Métamag est heureux d’accueillir un nouveau collaborateur en la personne de l’essayiste espagnol Jesús Sebastián Lorente, rédacteur en chef de la revue hispanique Elementos, maître d’œuvre chez l’éditeur Fides d’une nouvelle collection, « La Bibliothèque de Métapolitique » dans laquelle il vient de publier un livre d’hommage à Alain de Benoist, Éloge de la Dissidence où l’on retrouvera au sommaire des plumes connues comme celles de Jeronimo Molina ou du philosophe français Michel Lhomme. Le texte suivant intéressera probablement les élèves du Concours commun de Sciences-Po qui doivent cette année plancher sur deux thèmes : l’école et la démocratie mais il rentre tout à fait dans le cadre de notre nouvelle rubrique « Des Idées et des Hommes » d’où la traduction suivante que nous vous proposons.
La rédaction de Métamag
Franchement, je suis fatigué de lire ces tas de louanges adressées à la démocratie grecque antique, une logorrhée insistante qui ne se contente pas seulement d’entériner le ressentiment contre les limites de la démocratie libérale mais qui en plus se présente comme une sorte de régression platonicienne et romantique, bien éloignée de tout réalisme politique. Ce bourrage de crâne a atteint son apogée maximum, dans la gauche radicale espagnole [la gauche française rêvant plutôt d'une démocratie totalitaire censurant toutes les têtes qui ne pensent pas comme elle - NDT], lors de la célébration du dernier référendum grec qui ne fut que la mise en scène d’un pseudo-affrontement contre l’Union européenne, en réalité un plébiscite référendaire – avec son effet boomerang – par lequel Syriza a réussi à faire passer la souveraineté populaire sous l’arc dorique du Parthénon.
Le mythe de la démocratie grecque
L’appel à une démocratie grecque originelle et idéalisée est devenu le mantra des mouvements populistes. Il consiste à croire qu’il suffit d’adopter le même nom (postulat étymologique) pour déterminer les choses univoquement – ou les obliger à se déterminer – d’elle-même comme si la vraie démocratie ne pouvait être autre chose que le gouvernement direct, avec cette idée sous-jacente que plus la démocratie serait directe, mieux cela serait et ce, contre tous les discours destinés à critiquer le « démocratisme ». De fait, ceci nous amène à constater quelque chose d’assez inquiétant : la démocratie, qu’elle soit antique ou moderne, n’est pas une nécessité historique. Toutes les expériences de « démocratie totale » finissent toujours par des régimes de monarchie absolue, de dictatures militaires ou des tyrannies populaires. Mais laissons le temps au temps et interrogeons-nous.
D’où provient un tel mythe « démocratique » ? Pendant la Révolution française et postérieurement, à l’époque romantique, penseurs et hommes politiques, ont souvent porté aux nues les « Républiques de l’époque gréco-romaine » (Athènes, Sparte et Rome), en organisant même des discussions autour des oppositions d’« Athènes contre Sparte » ou de « Sparte contre Athènes ». Nous pouvons citer par exemple cette conception tardive de la société spartiate, présentée comme une société militarisée et prétendument raciale, défendue par les Jacobins et les nazis. Elle a même engendré un autre mythe, le mythe de Sparte absolument opposé à celui d’Athènes.
Qu’y a-t-il d’exact dans ces présentations si nous les analysons d’un point de vue postmoderne ?
Nul doute qu’au Ve siècle avant J-C, la civilisation grecque était très démocratique mais elle était aussi particulièrement aristocratique et esclavagiste, puisque la majorité de la population n’appartenait pas à l’élite citoyenne et souveraine, mais qu’au contraire, tout un groupe de femmes, de travailleurs, d’esclaves et d’étrangers (les métèques) n’était juridiquement pas libre, ni politiquement actif. En effet, la condition d’hommes libres, jouissant de la plénitude des droits politiques, n’était dévolu qu’aux seuls citoyens. Autour des années 430 avant J-C, la population pour la région d’Athènes était à peu près de 300 000 âmes. Ce qui veut dire que seul 10 % de cette population, soit environ 30 000 individus – le demos – jouissait réellement de droits politiques et civils.
À un premier niveau, la population se divisait, pour employer un vocabulaire moderne, en « nationaux » et en « sujets ». Parmi les « nationaux » – pour ceux qui naissaient à Athènes de père et de mère athéniennes (un mixte de droit du sang et du sol) – se trouvaient les hommes, les seuls aptes à devenir citoyens, et encore pas tous les hommes, parce qu’ils pouvaient aussi perdre cette condition de citoyen pour causes de guerre, pour des raisons morales ou économiques et se retrouver ainsi comme les femmes et les enfants, qui ne jouissaient pas des prérogatives de la citoyenneté. Parmi les « sujets », se trouvaient quelques commerçants, les travailleurs et les esclaves, qu’ils soient ou ne soient pas étrangers (y compris ceux des cités voisines). Par déduction, ceux-ci n’avaient aucun droit et encore moins de participer à lapolis.
Le pouvoir législatif était aux mains de l’Assemblée (Ecclesia) qui avait pour fonction d’approuver les lois, de lever les impôts et de faire la guerre et à laquelle ne participaient seulement que 3 000 citoyens environ, mais jamais la totalité… – ce fameux « tous » dont on nous rabat les oreilles avec la soi-disant « démocratie directe » ou « constituante » de l’Antiquité. La direction de l’Assemblée reposait sur un Conseil (la Boulé) composé de 500 citoyens tirés au sort. Si nous transposons à notre époque, ce serait l’équivalent de ce que représente la Commission européenne par rapport au Parlement européen, soit le paradigme même du déficit démocratique reconnu de l’UE. Finalement, en Grèce, le pouvoir judiciaire était constitué d’un tribunal (l’Héliée) qui jugeait les conflits, les réclamations et les plaintes des citoyens (mais n’oubliez pas, seulement 10 % de la population) et était formé par des citoyens choisis aussi par tirage au sort dans le cadre de l’Assemblée. L’isonomie (l’égalité devant la loi) était donc une utopie.
Comme dans n’importe quelle assemblée populaire, une minorité hyperactive et hyper participative était celle qui finalement déterminait l’agenda, le processus et les décisions politiques. Croire, en plus, que les citoyens athéniens discutaient et votaient en pensant au bien commun, au lieu de défendre leurs intérêts personnels ou corporatifs, comme le font leurs compagnons modernes, témoigne d’une naïveté absolue. Nonobstant, ce mythe de la démocratie athénienne permet de maintenir la fiction qu’un gouvernement du peuple puisse se réaliser à travers des méthodes purement démocratiques, participatives ou délibératives, alors qu’on sait bien que la réalité d’hier comme aujourd’hui, est que le soutien politique des régimes démocratiques repose principalement sur des processus de caractère technique ou bureaucratique, éloigné de la citoyenneté et toujours exécuté par une minorité. Du coup, le problème à poser n’est peut-être pas tant celui du modèle de démocratie que nous voulons mais plutôt celui de l’accès d’une minorité déterminée (aristocratique, bureaucratique, technocratique, partitocratique) au pouvoir qui doit régir les destinées souveraines du peuple.
Avant le Ve siècle avant J-C, le pouvoir politique d’Athènes repose sur une aristocratie guerrière et de propriétaires fonciers, descendant des anciens envahisseurs indo-européens. Il s’agissait d’individus suffisamment équipés et préparés pour se présenter à la guerre avec un cheval, son harnachement et toute la panoplie guerrière. La guerre n’était pas comme à notre époque, un événement déconsidéré par l’humanité mais une activité naturelle et quasi permanente, décisive pour la liberté et la prospérité de la cité car d’elle dépendait l’obtention de nouvelle terres, d’esclaves et de butin. Par conséquent, l’influence politique de ceux qui décidaient de la bataille était décisive. Cependant, l’augmentation de l’importance de l’activité commerciale favorisa la naissance et le développement d’une nouvelle classe moyenne mercantile, qui commença à guerroyer dans l’infanterie lourde, puisqu’elle était capable petit à petit d’en couvrir les frais; du coup, sa participation dans les rapports de force politiques devint décisive. C’est ainsi que les démocrates athéniens décidèrent d’octroyer aussi la citoyenneté à certains individus en fonction de leurs mérites militaires ou, ce qui déjà nous plaît moins, en fonction de leur patrimoine économique. Le demoss’ouvrait ainsi aux marchands, mais pas au reste de la population.
De fait, les hommes grecs, libérés du travail productif ou domestique par les commerçants, les travailleurs, les esclaves et les femmes, passaient leur temps au gymnase, aux compétitions athlétiques, à écouter les philosophes et les orateurs dans les espaces publics, aux tâches politiques des assemblées, des tribunaux et des magistratures, ainsi qu’à la guerre quand ils s’ennuyaient ou qu’elle était nécessaire. Disons-le : ils vivaient comme des rois ! Et comme du coup l’absentéisme à l’Assemblée était très courant, les Athéniens démocrates et participatifs décidèrent avec le temps et les excès de rémunérer la pratique de la fonction politique. Cela ne vous rappelle pas quelque chose ?… Mais en réalité, l’objectif était tout autre : empêcher que des citoyens avec très peu de ressources puissent participer aux décisions des Assemblées. Ainsi, la bourgeoisie naissante grecque remplaça l’ancienne aristocratie guerrière, exactement comme chez nous. À Athènes, les humbles furent écartés tandis qu’à Sparte, on repoussait les handicapés. Vive la citoyenneté universelle !
Ce mythe de la démocratie athénienne est en réalité un des récits modernes, propre au messianisme politique, qui fait du libéralisme la fin inéluctable de l’Histoire. Ainsi, on nous raconte, on nous fait croire qu’il y a eu, une fois dans l’Histoire, une vraie démocratie, une authentique démocratie mais que nous en avons perdu le sens suite à la trahison du peuple par une bourgeoisie alliée aux pouvoirs financiers et livrée aux marchés. Le problème est qu’il n’y a sans doute pas de régime aussi peu représentatif que celui de la démocratie grecque qui puisse être pris comme modèle pour la démocratie contemporaine et que ceux qui le revendiquent avec tant d’insistance le font à travers les prismes déformants d’une tromperie avérée, très courante en politique, qui consiste à porter aux nues la démocratie moderne sur les bases de la démocratie antique alors que la première n’est en réalité qu’une farce électorale et la seconde, une imposture que l’on prendrait pour un éden participatif. En réalité, les hellénophones indignés poursuivent ce courant de la tradition politique occidentale qui, depuis l’Époque moderne, prétend être l’héritier de l’Antiquité classique, oubliant, par exemple, la philosophie des peuples païens pré-romains et les institutions médiévales européennes.
Alors proposons maintenant un exercice de spéculation historique, en transposant le modèle de la démocratie grecque aujourd’hui. Prenons, par exemple, un pays européen type de 40 millions d’habitants. De ceux-ci, seuls 10 % posséderait la condition de citoyens, c’est-à-dire que cela ferait environ 4 millions de gens qui auraient le droit de participer politiquement à l’Assemblée citoyenne. D’un seul coup, nous avons déjà dû retirer 36 millions de voix et de votes du processus. Mais selon quels critères avons-nous sélectionner nos citoyens ? Aujourd’hui, nous ne pouvons pas imaginer adopter des critères d’élitisme guerrier à l’ancienne ou des critères de caste économique, par trop modernes, ni d’aristocratie spirituelle, bien trop diffuse. Nous ne pouvons non plus discriminer par genre (le sexe) ou par l’origine (les étrangers). Et, naturellement, il n’y a plus d’esclaves (ou s’il y en a, ils sont heureux, comme le remarque l’essayiste espagnol Javier Portella). Aussi, nous serait-il nécessaire d’adopter une série de critères qui ne seraient ni objectifs ni conformes à la généralité. Alors allons-y : 1) posséder la nationalité par la naissance ou par paternité/maternité 2) disposer d’une certaine formation académique, par exemple universitaire 3) exercer un travail, une activité commerciale, professionnelle ou d’entrepreneur 4) être à jour de ses obligations fiscales et sociales 5) ne pas avoir été condamné pénalement pour délits ou fautes graves et 6) avoir entre 21 et 71 ans (pas moins pour immaturité, pas plus, par excès de maturité). À ce pas, si nous appliquons tous ces critères simultanément, nous n’arriverions même pas à cette minorité de 10 % de citoyens politiques. De ces 4 millions de citoyens, mettons qu’un demi-million seulement, tiré au sort, participeraient activement à l’adoption des décisions politiques. Est-ce cela que veulent nos fans de la démocratie antique ? Le Demos contre l’Aristos ?
La démocratie directe : vers une souveraineté populaire numérique ?
Traditionnellement revendiqué par la gauche, le système de la « démocratie directe », se présentant comme l’antithèse de la « démocratie représentative » qui régit la majorité des États occidentaux (où les représentants ont fini par se constituer en une oligarchie politico-financière), est aussi revendiqué par une nouvelle droite de plus en plus éloignée de conceptions aristocratiques ou méritocratiques dépassées qui n’ont rien à voir avec les principes hiérarchiques de la communauté organique.
Comment doivent être prises les décisions qui touchent toute une population ? Cette question s’est périodiquement posée depuis les temps anciens. Les Athéniens pouvaient se réunir « tous » et voter directement sur les questions. Mais qui était ce « tous », si ce ne sont les citoyens ayant des « droits politiques » ? C’est-à-dire une minorité aristocratique – descendant des anciens envahisseurs indo-européens – qui ne représentait comme nous l’avons vu, qu’approximativement 10 % de la population totale, le reste étant des travailleurs et des esclaves.
Continuons. La majorité des penseurs pensent qu’un système démocratique comme celui-ci sera toujours préférable à l’autre option : la tyrannie. Dans des représentations plus récentes de la démocratie, la taille de la population rend impraticable la prise en compte de l’opinion de chaque citoyen pour chaque décision. Pour remédier à cela, on sait que furent instaurés avec le temps des systèmes de démocratie représentative, dans lesquels la population choisit pour un certain temps quelques représentants qui se chargent de voter sur les affaires courantes. En réalité, la taille de la population n’est pas la seule raison pour l’existence des représentants. Les Founding Fathers des États-Unis, voyaient par exemple dans ce qu’ils appelaient une « vraie démocratie » – c’est-à-dire, une démocratie qui n’aurait pas de représentants – le danger de la tyrannie de la majorité : les minorités se retrouveraient totalement vulnérables devant les désirs de la majorité. Une autre objection contre le fait d’ailleurs que les citoyens s’expriment directement est qu’ils ne sauraient avoir la capacité intellectuelle suffisante pour comprendre la complexité des affaires d’État. Et pour achever le tout, on admet tacitement chez les professionnels de la politique que certains aspects liés aux intérêts et/ou à la sécurité nationale ne peuvent être rendus publics, puisque cette transparence permettrait de dévoiler une information sensible à des tiers, en plus de restreindre la capacité d’action du gouvernement.
Aujourd’hui, il existe un mouvement pour la démocratie directe, appelée aussi démocratie pure ou démocratie non-représentative, qui a commencé par être revendiquée par la gauche radicale, mais qui est maintenant défendu plus que tout par une nouvelle droite, une nouvelle droite dissidente de la tournure oligarchique du néo-libéralisme. En prenant toujours le « modèle suisse » comme exemple à imiter (démocratie locale ?, démocratie fédérale ?), l’essayiste français Yvan Blot a révolutionné la pensée conservatrice par rapport aux « essences de la démocratie » avec ses livres La démocratie directe etL’oligarchie au pouvoir, proposant un retour à la fonction souveraine du peuple.
Les défenseurs de la démocratie directe remarquent que la technologie actuelle permet de rendre le comptage de millions de votes aussi facile que celui de dizaine de bulletins. On peut donc facilement envisager maintenant que chaque loi qui dans la démocratie représentative est votée en chambre, disons au parlement, puisse être voter directement sans de trop grandes complications au niveau d’une région ou d’une nation. La tyrannie de la majorité n’aurait alors aucune raison d’être une menace pour autant que se maintient un certain degré de débat et de consensus, chose qui devient de plus en plus possible grâce aux diverses plateformes numériques – forums, blogues, moyens de communication interactifs – qui ont commencé de surgir récemment un peu partout. L’idée que les gens ordinaires ne soient pas capables de comprendre les thèmes et de décider ce qui leur convient le plus a toujours été l’argument de ceux qui se sont opposés à une plus grande démocratisation de n’importe quel système de gouvernement. Et cependant, la corrélation entre ce que nous pourrions appeler le niveau de démocratie d’un pays (entendu comme l’homogénéité de la distribution de la responsabilité politique parmi sa population) et son niveau de développement social ne saurait être plus clair : il nous suffit simplement de comparer les pays les plus démocratiques comme la Suisse (où cinquante mille signatures suffisent pour rendre effectif un référendum souverain) avec les plus autoritaires, disons la Corée du Nord ou le Venezuela. De plus, il n’est pas du tout sûr que cacher les aspects les plus obscurs de la politique contribue au bien commun de la population. En général, on peut dire que tous les arguments posés en faveur des représentants, excepté celui sur l’infaisabilité de compter les multiples bulletins de vote, ne dépendent que du préjugé qui postule que par le biais de quelques circonstances indéterminées, les représentants seraient des personnes forcément plus justes, plus sages ou plus capables que le citoyen ordinaire. Ceci nous paraît être au contraire un argument en faveur de l’oligarchie plus que de la démocratie.
Ainsi, nous devons reconnaître que la démocratie est un système en évolution, qui n’a jamais été achevé, même par l’éternelle polémique entre la démocratie représentative et la démocratie participative. Probablement, l’élection de représentants fut autrefois une des meilleures options pour le fonctionnement de la société mais la technologie actuelle est en train de modifier profondément la donne, comme tant d’autres domaines. Si nous voulons donc rendre plus démocratique notre système, la première chose que nous devons effectuer, c’est opérer un changement de paradigme par rapport aux personnes avec lesquels nous passons un « contrat » – que nous choisissons ou que nous désignons – pour réaliser certaines fonctions politico-administratives: il nous faut nous éloigner de l’idée primitive du leadership et nous rapprocher d’une autre, celle de la « fonction publique », entendue comme celle de serviteurs publics qui honoreraient nos instructions, mais ne prendraient pas les décisions à notre place. Il est important de remarquer que cela n’implique pas une perte des libertés de l’individu en faveur de la majorité mais au contraire, avec l’abondance des plateformes sur Internet consacrées au débat, cela implique qu’une plus grande expression des idées, des nécessités et des inquiétudes de la communauté soit rendu possible.
Nous avons besoin d’un système qui permette de gérer les décisions communes. Dans ce monde de réseaux sociaux, de logiciels libres et de désillusion croissante face à la classe politique, la démocratie directe peut donc être une option viable de transition entre ce que nous appelons encore la « démocratie représentative » et un système de « démocratie pure », ce serait d’ailleurs non seulement un système plus équitable, mais aussi un système aussi probablement plus efficace, in fine une authentique souveraineté populaire, un populisme réellement démocratique.
Le système de démocratie directe pourrait s’exercer à travers des médias informatiques et/ou télématiques en ligne qui permettraient à n’importer quel citoyen (identifié par sa carte d’identité électronique ou sa signature numérique) de proposer des idées et/ou de voter pour celle des autres. Un tel système identifierait les propositions faites sur des thématiques similaires pour permettre à celui qui propose son idée de savoir si celle-ci a déjà été présentée, et dans un tel cas y ajouter simplement son vote. Au bout d’un certain temps, les propositions qui auraient accumulé le plus de votes seraient soumises à référendum à travers le même système. Une forme de gestion de ce type pourrait être appliquer simultanément à différents niveaux (local, régional, national, continental). Des consultations ponctuelles sur les grands sujets ou les grandes décisions, des consultations périodiques pour vérifier le travail des gouvernants, des contrôles financiers pour vérifier les travaux et les chantiers publics, des consultations décisionnelles pour renverser ou changer de gouvernement, des consultations légitimes pour nommer ou pour renouveler les membres des principales institutions… Un rêve qui, lamentablement, n’échappe pas à l’utopie: nos oligarchies politico-financières n’admettront peut-être jamais une souveraineté d’une telle ampleur.
Pourtant, notre postmodernité politique, en posant de nécessaires limites, tireraient de fructueux bénéfices d’une telle démocratie directe. Ce serait un antidote puissant contre la séparation du pouvoir entre gouvernants et gouvernés et la désaffection croissante pour la politique. En percevant seulement et de manière tangible, la contribution directe à la prise concrète de certaines décisions, on réussirait à conjurer le danger de percevoir les institutions comme une contrainte hétéronome. Les consultations directes éviteraient en effet l’oligarchisation de la politique, en donnant l’opportunité au peuple de se prononcer sur les matières fondamentales.
De plus, le prétendu facteur de division que certains attribuent aux référendums pourra ici se transformer en son contraire au sein de sociétés relativement homogènes, puisque les fausses dichotomies entre les partis, d’une utilité seulement domestique et aux résultats désastreux pour le « vivre ensemble », pourraient être ici balayés par les volontés majoritaires concordantes.
Jesús Sebastián Lorente
• Traduit de l’espagnol par Michel Lhomme et d’abord mis en ligne sur Métamag, le 10 novembre 2015.
http://www.europemaxima.com/