Source : “Valeurs actuelles”
Face aux assauts de politiquement correct, aux cris d’orfraie que poussent les ténors de la “droite” à la moindre évocation de contrôle des frontières, d’arrêt de l’immigration ou de France de “race blanche”, un petit flash-back est salutaire. ce que prônait le RPR il y a 25 ans lors des assises de l’opposition ne serait même pas forcément repris dans son ensemble par le FN d’aujourd’hui. Et on parle de droitisation des esprits… sans doute vrai au niveau de la population, mais quand on regarde les appareil politiques, l’expression fait sourire…
“Valeurs actuelles” a retrouvé les propositions des états généraux de l’opposition RPR-UDF sur l’immigration.
La France ne peut plus être un pays d’immigration [, elle] n’est pas en mesure d’accueillir de nouveaux immigrants.
… Voilà, entre autres, ce à quoi s’engageaient la droite et le centre, en cas de retour au pouvoir, à l’occasion de ses “états généraux de l’opposition” (RPR et UDF, transformés en UMP) consacrés à l’immigration, des 31 mars et 1er avril 1990 à Villepinte. Parmi les participants : Valéry Giscard d’Estaing, Jacques Chirac, Michèle Alliot-Marie, Roselyne Bachelot, Alain Juppé, Gérard Longuet, mais aussi… François Bayrou. Coresponsable, au nom du RPR, de cette convention, c’est Nicolas Sarkozy lui-même qui a cosigné (avec Alain Madelin) la préface du compte rendu de 39 pages publié à cette occasion.
Affirmant que
la France ne doit pas être considérée comme un simple espace géographique sur lequel plusieurs civilisations pourraient coexister
et dénonçant le « faux antiracisme militant », ce qui est depuis devenu l’UMP en appelait alors clairement à « la fermeture des frontières » et à la « suspension de l’immigration ». Loin, très loin, du “contrôle régulé” et de “l’immigration choisie” aujourd’hui défendus… Pas question non plus de « régularisation au cas par cas » pour les « clandestins » (on ne parlait pas alors de “sans-papiers”). Seule solution envisagée : une politique assumée d’expulsions :
On ne peut tolérer que des clandestins puissent rester en France. […] Il faut tout mettre en œuvre pour que les décisions de reconduite à la frontière soient effectives.
Vingt ans après, en 2010, Éric Besson, alors ministre de l’Immigration, reconnaissait pourtant que près de 80 % d’entre elles n’étaient pas exécutés…
Expulsables, aussi, pour la droite des années 1990, les “faux réfugiés” : « La très grande majorité des dossiers déposés à l’Ofpra [Office français de protection des réfugiés et apatrides, NDLR] s’avère injustifiée (de l’ordre de 90 %), ces demandes n’étant qu’un prétexte pour bénéficier des avantages sociaux français. » Même les étudiants étrangers ne sont pas épargnés : « Il faut conditionner le séjour des étudiants étrangers en France à un déroulement normal du cursus universitaire : le titre de séjour doit être renouvelé annuellement en tenant compte des résultats obtenus » – une proposition jamais mise en pratique.
Également dans le collimateur : « Le regroupement familial, [qui] pose par son ampleur des problèmes très réels de logement, de scolarisation et d’encadrement social. » Proposition alors « largement approuvée » par l’ensemble de la droite et du centre : « Corriger l’automaticité du regroupement familial et la réserver aux immigrés titulaires d’une carte de long séjour (10 ans) » – ce qui, là encore, n’est toujours pas le cas.
Afin de ne plus attirer de nouveaux immigrés, la droite n’hésitait pas non plus à briser le “tabou” de « notre système de protection sociale », dont il faut « éliminer les points faibles qui créent une incitation artificielle à l’immigration ». C’est ainsi, notamment, que doivent être
vigoureusement combattus […] l’accès aux soins médicaux et hospitaliers par des étrangers en situation irrégulière.
– qui envisage aujourd’hui la suppression de la CMU ? Quant à « l’immigré chômeur, [il] percevrait alors non des allocations chômage mais une allocation pour le retour sous forme de capital ou de rente ».
Flirtant avec la “préférence nationale” prônée par le FN, la droite allait jusqu’à s’interroger « s’il ne convient pas de réserver certaines prestations sociales aux nationaux » : « Dans ce domaine, rappelle-t-elle, le législateur a admis dans le passé le bénéfice des prestations aux seuls nationaux […] : être étranger en France, ce n’est pas avoir automatiquement et intégralement tous les droits liés à la citoyenneté française.
N’hésitant pas à pointer « la fécondité des étrangères très supérieure à celle des Françaises (3,2 enfants contre 1,84) et spécialement celle des Maghrébines (entre 4 et 5 enfants) », la droite d’il y a vingt et un ans estimait que « l’automatisme actuel d’acquisition de la natio-nalité pour les jeunes nés en France de parents étrangers n’est pas bon » : « la nationalité doit être demandée par le jeune étranger : elle n’est plus accordée automatiquement » – en 2011, la nationalité française (et l’impossibilité d’être expulsé) est pourtant toujours attribuée d’office entre 16 et 18 ans à tout enfant d’étrangers né sur le sol français.
Particulièrement sévère dans le tableau qu’il dresse des banlieues, où
la lutte des races [sic] remplacerait maintenant bien souvent la lutte des classes.
le document de ces états généraux propose de lutter contre la « concentration des populations immigrées » par la mise en place de quotas – mais sans utiliser le mot : « Les élus peuvent intervenir efficacement [et] les collectivités locales […] doivent avoir leur mot à dire quant au nombre d’immigrés qu’elles accueillent sur leur territoire », afin de « tenir compte du seuil de tolérance qui existe dans chaque immeuble ». On imagine les réactions, y compris en son sein, si la droite évoquait aujourd’hui ces mêmes “seuils de tolérance”…
Tout aussi décomplexée promettait d’être la droite concernant l’école, où « l’importance numérique des enfants d’immigrés est trop forte dans certains secteurs géographiques » : « L’école, avançait-elle, n’est pas un lieu d’expression multiculturelle. » Alors que Jean-François Copé proposait, à la fin 2010, des « cours d’arabe », et Fabienne Keller l’introduction de « cours sur l’histoire de l’Afrique », la droite d’alors était sur une ligne 100 % inverse : « Les cours de “langues et cultures des pays d’origine” doivent être facultatifs et déplacés en dehors des horaires scolaires. »
Concernant l’islam, nul besoin à l’époque de “débat”, comme l’UMP va en organiser le 5 avril (contre l’avis des centristes), pour assumer que « l’islam n’apparaît pas conforme à nos fondements sociaux et semble incompatible avec le droit français » : « Il y a bien incompatibilité entre l’islam et nos lois. » Les choses, il y a vingt ans, étaient on ne peut plus claires :
C’est à l’islam et à lui seul de [s’adapter] afin d’être compatible avec nos règles.
Aux antipodes de la voie suivie en 2007 avec la création du Conseil français du culte musulman (CFCM), la droite affirmait en 1990 que « ce n’est pas aux pouvoirs publics d’organiser l’islam ». « On n’intègre pas des communautés mais des individus », estimait-elle :
Il convient de s’opposer […] à toute tentative communautaire qui viserait à instaurer sur le sol français des statuts personnels propres à certaines communautés.
Pas question, non plus, d’associations musulmanes – permettant aujourd’hui de financer les mosquées : « Les activités cultuelles doivent être exclues de la compétence des associations relevant de la loi de 1901. » Et d’ajouter que « la mainmise de l’étranger sur certaines de ces associations est tout à fait inacceptable », au point de proposer d’« abroger les dispositions socialistes de 1982 supprimant l’autorisation préalable pour les associations étrangères » – qui ne l’ont jamais été. Enfin, « la création de lieux de culte doit se faire dans le respect […] du patrimoine architectural de la France » – ce qui exclut les minarets !
Nicolas Sarkozy l’écrivait dans sa préface : cette « véritable politique alternative de l’immigration […] répond aux préoccupations des Français et pourra soustraire enfin ce dossier aux extrêmes qui se le sont accaparé ». Vingt et un ans plus tard, après seize ans de présidence de droite, le discours n’a pas changé. Mais les problèmes – et le FN – demeurent.
Arnaud Folch
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