Le paysage politique hongrois est peut-être annonciateur de nouvelles recompositions politiques en Europe.
Demain dimanche, c’est jour d’élections législatives en Hongrie. Ce sont les élections les plus importantes car le président de la République, en Hongrie, n’est élu qu’au suffrage indirect, justement par l’Assemblée nationale.
Le Jobbik, parti qui veut dire « les meilleurs » et « à droite », est dirigé par un homme jeune, Gábor Vona, historien de formation. Jobbik se donne une ligne sociale. Son objectif affiché est d’aider les familles nombreuses, et celles qui ont été victimes de l’endettement immobilier, particulièrement de 2002 à 2010, quand la gauche gouvernait. Jobbik avait réuni 17 % des votes en 2010. Entre-temps, le parti s’est « dédiabolisé » : fini les défilés évoquant le style des années trente.
Un sondage donne Jobbik à 21 %, loin derrière le parti de Viktor Orbán, le Fidesz, donné à 47 %, mais non loin de l’opposition « de gauche », en fait l’opposition libérale et bruxello-compatible, donnée à 23 %. Si les intellectuels parisiens parlent beaucoup de Jobbik pour se donner des frissons, ils voient rarement que l’essentiel est ailleurs.
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Arthur : entre mythe et réalité
L’étonnant succès d’un feuilleton télévisé drôle, iconoclaste et parfois profond, a provoqué dans le public ces dernières années un regain d’intérêt et de curiosité envers la geste arthurienne. Il reste cependant difficile d’appréhender la personnalité et l’existence du souverain le plus mythique d’Occident.
Martin Aurell, auteur de La Légende du roi Arthur, se garde bien de s’attaquer à l’aspect biographique du problème, choix sage et avisé, mais décevant pour la plupart des curieux. Pouvait-il faire autrement ? Sans doute pas. Née au Ve siècle, dans les grands bouleversements entraînés par le retrait de Rome de Bretagne, les raids de pirates irlandais, les invasions angles et saxonnes, l’immigration massive des Bretons chassés de leurs terres, l’histoire d’Arthur est sans doute, à l’origine, celle d’un “tiern”, un chef de guerre celte catholique et romanisé, qui coalisa les clans et résista avec plus de talent que les autres à l’envahisseur germanique. Sa mort au combat marqua pour les siens la fin de tout espoir. Ne leur restait qu’à se soumettre ou s’exiler.
L’on comprend que, dans leur immense amertume, les Bretons aient héroïsé le chef disparu et incarné en lui leurs rêves de revanche, affirmant qu’Arthur n’était pas mort, qu’il reviendrait reforger Excalibur et sauver la nation celtique. Roi perdu, figure du Grand Monarque, Arthur est tout cela, ce qui suffit à faire de lui un symbole de premier plan. Tolkien le savait qui s’en servit pour dessiner la figure d’Aragorn dans Le Seigneur des Anneaux.
Ces aspects-là ne sont cependant pas, en dépit de leur intérêt, ceux qui ont retenu Martin Aurell. Tournant le dos à l’insaisissable chef celte des origines, à ses avatars mystiques et politiques, il a choisi de se pencher exclusivement sur le destin littéraire médiéval d’Arthur, et la lecture que firent clercs et puissants d’Europe de sa geste. Passant d’un manuscrit à l’autre, il montre comment l’histoire des chevaliers de la Table Ronde et du Saint Graal, transplantée de son terreau primitif aux cours royales du XIIe siècle, est devenue modèle d’éducation, d’initiation à l’amour courtois, quête religieuse et miroir des princes d’Occident.
Tel quel, ce gros ouvrage ne s’adresse certes pas au grand public mais, à défaut de proposer une impossible biographie d’un homme entré dans la légende, il donne d’une partie de cette légende foisonnante une analyse claire et très complète qui mêle habilement histoires littéraire et sociale.
Antiques croyances
Les lecteurs qui désireraient ensuite revenir aux sources, c’est-à-dire aux romans médiévaux, le pourront sans peine grâce à la précieuse collection de poche des Lettres gothiques, qui propose en édition bilingue, vieux français et version moderne, accompagnée de nombreuses notes et d’introductions fouillées, la plupart des textes. S’y replonger permet de constater par soi-même que ces récits fonctionnent encore et procurent à ceux qui les lisent aujourd’hui le même plaisir qu’il y a huit ou neuf cents ans. Leurs auteurs le savaient si bien qu’ils n’hésitèrent pas à inventer des suites extravagantes riches en rebondissements, à l’instar de La fausse Guenièvre, tome 3 de Lancelot du Lac, où l’on voit une aventurière, bâtarde de Léodagan de Carmélide, usurper la place de la reine, sa demi-soeur. Lancelot parviendra-t-il à faire éclater la vérité et sauver celle qu’il aime en secret ? La question tint en haleine le public de l’époque.
Cependant, jusque dans les versions médiévales, subsistent des allusions très nettes à d’antiques croyances ou coutumes celtiques ou indo-européennes, qui permettent de décrypter un univers à la fois très lointain et très proche tant il fait inconsciemment partie de notre patrimoine. Thierry Jigourel en propose une grille de lecture avec Merlin, Tristan, Is et autres contes brittoniques.
Réécriture personnelle de ces récits légendaires parmi les plus populaires, ce livre cherche d’abord à les replacer dans leur contexte primitif. Il n’est pas faux de relire l’histoire de la ville d’Ys, aujourd’hui connue à travers des embellissements littéraires très tardifs puisque certains datent de 1920, comme un apologue sur l’affrontement entre le paganisme et le christianisme. Il en va de même de presque tous ces récits. Trop systématiquement peut-être car le monde celte se christianisa avec une stupéfiante facilité, en partie parce que les évangélisateurs eurent l’intelligence de ne pas heurter de front les mentalités et de respecter ce qui pouvait l’être sans risque. Thierry Jigourel connaît bien le sujet et en parle avec autant de flamme que de talent. Cela rend son livre plaisant tant il est passionné, mais aussi, et fatalement, injuste dans son dénigrement de la foi chrétienne.
Mieux vaut donc ne pas le donner à de trop jeunes lecteurs en raison d’une apologie du paganisme séduisante et tentatrice pour ceux qui ne sauraient en voir les failles et les limites.
Anne Bernet L’Action Française 2000 n° 2742 – du 21 février au 5 mars 2008
* Martin Aurell : La Légende du roi Arthur. Perrin, 695 p., 25,80 euros.
* Anonyme : La Fausse Guenièvre ; Lancelot du Lac, tome III. Lettres Gothiques, Le Livre de poche, 350 p. prix non communiqué.
* Thierry Jigourel : Merlin, Tristan, Is et autres contes brittoniques. Jean Picollec, 270 p., 19 euros. -
Vidéo Conférence-débat : LE Front National, parti des ouvriers ?
Ce 25 février 2014, l’Observatoire des radicalités politiques a consacré une conférence-débat à la relation entre vote ouvrier et vote frontiste. Afin de déconstruire quelques représentations en trompe-l’oeil, Jean-Yves Camus et Sylvain Crépon recevaient Florent Gougou et Nonna Mayer. Outre la vidéo de la soirée ci-dessous, vous pouvez trouver un compte-rendu de cette conférencesur les sites de Médiapart et des Inrocks.
Le FN, parti des ouvriers ? Rencontre de l... par fondationjeanjaures -
Laïcisme : même Marine Le Pen s'y met
Le laïcisme n'est pas la réponse adéquate aux revendications musulmanes en France, laquelle France reste un pays aux racines chrétiennes. Medias-presse écrit :
"Marine Le Pen, présidente du Front National recevait cette semaine à Nanterre les élus des onze communes gérées par son parti depuis les dernières élections municipales. Au menu, il a été question des repas servis dans les cantines scolaires de ces municipalités. A ce sujet la présidente du FN a été très claire: « Nous n’accepterons aucune exigence religieuse dans les menus des écoles.«
Si les médias du système n’y ont vus qu’une énième provocation à l’égard des musulmans, personne ne s’est en revanche inquiété de l’impact d’une telle mesure sur les catholiques. Car si certains musulmans ne mangent pas de porc, certains catholiques ne mangent pas de viande le vendredi…
De plus, communiquer autour de détails organisationnels dans des cantines scolaires, est-ce prioritaire quand pendant ce temps le gouvernement socialiste fait tout pour pervertir les enfants avec l’enseignement de la théorie du genre via les « abcd de l’égalité » dans les écoles ?
Au lieu de cantine, n’eut il pas été préférable de communiquer sur une légitime préoccupation quant aux associations qui sont /seront autorisées à intervenir dans les écoles dépendant de ces municipalités ?
Chacun ses priorités, le Front National a les siennes, Marine Le Pen préférant faire remarquer qu’ « Il n’y a aucune raison pour que le religieux entre dans la sphère publique, c’est la loi. »
La laïcité et la lutte contre les « communautarismes » figureront donc parmi les priorités des nouveaux édiles du Front National. Car « UMPS » oblige: « Bien souvent la laïcité n’est pas appliquée » se plaint Marine Le Pen. Quoi qu’il en soit, il est évident qu’il faudra autre chose pour faire la différence et ne pas décevoir les français…
Néanmoins dans cette logique, on en arrive à se demander si les processions catholiques du 15 août, les parvis de messe le dimanche, les écoles privées ou le port d’habits religieux ne seront pas prohibés à l’avenir dans les municipalités FN au nom de la « laïcité »?
Ces prises de positions démagogiques du FN dé-diabolisé sont alarmantes pour les catholiques qui préféreraient entendre, avant d’être contraint d’aller la chercher ailleurs, une réaffirmation claire et ferme des racines chrétiennes de la France.
Malheureusement, on dirait de plus en plus que Jean-Luc Mélenchon a un sérieux concurrent à gauche avec le Front National dé-diabolisé de Marine Le Pen."
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Après échec cuisant aux municipales, Aurore Bergé, militante UMP pro-mariage gay, cherche place aux européennes
Cette jeune femme de 27 ans s’est fait connaitre à l’UMP en participant à une manifestation de soutien à la loi Taubira sur le mariage homo, et en soutenant le droit du sol. Benoist Apparu, ancien ministre délégué au Logement sous Sarkozy, a dit d’elle qu’elle “tient la route” et a un “fort potentiel”, elle “sort du lot” “même si c’est un peu tôt pour parler de relève”.
Après un cuisant échec aux municipales (17 % derrière le vainqueur) Aurore Bergé voudrait être en 6ème position sur la liste UMP d’Île-de-France pour les européennes (les places précédentes étant déjà prises).
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Sortie prochaine du nouveau livre de Laurent Glauzy
Dans quelques jours.
Nous vous tiendrons informés. -
La franc-maçonnerie s’inquiète de votre vote aux élections européennes
La franc-maçonnerie semble consternée par le résultat des dernières élections et, plus encore, par ce qui s’annonce être le résultat des élections européennes. Ce n’est pas la déroute socialiste qui inquiète les sociétés secrètes. Leurs réseaux s’étendent aussi bien à l’UMP qu’au PS. Non, ce qui angoisse les « grands maîtres », c’est la progression d’un sentiment de profond rejet du système politique actuel. Ce réveil d’un pays réel que les francs-maçons ne maîtrisent pas, voilà ce qui leur fait peur.
Du coup, les différentes obédiences viennent de co-signer un énième communiqué appelant les Français à bien voter ! Surtout pas d’abstention ni de vote « extrémiste ».
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L'emploi du terme «islamophobie» est une arme qui vise la liberté d'expression
Michèle Tribalat, qui a mené des recherches sur les questions de l'immigration en France et aux problèmes liés à l'intégration et à l'assimilation des immigrés et de leurs enfants, répond au Figarovox :
"Clairement, l'emploi du terme «islamophobie» est une arme qui vise très directement la liberté d'expression et la réintroduction de la condamnation du blasphème, à défaut d'avoir réussi à en faire un délit. L'OCI ( Organisation de la coopération islamique) milite activement auprès des Nations unies pour que la blasphème soit reconnu et vienne limiter la liberté d'expression. L'OCI déclare que l'islamophobie est une nouvelle forme de racisme caractérisée par la xénophobie, une description négative et des stéréotypes sur les musulmans qui se comparent à l'apartheid, apartheid qu'il faut incessamment démanteler. L'OCI se vante d'ailleurs des bons résultats qu'elle commence à obtenir auprès des dirigeants occidentaux auprès desquels elle fait miroiter les avantages en termes de paix civile qu'il y aurait à limiter la liberté d'expression lorsqu'elle offense les musulmans. [...]
La grande habileté des militants musulmans engagés dans la lutte contre l'islamophobie (CCIF) a été d'étendre l'empire de ce terme aux crimes et délits commis contre des musulmans parce que musulmans. Actes évidemment odieux et condamnables. Ils ont établi un continuum entre la critique de l'islam et le fait de s'en prendre à des personnes de confession musulmane, ce qui permet de criminaliser tout ce qui se trouve sur ce continuum. Pour l'OCI, l'islamophobie c'est surtout les productions artistiques, littéraires ou autres et les décisions occidentales posant des limites à l'affirmation de l'islam en Occident (Minarets suisses, loi sur le voile en France…) qui, on se le rappelle valent à certains de vivre sous protection policière. C'est ce que vise l'OCI lorsqu'elle parle d'intolérance et non les bouffées de violence et de dévastation qui embrasent différents points de la planète à chaque fois que la liberté d'expression lui semble avoir dépassé les bornes du supportable. Malheureusement, le mal est fait. Pour la CNCDH, comme pour le CCIF et l'OCI, l'islamophobie est un racisme déguisé qui abuse de la liberté d'expression."
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Mes vacances au Bélarus par Frédéric MALAVAL
Passer ses vacances au Bélarus, quelle idée ! Mais venons-en au fait : où est–ce vraiment ?
Le Bélarus est difficile à situer avec précision sur une carte, à moins de posséder un atlas géographique d’une édition récente; c’est un pays d’Europe orientale sans accès à la mer, bordé à l’Ouest par la Pologne, au Nord par la Lettonie et la Lituanie, à l’Est par la Russie et au Sud par l’Ukraine. C’est tout simple ! Son nom a connu plusieurs variantes : appelée Russie blanche ou Ruthénie blanche dans les atlas du début du XXe siècle, puis Biélorussie pendant toute la période soviétique, cette ancienne République socialiste soviétique depuis 1918, indépendante depuis la dissolution de l’U.R.S.S. en 1990, est maintenant mieux connue sous le nom de Bélarus. Cette vaste plaine couverte pour un tiers de forêts a vu passer Napoléon et ses grognards qui, sur le chemin du retour, ont connu un des épisodes les plus éprouvants de la campagne de Russie, le passage de la Bérézina (novembre 1812). Depuis, le pays a terriblement souffert de la dernière guerre, notamment lors de l’offensive allemande de juillet 1941 et de l’offensive russe durant l’été 1944. Notre contributeur, Frédéric Malaval, nous a remis ses souvenirs d’un voyage pittoresque dans des contrées qui méritent d’être visitées.
Polémia
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Quand on désire connaître la météo de Saint-Pétersbourg via Google, il faut chercher la ville en Asie. Dans la vision U.S., l’Asie commencerait donc à un peu plus de 1000 km à vol d’oiseau de la frontière française. Selon Google, la Russie est désormais reléguée en Asie; l’oblast de Kaliningrad au bord de la mer Baltique aussi. En revanche, la Lituanie, la Lettonie, l’Estonie, l’Ukraine et le Bélarus sont toujours rangés en Europe. Il est vrai que les trois ex-républiques soviétiques baltes sont bien ancrées dans le « monde libre » maintenant, car membres de l’O.T.A.N. et de l’Union européenne. Pour l’Ukraine c’est en train de se jouer actuellement. La Crimée restera sans doute en Asie. Enfin, même dénué de toute logique géopolitique, on comprend bien que la future cible est le Bélarus. Aussi, avant que « Die große Propaganda » s’emballe, je voudrais livrer un témoignage sur ce que j’ai ressenti dans ce pays pendant l’été 2012. Ces lignes ont été écrites dans la foulée de ce séjour; sans intention de les publier alors, car je suis loin de mes eaux territoriales en abordant ce sujet.
Ainsi, l’été 2012, alors que la majorité des vacanciers allait vers le Sud, j’ai opté pour le Bélarus, l’ancienne Biélorussie. Plus particulièrement Rogachev, Bobruisk, Minsk et Vitebsk. En réalité, j’y suis allé pour évaluer l’opportunité de monter un bizenesse.
Sincèrement, je m’attendais à visiter le Stalingrad de février 1943.
Quelques années auparavant, j’avais envisagé d’aller à Saint-Pétersbourg par le train. Pour voir. L’agent de la S.N.C.F. m’avait garanti qu’il pouvait m’amener jusqu’en Pologne, mais qu’après il ne garantissait rien. La Biélorussie m’était alors apparue comme un immense no man’s land. Finalement, j’étais allé à Péter par avion, en passant par Helsinki.
Il est difficile d’avoir une image positive du Bélarus. L’appareil médiatique français affirme régulièrement que c’est une tyrannie, que les gens souffrent, etc. Difficile d’échapper à cette litanie. De plus, rares sont les personnes capables de situer sans hésiter ce pays sur une carte. Pourtant sa superficie est d’environ un bon tiers de celle de la partie européenne de la République française, pour une population équivalente à celle de la Belgique. Avant d’y aller, j’étais à tel point méfiant que j’avais prévu une issue de secours par la Pologne.
J’y suis arrivé dans un 4×4 Chevrolet Niva immatriculé en Russie, en passant par Novgorod. Entre ces deux pays, pas de frontière. C’est comme dans l’Union européenne. On ne voit ni douaniers, ni policiers. Surprise : le paysage change aussitôt. Alors que l’immensité de la Russie fait que les belles routes à l’européenne sont rares, au Bélarus les routes sont impeccables, les bordures tondues, les champs cultivés, les forêts traversées sont parsemées de panneaux invitant à respecter la nature. Donc pas de cacadromes ni de ces jolies décharges sauvages associant papier-toilette usagé et déchets plastiques durables qui s’égaillent sur nos routes de France. C’est propre. Mon premier sentiment fut que je me retrouvais en Suisse dans les années 1960-70, quand, enfant, nous passions l’été régulièrement aux Gets, en Haute-Savoie. Plusieurs faits marquants sont ainsi durablement imprimés dans mon cerveau. Par exemple, j’ai vu des automobilistes s’arrêter sur une route à 4 voies pour laisser passer des piétons sur un passage protégé. Véridique. La première fois, je ne l’ai pas fait. J’avais pris ces marques sur la chaussée et ces groupes le long de la route pour des éléments de décor. Je ne m’étais pas arrêté. Mais, bon, j’avais une plaque russe… Donc ils n’ont pas rouspété après un Français. Puis, devant faire le plein (moins cher qu’en Russie), j’ai demandé un gant pour me protéger les mains. La préposée m’en donna tout en signalant qu’« Ici, nos pompes sont propres ». Et c’est vrai. La Suisse, j’vous dis.
Finalement, arrivée à Rogachev par un beau jour ensoleillé. Première visitée, la ville est modeste, mais les habitants paraissent heureux. Les mamans s’occupent de leurs enfants. Plusieurs éléments accrochent le regard. Le premier, c’est l’omniprésence de la cigogne, en vrai et comme symbole. On les voit marcher derrière les tracteurs dans les champs pour attraper ce qu’ils extraient. Ces charmants volatiles nichent même au cœur de la ville. Pour l’écolo que je suis, la cigogne est considérée comme un bon indicateur écologique. Donc, c’est propre. Effectivement cela ne sent pas mauvais. Ayant passé en une autre occasion un mois en Russie loin de toute urbanisation, j’ai, depuis, un odorat très sensible. Là-bas, difficile de détecter des produits chimiques dans l’air. Il est vrai qu’une partie de leur territoire est condamné depuis l’accident nucléaire de Tchernobyl (1986). Ils savent ce qu’est une catastrophe industrielle, radioactive de surcroît. Une affiche rappelant que 10 % (?) du territoire biélorusse est condamné depuis – et pour longtemps – est posée à côté du guichet où l’on retire son visa à l’ambassade à Paris. On sent une sensibilité à la nature bien plus forte que chez nous. Les panneaux invitant à respecter les animaux dans les forêts sont autant de manifestations de cette posture écologique. Cela ne les empêche pas cependant de faire un peu de « bizenesse » avec la chasse d’animaux que l’on ne trouve plus chez nous, comme les ours, les loups ou les élans. Mais bon… Pas de jugement. Les chasseurs viennent majoritairement de l’Ouest.
Autre fait marquant : les monuments à la gloire des héros de 1941-45. Les T-34 trônant au milieu de parcs sont soigneusement astiqués. Ils paraissent plus neufs qu’à leur sortie d’usine. Et il y en a partout. Les monuments aux héros sont tout aussi soignés. De belles photos N.& B. rappellent aux passants les visages de ces soldats tués en se battant pour l’U.R.S.S. Enfin, les statues de Lénine sont dans le même état, propres et brillantes. Mais, à côté on trouvera systématiquement Marie et Jésus. Eux aussi impeccables. Pas besoin de faire beaucoup de kilomètres si l’on vénère à la fois Lénine et Jésus : quelques dizaines de mètres suffisent pour vivre cet œcuménisme. Parfois on les trouve ensemble sur le même panneau. Bon, c’est vrai qu’ils sont issus de la même matrice.
Une visite au musée de Rogachev permet de saisir combien ces endroits furent imprégnés de judaïsme. À son apogée, 70 % de la population de la ville était juive. Une immense salle du musée leur est consacrée. Sans même que vous posiez de questions, après vous avoir exposé comment ils vivaient, le guide affirme simplement qu’ils sont partis depuis. Les trois zones mentionnées sont les Amériques, l’Europe de l’Ouest et Israël. Pourtant des statues leur sont dressées. Il en est ainsi dans la ville de Bobruisk où en plusieurs endroits un castor habillé en bourgeois vous salue et montre avec ostentation qu’on est « bien » en Biélorussie. Peut-être pas comme Dieu en France, mais pas loin. À peine quelques pas dans la ville et vous êtes invité à contempler ces statues dont une se trouve juste devant les locaux où se tiennent les foires commerciales locales. Rogachev c’est aussi le lieu où est produit le meilleur lait concentré de toute l’ex-U.R.S.S. C’est vrai qu’il est bon. Le packaging n’a pas dû changer depuis l’époque soviétique. Pour ceux qui aiment le look vintage tendance Brejnev, c’est top.
Deux jours à Bobruisk pour visiter des usines – ils sont très ponctuels – puis départ vers Minsk, par une magnifique route à quatre voies gratuite. Toutes les autoroutes sont gratuites en Biélorussie, sauf celles menant vers les États baltes, membres de l’Union européenne.
Minsk. Là c’est le choc. Une ville d’une propreté surprenante. Des gens bien habillés. De la circulation, mais sans embouteillages comme à Paris, Moscou ou Saint-Pétersbourg. Des voitures récentes. Des pistes cyclables. Des magasins. Des bâtiments bien entretenus et immaculés. Pas d’agressivité. Pourtant la ville n’a cessé d’être détruite, ces territoires au centre de l’Europe étant le lieu privilégié où se rencontraient Russes, Polonais, Allemands, Suédois, Français, Autrichiens, etc. C’est un peu le Péloponnèse ici. Les monuments historiques sont assez rares. De-ci de-là, un obélisque rappelle telle ou telle bataille. Pas de publicités tapageuses non plus. Encore moins d’anorexiques obscènes pour vous faire bouffer de la chimie, mais de jolies stèles issues du réalisme soviétique montrant de virils soldats et de plantureuses travailleuses. Faucilles et marteaux entretiennent la nostalgie de l’U.R.S.S. Des statues classiques évoquent tel ou tel aspect de l’histoire du territoire. On trouve quand même MacDo et Coca. Une précaution, peut-être !
Autre surprise : pas un immigré. Autant à Rogachev, puis Bobruisk cela paraissait normal, autant à Minsk ce fut la surprise. Que des Européens ! La seule personne que j’ai vue à l’apparence singulière était une jeune Rom accompagnée d’amies de son âge. Elle paraissait parfaitement intégrée. Propre, bien habillée, souriante et jolie, elle s’amusait bien dans ce restaurant à l’ambiance « jeune » du centre de Minsk. Déjà, à Péter, les immigrés ne sont pas nombreux, mais l’héritage impérial fait que vous croisez des Turcs et des Asiatiques. En revanche, très peu d’Africains ou d’Arabes. Cela fait très drôle quand on vient de France. On est même un peu inquiet, confronté à la blancheur de la population – et rassuré quand on voit des Africains déambuler en groupes dans la rue. Une fois, alors que je donnais un cours à l’Université, il y avait un Africain parmi les étudiants. J’étais content. J’ai toutefois eu beaucoup de mal à admettre qu’il ne parlait pas français. Je m’adressais à lui dans ma langue. Comme réponse, j’avais ses grands yeux remplis d’incompréhension. Donc à Péter on en voit. Pas beaucoup, certes, mais quand même. En revanche, au Bélarus, c’est absolument white white. On se croirait dans une réserve. Remarquez, quand on s’appelle le Bélarus, c’est difficile de faire autrement : Bélarus signifie Russie blanche. Pourquoi ? Parce que ce sont des zones ayant échappé à la domination mongole des XIIIe-XVIe siècle ap. J.-C., contrairement au reste de la Russie européenne. À plusieurs reprises, j’ai entendu à Péter que le type français y est très répandu car beaucoup de soldats de la Grande Armée, fatigués de combattre, auraient opté pour une installation sur ces terres en 1812. À vérifier… Rappelons que le pouvoir russe a toujours cherché à installer des paysans de l’Ouest. Il y a(vait) bien les Allemands de la Volga, pourquoi pas les Français du Dnierp ?
Balade dans la ville. Nickel. J’ai vu un clochard qui se lavait les cheveux dans un petit étang à proximité d’une église. J’ai la photo. Même leurs clochards sont propres. Pas un brin d’herbe qui dépasse et toujours l’alternance de faucilles et de marteaux, d’une part, et d’icônes, d’autre part. Pas loin de l’ambassade de France s’impose une agence de la BelSwiss Bank avec le drapeau de la Confédération helvétique comme emblème. J’ai les photos. Le soir à Minsk à l’hôtel : télé. Film très intéressant pris en cours de massacres. Pendant plus de 3/4 d’heure j’ai assisté à la torture de voyous par d’autres voyous, et réciproquement. Le tout dans une ambiance hémoglobine à faire passer Quentin Tarantino pour un scénariste de la Walt Disney Company. La dernière scène du film est belle : les deux voyous rescapés, habillés en respectables « bizinessemannes », sont dans de magnifiques bureaux avec une vue imprenable sur le Kremlin de Moscou; une secrétaire, ayant sûrement plein de qualités mais pas forcément celles pour taper des lettres, sort de la salle, la main d’un des voyous collée à ses fesses; l’autre, assis comme un cow-boy sur son bureau, les pieds sur le fauteuil, contemple le Kremlin de son regard de prédateur. Faut-il expliquer le message du film ? Bienheureux les Biélorusses ayant échappé aux joie de l’économie libre de l’ère Eltsine.
Comme marque de leur particularisme, j’ai entendu à Minsk, dans une foire aux livres, un aborigène refusant de dialoguer en russe et optant résolument pour le biélorusse, idiome proche du polonais. Mais sans animosité. C’est loin d’être comme en Catalogne espagnole où souvent, après vous être adressé à des autochtones en castillan, on vous répond en français, l’air pas gentil – ou alors on fait semblant de ne pas comprendre. Au Bélarus, même avec une plaque russe, habillé en Russe, aucune animosité ne s’est manifestée à mon égard. Bon c’est vrai que j’aurais l’air d’un Français pur jus, même de loin. J’ai simplement fait l’objet d’un seul coup de klaxon alors que je conduisais ma voiture russe. Or, on ne klaxonne jamais à Minsk. Nous avons donc quitté cette ville dans le silence le plus total. Cap sur Vitebsk.
On n’évoquera pas la nuit passée dans un relais de chasse avant d’y arriver. Proche de la frontière russe, on sentait bien que, si la situation devait exploser, c’est là que cela se ferait. Tout est dans un état de quasi-abandon, un peu comme côté russe à la frontière, au Nord, avec la Finlande. Grand contraste avec les villes « européennes » visitées auparavant : le lit était cassé; en me brossant les dents, j’ai failli me prendre le lavabo sur les pieds. Pourtant de nombreux hommes habitent l’endroit : un coup de tournevis de temps en temps ne serait pas du luxe. Ils sont toutefois contents de vivre là, conscients que la situation de leurs homologues côté russe est plus difficile. Ce fut le souvenir contrasté du voyage. Passons.
Vitebsk, c’est la ville de Chagall. C’est à Vitebsk aussi qu’une cathédrale surplombant la ville a été inaugurée en 2010. Nos dirigeants inaugurent des mosquées, les leurs inaugurent des cathédrales. Là encore, c’est propre.
D’autres souvenirs resteront figés dans ma mémoire, nombreux. Une analyse politique en est issue mais, comme cela est en dehors de mes eaux territoriales, je la garde pour moi. Une idée s’impose toutefois : il y a un modèle biélorusse. Le comprendre serait intéressant. J’invite les curieux à aller voir par eux-mêmes. En attendant, on pourrait inviter Loukachenko discourir à Science-Po (1). Cela créerait un peu d’animation au milieu de tous ces enseignants américanolâtres. Leur idole c’est Obama, pas Loukachenko.
Retour à Paris. À Roissy-C.D.G., à peine la douane franchie, trois militaires armés, dont un Africain, épient les voyageurs l’air suspicieux, le doigt crispé sur la gâchette de leurs F.A.M.A.S. que j’espère vides. Quel contraste avec le sourire débonnaire des rares policiers biélorusses que j’ai croisés !
Frédéric Malaval http://www.europemaxima.com/
Note
1 : Finalement, ce n’est pas une bonne idée. Il y aurait trop de risques que les étudiants, forcément idéalistes, fassent de « Vive la tyrannie biélorusse ! » leur cri de ralliement. Trop dangereux.
• D’abord mis en ligne sur Polémia, le 31 mars 2014.
Commentaire d’Europe Maxima : Le compte-rendu de Frédéric Malaval recoupe de nombreux témoignages de visiteurs de ce pays bien trop ignoré de la population de l’Hexagone. Il confirme aussi la savante désinformation des médiats occidentaux sur ce pays. En réalité, le Bélarus, le « pays des braves gens », bénéficie d’une belle stabilité politique en dépit des manœuvres délétères occidentalistes. Et si vous passiez quelques jours dans ce pays ce printemps ou cet été ? D’ailleurs, du 9 au 25 mai prochain, Minsk accueillera le 78e championnat du monde de hockey sur glace. Vous voulez de l’exotisme à deux heures de vol de Paris, le Bélarus vous ravira ! Victime d’un système politique plus que jamais dominé par les funestes oligarques, l’Ukraine a manqué d’avoir un vrai homme d’État, un Alexandre Loukachenko ! -
800e anniversaire de Saint Louis
Si l’imaginaire national se réfère spontanément aux lieux de mémoire chers à Pierre Nora, il faut admettre que les lieux qui se rapportent au souvenir de Saint Louis sont bien présents à notre bel aujourd’hui. À Paris, l’Arc de Triomphe, les Invalides, le Panthéon projettent les représentations de la gloire nationale.
Mais le surinvestissement symbolique que la République persiste à accorder à l’ouvrage de Soufflot n’est pas prêt d’effacer le prestige royal de Notre-Dame et de la Sainte-Chapelle qui demeurent les suprêmes joyaux de la capitale. En dépit de la violence de la rupture révolutionnaire, les historiens organiques de la Troisième République se sont efforcés de réunifier les strates de la mémoire, en imposant parfois des images qui se sont fixées dans les têtes enfantines. C’est Ernest Lavisse, suivi par tous les manuels scolaires, qui a retenu de la chronique de Joinville un trait mythologique : Saint Louis rendant la justice sous son chêne auprès du château de Vincennes, dont le donjon aussi fait partie du patrimoine commun.
L’Église, particulièrement celle de Paris, aurait bien tort de ne pas jouer, elle aussi, du superbe instrument de la mémoire historique et de ses symboles. D’où la magnifique commémoration du huitième centenaire de la naissance de Saint Louis, centré autour de la monstration des reliques de la Passion, dont elle a reçu le legs. Fort heureusement, nous nous sommes débarrassés de la pudeur maladive qui inhibait, il n’y a pas si longtemps, toute velléité de référence au passé et aux traditions populaires. Mgr Patrick Jacquin, recteur de la cathédrale, a montré, durant toute l’année dernière, comment on pouvait réanimer tout le patrimoine de Notre-Dame pour la joie de foules innombrables. Loin des lugubres offices, tétanisés par les réflexes iconoclastes, l’éclat du trésor réjouit les yeux, enchante les cœurs, d’autant qu’il renvoie au contenu substantiel de la foi et au mystère central de la Rédemption. [...]
Gérard Leclerc - La suite sur France Catholique
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