Ce résultat était attendu et il n’y avait guère de suspense, Vladimir Poutine, candidat du parti national Russie Unie, a été très confortablement réélu à la tête de la fédération de Russie. M. Poutine est donc en route pour un quatrième mandat avec plus de 73,2% des suffrages (63,60% en 2012); très loin devant Pavel Groudinine, le candidat du Parti communiste ( 11,2% ), Vladimir Jirinovski, président du parti nationaliste LPDR (6,7%) et la richissime femme d’affaires et journaliste libérale Ksénia Sobtchak, très connue en Russie, membre du Conseil de coordination de l’opposition russe (2,5%). L’inconnu résidait surtout dans le taux de participation pour une élection dans laquelle Vladimir Poutine n’avait pas d’opposants sérieux. L’agence publique TASS a fait savoir que là aussi le pari a été gagné puisque 60% à 70% des 107 millions d’électeurs russes se seraient déplacés dans les bureaux de vote, pourcentage équivalent ou supérieur à la présidentielle de 2012 (65,27%).
Un scrutin qui se déroulait sur fond de tension internationale avec l’Occident en général et la Grande Bretagne en particulier. Le Premier ministre Theresa May a accusé Moscou (qui dément) d’être « coupable » de l’empoisonnement chimique sur le sol britannique d’un agent double Sergueï Skripal et de sa fille. Mercredi, Mme May a annoncé le gel des contacts bilatéraux et l’expulsion de 23 diplomates russes, mesures qui ont conduit les autorités russes à procéder à l’expulsion d’un nombre équivalent de diplomates britanniques et l’arrêt des activités en Russie de l’organisme international britannique pour les relations culturelles et l’éducation, le British Council.
Emmanuel Macron lui n’est pas sorti grandi de sa réaction épidermique, peu réfléchie (?), très pusillanime qui l’a conduit par «solidarité avec nos amis britanniques» à boycotter vendredi le pavillon officiel de la Russie présent au salon Livre de Paris. Nous sommes déjà loin du discours qui était le sien à l’occasion de la visite de Vladimir Poutine à Versailles au mois de mai dernier…
Le site de France 24 a rappelé à cette occasion que le pavillon russe accueillait au nombre des écrivains présents aussi bien « le controversé (sic) Zakhar Prilepine, 42 ans, proche du chef du Parti national-bolchevique, Édouard Limonov, écrivain parmi les plus doués de sa génération, (et qui défend désormais la présidence Poutine, NDLR), que « Ludmila Oulitskaïa, lauréate du prix Médicis étranger en 1996 et voix de l’opposition en Russie. » « Natalia Soljenitsyne, veuve du prix Nobel de littérature Alexandre Soljenitsyne (s’est) déclarée peinée »: « Emmanuel Macron n’a pas fait ce qu’il fallait et en premier lieu pour la France elle-même. J’avais l’impression, au vu de ce qui s’était passé ces derniers mois, que le président Macron n’était pas le pire des amis de la Russie, […] qu’il était moins influencé par cette hystérie qui règne dans les médias occidentaux quand il s’agit de la Russie»
Et l’épouse de l’auteur de L’archipel du goulag et de Deux siècles ensemble d’ajouter: « Quand les diplomates ne savent plus se parler, ça devient encore plus important que se parlent les artistes et les gens de la culture et des arts. » « Tourner le dos au dialogue avec les gens de la culture et des arts, c’est extrêmement étonnant et ne sied pas à un leader politique français. » On ne saurait mieux dire.
Certes, les attaques portées contre la Russie émanant des cénacles atlantistes, européistes, mondialistes ont surtout pour effet de conforter la popularité d’une présidence russe sous l’action de laquelle la Russie a connu un boom économique, une forte progression du niveau de vie de ses citoyens, une embellie (timide mais réelle) de sa démographie et retrouvé une place ce tout premier plan sur la scène internationale.
Il n’en reste pas moins que certains ont dénoncé la sincérité du scrutin présidentiel. L’ONG Golos, financée par un certain nombre de bailleurs de fonds américains, a fait état d’irrégularités dans les votes qui ont eu lieu hier. Il a été évoqué des bourrages d’urnes, des entraves, des votes multiples. Toutes choses qui auraient eu pour objet de gonfler le taux de participation, dans un certain nombre des 97 000 bureaux de vote du pays, que les quelques dizaines de milliers d’observateurs indépendants déployés par l’opposition, les ONG, l’UE -des parlementaires européens se sont rendus sur place, dont le vice-président du FN Louis Aliot- ne pouvaient tous contrôler.
Golos explique avoir comptabilisé 2.629 irrégularités, à l’instar de observateurs d’Alexeï Navalny, une des figures de l’opposition à Vladimir Poutine. M. Navalny, officiellement très engagé dans la lutte contre la corruption, a été exclu de la présidentielle russe pour cause de condamnation(s) judiciaire(s) ; il a été soutenu dans ses démêlés judiciaires par les États-Unis, l’Union européenne et le Conseil de l’Europe.
Comme c’est le cas pour Golos, les adversaires d’Alexeï Navalny affirme qu’il est instrumentalisé par l’étranger, rappelant que par le passé, la formation politique DA !, à la création de laquelle il participa il y a douze ans ans, fut financée par la National Endowment for Democracy, (NED). Une officine proche de la CIA, fondée en 1983, dont l’objectif déclaré est le renforcement et le progrès des institutions démocratiques à travers le monde. En clair, une structure d’orientation neocon, soutenue par le parti républicain comme par le parti démocrate, appuyée matériellement par de grandes multinationales (Coca-Cola, Goldman Sachs, Google, Microsoft…).
Pour autant, M. Navalny est aussi critiqué pour son…nationalisme. « Jamais je ne soutiendrai la position selon laquelle en Russie le nationalisme est une chose terrible qu’il faut interdire » déclarait-il en 2013. «En France, en ce moment, le Front National connaît une période de poussée frénétique (sic) de sa popularité. Vous parlez d’une horreur, Alain Delon soutient Marine Le Pen ! Et des processus analogues ont cours dans toute l’Europe. Et alors, allons-nous boycotter les croissants français ? Ou bien dire carrément que les Français ont le droit de faire ça, et pas les Russes ? »
Bruno Gollnisch qui sera ce soir l’invité de LCP à 19h 30 pour évoquer la présidentielle russe, estime bien évidemment que l’amour de la patrie, la volonté de la voir rayonner et prospérer, d’en préserver l’identité, la souveraineté, sont des aspirations fort légitimes et non pas des causes de haine ou des sources de conflits comme l’affirment les médias, les faiseurs d’opinion et les politiciens progressistes.
Nous le relevions en décembre 2011 sur ce blogue, citant alors Xavier Moreau: reconstruction de l’identité russe autour du christianisme, piété populaire, refus de l’affrontement civilisationnel, défense de la famille traditionnelle, c’est le modèle européiste au complet qui est rejeté par le peuple russe et ses élites dirigeantes. Au-delà des imperfections de la toute jeune démocratie russe, il est en tout cas permis de s’interroger, comme Bruno Gollnisch, sur le fait de savoir si ce n’est pas surtout ce sursaut national et identitaire russe qui vaut à ses dirigeants actuels d’être traînés dans la boue.