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culture et histoire - Page 1748

  • "Il n’y a jamais eu de printemps arabe"

    Le dernier ouvrage de Bernard Lugan, Printemps arabe, histoire d’une tragique illusion, vient de paraître. Un petit peu de publicité pour quelqu'un qui subit depuis des années l'omerta des médias, malgré, ou à cause, de la qualité de ses réflexions fondées sur la réalité et la vérité et non l'idéologie et le mensonge.

    “Il n’y a jamais eu de printemps arabe. Cette notion de printemps arabe est totalement artificielle : le terme fait allusion à des événements qui se sont déroulés au XIXème siècle en Europe et qui étaient liés aux questions de nationalités. Or, ni au Machrek ni au Maghreb, ce qui s’est passé entre 2010 et 2013 n’a eu un lien avec le nationalisme, puisqu’il s’agissait de questions qui étaient d’ordre social. Le printemps arabe est une notion qui ne veut rien dire, parce que les journalistes et les hommes politiques ont confondu monde arabe et monde musulman (...)"

    http://www.lesalonbeige.blogs.com/

  • Groupe d'Action Royaliste

    Soutenu par Maître Antoine Murat malheureusement disparu. Créé en octobre 2008 et considéré aux yeux du doyen des Camelots du Roi, Guy Steinbach, (qui est également le président d'honneur) comme étant parfaitement dans la lignée des Camelots du Roi, le GAR s'est donné comme objectif de moderniser le combat royaliste en ce début du XXIème siècle. Fonctionnant plus comme un réseau de militants autonomes et déterminés, le GAR élabore sa base de recrutement sur des critères biens précis : Pas d'esprit consommateur, tous les militants du GAR sont là pour donner de leur personne et si possible aussi doivent être membre du réseau Lescure. Les militants doivent agir :

    Avec l'intérêt général et non avec leurs caprices de sentiments.
    Avec l'intérêt général et non avec leurs goûts ou leurs dégoût, leurs penchants ou leurs répugnances.
    Avec l'intérêt général et non avec leur paresse d'esprit ou leurs calculs privés ou leurs intérêts personnels


  • Dette publique : l’éternel faux problème

     

    Que s’est-il passé en France entre 1671 et 1738 ? Trois fois rien : la France a tenu tête à presque toute l’Europe durant les guerres louisquatorziennes, elle s’est accrue de l’Alsace, de la Franche-Comté, du Roussillon et du Nord, les arts et les sciences ont rayonné, Versailles a été construit, l’administration modernisée et la noblesse rabaissée.

     

    Or, pendant cette période, les budgets du gouvernement n’ont jamais été en équilibre. La France en est ressortie très endettée. Seule la saine gestion du cardinal Fleury a permis de rééquilibrer les comptes.

    De ce regard sur l’Histoire, une conclusion s’impose : la grandeur, la prospérité et le bien-être d’un pays ne sont pas conditionnés à son endettement public. Nous, Français, devons le savoir mieux qu’aucun autre peuple. La monarchie a sans cesse été endettée. L’histoire de France s’est faite à crédit. Nette différence toutefois avec notre époque : nos rois imposaient leurs lois aux créanciers tandis que l’UMPS leur est soumis. Songeons à notre cher Philippe le Bel qui expulsait ses créanciers du royaume quand il ne les assassinait pas si, par malheur, ils avaient le toupet de réclamer leur dû. Assurément, nous sommes loin de notre UMPS qui évoque une rigueur budgétaire pour tous les services de l’État, sauf celui du service du remboursement de la dette. [...]

    Adrien Abauzit - La suite sur Boulevard Voltaire

    http://www.actionfrancaise.net/craf/?Dette-publique-l-eternel-faux

  • La Grande Guerre : Planqués et censeurs

    Février 1916. Au front, nos soldats se préparent à recevoir l’assaut allemand sur Verdun. Depuis la fin janvier, le Grand Quartier général s’attend à une attaque d’envergure. Les "déserteurs alsaciens et lorrains" sont formels. Les observateurs aussi, qui voient passer, au fond de l’horizon de la Woëvre, des trains en files ininterrompues. On ignore encore le lieu où la chose se passera mais l’opinion domine que ce sera le chef-lieu de la Meuse. Où l’on s’avise soudain qu’endormis par une année tranquille nos chefs ont laissé à peine entretenues les défenses existantes sans en créer de nouvelles.

    Le 9 février, les permissions sont suspendues. Le 10, raconte Yves Buffeteau dans Les Batailles de Verdun, un renseignement provenant d’une source très sérieuse arrive au GQG. D’une rare précision, il indique même que le Kronprinz s’est installé depuis quelques jours dans la maison de la veuve Henri Daverdier à Spincourt. Ce rapport commence par cette phrase sans ambiguïté : "Les Allemands vont tenter une grande offensive dans la région de Verdun".

    Onze jours plus tard, en effet, Le 21 février à 7h30, les mille canons de l’artillerie allemande commencent leur pilonnage des lignes françaises. La tuerie durera dix mois et fera près de cinq cent mille morts.

    Et à l’arrière ?

    Eh bien, à l’arrière, pendant que les poilus s’enterrent dans la boue glacée, on discutaille, on magouille et on grenouille.

    Le parlement, les ministères, le gouvernement donnent le spectacle abject de la canaillerie, de la discorde et de la combine.

    Les profiteurs de guerre s’enrichissent, les traîtres s’en donnent à coeur joie et les planqués se gobergent.

    On voit un Malvy devenir ministre de l’Intérieur alors qu’il s’était opposé à la loi de Trois ans, lors du congrès socialiste d’Agen, et profiter de ce poste pour encourager la presse défaitiste en lui versant l’argent des fonds secrets. On voit un Marcel Sembat, vieille crapule maçonnique et socialiste, devenir ministre deux ans après avoir lancé à ses futurs collègues : "Retirez-vous, vous puez la défaite".

    On voit "le cortège des personnes qui ont obtenu les fournitures de guerre, spectacle lamentable et attristant qui montre, à côté de filles galantes, des repris de justice", ainsi que le dénoncera à la Chambre l’ancien secrétaire d’Etat aux Colonies de Clemenceau, Milles-Lacroix, un brave négociant en tissus entiché de rigueur et d’honnêteté au point d’avoir visité à ses frais l’immense empire dont il avait la charge.

    On remarque à la Chambre des jeunes hommes vigoureux et pétants de santé qui paradent, ayant échappé au front parce qu’ils sont députés et qu’ils se sont dispensés tout seuls d’aller aux tranchées en votant une loi d’exemption présentée par Dalbiez, un parlementaire qui, lui-même, redoutait d’être mandé au Feu.

    On assiste, un soir de débat, à l’invraisemblable hourvari de ce que l’on n’appelle pas encore le "lobby" des marchands de vin et qui, par ses vociférations, parvient à chasser de la tribune le ministre de la Guerre Gallieni qui prononçait un discours contre l’abrutissement des soldats par l’alcool.

    Le scandale est si omniprésent que la presse commence à s’émouvoir.

    Alors, le plus simplement du monde, dans la nuit du 19 au 20 février est pris un décret interdisant de "laisser passer dans les journaux toute attaque contre le parlement, ou ayant pour objet de tourner en ridicule les députés ou de porter atteinte à la dignité du régime parlementaire".

    "La censure, écrit Jean Bernard, chroniqueur du Temps, est devenue plus tracassière que jamais, impérieuse et hautaine, irritante, presque illogique."

    Un exemple extrême de cet illogisme : au début de la première bataille de Verdun, les journaux annoncent la mort de Prosper Josse, député de l’Eure, qui, lui, ne s’est pas planqué et qui sert aux tranchées comme capitaine. La nouvelle est fausse. Sur la demande de sa femme, Madame Josse, l’Agence Presse Associée publie un rectificatif démentant le premier communiqué et rassurant les parents, proches et amis du député.

    La censure supprime l’information.

    L’informateur parlementaire de l’Agence Presse Associée fait alors remarquer aux censeurs que, la nouvelle donnée la veille par les journaux étant fausse, il est normal et justifié de le faire savoir et de démentir.

    Il reçoit par téléphone cette stupéfiante réponse : "Nous vous envoyons des ordres et nous n’avons pas d’observations à recevoir de vous."

  • Georges Bernanos : "Contre les robots !"

    Quand la société impose à l’homme des sacrifices supérieurs aux services qu’elle lui rend, on a le droit de dire qu’elle cesse d’être humaine, qu’elle n’est plus faite pour l’homme, mais contre l’homme. Dans ces conditions, s’il arrive qu’elle se maintienne, ce ne peut être qu’aux dépens des citoyens ou de leur liberté ! Imbéciles, ne voyez-vous pas que la civilisation des machines exige en effet de vous une discipline chaque jour plus stricte ? Elle l’exige au nom du Progrès, c’est-à-dire au nom une conception nouvelle de la vie, imposée aux esprits par son énorme machinerie de propagande et de publicité. Imbéciles ! Comprenez donc que la civilisation des machines est elle-même une machine, dont tous les mouvements doivent être de plus en plus parfaitement synchronisés ! Une récolte exceptionnelle de café au Brésil influe aussitôt sur le cours d’une autre marchandise en Chine, ou en Australie; le temps n’est certainement pas loin où la plus légère augmentation de salaires au Japon déchaînera des grèves à Detroit ou à Chicago, et finalement mettra une fois encore le feu au monde. Imbéciles ! Avez-vous jamais imaginé que dans une société où les dépendances naturelles ont pris le caractère rigoureux, implacable, des rapports mathématiques, vous pourrez aller et venir, acheter ou vendre, travailler ou ne pas travailler, avec la même tranquille bonhomie que vos ancêtres ? Politique d’abord ! disait Maurras. La Civilisation des Machines a aussi sa devise : « Technique d’abord ! Technique partout !  » Imbéciles ! Vous vous dites que la technique ne contrôlera, au pis aller, que votre activité matérielle, et comme vous attendez pour demain la « Semaine de Cinq Heures  » et la Foire aux attractions ouverte jour et nuit, cette hypothèse n’a pas de quoi troubler beaucoup votre quiétude. Prenez garde, imbécile ! Parmi toutes les Techniques, il y a une technique de la discipline et elle ne saurait se satisfaire de l’ancienne obéissance – obtenue vaille que vaille par des procédés empiriques, et dont on aurait dû dire quelle était moins la discipline qu’une indiscipline modérée.

    La Technique prétendra tôt ou tard former des collaborateurs acquis corps et âme à son Principe, c’est-à-dire qui accepteront sans discussion inutile sa conception de l’ordre, la vie, ses Raisons de Vivre, Dans un monde tout entier voué à l’Efficience, au Rendement, n’importe-t-il pas que chaque citoyen, dès sa naissance, soit consacré aux mêmes dieux ? La Technique ne peut être discutée, les solutions qu’elle impose étant par définition les plus pratiques. Une solution pratique n’est pas esthétique ou morale. Imbéciles ! La Technique ne se reconnaît-elle pas déjà le droit, par exemple, d’orienter les jeunes enfants vers telle ou, telle profession ? N’attendez pas qu’elle se contente toujours de les orienter, elle les désignera. Ainsi, à l’idée morale, et même surnaturelle, de la vocation s’oppose peu à peu celle d’une simple disposition physique et Mentale, facilement contrôlable par les Techniciens. Croyez-vous, imbéciles, qu’un tel système, et si rigoureux, puisse subsister par le simple consentement ? Pour l’accepter comme il veut qu’on l’accepte, il faut y croire, il faut y conformer entièrement non seulement ses actes, mais sa conscience. Le système n’admet pas de mécontents. Le rendement d’un mécontent — les statistiques le prouvent — est inférieur de 30 % au rendement normal, et de 5o ou 6o % au rendement d’un citoyen qui ne se contente pas de trouver sa situation supportable – en attendant le Paradis — mais qui la tient pour la meilleure possible. Dès lors, le premier venu comprend très bien quelle sorte de collaborateur le technicien est tenu logiquement de former. Il n’y a rien de plus mélancolique que d’entendre les imbéciles donner encore au mot de Démocratie son ancien sens. Imbéciles ! Comment diable pouvez-vous espérer que la Technique tolère un régime où le technicien serait désigné par le moyen du vote, c’est-à-dire non pas selon son expérience technique garantie par des diplômes, mais selon le degré de sympathie qu’il est capable d’inspirer à l’électeur ? La Société moderne est désormais un ensemble de problèmes techniques à résoudre. Quelle place le politicien roublard, comme d’ailleurs l’électeur idéaliste, peuvent-ils avoir là-dedans ? Imbéciles ! Pensez-vous que la marche de tous ces rouages – économiques, étroitement dépendants les uns des autres et tournant à la vitesse de l’éclair va dépendre demain du bon plaisir des braves gens rassemblés dans les comices pour acclamer tel ou tel programme électoral ? Imaginez-vous que la Technique d’orientation professionnelle, après avoir désigné pour quelque emploi subalterne un citoyen jugé particulièrement mal doué, supportera que le vote de ce malheureux décide, en dernier ressort, de l’adoption ou du rejet d’une mesure proposée par la Technique elle-même ? Imbéciles ! Chaque progrès de la Technique vous éloigne un peu plus de la démocratie rêvée jadis par les ouvriers idéalistes du Faubourg Saint-Antoine. Il ne faut vraiment pas comprendre grand chose aux faits politiques de ces dernières années cour refuser encore d’admettre que le Monde moderne a déjà résolu, au seul avantage de la Technique, le problème de la Démocratie. Les Etats totalitaires, enfants terribles et trop précoces de la Civilisation des Machines, ont tenté de résoudre ce problème brutalement, d’un seul coup. Les autres nations brûlaient de les imiter, mais leur évolution vers la dictature s’est trouvée un peu ralentie du fait que, contraintes après Munich d’entrer en guerre contre le hitlérisme et le fascisme, elles ont dû, bon gré mal gré, faire de l’idée démocratique le principal, ou plus exactement l’unique élément de leur propagande. Pour qui sait voir, il n’en est pas moins évident que le Réalisme des démocraties ne se définit nullement lui-même par des déclarations retentissantes et vaines comme, par exemple, celle de la Charte de l’Atlantique, déjà tombée dans l’oubli.

    Depuis la guerre de 1914, c’est-a-dire depuis leurs premières expériences, avec Lloyd George et Clemenceau, des facilités de la dictature, les Grandes Démocraties ont visiblement perdu toute confiance dans l’efficacité des anciennes méthodes démocratiques de travail et de gouvernement. On peut être sûr que c’est parmi leurs anciens adversaires, dont elles apprécient l’esprit de discipline, qu’elles recruteront bientôt leurs principaux collaborateurs ; elles n’ont que faire des idéalistes, car l’Etat Technique n’aura demain qu’un seul ennemi : « l’homme qui ne fait pas comme tout le monde  » ou encore : « l’homme qui a du temps à perdre  » — ou plus simplement si vous voulez : « l’homme qui croit à autre chose qu’à la Technique  ».

    Georges Bernanos

    Extrait de "La France contre les Robots" (1947).

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    http://la-dissidence.org/2013/07/01/georges-bernanos-contre-les-robots/

  • Actualité de René Guénon

    René Guénon (1886 – 1951) est mal vu des milieux identitaires qui n’apprécient pas sa conversion à l’islam soufi dès 1911 sous le nom musulman d’Abd el-Wâhed Yahia, « Serviteur de l’Unique ». Quant aux milieux contre-révolutionnaires, outre ce tropisme oriental marqué, ils l’accusent d’être passé par la franc-maçonnerie et certains cénacles gnostiques. Or ces attaques bien trop réductrices éclipsent une œuvre intellectuelle majeure. « La pensée de Guénon constitue un chapitre original, et non négligeable, de l’histoire intellectuelle (p. 488). »

    Par une brillante étude, David Bisson expose d’une manière précise et intelligible le parcours de ce penseur méconnu sans s’arrêter à sa seule vie et à ses idées. Il s’attache aussi à saisir son aura, directe ou non, sur ses contemporains et étudie même sa postérité intellectuelle.

    Né à Blois dans un milieu catholique pratiquant, l’enfant Guénon à la santé très fragile se différencie par une intelligence vive et précoce. Sa jeunesse est occultiste, gnostique et pleine de fougue pour le martinisme du « Philosophe inconnu » Louis-Claude de Saint-Martin (1743 – 1803).

    L’auteur détermine trois grandes périodes dans la vie de Guénon. De 1906 à 1920, ce sont les années de « l’apprentissage occulte »; puis de 1921 à 1930, le temps de « la reconnaissance intellectuelle », et, enfin, de 1931 à 1951, le moment de « l’accomplissement doctrinale ». Cette dernière commence le 5 mars 1930 quand Guénon part pour Le Caire sans savoir qu’il ne reviendra jamais plus en France.

    L’éloignement géographique ne l’empêche pas de suivre avec attention l’activité de ses disciples. Le chercheur rapporte que l’homme du Caire relit toujours tous les articles paraissant dans la revue Études Traditionnelles. Par ailleurs, c’est un grand épistolier qui dispose d’« un réseau international de correspondants (p. 163) ».

    La publication de livres, la rédaction d’articles et de recensions ainsi que l’envoi de ses missives forment un ensemble théorique complet. Guénon construit ainsi une œuvre entre l’unité intellectuelle (la métaphysique) et la réalité métahistorique (la tradition). La notion de métahistoire est très importante, car « pour Guénon, l’histoire n’est que contrefaçon. Elle correspond à la dernière étape d’un processus de déclin qui s’accélère au fur et à mesure que l’humanité avance dans l’âge sombre (p. 103) ». En revanche, hors de ce champ profane existe la Tradition. « Une partie essentielle de la pensée guénonienne tient dans cette formule imaginée : d’un côté, la Tradition se déploie en de multiples branches en fonction des conditions historiques et des aires géographiques et, de l’autre, le monde moderne a rompu avec ses attaches traditionnelles jusqu’à mettre en péril l’équilibre universel. D’où le remède envisagé : se ressourcer dans la connaissance orientale afin de retrouver son axe véritable (p. 45). » Or comment faire concrètement ? Se pose ici la question de l’initiation largement développée par l’auteur. Pour Guénon, l’initiation relève d’un groupe rattaché à une tradition viable parce que « la tradition primordiale doit effectivement déboucher sur une réalisation métaphysique, c’est-à-dire une voie de ressourcement intérieur qui engage l’individu sur le chemin de la connaissance (p. 81) ». Les modes d’accès en Occident sont la franc-maçonnerie demeurée opérative et non pas sa version spéculative et laïciste, et l’Église catholique. Mais il reconnaît que ces deux voies sont presque fermées et invite ceux qui le souhaitent à se convertir à une religion d’Orient, l’islam par exemple. Pour les personnes tentées par l’hindouisme, il les invite à s’installer en Inde. René Guénon est conscient de sa fonction de pôle intellectuel. Son « écriture […] comporte une part vocationnelle. Elle doit dire la métaphysique dans une “ langue profane ”, c’est-à-dire rappeler les principes immémoriaux de la connaissance à un monde coupé de ses racines transcendantes (p. 91). »

    Les écrits de Guénon favorise au fil des années la formation de groupes soufis en Europe ainsi qu’un courant spiritualiste au sein de la franc-maçonnerie. Bien entendu, toutes ces initiatives demeurent confidentielles.

    David Bisson consacre une longue partie de son essai à la période 1951 – 1980 et à l’ascendance post mortem de Guénon. Déjà, de son vivant, il intriguait déjà quelques fins lettrés : Pierre Drieu la Rochelle ou la philosophe de l’enracinement et amie indéniable du monde ouvrier Simone Weil qui « a lu avec intérêt les ouvrages de Guénon sans pour autant épouser la perspective traditionnelle (p. 295) ».

    Dès les années 1930, René Guénon rencontre un élève talentueux en la personne de Frithjof Schuon. Converti à l’islam et devenu très tôt cheikh (chef spirituel) d’une tarîqa (communauté) soufie, Schuon entend régler la question de l’initiation des Européens par l’islam. Il déclare ainsi qu’« il faut islamiser l’Europe (p. 172) » avant de revenir à des dispositions plus nuancées. Après 1945, le musulman Schuon est devenu un fin connaisseur du christianisme. Il considère que les sacrements chrétiens font des chrétiens des initiés involontaires ou ignorants. Il vouera ensuite un culte particulier à la Vierge Marie et s’ouvrira au chamanisme amérindien. En 1981, Schuon s’installe aux États-Unis dans l’Indiana d’où il décédera dix-sept ans plus tard.

    Schuon insiste sur une « gnose universaliste (p. 332) » et s’apparente parfois à un syncrétisme qui met mal à l’aise d’autres fidèles guénoniens comme Michel Vâlsan, le gardien d’un soufisme guénonien de stricte observance. Des traditionalistes accusent Schuon de se faire « le porte-parole d’un ésotérisme universaliste ou essentialiste qui tend à dépasser le cadre limité des formes traditionnelles (p. 356) ».

    Outre Schuon qui s’oriente vers de « nouvelles voies spirituelles », expression plus appropriée que « nouveaux mouvements religieux (p. 468) », David Bisson ne peut pas ne pas mentionner l’Italien Julius Evola dont les réflexions suscitent de fortes contestations de la part des milieux guénoniens. Si « l’auteur italien a trouvé […] le moyen de ne pas sombrer dans le nihilisme grâce à ses lectures traditionnelles. Ainsi, l’homme doit être capable de s’ouvrir à la transcendance pour faire de la volonté pure une source de transfiguration (p. 229) », il n’en demeure pas moins qu’Evola fait figure d’hétérodoxe de la Tradition par ses prises de position politiques radicales, ses références païennes et son engagement partisan.

    Plus surprenant, on apprend que Carl Schmitt était lui aussi un lecteur assidu du Français du Caire sans être pour autant traditionaliste primordial. Il en déduit surtout une nouvelle forme d’« étaticité ». « La tradition oubliée et la religion dépecée, Schmitt tente de construire un nouveau rempart contre l’homme lui-même : l’État souverain et décisionniste (p. 281). »

    David Bisson prévient toutefois que René Guénon « garde une certaine méfiance vis-à-vis des auteurs qui accordent une place trop importante à la sphère politique. Une nouvelle fois, il s’agit de protéger la Tradition de toutes récupérations partisanes (p. 170) ». Le message guénonien se veut apolitique ou même anti-politique. « À la différence du conservateur, le penseur antimoderne s’attache à la défense de valeurs établies (statu quo ante) qu’il ne projette ses propres valeurs, considérées comme éternelles, dans l’histoire présente et à venir (p. 9). » Existe cependant un cas particulier, le Roumain Mircea Eliade.

    Pendant l’Entre-Deux-Guerres, ce jeune homme doué a déjà lu Guénon et a séjourné en Inde de 1929 à 1931. Puis, de retour en Roumanie, de 1932 à 1935, ses centres d’intérêt sont philosophiques, religieux et historiques. Il se détourne de la politique et ne se commet pas avec la Garde de Fer de Corneliu Codreanu. Si certains guénoniens roumains s’en détournent, d’autres au contraire le rejoignent avec enthousiasme. Puis, entre 1935 et 1938, Eliade milite au sein de la Légion de l’Archange Saint-Michel en compagnie d’un autre grand esprit dace du XXe siècle, Cioran. Suite à quelques avanies politiques, Eliade cesse toute activité militante en 1938, prend ses distances avec la Tradition et commence à travailler sur l’histoire des religions. La distanciation avec la politique semble être une constante dans la pensée guénonienne. Néanmoins, David Bisson estime que la pensée de Guénon porte en elle une indéniable part politique qui se vérifient avec le parcours d’Eliade. « Plus que l’engagement politique des années trente, circonstancié et ponctuel, c’est le cadre normatif dans lequel Eliade inscrit toute sa pensée qui le relie à Guénon. Si les deux hommes ne partagent pas exactement les mêmes conceptions, ils forgent leurs idées dans le même creuset idéologique (p. 388). » Sa brillante carrière postérieure à la seconde Guerre mondiale a soulevé de virulentes controverses. désormais universitaire reconnu aux États-Unis, Eliade ne préoccupe que de l’homo religiosus, sujet bien éloigné de ses engagements de jeunesse. David Bisson fait preuve à ce sujet d’une grande objectivité intellectuelle, contrairement aux dénommés Alexandra Laignel – Lavastine et Daniel Dubuisson, petits épurateurs de la douze millième heure…

    Nombreux sont les héritiers, revendiqués ou putatifs, de Guénon. L’auteur mentionne Raymond Abellio qui veut « partir de Guénon pour mieux le dépasser (p. 429) ». de ce fait, les thèmes abelliennes,  concrétisés par la « Structure absolue », célèbrent l’« auto-initiation de l’individu, [la] création d’une nouvelle dialectique, [la] dimension messianique de l’Occident, etc. (p. 430) », qui vont à l’encontre des orientations traditionnelles. Le désaccord majeur entre Guénon et Abellio porte sur l’initiation. « Là où Guénon évoque la transmission d’une influence spirituelle au sein de groupes initiatiques légitimement constitués, Abellio insiste sur la dimension individuelle et le processus rationnel qui débouche sur la transfiguration du monde dans l’homme. Ce qui évite, d’une part, les débats “ sectaires ” relatifs à la régularité de telle ou telle chaîne initiatique et permet, d’autre part, la reprise sans cesse renouvelé du chemin gnostique (pp. 432 – 433). »

    Dans son Manifeste de la nouvelle gnose (Gallimard, coll. « N.R.F. – Essais », 1989), Abellio qualifie René Guénon d’« ésotériste réactionnaire (Abellio, op. cit., p. 60) » et, hormis Schuon envers qui il se montre élogieux, il critique « les traditionalistes guénoniens [qui] refusent de considérer que l’œuvre de Guénon, si efficace qu’elle ait été dans l’« épuration » du fatras occultiste des siècles passés et notamment du XIXe siècle, est essentiellement non dialectique et, comme telle, improductive pour l’avenir. Aussi en sont-ils réduits à répéter pieusement les anathèmes de leur maître (Abellio, op. cit.,  note 32, p. 95) ».

    En Iran, lecteur de Guénon et disciple de Schuon, Seyyed Hossein Nasr élabore en accord avec le Shah un cadre traditionaliste-intégral musulman. Bisson le signale rapidement mais une partie des sources théoriques de la révolution islamique de 1979 qui obligera Nasr à s’exiler aux États-Unis ont pour noms Guénon et Heidegger… Mais c’est dans l’Université française qu’on assiste à une lente découverte de la pensée de Guénon. En général, « le nom de Guénon est très rarement cité dans les ouvrages scientifiques alors même que certains de leurs auteurs puisent dans ces textes une source non négligeable d’inspiration (p. 379) ». Sans le nommer ouvertement, Henry Corbin s’en inspire. Ami de Denis de Rougemont, lecteur de Heidegger et spécialiste réputé du chiisme iranien, Corbin « partage le sentiment de nombreux non-conformistes qui prônent dans un même élan la révolution spirituelle (contre l’esprit matérialiste) et la libération individuelle (contre la société bourgeoise) (p. 393) ».

    Il n’entérine pas totalement l’enseignement du Cairote d’origine française. « Chez Guénon, toutes les traditions religieuses proviennent d’un noyau primordial et ésotérique tandis que chez Corbin, toutes les gnoses monothéistes confluent vers le même sommet herméneutique (p. 403). » L’auteur signale que le seul universitaire qui se réfère clairement à Guénon est l’« intellectuel antimoderne (p. 407) » Gilbert Durand. Inspiré par son ami Corbin et par « Nietzsche, Spengler, Maistre, etc. (p. 408) », Durand travaille en faveur d’une « science traditionnelle (p. 406) » et pose des « jalons pour une réaction antimoderne (p. 409) ». Corbin, Eliade, Durand, Carl Gustav Jung, etc., participent chaque année aux « rencontres d’Eranos » en Suisse. Bisson y voit dans ces réunions annuelles « un réseau intellectuel international (p. 414) » de sensibilité non-moderne.

    La présence de Guénon est plus forte encore chez « Jean Hani, Jean Biès et Jean Borella [qui] tiennent finalement une place particulière dans la galaxie traditionniste. Outre leur formation universitaire, ils ont toujours cherché à concilier Guénon, le “ maître de doctrine ”, avec son principal continuateur, Schuon, le “ maître de spiritualité ”. […] Ils peuvent être considérés comme les premiers intellectuels chrétiens d’inspiration guénonienne (p. 479) ». Le philosophe eurasiste russe et orthodoxe vieux-croyant Alexandre Douguine reconnaît volontiers la dette qu’il doit à l’auteur d’Orient et Occident. Il cite d’ailleurs cet ouvrage dans son essai Pour une théorie du monde multipolaire (Ars Magna Éditions, 2013).

    David Bisson constate dans la décennie 1960 l’essor oxymorique d’un « ésotérisme de masse » sous la férule de l’homme de presse Louis Pauwels. Co-auteur du Matin des magiciens avec Jacques Bergier qui méconnaît Guénon et exècre Evola, Pauwels poursuit sa démarche de vulgarisation ésotérique avec la revue Planète quand bien même des thèmes non traditionnelles (extra-terrestres, télépathie…). Pourquoi l’auteur étend-il ensuite ses recherches à la « Nouvelle  Droite » (N.D.) ? La personnalité de Pauwels sert-elle de fil-conducteur ou bien parce que ce courant de pensée reprend à son compte le concept de métapolitique ? Alain de Benoist « réactualise le terme “ métapolitique ” dans deux sens complémentaires : la constitution d’un “ appareil d’action intellectuelle ” et le façonnement d’une socialité organique (p. 454) ». Or, terme technique de l’idéalisme allemand, repris par Joseph de Maistre dans son Essai sur le principe générateur des constitutions politiques et des autres institutions humaines, la métapolitique « ancre le politique (versant critique et propositionnel) dans un socle métaphysique (versant idéel et référentiel). C’est ensuite un adjectif qualificatif (“ le combat métapolitique ”) qui caractérise une posture intellectuelle de surplomb par rapport aux luttes partisans (p. 19) ». David Bisson avoue la grande complexité de démêler les multiples influences de la N.D. Toutefois, Guénon ne représente pas une figure tutélaire à la différence de Julius Evola. Quant à Alain de Benoist, il eut peut-être une période traditionaliste à la fin des années 1980, marqué par un recueil intitulé L’empire intérieur (1995) avant de suivre une autre direction plus post-moderne…

    Finalement, sous une apparence volontairement détachée de la politique, la pensée de René Guénon serait très politique, ce qui renforcerait ses liens avec à son « véritable maître caché […] Joseph de Maistre. […] Ce sont des traditionalistes illuminés, c’est-à-dire des penseurs qui réinterprètent la tradition à l’aune de leurs propres révélations (p. 131) ». Quoi qu’il en soit, il importe de relire ou de découvrir l’œuvre considérable de Guénon et de prendre connaissance du livre captivant de David Bisson qui doit faire date dans l’histoire des idées.

    Georges Feltin-Tracol http://www.europemaxima.com/

    • David Bisson, René Guénon. Une politique de l’esprit, Pierre-Guillaume de Roux, 2013, 527 p., 29,90 €.

  • L’historien Raoul Girardet est mort.

    L’historien Raoul Girardet, spécialiste des sociétés militaires et du nationalisme français, qui a enseigné à Sciences-Po, à l’ENA ou encore à Polytechnique, est mort mercredi 18 septembre 2013 dans sa 96e année.

    C’était un ancien membre de l’Action française, de la résistance, rédacteur à La Nation Française de Pierre Boutang puis à L’Esprit public comme défenseur de l’Algérie française.

    Une figure de l’enseignement de l’histoire est partie. Né le 6 octobre 1917, agrégé d’histoire et docteur ès-lettres, Raoul Girardet est une personnalité qui a marqué Sciences-Po, où il a enseigné pendant plus de 30 ans et a notamment créé le cycle d’études d’histoire du XXe siècle. Son cours sur le "Mouvement des idées politiques dans la France contemporaine" et son séminaire sur la France des années 30, assurés conjointement avec Jean Touchard et René Rémond, ont marqué des générations d’étudiants. Raoul Girardet a publié des ouvrages de référence sur "La Société militaire en France", "Le nationalisme français", "L’idée coloniale en France" et un essai sur "Mythes et mythologies politiques".

    En 1990, dans un livre d’entretiens avec le journaliste Pierre Assouline, "Singulièrement libre", il était revenu sur son parcours personnel : la Résistance puis l’engagement en faveur de l’Algérie française, qui l’ont conduit deux fois en prison. Raoul Girardet a également enseigné à l’Ecole nationale d’administration, à l’Ecole Polytechnique et à l’Ecole spéciale militaire de Saint-Cyr. Il était Croix de guerre 1939-1945 et officier de la Légion d’honneur. Ses obsèques seront célébrées le 23 septembre dans l’Eure, dans l’intimité familiale. Une célébration aura lieu ultérieurement à Paris.

    AFP via TF1  http://www.actionfrancaise.net