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  • Serge Ayoub : « Arrêtons ce discours de pleureuse, les Français veulent des gens fiers »

    Serge Ayoub est le chef de file du « courant solidariste » en France. Lors de la mort de Clément Méric, il a été propulsé sur le devant de la scène médiatique. Cette affaire avait conduit à la dissolution de ses deux mouvements, Troisième Voie et les Jeunesses Nationalistes Révolutionnaires.
    Quel constat, aussi bien politique que médiatique, avez-vous pu tirer de « l’affaire Méric » ?
    Au niveau médiatique, on ne peut qu’être effaré par l’ampleur que prend ce fait divers. 3 ans auparavant, la mort de Yann Lorence, lynché à mort par un groupe d’antifas d’Auteuil en marge d’un PSG-OM n’avait pas suscité le millième de cet emballement.
    Mais ce sont évidemment les politiques qui ont donné le ton. J’ai surtout été surpris par l’incapacité du gouvernement à garder la tête froide. La position de tout ministre aurait due être de condamner la violence en attendant les premiers éléments de l’enquête. Je crois qu’il a dans leur réaction à la fois énormément de cynisme, consistant à récupérer immédiatement un mort pour nuire, par amalgames successifs, au FN montant, et aussi un effroi sincère : ils ont perçu la mort de Clément Méric comme celle de l’un des leurs, car que ce soit socialement ou idéologiquement, Méric avait tout du futur cadre de la gauche morale, multi-culturaliste et mondialiste. C’est ce qui explique aussi l’intensité de leur haine contre moi et Troisième Voie.
    Enfin, je crois que si la décision de dissoudre est prise sous le coup de l’émotion et pour donner l’impression d’agir, l’opiniâtreté dans la procédure de dissolution contre le JNR, puis Troisième Voie, le Local, et les pressions exercées sur le Conseil d’État sont l’indice qu’ils avaient parfaitement identifié que les idées de Troisième Voie était dangereuses pour eux. Il y a une volonté de casser cette vague populiste, ce courant très social du patriotisme français dont Troisième Voie faisait partie. D’ailleurs, Valls qui singe ce même populisme depuis des semaines a récemment dit que « République rimait avec, laïcité, Nation, autorité de l’État ». Il aurait pu le sortir d’un de nos textes, d’ailleurs, rien ne dit qu’il ne l’est pas fait en même temps qu’il « instruisait » notre dissolution !
    Comment expliquez-vous l’intérêt des médias pour votre personne après l’annonce de la mort de Clément Méric ?
    Les médias sont un théâtre, qui à la mort Méric ont fait jouer la pièce de l’antifascisme. Ils ont certainement cherché un client pour jouer le rôle du méchant, et ils ont certainement cru que je jouerais ce rôle. Cela m’a permis d’y avoir accès et de défendre les personnes inculpées, ainsi que mes idées que l’on caricaturait à tout bout de champ. Évidemment cela n’a pas duré, dès qu’ils ont compris que je ne jouais pas le rôle du grand méchant facho, et sur demande de la porte-parole du gouvernement, je n’ai plus eu aucun direct. D’ailleurs les médias eux-mêmes ont enterré l’histoire après le coup de la vidéo SNCF sortie par RTL.
    Finalement, avez-vous vu cela comme une chance pour vous de vous exprimer ?
    Ni, sur le moment, ni avec du recul, on ne peut parler de chance. Ce n’est pas une chance pour Esteban et Samuel, qui sont en prison. Pas une chance pour Méric, qui y a laissé sa peau sans gloire. Quant à moi, mon mouvement a été dissout et mon local fermé, on peut difficilement parler de tribune. En revanche, le point positif est que beaucoup de Français ont compris à quel point leur gouvernement était capable de manipulation et de mensonge. Beaucoup de gens dans la rue me serrent la main en me disant que, même s’ils ne sont pas toujours d’accord avec moi, j’ai été la première personne à se comporter dignement dans cette affaire.
    Comment réagissez-vous au sort qui est aujourd’hui réservé à Esteban ?
    Je pense toujours qu’il s’agit d’une nouvelle affaire Dreyfus. Deux gamins qui n’ont fait que se défendre sont jetés en prison, pas pour ce qu’ils ont fait, car on est dans un cadre de légitime défense, avec un coup rendu (mortel certes) pour un coup donné, par derrière en plus ; mais pour leurs opinions. Écoutez la gauche, écoutez ces gros neuneus d’experts, vous entendrez toujours cette idée que l’extrême-droite mène à la violence. Leurs fantasmes et leurs préjugés sont tellement enracinés dans leur esprit qu’ils ont été incapables de regarder le déroulement détaillé des faits.
    Comment avez-vous vécu votre rencontre avec Dieudonné et quelles ont été les retombées ?
    Je connaissais déjà Dieudonné, c’est un homme ouvert qui prend la liberté d’expression au sérieux. C’est dans cet esprit qu’il m’a proposé cette interview, et j’ai accepté. En ce qui concerne les réactions, elles ont été globalement positives.
    En quoi consiste votre activité actuellement ? Quels sont vos projets ?
    Je suis en train d’écrire un livre sur l’affaire Méric, qui devrait sortir le 14 septembre, à l’occasion de la manifestation contre la dictature socialiste, le même jour. Je suis en train de mettre sur pied un nouveau site, solidarisme.fr qui rassemblera revue de presse et textes théoriques, et qui nous permettra également de mettre en œuvre l’action la plus pertinente pour servir nos idées.
    À l’époque, par vos sulfureuses actions, ne pensez-vous pas avoir discrédité votre cause ; et marquez-vous, aujourd’hui, une rupture avec ce passé ?
    Je ne me souviens pas d’actions sulfureuses et encore discréditantes pour moi ou mes idées lorsque je défendais la liberté de pensée en général et d’expression du FN en particulier en assurant la sécurité de leurs meetings. À l’époque nous étions peu à risquer de prendre des coups pour défendre non pas le parti, dont je n’étais pas membre et à qui je ne devais rien, mais la libre expression.
    À propos de « souffre », je vais vous raconter une anecdote : en 92, lorsque sur le plateau de Bilalian, j’ai dit qu’une figurine de soldat de la seconde guerre mondiale ne tuait pas, mais que par contre le socialisme, le gouvernement, et Jean Marie Le Guen (qui était en face de moi), tuaient des hommes en bombardant l’Irak. Ils ont tous regardé leurs chaussures et le caméraman m’a montré son pouce en signe d’approbation.
    Il faut arrêter ce discours de pleureuse qui consiste à nous excuser pour des T-Shirts ou des propos tenus il y a 20 ou 30 ans. Il faut arrêter de se faire mettre à l’amende quand on nous parle de nos « écarts de conduite » ou de ceux d’un pote qu’on aurait pu connaître il y a 20 piges. Réveillez-vous ! En face de nous on a des criminels ! Des gens qui désindustrialisent le territoire français et jettent des centaines de milliers de gens au chômage ! Des gens qui insultent nos traditions, nos valeurs, qui rognent sur les libertés publiques, qui mentent, qui manipulent l’opinion, qui planquent de l’argent en Suisse et deviennent ministre ; on a un DSK qui a déshonoré la France et qui se permet de donner des cours d’économie au Sénat, un BHL qui nous fait faire des guerres parce qu’ « il le vaut bien », un Hollande qui couvre tous les pourris du PS depuis 15 ans et qui devient Président, des socialistes qui disent un jour « le nationalisme c’est la guerre » et qui décident de bombarder la Syrie le lendemain !
    Ce qui me discréditerait vraiment, ce serait de commencer à m’expliquer sur mon passé auprès de mes ennemis. Ça ce serait me discréditer, parce que ce serait le début de la défaite, d’accepter le système de valeurs, les petits amalgames et les points Godwin de ceux que je combats.
    Où vous situez-vous politiquement ?
    Pour mon pays, et avec mon peuple.
    Quelle est votre position à propos du monarchisme et du bonapartisme ?
    Je ne crois pas à un retour de l’Ancien Régime, ni à une résurgence du bonapartisme, qui pour moi a muté en gaullisme. J’en retiens surtout la réduction des intermédiaires entre la volonté du peuple et leurs dirigeants. Quand à la monarchie parlementaire, je ne crois pas qu’elle puisse protéger la nation. Regardez l’Angleterre, la famille Royale ne peut ni ne veut rien faire contre l’immigration de masse, la destruction du mariage et les écarts de richesses qui explosent avec la mondialisation. Je crois davantage à une République refondée sur l’intérêt du peuple et au recours à la démocratie directe. C’est pour moi le moyen le plus simple d’exercer un contrôle permanent sur les élites gouvernantes, et de les virer au besoin.
    Et concernant les forces républicaines patriotes comme, par exemple, Debout la République ou le Front National ?
    DLR ce n’est rien, c’est le machin d’un député qui est prisonnier de son mandat. Tant qu’il a son mandat et peur de le perdre, il ne peut faire d’alliance avec le FN et donc fait beaucoup pour s’en distinguer. Sa sortie sur l’obsession identitaire du FN était grotesque. Pourtant, les positions du FN sur cette question sont à la gauche du gaullisme dont il se revendique. DLR c’est le gaullisme sans les couilles, désolé mais je le pense.
    Quant au Front, la ligne est globalement bonne, même s’il lui manque un vrai sens de l’État pour proposer une réforme institutionnelle efficace. Les institutions de la Vème sont obsolètes, l’oligarchie en connait trop les rouages et elles n’imposent plus le même respect qu’à leur création. Il faut une refondation de la République, pas seulement une réorientation patriotique de celle-ci. Troisième Voie proposait par exemple de transformer le sénat en chambre représentative des travailleurs. Même sur la démocratie directe, les FN ne va pas assez loin. Nous proposions des mandats impératifs et révocables par l’initiative populaire. Nous avons proposé une refondation de la Nation sur un principe moral : la solidarité. Le FN, lui, n’a pas élaboré de principe philosophique sur lequel il appuie son patriotisme.
    Ensuite, je trouve le FN de Marine trop prisonnier de sa logique de dédiabolisation. Je vais me répéter, mais vraiment, arrêtons de nous excuser, les Français s’en foutent. Ils veulent des gens fiers. En plus c’est une erreur tactique : car c’est avouer une faiblesse. Du coup, à chaque élection, le système part dénicher son lot de maladroits étiquetés FN pour contraindre Marine à parasiter son discours en explications, dénégations, excuses, qui sont d’ailleurs systématiquement perçues par les militants comme des trahisons, et nuisent à l’action du Front. Il faut balayer ces amalgames d’un revers de main, car pour les Français, ça ne compte pas au regard de la situation de leur pays.
     On vous a accusé récemment de demander la tête du journaliste Frédéric Haziza et d’être à l’origine d’une « campagne antisémite » ; qu’en est-il ?
    Haziza représente tout ce qu’un patriote peut détester : journaliste partisan du système, dur avec les faibles comme Jacques Cheminade, flagorneur avec les puissants comme Valls ou Harlem Désir.
    Il s’agit en fait une campagne d’autovictimisation organisée par Haziza lui-même pour faire se faire mousser sur les réseaux sociaux : provoquer la colère des patriotes par des accusations outrancières et un chantage odieux à l’antisémitisme, puis crier à l’antisémitisme lorsque ceux-ci protestent.
    Il m’avait déjà provoqué sur Twitter au moment du décret de dissolution des JNR. Il a réitéré ses insultes suite à l’interview que j’ai donnée à Dieudonné. Demander sa démission en relayant une pétition, qui n’avait rien d’antisémite, au motif qu’un tel manque de professionnalisme et de neutralité n’a pas sa place sur une chaîne du service public comme LCP, me semblait parfaitement justifier. D’ailleurs nos échanges sont accessibles publiquement sur Twitter, et aucun de mes messages ne relève de l’incitation à la haine. En réalité Haziza, c’est un peu l’histoire du garçon qui criait au loup.
    Selon vous, pourquoi l’État français fait-il tout pour intervenir en Syrie ?
    Il y a depuis longtemps une volonté de l’Occident de nuire à Assad, comme à tous les régimes laïcs du Moyen Orient qui s’appuient sur une classe moyenne éclairée, et dont la tendance naturelle et légitime au patriotisme est un obstacle à l’acquisition par les multinationales du contrôle total de la région. Il y a également une volonté atlantiste manifeste de nuire aux intérêts stratégiques de la Russie dont la Syrie est l’alliée et de retarder l’émergence d’un monde multipolaire.
    En ce qui concerne l’élan belliciste soudain de notre gouvernement, je pense que l’on a simplement affaire à une bande d’incapables qui surréagissent à un attentat chimique qui, s’il est avéré, est très probablement imputable aux rebelles, dont Carla del Ponte, enquêtrice de l’ONU, avait affirmé qu’ils possédaient et avaient utilisé du gaz sarin en mai. Je ne crois pas qu’il s’agisse d’une grande manœuvre coordonnée, car à part la Hollande, personne n’a l’air d’être motivé.
    Quelles sont vos solutions vis-à-vis du « grand remplacement » de population ? Croyez-vous à une « réconciliation nationale » ?
    Tout d’abord, je dirais que cette discussion est oiseuse tant qu’on n’a pas pris le pouvoir. Intégrer le problème de l’immigration dans un programme plus vaste visant à refonder cette nation et à permettre à son peuple d’être heureux et prospère, très bien. Mais faire de cette question du grand remplacement un point de passage obligé pour tout programme, c’est idiot : tout d’abord parce que la prise du pouvoir changera déjà la donne. La suppression des pompes aspirantes non seulement réduira considérablement les entrées, mais provoquera aussi énormément de départs. Énormément de gens vivent de la générosité et du laxisme de ce pays, cessons, d’être laxistes, la France cessera d’être un eldorado pour le reste du Tiers-monde.
    Dans un deuxième temps, la lutte contre l’oligarchie mondialiste doit évidemment se faire en partenariat avec les autres pays du monde, et en l’occurrence, les pays d’émigration qui se vident de leurs forces vives avec le système actuel. Une coopération économique plus juste rendra certainement ces pays plus attractif pour les immigrés originaires de ces pays. Mais je suis confiant, si nous prenons le pouvoir, tout sera beaucoup plus facile. Ces minorités dont la croissance démographiques inquiètent tant certains de nos concitoyens verront leurs effectifs se réduire et se stabiliseront d’elles-mêmes en adoptant des mœurs françaises. Elles cesseront alors d’être un objet d’anxiété pour le reste de la communauté nationale, leur présence ne posera alors plus de problème au sentiment identitaire des Français.
    Peut-on encore sauver la France ?
    Pour moi ça ne fait aucun doute.
    Propos recueillis par Christopher Lings
    http://www.lebreviairedespatriotes.fr/10/09/2013/politique/serge-ayoub-arretons-ce-discours-de-pleureuse-les-francais-veulent-des-gens-fiers/

  • Le roi Arthur était-il un cavalier sarmate et les mythes arthuriens ont-ils une origine dans le Caucase ?

    (source : agencebretagnepresse)
    L’actualité récente en Géorgie a mis les projecteurs sur la République indépendante d’Ossétie (Indépendance proclamée en 1991). Les Ossètes comme les Bretons d’ailleurs, ont des origines ancrées dans la fin de l’Empire romain. Les Ossètes descendent des fameux Alains, ou plutôt de ceux qui sont restés et ne sont pas partis piller l’Empire au Ve siècle.
    Les Sarmates en Bretagne insulaire
    Ces peuplades qui parlent une langue iranienne apparaissent dans le bas-Empire romain sous le nom de Sarmates quand ils sont alliés ou federati et de Scythes quand ils sont ennemis. Envahisseurs, ils sont connus sous le nom d’Alains alliés des Vandales.
    La cavalerie sarmate-alain très appréciée des Romains était quasiment invincible. Elle était appelée cavalerie [1], du nom de leur cuirasse d’écailles, la cataphracte.
    Depuis 175, les Sarmates devaient fournir à Rome 5000 cavaliers, pour la plupart envoyés en Bretagne (insulaire) à la frontière nord. Les Sarmates de Bretagne auraient été commandés à la fin du IIe siècle par Lucius Artorius Castus qui serait le roi Arthur historique (1), du moins le premier, car il semblerait que le roi Arthur soit un personnage composé de plusieurs figures historiques. Lucius Artorius ayant vécu 200 ans plus tôt que le roi breton qui rallia les Brito-Romains contre les envahisseurs saxons.
    D’après Léon Fleuriot, c’est Artorius Castus, préfet de la VIe légion, qui aurait aussi maté la révolte armoricaine de 184. Une intervention en Gaule que rapporte bien la légende dans la première version écrite, celle de Geoffroy de Monmouth.
    C’est cette cavalerie sarmate-alain qui aurait apporté d’Asie le symbole du dragon en Grande-Bretagne. Rien de plus normal pour des cavaliers aux cuirasses écaillées de se battre derrière des enseignes d’un monstre écaillé. Le dragon rouge du roi Arthur, dit justement « Pendragon » comme le roi Uther. Le dragon rouge apparaît aussi dans les prophéties de Merlin. Un dragon que l’on retrouve aujourd’hui jusque sur le drapeau du Pays de Galles.
    Les Alains en Armorique
    Les Sarmates-Alains, révoltés contre Rome, ont pillé le nord de la Gaule de 407 à 409. Après avoir traversé la Loire en 408, le consul Aetius leur donnera l’Armorique pour qu’ils les laissent tranquilles. Un peu comme le roi de France cinq siècles plus tard donnera la Normandie aux Vikings de Rollon.
    Avec à leur tête un chef du nom de Goar, les Alains se divisent en plusieurs bandent et pillent l’Armorique. C’est encore eux, redevenus des mercenaires au service de l’empire qui vont réprimer la dernière révolte armoricaine dite des Bagaudes (bagad = bande en gaulois et en breton moderne) en 445-448 à une époque où justement les Bretons commencent à arriver de Grande-Bretagne puisque les dernières légions la quittent en 441.
    Certaines s’établiront juste de l’autre côté de la Manche puisque le mot Léon dérive justement de « légion » et Trégor de tri-cohortes. Voir à ce sujet le Guide des drapeaux bretons et celtes de Divi Kervella et Mikaël Bodloré-Penlaez, qui vient de sortir en librairie. Les symboles héraldiques du Haut-Léon et du Trégor semblent avoir justement hérité du dragon.
    Certains linguistes pensaient que les patronymes Alain ou Alan seraient tout simplement des gens descendant d’Alains établis en Gaule mais le vieux breton a un terme alan pour le cerf et cette origine semble plus vraisemblable. Des Alains se sont surtout installes en Île-de-France, en Aquitaine, en Lusitanie (Portugal) autour de Carthagène en Vandalousie qui deviendra Andalousie. Le nom de Tiffauge, célèbre pour son Barbe Bleu viendrait du nom d’une des bandes de barbares alliés aux Alains, les Taïfales, établis dans cette région au Ve siècle. Le nom de l’Aunis viendrait aussi d’Alains.
    Les mythes arthuriens d’origine alanique ?
    Dans leur livre De la Scythie à Camelot, Covington Scott Littleton, professeur d’anthropologie à Los Angeles et Linda Ann Malcor, docteur en folklore et mythologie, ont remis en cause l’origine celtique du cycle arthurien.
    Pour eux, le cour de cet ensemble fut apporté entre le IIe et le Ve siècle par des cavaliers alains-sarmates.
    La culture des Ossètes, les cousins contemporains des Alains, possède des récits qui ressembleraient aux aventures d’Arthur et des chevaliers de la Table ronde. On y raconte notamment la saga du héros Batraz et de sa bande, les Narts. Dans cette histoire il est, entre autres, question d’épée magique qui serait l’équivalent d’Excalibur et de coupe sacrée, le Graal donc, la coupe du Wasamonga que l’on retrouve sur l’emblème moderne de l’État d’Ossétie du Sud avec un triskell qui est par contre universel et pré-cetique puisque sur des monuments mégalithiques comme à Newgrange en Irlande. Il semblerait que les échanges de mythes aient eu lieu dans les deux sens.
    http://euro-synergies.hautetfort.com/
    (1) rapprochement fait pour la première fois par Zimmer, Heinrichen 1890, repris par Kemp Malone en 1925.
    Sources : – C. Scott Littleton, Linda A. Malcor, From Scythia to Camelot, New-York ; Oxon, 1994 (rééd. 2000).
    - X. Loriot, Un mythe historiographique : l’expédition d’Artorius Castus contre les Armoricains, Bulletin de la Société Nationale des Antiquaires de France, 1997.
    - Guide des drapeaux bretons et celtes, D. Kervella et M. Bodloré-Penlaez. Éd. Yoran Embanner, 2008.
    - Les Origines de la Bretagne, Léon Fleuriot. Payot, 1980 (nombr. rééd.).
    Notes
    [1] cataphractaire

  • Le chômage s’aggrave : pas d’amélioration en vue

    La situation s'est aggravée au 2e trimestre sur le front de l'emploi avec la disparition de près de 35.000 postes dans le secteur marchand et, les perspectives restent moroses jusqu'à fin 2013.
    Aujourd’hui, l’inversion de la courbe du chômage promise par le gouvernement socialiste n’est plus à l’ordre du jour.
    Malgré un rebond surprise de la croissance au 2e trimestre (+0,5% selon l'estimation de l'Insee), les chiffres publiés mercredi par l'Institut de la statistique révèlent une détérioration de l'emploi salarié: 34.600 postes ont été rayés de la carte au 2e trimestre, après 4.700 au trimestre précédent.
    Au 2e trimestre, tous les secteurs d'activité ont été frappés par cette dégradation, amorcée mi-2012.
    Signe jugé inquiétant par les économistes: après une fugace embellie au début de l'année, l'intérim, sensible à la conjoncture et réputé précurseur des évolutions à venir du marché de l'emploi, repart à la baisse (4.000 postes supprimés).
    Au total, depuis l’élection de Hollande, plus de 140.000 emplois ont été rayés de la carte (-0,9%).
    L'institut de recherche économique Natixis prévoit encore 76.000 nouvelles destructions d'emploi dans la 2e partie de l'année, soit une année 2013 plus noire encore que 2012.
    "On est sorti du creux de la crise. On aura des taux de croissance nuls ou légèrement positifs dans les trimestres à venir, mais il est probable que cette croissance ne sera pas très riche en emplois: on restera de fait dans des rythmes de croissance très insuffisants pour créer de l'emploi", pronostique-t-il en fixe la barre à 1,5% de croissance annuelle environ, à l'instar de nombreux autres économistes.¢
    Avec AFP http://www.francepresseinfos.com/

  • L'échec pour tous

     

    Le numéro de septembre de Politique magazine vient de sortir. Extrait de l'analyse politique d'Hilaire de Crémiers :

     

    P"La réalité pourrait bien contredire les fausses assurances de ces politiciens dont la médiocrité d’esprit se couvre de la raison d’état. Le rêve socialiste ne dure jamais plus d’un an. Après, il faut payer. Non, François Hollande n’a pas été très malin en faisant croire au mois de juillet que, grâce à lui évidemment, la reprise économique était dorénavant l’actualité qu’il allait devoir gérer. Il était heureux de le dire et de le redire en toute simplicité avec ce sourire béat qui reflète si profondément sa vie intérieure. Il se donnait ainsi le beau rôle en insistant sur les résultats calamiteux du quinquennat précédent selon le jeu de cette alternance politicienne qui consiste essentiellement à éreinter le prédécesseur pour se faire valoir. Mais un tel calcul est aujourd’hui risqué. Pendant tout l’été, il n’a été question dans les discours de Hollande, d’Ayrault, de Moscovici que de ce « frémissement » de 0,5 %, signe annonciateur pour eux des lendemains heureux promis par le socialisme éternel et singulièrement par le candidat Hollande, son messie d’aujourd’hui : le mariage pour tous déjà légalisé, la retraite pour tous sans effort et le plus tôt possible, la croissance pour tous, l’éducation démocratique pour tous, le succès pour tous, les loisirs pour tous, la drogue pour tous, le partage des richesses évidemment pour tous, la liberté pour tous, même et surtout pour les récidivistes, les violeurs et les assassins qui, du coup, seront très gentils et avec qui il faudra aussi être très gentils s’il leur vient l’idée de recommencer, en application de la prochaine loi pénale si finement et si fermement concoctée par celle qui garde les Sceaux et qui, assurément, n’a jamais connu cette chance, pas encore, d’être assassinée, volée ou violée.

    L’avènement de cette société radieuse n’est, bien sûr, possible que par l’exclusion préalable et méritée de ceux qui refusent cet univers nouveau, ce « renversement de civilisation », selon le terme approprié qui a été employé, conçu et prédit par les brillants cerveaux de notre gauche illuminée dont la prophétesse Taubira à la voix rauque et oraculaire, le grand-prêtre Peillon à la voix si liturgiquement religieuse sont les plus éclatants exemples. Comme dans le roman d’anticipation de George Orwell, il y aura le ministère de la Vérité, chargé de l’éducation, de l’information et des loisirs programmés, le ministère de l’Amour, chargé de la justice et de l’uniformisation des esprits, s’il le faut par la rééducation musclée des récalcitrants, le ministère de l’Abondance, chargé de gérer la pénurie en faisant croire que l’Etat-providence de Big Brother assure la juste satisfaction des besoins de tous, le ministère de la Paix, chargé, comme il se doit, de faire la guerre. Nous y sommes ou presque. Mais comme toutes les expériences du passé l’ont prouvé, ce socialisme fumeux aboutira à des catastrophes. [...]"

    http://www.lesalonbeige.blogs.com/

  • Intervention en Syrie : la recherche d'un prétexte à tout prix

    La France a-t-elle encore une politique étrangère ou fait-elle celle du Qatar, de l’Arabie Saoudite et des Etats-Unis ?
    La coalition réunissant les Etats-Unis, le Royaume-Uni, la France, la Turquie, l’Arabie Saoudite et le Qatar vient de franchir un nouveau pas dans sa volonté d’intervenir en Syrie afin de renverser le régime de Bachar el-Assad. Utilisant ses énormes moyens de communication, elle vient de lancer une vaste campagne d’intoxication de l’opinion internationale afin de la convaincre que Damas a utilisé l’arme chimique contre son peuple, commettant ainsi un véritable crime contre l’humanité et méritant « d’être puni ».
    Aucune preuve sérieuse n’a été présentée à l’appui de ces affirmations. Au contraire, de nombreux éléments conduisent à penser que ce sont les rebelles qui ont utilisé ces armes.
    Ces mensonges médiatiques et politiques ne sont que des prétextes. Ils rappellent les tristes souvenirs du Kosovo (1999), d’Irak (2003) et de Libye (2010) et ont pour but de justifier une intervention militaire afin de renverser un régime laïc, jugé hostile par les Etats-Unis – car allié de l’Iran et ennemi d’Israël – et impie par les monarchies wahhabites d’Arabie Saoudite et du Qatar. Il est particulièrement affligeant de voir la France participer à une telle mascarade.
    La falsification des faits
    Depuis deux ans, des informations très contradictoires et souvent fausses parviennent en Europe sur ce qui se passe actuellement en Syrie. Il est ainsi difficile de comprendre quelle est la situation exacte dans ce pays. Certes, le régime syrien n’est pas un modèle démocratique, mais tout est mis en œuvre par ses adversaires afin de noircir le tableau, dans le but d’assurer le soutien de l’opinion internationale à l’opposition extérieure et de justifier les mesures prises à son encontre, dans l’espoir d’accélérer sa chute.
    Cette falsification des faits dissimule systématiquement à l’opinion mondiale les éléments favorables au régime :
        - le soutien qu’une grande partie de la population syrienne, principalement les sunnites modérés et les minorités (chrétiens, druzes, chiites, kurdes), continue d’apporter à Bachar el-Assad, car elle préfère de loin le régime actuel – parfois par défaut – au chaos et à l’instauration de l’islam radical ;
        - le fait que l’opposition intérieure, historique et démocratique, a clairement fait le choix d’une transition négociée et qu’elle est, de ce fait, ignorée par les pays occidentaux ;
        - la solidité militaire du régime : aucune défection majeure n’a été observée dans l’armée, les services de sécurité, l’administration et le corps diplomatique et Damas est toujours capable d’organiser des manœuvres militaires majeures ;
        - son large soutien international. L’alliance avec la Russie, la Chine, l’Iran et le Hezbollah libanais ne s’est pas fissurée et la majorité des Etats du monde s’est déclarée opposée à des frappes militaires, apportant son soutien total aux deux membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU – Russie et Chine – qui ont clairement indiqué qu’ils n’autoriseraient pas une action armée contre la Syrie. Rappelons également que le régime syrien n’a été à ce jour l’objet d’aucune condamnation internationale formelle et demeure à la tête d’un Etat membre à part entière de la communauté internationale ;
    - le refus délibéré des Occidentaux, de leurs alliés et de la rébellion de parvenir à une solution négociée. En effet, tout a été fait pour radicaliser les positions des ultras de Damas en posant comme préalable le départ sans condition du président Bachar.
    Au contraire, l’opposition extérieure, dont on cherche à nous faire croire qu’elle est LA solution, ne dispose d’aucune légitimité et demeure très éloignée des idéaux démocratiques qu’elle prétend promouvoir, en raison de ses options idéologiques très influencées par l’islam radical.
    De plus, la rébellion syrienne est fragmentée entre :
        - une opposition politique extérieure groupée autour des Frères musulmans, essentiellement contrôlée par le Qatar et la Turquie ;
        -  une « Armée syrienne libre » (ASL), composée d’officiers et d’hommes de troupe qui ont déserté vers la Turquie et qui se trouvent, pour la plupart, consignés dans des camps militaires, faute d’avoir donné des gages d’islamisme suffisants au parti islamiste turc AKP ; son action militaire est insignifiante ;
        - des combattants étrangers, salafistes, qui constituent sa frange la plus active et la plus violente, financés et soutenus par les Occidentaux, la Turquie, le Qatar et l’Arabie Saoudite.
    Ainsi, la Syrie connaît, depuis deux ans, une situation de guerre civile et des affrontements sans merci. Comme dans tous les conflits, les victimes collatérales des combats sont nombreuses, ainsi que les atrocités. Toutefois, les grands médias internationaux qui donnent le ton – qui appartiennent tous aux pays hostiles à la Syrie – cherchent à donner l’impression que les exactions, massacres et meurtres sont exclusivement le fait du régime et de son armée. Si certaines milices fidèles au régime ont commis des exactions, cela ne saurait en aucun cas dissimuler les innombrables crimes de guerre qui sont chaque jour, depuis deux ans, l’œuvre de la rébellion, et dont sont victimes la population syrienne fidèle au régime, les minorités religieuses et les forces de sécurité. Ce fait est systématiquement passé sous silence. Pire, les nombreux actes de barbarie des djihadistes soutenus par l’Occident, la Turquie et les monarchies wahhabites sont même souvent attribués au régime lui-même, pour le décrédibiliser davantage. L’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH), principale source des médias sur les victimes de la « répression », est une structure totalement inféodée à la rébellion, créée par les Frères musulmans à Londres. Les informations qu’il diffuse relèvent de la pure propagande et n’ont donc aucune valeur ni objectivité. S’y référer est erroné et illustre l’ignorance crasse ou la désinformation délibérée des médias.
    Enfin, face à ce mainstream médiatique tentant de faire croire que le Bien est du côté de la rébellion et de ses alliés afin d’emporter l’adhésion de l’opinion, toute tentative de vouloir rétablir un minimum d’objectivité au sujet de ce conflit est immédiatement assimilée à la défense du régime.
    Les objectifs véritables d’une intervention en Syrie
    Dès lors, on est en droit de s’interroger sur les raisons réelles de cet acharnement contre Bachar el-Assad et d’en rechercher les enjeux inavoués. Il en existe au moins trois :
        - casser l’alliance de la Syrie avec l’Iran ; le dossier iranien conditionne largement la gestion internationale de la crise syrienne. En effet, depuis trois décennies, Damas est l’allié de l’Iran, pays phare de « l’axe du mal » décrété par Washington, que les Américains cherchent à affaiblir par tous les moyens, tant en raison de son programme nucléaire, de son soutien au Hezbollah libanais, que de son influence régionale grandissante ;
        - rompre « l’axe chiite » qui relie Damas, Bagdad, Téhéran et le Hezbollah, qui est une source de profonde inquiétude pour les monarchies du Golfe qui sont, ne l’oublions pas, des régimes autocratiques et qui abritent d’importantes minorités chiites. Ainsi, Ryad et Doha ont désigné le régime iranien comme l’ennemi à abattre. Elles veulent la chute du régime syrien antiwahhabite et pro-russe, afin de transformer la Syrie en base arrière pour reconquérir l’Irak, majoritairement chiite, et déstabiliser l’Iran. Elles cherchent aussi à liquider le Hezbollah libanais. En cela, leur agenda se confond avec celui de Washington ;
        - détruire les fondements de l’Etat-nation laïc syrien pour le remplacer par un régime islamiste. Cela signifie livrer Damas aux forces wahhabites et salafistes favorables aux pétromonarchies du Golfe, ce qui signifie l’éclatement du pays en plusieurs entités en guerre entre elles ou, pire, l’asservissement voire le massacre des minorités non sunnites.
    Ces objectifs non avoués n’ont pas été jusqu’ici atteints et ne le seront pas tant qu’existera le soutien sino-russe et tant que l’axe Damas-Téhéran ne se disloquera pas.
    Le faux prétexte des armes chimiques
    Face à la résistance de l’Etat syrien et de ses soutiens, la coalition américano-wahhabite a décidé d’employer les grands moyens afin de faire basculer l’opinion et de justifier une intervention militaire : accuser Damas de recourir aux armes chimiques contre sa propre population. Une première tentative a été entreprise en avril dernier. Malheureusement, l’enquête des inspecteurs de l’ONU a révélé que l’usage d’armes chimiques était le fait de la rébellion. Ce rapport n’allant pas dans le sens que souhaitait la coalition américano-wahhabite, il a été immédiatement enterré. Seul le courage de Carla del Ponte a permis de révéler le pot aux roses. Notons cependant que les « médias qui donnent le ton » se sont empressés de ne pas lui accorder l’accès à leur antenne et que cette enquête a été largement passée sous silence.
    Les événements du 21 août dernier semblent clairement relever de la même logique. Une nouvelle fois, de nombreux éléments conduisent à penser qu’il s’agit d’un montage total, d’une nouvelle campagne de grande envergure pour déstabiliser le régime :
        - le bombardement a eu lieu dans la banlieue de Damas, à quelques kilomètres du palais présidentiel. Or, nous savons tous que les gaz sont volatils et auraient pu atteindre celui-ci. L’armée syrienne n’aurait jamais fait cela, sauf à vouloir liquider son président !
        - les vecteurs utilisés, présentés par la presse, ne ressemblent à aucun missile en service dans l’armée syrienne, ni même à aucun modèle connu. Cela pourrait confirmer leur origine artisanale, donc terroriste ;
        - de plus, des inspecteurs de l’ONU étaient alors présents à Damas et disposaient des moyens d’enquête adéquats pour confondre immédiatement le régime ;
        - les vidéos présentées ne prouvent rien, certaines sont même de grossières mises en scène ;
        - enfin, le régime, qui reconquiert peu à peu les zones tenues par la rébellion, savait pertinemment que l’emploi d’armes chimiques était une « ligne rouge » à ne pas franchir, car cela déclencherait immédiatement une intervention militaire occidentale. Dès lors, pourquoi aurait-il pris un tel risque ?
    Aucune preuve sérieuse n’a été présentée à l’appui de la « culpabilité » de l’armée syrienne. Au contraire, tout conduit à penser que ce sont les rebelles qui ont utilisé ces armes car, contrairement à ce qui est avancé par la note déclassifiée publiée par le gouvernement français, les capacités chimiques des terroristes sont avérées :
         - en Irak (d’où proviennent une partie des djihadistes de la rébellion syrienne), les autorités ont démantelé début juin 2013 une cellule d’Al-Qaïda qui préparait des armes chimiques. Trois laboratoires ont été trouvés à Bagdad et dans ses environs avec des produits précurseurs et des modes opératoires de fabrication de gaz sarin et moutarde ;
         - en Syrie, le Front Al-Nosra est suspecté d’avoir lancé des attaques au chlore en mars 2013 qui auraient causé la mort de 26 Syriens dont 16 militaires ;
         - pour sa part, Al-Qaïda a procédé en 2007 à une douzaine d’attaques du même type à Bagdad et dans les provinces d’Anbar et de Diyala, ce qui a causé la mort de 32 Irakiens et en a blessé 600 autres. En 2002, des vidéos montrant des expérimentations d’armes chimiques sur des chiens ont été trouvées dans le camp de Darunta, près de la ville de Jalalabad, en Afghanistan.
    Les errements de la politique étrangère française
    À l’occasion de cet imbroglio politico-médiatique dans lequel ses intérêts stratégiques ne sont pas en jeu, le gouvernement français mène une politique incompréhensible pour nos concitoyens comme pour l’étranger. Depuis deux ans, la France, par le biais de ses services spéciaux, comme d’ailleurs les Américains, les Britanniques et les Turcs, entraîne les rebelles syriens et leur fournit une assistance logistique et technique, laissant l’Arabie Saoudite et le Qatar les approvisionner en armes et en munitions.
    Ainsi, la situation syrienne place la France devant ses contradictions. Nous luttons contre les djihadistes au Mali, après les avoir aidés à prendre le pouvoir à Tripoli – en raison de l’intervention inconsidérée de l’OTAN en Libye, en 2011, dans laquelle Paris a joué un rôle clé – et continuons de les soutenir en Syrie, en dépit du bon sens. Certes, le régime de Bachar el-Assad n’est pas un modèle de démocratie et il servait clairement les intérêts de la minorité alaouite, mais il est infiniment plus « libéral » que les monarchies wahhabites : la Syrie est un Etat laïc où la liberté religieuse existe et où le statut de la femme est respecté.
    De plus, il convient de rappeler que Damas a participé activement à la lutte contre Al-Qaïda depuis 2002. Pourtant, nous continuons d’être alliés à l’Arabie Saoudite et au Qatar, deux Etats parmi les plus réactionnaires du monde arabo-musulman, qui, après avoir engendré et appuyé Ben Laden, soutiennent les groupes salafistes partout dans le monde, y compris dans nos banlieues.
    Certes, notre soutien aux agendas saoudien et qatari se nourrit sans nul doute de l’espoir de quelques contrats d’armement ou pétroliers, ou de prêts financiers pour résoudre une crise que nos gouvernants semblent incapables de juguler.
    Une question mérite donc d’être posée : la France a-t-elle encore une politique étrangère ou fait-elle celle du Qatar, de l’Arabie Saoudite et des Etats-Unis ? Depuis la présidence de Nicolas Sarkozy, la France aligne ses positions internationales sur celles des Etats-Unis et a perdu, de ce fait, l’énorme capital de sympathie que la politique du général De Gaulle – non ingérence dans les affaires intérieures des Etats et défense du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes – lui avait constitué. Si les élections de mai 2012 ont amené un nouveau président, la politique étrangère n’a pas changé. En fait, nous observons depuis plusieurs années la conversion progressive d’une partie des élites françaises, de droite comme de gauche, aux thèses néoconservatrices américaines : supériorité de l’Occident, néocolonialisme, ordre moral, apologie de l’emploi de la force…
    Surtout, un fait nouveau doit être mis en lumière : la tentative maladroite des plus hautes autorités de l’Etat de manipuler la production des services de renseignement afin d’influer sur l’opinion publique et de provoquer un vote favorable des parlementaires. Ce type de manœuvre avait été conduit par Washington et Londres afin de justifier l’invasion de l’Irak en 2003, avant d’être dénoncé. Onze ans plus tard, le gouvernement recourt au même artifice grossier et éculé pour justifier ses choix diplomatiques et militaires.
    Compte tenu de la faiblesse des arguments présentés dans la note gouvernementale – qui n’est pas, rappelons-le, une note des services –, celle-ci ne sera d’aucune influence sur la presse et l’opinion. En revanche, par sa présentation, elle contribue à décrédibiliser le travail des services de renseignement, manipulés à leur insu dans cette affaire. Le mépris des politiques français à l’égard des services est connu.
    Est-ce un hasard si cette affaire survient alors que l’actuel ministre des Affaires étrangères est celui-là même qui, en 1985, alors qu’il était chef du gouvernement, a fort élégamment « ouvert le parapluie », clamant son absence de responsabilité à l’occasion de l’affaire du Rainbow Warrior ?
    Une chose au moins est sûre : une remise à plat de notre position à l’égard de la Syrie et de notre politique étrangère s’impose, car « Errare humanum est, perseverare diabolicum ».
     Eric Denécé, Directeur du CF2R, 9/09/2013
    http://www.polemia.com/intervention-en-syrie-la-recherche-dun-pretexte-a-tout-prix/

  • En économie aussi, le pays réel se réveille

     

    C'est du moins ce que semble indiquer le site Infoguerre, qui relate d'intéressants épisodes de la dernière université d'été du MEDEF. Partant notamment du constat que

     

    "La surreprésentation des fonctionnaires à l’Assemblée Nationale et l’empreinte de la technostructure dans les cabinets ministériels constituent un blocage majeur. La fonction publique est déconnectée de la mondialisation des échanges et vit dans un mode de perception hexagonal, coupé de la perception des enjeux économiques et surtout incapables de se projeter dans la définition des choix industriels à prendre pour sauver le positionnement à long terme de la France."

     

    l'article salue notamment la prise de conscience de la nécessité "d'une autre vision pour gagner des marchés et créer des emplois." L'équipe d'infoguerre entrevoit donc, avec intérêt mais prudence des développements inédits:

     

    "Une nouvelle génération de chefs d’entreprise serait-elle en train de comprendre qu’il faut changer de modèle ? Ce serait une très bonne nouvelle. En revanche, ni la haute administration, ni la classe politique ne sont prêts à un tel changement de posture mentale. Trop ancrés dans la préservation de leurs intérêts personnels et rétifs à toute forme de prise de risque, ces élites bureaucratiques se contentent de gérer les affaires courantes."

     

    Au final est soulignée que

     

    "la nécessité d’inventer des réponses hors du système est désormais une évidence. L’appareil est incapable de se réformer pour se mettre en ordre de marche afin de relever les défis des nouvelles puissances économiques et se mettre au service de l’intérêt collectif pour nous permettre d’affronter les économies de combat (...) que sont les Etats-Unis, la Chine, le Japon, l’Allemagne et qui ne dissocient pas la finalité de l’intérêt privé de l’intérêt national."

     

    Ce réveil, qui touche d'abord les jeunes chefs d'entreprise, s'il n'est pas écrasé dans l'oeuf par les apparatchiks du système, peut et doit participer à la sortie de la France de sa léthargie, de son état de "dormition", évoquée dimanche dernier par Aymeric Chauprade sur Radio Courtoisie.

    http://www.lesalonbeige.blogs.com/

  • Julius Evola : "L’affaiblissement des mots"

    Une des preuves que le cours de l’histoire n’a pas suivi, en dehors du plan purement matériel, une direction de progrès, c’est la pauvreté des langues modernes par rapport à de nombreuses langues anciennes. Pas une seule des « langues vivantes » occidentales ne peut soutenir la comparaison, en matière d’organicité, de précision et de souplesse, avec, par exemple, le latin ou le sanskrit. Parmi toutes les langues européennes, il n’y a peut-être que l’allemand qui ait conservé quelque chose de la structure archaïque (et c’est pour cela que la langue allemande a la réputation d’être « si difficile »), alors que la langue anglaise et celles des peuples scandinaves ont également subi un processus d’érosion et d’affaiblissement. D’une manière générale, on peut dire que les langues anciennes étaient tridimensionnelles, tandis que les langues modernes sont bidimensionnelles. Le temps a agi, ici aussi, dans un sens corrosif ; il a rendu les langues « fluides » et « pratiques » au détriment, justement, du caractère organique. Ceci n’est qu’un reflet de ce qui s’est vérifié dans bien d’autres domaines de la culture et de l’existence. Les mots, eux aussi, ont leur histoire et, souvent, le changement qu’ont subi leurs contenus est un indice barométrique intéressant de modifications correspondantes de la sensibilité générale et de la vision du monde. En particulier, il serait intéressant de comparer le sens qu’eurent certains mots dans la vieille langue latine et le sens propre à des termes, restés pratiquement les mêmes, de la langue italienne et d’autres langues romanes également. On observe généralement une chute de niveau. Le sens le plus ancien a été perdu, ou ne survit sous une forme résiduelle que dans certaines acceptions ou locutions particulières, mais ne correspond plus au sens désormais courant ou, encore, semble tout à fait déformé et fréquemment banalisé. Nous donnerons ici quelques exemples.

    1 – Le cas le plus typique et le plus connu, c’est peut-être celui du mot virtus. La « vertu » au sens moderne n’a rien à voir avec la virtus antique. Virtus désignait la force de caractère, le courage, la prouesse, la fermeté virile. Ce terme dérivait de vir, l’homme véritable, non l’homme dans un sens général et naturaliste. Le même terme a pris, dans la langue moderne, un sens essentiellement moraliste, très souvent associé à des préjugés d’ordre sexuel, au point que, se référant à lui, Vilfredo Pareto a forgé le terme « vertuisme » pour désigner la morale bourgeoise puritaine et sexophobe. Quant on dit une « personne vertueuse », on pense aujourd’hui à quelque chose de bien différent de ce que pouvaient signifier par exemple, à l’aide d’une réitération efficace, des expressions comme celle-ci : vir virtute praeditus. II n’est pas rare que la différence se transforme en opposition. En effet, une âme forte, fière, intrépide, héroïque est le contraire de ce que veut dire une personne « vertueuse » au sens moraliste et conformiste moderne. Le sens de virtus comme force efficiente ne s’est maintenu que dans certaines locutions particulières : la « vertu » d’une plante ou d’un médicament, « en vertu » de ceci ou de cela.

     

    2 – Honestus. Lié à l’idée d’honos, ce terme eut pour les Anciens le sens prédominant d’honorable, noble, de noble rang. De cela, que s’est-il conservé dans le terme moderne correspondant ? Une personne « honnête », c’est aujourd’hui un représentant « bien-pensant » de la société bourgeoise, quelqu’un qui ne se livre pas à de mauvaises actions. L’expression « né de parents honnêtes » a même de nos jours une nuance quasiment ironique, tandis que dans la Rome antique elle servait à désigner précisément une noblesse de naissance, qui était souvent liée aussi à une noblesse biologique. Vir honesta facie signifiait en effet un homme de belle prestance, de même qu’en sanskrit le terme arya se référait à la fois à une personne digne d’être honorée et à une noblesse aussi bien intérieure que physique.

     

    3 – Gentilis, gentilitas. Aujourd’hui chacun pense à une personne courtoise, affable, bien élevée. Le terme antique renvoyait par contre à la notion de gens, la race, la caste ou le lignage. Pour les Romains, était « gentil » celui qui possédait les qualités dérivant d’un lignage et d’un sang bien différenciés, lesquelles peuvent éventuellement, et comme par réflexion, déterminer une attitude de courtoisie détachée, chose très différente des « bonnes manières » que peut aussi posséder le parvenu après avoir lu un manuel de savoir-vivre – et différente, également, de la vague notion moderne de « gentillesse ». Peu de gens sont aujourd’hui capables de saisir le sens le plus profond d’expressions comme « un esprit gentil » et autres, restées comme des prolongements isolés chez des écrivains d’autres temps que le nôtre.

     

    4 – Genialitas. Qui est « génial » de nos jours ? Un type d’homme foncièrement individualiste, riche de trouvailles originales et de fantaisie. A la limite, on a le « génie » dans le domaine artistique, auquel la civilisation bourgeoise et humaniste a voué un culte fétichiste, si bien que le « génie » – plus que le héros, l’ascète ou l’aristocrate – a souvent été considéré, dans cette civilisation, comme le type humain le plus élevé. Le terme latin genialis renvoie, lui, à quelque chose de fort peu individualiste et « humaniste ». II provient du mot genius, qui désigna originellement la force formatrice et génératrice, interne, spirituelle et mystique, d’une certaine lignée. On peut donc affirmer que les qualités « géniales » au sens antique eurent une certaine relation avec les qualités « raciales », dans l’acception la plus haute du terme. En opposition au sens moderne, ce qui est « génial » se distingue ici de ce qui est individualiste et arbitraire ; il se rattache à une racine profonde, obéit à une nécessité intérieure par une fidélité aux forces supra-personnelles d’un sang et d’une lignée, donc à ces forces qui, dans toute famille patricienne, étaient en rapport, on le sait, avec une tradition sacrée.

     

    5 – Pietas. Inutile de rappeler ce que veut dire aujourd’hui une « personne pieuse ». On songe à une attitude sentimentale plus ou moins humanitaire – et « pieux » est parfois synonyme de compatissant. Dans la vieille langue latine, la pietas, par contre, appartenait au domaine du sacré, désignait en premier lieu les rapports que l’homme romain entretenait avec les divinités, en second lieu ses rapports avec d’autres réalités liées au monde de la Tradition, y compris l’État lui-même. Envers les dieux, il s’agissait d’une vénération calme et digne : sentiment d’appartenance et, simultanément, de respect, d’accord reconnaissant, de devoir et d’adhésion aussi, comme renforcement du sentiment que faisait naître la sévère figure du pater familias (ce qui explique aussi la pietas filialis). La pietas pouvait également se manifester dans le domaine politique : pietas in patriam voulait dire fidélité et sens du devoir envers l’État et la patrie. Dans certains cas, le terme en question connote aussi le sens de iustitia. Celui qui ne connaît pas la pietas, celui-là est également l’injuste, presque l’impie, celui qui veut ignorer la place qui est sienne et qu’il doit occuper dans le cadre d’un ordre supérieur, à la fois humain et divin.

     

    6 – Innocentia. Ce mot évoquait lui aussi l’idée de clarté et de force ; son sens le plus courant dans l’Antiquité exprimait la pureté de l’âme, l’intégrité, le désintérêt, la droiture. Ce terme n’avait donc pas un sens purement négatif : « ne pas être coupable ». II ignorait la nuance de banalité que présente aussi l’expression « un esprit innocent », devenue presque synonyme de simplet. Dans d’autres langues romanes, comme le français par exemple, le même terme, innocent, finit par désigner les idiots, les tarés de naissance, les faibles d’esprit.

     

    7 – Patientia. Le sens moderne, par rapport au sens ancien, est de nouveau émoussé et affaibli. Quelqu’un de patient, c’est aujourd’hui quelqu’un qui ne se met pas en colère, qui ne s’énerve pas, qui tolère. Dans la langue latine la patientia désignait une des « vertus » fondamentales de l’homme romain : elle connotait l’idée d’une force intérieure, d’une imperturbabilité, faisait allusion à la capacité de tenir bon, de garder l’âme non troublée devant n’importe quel échec et n’importe quelle adversité. C’est pour cela qu’il fut dit de la race de Rome qu’elle avait en propre le pouvoir d’accomplir de grandes choses et d’endurer des malheurs tout aussi grands (cf. la fameuse formule de Livius : et facere et pati fortia romanum est). Le sens moderne est, par rapport à l’autre, complètement déformé. Aujourd’hui, comme exemple d’une nature typiquement « patiente », on se réfère à l’âne.

     

    8 – Humilitas. Avec la religion qui a fini par prédominer en Occident, l’« humilité » est devenue une « vertu » dans un sens fort peu romain et a été glorifiée par opposition à la force, à la dignité, à l’attitude calmement composée dont nous avons parlé plus haut. Dans la Rome antique elle désigna au contraire l’opposé de toute virtus. Elle voulut dire bassesse, qui mérite le mépris, basse condition, abjection, lâcheté, déshonneur – au point qu’il fallait préférer la mort ou l’exil à l’« humilité » : humilitati vel exilium vel mortem anteponenda esse. Les associations d’idées sont fréquentes, comme par exemple mens humilis et prava, un esprit bas et mauvais. L’expression humilitas causam dicentium se rapporte à la condition inférieure et coupable de ceux qu’on mène devant un tribunal. On rencontre ici aussi une interférence avec l’idée de race ou de caste. Humilis parentis natus signifiait être né du peuple au sens péjoratif, né de la « plèbe », par opposition à la naissance noble, donc avec une différence sensible par rapport au sens moderne de l’expression « de condition humble », surtout si l’on songe que le critère exclusif de la position sociale est aujourd’hui le critère économique. De toute façon, jamais un Romain de la meilleure Rome n’aurait eu l’idée de faire de l’humilitas une vertu, encore moins de s’en vanter et de la prêcher. Quant à une certaine « morale de l’humilité » , on pourrait rappeler la remarque d’un empereur roman, selon laquelle rien n’est plus méprisable que l’orgueil de ceux qui se disent humbles, ce qui ne doit pas être pris pour une façon d’encourager l’arrogance et la prétention.

     

    9 – Ingenium. Le sens ancien du terme ne s’est conservé que partiellement, et, de nouveau, sous son aspect le moins intéressant. Ingenium désignait aussi en latin la perspicacité, l’agilité d’esprit, la sagacité, la clairvoyance – mais, en même temps, ce terme renvoyait au caractère, à ce qui est, chez chacun, organique, inné, vraiment personnel. Vana ingenia put donc désigner des personnes sans caractère ; redire ad ingenium put signifier revenir à sa propre nature, à un mode de vie conforme à ce que l’on est vraiment. Ce sens profond a été perdu dans le terme moderne, ce qui a donné naissance à une antithèse. En effet, si l’on entend par « intelligence » quelque chose d’intellectualiste et de dialectique, on est alors très loin du second sens inclus dans le terme antique, qui se rapporte aussi au caractère, à un style en accord avec la nature propre ; l’intelligence est alors ce qui est superficiel par rapport à ce qui est organique, elle est mouvement inquiet, brillant et inventif de l’esprit, au lieu d’être un style de pensée rigoureux qui adhère parfaitement au caractère.

     

    10 – Labor. En ce qui concerne certains changements de valeur des mots qui indiquent clairement un changement radical de la vision du monde, le cas le plus caractéristique est peut-être celui du terme labor. En latin, ce terme avait essentiellement un sens négatif. II pouvait désigner dans certains cas l’activité en général – comme par exemple dans l’expression labor rei militaris, activité dans l’armée. Mais son sens courant exprimait une idée de fatigue, d’épuisement, d’effort désagréable, et parfois même de disgrâce, de tourment, de poids, de peine. [...] Ainsi, laborare pouvait aussi signifier souffrir, être angoissé, tourmenté. Quid ego laboravi ? veut dire : pourquoi me suis-je tourmenté ? Laborare ex renis, ex capite signifie : souffrir du mal de reins ou de tête. Labor itineris : la fatigue, le désagrément du voyage. Et ainsi de suite. De sorte que jamais le Romain n’aurait pensé à faire du labor une espèce de vertu et d’idéal social. Et qu’on ne vienne pas nous dire que la civilisation romaine a été une civilisation de lambins, de fainéants et d’« oisifs ». La vérité, c’est qu’à l’époque on avait le sens des distances. Au « travailler » s’opposait l’agere, l’agir au sens supérieur. Le « travail » correspondait aux formes sombres, serviles, matérielles, anodines de l’activité humaine, en référence à ceux chez qui l’activité n’était provoquée que par un besoin, une nécessité ou un destin malheureux (car l’Antiquité connut aussi une métaphysique de l’esclavage). A eux s’opposaient ceux qui agissent au sens propre du terme, ceux qui entretiennent des formes d’activité libres, non physiques, conscientes, voulues, dans une certaine mesure désintéressées. Pour celui qui exerçait une activité matérielle, certes, mais possédant un certain caractère qualitatif, et qui le faisait à partir d’une vocation authentique et libre, on ne parlait déjà plus de « travail » ; celui-là était un artifex (il y avait également le terme opifexl, et ce point de vue fut aussi conservé dans l’atmosphère et le style des corporations artisanales traditionnelles. Le changement de sens et de valeur du terme en question est par conséquent un signe très clair de la vulgarité plébéienne qui a gagné le monde occidental, une civilisation qui repose toujours plus sur les couches les plus basses de toute hiérarchie sociale complète. Le « culte du travail » moderne est d’autant plus aberrant qu’aujourd’hui plus que jamais, avec l’industrialisation, la mécanisation et la production anonyme de masse, le travail a nécessairement perdu ce qu’il pouvait avoir de meilleur. Cela n’a pourtant pas empêché certains de parler de « religion du travail », d’« humanisme du travail » et même de souhaiter un « État du travail ». On en est arrivé à faire du travail une sorte d’impératif éthique et social insolent, applicable à tous, devant lequel on a envie de répondre par ce proverbe espagnol : El hombre que trabaja perde un tiempo precioso (l’homme qui travaille perd un temps précieux). En une autre occasion, nous avions déjà relevé l’opposition suivante entre le monde traditionnel et le monde moderne : dans le premier, même le « travail » put prendre la forme d’une « action », d’une « oeuvre », d’un art ; dans le second, même l’action et l’art prennent parfois la forme du « travail », c’est-à- dire d’une activité obligatoire, opaque et intéressée, d’une activité qu’on ne poursuit pas en fonction d’une vocation, mais du besoin et, surtout, en vue du profit, du lucre.

     

    11 – Otium. Ce terme a subi le sort exactement contraire du précédent. Il a de nos jours, pratiquement sans exception, un sens négatif. Est oisif, selon l’acception moderne, celui qui est inutile à lui-même et aux autres. Etre oisif et être indolent, distrait, inattentif, paresseux, enclin au « dolce farniente » de l’Italie des mandolines pour touristes, reviennent plus ou moins au même aujourd’hui. Le latin otium avait par contre le sens de temps libre, correspondant essentiellement à un état de recueillement, de calme, de contemplation transparente. L’oisiveté au sens négatif – sens connu aussi de l’Antiquité – n’était que ce à quoi elle peut conduire quand elle est mal employée : dans ce cas uniquement on put dire, par exemple, hebescere otio ou otio dif luere, s’abrutir ou se laisser aller par oisiveté. Mais ce n’est pas le sens courant. Cicéron, Sénèque et d’autres auteurs classiques comprirent l’otium comme la contrepartie, saine et normale, de tout ce qui est activité, et même comme la condition nécessaire afin que l’action soit vraiment activité, non agitation, affairement (negotium), « travail ». On peut aussi se référer aux Grecs puisque Cicéron écrivit : Graeci non solum ingenio atque doctrina, sed etiam otio studioque abundantes – «Les Grecs sont riches non seulement en dons innés et en doctrine, mais aussi en oisiveté et en application ». D’un personnage comme Scipion l’Ancien on avait l’habitude de dire : Nunquam se minus otiosum esse quam cum otiosus esset, aut minus solum esse quam cum solus esset – « II n’était jamais aussi peu oisif que lorsqu’il ne faisait rien, et jamais aussi peu seul que lorsqu’il jouissait de la solitude », ce qui met en évidence une variante « active », au sens supérieur, de l’« oisiveté » et de la solitude. Et Salluste : « Maius commodum ex otio meo quam ex aliorum negotiis reipublicae venturum » – « Mon oisiveté sera plus utile à l’État que l’affairement des autres ». On doit à Sénèque un traité qui s’intitule justement De otio, dans lequel l’« oisiveté » est décrite comme menant progressivement à la contemplation pure. Certaines idées caractéristiques de ce traité valent la peine d’être rapportées ici. Selon Sénèque, il y a deux États : l’un, grand et privé de limites extérieures et contingentes, contient à la fois les hommes et les dieux ; l’autre est l’État particulier, terrestre, auquel on appartient par la naissance. Or, dit Sénèque, il y a des hommes qui servent les deux États à la fois, d’autres qui ne servent que le plus grand, d’autres encore qui ne servent que l’État terrestre. L’État le plus grand, on peut le servir aussi par l’« oisiveté », pour ne pas dire surtout par l’oisiveté – en cherchant donc en quoi consiste la virtus, la force et la dignité viriles : huis maiori rei publicae et in otio deservire possumus, imno vero nescio an in otium melius, ut quaeremus quid sit virtus. L’otium est étroitement lié à la tranquillité d’âme du sage, à ce calme intérieur qui permet d’atteindre les sommets de la contemplation ; laquelle contemplation, pour peu qu’on la comprenne dans son sens juste, traditionnel, n’est ni évasion du monde ni divagation, mais approfondissement intérieur et élévation jusqu’à la perception de l’ordre métaphysique que tout homme véritable ne doit cesser de voir dans sa vie même et dans son combat au sein d’un État terrestre. Du reste, dans le catholicisme lui-même (quand on n’avait pas encore pensé au Christ travailleur qu’il faut honorer le 18 mai et quand on ne pratiquait pas encore l’« ouverture à gauche ») a figuré l’expression sacrum otium, « oisiveté sacrée », en référence, précisément, à une activité contemplative. Mais dans une civilisation où l’action a fini par revêtir les aspects ternes, physiques, mécaniques et mercenaires d’un travail, même quand celui-ci doit tout à la tête (les « travailleurs intellectuels » qui ont naturellement leurs « syndicats » et qui font valoir, eux aussi, des « revendications catégorielles »), le sens positif et traditionnel de la contemplation devait inéluctablement disparaître. C’est pourquoi la civilisation moderne ne doit pas être considérée comme une civilisation « active », mais comme une civilisation d’agités et de névropathes. Comme compensation du « travail » et de l’usure d’une vie qui s’abrutit dans une agnation et une production vaines, l’homme moderne, en effet, ne connaît pas l’otium classique, le recueillement, le silence, l’état de calme et de pause qui permettent de revenir à soi-même et de se retrouver. Non : il ne connaît que la « distraction » (au sens littéral, distraction signifie « dispersion ») ; il cherche des sensations, de nouvelles tensions, de nouveaux excitants, comme autant de stupéfiants psychiques. Tout, pourvu qu’il échappe à lui-même, tout, pourvu qu’il ne se retrouve pas seul avec lui-même, isolé du vacarme du monde extérieur et de la promiscuité avec son « prochain ». D’où radio, télévision, cinéma, croisières organisées, frénésie de meetings sportifs ou politiques dans un régime de masse, besoin d’écouter, chasse au fait nouveau et sensationnel, « supporters » en tout genre et ainsi de suite. Chaque expédient semble avoir été diaboliquement disposé pour que toute vie intérieure soit détruite, pour que toute défense interne de la personnalité soit interdite dès le départ, pour que, tel un être artificiellement galvanisé, l’individu se laisse porter par le courant collectif, lequel, évidemment, selon le fameux « sens de l’histoire », avance vers un progrès illimité.

     

    12 – Par association d’idées, il nous vient à l’esprit de faire remarquer le changement de sens subi par le terme grec theoria. Quand on parle aujourd’hui de « théories », c’est plus ou moins dans le sens d’« abstractions », de choses éloignées de la réalité, d’affaires « intellectuelles » ; un grand poète a même écrit : « Grise est toute théorie, mais toujours vert est l’arbre éternel de la vie ». De nouveau, on est en présence d’une altération et d’un affaiblissement du sens. Pour les Grecs, ??? [terme manquant, NDLR] ne voulait pas dire intellectualité abstraite mais vision réalisatrice, quelque chose de particulièrement actif, l’acte de ce qu’il y a de plus élevé chez l’être humain, l’intellect olympien (sur lequel nous reviendrons dans un autre chapitre).

     

    13 – Servitium. Le verbe servio, servire a aussi en latin le sens positif d’être fidèle. Mais la signification négative – être serviteur – prévaut ; c’est ce sens, de toute façon, qu’on retrouve dans servitium, qui désignait précisément l’esclavage, le servage, car dérivé de servus = esclave. Dans les temps modernes, le verbe « servir » s’est répandu de plus en plus en perdant cette connotation négative et avilissante, au point qu’on a pu faire du service en tant que « service social », surtout parmi les peuples anglo-saxons, l’objet d’une éthique, de la seule éthique vraiment moderne. De même qu’on n’a pas compris qu’il était absurde de parler de « travailleurs intellectuels », de même on a pu voir dans le souverain « le premier serviteur de la nation ». Nous avons dit que les Romains ne se présentent pas du tout à nous comme un peuple d’« oisifs ». En ce qui concerne le point qui nous occupe, on peut dire aussi qu’ils nous offrent les exemples les plus élevés de loyalisme politique, de fidélité à l’État et aux chefs. Mais l’atmosphère est très différente. La transformation dé l’âme des mots n’est pas le produit du hasard. Que des mots comme labor, servitium, otium se soient imposés dans l’usage courant avec leur sens moderne, c’est un signe subtil, mais éloquent, d’un changement de perspective qui s’est fait à rebours de toute orientation virile, aristocratique, qualitative.

     

    14 – Stipendium. N’insistons pas sur ce que signifie le « salaire » de nos jours. On pense immédiatement au petit employé, à la bureaucratie, au fameux 27 du mois des fonctionnaires. Dans la Rome antique, ce terme, par contre, se référait presque exclusivement à l’armée. Stipendium merere voulait dire être militaire, être sous les ordres de tel ou tel chef ou condottiere. Emeritis sti- pendis signifiait : après avoir accompli le service militaire ; homo nullius stipendii désignait celui qui n’avait pas connu la discipline des armes. Stipendis multa habere voulait dire pouvoir s’enorgueillir de nombreuses campagnes, de nombreuses entreprises guerrières. Ici aussi, le glissement de sens n’est pas mince. Le sens profond d’autres mots latins, comme studium et studiosus, n’est aujourd’hui conservé que dans certaines locutions spéciales, comme par exemple l’expression italienne « fare con studio », faire quelque chose exprès ou avec une certaine application. Dans le terme latin était présente l’idée de quelque chose d’intense, d’une chaleur, d’un intérêt profond, qui a disparu dans le vocable moderne car celui-ci fait penser surtout à des disciplines intellectuelles ou universitaires arides. Le latin studium pouvait même dire amour, désir, vive inclination. In re studium ponere signifiait prendre une chose à coeur, s’y intéresser profondément et activement. Studium bellandi désignait le plaisir, l’amour du combat. Homo agendi studiosus : celui qui aime l’action – donc qui était l’opposé, si l’on se souvient de ce que nous avons dit au sujet de labor, de celui pour qui l’action ne peut être que « travail » . Que faut-il penser, aujourd’hui, d’une expression comme studiosi Caesaris ? Elle ne voulait pas dire ceux qui étudient César, mais bien ceux qui le suivent, qui l’admirent, qui se rangent à ses côtés, qui lui sont dévoués et fidèles. Autres termes latins dont le sens antique a été oublié : docilitas, qui ne voulait pas dire docilité mais surtout bonne disposition, ou capacité d’apprendre, de faire sien un enseignement ou un principe ; puis ingenuus, qui n’avait pas du tout le sens d’ingénu, mais désignait l’homme né libre, de condition non servile. Une chose assez connue maintenant : humanitas ne voulait pas dire « humanité » au sens démocratique et fumeux d’aujourd’hui, mais culture de soi- même, plénitude de vie et d’expérience, sans qu’il faille voir là, du moins à l’origine, quelque chose d’« humaniste » à la Humboldt. Un autre exemple assez important : certus. Dans la vieille langue latine la notion de certitude, de chose certaine, était souvent en relation avec l’idée d’une détermination consciente. Certum est mihi veut dire : c’est ma ferme volonté. Certus gladio désigne celui qui peut se fier à son épée, qui est sûr de savoir s’en servir. On connaît aussi la formule diebus certis, qui ne veut pas dire « aux jours certains », mais aux jours fixés, établis. Ceci pourrait nous pousser à des considérations sur une certaine conception de la certitude : conception active, qui la fait dépendre de ce qui rentre dans notre pouvoir déterminant. C’est ce qu’énonça également, en quelque sorte, Gian Battista Vico avec la formule verum et factum convertuntur – mais tout devait finir plus tard dans les divagations de l’« idéalisme absolu » néo-hégélien. Nous mettrons fin à ces observations en examinant le contenu original de trois notions romaines antiques, celles de fatum, de felicitas et de fortuna.

     

    15 – Fatum. Selon l’acception moderne la plus courante, le « destin » est une puissance aveugle qui plane sur les hommes, qui s’impose à eux en faisant que se réalise ce qu’ils souhaitent le moins, en les poussant éventuellement vers la tragédie et le malheur. Fatum a ainsi donné naissance au mot « fatalisme », qui est l’opposé de toute initiative libre et efficace. Selon la vision fataliste du monde, l’individu n’est rien ; son action, en dépit de toute apparence de libre- arbitre, est prédestinée ou vaine, et les événements se succèdent en obéissant à une puissance ou une loi qui le transcende et qui ne le prend pas en compte. « Fatal » est un adjectif qui a essentiellement une connotation négative : issue « fatale », accident « fatal », l’« heure fatale de la mort » , etc. Selon la conception antique, le fatum correspondait par contre à la loi de manifestation continue du monde ; cette loi n’était pas réputée aveugle, irrationnelle et automatique – «fatale » au sens moderne du mot – , mais chargée de sens et comme procédant d’une volonté intelligente, surtout de la volonté des puissances olympiennes. Le fatum romain renvoyait, de même que le rta indoeuropéen, à la conception du monde en tant que cosmos, en tant qu’ordre, et en particulier à la conception de l’histoire comme un développement de causes et d’événements reflétant une signification supérieure. Même les Moires de la tradition grecque, tout en présentant certains aspects maléfiques et « infernaux » (dus à l’influence de cultes pré- helléniques et pré-indo-européens), apparaissent souvent comme des personnifications de la loi intelligente et juste qui préside au gouvernement de l’univers, dans certaines de ses expressions. Mais c’est surtout à Rome que l’idée de fatum prend une importance toute particulière. Et ce parce que la civilisation romaine fut, de toutes les civilisations de caractère traditionnel et sacré, celle qui se concentra le plus sur le plan de l’action et de la réalité historique. Pour elle, il fut donc moins important de connaître l’ordre cosmique comme une loi supra-temporelle et métaphysique que de le connaître comme force en acte dans la réalité, comme vouloir divin qui ordonne les événements. C’est à cela que se rattachait le fatum pour les Romains. Ce terme vient du verbe fari, d’où dérive aussi le mot fas, le droit comme loi divine. Ainsi, fatum renvoie à la « parole » – à la parole révélée, surtout à celle des divinités olympiennes qui permet de connaître la norme juste (fas) en tant que celle-ci annonce ce qui va arriver. On doit ajouter, à propos de ce second aspect, que les oracles, par lesquels un art traditionnel précis cherchait à saisir en germe des situations devant se réaliser, s’appelaient aussi fata ; ils étaient pratiquement la parole révélée de la divinité. Mais, pour bien comprendre ce que nous sommes en train d’étudier, il faut se souvenir du rapport que l’homme entretenait, dans la Rome antique et dans les civilisations traditionnelles en général, avec l’ordre global du monde. C’était un rapport très différent de celui qui devait s’instaurer plus tard. Pour l’homme antique, l’idée d’une loi universelle et d’un vouloir divin n’annulait pas la liberté humaine ; mais sa préoccupation constante était de mener sa vie et son action de sorte qu’elles fussent la continuation de l’ordre global et, pour ainsi dire, comme le prolongement ou le développement de cet ordre. A partir de la pietas, c’est-à-dire, pour un Romain, de la reconnaissance et de la vénération des forces divines, on se fixe comme tâche de pressentir la direction de ces forces divines dans l’histoire de façon à pouvoir y accorder opportunément l’action, à la rendre extrêmement efficace et chargée de sens. D’où le rôle très important que jouèrent dans le monde romain, jusque dans le domaine des affaires publiques et de l’art militaire, les oracles et les augures. Le Romain avait la ferme conviction que les pires mésaventures, et notamment les défaites militaires, dépendaient moins d’erreurs, de faiblesses ou de travers humains que du fait d’avoir négligé les augures, c’est-à-dire, pour en revenir à l’essentiel, d’avoir agi de façon désordonnée et arbitraire, en suivant de simples critères humains, en rompant les liens avec le monde supérieur (donc, pour un Romain, cela voulait dire avoir agi sans religio, sans « rattachement »), sans tenir compte des « directions d’efficacité » et du « moment juste » indispensa- bles à une action couronnée de succès. On remarque que la fortuna et la felicitas ne sont souvent, dans la Rome antique, que l’autre face du fatum, sa face proprement positive. L’homme, le chef ou le peuple qui emploient leur liberté pour agir en conformité avec les forces divines cachées dans les choses connaissent le succès, réussissent, triomphent – et cela signifiait, dans l’Anti- quité, être «fortuné » et être « heureux » (ce sens s’est conservé dans des locutions comme « une heureuse initiative » , une « heureuse manoeuvre », etc.). Un historien contemporain, Franz Altheim, a cru pouvoir déceler dans cette attitude la cause effective de la grandeur de Rome. Pour éclairer encore mieux les rapports qui unissent le « destin » à l’action humaine, on peut recourir à la technique moderne. II y a certaines lois régissant choses et phénomènes, qui peuvent être connues ou ignorées, dont on peut tenir compte ou ne pas tenir compte. Face à ces lois l’homme reste foncièrement libre. II peut même agir de façon contraire à ce que ces lois lui conseilleraient, avec pour résultat l’échec ou l’atteinte du but après un gaspillage d’énergie et d’innombrables difficultés. La technique moderne correspond à la possibilité opposée : on cherche à connaître le mieux possible les lois des choses pour pouvoir les exploiter, pour qu’elles montrent le point de moindre résistance et donc d’efficacité maximale quant à la réalisation d’un objectif donné. II en va de même sur un plan où il ne s’agit plus des lois de la matière, mais de forces spirituelles et « divines ». L’homme de l’Antiquité estimait essentiel de connaître ou, du moins, de pressentir ces forces, afin de pouvoir se faire une idée des conditions propices à une action donnée et, éventuellement, une idée de ce qu’il devrait faire ou ne pas faire. Défier le destin, s’élever contre le destin, n’avait pour lui rien de « prométhéen » , au sens romantique de ce terme exalté par les modernes ; c’était tout simplement une sottise. L’impiété (le contraire de la piété qui se rapporte donc à l’être privé de religio, sans « rattachement » et sans compréhension respectueuse de l’ordre cosmique) équivalait plus ou moins, pour l’homme de l’Antiquité, à la stupidité, à l’infantilisme, à la fatuité. La comparaison avec la technique moderne n’est défectueuse que sur un point : parce que les lois de la réalité historique ne se présentaient pas comme froidement « objectives », tout à fait détachées de l’homme et de ses buts. On pourrait répondre ainsi : passée une certaine limite, l’ordre divin objectif lié au « destin » cesse d’être déterminant et devient incertain (ce que dit aussi la fameuse formule astrologique : astra inclinant non determinant). Ici commence le monde humain et historique au sens pro- pre. En toute rigueur, ce monde devrait continuer le précédent, la volonté humaine devrait prolonger la volonté « divine ». Que cela advienne, ou non, dépend essentiellement de la liberté : il faut le vouloir. Dans le cas positif, ce qui était seulement en puissance devient, grâce à l’action humaine, réalité. Le monde humain se présentera alors comme une continuation de l’ordre divin et l’histoire même revêtira les contours d’une révélation et d’une « histoire sacrée » ; alors, l’homme ne vaut plus et n’agit plus pour lui-même mais recouvert d’une dignité divine, et l’ordre humain acquiert, d’une certaine façon, une dimension supérieure. On voit donc qu’il ne s’agit pas ici de « fatalisme » . De même qu’une action contre le « destin » est sotte et irrationnelle, de même une action harmonisée avec le « destin » est non seulement efficace, mais aussi transfigurante. Celui qui ne tient pas compte du fatum est presque toujours emporté passivement par les événements ; celui qui le connaît, l’assume et s’y conforme est par contre guidé vers un accomplissement supérieur, chargé d’un sens qui dépasse l’individu. Telle est la signification de la maxime selon laquelle les fata « nolentem trahunt, volentem ducunt ». Dans le monde romain antique et dans l’histoire romaine, on trouve un grand nombre d’épisodes, de situations et d’institutions où est justement mise en lumière l’impression de rencontres « fatidiques » entre le monde humain et le monde divin. Des forces supérieures sont à l’oeuvre dans l’histoire et se manifestent à travers les forces humaines. Pour nous contenter d’un seul exemple, rappelons que « le moment culminant du culte romain de Jupiter était constitué par un acte où le dieu affirme sa présence, chez un homme, en qualité de vainqueur, de triomphateur. Ce n’est pas que Jupiter soit la seule cause de la victoire, il est lui-même le vainqueur ; on ne célèbre pas le triomphe en son honneur, mais c’est lui le triomphateur. C’est pour cette raison que l’imperator revêt les insignes du dieu » (K. Kerényi, F. Altheim). Actualiser le divin – parfois prudemment, parfois audacieusement – dans l’action et dans l’existence fut un principe directeur que la Rome antique appliqua aussi à l’ordre politique. C’est pourquoi certains auteurs ont fait remarquer avec raison que Rome ignora, à la différence d’autres civilisations, le mythe au sens abstrait et anhistorique ; à Rome le mythe se fait histoire, et l’histoire, à son tour, prend un aspect « fatal », devient mythique. D’où une conséquence importante. Dans des cas comme celui évoqué, c’est une identité véritable qui se réalise. Il ne s’agit pas d’une parole divine qui peut être entendue ou non entendue. II s’agit d’un déploiement des forces supérieures. On est ici en présence d’une conception spéciale, objective, nous serions tenté de dire transcendantale, de la liberté. En m’opposant au fatum, je peux bien sûr revendiquer pour moi un libre-arbitre, mais celui-ci est stérile, est un simple « geste » qui ne saurait avoir beaucoup d’incidence sur la trame de la réalité. Par contre, quand je fais en sorte que ma volonté continue un ordre supérieur, soit seulement l’instrument par lequel cet ordre se réalise dans l’histoire, ce que je veux dans un tel état de coïncidence ou de syntonie peut se traduire éventuellement par une injonction adressée à des forces objectives qui, autrement, ne se seraient pas pliées facilement ou qui n’auraient pas eu d’égard pour ce que les hommes veulent et espèrent.

     

    On peut maintenant se poser la question suivante : comment en est-on arrivé à cette conception moderne qui fait du destin une puissance obscure et aveugle ? Comme tant d’autres, un tel glissement de sens n’a rien de fortuit. II reflète un changement de niveau intérieur et s’explique, essentiellement, par l’avènement de l’individualisme et de l’« humanisme » compris dans un sens général, c’est- à-dire en rapport avec une civilisation et une vision du monde uniquement fondées sur ce qui est humain et terrestre. II est évident que, cette scission s’étant produite, on ne pouvait plus saisir un ordre intelligible du monde, mais seulement un pouvoir obscur et étranger. Le « destin » devint alors le symbole de toutes les forces les plus profondes qui agissent et sur lesquelles l’homme, malgré sa maîtrise du monde physique, ne peut pas grand-chose parce qu’il ne les comprend plus, parce qu’il s’est détaché d’elles ; mais aussi d’autres forces que l’homme, par son attitude même, a libérées et rendues souveraines dans différents domaines de sa propre existence.

     

    C’est avec cette étude des deux conceptions, l’antique et la moderne, du fatum, que s’achève ce chapitre. Notre étude pourra déjà donner une idée de l’intérêt et de l’importance que présenterait une philologie éclairée. Nous le répétons : les mots ont une âme et une vie, si bien que, dans ce secteur également, se référer aux origines peut souvent ouvrir des perspectives insoupçonnées. Ce travail, d’ailleurs, serait encore plus fécond s’il ne se contentait pas de reculer jusqu’au latin en partant des langues « romanes », mais si le latin lui-même était rattaché au tronc commun des langues indo-européennes dont il n’est, dans ses éléments fondamentaux, qu’une simple branche.

     

    Julius Evola, Chapitre V de "L’arc et la massue" (PDF)

    http://la-dissidence.org/2013/07/26/julius-evola-laffaiblissement-des-mots/