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  • Répression politique : un délégué du Procureur d'Angoulême démissionne

    Communiqué de La Manif pour Tous :

    "Depuis plusieurs mois, les sympathisants de La Manif pour Tous font l'objet d'un nombre spectaculaire d'arrestation et de garde à vue alors qu'aucune atteinte aux biens ou aux personnes n'ont été recensé. Environ 1000 arrestations pour plus de 500 gardes à vue et 1 seule condamnation - qui vient d'être annulée -, c'est le décompte actuel et qui continue encore avec les Veilleurs.

    L'emprisonnement immédiat de Nicolas Bernard-Buss 23 jours à Fleury-Merogis avait suscité une vive émotion par l'utilisation du mandat de dépôt à caractère pourtant exceptionnel. Son procès, qui s'est déroulé hier, a confirmé l'absurdité de la peine car aucune des charges qui l'ont mené en prison n'ont été retenues.

    « La Cour d'Appel de Paris a examiné les faits reprochés à Nicolas avec une sérénité qui avait sans doute fait défaut à l'occasion de son passage en comparution immédiate. », a déclaré La Manif pour Tous dans un communiqué à l'issue du procès.

    Dans ce contexte, François Méhaud, expose dans une lettre au Procureur pourquoi, en conscience, il ne peut continuer à assumer les missions qui lui sont confiées par un système qui semble cautionner le « délit d'opinion ».

    « Allant jusqu’à interdire aux citoyens d’exercer librement leur devoir de conscience face à ce qu’ils considèrent comme étant une loi injuste et mensongère, la situation actuelle est particulièrement délétère et mène à considérer que l’on sanctionne un délit d’opinion. Cela n’est pas concevable dans une démocratie. », affirme-t-il. Concernant le jeune Nicolas Bernard-Buss, François Mehaud déclare : « Je suis intimement persuadé que dans cette affaire, le parquet n’a pas fait preuve d’indépendance d’esprit, mais a suivi des instructions à visées politiques et idéologiques, données par la chancellerie. »

    Une décision mûrement réfléchie qui prend en compte les imperfections d'un système, qui peut cependant faire vivre certaines valeurs comme l'objectivité, l'impartialité et la mesure.

    « Je reconnais la nécessité de consignes générales pour une application efficace de la politique pénale. Ces consignes ne doivent toutefois pas interférer, et encore moins de manière partisane, sur les facultés d’appréciation des magistrats fussent-ils du Parquet. » assure-t-il."
  • Non, Esteban n’est pas un « paumé »

    Non, Esteban n’est pas un « paumé »
    Après la mort de Clément Méric, la gauche a hurlé partout qu’Esteban et ses camarades Samuel, Alexandre et Stéphane n’étaient que d’ignobles brutes néo-nazies. Aujourd’hui, la droite condescendante et victimaire tente de se récupérer un martyr en le décrivant comme un paumé, un innocent « malgré lui ».
    Alors, et en réponse à l’article de Didier Bourjon paru sur Boulevard Voltaire le 11 juillet, je tiens à affirmer que non, Esteban n’est pas un « paumé », et que non, je ne suis pas le point de fixation de groupuscules « sombrement perdus ».
    Esteban, à 20 ans, travaillait dans la sécurité-incendie, avait des responsabilités, avait emménagé avec sa petite amie, quand bien des garçons de son âge oscillent entre le chichon, les jeux de rôles en ligne, les sorties en boîtes et une vie étudiante interminable, toujours sponsorisée par papa et maman. On a dit qu’il était skin, on a dit qu’il était sympathisant de Troisième voie : peut-être. Cela n’en fait pas un paumé, bien au contraire. Être skin, et surtout adhérer aux idées que j’ai défendues à Troisième voie, et que je défendrai ailleurs, c’est affirmer deux choses : la fierté d’être travailleur, et la fierté d’être Français.
    Avoir des idées et les assumer, ça ne fait pas de vous un paumé, ça fait de vous un homme, un homme tel que notre nation était encore capable d’en produire il n’y a pas si longtemps. Un homme capable de se défendre quand on l’agresse, un homme capable de résister moralement à un système qu’il juge mauvais, un homme capable de dire non haut et fort quand d’autres baissent les yeux dans la honte ou la peur.
    Esteban est infiniment moins paumé que ces crétins déracinés et déculturés qui encombrent les castings de télé-réalité.
    Esteban est infiniment moins paumé que les traders qui spéculent sous coke sur des produits dérivés dont ils ignorent la structure financière.
    Esteban est infiniment moins paumé qu’un homo qui veut avoir plein d’enfants.
    Esteban est infiniment moins paumé qu’un ministre de l’Intérieur qui parle d’assassinat pour un cas de légitime défense, infiniment moins paumé qu’un Premier ministre qui demande une minute de silence pour un agresseur et se rassied dans le ridicule, infiniment moins paumé qu’un président qui confond Chinois et Japonais, et prononce un décret de dissolution contre des associations déjà dissoutes.
    Esteban est infiniment moins paumé que les quelques punks à chiens qui s’inventent une guerre antifasciste en 2013.
    Enfin, et surtout, Esteban est infiniment moins paumé que tous les petits éditorialistes de « droite » qui prétendent le défendre sans se donner la peine de le comprendre.
    Tous ceux-là, je leur demande de se taire et, humblement, de relayer cette page de soutien : http://www.facebook.com/SoutenonsEstebanOfficiel2
     

  • La possession d'un objet estampillé LMPT constitue une "incitation à l'émeute". Sic

    Témoignage de ce matin :

    "Ce matin sur les champs, au niveau du Grand Palais. Après avoir sifflé Hollande, je remets mon drapeau rose dans mon sac. Jusque là, tout va bien! Vers 11h00, le défilé a commencé. Une dame à coté de moi a un coup de chaud et tombe dans les pommes. Je me porte à son aide, la recule afin qu'elle ait un peu d'air, ce qui lui permet de retrouver rapidement ses esprits. Je propose alors de lui donner de l'eau que j'ai dans mon sac. C'est alors qu'une policière (en civil) aperçoit le fameux drapeau dans mon sac et commence à me l'arracher. Très surpris par cette reaction totalement inappropriée, je m'indigne de plus en plus vivement à mesure que la réaction policière se fait plus coercitive. Je suis emmené sans beaucoup de ménagement par trois ou quatre agents vers le commissariat du 8e tout proche pour un contrôle d'identité qui durera près d'une heure, le policier ayant manifestement des difficultés à écrire rapidement sa main courante. Si je suis inquiet pour mes deux enfants qui sont restés seuls à regarder le défilé et n'ont rien vu de la scène, ça me laisse du temps pour discuter avec les deux agents qui sont successivement chargés de me surveiller. J'apprends que les consignes sont strictes et que la psychose est prégnante. La possession d'un objet estampillé LMPT constitue une "incitation à l'émeute". Mon refus d'obtempérer immédiatement à la police qui me demande de lâcher mon drapeau justifie la vivacité de l'interpellation, mon opposition à ce qu'on m'arrache mes affaires des mains aurait pu me valoir une GAV pour rébellion, mes indignations, il est vrai ponctuées une fois des termes "répression policière" et "dictature socialiste" relèveraient d'outrage à agents, etc. A un moment, quelqu'un entre dans le commissariat et s'inquiète de la présence d'un OVNI au dessus de l'Elysée. 5 min plus tard, un collègue annonce tout sourire : "Ils ont réussi! Ce sont des ballons avec une banderole..." Bravo au Printemps Francais, honte à la dictature socialiste, et vive la France !

    http://www.lesalonbeige.blogs.com/

  • Moyen-Orient : évolutions récentes de la guerre en Syrie

    Le conflit syrien se poursuit de la manière la plus rude. Il concerne désormais tous les pays de la région, selon des alliances antagonistes : l'Iran continue de soutenir fortement Bachar Al-Assad, tandis que l’Égypte, la Turquie, l'Arabie Séoudite et le Qatar jouent un rôle essentiel en faveur des rebelles. Ces derniers demeurent très divisés, et chaque faction n'est pas encouragée par les mêmes États. Le Liban et la Jordanie, principalement le premier, sont en voie de contamination par le conflit. L'Irak demeure en guerre civile larvée, le pouvoir chiite de Bagdad favorise le régime de Damas, assurant l'acheminement de matériels militaires et volontaires iraniens, par voie aérienne et terrestre, tandis que les rebelles sunnites de l'Ouest de l'Irak appuient leurs coreligionnaires insurgés syriens, par une frontière de facto ouverte et largement aux mains de la rébellion. L'Entité Sioniste encourage le chaos général, sans qu'il faille lui attribuer nécessairement, concrètement, un rôle essentiel ; tout soutien trop voyant à un des intervenants arabes la discréditerait complètement, donc elle s'en abstient. Elle aspire donc à la poursuite de l'atomisation de ses voisins septentrionaux, la Syrie et le Liban, laissant s'accomplir l'autodestruction de ses adversaires potentiels, qui n'ont pas besoin d'encouragements. Les quelques bombardements menés en Syrie ont visé les réserves en armes lourdes, missiles à longue portée, de son ennemi principal, le Hezbollah libanais.
    La semaine dernière les forces gouvernementales syriennes, avec l'aide active et essentielle du Hezbollah, formation politique et militaire chiite libanaise, ont repris la ville stratégique de Qousseir (parfois orthographiée Quseir ou Qusair, avec de nombreux sites homonymes en Syrie même), à la frontière entre la Syrie et la Liban, à proximité de la grande ville disputée de Homs. Elle servait jusqu'ici de place logistique importante pour les rebelles sunnites syriens de la Vallée de l'Oronte, avec des flux d'armes provenant des régions sunnites du Nord du Liban. Il s'agit d'un indiscutable succès local, mais il faut se garder de tout triomphalisme. Les lignes logistiques essentielles des rebelles passent par la Turquie, avec une très longue frontière qu'ils contrôlent assez largement, et, chose plus récente, la Jordanie, avec une arrivée massive d'armes, de fonds, de "volontaires" salafistes ou mercenaires financés par le Qatar, dans la région de Deraa, en une proximité dangereuse de la capitale syrienne Damas. L'Etat jordanien, très endetté, sous perfusion financière des Pays du Golfe, a fini par céder à leurs exigences ; le potentiel de déstabilisation interne est pourtant évident, tant il devient difficile de combattre à la fois le salafisme en Jordanie, opposé à la monarchie hachémite, et le soutenir en Syrie à partir de bases jordaniennes ; c'est un très dangereux calcul de court terme.
    La rébellion ne progresse plus pour l'instant en particulier du fait de ses divisions internes criantes. Les salafistes armés, en particulier les Brigades Al-Nosra, tendent à s'imposer à la place de la déjà assez théorique et peu unie « Armée Syrienne Libre », y compris en combattant les unités de cette dernière, tout autant sinon davantage que les forces loyalistes. Les salafistes préfèrent s'assurer de leur victoire, celle de leur cause, non d'un conglomérat anti-Assad illisible, et n'hésiteront pas le cas échéant à prolonger le conflit. Les forces armées salafistes, reçoivent donc des soutiens de toute nature, essentiels, du Qatar et de l'Arabie Séoudite, y compris médiatiques : sont multipliés les reportages complaisants à leur endroit diffusés dans le monde entier par les chaînes mondialement diffusées, en arabe et anglais, Al-Jazeera du Qatar et Al-Arabiya d'Arabie Séoudite. Ces deux États rivalisent quelque peu, soutiennent concrètement des groupes armés différents, qui défendent toutefois un projet de société semblable, ultra-rétrograde, une Syrie qui ne serait peuplée que de musulmans sunnites de l'obédience la plus stricte, c'est-à-dire wahhabite ; les nouvelles autorités salafistes imposeraient la disparition de toutes les importantes minorités non-sunnites, formant de l'ordre du quart ou du tiers de la population du pays, à commencer par les Alaouites encore au pouvoir, secte d'origine chiite très particulière, les Chiites, les Druzes, les Chrétiens, qui n'auraient le choix qu'entre l'exil, la mort, la conversion forcée. Voilà le véritable drame humanitaire en préparation, non une bien hypothétique victoire de Bachar Al-Assad, qui serait la meilleure chose à souhaiter à la Syrie ; évidemment, elle s'accompagnerait d'une dure répression, mais le comptage macabre serait hors de proportion avec celui d'une victoire des salafistes, du reste fort capables aussi de se battre entre eux, avec les encouragements persistants des parrains du Golfe, en un scénario catastrophique à la somalienne, loin d'être exclu.
    La principe force armée théoriquement unifiée demeure encore pour l'instant l'Armée Syrienne Libre. UASL traverse des difficultés ces dernières semaines sur le terrain, reculant quelque peu face aux forces gouvernementales et aux salafistes. Elle se prétend, pour la presse internationale occidentale, multicon-fessionnelle, favorable à une démocratie aux normes onusiennes — du bout des lèvres d'ailleurs — ; en fait, elle a fondamentalement pour projet une Syrie gouvernée par les seuls Sunnites, clairement majoritaires il est vrai, selon l'idéal politique des Frères Musulmans, aujourd'hui au pouvoir en Egypte, à la présidence avec Mohamed Morsi comme au parlement. Contrairement aux salafistes, les non-sunnites seraient provisoirement tolérés, en attendant leur départ ou leur conversion au sunnisme, après des années et des années de persécution larvée, semblable à celle que subissent les Chrétiens en Egypte depuis les années 1970, avec l'acquiescement muet de Sadate puis Moubarak. Cette ASL bénéficie du soutien privilégié de l'Egypte et de la Turquie, puisque l'AKP au pouvoir est animé par une philosophie politico-religieuse très proche, même si l'origine cairote s'avère inavouable en une Turquie très nationaliste, y compris en sensibilité islamiste. Dans la fiction juridique de la prétendue « communauté internationale », l'ASL formerait l'armée de l'Etat syrien "légitime" reconnu autour d'un gouvernement en exil : or, les personnalités syriennes extérieures, ayant pour seul trait commun l'opposition à Bachar Al-Assad, se montrent obstinément incapables de se donner même un semblant d'unité de façade, leur intérêt ô combien évident pourtant, qui serait répercuté par les média si complaisants du Système, lors de ces multiples conférences dites des « Amis de la Syrie » - le titre para-maçonnique imposé par Fabius et Hollande forme une antiphrase flagrante avec la réalité -.
    Tout ceci n'augure rien de bon en cas d'intervention militaire mordicus des forces otanesques, bien capables de passer outre le probable veto russe au Conseil de Sécurité de l'ONU, qui pourrait se déclencher brusquement, d'un jour à l'autre. Constatons que, s'il ne s'agit pas ici de chanter systématiquement les louanges de Poutine, au bilan et à la personnalité contrastés, comme certains nationalistes français enthousiastes - encore que cela ne nous dérange pas, contrairement à Tsahal ou aux salafistes selon des goûts bien plus douteux -, il a su développer une position cohérente, une analyse simple et juste : si Bachar Al-Assad, qu'il continue finalement - il avait prononcé il y a un an quelques propos distanciés inquiétants - à soutenir concrètement par la fourniture vitale d'armes russes, était renversé, selon tous les scénarios envisageables, de manière raisonnable, la situation en Syrie serait bien pire pour tous les habitants du pays et l'ensemble de la région, déstabilisée. La recherche de prétextes pour les bellicistes otanesques se poursuit, avec la France de Hollande hélas particulièrement en pointe, en reprenant obstinément le thème des armes chimiques, en particulier du gaz sarin - certainement utilisé par les rebelles salafistes -, de la crise humanitaire majeure à venir qui appellerait la mise en place de corridors de "sécurité" protégés par des casques bleus armés. Derrière un prétexte en apparence louable - qui serait contre une aide humanitaire massive dans un contexte protégé ? -, neutre, la constitution de zones rebelles sécurisées permettrait concrètement l'approvisionnement massif en armes des rebelles, selon un schéma déjà éprouvé en Bosnie-Herzégovine de 1993 à 1995, avec une armée mahométane bosniaque soutenue à bout de bras jusqu'à sa victoire de 1995 ; avec le recul, il est devenu clair que les Serbes de Bosnie avaient eu bien raison de se méfier de ces casques bleus, et même d'en capturer certains, même s'ils ont maladroitement géré médiatiquement la chose à l'époque.
    François Hollande est nul, on le sait depuis un moment ; mais il est aussi dangereux. En visite en Libye, il vient d'obtenir l'autorisation du gouvernement fantoche local d'envoyer les troupes spéciales françaises combattre le salafisme bien implanté dans le Fezzan - résultat du bellicisme sarkozyste précédent -, ce qui accroît encore le champ d'action déjà aberrant pour des régiments excellents certes, surtout limités en effectifs, de plus en plus épuisés par une course permanente sans fin de l'Atlantique au Lac Tchad ; à l'évidence, un jour, quelque part dans le vaste désert, une embuscade salafiste réussie causera un drame, avec des dizaines de morts.
    Cette guerre africaine est déjà beaucoup trop ambitieuse pour l'armée française, qui subit de plein fouet les coupes budgétaires massives, qu'il s'agirait donc en plus d'envoyer faire la guerre en Syrie, pour le triomphe de facto des salafistes combattus par ailleurs au Sahara. C'est complètement fou ! Folie des grandes lignes, ou des détails, avec par exemple toute la famille malienne salafiste du djihadiste Gilles Le Guen rapatriée en France, qu'il eût fallu à l'évidence laisser dans le Mali de leur cœur, et laisser gérer par les autorités locales à leur convenance. Même le Britannique Cameron suit moins, a fortiori l'essentiel Obama, car sans l'hyperpuissance américaine la surexcitation française demeure heureusement peu crédible au Moyen-Orient ; tous pourraient être cependant entraînés à la guerre par le thème du drame humanitaire, causé par les rebelles syriens en fait.
    LA CONTAMINATION DE LA GUERRE CIVILE SYRIENNE AU LIBAN
    Le Liban est désormais victime à son tour de combats réguliers, prolongements directs du conflit syrien, sans que pour l'instant heureusement tout le pays soit touché, tandis que l'intensité des affrontements demeure modérée. Le Liban est divisé en trois communautés principales, représentant un peu moins du tiers de la population, chrétienne, chiite, sunnite ; il s'y ajoute surtout des Druzes. Sur le plan politique, les Chiites dirigent un bloc, autour de leur parti-armé le Hezbollah, présidé par Hassan Nasrallah depuis 1992, appelé « mouvement du 8 mars », rejoint par une moitié des chrétiens, dont le général Aoun et son Courant Patriotique Libre. Les sunnites contrôlent le bloc politique antagoniste autour du « Courant lu Futur », bâti par la famille Hariri (après la mort de Rafic Hariri en 2005, ancien Premier ministre et grand ami du président français l'alors Chirac), cœur du « mouvement du 14 mars » rejoint par une autre moitié des chrétiens, subdivisés en un grand nombre de petits partis structurés le plus souvent autour des grandes familles traditionnelles - les Gemayel, Chamoun, Eddé, Geagea, etc. -. Les Druzes, suivant traditionnellement et très majoritairement la famille Joumblatt et leur Parti Socialiste Progressiste, louvoient, soutenant toujours le bloc le plus fort, donc jusqu'il y a peu celui du Hezbollah, avec des tiédeurs récentes assez fortes. Les deux blocs prétendent incarner les véritables intérêts nationaux du Liban, se réclament de l'antisionisme ; seul le Hezbollah occupe actuellement la ligne de front en Haute-Galilée, sans qu'il faille voir pour autant dans les Futuristes des zélateurs mal dissimulés de Tel-Aviv. Le Hezbollah contrôle directement plus de la moitié du Liban, le Sud face à l'Entité Sioniste, et l'Est avec la plaine de la Bekaa, les Sunnites que des enclaves côtières dont Saïda et Tripoli, les chrétiens le canton de Jounieh, entre Beyrouth et Tripoli, subdivisé lui-même en zones antagonistes aounistes (et alliées) et futuristes, tandis que les druzes contrôlent des enclaves montagneuses au Sud-Est de Beyrouth. Sur le plan extérieur, le Hezbollah prône l'alliance avec l'Iran, le courant du Futur celle avec l'Arabie Séoudite.
    Dans la guerre civile syrienne, le Hezbollah intervient, de plus en plus nettement, relativement tardivement selon certains, en alignant désormais sur le terrain des milliers de combattants, en faveur de Damas. Pour l'instant, le Courant du Futur n'est pas aussi directement impliqué, en tant que tel sur le terrain, mais soutient massivement l'Armée Syrienne Libre, grossie de volontaires sunnites libanais ; il y a peut-être un jeu complexe concernant les salafistes tacitement tolérés depuis peu, envoyés éventuellement délibérément se faire tuer dans le pays voisin pour soulager le Liban ; enfin les Frères Musulmans, à l'origine marginaux dans le Courant du Futur, connaîtraient un succès croissant, de nature à amoindrir l'hégémonie de la famille Hariri ; de même, les Chrétiens futuristes, à l'origine farouchement anti-Assad, largement du fait de haines terribles héritées de la guerre civile libanaise (1975-1990) et de l'occupation syrienne (1990-2005), se montrent de plus en plus gênés face aux pogroms antichrétiens qui ont indiscutablement lieu dans les zones contrôlées par les rebelles syriens. Tout ceci est bien compliqué ; au sein même des blocs, particulièrement celui du Courant du Futur, existent donc des concurrences plus ou moins déclarées, favorisant bien plus la surenchère belliciste que la responsabilité. Il faut ajouter le problème des camps palestiniens, toujours là depuis des décennies, villes fermées dans les villes, avec des centaines de milliers d'habitants, massivement sunnites, souvent armés, avec toutefois l'opposition entre des mouvements politico-militaires traditionnellement liés aux autorités de Damas, legs de la guerre civile libanaise et l'occupation syrienne, et des foules plutôt nettement favorables aux insurgés sunnites, de l'ASL aux salafistes ; des combats ont désormais lieu régulièrement entre Palestiniens à l'intérieur des limites étroites des camps ; le Hamas, jusqu'à l'hiver 2011-2012 ferme soutien de Damas, à la présence essentielle dans les camps, a basculé de l'autre côté, aidé en cela à Gaza comme à l'étranger dont le Liban par de nouveaux financement qataris massifs. La très hypothétique reconquête de la Palestine en est d'autant plus renvoyée aux calendes grecques. Les affrontements principaux ont eu lieu pour l'instant autour d'enclaves dans les zones sunnites, à Tripoli, avec les rares Alaouites du Liban, ou à Saïda, avec les quartiers périphériques chiites de la ville sunnite. Les affrontements ont pour l'instant heureusement épargné Beyrouth, où les manifestations antagonistes se succèdent, demeurent pacifiques, comportant dans chaque sens des centaines de milliers de personnes, foules considérables dans un Liban de 4 millions d'habitants. Mais la situation peut gravement dégénérer à tout instant.
    Le Liban est donc divisé en deux blocs, qui possèdent aussi des forces parlementaires à peu près égales, reste donc complètement paralysé politiquement depuis plusieurs années, avec des gouvernements éphémères à la recherche permanente d'une majorité. Le compromis national, jamais facile, semble se révéler particulièrement impossible depuis deux ans avec chaque bloc soutenant énergiquement un camp antagoniste de la guerre civile syrienne voisine. Le Premier ministre actuel, sunnite comme le veut la constitution, Tammam Salam, du Courant du Futur, depuis avril, ne réussira pas mieux que son prédécesseur immédiat Najib Mikati, qui était du reste réputé plus consensuel. Un enjeu immédiat est constitué par les élections législatives, en principe imminentes ; or, outre quelques combats perturbateurs, elles ne peuvent concrètement guère se tenir faute de loi électorale. En cas de passage en force gouvernemental ou parlementaire, organisant mordicus les élections suivant par défaut la loi électorale précédente, l'abstention massive du bloc se sentant lésé ne résoudrait pas, au contraire, la crise politique actuelle. Alors que des notables de chaque communauté pourraient peut-être finir par s'entendre, il y a lieu de craindre le pire avec des dizaines de députés répercutant les cris de leurs électeurs surexcités ; comme quoi, il est faux de croire que la démocratie conduirait ipso facto à la paix, ce serait même plutôt le contraire - suivant la leçon de nombreux cas africains, en sus du Liban -.
    La reprise de la guerre civile libanaise est certes annoncée comme imminente depuis 2008, avec déjà des arguments sérieux. Le risque paraît bien supérieur encore aujourd'hui. Le Hezbollah paraît encore en situation de force, avec en comptant les réservistes entraînés peut-être des dizaines de milliers d'hommes à sa disposition, ainsi qu'un armement lourd. Toutefois sa supériorité probable est moins écrasante aujourd'hui. Depuis 2010 à peu près, ont été renforcées de manière considérable des milices sunnites souvent semi-clandestines, mais très réelles, là encore bénéficiant du soutien logistique essentiel de l'Arabie Séoudite et du Qatar. Les chrétiens, très en retard sur les autres communautés dans la reconstitution de milices, se battraient à nouveau les uns contre les autres, ou plutôt fuiraient massivement le seul Etat arabe où ils avaient été majoritaires jusqu'aux années 1950. L'armée libanaise, peu puissante, éclaterait à nouveau ; la grande majorité chiite des soldats rejoindrait plutôt le Hezbollah.
    Scipion de SALM. Rivarol 14 juin 2013

  • Tacite : La révolte de Boadicée

    Sous le consulat de Caesenius Paetus et de Petronius Turpilianus, un grave désastre nous fut infligé en Bretagne, où le légat de l'Empereur, Aulius Didius, avait seulement conservé ce que nous possédions, et son successeur Veranius, après avoir opéré quelques incursions punitives contre les Silures, fut empêché par la mort de poursuivre la guerre.

    Tant qu'il vécut, il eut une grande réputation d'austérité, mais dans les derniers mots de son testament, il laissa percer une tendance à la flatterie ; car après avoir abondamment flatté Néron, il ajouta qu'il lui aurait conquis la province, s'il avait vécu encore deux ans. Mais maintenant, la Bretagne était entre les mains de Suetonius Paulinius, dont la science militaire et la popularité ne laissait personne sans rival, égalant celle de Corbulon, et il aspirait à égaler la gloire que celui-ci avait remportée en reconquérant l'Arménie et en subjuguant les ennemis de Rome. Il se prépara donc à attaquer l'île de Mona qui avait une population importante et qui était un refuge pour les fugitifs. Il construisit des bateaux à fond plat pour traverser ce bras de mer peu profond et mal connu. Ainsi traversa l'infanterie, pendant que la cavalerie suivait en passant à gué ou, quand l'eau était plus profonde, en nageant aux cotés de leurs chevaux.

    Sur le rivage se tenait l'armée ennemie avec son déploiement de guerriers en armes, pendant que des femmes couraient entre les rangs, vêtues de noir comme les Furies, les cheveux défaits, brandissant des torches. Tout autour, les druides, tendant leurs mains vers le ciel, se répandaient en imprécations sinistres, et ce spectacle étrange épouvanta nos soldats au point que, comme si leurs membres étaient paralysés, ils restaient immobiles et s'exposaient aux coups. Puis, pressés par les appels de leur général et s'encourageant mutuellement à ne pas craindre une troupe de femmes fanatiques, ils se portèrent en avant, brisèrent la résistance, et enveloppèrent les ennemis dans les flammes de leurs propres feux. Une garnison fut ensuite imposée aux vaincus, et leurs bosquets, consacrés à des superstitions inhumaines, furent coupés. Car ils estimaient comme un devoir de couvrir leurs autels avec le sang des captifs et de consulter leurs dieux avec des entrailles humaines. 

    Tandis que Suetonius était ainsi occupé, il reçut la nouvelle de la soudaine rébellion de la province. Prasutagus, le roi des Icéniens, célèbre pour sa longue prospérité, avait fait de l'Empereur son héritier, en même temps que ses deux filles, pensant que cet acte de soumission mettrait son royaume et sa maison à l'abri de toute atteinte. Mais ce fut le contraire qui arriva, à tel point que son royaume fut ravagé par les centurions, sa maison par ses esclaves, comme s'ils étaient des prises de guerre. D'abord, son épouse Boadicea fut fouettée, et ses filles violées. Tous les chefs des Icéniens, comme si Rome avait reçu tout le pays en cadeau, furent dépouillés de leurs biens ancestraux, et les parents du roi furent traités en esclaves. Rendus furieux par ces insultes et par la crainte qu'il arrivât pire, puisqu'ils étaient à présent réduits à l'état de province, ils prirent les armes et entraînèrent à la révolte les Trinovantes et d'autres qui, pas encore réduits à la servitude, avaient convenu par une conspiration secrète de reconquérir leur liberté. C'était contre les vétérans que leur haine était la plus intense. Car ces nouveaux colons de la province de Camulodunum chassaient les gens hors de leurs maisons, de leurs fermes, les appelaient captifs et esclaves, et les excès des vétérans étaient encouragés par les soldats, qui avaient eu une vie similaire et espéraient connaître un jour la même licence. De plus, un temple érigé au Divin Claudius était en permanence devant leurs yeux, comme la citadelle d'une tyrannie perpétuelle. Les hommes choisis comme prêtres devaient dilapider toute leur fortune sous le prétexte de cérémonie religieuse. Il ne paraissait pas trop difficile de détruire la colonie, qui n'était défendue par aucune fortification, une précaution négligée par nos généraux, qui pensaient plus à ce qui était agréable qu'à ce qui était urgent. 

    A ce moment, sans cause évidente, la statue de la Victoire à Camulodunum tomba et se retourna, comme si elle fuyait devant les ennemis. Des femmes excitées jusqu'à la frénésie prédisaient des destructions imminentes ; on raconta que des délires en une langue étrange avaient été entendus dans la maison du Sénat ; le théâtre avait résonné de lamentations, et dans l'estuaire de la Tamise on avait vu l'image d'une ville renversée ; même l'océan avait pris l'aspect du sang, et quand la marée se retirait, elle laissait l'empreinte de formes humaines, et tous ces signes étaient interprétés par les Britanniques avec espoir, et par les vétérans avec inquiétude. Mais comme Suetonius était absent, ils implorèrent du secours au procurateur, Catus Decianus. Tout ce qu'il fit fut d'envoyer deux cent hommes sans armement sérieux, et il n'y eut dans la place qu'une petite force militaire. Comptant sur la protection du temple, retardés par des complices secrets de la révolte, qui gênaient leurs plans, ils n'avaient construit ni fossé ni palissade ; ils n'avaient pas non plus éloigné les vieillards et les femmes, pour laisser les seuls hommes jeunes faire face à l'ennemi. Surpris comme ils le furent, en pleine période de paix, ils furent encerclés par une immense foule de Barbares. Tout le reste fut pillé ou incendié dans l'assaut ; le temple où les soldats s'étaient rassemblés fut pris d'assaut après deux jours de siège. L'ennemi victorieux rencontra Petilius Cerialis, commandant de la 9ème Légion, alors qu'il venait à la rescousse, mirent ses troupes en déroute, et détruisirent toute son infanterie. Cerialis s'échappa avec un peu de cavalerie jusqu'au camp, et fut sauvé par ses fortifications. Effrayé par ce désastre et par la fureur de la province qu'il avait poussée à la guerre par sa rapacité, le procurateur Catus s'enfuit en Gaule. 

    Cependant Suetonius, avec un courage splendide, marcha à travers une population hostile jusqu'à Londinium qui, bien que n'étant pas encore considéré comme une colonie, était très fréquenté par un grand nombre de marchands et de bateaux de commerce. Se demandant s'il devait le choisir comme base de guerre, car il ne voyait autour de lui que sa faible force de soldats, et se rappelant par quelle terrible leçon la témérité de Petilius avait été punie, il résolut de sauver la province au prix d'une seule cité. Ni les larmes ni les lamentations des gens, qui imploraient son aide, ne le dissuadèrent de donner le signal de départ, prenant dans sa colonne tous ceux qui voulurent partir avec lui. Tous ceux qui étaient attachés au lieu par la faiblesse de leur sexe, ou par l'infirmité de l'âge, ou par les attraits de l'endroit, furent massacrés par l'ennemi. Le même désastre s'abattit sur la cité de Verulamium, car les Barbares, qui se complaisaient au pillage et étaient indifférents à tout le reste, négligeaient les fortins ayant des garnisons militaires, et attaquaient tout ce qui offrait le plus de richesse aux pillards, et était sans défense. Environ 70 000 citoyens et alliés, semble-t-il, tombèrent aux endroits que j'ai mentionné. Car ce n'était pas en faisant des prisonniers et en les vendant, ni par quelque trafic de guerre, que l'ennemi était occupé, mais par le massacre, le gibet, le feu et la croix, comme des hommes devant bientôt recevoir leur châtiment, et voulant cependant se venger par avance. 

    Suetonius avait sous ses ordres la 14ème Légion avec les vétérans de la 20ème, et des auxiliaires venant du voisinage, faisant un total d'environ 10 000 hommes armés, lorsqu'il se prépara à partir sans délai et à livrer bataille. Il choisit une position ouverte sur un étroit défilé, fermée sur l'arrière par une forêt, s'étant d'abord assuré qu'il n'avait d'ennemis qu'en face de lui, où une large plaine s'étendait sans aucun danger d'embuscades. Ses légions étaient en rangs serrés ; autour d'elles, les troupes légèrement armées, et la cavalerie rassemblée sur les ailes. En face, l'armée des Britanniques, avec ses masses d'infanterie et de cavalerie, manifestait sa confiance, une vaste foule s'était rassemblée comme jamais auparavant, et si fière d'esprit qu'ils avaient même emmenés avec eux, pour assister à leur victoire, leurs femmes juchées sur des chariots, qu'ils avaient placés à l'extrémité de la plaine. 

    Boadicea, montée sur un char avec ses filles devant elle, allait de tribu en tribu, proclamant qu'il était habituel pour les Britanniques de combattre sous la direction des femmes. "Mais à présent" disait-elle, "ce n'est pas en tant que femme de noble ascendance, mais comme une femme du peuple, que je veux venger la liberté perdue, mon corps fouetté, la chasteté outragée de mes filles. L'avidité romaine est allée si loin que ni nos personnes, ni l'âge ni la virginité, n'ont été épargnés par la souillure. Mais les dieux sont favorables à une juste vengeance ; une légion qui avait osé combattre, a péri ; les autres se cachent dans leur camp, ou pensent à s'enfuir. Ils ne pourront même pas soutenir le vacarme et les cris de tant de milliers d'hommes, encore moins notre assaut et nos coups. Si vous pesez bien la force des deux armées, et les causes de la guerre, vous verrez que dans cette bataille vous devez vaincre ou mourir. Cela est la résolution d'une femme ; quand aux hommes, ils peuvent préférer vivre et être esclaves."  Suetonius ne restait pas non plus silencieux en un tel moment. Bien qu'il fût confiant dans la valeur de ses soldats, il mêlait cependant les encouragements et les prières pour qu'ils dédaignent les clameurs et les vaines menaces des Barbares. "Vous voyez ici", dit-il, "plus de femmes que de guerriers. Incapables de combattre, sans armes, ils lâcheront pied dès qu'ils reconnaîtront le glaive et le courage de leurs conquérants, qui les ont si souvent mis en déroute. Même parmi de nombreuses légions, c'est un petit nombre qui décide réellement de la victoire, et votre gloire sera encore plus grande si une petite force peut assurer la renommée d'une armée entière. Serrez les rangs, et après avoir lancé vos javelots, alors avec vos boucliers et vos glaives continuez à verser le sang et à détruire, sans une pensée pour le pillage ! Dès que la victoire aura été acquise, tout sera en votre pouvoir." Un tel enthousiasme suivit le discours du général, et les soldats vétérans, avec leur longue expérience de la bataille, se préparèrent si rapidement à lancer leurs javelots, que ce fut avec confiance dans le résultat que Suetonius donna le signal de la bataille. 

    D'abord, la légion resta immobile sur sa position, s'appuyant sur l'étroit défilé pour la défense ; lorsqu'ils eurent épuisés leur projectiles, qu'ils lançaient à coup sûr sur l'ennemi qui s'était approché tout près, ils se ruèrent en colonne formée en coin. L'attaque des auxiliaires fut similaire, pendant que la cavalerie avec les lances pointées en avant brisait tous ceux qui offraient une forte résistance. Le reste tourna le dos et prit la fuite, qui se révéla difficile, parce que les chariots tout autour avaient bloqué la retraite. Nos soldats n'épargnèrent même pas les femmes, pendant que les bêtes de somme, transpercées de traits, accroissaient les tas de cadavres. Une grande gloire, égale à celle de nos anciennes victoires, fut gagnée ce jour-là. Certains disent en effet que guère moins de 80 000 Britanniques tombèrent, alors que nos soldats perdaient environ 400 hommes, et pas beaucoup plus de blessés. Boadicea mit fin à sa vie par le poison. Et Poenius Postumus, préfet de camp de la 2ème Légion, lorsqu'il apprit le succès des hommes des 14ème et 20ème Légions, sentant qu'il avait privé sa propre Légion de cette gloire, et qu'il avait, contrairement à tous les usages militaires, désobéi aux ordres de son général, se transperça lui-même de son épée.

    Tacite, Annales (XIV, 29-37)

    http://www.theatrum-belli.com

  • Le théâtre de l'esprit

    La Somme, 5 septembre 1916. Le sergent Tezenaz du Montcel, attend de monter à l’assaut :

    Plus que dix minutes :

       - Faites passer…baïonnette au canon… faites passer…

    Je ne me sens pas brillant : c’est pourtant le moment où il faut tenir […] Je m’approche des gradins de franchissement et regarde en haut. Comment allons-nous sortir de là ? La moitié de mes hommes se massent autour de moi ; les autres vont sortir un peu plus loin, à l’endroit démoli. Je les regarde : ils sont pâles, calmes, magnifiques […] Moins cinq : les détonations, sifflements, hululements continuent au-dessus de nos têtes : c’est l’enfer.

    Je jette un coup d’œil sur ma droite : les baïonnettes brillent entre les visages creusés de mes soldats. Plus loin à une trentaine de mètres, j’aperçois soudain le lieutenant Ramière qui est monté sur une marche du parapet et dont le buste dépasse la tête des hommes. Il regarde la montre qu’il tient dans la main.

    Je suis prêt. Mon Dieu que votre volonté soit faite.

    Deux coups de sifflet, unis, tranquilles, ont percé le hourvari. Comment ? Déjà ? !…Le lieutenant, dressé cette fois à mi-corps du parapet fait signe du bras : « En avant ! » et monte…

    En avant ! Je grimpe le premier. 

    Dans l’antichambre de l’assaut

    La plus grande épreuve pour un soldat n’est pas le combat mais son attente, surtout si elle s’effectue sous le feu adverse. Pour Galtier-Boissière, « avant d’être engagé, on ressemble au monsieur qui attend chez le dentiste et frémit en entendant les hurlements du précédent client. Une fois dans la tourmente, on n’a heureusement  plus le temps de penser à rien ». Alors qu’il est au plus fort de la bataille de Verdun, Georges Gaudy à Verdun avoue : « on allait se massacrer, mais cela valait mieux que de subir, sans pouvoir bouger, l’épouvantable rage des marmites.» Sur 300 vétérans américains de la guerre d’Espagne, 213 confirmèrent cette vision et 42 seulement estimèrent avoir surtout eu peur au combat.

    La cruauté de cette attente réside surtout dans l’impossibilité d’agir alors que la tension est presque à son maximum. Refouler son angoisse sans agir c’est laisser libre court à son imagination, chacun entre en soi, fantasme sur son action future, se remémore des actions similaires passées, revoit ses proches. Les tics et gesticulation se multiplient. On vérifie cent fois son équipement et surtout le fonctionnement de son arme. Inhiber cette extériorisation, par amour propre ou bravade, accroît encore la pression. Certains connus pour leur flegme avant la bataille peuvent claquer d’un seul coup, comme un muscle trop tendu.

    Certains ne peuvent s’empêcher d’ouvrir le feu pour soulager leur angoisse. Dans la nuit du 23 au 24 février 1991 qui précède l’assaut sur les positions irakiennes, plus de 4 000 cartouches sont ainsi tirées sur des cibles imaginaires par les parachutistes américains intégrées dans la division française Daguet. Certaines unités partent parfois à l’assaut avant l’ordre, c’est d’ailleurs comme cela que la bataille de Solférino a été gagnée en 1859, par des soldats français qui n’en pouvaient plus d’attendre.

    Et puis arrive l’heure H :

    un brouhaha d’appels, plutôt devinés que perçus, monte de la masse humaine […] L’aiguille des secondes, infime morceau d’acier au sein d’une mer d’acier, entame son dernier tour. Nous montons les marches vers la sortie, et aussi loin que nos regards parviennent à perce l’épaisse brume, ils rencontrent des masses grises et armées qui opèrent le même mouvement que nous.

    C’est alors la plongée de tout son corps dans l’espace de la mort.

    L’espace étrange

    Cette plongée est d’abord une libération. Il faut en finir au plus tôt et chacun se trouve aspiré par toutes ses fibres dans un torrent. Certains, surtout parmi les plus jeunes, ont alors le besoin de s’enivrer en criant et en ouvrant le feu à toute occasion, là où les anciens se rappellent qu’il faut toujours conserver des munitions au cas-où et que si on peut avoir à ne pas nettoyer son arme, c’est encore mieux.

    Très vite le fonctionnement de l’esprit se tord. La surcharge des émotions et des signaux entraîne une confusion des sens et même des notions habituelles en matière de courage, de pitié ou même d’angoisse. Il n’y a plus que des anticyclones et des dépressions qui poussent ou aspirent les hommes dans un monde fabuleux où les choses parviennent à l’esprit avec l’évidence du cauchemar. Plus rien n’est étonnant.

    Dans ces conditions, les jugements portés sur les événements environnants font l’objet de distorsions importantes. Les comptes-rendus sont souvent très exagérés, les ordres parfois incohérents et personne ne parvient à se situer correctement dans le temps. Certains incidents de quelques secondes sont vécus comme s’ils avaient duré des heures, des heures entières sont oubliées. Le 21 mars 1918, Ernst Jünger est blessé :

    Je ne participe plus du tout aux activités meurtrières qui m’entourent. Je n’éprouve aucun douleur et je note la façon dont mes pensées deviennent floues ; elles se dissolvent dans un joyeux étonnement : « Si ce n’est pas pire que cela ! » […] C’est étrange comme en de tels instants notre propre corps donne l’impression d’être un objet étranger ; on sort pour ainsi dire de soi-même avec sa force vitale la plus intime et l’on éprouve le désir de se détourner de soi comme d’une image dépourvue de sens.

    Dans cet ailleurs psychologique, une défense automatique est constituée par l’insensibilité momentanée à l’horreur. Ne pas réagir, ne pas penser, ne pas éveiller de sentiments, bloquer la vision, la « comme une pierre ». Cette insensibilité n’est pas synonyme d’égoïsme, les attitudes altruistes, allant jusqu’au sacrifice de soi, sont, au contraire, très nombreuses en situation de danger extrême. Il ne s’agit pas non plus de « de dureté de cœur : la perte de camarades, d’amis chers, est douloureusement ressentie au lendemain des attaques, elle constitue même au front, tout bien pesé, l’épreuve de guerre la plus pénible. Mais le feu impose un ordre d’urgence aux sentiments. » En ces heures tragiques, la pensée du combattant ne va à sa famille qu’à de rares intervalles et aux seuls moments d’accalmie. Il ne vit que dans le seul instant présent et dans le cadre restreint de son groupe. 

    Les minuscules extraordinaires

    Dans cet univers d’un seul coup très restreint, la vision y passe alternativement de plans larges impressionnistes à, plus fréquemment, des focales hyperréalistes. Pour Chenu, agent de liaison lors d’une attaque en 1914,

    le champ de bataille s’est rétréci : le capitaine, le clairon et moi, nous sommes trois à nous voir sur une espèce de mamelon. J’ai l’impression que la terre est une toute petite sphère, pas assez longue pour que mon corps s’y étende à plat, et que ma tête la dépasse, suspendue dans le vide. Le régiment a disparu. Non, il n’y a plus rien dans le monde réel que cet îlot, cette boule qui émerge avec ses trois hommes, ses trois naufragés.

    Cet isolement s’explique par le cloisonnement physique du champ de bataille, désormais beaucoup plus en terrain tourmenté, urbain en particulier, qu’en plein découvert, par les poussières ou les fumées mais aussi par le vacarme qui empêche souvent les hommes de s’entendre au-delà de quelques mètres. Il s’explique aussi par le refus inconscient de voir les dangers contre lesquels on ne peut rien. Le monde d’au-dehors de la bulle de menace immédiate et visible n’existe simplement plus. Les informations qui ne servent pas à l’action immédiate et à la survie sont enregistrées et éliminées immédiatement.

    Dans cette réduction du champ de conscience parallèle, l’esprit est vite occupé par une seule idée ou une seule image concrète, visible, précise : le chef, le drapeau ou l’objectif à atteindre.

    Nous avancions droit devant nous, farouches, sans un cri ; on aurait craint, rien qu’en ouvrant la bouche, de laisser échapper tout son courage qu’on retenait les dents serrées ; le corps et l’esprit étaient tendus vers le seul but : arriver au bois.

    Pour Jünger, « Ce ne sont pas les ordres, c’est le but qui a fourni le cap et les liaisons et qui a uni tous ces combattants mus en apparence par le hasard. » Commander sous le feu, c’est donc avant tout imposer à l’esprit de ses hommes une idée directrice forte, puis fournir des buts visibles à atteindre ou des actions simples à faire, parfois à chaque individu. Cette polarisation sur une seule idée est par ailleurs dangereuse car elle amène à oublier fréquemment qu’il y a plusieurs dangers à surveiller. Lorsque survient un événement fort qui sort de cette focale, la surprise est totale et souvent paralysante.

    Dans son rapport sur la participation de sa compagnie à l'assaut sur la maison de la radio à Bangui (1997) le capitaine Marchand, souligne lui aussi la tendance de ses légionnaires « à s'agglutiner les uns aux autres pour se rassurer » et à se focaliser « sur l'objectif, en oubliant les autres directions toutes aussi dangereuses». Il note également que « tout le monde attendait l'ordre de l'échelon supérieur pour faire quoi que ce soit ». L’initiative est donc faible mais, en revanche, l’obéissance devient presque absolue. Le 24 septembre 1914, le lieutenant Maurice Genevoix, organise le repli de sa section : « Chaque commandement porte. Ça rend : une section docile, intelligente, une belle section de bataille ! Mon sang bat à grands coups égaux. A présent je suis sûr de moi-même, tranquille, heureux. » En 1918, le caporal Gaudy estime que « C’est un des bonheurs du soldat de n’avoir qu’à se laisser guider : il se repose sur le chef qui pense pour lui. »

    Les ordres seront donc normalement suivis à condition toutefois qu’ils soient donnés. Dans Men Against Fire, le colonel Marshall rapporte les impressions d’un sergent d’infanterie après les combats pour l’île Burton dans la Pacifique :

    Je compris que la seule façon de restaurer la confiance était de parler, comme un entraîneur le fait dans un match de football. Je poursuivais mon combat contre les postes de combat ennemis, mais cette fois je hurlais aux autres : « regardez-moi ! C’est ce que vous êtes censés faire. En avant ! Au boulot ! Gardez les yeux ouverts ! ». La section se rassembla à nouveau et commença à travailler méthodiquement. Mais je continuais à parler jusqu’à la fin de l’action car j’avais appris quelque chose de nouveau. Les chefs doivent parler pour commander. Un exemple silencieux ne suffit pas toujours à rallier pas les hommes.

    La parole est à la défense

    En face de l’assaut, la situation psychologique des défenseurs est assez différente. Ces derniers bénéficient du sentiment de jouir d’une liberté plus grande, du choix des moyens et éventuellement de la surprise. On n’attaque que lorsqu’on se sent fort et le défenseur le sait. De plus le « feu qui marche », celui du barrage roulant ou celui des groupes de mitrailleuses légères, par exemple, impressionne beaucoup plus que celui d’une position fixe. En revanche, le défenseur bénéficie d’armes automatiques lourdes, alors que l’attaquant ne peut les porter. Ces armes et les équipes qui les servent sont, psychologiquement, les éléments les plus résistants de toute l’infanterie. Ces cellules, quelle que soit la puissance de la préparation d’artillerie, constituent toujours les îlots de résistance sur lesquels vont buter les troupes d’attaque.

    Le défenseur bénéficie également de la protection des retranchements. Mais ces retranchements, s’ils sont enterrés, peuvent s’avérer aussi des pièges. La perspective de se voir subitement enfermés, enterrés vivants, brûlés vif ou asphyxiés provoque une angoisse particulière. Lorsque les hommes sont entassés dans des abris, cette angoisse s’accroît encore, et il existe de nombreux exemples de redditions, sans combat, de compagnies entières enfermées dans des fortins. Mon grand-père, sous-officier de l’infanterie coloniale, s’est ainsi illustré lors de la bataille de la Somme à s’emparant, avec 7 autres marsouins, d’un fort allemand occupé par 114 Allemands. 

    Lorsque les défenseurs ne sont pas neutralisés et bien décidés à se défendre, la situation peut devenir délicate :

    Enervés, assourdis, nous tirons, chargeons, tirons, sans arrêt. Toute la lisière du bois n’est qu’un long jet de feu dans la nuit. La ligne allemande progresse toujours ! Pour mieux viser, nous bondissons sur le parapet et irons à genoux… Devant nous la vague d’assaut n’est plus qu’à quarante mètres ! Je tire avec une rage frénétique. Mon cœur bat à se rompre, mes oreilles bourdonnent, j’ai la tête en feu : grisé par la poudre et l’infernal vacarme de la fusillade, je suis dans un paroxysme de vie et d’intense jouissance […] Et soudain toute la ligne ennemie fléchit, tourbillonne, se débande ! Debout sur le parapet, nous descendons les fuyards… hurlant « On les a eus – cessez le feu ! »…

    A la joie de vivre s’ajoute la joie d’être vainqueurs. « Ben comme ça, dit un homme, je comprends la guerre ! – Malin, va, riposte l’adjudant, philosophe, on aime toujours mieux être chasseur que lapin.

    http://lavoiedelepee.blogspot.fr/

  • Ils commencent à avoir des états d'âme ... Il serait temps !

    Mariage gay : le « malaise grandissant » des commissaires face à la répression

    INFO LE FIGARO - Dans le journal interne du Syndicat des commissaires de la police nationale (SCPN), des hauts fonctionnaires font part de leur refus d’être « une police d’opinion » face aux manifestants anti-mariage gay.

    Il y a quelques jours, les CRS s’indignaient, dans un tract du syndicat Alliance, de leur mission « ridicule » contre les « veilleurs debout ». Aujourd’hui, c’est chez les commissaires de police que la colère gronde. Dans le dernier numéro de la Tribune du commissaire, deux des trois « tribunes libres » sont consacrées au « malaise grandissant » de l’institution policière face à la répression des manifestations anti-mariage gay.« Du jamais vu ! », commente un membre de ce syndicat, qui représente 60 % des commissaires, et qui a toujours été très légitimiste. « Cela montre l’ampleur du mécontentement ».

    Signé « un collectif de commissaires de police », le premier article évoque « une vidéo ayant circulé sur Internet », « qui montre deux de nos collègues remettant en liberté des personnes portant un vêtement assorti du logo d’une association engagée dans un débat de société, après un simple contrôle d’identité ». « S’il apparaissait que des instructions ont été données à toute la chaîne hiérarchique policière d’interpeller des personnes sur ce seul motif, soulignent les auteurs, les commissaires de police qui ont décidé de les élargir honorent le Corps de Conception et de Direction ». Et de conclure : « il était temps de prouver que notre Institution n’est pas une police d’opinion ».

    Le deuxième texte - une tribune « poignante », juge le secrétaire général du SCPN, Emmanuel Roux - est une lettre d’« un commissaire de police attentif à l’actualité » à un « cher collègue ». Vraisemblablement pied-noir, il lui parle de sa grand-mère, Eugénie, qui « aimait beaucoup la France, bien qu’elle n’y soit jamais allée avant que le sens tragique de l’Histoire ne la contraigne (…) à quitter pour toujours notre terre natale il y a 51 ans ». Un jour, raconte-t-il, « elle commit l’acte fou de brandir un drapeau français à sa fenêtre ». Des uniformes « déboulèrent », « défoncèrent sa porte », à la recherche du drapeau.

    Un commissaire de police

    Aujourd’hui, le petit-fils d’Eugénie est commissaire divisionnaire. « Depuis plusieurs mois, le pays gronde, poursuit-il. Je vois des uniformes, de jeunes manifestants que l’on colle contre le mur. J’en ai vu qui tombaient, d’autres que l’on conduisait vers des fourgons, le regard perdu mais fier ». Avant d’asséner : « Je ne serai jamais l’un de ces officiers. J’aime trop ma grand-mère ».

    Emmanuel Roux admet avoir hésité avant de publier ces « collègues qui parlent avec leur tripes ». Mais il a reçu plusieurs appels dans le même sens, et a voulu jouer son « rôle de syndicat, lieu de parole ». « Je n’ai pas eu connaissance de pratiques policières qui auraient été différenciées selon les manifestants, tempère-t-il. Mais l’ordre public, c’est une alchimie complexe… »

    Au sein du SCPN, on affirme toutefois que « beaucoup ne se reconnaissent absolument pas dans les méthodes appliquées ». « C’est pas qu’on soit pro ou anti mariage gay, témoigne un commissaire signataire du premier article. On est simplement choqués. On voit une distorsion énorme entre ce qui se passe avec les voyous récidivistes et des gamins pacifiques qu’on met en garde-à-vue simplement parce qu’ils portent un tee-shirt ! Parfois, il faut avoir la force de dire « non ». Notre message, c’est que l’on refuse d’être une police politique, quel que soit le pouvoir ».

    Le Figaro  http://www.actionfrancaise.net

  • Sarko : ni providentiel ni présidentiel !

     

    Analyse d’Hilaire de Crémiers, directeur de Politique magazine, sur le retour annoncé de Nicolas Sarkozy.

    Il est omniprésent, mais s’imaginer qu’il puisse être la solution, c’est refuser de comprendre les origines de la situation actuelle.

    http://www.actionfrancaise.net

  • "Et ça continue, encore et encore ..." (1)

    C'est mardi 9 juillet que l'assurance maladie a fait ses propositions au gouvernement, ce afin de réaliser des économies en 2014 à hauteur d'environ 2,5 milliards d'euros dans les dépenses de santé. Il est facile de comprendre en raison de la baisse de la masse salariale, que les recettes dans les caisses de la sécurité sociale ne peuvent que diminuer. Si on prend en compte la prévision de la Commission des comptes de la Sécurité sociale (CCSS), le déficit de la Sécu se situera à 14,3 milliards en 2013 alors qu'il n'était que de 11,4 milliards l'année dernière. Quant au déficit de la branche maladie il devrait atteindre 7,9 milliards contre 5,1 en 2012.
    Si ce voit préconisé fort justement la chasse au gaspillage, force est de constater que celle-ci n'est qu'écran de fumée dont l'objectif n'est que de masquer la diminution du remboursement des médicaments. Le fait n'est au demeurant pas nouveau.
    C'est ainsi que l'insee a consacré une étude concernant l'évolution des prix des médicaments entre 2000 et 2010. Elle distingue le prix « brut », qui est le prix de marché et le prix « net » qui est celui effectivement payé par le consommateur après la prise en charge de la sécurité sociale. Entre 2000 et 2010, le prix « brut » de l’ensemble des médicaments remboursables et non remboursables a baissé de 1,8 % par an. Durant la même période, le prix « net » de ces médicaments a augmenté de 0,6 % par an. Ce distinguo s’explique par le déremboursement mais aussi par la forte progression du prix des médicaments non remboursables.
    On a, et bien à tort, l'idée qu'une révolution est nécessairement ponctuelle et soudaine. Un autre type de révolution, dans la quiétude cette fois ci, donc plus insidieuse, passe par la succession de réformes minimes, qui permettent de parvenir au même résultat qu'une révolution brutale. A titre d'exemple, si l'augmentation du prix du tabac visait à en diminuer la consommation, il eut été facile de faire passer le prix du paquet de cigarettes de 1 à 5 euros brutalement. A contrario, en pratiquant des hausses successives à hauteur de 50 centimes par étapes, on est parvenu à révolutionner le prix du paquet, sans déclencher une prise de conscience.
    A titre d'exemple, le 20 mai 2003, le taux de remboursement de 617 médicaments courants est passé de 65 à 35 %, selon un arrêté du ministère de la Santé (JO du 21.4.03). De même, déjà en octobre 1999, un décret prévoyait de ne plus rembourser les médicaments au SMR (service médical rendu) modéré ou faible qu'à 35 % . De façon similaire, Le taux de remboursement des 1.219 médicaments à vignette bleue est passé de 35% à 30% le 2 mai 2011.
    Les différents gouvernements successifs se gardent bien d'aller embarrasser les grandes multinationales que sont les laboratoires et les mesures prises se doivent de les satisfaire. On sait très bien au demeurant qu'il existe sur le marché des médicaments factices qui n'apportent rien de plus que leurs prédécesseurs. Ces laboratoires ne veulent pas accepter que leurs produits rentrent dans le domaine public une fois leur brevet expiré. D'où l'élaboration de médicaments similaires mais qui sont payés par les Français au prix fort.

    Alain Rebours http://www.voxnr.com

    Notes :

    (1) ... C'est que le début, d'accord, d'accord" Francis Cabrel.