L’islam s’apprête à s’installer en Europe et les chrétiens ne pensent qu’au dialogue qui dissout les identités, alors qu’ils sont devant un véritable défi.
Le « dialogue inter-religieux » officiellement promu au sein de l'Église, n'a pas pour objectif d'apporter la vérité à des frères en humanité qui en ont besoin, mais d'organiser une coexistence pacifique. Exemple ? Ce qui s'est passé, ces tout derniers jours à Scutari, en Albanie. Les délégués du Conseil des conférences épiscopales d'Europe (CCEE) tenaient leur 5e rencontre pour les rapports avec les musulmans en Europe, avec un imam sunnite et le leader des Bektashi en Albanie, une secte musulmane issue du soufisme. Sa Grâce Baba Edmond Brahimaj Kryegjyshi, qui lève son verre de rouge comme vous et moi ! « La foi sincère ne sépare pas, elle unit », proclamait l'intitulé du communiqué de presse sur l'événement. L'expérience du totalitarisme athée a pu rapprocher les croyants en Albanie où « règne un climat de dialogue et d'acceptation ». Il faut développer la connaissance réciproque « La paix est aussi menacée par ceux qui considèrent la différence comme une menace », a proclamé Mgr Khaled Akasheh, directeur du bureau pour l'islam du Conseil pontifical pour le dialogue inter-religieux lors de la rencontre. Histoire de renvoyer tous les « extrémistes violents » dos à dos. Encore heureux qu'il ait insisté sur le devoir de chacun de connaître sa propre identité et sa religion.
Car c'est là que le bât blesse. Face aux musulmans en Europe, combien d'Européens prêts à leur faire découvrir le vrai visage de Dieu ? Cette Parole devenue visage à travers lequel nous apprenons la Trinité - aux antipodes des croyances islamiques.
Du point de vue de la foi, le principal point d'achoppement est là en effet. Adorer le Dieu un et trine est en soi un terrible blasphème du point de vue du Coran. Lui dire « Notre Père » est proprement inconcevable, voir dans les baptisés ses enfants à part entière une folie. Sur les 99 noms d'Allah, aucun ne le désigne d'ailleurs tel qu'il est Amour. Ajoutez à cela le passif des conquêtes islamiques repoussées, l'idée que les Occidentaux sont des fils de croisés avides de soumettre l'islam et que par ce simple fait - sans même compter leurs mœurs dissolues - ils méritent de frire en enfer, le contexte n'est pas favorable pour porter l'Évangile à ces pauvres privés de l'essentiel le Christ.
Convertis de l'islam
Mais à en croire les convertis de l'islam - et ils sont nombreux, peut-être plus nombreux qu'on ne le croit - il y a deux grandes chances aujourd'hui qu'il faudrait pouvoir saisir. D'une part, le questionnement interne - recouvert par la chape de plomb qui empêche de mettre en cause les incohérences et les contradictions du Coran. Il est de ce point de vue infiniment plus intéressant, dans l'intérêt de la vérité, de mettre en évidence ce qui ne va pas, ce qui nous sépare, plutôt que de prétendre croire en l'existence d'un islam « de paix et de tolérance » ! D'autre part, la soif d'amour et de liberté vraie qui habite tout homme et qui, toujours de l'avis de ceux qui se sont convertis, est beaucoup plus répandue qu'on ne le pense dans de larges pans de la population musulmane. La dernière chose dont ils ont besoin est qu'on leur parle de l'islam comme d'un chemin menant à Dieu parmi d'autres.
Paradoxalement, comme le déclarait le converti Moh-Christophe Bilek, c'est aujourd'hui en terre d'islam que l'on assiste à un « grand mouvement de remise en question de l'islam ».« Ce mouvement de fond vient du début du XIXe siècle, il est dû à l'Europe, et à la confrontation avec les civilisations chrétiennes », explique-t-il. Expérience faite, dit-il, ce sont surtout les communautés catholiques traditionnelles (au sens large, cela va de la Fraternité Saint-Pie X aux communautés Ecclesia Dei) qui reçoivent volontiers ceux qui aspirent au baptême. Et qui assurent un « réel suivi ».
Jeanne Smits monde&vie 15 février 2018