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Eric Vatré : « La nature de la vraie droite, capétienne, est le patriotisme, le civisme, ou ce que Maurras nomme le nationalisme intégral »
Journaliste et essayiste, Eric Vatré a publié des biographies de Charles Maurras, Henri de Montherlant, Henri Rochefort, Léon Daudet, ainsi que plusieurs ouvrages en collaboration avec Jean-François Chiappe. Auteur, par ailleurs, d'une enquête sur « la droite du Père », parue en 1994, il répond à notre enquête sur la droite aujourd'hui.
Monde et Vie : À votre avis, les notions de droite et de gauche ont-elles encore une signification aujourd'hui ?
Eric Vatré : Parler de la droite ou de la gauche n'a pas grand sens, les divisions d'opinions faisant rage depuis toujours au sein même de chaque camp. Rien de plus équivoque ni de plus complexe que ces mots-là. La seule droite qui vaille pourrait être « la droite d'avant la droite » - qui préexiste aux journées d'août et septembre 1789, où les tenants du veto royal absolu, siégeant « à la droite » du président monarchien Mounier, échouèrent à sauvegarder la.plénitude de l'exécutif régalien. Cette droite-là commençait mal.
La nature de la vraie droite ne relève donc pas d'une contingence topographique (ni d'ailleurs parlementaire), mais d'un continuum historique, d'une histoire quasi-immémoriale, arrachée tant aux dissensions intestines qu'aux convoitises extérieures.
Cette nature, capétienne, est évidemment le patriotisme, le civisme, ou ce que Maurras nomme le nationalisme intégral.
C'est à la fois une passion innée et la chose la plus raisonnable ; c'est la part immanente de l'ontologie humaine qu'énonce Aristote, disant que l'homme est un être de relation, à ce titre un zôon politikon, et que la Cité, communauté de familles, est la condition de son bien, du bien commun ajoutera saint Thomas d'Aquin. Vingt-cinq siècles après le Stagyrite, les « classiques » ou les « réactionnaires » sont encore d'avis que cet ordre naturel objectif, fruit de la raison divine, est le bon, car le seul vivable. Que le phénomène vertigineux de la Modernité lato sensu avec sa métaphysique de la subjectivité, de la souveraineté du sujet, de l'entité monadique niant la réalité du corps social qu'elle exténue paradoxalement de ses revendications, de ses normes - sitôt des « droits » -, ce jusqu'à la nausée, est le péché contre l'esprit.
Un monde atomisé, réduit a l'arbitraire humain
Mais on l'observera : du cosmopolitisme des Stoïciens et des Sophistes de l'Antiquité, à celui des Lumières, puis au mondialisme actuel ; du nominalisme individualiste du XIVe siècle au panlibéralisme contemporain, prédateur et planétaire, ces causalités réciproques, intrinsèquement liées, viennent de loin. Ici et là, nulle essence transcendante, point de finalité, mais un monde atomisé, réduit à l'arbitraire humain. Un ordre parallèle, né de « l'état de nature » et du « contrat », partant de l'artifice.
Peut-il exister une tradition catholique de gauche ?
Au sens où Dom Calvet, prieur du Barroux, définissait la Tradition dans La Droite du Père : « une essence immuable », cela est exclu a priori. Il n'empêche, nombre d'auteurs catholiques rejoignirent ou précédèrent même la gauche des Droits de l'Homme, dont, au dernier siècle, Jacques Maritain, un temps proche de l'Action française, et passé pour diverses raisons, sociologiques ou disciplinaires, du thomisme à l'idéologie des Droits de l'Homme via le néo-thomisme. Une seule question : ces prétendus droits ont-ils à voir juridiquement et/ou théologiquement avec la Somme Théologique de saint Thomas ? Réponse négative.
La Somme distingue expressément entre justice générale - les lois éternelle, naturelle, humaine -, et justice particulière - le droit, d'essence dialectique, où le juge recherche l'égale proportion, l'équitable, entre deux parties. Les unes intéressent l'ordre éthique, donc individuel, quand l'autre tient dans les choses concrètes, juridiquement partagées, d'où altérité et extériorité.
Le christianisme reste accusé par ses ennemis d'avoir introduit des ferments de dissolution, tel l'égalitarisme, au sein de la société. Peut-il être tenu pour responsable de ces hérésies ?
Une seule Parole compte, celle de l’Évangile, qui rend ipso facto caduque l'ancienne Alliance mosaïque, elle-même pervertie dans le(s) Talmud(s), et qu'actualise de droit sinon toujours de fait le magistère de Pierre. Seul l'appel à la vie intérieure forme le suprême, la nécessité, de la Loi nouvelle. Le politique, le droit, l'organisation institutionnelle de la Cité n'y ont quasi point de part, à la différence du Vieux Testament. Ainsi, de même que la royauté du Christ n'est pas de ce monde, l'ordre du politique ne ressortit pas à l'ordre de la grâce. Réserve faite que si le siège du pouvoir temporel est dans la nature in concreto, celui de toute autorité demeure d'origine divine in abstracto. Saint Thomas l'établit, la jonction du politique et du bien commun passe par loi naturelle, garante de l'autonomie des « causes secondes » et des finalités de la communauté, quand le choix du régime appartient à la prudence des magistrats publics, « à l'arbitre de l'homme ». La distinction aristotélico-thomiste de la loi et du droit, de l'être et de l'avoir, subirait cependant de nombreux assauts. D'origine cléricale, d'abord. Du nominalisme franciscain à la seconde scolastique espagnole, des courants d'apparence centrifuge, au vrai concentriques, frottés d'augustinisme juridique, assimileront jus à lex, que d'autres, purs rationalistes, confondront ensuite pleinement au bénéfice d'une morale de plus en plus subjective, de plus en plus déliée de la totalité. La raison naturelle dépréciée, le droit réduit au positivisme légaliste, suivrait l'absolutisme de l'individu et ses fruits : la Démocratie, la Souveraineté populaire, les Droits de l'Homme. Toutes choses de fondements chrétiens, certes, mais de fondements dénaturés : le propre des hérésies.
La droite a-t-elle un avenir ?
Oui si elle recouvre son identité. Savoir, rompre avec la novlangue nominaliste ici, idéaliste là, nihiliste au fond, qui n'a d'autre objet que de rendre impossible tout autre mode de pensée. C'est l'acte premier, intérieur, en vue du réel, de qui « ne lâche rien ».
Propos recueillis par Eric Letty monde&vie -
Les Hommen devant l'Institut Pasteur : "Non aux enfants cobaye" !
Les Hommens et une fille du groupe "ni à vendre ni à louer" manifestaient ce soir devant l'Institut Pasteur contre le vote du projet de loi autorisant la recherche sur les embryons humains :
Ils ont été rejoints et encouragés par Béatrice Bourges :
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Un gouvernement de lâches
Communiqué de la Fondation Lejeune :
"Après l’échec d’une tentative des radicaux de gauche en mars, le gouvernement s’obstine et a remis à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale la proposition de loi visant la libéralisation de la recherche sur l’embryon humain en France.
Examiné depuis 23h hier soir [mercredi 10 juillet] , en catimini, à la veille des vacances parlementaires, le texte ne fait pas l’objet du débat qu’il mérite. Mutisme de la ministre et du rapporteur, réserve de vote, absence des partisans du texte sur les bancs de l’hémicycle : le débat est tronqué alors que le Parlement s’apprête à entériner le bouleversement du droit, celui de chaque être humain à être protégé dès le commencement de sa vie (art. du Code civil). Les opposants à la recherche sur l’embryon humain, députés ou simples citoyens, peuvent s’indigner de la tournure que prend le simulacre de débat à l’Assemblée nationale.
Après avoir non seulement refusé de répondre à la seconde motion déposée par les défenseurs du régime actuel, la ministre a finalement décidé d’utiliser la réserve de vote pour vider de son intérêt tout examen des amendements. En effet, les opposants au texte ont le droit de défendre point par point chaque amendement à ceci près qu’aucun n’est plus soumis au vote. La manœuvre présente deux avantages que la ministre ne prend même pas la peine de maquiller : d’une part, elle permet à tous les partisans du texte de tranquillement quitter l’hémicycle et de se soustraire au débat puisqu’aucun vote n’aura lieu avant le vote solennel global de mardi, d’autre part, elle évite le risque qu’un des amendements ne soit adopté ce qui changerait, même à minima, le texte et obligerait à une navette avec le Sénat. [...]
La suite sur La Fondation Jérôme Lejeune
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Les nouveaux censeurs de l'Etat socialiste
D'Ivan Rioufol :
"Attention ! La France, symbole de la Liberté (c’est le premier mot de sa devise), devient une nation muselée, tenue en laisse. L’ordre moral est agité par les censeurs, à l’affût de l’idée non homologuée. Tout est prétexte à poursuites et interdictions. Aucune sécurité juridique n’existe plus contre ceux qui participent au débat public. Derniers exemples : des associations vont porter plainte contre le maire (UMP) de Nice, Christian Estrosi qui, parlant des gens du voyage, a déclaré vouloir "mater" les "délinquants". Un élu municipal (UMP) de Nîmes est semblablement menacé pour avoir publié sur son compte Facebook la photo de la promotion d’un produit Carrefour pour le ramadan, avec ce texte : "Spécial ramadan de Carrefour. Notre République est-elle toujours laïque ? Tout fout le camp !" Cette traque permanente défigure la démocratie.
La répression contre les opposants au mariage homosexuel est le signe le plus clair du sectarisme qui a pris souche. Mardi, la cour d’appel a libéré Nicolas Bernard-Buss, militant de la Manif pour tous, après trois semaines d’une détention à caractère plus politique que juridique. Mais il est stupéfiant de constater le peu de réactions à ces atteintes aux libertés. Les inquisiteurs, qui réclament toujours plus de « répression républicaine » contre les dissidents, affichent un totalitarisme débridé, avec l’aval tacite de l’État socialiste. Or ces "démocrates" violent la Déclaration des droits de l’homme de 1789 (art. XII) : "La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement." Les nouveaux Saint-Just terrorisent la liberté."
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La natalité européenne victime de la crise
Indice de fécondité par pays dans le monde en 2006
BERLIN (NOVOpress via le Bulletin de réinformation) - Une équipe de chercheurs allemands est arrivée à une conclusion sans appel, en étudiant l’évolution de la natalité et du chômage dans vingt huit pays européens depuis 2001. Plus le chômage augmente, plus le taux de fécondité baisse. En Espagne, le taux de fécondité est passé en trois ans de 1,5 à 1,4 enfant par femme !
Ce phénomène se vérifie particulièrement pour les jeunes, qui peuvent plus aisément remettre à plus tard leur désir d’enfant. Un constat inquiétant alors que le chômage des jeunes atteint 23 % en zone euro ! La situation est cependant diverse selon les pays, certains résistant plus que d’autres : la natalité allemande se maintient, grâce à sa situation économique. Il en est de même de la natalité française, ce que les chercheurs expliquent par la politique familiale française.
Crédit photo : PlatypeanArchcow via Wikipédia (cc). http://fr.novopress.info
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Retraites : encore une réforme qui fait pschitt...
Les mesures préconisées par le rapport Moreau, remis au premier ministre par la Commission pour l'avenir des retraites, ne régleront rien au fond. Le gouvernement va poser un sparadrap sur une plaie béante...
La situation financière de notre système de retraite est comparable à une plaie béante. Mais plutôt que d'essayer de trouver un remède, les médecins convoqués au chevet du malade s'emploient, sur l'ordre du gouvernement, à distribuer aux Français du doliprane et des somnifères.
Ces médecins, ce sont les experts du Conseil d'Orientation des Retraites, le COR, un organisme présidé par madame Yannick Moreau. La stratégie des gouvernants ne date pas d'aujourd'hui : le pouvoir politique (Sarkozy hier, Hollande aujourd'hui) dicte aux diafoirus à la fois les symptômes du mal et le diagnostic souhaité, charge à eux d'habiller le tout de considérations pseudo-scientifiques propres à tromper les gogos.
Ainsi le COR annonce-t-il un déficit d'une vingtaine de millions d'euros en 2020, chiffre qui ne correspond à aucune réalité, pour la bonne raison que les hypothèses retenues pour arriver à ce résultat sont archi-fausses : le COR est parti du principe, pour calculer ses prévisions, que nous aurions bientôt renoué, non seulement avec la croissance (le pays vient d'entrer en décroissance. ..), mais aussi avec le plein emploi - or, nous aurons probablement passé le cap des 11 % de demandeurs d'emploi d'ici la fin de l'année...
Le déficit sera donc plus important. Mais il y a pire : personne, ou presque, ne parle de la « dette retraite », autrement dit, comme l'explique l'économiste Jacques Bichot(1), des « créances que les retraités actuels et futurs ont sur la collectivité nationale, tant en termes de pensions que de dépenses de santé ». Son montant est pourtant pharamineux : 10 000 milliards d'euros, selon Jacques Bichot, soit le quintuple de la dette publique « ordinaire » !
Pour se préparer à cette difficulté et tenter de préparer un tant soit peu l'avenir, le gouvernement de Lionel Jospin avait créé, en 2001, un Fonds de réserve pour les retraites. Malheureusement, à la faveur de la réforme d'Eric Woerth, la petite souris, sous Sarkozy, a commencé à croquer la galette. De toutes manières, même les 36 milliards d'euros que le Fonds était parvenu à mettre de côté en 2010 restaient très insuffisants.
Plus on la différera, plus la vraie réforme sera douloureuse
Eric Woerth, en 2010, était conscient de la disproportion qui existait entre cet enjeu et sa réforme a minima. Pour le gouvernement Fillon, la principale urgence consistait à repousser courageusement la réforme après les élections de 2012... La loi Woerth prévoyait donc l'organisation, au premier semestre 2013, d'une grande « réflexion nationale » sur une réforme « systémique » : autrement dit, une réforme en profondeur du système lui-même, dans le cadre cependant de la répartition.
La loi Woerth énonçait cependant d'autres pistes de réformes à explorer, à savoir :
- premièrement, la recherche de l'équité entre les différents régimes de retraite obligatoire (en particulier entre ceux, très généreux, du secteur public et ceux du privé) ;
- deuxièmement, l'adoption d'un régime par points, tel qu'il fonctionne déjà dans les complémentaires du privé (Agirc-Arrco), ou en « comptes notionnels », comme il existe en Suède: ces systèmes permettent d'ajuster les recettes et les dépenses avec plus de souplesse que l'actuel système par annuités ;
- et troisièmement, les moyens de laisser aux assurés le libre choix du moment de leur retraite, le montant de la pension dépendant bien sûr de l'âge de départ.
Le rapport Moreau n'a retenu aucune de ces pistes. Ses propositions les plus « audacieuses » portent sur deux points non négligeables, mais mineurs :
- le calcul de la pension des fonctionnaires, aujourd'hui basé sur les 6 derniers mois de salaire, et qui l'aurait été sur les 10 meilleures années - ce qui restait inéquitable. Les syndicats ayant montré les dents, le gouvernement s'est hâté d'enterrer cette idée.
- l’augmentation de la durée de cotisation, qui aura un effet sur le privé, mais ne permettra de dégager aucune économie sur le secteur public, puisque les cotisations y sont factices : il s'agit de simples jeux d'écritures qui ne correspondent à aucun mouvement de fonds réel.
D'autres mesures, à caractère fiscal, risquent d'être vivement ressenties par les Français, comme la désindexation des pensions, qui seront revalorisées au-dessous de l'inflation ; augmentation de la CSG sur les retraites ; suppression de l'abattement de 10 % ; fiscalisation des majorations de pension pour les retraités ayant élevé au moins 3 enfants...
Il aurait pourtant mieux valu s'imposer dès à présent des sacrifices plus importants, et réaliser sans plus attendre l'indispensable réforme de fond. Plus on la différera, plus elle sera douloureuse et plus la situation des retraites, en France, sera compromise. Auprès de l'effondrement des pensions qui se produira si rien n'est fait, la désindexation ou la hausse de la CSG risque d'apparaître dans quelques années comme d'aimables plaisanteries.
Pour un peuple, il n'est de pire risque que la lâcheté politique de ses dirigeants.
Jean-Pierre Nomen monde & vie . 2 juillet 2013
1). Professeur Jacques Bichot, Titanic debt, mai 2012, étude publiée par l'association Sauvegarde Retraites. -
Le rôle du décret Crémieux dans la détérioration des relations franco-arabes
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LE LIVRE NOIR DU LIBÉRALISME
Depuis la parution du livre de Stéphane Courtois sur les crimes du Communisme, les esprits « bien pensants » nous expliquent qu'on ne peut mettre sur le même plan les crimes du communisme commis par amour et ceux du nazisme commis au nom de la haine. Cela démontre une fois de plus que l'amour et la haine sont tellement proches qu'un esprit « mal pensant » pourrait même déceler dans le nazisme une certaine forme d'amour de soi, de son peuple ... Enfin passons !
Dans tout cela, le seul qui semble triompher est le libéralisme, et pourtant...
Le libéralisme, actuellement débridé, n'a jamais autant créé de pauvres, de miséreux n'ayant droit qu'à une vie végétative et vivant à l'état de zombie. Le seul horizon de millions d'individus est une vie misérable dans des banlieues totalement sordides enlaidies sur tous les plans par l'immigration, au milieu d'une population pluri-ethnique vivant dans l'angoisse, la peur et la violence, car ce même libéralisme excelle à détruire les peuples, les races, les nations et l'harmonie de nos cités qui structuraient la personnalité de notre peuple. Des millions d'hommes et de femmes dans notre société dite libérale, de gauche ou de droite, ne connaissent que le chômage, le RMI, la honte de soi, la perte de dignité économique et la perte de dignité tout court, tout ce que décrit Viviane Forrester dans son livre «L'Horreur économique» qui aurait pu s'appeler l'horreur libérale. Ce livre est d'ailleurs un fatras de considérations psycho-intellectuelles et aura permis à l'auteur de s'enrichir grassement sur la pauvreté puisqu'il a déjà dépassé les 300.000 exemplaires. Il ne va jamais à l'essentiel et ne sort jamais de ce qu'il est permis de dire par l'Établissement actuel. Se sentir inutile, sans position sociale, sans voir le moindre respect dans le regard des autres, ne connaître que le mal être psychologique, physique et économique et aller aux «restos du cœur» avec la bénédiction de l'Abbé Pierre, voilà la perspective humiliante offerte par la société à des millions de Français.
S'il ne tue pas directement, comme l'ont fait le communisme ou le nazisme, le libéralisme actuel sous sa forme mondialisée détruit anonymement par millions les êtres, assassine les âmes sur l'autel du profit. Le sort d'un SDF mourant de froid dans la nuit glacée de l'hiver est-il plus enviable que le sort de tous ceux qui se trouvaient dans les camps de concentration ou le Goulag ?
Malgré ce bilan effroyable, certains, comme François Léotard, déclarent sinistrement : « Le libéralisme est un humanisme ». Celle phrase dite sur le ton de la méthode Coué cherche surtout à convaincre celui qui la prononce.
Le libéralisme démocratique est fondé sur une hypocrisie foncière. Il déclare les hommes égaux alors que pour lui l'homme est défini économiquement. Il peut donc même être hiérarchisé quantitativement par le biais monétaire et de cette inégalité économique découlent toutes les autres. Le "fort" économique écrase le "faible" économique. Tel que l'avait vu Hégel, lorsqu'il décrivait la société civile, le bourgeois, archétype de l'homme-produit du libéralisme s'identifie totalement à ce qu'il possède. Toute vision de l'homme enraciné dans son histoire, son pays, sa race est exclu. L'homme n'est qu'un sujet de droit. Quant à ceux qui n'ont rien ou presque, notre société libérale actuelle de gauche (ou de droite) les appelle avec infiniment de mépris les «petits blancs», terme dépréciatif jamais donné aux immigrés. Ces "minables" n'ont bien sûr pas le droit à la parole, qui serait celle d'une complainte liée à leur situation en porte à faux vis à vis de l'idéologie actuelle.
De tout ceci que faut-il en conclure ? Devons-nous rejeter le capitalisme qui a été un moteur surpuissant pour le développement économique ? La réponse est simple : il faut prôner un capitalisme régulé par un État au service de la Nation et de son peuple.
par Patrice GROS - SUAUDEAU Statisticien - Économiste janv. - fevr. 1998 -
Ernst Jünger et la révolution conservatrice
Pauline Lecomte : Vous avez publié naguère une biographie intellectuelle consacrée à Ernst Jünger, figure énigmatique et capitale du XXe siècle en Europe. Avant de se faire connaître par ses livres, dont on sait le rayonnement, cet écrivain majeur fut un très jeune et très héroïque combattant de la Grande Guerre, puis une figure importante de la "révolution conservatrice". Comment avez-vous découvert l’œuvre d'Ernst Jünger ?
Dominique Venner : C'est une longue histoire. Voici longtemps, quand j'écrivais la première version de mon livre Baltikum, consacré à l'aventure des corps-francs allemands, pour moi les braises de l'époque précédente étaient encore chaudes. Les passions nées de la guerre d'Algérie, les années dangereuses et les rêves fous, tout cela bougeait encore. En ce temps-là, un autre écrivain allemand parlait à mon imagination mieux que Jünger. C'était Ernst von Salomon. Il me semblait une sorte de frère aîné. Traqué par la police, j'avais lu ses Réprouvés tout en imaginant des projets téméraires. Ce fut une révélation. Ce qu'exprimait ce livre de révolte et de fureur, je le vivais : les armes, les espérances, les complots ratés, la prison... Ersnt Jünger n'avait pas connu de telles aventures. Jeune officier héroïque de la Grande Guerre, quatorze fois blessé, grande figure intellectuelle de la "révolution conservatrice", assez vite opposé à Hitler, il avait adopté ensuite une posture contemplative. Il ne fut jamais un rebelle à la façon d'Ernst von Salomon. Il a lui-même reconnu dans son Journal, qu'il n'avait aucune disposition pour un tel rôle, ajoutant très lucidement que le soldat le plus courageux - il parlait de lui - tremble dans sa culotte quand il sort des règles établies, faisant le plus souvent un piètre révolutionnaire. Le courage militaire, légitimé et honoré par la société, n'a rien de commun avec le courage politique d'un opposant radical. Celui-ci doit s'armer moralement contre la réprobation générale, trouver en lui seul ses propres justifications, supporter d'un cœur ferme les pires avanies, la répression, l'isolement. Tout cela je l'avais connu à mon heure. Cette expérience, assortie du spectacle de grandes infamies, a contribué à ma formation d'historien. A l'époque, j'avais pourtant commencé de lire certains livres de Jünger, attiré par la beauté de leur style métallique et phosphorescent. Par la suite, à mesure que je m'écartais des aventures politiques, je me suis éloigné d'Ernst von Salomon, me rapprochant de Jünger. Il répondait mieux à mes nouvelles attentes. J'ai donc entrepris de le lire attentivement, et j'ai commencé de correspondre avec lui. Cette correspondance n'a plus cessé jusqu'à sa mort.
P. L. : Vous avez montré qu'Ernst Jünger fut l'une des figures principales du courant d'idées de la "révolution conservatrice". Existe-t-il des affinités entre celle-ci et les "non conformistes français des années trente" ?D. V. : En France, on connaît mal les idées pourtant extraordinairement riches de la Konservative Revolution (KR), mouvement politique et intellectuel qui connut sa plus grande intensité entre les années vingt et trente, avant d'être éliminé par l'arrivée Hitler au pouvoir en 1933. Ernst Jünger en fut la figure majeure dans la période la plus problématique, face au nazisme. Autour du couple nationalisme et socialisme, une formule qui n'est pas de Jünger résume assez bien l'esprit de la KR allemande : "Le nationalisme sera vécu comme un devoir altruiste envers le Reich, et le socialisme comme un devoir altruiste envers le peuple tout entier".Pour répondre à votre question des différences avec la pensée française des "non conformistes", il faut d'abord se souvenir que les deux nations ont hérité d'histoires politiques et culturelles très différentes. L'une était sortie victorieuse de la Grande Guerre, au moins en apparence, alors que l'autre avait été vaincue. Pourtant, quand on compare les écrits du jeune Jünger et ceux de Drieu la Rochelle à la même époque, on a le sentiment que le premier est le vainqueur, tandis que le second est le vaincu.On ne peut pas résumer des courants d'idées en trois mots. Pourtant, il est assez frappant qu'en France, dans les différentes formes de personnalisme, domine généralement le "je", alors qu'en Allemagne on pense toujours par rapport au "nous". La France est d'abord politique, alors que l'Allemagne est plus souvent philosophique, avec une prescience forte du destin, notion métaphysique, qui échappe aux causalités rationnelles. Dans son essais sur Rivarol, Jünger a comparé la clarté de l'esprit français et la profondeur de l'esprit allemand. Un mot du philosophe Hamman, dit-il, "Les vérités sont des métaux qui croissent sous terre", Rivarol n'aurait pas pu le dire. "Il lui manquait pour cela la force aveugle, séminale."
P. L. : Pouvez-vous préciser ce qu'était la Weltanschauung du jeune Jünger ?D. V. : Il suffit de se reporter à son essai Le Travailleur, dont le titre était d'ailleurs mal choisi. Les premières pages dressent l'un des plus violents réquisitoires jamais dirigés contre la démocratie bourgeoise, dont l'Allemagne, selon Jünger, avait été préservée : "La domination du tiers-état n'a jamais pu toucher en Allemagne à ce noyau le plus intime qui détermine la richesse, la puissance et la plénitude d'une vie. Jetant un regard rétrospectif sur plus d'un siècle d'histoire allemande, nous pouvons avouer avec fierté que nous avons été de mauvais bourgeois". Ce n'était déjà pas mal, mais attendez la suite, et admirez l'art de l'écrivain : "Non, l'Allemand n'était pas un bon bourgeois, et c'est quand il était le plus fort qu'il l'était le moins. Dans tous les endroits où l'on a pensé avec le plus de profondeur et d'audace, senti avec le plus de vivacité, combattu avec le plus d'acharnement, il est impossible de méconnaître la révolte contre les valeurs que la grande déclaration d'indépendance de la raison a hissées sur le pavois." Difficile de lui donner tort. Nulle part sinon en Allemagne, déjà avec Herder, ou en Angleterre avec Burke, la critique du rationalisme français n'a été aussi forte. Avec un langage bien à lui, Jünger insiste sur ce qui a préservé sa patrie : "Ce pays n'a pas l'usage d'un concept de la liberté qui, telle une mesure fixée une fois pour toutes est privée de contenu". Autrement dit, il refuse de voir dans la liberté une idée métaphysique. Jünger ne croit pas à la liberté en soi, mais à la liberté comme fonction, par exemple la liberté d'une force : "Notre liberté se manifeste avec le maximum de puissance partout où elle est portée par la conscience d'avoir été attribuée en fief." Cette idée de la liberté active "attribuée en fief", les Français, dans un passé révolu, la partagèrent avec leurs cousins d'outre-Rhin. Mais leur histoire nationale évolué d'une telle façon que furent déracinées les anciennes libertés féodales, les anciennes libertés de la noblesse, ainsi que Tocqueville, Taine, Renan et nombre d'historiens après eux l'ont montré. A lire Jünger on comprend qu'à ses yeux, à l'époque où il écrit, c'est en Allemagne et en Allemagne seulement que les conditions idéales étaient réunies pour couper le "vieux cordon ombilical" du monde bourgeois. Il radicalise les thèmes dominants de la KR, opposant la paix pétrifiée du monde bourgeois à la lutte éternelle, comprise comme "expérience intérieure". C'est sa vision de l'année 1932. Avec sa sensibilité aux changements d'époque, Jünger s'en détournera ensuite pour un temps, un temps seulement. Durant la période où un fossé d'hostilité mutuelle avec Hitler et son parti ne cessait de se creuser.
Dominique Venner, Le choc de l'histoire http://euro-synergies.hautetfort.com/