extraction en 1974.

    Mais les deux mines n’ont plus que dix à vingt ans de production devant elles et pour la France, l’avenir au Niger repose désormais surtout sur la mine d’Imouraren dont l’exploitation a été approuvée en janvier 2009, après la ratification d’une convention minière liant Areva et le gouvernement nigérien. En décembre 2009, la Kepco (Korea Electric Power Company) a acquis 10% des parts de la mine. N’oublions pas que les intérêts sur l’uranium du Niger sont certes principalement, mais non exclusivement français. Les Coréens du Sud aussi sont présents, et surtout les Chinois qui exploitent la quatrième mine d’uranium du pays (mine d’Azelik qui a donné 700 t en 2011).

    En juin 2012, le président Hollande a rencontré le président nigérien, Mahamadou Issoufou, et a demandé l’accélération de la mise en exploitation, fin 2013, de cette mine géante d’Imouraren. Imouraren est potentiellement la deuxième plus grande mine d’uranium du monde (avec 5 000 tonnes par an). Areva a prévu d’y investir 1,2 milliard d’euros. Son exploitation ferait passer le Niger du 6ème au 2ème rang mondial des producteurs d’uranium, juste derrière le Kazakhstan, pays où Areva est également implantée.

    Mais le problème islamiste retarde de plus en plus la mise en exploitation d’Imouraren. En février 2012, le Ministre nigérien des Mines, Omar Hamidou Tchiana, a révélé que la nouvelle mine d’uranium débutera probablement sa production en 2014, en raison de retards causés par des enlèvements de travailleurs étrangers dans le nord du pays. Ce sont des employés d’Areva qui ont été enlevés par AQMI, ne l’oublions pas, et AREVA doit clairement trouver une solution au problème islamiste.

    Au Mali, l’uranium est aussi un enjeu important pour Areva. La société française essaie d’obtenir, depuis de nombreuses années, les droits d’exploitation d’une mine d’uranium qui se trouve à Faléa (région isolée à 350 km de Bamako vers la frontière du Sénégal et de la Guinée). Dans les années 70, l’ancêtre d’Areva, la Cogema, de concert avec le Bureau de Recherche géologique minière et la SONAREM (Société d’État malienne), avait effectué une prospection mais l’exploitation avait été jugée peu rentable. En 2005, la société canadienne Rockgate a été mandatée par le gouvernement malien afin de forer à nouveau à Faléa. En 2010, les rapports de Rockgate ont conclu que le Mali offrait “un environnement de classe mondial pour l’exploitation de l’uranium” et deux ans plus tard, une société sud-africaine (DRA Group) mandatée par Rockgate à propos de Faléa a conclu que Faléa pourrait offrir une production annuelle de 12 000 tonnes d’uranium,  soit 3 fois la somme des productions des mines nigeriennes d’Arlit et Akouta !

    Prenons un peu de hauteur et nous voyons alors se dessiner ce qui pourrait apparaître comme un formidable corridor stratégique de l’uranium et d’autres ressources minérales sous contrôle français : l’axe Est/Ouest Tchad-Niger-Mali qui désenclaverait ses réserves minérales grâce aux capacités portuaires du Sénégal…

    En ce moment, des groupes (notamment chinois) sont en train de réveiller les vieux tracés ferroviaires de l’époque coloniale française pouvant servir à atteindre les côtes atlantiques.

    Constatons donc que la France a posé ses dispositifs aux deux extrémités (ses avions décollent du Tchad et la Royale accoste à Dakar) de ce corridor saharien stratégique qui est gorgé de réserves minérales.

    Après tout que préférons-nous pour assurer l’indépendance énergétique de la France ? L’uranium saharien (Niger/Mali) et le gaz russe, ou bien les hydrocarbures algérien, qatari et saoudien ?

    N’allons pas trop vite en besogne comme le font certains, Areva n’est pas le cerveau de l’intervention française au Mali – je l’ai dit la décision a été prise en urgence pour éviter une situation dramatique dans laquelle 6 000 Français se trouveraient piégés dans une ville aux mains de jihadistes ultra-radicaux et capables de tout -, mais il est vrai que l’intervention profite aux intérêts d’Areva et ceci pour 2 raisons :

    1) Seule une présence militaire française renforcée dans la zone peut refouler sérieusement (mais pas nécessairement éteindre) le problème islamiste à la périphérie des États alliés (Mali, Niger) et en tout cas loin des zones d’exploitation où il va bien falloir que les ingénieurs et techniciens français puissent revenir en nombre pour travailler. L’intelligence politique de la France serait alors de parvenir à déléguer le “service après-vente” de l’action militaire présente à des composantes touaregs solidement anti-islamistes, faute sinon de voir le coût sécuritaire de l’opération exploser.

    2) Le fait que les gouvernements malien et nigerien aient eu besoin de la France pour défendre leur souveraineté, face à la menace islamiste, met évidemment Areva en position de force face à n’importe quel autre acteur (non seulement les États nigérien et malien mais aussi d’autres groupes privés). La France est désormais l’acteur incontournable de l’équilibre entre Touaregs et Sudistes noirs des États de l’Afrique subsaharienne.

    Realpolitik  par Aymeric Chauprade  http://fortune.fdesouche.com

  • Henri III (Au coeur de l’Histoire)

    Au coeur de l’Histoire (Franck Ferrand), émission du 07/02/13.

    Invités :
    Jean-Christophe BUISSON, rédacteur en chef culture du Figaro Magazine
    Michel PERNOT, agrégé d’histoire, maître de conférences honoraire des universités.

  • Jean-Yves Le Gallou : « La Tyrannie Médiatique »

    Jean-Yves Le Gallou poursuit son travail sur les manipulations des mots et des médias, et nous présente son nouveau livre, « La Tyrannie Médiatique », consacré aux mensonges médiatiques, à la pensée unique et à la désinformation.


    Jean-Yves Le Gallou : "La Tyrannie Médiatique" par MrPierreLegrand


    Via Romana

  • Aux sources des écologies

    À la vision de l'homme cartésien « maître et possesseur de la nature », promoteur d'une science opératoire, cet article oppose un art conçu dans le prolongement de la nature, où il serait déjà présent de façon immanente, privilégiant l'approche contemplative.
    L’écologie politique est l'enjeu majeur du XXIe siècle, entend-on souvent. Mais de quelle écologie parlons-nous ? Parce qu'elle utilise des moyens variés et parfois contradictoires, fait appel aux sentiments humains ou à la rationalité scientifique, défend les animaux ou bien l'homme, parce qu'elle est diverse et qu'il n'y a pas qu'une forme d'écologie mais des écologies, il convient de rappeler que celles-ci ne sont pas toutes bonnes et que si la finalité reste la même (« Sauvons notre planète ! ») les moyens mais surtout les principes qui les régissent s'opposent bien souvent.
    Rivalité historique
    Notre rapport à la nature n'a pas toujours été identique au cours de notre histoire. Pierre Hadot, dans Le Voile d'Isis - Essai sur l'histoire de l'idée de nature, met en évidence l'opposition entre l'attitude « prométhéenne » et l'attitude « orphique » vis-à-vis de la nature. « Si l'homme éprouve la nature comme une ennemie, hostile et jalouse, qui lui résiste en cachant ses secrets, il y aura alors opposition entre la nature et l'art humain, fondé sur la raison et la volonté humaines. L'homme cherchera, par la technique, à affirmer son pouvoir, sa domination, ses droits sur la nature. » C'est l'attitude prométhéenne. « Si, au contraire, l'homme se considère comme partie de la nature, parce que l'art est déjà présent, d'une manière immanente, dans la nature, il n'y aura plus opposition entre la nature et l'art, mais l'art humain [...] sera en quelque sorte le prolongement de la nature, et il n'y aura plus alors rapport de domination. » C'est l'attitude orphique.
    Ce que nous appelons la vision anthropocentrique du monde, fondée en grande partie sur la philosophie aristotélicienne, était cette attitude orphique qui consistait à lier l'homme à la nature, à faire du microcosme humain une partie du macrocosme (du cosmos, de "l'univers"). À cette tradition "logothéorique" dans laquelle la science était contemplative et observait les phénomènes naturels pour les étudier, s'est substituée une autre tradition lors de la révolution scientifique du XVIIe siècle. Des personnages comme Képler, Bacon, Galilée ou encore Descartes en sont représentatifs.
    L'univers mis en équations
    Le chancelier anglais Francis Bacon (1561-1626) propose ainsi un Novum Organum (1620) pour remplacer l'ouvrage majeur de la physique aristotélicienne, l'Organon : les méthodes scientifiques changent radicalement, partant des phénomènes particuliers et non plus des lois générales, supprimant toute idée de finalité, refusant les préjugés (« idoles ») qui occultent notre faculté d'observer. Si ces méthodes scientifiques se révèleront bien plus efficaces, elles s'accompagnent toutefois d'une philosophie qui sera le point de départ de nos problèmes écologiques contemporains : René Descartes (1596-1650) justifie en effet la promotion du mécanisme, c'est-à-dire la compréhension du monde à l'aide de la géométrie et des calculs arithmétiques. Le paradigme technoscientifique (la science opératoire) remplace alors le paradigme logothéorique (la science contemplative) : l'homme doit donc se rendre « comme maître et possesseur de la nature » (Discours de la méthode).
    Dés cet instant, comme le dit le poète anglais John Donne au XVIIe siècle : « Tout est en morceaux, toute cohérence disparue ; plus de rapports justes, rien ne s'accorde plus. » Galilée fait du monde un grand livre dont le langage serait mathématique. La nature s'éloigne de notre perception intuitive, elle devient étrangère, énigmatique. Se développe un vocabulaire judiciaire pour faire parler cette nature si récalcitrante à nous livrer ses secrets : « Les secrets de la nature se révèlent plutôt sous la torture des expériences que lorsqu'ils suivent leur cours naturel » (Francis Bacon, Novum Organum). Cuvier reprendra cette métaphore : « L'observateur écoute la nature, l'expérimentateur la soumet à un interrogatoire et la force à se dévoiler. » L'homme devient alors « le maître des oeuvres de Dieu » ( Johannes Kepler, De macula in sole observata).
    Positivisme
    La science se fait violente, toute puissante, et le XIXe siècle, avec ses nouveaux moyens scientifiques, va pousser plus loin encore cette vision du monde. Le positivisme, créé par Auguste Comte, tend à appliquer la méthode scientifique à tous les domaines (y compris à la morale ou à la société). L'idée de progrès humain ne fait qu'avantager cette perception d'une nature régie par la science, dont témoigne l'Exposition universelle de Paris en 1889 qui a pour symbole la tour Eiffel, qui signe l'âge de l'acier et de l'électricité. La science toute puissante a alors ses prophètes (Palissi, Papin, Lavoisier, Pasteur, Berthelot, etc.), ses temples (expositions universelles), ses idoles (tour Eiffel) ; ce XIXe siècle marque un changement dans notre rapport au monde, dans le prolongement du XVIIe siècle.
    Si l'homme agit sur la nature comme un maître et comme un tortionnaire, alors il ne fait plus partie intégrante de la nature. La révolution darwinienne comme les nombreuses oppositions au positivisme ne semblent pas avoir véritablement porté dans le grand public. Nous assistons toujours au règne d'une science toute puissante qui serait la seule à pouvoir distinguer le vrai du faux : ne demande t'on pas toujours des "preuves scientifiques" ? Le terme même de "scientifique" ne s'identifie- t-il pas, de plus, en plus à "vérité" ?
    Manichéisme
    De fait, l'homme est plus que jamais coupé de la nature, considéré comme radicalement autre, et bien souvent l'écologie nous propose une vision moderne de cet homme cartésien « maître et possesseur de la nature ». En témoigne le vocabulaire utilisé couramment, les oppositions de langage que nous faisons entre "naturel" et "culturel", "biologique" et "chimique", alors que la culture est proprement un phénomène de nature chez l'homme et que la chimie est tout aussi présente dans la nature que dans les pratiques humaines. Ajoutons ce manichéisme réducteur, de plus en plus accentué, entre une nature belle et bonne (l'homme ne l'est-il jamais ?) et un homme destructeur et égoïste (la nature n'est-elle pas aussi souvent terrible et dangereuse ?).
    Peut-être faut-il se réconcilier avec la nature et se comprendre à nouveau comme partie intégrante de ce monde. L'écologie politique, qui est bien dans sa terminaison même l'accord entre la nature et l'homme, commence sans doute par cette considération essentielle : l'homme est naturel, il est à la fois animal et politique ; sa spécificité tient donc dans la possibilité qu'il a d'harmoniser nature et culture.
    Dimitri Julien L’ACTION FRANÇAISE 2000 4 au 17 novembre 2010