Le 8 novembre 1226, le roi Louis VIII le Lion est emporté par une dysenterie aiguë, à Montpensier, en Auvergne, en revenant de sa croisade contre les hérétiques albigeois. Son fils, né à Poissy le 25 avril 1214 (l'année de la bataille de Bouvines), lui succède sous le nom de Louis IX.
Son long règne de 44 ans va coïncider avec l'apogée de la France capétienne et chrétienne et il restera dans la postérité sous le nom de Saint Louis.
André Larané
Un sacre à haut risque
L'avènement de Louis IX, pourtant, ne coule pas de source. La succession héréditaire n'est pas prévue par la dynastie capétienne, laquelle a débuté trois siècles plus tôt par l'élection d'Hugues Capet. Les six rois suivants, de Robert le Pieux à Philippe Auguste, ont été sacrés du vivant de leur père pour leur assurer une succession sans histoire. Philippe Auguste avait négligé cette formalité pour son fils et l'hérédité avait paru prendre le pas sur l'élection.
Mais la mort de Louis VIII, trois ans à peine après son avènement, avec pour successeur présumé un enfant de douze ans, remet tout en question. Les conseillers du roi, issus du clergé, de la bourgeoisie ou de la petite noblesse, craignent que se réveillent les appétits des grands féodaux et que ces derniers veuillent reprendre la main sur la désignation du souverain.
À l'initiative du conseiller Ours de la Chapelle, vingt-cinq proches de Louis VIII se réunissent autour du roi mourant et reconnaissent son fils Louis pour successeur. Puis, le conseiller lance à la hâte les convocations pour le sacre de Louis IX.
Quand le nouveau roi et sa mère Blanche de Castille arrivent à Reims, la ville des sacres, ils constatent l'absence de plusieurs grands féodaux, Hugues de Châtillon, comte de Saint-Pol, Hugues de Lusignan, comte de la Marche, Pierre Mauclerc, duc de Bretagne, ainsi que Thibaut IV, comte de Champagne. Le comte Ferrand de Flandre est par ailleurs emprisonné depuis la bataille de Bouvines. Ces absences augurent mal de la régence à venir, la première dans l'Histoire de France.
Mais qu'à cela ne tienne, on délègue à Philippe Hurepel, comte de Boulogne, fils de Philippe Auguste et de sa troisième épouse Agnès de Méranie, l'honneur de porter l'épée royale pendant la cérémonie du sacre, le 29 novembre 1226.
Les féodaux contre la «baillistre»
De retour à Paris, le jeune roi confie à sa pieuse mère les destinées du royaume avec le titre de «baillistre» (régente, d'après le vieux français baillir, synonyme d'administrer). Sagement, Blanche de Castille conserve autour d'elle les conseillers de Philippe Auguste et Louis VIII, en premier lieu le chancelier Guérin, évêque de Senlis, et les chambriers Barthélemy de Roye et Ours de la Chapelle. Suivant leur avis, elle libère le comte Ferrand de Flandre dès le 6 janvier 1227 pour s'assurer de la fidélité de son épouse.
Très vite prend forme une première rébellion qui réunit Pierre Mauclerc, comte ou duc de Bretagne, Hugues de Lusignan, qui a épousé la veuve du roi d'Angleterre Jean sans Terre, Isabelle d'Angoulême, et surtout le comte de Champagne, Thibaut IV.
Il n'a pas échappé à Blanche de Castille, toujours séduisante à 38 ans et malgré douze grossesses, que Thibaut, de treize ans son cadet, éprouve de la passion pour elle ! Surnommé Thibaut le Chansonnier, c'est un excellent trouvère qui a mis son amour en chansons. C'est dès lors un jeu pour la reine de le rallier à sa cause. Dès le 16 mars 1227, à Vendôme, les autres rebelles font à leur tour allégeance au roi en échange de quelques menus avantages.
Mais ces arrangements suscitent le mécontentement du comte Raimon VII de Toulouse qui soulève à son tour différents barons contre le roi. L'armée royale pénètre dans le Languedoc sans guère rencontrer de résistance chez les habitants, épuisés par la croisade des Albigeois. La régente peut donc mettre un terme à cette nouvelle rébellion par le traité de Meaux, habile traité qui livre à la couronne capétienne le riche comté de Toulouse.
Une prise de pouvoir progressive
À peine l'incendie est-il éteint au sud qu'il se rallume au nord ! Les critiques et les calomnies fusent contre Blanche de Castille, accusée de toutes les turpitudes. Le poète Hugues de la Ferté chante :
«La France est bien abâtardie
Seigneurs, barons, entendez
Quand femme l'a en sa tutelle...»
Le comte de Boulogne Philippe Hurepel rejoint Pierre Mauclerc dans une nouvelle rébellion. Le roi d'Angleterre Henri III, trop heureux de l'aubaine, débarque en Bretagne pour les soutenir. Mais le jeune Louis IX fait front et marche au-devant des rebelles. Henri III, sans trop insister, rembarque à Bordeaux à destination de l'Angleterre le 28 octobre 1230.
Dans le même temps, en 1230, voilà que les maîtres de la jeune Université de Paris, créée par Philippe Auguste, se mettent en grève. Ils protestent contre une opération de police meurtrière à l'encontre d'étudiants un peu trop turbulents. Ils quittent Paris pour Orléans et le roi d'Angleterre Henri III leur suggère même de gagner Londres.
Le pape Grégoire IX, soucieux de conserver une Université de théologie efficiente à Paris, impose sa médiation. Par-dessus la régente et le roi, il confirme l'autonomie et les privilèges de l'Université en avril 1231.
Ayant réussi à maintenir l'héritage de son époux, Blanche de Castille s'occupe de marier son fils à Marguerite de Provence le 27 mai 1234. Deux ans plus tard, le roi est déclaré majeur. Il laisse néanmoins les rênes du gouvernement à sa mère et à ses conseillers jusqu'en 1242, ne les reprenant que pour combattre une ultime révolte féodale.
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