« France, fille ainée de l’Église, es-tu fidèle aux promesses de ton baptême ? » La question posée par Jean-Paul II au Bourget en 1980 avait fait tiquer certains commentateurs : pouvait-on parler du baptême d’une nation ?
Pourtant, en 1996, à Reims, le pape 'polonais parlait encore de « l'âme française ». Certes, le mot n'a pas le même sens que lorsque l'on parle de l'âme d'une personne mais les nations font partie du plan de Dieu elles ont des saint patrons et des saintes patronnes - pour la nôtre, la Sainte Vierge, sainte Jeanne d'Arc, sainte Thérèse de l'Enfant-Jésus, sainte Pétronille et aussi des anges gardiens, comme le rappelle sainte Thérèse dans une poésie « Je suis Michel, le gardien de la France, grand général au royaume des deux. »
Sainte Thérèse écrit aussi, en s'adressant à Notre-Seigneur, « Ta face est ma seule patrie » mais cette priorité absolue donnée à Jésus Christ n'interdit pas aux hommes d'aimer leur patrie charnelle, au contraire. Le Catéchisme de l'Église catholique enseigne, au chapitre concernant le quatrième commandement (« Honore ton père et ta mère ») que « l'amour et le service de la patrie relèvent du devoir de reconnaissance et de l'ordre de la charité ». Dans Mémoire et identité, saint Jean-Paul II rapporte lui aussi le patriotisme au quatrième commandement. Il y définit en outre la nation comme « une communauté qui réside dans un territoire déterminé et qui se distingue des autres nations par une culture propre. La doctrine sociale catholique considère que tant la famille que la nation sont des sociétés naturelles et ne sont donc pas le fruit d'une simple convention. C'est pourquoi, dans l'histoire de l'humanité, elles ne peuvent être remplacées par rien d'autre. »
C'est aussi en vertu du quatrième commandement que le chrétien dans la cité est tenu d'obéir à l'autorité politique, pour autant toutefois qu'elle ne contrevienne pas à la loi divine « Le citoyen est obligé en conscience de ne pas suivre les prescriptions des autorités civiles quand ces préceptes sont contraires aux exigences de l'ordre moral. "Il faut obéir à Dieu plutôt qu'aux hommes" », résume le Catéchisme. La situation des chrétiens diffère donc, selon que le gouvernement qui préside aux destinées de la nation est respectueux ou pas de la loi divine - dont l'ordre naturel porte l'empreinte.
La mission de la Pologne
L'exemple de la Pologne fournit des illustrations de ces deux cas. Dans le premier, la nation est entrée en résistance contre un pouvoir communiste illégitime et imposé par l'étranger. L'opposition fut d'autant plus résolue et efficace qu'elle s'appuyait sur le catholicisme professé par une large partie de la population. Dans le second, on voit aujourd'hui la nation polonaise faire bloc derrière ses dirigeants pour résister aux oukazes de l'Union européenne, concernant non seulement l'immigration de masse, mais aussi une évolution des mœurs qui va à l'encontre de la loi naturelle et divine, en matière d'avortement ou de dénaturation du mariage.
Le 22 octobre dernier, à Varsovie, le cardinal Sarah, préfet de la Congrégation pour le culte divin, évoquait à l'occasion du 1050e anniversaire du baptême de ce pays, « la mission de la Pologne dans une Europe désorientée », à laquelle elle montre « le chemin lorsqu'elle refuse de se plier automatiquement à certaines injonctions portées par la mondialisation libérale ».
Après avoir évoqué le nazisme et le communisme dont les Polonais ont eu à souffrir, le cardinal met en garde contre une nouvelle idéologie du mal, « animée par l'ivresse de la transgression de toute limite au profit du dieu argent et par la volonté de démolir systématiquement la conscience morale », qui veut aussi « construire un homme nouveau, et à ce titre (…) n’est pas moins totalitaire que ses prédécesseurs. Son idole est non pas l'État total mais l'Individu total, délié de tout enracinement dans ses communautés naturelles que sont la famille et la nation. Au nom du progrès technique et économique, cet Individu devient un nomade soumis aux flux d'un monde gouverné par l'impératif de la mobilité généralisée et le désir fou de quitter la condition humaine avec ses limites pour jouir toujours davantage. »
Au « drame de l'humanisme athée », qui se manifeste par la destruction de la famille et du mariage, le transhumanisme, l'immigration de masse (le cardinal Sarah met en garde contre « l'idéologie de l'individualisme [qui] promeut le métissage pour mieux araser les limites naturelles de la patrie et de la culture et engendrer un monde post-national et uni-dimensionnel dont les seuls critères seraient la production et la consommation »), le préfet pour la Congrégation pour le culte divin oppose « l'authentique humanisme européen [qui] a été fécondé par l'Évangile ».
Et la France ? En apparence, sa réponse à la question du pape Jean-Paul II au Bourget a été négative et les « élites » politiques du pays n'ont eu de cesse, depuis, de nier ses racines chrétiennes au nom de la laïcité. Pourtant, une large fraction de sa population et, surtout, de sa jeunesse s'est aussi levée pour résister avec la Manif pour tous, en montrant qu'une partie de la nation française au moins veut rester fidèle, elle aussi, aux promesses de son baptême.
Par Hervé Bizien monde&vie 15 février 2018