Le vacarme qu’on entend à propos de la réforme du collège fait oublier qu’il ne dépend pas de son application que les élèves soient moins instruits : il y a longtemps qu’ils ne savent plus grand-chose, que ce savoir obéit au principe d’incertitude et de flottement qui caractérise l’enseignement public, dans son ensemble, et particulièrement un de ses produits que sont les écrivains postlittéraires, dont le moins qu’on puisse dire est qu’ils n’ont aucun sentiment de leur langue ni de l’histoire de France. Ceux qui braillent contre la réforme oublient trop volontiers qu’ils ont accepté, voire promu les précédentes, qui n’étaient pas moins désastreuses.
Dans ces réformes, la langue a été sacrifiée sur l’autel de la bienveillance psychologique qui a aboli la tolérance zéro en matière d’orthographe. « Vous ne savez pas écrire ? Supprimons la correction orthographique, et exprimez-vous librement… » prônent les Lyssenko de la recherche pédagogique.
Comment est-il, en effet, possible d’inculquer rien de solide et de vertical à de jeunes esprits dépourvus d’armature syntaxique, et par ailleurs soumis, ces esprits, à l’intense propagande du Bien ? Pourquoi enseigner le latin, le grec, alors qu’on n’enseigne plus qu’un état laxiste (« tolérant ») du français qui a dès lors la valeur d’une dent branlante dans une bouche impropre à mastiquer ?
Il en va de même pour l’histoire. Pourquoi s’indigner de ce que la Propaganda Staffel du Conseil national des programmes veuille en finir avec le « roman national », décrété « réactionnaire » (lisez : incompatible avec les musulmans), en un pays qui n’a plus rien d’une nation ? Il y a belle lurette que ce roman-là n’est plus qu’un objet de dépit historique, et le peuple français en proie à une schizophrénie post-républicaine qui tente de faire coexister une population qui ne cessera jamais d’immigrer en elle-même et des indigènes dépossédés de soi par ceux qui prônent un « vivre ensemble » à valeur d’apartheid communautariste.
La schizophrénie est le nom clinique du grand déni qui ronge la gauche française, et une manière de gouverner cap au pire, comme le montre le voyage du chef de l’Etat dans les Caraïbes : un grand moment de political correctness, donc d’insignifiance politique, dont la rencontre d’une heure avec Fidel Castro a été le clou. Il semble que ce voyage n’ait eu d’autre but que la rencontre entre un mort-vivant vêtu d’un infâme survêtement et d’un président au teint vermeil, qui a cherché son quart d’heure de gloire historique, oubliant ce qu’a été le régime castriste, les mises à mort, la chasse aux intellectuels, aux homosexuels, aux déviants… La vice-présidente Royal a beau clamer que Castro est « un mythe », que « c’est plus fort que la politique », et le locataire de l’Elysée qu’il voulait « avoir ce moment d’histoire », comme un petit garçon qui joue avec le pistolet de son père, arguant, en un solécisme tout à fait digne de l’école selon Mme Belkacem, que « Quel que soit ce qu’il a fait, il est dans l’histoire » (sic), cette visite au caudillo de La Havane permet de comprendre pourquoi le roman national est impossible : la laideur de Hollande l’interdit, son inculture aussi, et bien sûr la révélation de son goût pour les dictateurs, ceux de gauche, évidemment, qui lui permet de passer une heure avec Castro tout en travaillant à chasser Assad du pouvoir et de faire la leçon à Poutine.
Le moment d’histoire de Hollande n’est qu’une manière d’entériner la sortie de l’histoire, rendant donc inutile l’enseignement de cette matière.