Seuls quelques rares intimes connaissent la bibliothèque de François Brigneau. Elle commence dans la cave, emplit le garage à vélo, tapisse son bureau, au premier étage, se prolonge dans l'escalier du second qu'elle remplit petit à petit.
Dans cet univers qui tient de la foire aux Puces et de la caverne d'Ali Baba, la recherche du livre convoité ressemble à la chasse au zipangu.
Le zipangu est un animal fabuleux des Andes. Il faut généralement le traquer pendant une quinzaine de jours avant de l'apercevoir. L'assaut final est terrifiant. Les victimes sont nombreuses. Surtout parmi les porteurs.
Après quoi, on est heureusement surpris de découvrir que le zipangu a le goût du veau.
Le cri du rhinocéros galopant vers madame après s'être chauffé l'après-midi dans la boue fétide du Zambèze ressemble à s y méprendre à celui que François Brigneau pousse quand il met enfin la main sur l'ouvrage désiré.
Si l'on voit moins Brigneau dans les bistrots à vins qu'il a longtemps et longuement fréquentés, pour apporter à l'aimable clientèle ses vues modestes, mais pertinentes, sur l'évolution des mœurs, c'est qu'il met de plus en plus de temps à déterrer le bouquin dont il a besoin.
Ancien grand bourlingueur, François Brigneau ne quitte plus guère sa grotte à livres. Depuis son accident (vertèbre et rotule cassées), il écrit assis dans son lit, un carton à dessin sur les genoux, de huit à treize heures et de quinze à dix-neuf heures, tous les jours que Dieu fait, à l'exception des colloques philosophiques du Père Tranquille. (Spécialité de Chinon et de Saumur-Champigny).
François Brigneau aura 69 ans le 30 avril prochain. Il pèse 90 kg et ce n'est pas fini. Il a mesuré 1,71 m, mais a tendance à rapetisser. Il est le plus ignoré des journalistes connus. Il ne semble pas en souffrir. Quand je l'ai interrogé pour cette notice biographique et que je lui ili demandé s'il avait quelque chose à déclarer, il m'a répond :
- Dites que je ne bois jamais de Kir, contrairement à ce que Bergeron écrit dans son Guide de l'Homme de droite, à cette erreur près excellent. C'est même, avec le lait, une des rares boissons qui m'attriste. Dieu sait pourtant si, dans ce domaine, je suis ouvert et tolérant. Je suis actuellement dans une période gin avec un trait de Campari. Mais Kir : jamais !
Dans cette page culturelle, c'est une information dont on mesurera la valeur.
Ma bibliothèque est à mon image, à l'image de ma vie et de mes curiosités : en désordre, (au moins apparent), diverse, mêlée, pratique, utilitaire, professionnelle et faite pour le plaisir de lire, le plus vif, l'irremplaçable, celui que le temps n'a fait qu'aviver.
J'aime les écrivains différents, parfois antagonistes. Je m'endors rarement sans un poème, Verlaine, Hugo, Francis James, un bout de Drumont, une page de Léautaud.
À portée de la main droite, j'ai Maurras, le Dictionnaire, irremplaçable, Léon Daudet, les Salons et journaux, Brasillach (les Poèmes de Fresnes), Les Modernes d'Abel Bonnard, Gaxotte, François Leger, un des grands écrivains vivants, dont la Jeunesse de Taine m'a ouvert les portes d'un monde. Voici encore les Décombres de Lucien Rebatet, les quatre tomes du Dictionnaire politique d'Henry Coston, les huit du Dictionnaire encyclopédique d'histoire de Michel Mourre, Gustalin, Travelingue et Uranus de Marcel Aymé, mes Béraud préférés : La Gerbe d'or, Ciel de suie, Le Vitriol de lune, Les lurons...
Je lis pour le travail, je lis pour la tête, je lis pour le cœur. J'aime les journaux intimes : celui des Goncourt, de Gide, de Renard, de Léautaud, un peu longuet, et rabâché pourtant.
J'ai des envies de critiques littéraires qui me prennent comme des fringales. J'aime Sainte-Beuve, Kleber Haedens, Bardèche, Jules Lemaître, dont je viens d'acheter Les Contemporains, Brasillach (Les Quatre jeudi, Portraits), Robert Poulet, magistral, et Georges Laffly, dont j'ai découpé et rassemblé les précieuses chroniques parues dans Ecrits de Paris.
Je suis curieux de passer de la critique à l'œuvre critiquée et de me tester au regard de l'une et l'autre. Je suis désolé de ne pas être sensible à des œuvres présentées comme essentielles. Néanmoins. je ne feins pas une adhésion qui me fuit. Proust, Claudel me sont étrangers. Je n'aime,que l'écriture simple et naturelle ; le contraire de ce que l'on appelle le style. Céline, par exemple, chez qui la fabrication nuit au génie ; je ne le fréquente que par incursions rapides, fasciné, ébloui, mais vite fatigué. De même, Péguy, je ne le supporte qu'à la page. Oserai-je dire encore que Flaubert, je le préfère dans ses lettres que dans Madame Bovary, son meilleur roman ?
Comme je me suis fait moi-même, de bric et de broc, découvrant souvent l'essentiel en partant de l'accessoire, c'est la politique qui m'a conduit à l'histoire, laquelle m'a ramené à la politique. La période que je connais le mieux est la Troisième République, de Sedan à Sedan, dont j'ai caressé l'idée d'écriture d'une histoire non conformiste, à travers Barre, Drumont, Daudet, Halévy, Maurras, Bainville, Coston, Ploncard d'Assac, Beau de Loménie, Fabre Luce, Galtier-Boissière, Rochefort, Bernard Fay, tant d'autres dont j'ai entassé les ouvrages sur des rayonnages spéciaux. Je me contente donc de la lire et d'y rêver.
Actuellement, pour rédiger l'Anti-89, les quatre feuilles mensuelles dont l'abbé Aulagnier et l'abbé Coache m'ont demandé d'assurer la rédaction en chef, je suis plongé dans la Révolution française. Comme toujours dans ce genre de tâche, je me comporte avec beaucoup d'humilité, enquêtant sur le terrain du passé, comme je l'ai fait sur le terrain du présent quand j'étais journaliste, et faisant comme si je ne savais rien de l'avenir qui se préparait. Cette méthode permet parfois de découvrir, avec les signes annonciateurs des catastrophes, le volontaire aveuglement des contemporains. Les recherches auxquelles je me livre permettent de mesurer la quasi-impossibilité ; de la tâche demandée aujourd'hui. Pour , la seule énumération des titres des livres composant une bibliothèque contrerévolutionnaire, cette page ne suffirait pas. Contentons-nous d'en citer quatre : la Révolution française de Gaxotte (Fayard), Les Origines de la France contemporaine de Taine (deux tomes; Laffont) - 1792 : Les Dernières marches du trône de Ploncard d'Assac (DMM); Pourquoi nous ne célébrerons pas 1789, d'Etienne Dumont (Arge).
En même temps, je rêve de dresser, avec Serge Jeanneret, le dictionnaire anecdotique des écrivains mineurs de 1900 à 1940. Mais Serge se trouve trop jeune pour rester au logis attelé à des travaux d'écriture.
J'occupe donc mes « loisirs » à relire mes ,« grands » : La Fontaine, La Bruyère, Molière, Chamfort, La Rochefoucauld, Chateaubriand, Stendhal, Flaubert, quelques étrangers : Chesterton, Conan Doyle, Kipling, Stevenson et Dickens, Von Salomon, Anfonso, et les contemporains qui sont le plus près de moi : Marcel Aymé, déjà cité, Jacques Perret, Félicien Marceau, Béraud, Monteilhet, ou Laurent (Le Petit Canard).
Puis-je ajouter que je possède aussi une série d'étagères réservées à la Question juive et L'affaire des chambres à gaz, de Rassinier à Faurisson ? C'est celle qui excite le plus la curiosité et même la cupidité de mes visiteurs. Je veille, sournoisement, au grand désespoir de mon épouse :
- Heureusement qu'on lui emprunte ses livres et qu'on ne les lui rend pas, dit-elle. Sans cela, il aurait fallu rehausser la maison d'un étage.
page réalisée par J.C. L National Hebdo du 4 au 10 février 1988
culture et histoire - Page 1744
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La bibliothèque de François Brigneau (arch 1988)
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Lucie Aubrac, menteuse éhontée
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Fraction - Années de plomb
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Vincent REYNOUARD invité de RIVAROL
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Il faut riposter aux propos antichrétiens de Pierre Bergé !
« Je suis pour la suppression intégrale de toutes les fêtes chrétiennes en France », déclarait hier soir Pierre Bergé sur les antennes de RTL France, dans l’émission « On refait le monde ». Des propos inadmissibles qui surviennent quelques jours après la provocation de Dounia Bouzar qui, à peine nommée à l’Observatoire de la laïcité par le Premier ministre, revendiquait la suppression de deux fêtes chrétiennes parmi les jours fériés reconnus par l’Etat et leur remplacement par Yom Kippour et l’Aïd. Ajoutez à cela les propos récurrents du ministre Vincent Peillon voulant « éradiquer » le christianisme en France et vous avez quelques indices d’une volonté manifeste de mener une nouvelle offensive antichrétienne avec le concours des plus hautes autorités de l’Etat et des puissances d’argent.
La réaction des catholiques de France – ainsi que de toutes celles et ceux qui, ayant perdu la pratique de la Foi, n’en reconnaissent pas moins les bienfaits de la civilisation chrétienne – doit être sans appel et immédiate. Il faut stopper net cette surenchère destinée à accentuer la déchristianisation de la France.
Que le changement de saison soit l’occasion de faire souffler un vent d’automne catholique ! Assez de mollesse, assez de tiédeur, assez de « politiquement correct », assez d’enfouissement de notre Foi au nom de stratégies consensuelles qui n’ont jamais apporté aucune victoire !
Pierre Bergé a mis sa fortune, depuis des décennies, au service du vice, de l’anti-France et de l’antichristianisme. Ripostons en ciblant ses intérêts financiers.
Cet appel s’adresse à toutes les forces de résistance qui ont émergé au cours des douze derniers mois et à cette génération qui a su faire preuve d’inventivité et de courage pour faire face aux destructeurs de la Famille. Que nos veilles et nos rondes de sentinelles se placent prochainement devant ces lieux chers à Pierre Bergé :
- la société de vente aux enchères Pierre Bergé & Associés ;
- la brasserie parisienne de luxe Prunier spécialisée dans le caviar et dont Pierre Bergé est PDG ;
- la Fondation Pierre Bergé – Yves Saint Laurent.Que nos voix se fassent entendre également devant ces médias dans lesquels Pierre Bergé a des capitaux - le journal Le Monde, le journal Libération, le magazine La Vie – ainsi que devant le siège de la radio RTL France qui se plaît à laisser ce personnage viscéralement antichrétien déverser sa bile sur ses ondes.
Qu’à ces occasions, notre attachement à la Foi catholique soit fièrement affirmé. Christus vincit. Christus regnat. Christus imperat.
Que ceux qui ne peuvent se déplacer devant ces lieux n’en prennent pas moins la peine de saisir leur téléphone, leur stylo ou leur clavier d’ordinateur pour adresser par toutes les voies envisageables des messages polis mais déterminés signifiant notre colère et notre mobilisation farouche.
Il ne s’agit en aucune façon d’un appel à la violence. Mais il convient de rappeler cette vertu de force dont les catholiques doivent faire preuve lorsque les situations l’exigent.
En avant ! L’automne catholique est de retour !
Alain Escada,
président de CIVITAS
Civitas - France Jeunesse Civitas -
Conférence: Gabriele Adinolfi, Ile de France, 01/10/13
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Le 4 septembre 1870 vu par un député bonapartiste
Le 4 septembre, la foule envahit la salle des séances du Corps législatif.Le 4 septembre 1870, plus ou moins spontanément, une multitude de Parisiens envahit au matin la Chambre des députés. L’Empire vit ses dernières heures : Gambetta et Favre, entraînant à leur suite la foule, proclament la République à l’Hôtel de ville. Le baron Eugène Eschassériaux est témoin de cette scène. Bonapartiste, député de la Charente-Inférieure (actuelles Charentes-Maritimes) de 1848 à 1892 sans interruption (jamais battu aux élections), il se distinguera plus tard comme l’un des piliers du parti de l’Appel au peuple (impérialistes) et restera fidèle jusqu’à sa mort à la dynastie déchue.
Eugène Eschassériaux
(entre 1852 et 1857).« [...] Gambetta venait de prendre la parole, lorsqu’un garçon le demanda de la part de M. Hébert, questeur. C’était pour le prier d’empêcher l’envahissement, s’il le pouvait par ses conseils. Au bout de quelques instants, on nous annonce que la Chambre est envahie. A ce moment, nous assistons à l’appel aux armes fait à un bataillon qui nous gardait dans la cour. Les soldats disséminés dans les cours s’élancent sur leurs fusils en faisceaux et leurs sacs. Gambetta revint et ressort aussitôt. Nous déclarons que, sans nous préoccuper de l’envahissement de la salle des séances nous devons rester à notre poste et délibérer. Mais l’émotion gagne le bureau ; on n’écoute pas un orateur, on regarde le bataillon qui entre sous le bureau pour prendre l’escalier et pénétrer dans la salle des Quatre Colonnes. Nous sortons alors du bureau. Je pénètre alors dans la salle des Quatre Colonnes, d’où j’aperçois à travers la porte la salle des Pas perdus envahie, des têtes, des bras en l’air, des bayonnettes, des chapeaux et un bruit très grand. [...]
Nous assistâmes pendant une heure à des divagations politiques, économiques, sociales de la part de la foule d’envahisseurs, de nature à faire douter la raison et à mettre Paris en-dessous du dernier des villages et au niveau d’une maison de fous. Il n’y a pas de stupidités, d’insanités qui ne soient sorties de ces têtes de gens armés et plus ou moins équipés en gardes nationaux. Pour eux les députés de la droite étaient des monstres, des voleurs, des brigands, des pillards emportant chaque soir chez eux une partie du trésor public. [Pour eux,] Les candidats officiels avaient été désignés sans élection par les préfets corrompus. D’autres protestaient contre le 2 Décembre, ne faisant pas attention qu’ils faisaient la même chose, au nom du désordre, quand l’ennemi est aux portes. Pour eux Paris est tout, les départements rien. Paris doit imposer la loi, et dans Paris les faubourgs, le peuple.
On peut se demander dans quel milieu vivent de pareils hommes ; dans quelles ténèbres, dans quelle fournaise de passions aveugles et brutales ces gens passent-ils leur vie ? Ces hommes ne parlent pas notre langue, ne nous comprennent pas, et cependant ils vivent à quelques pas de nous. [...]
Ainsi a fini l’Empire [...]. L’Empire aurait pu être sauvé après Sedan, par l’abdication de l’Empereur, si l’Impératrice et le ministère Palikao avaient transféré derrière la Loire, à Tours, le siège du gouvernement, en justifiant hautement le patriotisme de cette résolution par la nécessité de la défense nationale. C’eut été imiter les Valois pendant la ligue. Cette mesure de salut a été prise, quelques semaines après la chute de l’Empire, par les gens du 4 septembre. Elle s’imposait du jour où l’on a prévu le siège de Paris qui allait isoler le gouvernement du reste de la France et briser par cet isolement tous les moyens de défense. L’Impératrice et le ministère ont sacrifié au préjugé de croire que Paris est la France et surtout la peur de mécontenter les Parisiens. Les pouvoirs publics transférés à Tours eussent été libres, à l’abri des craintes de l’émeute, d’assurer la défense et de traiter de la paix sans cession de territoire. C’est ce qui aurait dû être fait au lendemain de Sedan. [...] »
ESCHASSÉRIAUX Eugène (baron), Mémoires d’un grand notable bonapartiste, 1823-1906, présentés par François Pairault, Saintonge, éd. des Sires de Pons, 2000.
http://histoire.fdesouche.com/3065-le-4-septembre-1870-vu-par-un-depute-bonapartiste#more-3065
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Jeunesses patriotes - Immigration
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Présentation de Rivarol
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Chronique de livre: Bernard Lugan, Décolonisez l’Afrique !
Bernard Lugan, spécialiste français de l’histoire, de la géographie et de la géopolitique de l’Afrique, n’est plus à présenter à nos lecteurs non-conformes. Il est en effet un de ces piliers, un de ces maîtres, que tous penseurs ou militants, curieux cela va de soi, se doit de connaître s’il veut comprendre le monde d’aujourd’hui au-delà de cette doxa conforme et confortable, et bien trop souvent démagogique, véhiculés par nos politiques et par les mass media.
Sans faire un rappel exhaustif sur la vie et l’œuvre de Lugan, il convient de rappeler que cet homme est l’auteur d’une bonne vingtaine d’ouvrages sur l’Afrique, dans le temps et dans l’espace, dont les incontournables actuellement sont, sans doute, son encyclopédique Histoire de l’Afrique, Des origines à nos jours (Ellipses), L’Histoire de l’Afrique du sud des origines à nos jours (Ellipses) sortie au moment même où se tenait la coupe du monde de football en 2010 et bien évidemment son traité intitulé Décolonisez l’Afrique !
C’est sur cet ouvrage qu’il convient de s’arrêter un peu plus longtemps.
En effet, celui-ci s’avère primordial pour sa pertinence et son apport pour une meilleure compréhension du « problème » Africain actuel, tant dans les pays africains sous tensions, qu’en France, cette ancienne métropole de l’Afrique.
Le propos principal de Décolonisez l’Afrique ! tient en quelques lignes, mais quelles lignes !
L’idée est d’admettre le fait que l’Afrique d’aujourd’hui est encore colonisée, par des forces structurelles anciennes, mais aussi des forces conjoncturelles voire parfois clairement immédiates, dont les Africains ne peuvent et/ou ne veulent se défaire.
50 ans après les indépendances, dit Lugan, l’Afrique subit encore une recolonisation économique (le FMI et la Banque mondiale imposant des tutelles fermées), politique (les pays du Nord imposant la démocratie à tout va), philosophique et morale (le paradigme de la culpabilité européenne et la victimisation qui infantilise les africains, l’ingérence humanitaire) – p 3, avant-propos. Ainsi, face à cette seconde colonisation de l’Afrique, Lugan annonce clairement qu’ « une seconde et véritable libération de l’Afrique est à la fois nécessaire et urgente ».
Les fondements de son plaidoyer sont posés.
Son argumentation tient en 7 chapitres, 7 thèmes qu’il convient de retenir tant ils sont pertinents en tant que grille d’analyse du problème africain, mais aussi en tant qu’outil, voire d’armes, lors de débats avec des tenants de la doxa officielle :
1 – Le demi-siècle perdu des fausses indépendances (1960-2010).
2 – Libérer l’Afrique de l’aide pour le développement (APD) qui l’infantilise.
3 – Libérer l’Afrique du paradigme de la culpabilité européenne qui la déresponsabilise.
4 – Pour en finir avec l’« immigration choisie », forme contemporaine de la traite.
5 – En finir avec le placage des modèles occidentaux qui mutilent l’Afrique.
6 – Prendre en compte la réalité ethnique.
7 – Reconstruire par ethnies.
Mon propos reprendra dans son ensemble le fil conducteur du livre.
En outre, dans un premier temps, Lugan répertorie l’ensemble des maux de l’Afrique depuis 50 ans. Problèmes économiques, problèmes démographiques dont les croissances urbaines et les exodes ruraux colossaux en sont les exemples les plus visibles, problèmes des aides humanitaires et des aides au développement qui bloquent le développement propre de l’Afrique, problèmes politiques. Lugan estime que depuis 1960, toutes les formes d’aide et de développement qui ont été essayées ont toutes échouées avec « au bout du chemin, la faillite d’un continent » (p22). Il se pose alors la question du pourquoi de ces échecs ? :
« La réponse est simple : parce que le diagnostic des maux de l’Afrique n’a jamais été correctement posé. Des milliers d’experts et de spécialistes se sont pourtant intéressés au cas africain, des millions de pages de rapports furent rédigées et d’innombrables thèses lui furent consacrées. Leurs auteurs, dont certains étaient d’excellents connaisseurs du milieu, n’étaient pas tous aveugles ou incompétents. Tous étaient en revanche conditionnés par le « politiquement correct africain » imposé aux Etats unis par le lobby afro-américain et en Europe par l’ « école historique de la culpabilité européenne ». Voilà pourquoi ils n’ont pas vu les vraies causes des échecs de l’Afrique ou, plus grave encore, pourquoi ils se sont interdits de les désigner. » (p22).
3 raisons expliquent pour lui ce blocage : la primauté donnée à l’économie au détriment du politique, le refus de prendre en compte la notion de différence, et le postulat démocratique.
Ainsi posées les bases de son argumentation, Lugan lance les hostilités, citations, chiffres et documents à l’appui.
Le premier assaut est tourné contre l’aide pour le développement (APD) qui, selon lui, infantilise l’Afrique. Cette APD n’a cessé d’augmenter depuis 2000 : 15.6 milliards de dollars en 2000, 44 en 2008, 38 milliards doivent être versés par l’UE pour 2015. Mais, le résultat est sans appel pour notre spécialiste : l’APD a échoué dans « ces trois grands domaines qui sont ceux de la lutte contre la pauvreté, l’augmentation du PIB et celui de la résorption du chômage » (p28). Pourquoi cet échec ? « L’aide pour le développement a échoué parce que les Africains ne sont pas des Européens pauvres à la peau noire » (p 34).
L’Homme africain est « autre », dit-il, par rapport à l’Homme européen, et cela sur quatre grands points (pp 43-44) :
- L’Homme africain n’est pas soumis à un « extrême individualisme » comme les Américains ou les Européens, il est lié par un réseau complexe de solidarités et de dépendances,
- L’Homme africain est tourné vers le présent et non le futur (dans sa définition occidentale),
- L’Homme africain est fortement soumis par les forces de l’au-delà, qu’il gère par des rites et des danses,
- L’Homme africain est lié intégralement au groupe, au premier desquels se trouvent ses ancêtres.
Cette différence entre l’Homme africain et l’Homme européen et américain est primordiale. Malheureusement, elle est réfutée et « par avance disqualifiée de « raciste » par la police de la pensée, ce qui a pour résultat de mettre immédiatement un terme au débat » (p45).
Dans un second temps, Lugan s’attaque à la victimisation africaine et à la culpabilisation entretenue en Europe. Ici, l’approche historique est mise en avant pour tordre le cou à certaines idées fausses très répandues : la colonisation et la Traite des esclaves ne sont pas à l’origine de la révolution industrielle européenne (les chiffres avancées montrent que la Traite représentait environ moins de 4% des échanges commerciaux anglais au XVIIIème siècle (Eltis) ; mais qu’en plus l’apport capital négrier dans le capital général de l’empire britannique ne dépassa que rarement la barre de 1% (Pétré-Grenouilleau) ; en France, les régions les plus dynamiques au XVIIIème siècle ne sont pas les régions portuaires ; en Europe, les pays continentaux s’industrialisent très biens (Allemagne par exemple) ; aux E.-U., le système esclavagiste peut-être même considéré comme un facteur déterminant dans la défaite du Sud contre le Nord (tant militairement qu’économiquement – pensons donc à la localisation de la manufacturing belt !)) (pp 53-57).
En outre, les colonies françaises sont assimilées au « tonneau des Danaïdes », notamment l’Algérie. L’auteur souligne que jamais aucun gouvernement n’a posé la question du nécessaire désengagement de l’Algérie, sa place en France étant admise par l’ensemble des Français. Son propos, sur le fait que la France n’a pas pillé son empire, se poursuit à travers des exemples précis. Au final, dit-il, la France s’est surtout ruinée avec son empire (p69).
Concernant le lien entre la colonisation et le drame africain, il existe mais pas de la façon dont le décrit le paradigme de la culpabilité européenne. (p 72)
Lugan dénombre 5 étapes, 5 grandes phases qui montrent la responsabilité européenne sur ce drame africain (pp 73-76).
D’abord au moment des « Grandes Découvertes » lorsqu’aux XV-XVIème siècles les Européens ont fait basculer le cœur économique de l’Afrique de l’intérieur (le Sahel notamment) aux littoraux : ceci marqua profondément l’évolution des sociétés. Ensuite, à la fin du XIXème siècle, la colonisation européenne « tua dans l’œuf » les tentatives de renaissance de certaines communautés du Sahel qui tentaient de s’étendre vers le Sud. La permanence sahélienne, musulmane et continentale se ressent encore aujourd’hui dans certains pays comme le Nigéria ou la Côte d’Ivoire. La troisième phase se produisit avec la décolonisation qui amplifia l’inversion des rapports de force : les anciens dominés devenus des cadres locaux du pouvoir colonial ont hérités des Etats artificiels légués par les colonisateurs (p75). La phase suivante se place dans les années 1990 lorsque les anciens pays colonisateurs européens imposèrent leur approche idéologique du politique, à savoir le régime démocratique fondée sur le « one man, one vote ». « Or cette mathématique électorale ou ethno mathématique donne le pouvoir aux plus nombreux (…). » Les conséquences sont dramatiques pour les peuples pasteurs très souvent en infériorité numérique face aux peuples d’agriculteurs démographiquement en force. Les tensions qui sont nées de ce système sont nombreuses et ont parfois débouché sur des massacres voire des génocides, surtout dans la région des Grands Lacs comme au Rwanda. Enfin, la dernière phase, qui découle directement de la précédente : les pays du Nord inventèrent « la calamiteuse notion d’ « ingérence humanitaire », cet indécent et hypocrite néo-colonialisme des « gentils » qui fut imposé aux opinions publiques par un véritable « matraquage » exercé par des batteurs d’estrade médiatiques », conscients des « drames provoqués par leur aveuglement idéologique et englués dans la repentance » (p76).
L’ensemble de ces éléments, couplés au problème démographique (explosion démographique) directement causé par les progrès de la médecine et les aides humanitaires apportés par les pays du Nord, conduisent l’Afrique dans une situation très critique.
Par la suite, Lugan cherche à démontrer que l’ « immigration choisie » est une (la ?) forme contemporaine de la Traite. Quelques citations de sa partie suffisent à exprimer la ligne défendue.
En introduction, d’abord, il illustre sa thèse avec des données très révélatrices : « En 2009, sur 155 900 brevets d’invention déposés dans le monde, 486 seulement le furent par des Africains, soit à peine 0.3 %. Sur ce total, les 4/5ème le furent par des Sud-africains dont 90% par des Sud-Africains blancs, les 10% restant par des Sud-Africains d’origine indienne. Le Maroc ayant déposés 46 brevets et l’Egypte 41, la part du reste de l’Afrique est donc inexistante. L’Afrique (…) se fait (…) voler ses cerveaux, ce qui est clairement une forme d’assassinat pour un continent qui ne compte que 83 ingénieurs par million d’habitants quand l’Europe en a 1000. » (p83)
Ainsi, « l’immigration choisie » apparaît pour Lugan comme une « hypocrisie » partagée par les autorités françaises qui ont choisi de biaiser la question générale de l’immigration en se prononçant pour cette forme d’immigration (choisie) qui s’opposerait à l’ « immigration subie » (p84). « Or, cette nouvelle traite des Noirs porte sur les plus précieux des Africains, ses diplômés, et elle se fait avec l’habituelle complicité des « gentils » de l’anti-ségrégation et des requins du capitalisme. Au nom du paradigme de la culpabilité qui les hante, les premiers s’interdisent de voir qu’en les accueillant, ils saignent l’Afrique. Les seconds les encouragent à venir au nom des lois du marché, du travail global et de la mobilité de la main-d’œuvre. » (p85). Pout l’ancien président de la Commission de l’Union africaine (jusqu’en 2008), Alpha Oumar Konaré, il s’agit ni plus ni moins de « traite des cerveaux ». Une traite des cerveaux qui est facilité par l’existence de véritables filières d’études : en France, certains programmes de coopération universitaire n’existent que pour le maintien de filières alibi destinées à obtenir des moyens ou à maintenir des postes dans des universités de second plan.
Parallèlement à cette traite des cerveaux, d’autres groupes de personnes sont concernés par une immigration qui fragilise l’Afrique. L’exemple des médecins et des infirmières est « éloquent et scandaleux à la fois », compte tenu des difficultés sanitaires que connait l’ensemble du continent (pp86-89). Le scandale de cette immigration touche également le milieu sportif, le football et l’athlétisme notamment. Dans ces sports est mis en avant, presque sans volonté de le cacher, le mercantilisme des pays du Nord vis à vis des populations jeunes africaines, victime parfois d’un véritable « drame humain », lorsque ces derniers sont escroqués par des agents véreux, comme en Ile de France (pp89-90).
« Comme à l’époque honteuse de la Traite, des acheteurs blancs vont donc sur place, en Afrique, pour y sélectionner la « marchandise » humaine que leur présentent des intermédiaires africains (…). Comme hier, des Africains sont donc vendus aux Européens par d’autres Africains. » (p90).
En outre, une solution existe à ce sujet, et elle fut même employée jusqu’à la victoire socialiste le 10 mai 1981. Le système en question permettait à ses jeunes universitaires de mener sur le terrain des recherches approfondies tout en assurant leurs activités d’enseignement, la France avait alors les meilleurs africanistes mondiaux. Mais tout fut supprimé sous la « pression du bas-clergé pédagogiste, le « 10 mai 1981 » ayant été la revanche des apparatchiks socialistes, souvent instituteurs syndicalisés et qui jalousaient les universitaires. Les têtes qui dépassaient furent alors coupées et les universités françaises en Afrique remplacées par des Instituts de formation pédagogique. La France ne forma donc plus des élites, mais des masses avec le résultat habituel d’une telle démarche qui fut la médiocratie généralisée. » (pp92-93).
Enfin, on peut citer, voire même incriminer, la « francophonie » institutionnelle qui est une véritable « pompe aspirante » pour les cerveaux africains (p95) – (à noter l’obsession linguistique du Québec allant même jusqu’à acheter les élites francophones africaines).
Dans son chapitre V, Lugan nous invite à réfléchir sur ce qu’il aimerait être la fin du placage des modèles occidentaux mutilant l’Afrique.
Ces modèles occidentaux sont principalement le « diktat démocratique avec sa version africaine, l’ethno mathématique, qui donne automatiquement la victoire aux ethnies les plus nombreuses » et « les frontières artificielles qui étouffent ou qui mutilent des peuples » (p98).
Pour la question des frontières, Lugan explique qu’en traçant ces frontières, réalité inconnue et même souvent incompréhensible en Afrique, la colonisation a effectivement perturbé les grands équilibres humains africains. Pour eux, les territoires vécus, ethniques, étaient séparés par des « zones tampons », très souvent mouvantes, n’appartenant à aucun groupe, mais aux esprits. Ces « fronts pionniers » ont ainsi été brutalement contestés, détruisant l’équilibre interne à tous ces peuples (éleveurs ou agriculteurs).
En parallèle, la question de la terre s’est posée à mesure que celle-ci devenait, après les indépendances, le principal levier des revendications nationalistes, de par sa place dans l’économie locale. Or depuis une dizaine d’années, l’ « Afrique subit une véritable recolonisation agricole et sur une échelle bien plus importante que durant l’époque coloniale » (p108), notamment par des nouveaux colons, principalement la Chine, la Corée du Sud, l’Arabie saoudite et les Emirats arabes unis. Des millions d’hectares ont ainsi été vendu ou loué, surtout en Ethiopie, au Mozambique et au Soudan.
Cependant, du fait de l’ignorance des cadastres par les populations locales africaines, des incidents éclatent au sujet de ces terres et de ce qu’elles ont à offrir aux peuples, comme à Madagascar ou au Mozambique (comme les meurtrières émeutes paysannes de septembre 2010). Ces mouvements sont, d’après Lugan, « annonciateurs » d’une vague de fond qui, tôt ou tard, réclamera la récupération des terres occupées par des étrangers. » (p112).
Dans son avant dernière partie, B. Lugan insiste sur l’importance de la réalité ethnique, tout en critiquant les africanistes français niant celle-ci, parmi lesquels Jean Pierre Chrétien et Catherine Coquery-Vidrovitch.
Le premier soutient « depuis bientôt un demi-siècle que les ethnies furent créées par la colonisation ». Or, comme l’a remarqué Axel Eric Augé (p 115) : « […] l’idée de l’invention de l’ethnicité semble pour le moins simpliste en considérant que les ethnies auraient attendu le colonialisme pour se reconnaître différentes culturellement […] En somme, les Africains étaient une masse indifférenciée et attendaient les Européens pour ressentir des phénomènes identitaires ! ».
Pour la seconde, « l’ethnie fut largement fabriquée à des fins de contrôle non seulement administratif et politique, mais aussi religieux ».
Le comble, juste pour rire, revient au quotidien Le Monde qui le 19 janvier 2011 réunissait 38 « africanistes » dont 23 Français signant un manifeste dans lequel ils écrivaient : « Le soucis d’une analyse rigoureuse (nous soulignons) nous conduit à reconnaître qu’il n’y a pas en Côte d’Ivoire, de haine atavique entre prétendus groupes ethniques ennemis, ni même entre autochtones et allogènes, entre sudistes et nordistes, encore moins entre chrétiens et musulmans […] la Côte d’Ivoire est un melting-pot transethnique, cosmopolite et pluriconfessionnel ».
Au final, démêlant le vrai du faux à propos de la question ethnique, l’auteur en vient à définir l’ethnie comme un « ensemble agglomérant à caractère culturel et linguistique englobant, de nombreuses tribus [groupement de clans ou de familles sous l’autorité d’un même chef] et une multitude de clans [unité sociologique désignant un ensemble d’individus consanguins descendant d’un ancêtre commun]. Contrairement à ce qui est couramment et faussement affirmé, l’ethnisme n’est donc pas la division, mais tout au contraire le fédérateur naturel du tribalisme qui, lui, peut être émiettement. »
En cela, conclue-t-il, « la démocratie fait éclater l’ethnie, élément fédérateur et même coagulateur des identités tribales ou claniques au profit de la tribu, élément désagrégateur. » (pp125-126).
Pour l’anecdote, Lugan relate que les dirigeants tutsi du Rwanda furent des élèves de J.-P. Chrétien et affirmèrent à sa suite que les « ethnies étant une création coloniale, le génocide de 1994 est donc le produit de la colonisation ; dans ces conditions, quiconque parle d’ethnies est un complice des génocideurs. » (p 128).
En conclusion de l’ouvrage, le dense chapitre VII, qui est une analyse régionale, à travers le prisme de l’ethnie, de l’Ethiopie et du Soudan (« ou la reconnaissance radicale de la réalité ethnique), de la Côte d’Ivoire et Nigeria (« des partitions refusées ») et la Guinée, le Kenya et l’Afrique du Sud (« comment organiser la cohabitation ethnique ? »).
Cette grande partie de 50 pages ne peut être résumée dans cette chronique celui-ci éclaire considérablement l’état géopolitique et politique de ces Etats, au demeurant mal représentés et compris dans les mass media actuels.
En somme, Bernard Lugan signe ici un ouvrage profondément engagé et engageant, précis et efficace, intellectuellement honnête, objectivement sérieux et politiquement incorrect, que je vous invite à lire et à réciter aux curieux, connaisseurs honnêtes ou malhonnêtes.
Aristide