Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

culture et histoire - Page 1857

  • Glorieuses défaites et grandes sagas – “La Nouvelle Revue d’Histoire” N°66, mai/juin 2013

    Glorieuses défaites et grandes sagas – “La Nouvelle Revue d’Histoire” N°66, mai/juin 2013

    Présentation du Dossier de La NRH 66 – mai-juin 2013. Par Dominique Venner

    Voici cent cinquante ans, le 30 avril 1863, était livrée au Mexique la fameuse bataille de Camerone, devenue emblématique de la Légion étrangère et de son esprit de sacrifice. Cet épisode célèbre a inspiré le dossier de La Nouvelle Revue d’Histoire n° 66 (mai-juin 2013).

    N’est-il pas frappant, en effet, que, dans l’histoire européenne, les défaites glorieuses plus que les victoires soient à l’origine des grandes sagas et des plus belles légendes ? Charlemagne fut le vainqueur de nombreuses batailles, mais c’est sa défaite de Roncevaux qui nous est connue et qu’a célébré la Chanson de Roland, le plus ancien chef d’œuvre de la langue française. Quant à la défaite de Waterloo, elle a sans doute compté dans la légende napoléonienne plus que la victoire d’Austerlitz !

    Depuis les origines de l’histoire connue, batailles, victoires ou défaites ont scandé l’existence des cités, des nations et des empires. N’en déplaise aux espérances pacifistes aisément compréhensibles, la guerre est consubstantielle à l’humaine condition. Ce fait est commun à tous les peuples et à toutes les civilisations, comme l’appétit sexuel ou celui de la nourriture, alors que tant de comportements et de créations les distinguent de façon fondamentale.

    Mais justement, la manière de concevoir la guerre et les défaites, s’inscrit dans les distinctions culturelles capitales. Ainsi la Chine, l’une des plus anciennes et riches civilisations, a-t-elle produit de célèbres traités de stratégie. Pourtant, comparés à ceux de l’Europe ou du Japon, les traités chinois ignorent la poétisation du combat, telle qu’on la découvre déjà dans l’Iliade. L’art chinois de la guerre écarte le culte de l’héroïsme au profit de subtiles manœuvres ayant pour but de vaincre l’adversaire sans même combattre. De ce point de vue, Sun Zi est à l’opposé de Clausewitz. Ce dernier n’a certes jamais magnifié les défaites, mais sa réflexion a pourtant surgi de la défaite prussienne d’Iéna, en 1806. En cela, cette défaite fut créatrice et même fondatrice.

    Nous avons donc développé notre réflexion à partir de plusieurs défaites glorieuses et emblématiques en commençant bien sûr par Camerone qu’évoque Alexis Neviaski (p. 36). En remontant dans le temps, nous poursuivons par le sacrifice des Spartiates aux Thermopyles que fait revivre Mathilde Tingaud (p. 40). Puis viennent la bataille et la légende de Roncevaux par le médiéviste Bernard Fontaine (p. 43). Jean Tulard, de l’Institut, médite sur la gloire de Waterloo (p. 46). Pour ma part, je souligne la place des causes perdues dans l’imaginaire de Stendhal (p. 48). Charles Vaugeois raconte le siège d’Alamo, prétexte d’un film célèbre (p. 50). Max Schiavon décrit la poignante tragédie et les retombées de Dien Bien Phu (p. 54). Enfin, Philippe Conrad attire notre attention sur quinze autres défaites glorieuses, dont le souvenir a traversé le temps, de la chute de Troie à celle de Berlin plus de trente siècles après (p. 59). Des épisodes, il faut le souligner, dont la participation féminine fut souvent importante, comme nous le rappelons au sujet de Dien Bien Phu.

    Dominique Venner

    Source : le site internet de Dominique Venner.

    “La Nouvelle Revue d’Histoire” est en kiosque, mais on peut aussi se procurer le numéro de la revue par Internet par exemple ici, ou par abonnement ici.

    http://fr.novopress.info

  • Nos ancêtres les Gaulois – par Stéphane Foucart (5)

    C’est un fait incontestable, Obélix n’a pas pu être livreur de menhirs. Tout simplement parce que ceux-ci datent du néolithique: ils ont été érigés plus de mille ans avant l’avènement des civilisations celtiques. Pourtant, le malentendu persiste… L'un des menhirs les plus anciens au sud-ouest de la Corse, Filitosa est le centre de cette culture Le menhir de la Dame de Saint-Sernin en Aveyron au musée Fenaille de Rodez Une foule se presse autour des hautes pierres brutes de Stonehenge. C’est l’aube. Il y a là des dizaines de milliers d’hommes, de femmes, d’enfants. La ferveur le dispute à la fête. Certains sont venus de loin pour célébrer, en communion avec les druides, le solstice d’été sur le site même de l’imposant monument mégalithique. Les druides, vêtus de longues toges blanches, réunis au centre du grand cercle de pierres levées, psalmodient d’étranges mélopées. C’était le 21 juin 2009. Pas moins de 35 000 personnes avaient fait le pélerinage, pensant sans doute renouer avec l’élan des cultes gaulois. Cette religion mystérieuse qui – pense-t-on bien souvent – révérait les éléments en pleine nature, non loin de grandes pierres bru-tes dressées vers le ciel. Des pierres pas très différentes de celles qu’Obélix taille et transporte à bout de bras tout au long de l’oeuvre de Goscinny et Uderzo. Et qui deviennent même, parfois, un ressort scénaristique majeur. Comme dans Obélix et compagnie, où Rome entreprend de corrompre les irréductibles Armoricains en créant une éphémère bulle spéculative sur le menhir, dans la confection duquel ils sont censés exceller… Les Gaulois en maîtres d’oeuvre du mégalithisme ? L’anachronisme est formidable. « Les premiers grands menhirs, qui peuvent peser jusqu’à 300 tonnes et mesurer 20 m de hauteur, semblent apparaître au Portugal autour de – 6500, explique le préhistorien Jean-Pierre Mohen (Muséum national d’histoire naturelle), aujourd’hui chargé de la rénovation du Musée de l’homme. On les retrouve ensuite sur toute la façade atlantique« . Les architectures de pierre brute subsistent et se succèdent pendant des milliers d’années. « Les alignements de Carnac datent environ de la fin du IV millénaire avant notre ére. Quant aux dolmens, ils apparaissent vers – 4700 et seront construits jusque vers – 3000« . Les cromlechs, ces cercles de pierres levées, peuvent être plus tardifs. Celui de Stonehenge commence à être édifié vers – 3 000 et continue, un millénaire durant, à être aménagé. « Vers – 2000, c’est la fin du mégalithisme », conclut Jean-Pierre Mohen. Plus de mille ans, donc, avant qu’on ne commence à parler de Celtes ou de Gaulois – les Grecs nomment Keltoi ceux qu’ils rencontrent lors de la fondation de Marseille, au VIe siècle avant notre ère ; deux siècles plus tard, les Romains les appellent Galli. Quant aux plus anciens vestiges matériels qui leur sont associés, ils remontent autour de – 1100. Même en remontant au plus haut, nous voilà très loin des derniers mégalithes…Et pourtant ! « Aujourd’hui encore, lorsqu’on fait une communication au public sur les mégalithes, il faut toujours commencer par préciser que cela n’a rien à voir avec les Gaulois« , s’amuse le protohistorien Jean-Paul Demoule (université Paris I). La confusion remonte à loin. Dès le Moyen Age, on associe ces grandes pierres aux païens qui ont précédé la chrétienté, explique Jean-Pierre Mohen. Ceux-ci ne pouvaient être, dans l’esprit des gens qui ignorent alors complètement la notion de préhistoire, que les plus anciens connus par les textes grecs et latins : les Gaulois. » La confusion ne s’arrête pas à cet amalgame. Elle se renforce, bien plus tard, grâce au puissant regain d’intérêt pour le monde celtique qui traverse le XVIIIe siècle. En Grande-Bretagne, le Druid Order, fondé en 1717 par John Toland (1669/1722), un libre-penseur écossais – c’est d’ailleurs de ce mouvement que continuent à se réclamer les néodruides New Age qui se retrouvent à Stonehenge, à chaque solstice d’été. En France, l’historien et naturaliste Christophe-Paul de Robien (1698/1756), premier véritable archéologue de ces pierres brutes, dessine quantités de croquis, dresse les plans de ces assemblages mégalithiques, mène des relevés et des fouilles. Sous certains dolmens, il dégage des restes humains. La légende est en marche. Un peu plus tard, dans les années 1790, Théophile-Malo Corret de La Tour d’Auvergne (1743/1800), un Breton celtisant, peut écrire sans ciller, à propos des dolmens, que « c’est sur de tels autels, où l’art ne disputait presque rien à la nature (…), que les druides sacrifiaient à la divinité, choisissant le plus souvent des hommes comme victimes ». Ces mêmes victimes dont on retrouvait, soudain, les ossements !… Le dolmen devient donc une « table sacrificielle » – d’où son nom, forgé à partir de la langue bretonne : dolmen ou « table de pierre ». Dans les milieux scientifiques, la confusion ne durera pas. A partir de 1850, toutes les communautés scientifiques découvrent ensemble l’ancienneté du monde et de l’humanité. « vers 1860, les premières chronologies sont établies et un consensus se forme dans la communauté scientifique pour séparer complètement les Gaulois des mégalithes » dit Jean Paul Demoule. Peu à peu on réalise que les dolmens ne sont pas des autels : ils sont la structure interne de tertres funéraires disparus sous l’effet de l’érosion. « Il faut les imaginer recouvert de terre et de cailloux, formant un tumulus avec, souvent, un couloir d’accès menant à une ou plusieurs chambres funéraires protégées par les grandes pierres que seules on peut voir aujourd’hui », dit Jean-Pierre Mohen. Des tombes, donc, « qui ne sont pas si différentes des pyramides égyptiennes », précise M. Demoule. Quant aux menhirs, sans doute d’abord érigés par des populations de chasseurs-cueilleurs au seuil de la sédentarisation, ils sont sans doute des jalons. Une manière pour un groupe de signaler sa présence sur un territoire et, aussi, de faire étalage de sa force et sa détermination (il en faut pour déplacer et dresser une pierre de 300 tonnes). Plus tardifs, les grands cercles de pierres comme Stonehenge seraient plutôt des observatoires de cycles astronomiques, en particulier celui du Soleil. En fonction des pierres entre lesquelles l’astre de jour se lève, les cromlechs auraient permis « de déterminer l’époque à laquelle il convient de semer, de récolter, etc. », dit Jean-Pierre Mohen. Quel désarroi ! Jusqu’au début du XIXe siècle, « nos ancêtres les Gaulois » avaient des temples, fussent-ils de pierres brutes. Voici que les savants leur ôtent les seuls vestiges qui semblaient les matérialiser ! « Cela a contribué à renforcer l’idée d’une religion gauloise « naturaliste »; s’exerçant dans la nature, près de sources, de rivières, dans des clairières perdues dans la forêt, dit Christian Goudineau. Un célèbre texte de Pline l’Ancien [23/79]semblait appuyer cette idée. Il détaille le rituel gaulois de la cueillette du gui, qui doit s’effectuer dans la forêt, avec une serpe d’or, au « sixième jour de la lune » et nécessite le sacrifice de deux jeunes taureaux blancs. » Pourquoi chercher plus loin ? La forêt, toujours elle. Voilà le grand temple de « nos ancêtres les Gaulois » ! A ceci près, précise M.Goudineau, qu’«au XIXe siècle, tout le monde prend ce texte pour la description d’une pratique religieuse en tant que telle ; mais, à bien le lire, il ne décrit qu’une coutume associée à la collecte d’une plante médicinale ». Où diable « nos ancêtres les Gaulois » rendaient-ils grâce à Esus, Teutates,Taranis, et sans doute beaucoup d’autres de leurs dieux ? Ni sous la pierre nue ni dans les bois. « En 1977, dans un champ de la commune de Gournay-sur-Aronde [Oise], nous découvrons d’importantes quantités d’armes gauloises en fer mêlées à des ossements animaux, raconte l’archéologue et historien Jean-Louis Brunaux (CNRS), qui dirigeait les fouilles. Je me rends compte qu’il s’agit d’un fossé. En le suivant, nous réalisons qu’il dessine un enclos quadrangulaire d’une cinquantaine de m de côté« . En fouillant l’intérieur, les chercheurs découvrent un petit temple gallo-romain et,dessous, dans les niveaux proprement gaulois, « des fosses dont on s’aperçoit qu’elles ont servi à des sacrifices de boeufs, de porcs ou de moutons », dit M. Brunaux: « C’est exactement ce que l’on trouve dans le monde gréco-romain. Une enceinte bien délimitée dans laquelle on procède à des sacrifices animaux. Nous avons là un sanctuaire. » La datation des lieux indique que le culte s’exerçait ici au milieu du IIIe siècle. Un culte dont le «temple » rappelle le temenos grec ou le templum romain. A cette grande différence que ces sanctuaires gaulois sont de bois et qu’ils disparaissent presque totalement avec le temps, ne laissant de traces qu’imprimées en négatif, en creux, dans le sol… Ce n’est pas tout. Car, sur les armes exhumées des fossés, les archéologues notent un détail étonnant: « Elles avaient connu une oxydation antérieure à leur dépôt, elles avaient rouillé avant d’être déposées dans le fossé. » Pour Jean-Louis Brunaux, l’explication est simple : « Les Gaulois ont procédé à un rite que les Grecs appellent l’anathema et qui consiste à offrir aux dieux des panoplies d’armes en les accrochant aux parois du sanctuaire. Quand ces armes tombaient au sol, on les ramassait et on les désacralisait en les rejetant dans le fossé. » Un rite auquel Plutarque donne une explication élégante: le trophée d’armes symbolise la haine de l’ennemi, et celle-ci ne doit pas être entretenue, elle ne doit vivre que le temps du trophée. Depuis la découverte de Gournay-sur-Aronde, quantité d’autres sanctuaires gaulois ont été mis au jour. Avec, parfois, ce « sentiment d’être quasiment dans une ambiance grecque», dit Jean-Louis Brunaux. Bien loin, en tout cas, de la pierre nue et de la forêt. http://www.propagandes.info A lire : Les Mégalithes, pierres de mémoire, de Jean-Pierre Mohen, Gallimard,1998.

  • Nos ancêtres les Gaulois – par Stéphane Foucart (4)

    IV- Le sang et le vin

    Noceurs, ripailleurs, voire franchement ivrognes… nos « ancêtres » trament derrière eux une solide réputation d’intempérance, entretenu par les scènes de banquet qui concluent chaque aventure d’Astérix. Pourtant, les Gaulois n’ont pas toujours bu du vin, et on ne trouve pas de traces de sangliers sur les sites archéologiques.

    Gaulois ? «Qui a une gaieté franche, rude et un peu libre, répond pudiquement le Petit Robert. Et s’il est une image qui exprime à merveille cette définition, c’est sans doute la vignette qui conclut chaque épisode des aventures d’Astérix. Tous sont là dans ce qu’on imagine être un joyeux désordre voué à se prolonger jusqu’à pas d’heure. On boit sans soif, on ripaille, on s’esclaffe : cette peinture du banquet, Goscinny et Uderzo ne la tirent pas de nulle part. Tout au long de l’antiquité, « nos ancêtres les Gaulois » ont souffert d’une solide réputation de fêtards, voire d’ivrognes. Quatre siècles après la conquête romaine, l’historien grec Ammien Marcellin (vers 330-395) écrit qu’« ils aiment le vin de passion, et fabriquent pour y suppléer diverses boissons fennentées ». « L’ivresse (…) y est l’état habituel de bon nombre d’individus de la basse classe, qui ne font qu’errer çà et là dans un abrutissement complet », ajoute-t-il. Mais qu’on ne se méprenne pas : comme les colonisateurs occidentaux du XIXe siècle glosaient sur la langueur supposée des peuples à peau plus sombre, les auteurs grecs et latins font volontiers le procès de l’ivrognerie aux « Barbares » – Germains, Perses ou Scythes ne sont pas logés à une autre enseigne que les Gaulois. Ces formidables agapes ont-elles seulement existé ? « Non seulement elles ont existé, mais à dire, comme Uderzo et Goscinny, qu’en Gaule « tout commence et tout finit par un banquet » ; on ne doit pas être très loin de la réalité, répond l’archéologue Matthieu Poux (université Lyon-II). L’activité religieuse, funéraire, les victoires militaires, mais aussi les « campagnes politiques » de certains aristocrates, sont autant d’occasions de banqueter ». L’énormité de festins se lit dans les vestiges archéologiques. « On reconnaît les enclos à banquet par la nature des ossements exhumé explique l’archéozoologue Patrice Méniel (CNRS, université de Bourgogne). Il s’agit quasi exclusivement de boeufs, de moutons et de cochons. » N’en déplaise à Obélix, nulle trace de sanglier ! Mais, en guise de consolation, des quantités qui se chiffrent en tonnes. « Sur des ‘dépôts instantanés’ où les os ont été déposés après un unique festin, nous avons des cas d’abatage d’une cinquantaine de brebis à la fois », raconte M. Méniel. Matthieu Poux ,évoque, lui, les ossements de « plusieurs centaines de moutons et de chèvres » trouvés sur un site de banquet à Corent [Puy-de-Dôme], probable chef-lieu des Arvernes, le peuple gaulois qui donnera son nom à l’Auvergne. Cette démesure est décrite par quelques auteurs antiques. Le philosophe grec Poseidonios d’Apamée (- 135/- 51), qui voyage en Gaule vers – 100, rapporte que, « pour se rendre populaire », un chef arverne du nom de Luernios « faisait aménager une enceinte carrée de douze stades (soit environ 2 km) de côté, à intérieur de laquelle il faisait remplir des cuveaux de boisson de prix et préparer une telle quantité de nourriture qu’il était possible pendant plusieurs jours à qui le voulait de profiter de tout ce qui était préparé ». Que le banquet soit politique, funéraire, commémoratif, le sacrifice qui y préside est toujours religieux. « Viande et vin : on trouve ce couple indissociable du festin dès le néolithique proche-oriental, explique M. Poux. La viande est le sacrifice animal, le vin est le sacrifice végétal, le sang symbolique de la terre. Le rituel d’un animal de bétail sacrifié et partagé entre les hommes et les dieux est présent dans toutes les cultures :ce qui est consommable va aux hommes, ce qui ne l’est pas va aux dieux » Une preuve archéologique de ce partage minutieux est l’organisation des fosses dans les-quelles les reliefs du banquet sont disposés. « Dans ces dépôts, on trie les restes, dit M Poux. Par exemple, on met les os longs d’un côté et les crânes de l’autre. Ce tri est l’expression matérielle du partage effectué… » Et le vin ? La question est plus délicate Plus intrigante. Car s’ils ont traîné, des siècles durant, cette réputation de pochards, les Gaulois n’en ont pas moins eu des relations au vin compliquées et changeantes « Dans les tombes princières des VIe et VIIe siècles avant notre ère, on trouve de la vaisselle à boire importée de Grèce et typique de la consommation de vin, explique M. Poux. Puis, tous les objets liés à cette consommation semblent disparaître de Gaule pendant près de trois siècles ! » Aucune certitude quant à cette « disparition ». Pour certains, il s’agit peut-être du résultat d’un interdit édicté par les druides. La Gaule indépendante ne produisant aucune vigne, cette « fatwa celtique » sur le vin aurait coupé court aux importations. D’autres imaginent un effondrement économique et social, suivi d’une longue période de repli sur soi du monde gaulois, moins enclin à commercer avec ses voisins. Mais vers le IIe siècle avant notre ère, le vin revient. Les sites archéologiques livrent, sur la période qui s’étend de – 150 à – 50, des quantités phénoménales d’amphores vinaires importées d’Italie. Selon les estimations d’André Tchernia (Centre Camille-Jullian), grand spécialiste du vin dans l’antiquité, environ 100 000 à 150 000 hectolitres sont débarqués chaque année en Gaule pendant environ un siècle. « A mon sens, c’est un commerce de troc qui se met en place. Les Gaulois échangent principalement des esclaves contre du vin. » Celui-ci est importé à grand prix : le chroniqueur grec Diodore de Sicile (Ie siècle avant J. C.) écrit qu’une unique amphore (soit une vingtaine de litres) peut s’échanger contre un jeune homme… Comment, dans les banquets, utilisait-on un si précieux nectar ? Certains voient dans cet amour gaulois pour le vin une manière de singer les Grecs et les Romains. Rien ne semble plus faux. D’abord, à en croire Cicéron (- 106/ – 43), les Gaulois boivent le vin pur, alors que Romains et Grecs le coupent à l’eau. « Il y a là quelque chose d’étrange, dit M. Poux. Pourquoi s’acharner à boire pur un breuvage de surcroît très coûteux, si c’est pour imiter ceux qui le boivent dilué ? » Sans doute les Gaulois ne cherchaient-ils nullement à imiter leurs voisins « civilisés ». Bien au contraire. Vin et amphores remplissaient sans doute des rôles symboliques ou religieux et particuliers à « nos ancêtres les Gaulois ». « Au milieu des années 1990, à Bâle, nous avons découvert des fosses, datées de – l00 à – 120, emplies de vestiges d’amphores, raconte M. Poux. Dans l’une d’elles figuraient plusieurs amphores disposées en cercle autour du corps sans tête d’une jeune femme. Or les jarres placées autour d’elle avaient elles-aussi, été décapitées d’un coup d’épée. Elles avaient été ‘sabrées’, dirait-on aujourd’hui« . Quelques années auparavant, à Lyon, sur la colline de Fourvière, l’exact « négatif » des trouvailles de Bâle était mis au jour : un crâne de jeune femme, à proximité de tessons de cols d’amphore sabrés… « Dans les deux cas, nous n’avons pas retrouvé la totalité des vertèbres cervicales, dit M. Poux. Nous ne pouvons pas dire si les victimes ont été décapitées ou si leurs têtes ont été détachées post mortem, dans le cadre d’un rituel funéraire lié à un banquet ». Reste le parallèle étonnant, révélé par le tri effectué dans les dépôts, entre le traitement réservé aux amphores et celui subi par des animaux- ou des humains ? – consacrés aux dieux: on leur tranche le col. Et de ces grandes jarres d’un mètre vingt, lorsqu’elles sont ainsi « sabrées », le sang-pardon : le vin ! – gicle comme de la jugulaire du boeuf ou du mouton sacrifié. L’amphore était-elle pour « nos ancêtres les Gaulois » un « substitut sacrificiel »? « Quelques textes anciens nous font comprendre qu’on apprécie alors en Italie les vins blancs et précisément, des vins blancs madérisés qui devaient ressembler à des rivesaltes ou des xérès, explique André Tchernia. Or il semble que les Gaulois aient importé préférentiellement du vin rouge. » Rouge… comme le sang, bien sûr. En témoigne, selon M. Tchernia, « le liquide pourpre » qui s’échappait de certaines des quelque 6 000 amphores transportées par un navire romain coulé aux environs de – 70 au large des côtes varoises et découvert en 1967. Il y a, aussi, cette phrase énigmatique de l’agronome romain Columelle, écrite près d’un siècle après la conquête des Gaules, après l’arrêt brutal du commerce de vin entre l’Italie et les peuples gaulois. « Columelle explique en substance que des viticulteurs italiens n’ont toujours pas réussi à se débarrasser de certains cépages de raisins noirs, dit M. Tchemia. Il y aurait eu ainsi plusieurs décennies d’efforts pour arracher ou remplacer des cépages spécifiquement plantés aux IIe et Ie siècles avant notre ère pour satisfaire la demande gauloise en vin rouge. ». Après la conquête, les banquets se raréfient et disparaissent: sans doute Rome voyait-elle d’un mauvais oeil ces rassemblements. A en croire Columelle, plus personne n’est alors preneur du contestable breuvage. Peut-être sa principale vertu, sa couleur, ne tenait-elle qu’à la rigueur des codes qui réglaient les agapes gauloises.

    http://www.propagandes.info

    A lire : L’Age du vin. Rites de boisson, festins et libations en Gaule indépendante, de Matthieu Poux, éd. Monique Mergoil, 2004. Les Gaulois et les animaux : élevage, repas et sacrifices, de Patrice Méniel, éd. Errance, 2004.

  • Le Dictionnaire des écoliers contre les nouvelles idéologies modernes

    Si nos actuels gouvernants préfèrent largement opter pour une formation contre les méfaits et dangers du sexisme plutôt que sur l’art de la gouvernance ou des théories économiques, ce n’est pas par simple altruisme, mais bien pour souligner implicitement le véritable poids des lobbys antisexistes dans la politique de notre pays.
    « L’ABCD de l’égalité », programme récemment lancé par le Ministre de l’Education Nationale et le Ministre du Droit des femmes (sic ! ) Najat Vallaut-Belkacem, n’est au fond qu’un exemple de plus corroborant l’hypothèse de plus en plus réaliste que l’exécutif républicain n’est aujourd’hui plus qu’une marionnette affligeante, virevoltant au son des lobbys égalitaristes et nihilistes.
    Première victime malheureuse de la lutte contre le sexisme, grand thème de la rentrée scolaire 201 3 : le Dictionnaire des écoliers, lancé en 2010 par le Centre National de Recherche Pédagogique (CNRP) qui recueille plus de 17000 définitions écrites et illustrées par des élèves de la grande section au CM2.
    Mais l’outrecuidant Dictionnaire a eu l’audace de laisser passer l’ impensable, l’ inimaginable dans une société moderne… Pensez donc ! Voici les propos exacts du méfait, relevé au mot « Père » : « C’est le mari de la maman, sans lui la maman ne pourrait pas avoir d’enfant. C’est le chef de famille parce qu’il protège ses enfants et sa femme. On dit aussi papa. »
    Choquant évidemment… Mais choquant de bon sens. Et c’est ce bon sens, cette belle logique enfantine qui ne saurait souffrir de fioritures idéologiques, que le rouleau-compresseur gouvernemental ne peut supporter et s’apprête à écraser de toutes ses forces. Pour avoir rappelé que les enfants naissent au sein du mariage entre un homme et une femme, que le premier devoir d’un homme reste de protéger sa famille et de veiller sur elle, ce Dictionnaire finira aux oubliettes de la bienpensance, condamné pour avoir laissé passer un relent de bon sens au sein d’une société où le nihilisme idéologique fait loi.
    Aujourd’hui, les jeunes français viennent de faire un magnifique pied de nez à une classe médiatico-politique adepte du Gender, refusant avec l’ ingénuité et la spontanéité de la jeunesse la bêtise des soixantards patentés. L’adage disait donc vrai : « La Vérité sort de la bouche des enfants »… Encore faut-il avoir le courage de savoir l’écouter.
    Prospectives Royalistes de l'Ouest Décembre 201 2

  • Christian Malbosse, Le soldat traqué, Editions de la pensée moderne, 1971.

    le soldat traqué.JPGLa majeure partie des récits de guerre des anciens engagés de la division Charlemagne se concentre majoritairement sur leur expérience au feu et sur les combats qu’ils ont menés. Ce n’est pas le cas pour le présent ouvrage qui traite pour sa part du parcours d’un soldat français dans les mois qui suivirent la défaite de l’Axe en mai 1945.

    Christian s’est engagé très jeune dans la LVF devenue en 1944 la division de Waffen SS Charlemagne. En mai 1945, la guerre est terminée et il tente de rejoindre le Danemark, en vain. Après des mois de combat furieux face aux Russes commence pour lui une longue période d’errance dans l’Allemagne occupée par les alliés. Christian pensait au départ gagner clandestinement la France pour ensuite se réfugier en Espagne mais va vite déchanter devant la difficulté de la tâche et les nouvelles qui lui parviennent du pays sur la manière dont on traite les « collabos »... Lui, qui est seul dans un pays en ruines, lui qui fait partie d’une armée que ceux qui ont réécrit l’histoire ont qualifié de criminelle, lui qui est marqué, comme tous les Waffen SS, du tatouage de son groupe sanguin sous l’aisselle… tatouage si gênant et si recherché lors des contrôles qu’il en arrivera à se mutiler lui-même au rasoir et au feu pour en effacer la trace… 

    Ce soldat, traqué, partout, par un ennemi redoutable va, pendant des mois, survivre dans des conditions extrêmes. Alternant les périodes de captivité (auxquelles il arrive souvent à se soustraire avec brio), l’errance et les séjours dans la forêt, Christian vit comme un paria. Très débrouillard, il se construit un refuge dans la forêt, trouve un vieux fusil qu’avec persévérance il répare, chasse sangliers ou chevreuils et construit même un barrage qui lui permet de disposer d’une « piscine » pour se laver… Ses talents militaires le font même devenir démineur pour des paysans et il arrive à subsister un temps en vendant de la poudre extraite d’obus trouvés ça et là. Il faut dire que l’Allemagne manque de tout et que les campagnes sont des lieux où de nombreuses personnes de la ville, les « hamsters », viennent s’approvisionner…

    Cette vie à la dure est heureusement enjolivée par la bonté et l’hospitalité du peuple allemand envers notre jeune soldat. De nombreuses familles l’hébergent temporairement, deviennent ses amis, l’aident de toutes les manières possibles et lui permettent de retrouver, quelques nuits ici, quelques nuits là, une sociabilité d’autant plus touchante qu’elle se veut gratuite. Combien de fois est-il hébergé par de pauvres paysans, par des gens n’ayant pratiquement rien et qui l’accueillent comme un fils parmi eux ? C’est le même peuple allemand que la propagande nous présente comme haïssant les Français et habité par le criminel gène nazi ? Certes, le fait qu’il ait combattu aux côtés des Allemands lui apporte un capital de sympathie certain de la part d’une bonne partie de la population mais tout au long de ces longs mois, des rencontres et situations qu’il connaît, on peut sans aucun doute démontrer à quel point les Allemands étaient bien intentionnés envers les Français ; d’ailleurs, certains compatriotes du STO, ayant plutôt bien vécu la guerre en Allemagne, ne voulaient même plus revenir en France…

    Tentant finalement de rejoindre la France via la Belgique, Christian sera emprisonné dans ce dernier pays pour y être rentré clandestinement. Ces mois de détention constituent la seconde partie du livre –non moins passionnante que la première-. En prison, il rencontre aussi bien d’anciens Waffen SS que différentes crapules dont il brosse un portrait haut en couleurs. Pris en amitié par son avocat, il réussira à sortir puis, après quelques péripéties, à rejoindre clandestinement la France puis l’Espagne, son but depuis 1945… Il aura mis 3 ans pour cela, 3 ans qui le changèrent totalement :

    « Quand il partit pour la guerre, Christian était encore adolescent ; lorsqu’il revint, c’était un homme. Des mois de combat, des années d’errance et de solitude. Tout accepter pour que survivent la Chrétienté et son pays, faire par avance le sacrifice de sa vie. Endurer le froid, la faim, la soif, souffrir dans son âme et sa chair – tels furent sa croyance et son lot. » peut-on lire dans l’épilogue qui clôture en beauté ce superbe et fort touchant récit d’aventure mais aussi d’histoire qui demeure, pour moi, l’un des plus beaux témoignages sur cette époque.

    Rüdiger

    NB : A noter qu’il existe de cet ouvrage une très belle édition de 1998 chez Gergovie comprenant des planches dessinées par Guy Sajer.

    http://cerclenonconforme.hautetfort.com/

  • Nos ancêtres les Gaulois – par Stéphane Foucart (3)

    III- Le Druide ce philosophe

     

    Les druides n’ont pas encore livré tous leurs secrets : mages sanguinaires pour plusieurs auteurs romains, ils sont décrits par d’autres comme des penseurs proches des idéaux pythagoriciens. Reste qu’à l’époque de la conquête romaine ils avaient déjà perdu beaucoup de leur influence.

     

    Ce village est une cour d’école. Il y a le souffre-douleur, le barde Assurancetourix. Il y a le querelleur, le forgeron Cétautomatix qui cherche constamment noise au poissonnier, Ordralfabétix. Il y a les bons, les mauvais élèves. Et, bien sûr, il y a le druide Panoramix – le vieux sage. La IIIe République est passée par là. Dans son Histoire de France populaire publiée en 1875,1′historien et homme politique Henri Martin (1810/1883) « représente les druides comme les philosophes précepteurs », écrit Nicolas Rouvière dans Astérix ou la parodie des identités (Flammarion, 2008). « Dans l’enseignement laïc de la IIIe République, ajoute-t-il, (…) le druide atténue la barbarie de a religion (…), il est dépositaire du savoir, ancêtre de l’instituteur. » Plus que celle du magicien barbare, c’est donc cette figure du druide en enseignant laïc que choisiront Goscinny et Uderzo. Les druides, précurseurs de l’école républicaine ? Voire. Le poète romain Lucain (- 39/ +65), les décrit comme habitant au fond des forêts dans des bois reculés » et, surtout, leur reproche leurs « rites barbares et leur sinistre coutume des sacrificeshumains ». Quant à l’historien Suétone (70/130 environ), il fustige la sauvagerie de leur « religion atroce ». Mais il est vrai que tous deux écrivent à une époque où le druidisme est déjà entré dans sa légende. qui croire ? pour l’historien et archéologue Jean louis Brunaux (CNRS), les druides ne sont ni de gentils professeurs ni de sombres sacrificateurs sanguinaires. Il faut, selon lui, voir le druidisme comme une école philosophique « à la grecque ». Un mouvement qui aurait littéralement régné sur la Gaule entre le Ve et IIe siècle avant notre ère, avant de décliner pour disparaître tout à fait au tournant de l’ère chrétienne. Ainsi, lorsque César (-100/-44) part en campagne, en – 58, « il ne reste déjà presque plus de druides en Gaule, les derniers se font discrets et ne sont que des produits de l’institution pédagogique », assure Jean-Louis Brunaux. Chose étrange. Car César est aussi l’auteur de l’antiquité qui s’étend le plus sur les druides et le druidisme. Dans La Guerre des Gaules, le récit, mené tambour battant, de ses opérations diplomatiques et militaires entre le Rhin et l’Atlantique, il consacre au sujet quelques pages des plus célèbres. Mais à aucun moment de son récit il ne narre la moindre rencontre avec l’un de ces mystérieux mages gaulois. « En réalité, la majorité des passages ethnographiques dans La Guerre des Gaules, sont recopiés de l’oeuvre de Poseidonios d’Apamée (- 135/-51), un philosophe grec qui a voyagé en Gaule une quarantaine d’années avant César », explique M. Brunaux. Injustement méconnu, Posidonios d’Apamée est une puissance intellectuelle. Il est scolarque (directeur) de l’école du Portique. Il est astronome et géomètre. Il est peut-être l’inventeur du prodigieux mécanisme d’Anticythère, machine antique permettant de calculer les positions astronomiques. Il est géographe et historien. Il est grand reporter. Que diable va-t-il faire dans la lointaine Gaule ? « II cherche l’âge d’or, il veut observer un monde dans lequel les gouvernements sont encore tenus par les savants, comme cela avait été le cas quelques siècles avant lui, lorsque des écoles philosophiques administraient des cités grecques, dit Jean-Louis Brunaux. C’est, entre autres choses, ce qu’il pense trouver en Gaule avec les druides. » Un siècle et demi avant Lucain et Suétone, les druides gaulois pouvaient donc aussi être considérés par les philosophes grecs comme des alter ego. Hélas ! Le récit complet de Poseidonios est perdu ; il faut se fier à ce qu’en laissent filtrer les auteurs ultérieurs qui l’ont lu, dont César. Les druides, écrit le proconsul, « apprennent par coeur, à ce qu’on dit, un grand nombre de vers : aussi certains demeurent-ils vingt ans à leur école. Ils estiment que la religion interdit de confier ces cours à l’écriture, alors que pour le reste en général, pour les comptes publics et privés, ils utilisent l’alphabet grec ». César ajoute qu’ils « discutent abondamment sur les astres et leur mouvement, sur la grandeur du monde et de la Terre, sur la nature des choses » qu’ils cherchent à « établir que les âmes ne meurent pas mais passent après la mort d’un corps dans un autre ». Il les crédite donc d’un pouvoir politique exorbitant, excédant de loin la seule régulation des pratiques religieuses. Ces druides, «commandés par un chef unique » et qui se réunissent une fois l’an, « dans un lieu consacré, au pays des Carnutes» [près d'Orléans], arbitrent les différends entre particuliers ou entre la soixantaine de peuples qui forment cette mosaïque bigarrée qu’est alors la Gaule. « Si un particulier ou un Etat ne défère pas à leur décision, ils lui interdisent les sacrifices et cette peine est chez eux la plus grave de toutes », précise César. Mais tout cela était bel et bien révolu au moment de la Guerre des Gaules : sinon, César se serait inquiété des druides lors de ses opérations. Il n’en a rien été. Croyance dans la transmigration des âmes, prohibition de l’écriture pour conserver le secret de l’enseignement, initiation, pratique de l’astronomie, implication dans la vie de la cité : pour un esprit grec formé à la philosophie, ce qui est décrit là ne peut faire penser qu’à la doctrine du grand Pythagore (vers – 580/- 497), le « premier philosophe ». « De nombreux auteurs grecs se sont interrogés sur ces ressemblances frappantes entre les idées pythagoriciennes et celles des druides, explique Jean-Louis Brunaux. Certains se sont même demandés si Pythagore n’avait pas été instruit par des druides ! ». L’inverse est vrai, comme en témoigne saint Hippolyte qui, au IIe siècle de notre ère, écrit que « les druides, chez les Celtes, se sont appliqués avec un zèle particulier à la philosophie de Pythagore« . De même, Ammien Marcellin, vers 330/395, dernier grand auteur païen de l’antiquité, dit à propos des druides, qu’ils sont « formés dans l’oeuvre de Pythagore » et que leur esprit est « toujours tendu vers les questions les plus abstraites et les plus ardues de la métaphysique ». Ce lien pressenti entre les premiers cercles pythagoriciens et le druidisme pourrait-il être réel ? Pourquoi pas. Dès les plus hautes époques, les contacts entre le monde celte et la Méditerranée sont fréquents. « Via la colonie grecque de Phocée [Marseille], fondée au VIe siècle avant notre ère, les Gaulois du Sud étaient en contact quasi permanent avec le monde hellénique, dit M. Brunaux. Des influences ont pu transiter par là. » La conquête de la Gaule méridionale, quelque quatre siècles plus tard, en – 122, marquera le déclin du pouvoir druidique. C’est d’ailleurs depuis cette base arrière que César achèvera, soixante-dix ans plus tard, de soumettre tout le reste. Avec l’influence romaine croissante et le déclin des anciennes institutions, les connaissances des savants gaulois, transmises oralement, tombent peu à peu dans un oubli irrémédiable. Avouons-le : voilà qui est bien pratique ! Car il nous est bien difficile de croire à cette histoire de, savants celtes dissertant sur la longueur du méridien ou sur la course des astres. Les images formées par la bande dessinée, autant que par les manuels scolaires, sont trop fortes. Veut-on une preuve de l’étendue de ce savoir ? Il en existe – peut-être ! – une Elle pourrait être inscrite sur le fond d’un chaudron cultuel d’argent daté entre le IIe siècle avant J. C. et le tout début de notre ère.C’est le chaudron de Gundestrup, du nom de la commune danoise où il est retrouvé en 1891.Lesscénes représentées sur ses plaques latérales l’identifient sans aucun doute comme gaulois. En particulier, la présence de carnyx, longues trompes de guerre verticales, est sans équivoque. Sur le fond de cette cuve d’argent est figuré un grand taureau, entouré d’un lézard, d’un ours et d’un homme tenant une épée et talonné par un chien. De ces tableaux, il existe autant d’interprétations que de spécialistes. Mais la plus enthousiasmante est celle imaginée par l’ancien recteur d’académie Paul Verdier, l’astronome Jean-Michel Le Contel (observatoire de Nice) et l’archéologue Christian Goudineau. Pour eux, le fond du chaudron pourrait être une représentation du ciel ; il pourrait figurer une conjonction de constellations. Il y aurait celles d’Orion et du Petit Chien (l’homme armé suivi par le chien), du Taureau, du Dragon (le lézard), etc. Une telle conjonction astrale est-elle possible ? « Oui, répond Christian Goudineau. L’utilisation d’un logiciel ad hoc a montré qu’elle était visible depuis les latitudes moyennes de l’hémisphère nord autour de – 220 ». Or, à cette période, on sait qu’il s’est joué dans le ciel un événement capital pour les civilisations méditerranéennes : le Soleil cessa de se lever, il l’équinoxe de mars, dans la constellation du Taureau. L’ère astrologique commencée autour de – 4400 s’achevait, laissant la place à l’ère du Bélier. Dans le chaudron, l’animal est d’ailleurs agonisant. « A mon avis, le chaudron de Gundestrup figure la date à partir de laquelle les Celtes comptent le temps » dit Paul Verdier. L’origine de leur calendrier en somme ». Le chaudron représenterait donc l’aspect du ciel près de vingt siècles avant sa fabrication ! Venant d’astronomes grecs ou mayas, de telles prouesses n’étonnent pas. Venant des druides, elles soulèvent l’incrédulité. Ces mages gaulois ne seraient-ils pourtant pas en définitive, des savants comme les autres ?

     http://www.propagandes.info/blog/

     

    A lire : Les druides de Jean Louis Brunaux, Seuil 2006. César et la Gaule, C. Goudineau, Seuil, Point histoire 2000. Un calendrier celtique, le calendrier de Coligny, Paul Verdier et Jean Michel Le Contel, Errance 1998.

  • Les Enfants des Terreaux ne veulent ni de la loi Taubira ni de l'union civile

    6a00d83451619c69e2019101e3aa64970c-800wi.jpg
    Communiqué des Enfants des Terreaux suite au discours de Frigide Barjot le 5 mai à Lyon :

    "Les Enfants des Terreaux, bien que n'étant pas à l'origine du mouvement, soutiennent les jeunes lyonnais qui ont rappelé bruyamment ce dimanche place Bellecour qu'ils exigeaient le retrait de la loi Taubira, rien d'autre et surtout pas le Cucs. L'action des Enfants des Terreaux, depuis toujours commune avec celle de la Manif Pour Tous, consiste uniquement à défendre le Mariage et la famille naturelle en exigeant l'abandon du projet de Mariage pour tous qui confisque à l'enfant le droit d'avoir un père et une mère et à connaître ses origines. Ils refusent, par conséquent, ce mauvais compromis, vilainement appelé Cucs, qui consiste, en réalité, à renoncer à mener la bataille jusqu'au bout en proposant au gouvernement un "Mariage Pour Tous Light". Ils voient dans cette promotion du Cucs, une vulgaire manoeuvre politicienne qui aboutira quand même par dénaturer l'institution du mariage et souiller notre Code civil."

    Michel Janva  http://www.lesalonbeige.blogs.com/

  • 3 juillet 1940 : perfide Albion

    Au matin du 3 juillet 1940, il fait très beau à Mers el-Kébir. Dans cette vaste et solide base navale, à la périphérie d'Oran, - l'escadre de haute mer de la marine française a trouvé refuge, conduite par les cuirassés Dunkerque et Strasbourg. Les marins français ont vu avec étonnement une armada se présenter, à six heures et demi, au large de Mers el-Kébir. A 10 h 10, le commandant du Strasbourg reçoit de l'Amirauté un inquiétant message : « Flotte anglaise venue proposer un armistice inacceptable. » D'autant plus inacceptable qu'en fait d'armistice, il s'agit plutôt d'une reddition pure et simple ... Partie de Gibraltar, croise au large une force composée des cuirassés Hoad, Valiant, Resolution, du porte-avions Ark-Royal, de deux croiseurs et onze destroyers. Son chef, l'amiral Somerville, a reçu de Londres mission d'enjoindre à la flotte française de se rendre aux forces britanniques : « Les navires français doivent accepter nos conditions, ou se saborder ou être coulés avant la nuit. »

    La flotte française était le cauchemar de Churchill. Dès le 12 juin, il avait pris l'amiral Darlan à part pour l'adjurer de ne jamais céder la flotte aux Allemands. Darlan avait eu un haut-le-cœur : cela allait de soi et il fallait être Anglais pour en douter... Sa parole néanmoins donnée, il l'avait renouvelée le 18 juin, accompagnée de celle du maréchal Pétain. Churchill avait même pu prendre connaissance des ordres secrets envoyés par Darlan pour le sabordage éventuel des navires français.

    Faisant fi de ces engagements, Churchill prépare, dès la semaine qui suit la signature de l'armistice franco-allemand, une opération de grand style, baptisée «Catapulte», destinée à anéantir la flotte française. C'est donc en application des ordres de Londres que l'amiral Somerville transmet à son homologue français, l'amiral Gensoul, un ultimatum volontairement conçu en termes inacceptables.

    Sur les navires français encore à quai, les - salves pleuvent à partir de 17 h 54. Tirées par des «alliés» qui ont déjà royalement laissé tomber les Français à Dunkerque ... Le Bretagne et le Provence, touchés à mort sont en flammes et coulent. Les explosions se succèdent et une épaisse fumée couvre d'un voile de deuil l'agonie - des Français. Le Dunkerque s'échoue. Seul le Strasbourg parvient à forcer le passage pour gagner la haute mer, en dépit des attaques répétées des avions torpilleurs partis de l'Ark Royal. Les cadavres de plus de 1 300 marins français, assassinés par la traîtrise anglaise, gisent à Mers el-Kébir. Ce ne seront pas les derniers de la guerre...

    De Londres, de Gaulle fait un discours pour justifier la destruction des navires français : « L'ennemi les aurait un jour employés soit contre l'Angleterre soit contre notre propre Empire. Eh bien ! je dis sans ambages qu'il vaut mieux qu'ils aient été détruits. »

    Henri Béraud dénonça, avant et pendant la guerre, la duplicité anglaise. Ce qu'on ne lui pardonna pas : il fut condamné à mort en 1945 et la vraie raison de cette condamnation est la publication, en 1935, d'un talentueux réquisitoire intitulé Faut-il réduire l'Angleterre en esclavage ? où il rappelait : « John Bull n'a qu'une politique : celle de ses banquiers et de ses marchands ; les droits et les besoins d'autrui n'ont, au regard de la Cité, pas plus d'importance que la peau d'un Boer ou le ventre creux d'un Hindou, c'est-à-dire qu'ils n'en ont exactement aucune. »

    ✍ Pierre VIAL National Hebdo du 30 juin au 6 juillet 1994

  • Nos ancêtres les Gaulois – par Stéphane Foucart (2)

    II- Une certaine idée de la guerre

    Les troupes de Vercingétorix sont dépeintes comme farouches et indisciplinées, ignorantes de l’art de la guerre et étrangères à l’ordre et à la rigueur. Même s’ils osnt largement erronés, ces stéréotypes imprègnent profondément l’imaginaire national.

    Chariot Nervien avec escorte

    Chariot nervien avec escorte

    « La rigueur germanique aura-t-elle raison de l’audace française ? « . Un journaliste de radio décrivait en ces termes, mi-juin, la compétition entre une Audi et une Peugeot engagées dans les 24 heures du Mans. Quelques mots qu’on écoute sans qu’ils ne nous heurtent. Et pour cause : ils donnent à entendre une idée si habituelle, si consensuelle, qu’elle pourrait être inscrite au patrimoine national. Nous autre, Français, sommes une nation farouche, dit-elle en substance. notre talent et notre intrépidité suffisent parfois à pallier à notre peu d’organisation. sur la piste du Mans, comme dans les aventures d’Astérix, la même dramaturgie est à l’oeuvre. D’un côté la « rigueur », l’ordre des légionnaires en uniforme, de l’autre « l’audace », une somme bruyante de courages individuels, une foule désordonnée qui percute le carré des Romains pétrifiés. Dans l’antiquité, les auteurs grecs et romains produisent quantité de textes sur ce thème. C’est presque un genre littéraire à part entière : force brute, folie furieuse contre violence légale et policée. L’historien grec Polybe (vers – 205 – 126) en donne un bel exemple dans une description – de seconde main – de la bataille de Télamon, en – 225. « L’aspect de l’armée gauloise et le bruit qui s’y faisait gluaçaient [les Romains] d’épouvante, écrit-il. Le nombre des cors et des trompettes était incalculable (…). Une chose non moins effrayante, c’était l’apparence et les mouvements des hommes nus placés au premier rang: ils étaient tous d’une force et d’une beauté extraordinaires, tous parés de colliers et de bracelets en or. » Ces descriptions sont-elles crédibles ? La pensée antique oppose l’ordre de la civilisation au désordre de la barbarie, dit l’archéologue Michel Reddé (CNRS), coauteur des dernières fouilles d’Alésia. Il n’est pas très étonnant qu’ils mettent leurs adversaires dans la seconde catégorie ! Bien sûr, les descriptions de ces guerriers gaulois, nus sur le champ de bataille, nous évoquent des peuples encore proche de l’état de nature. Des hommes qui se jettent dans la mêlée avec une fougue animale et un équipement rudimentaire. Des hommes qui ignorent tout de l’art de la guerre. Et pourtant ! « on sait que les Gaulois ont été des mercenaires extrêmement efficaces et professionnels, raconte l’archéologue et historien Christian Goudineau (Collège de France). Toutes les armées voulaient leur contingent de Gaulois ! Nous avons un texte qui nous dit que pour une campagne, à l’époque hellénistique, une troupe de 1000 cavaliers et de 4000 fantassins gaulois est payée en or, pour un montant de l’ordre de la tonne. » En bons professionnels, ils disposent de l’équipement « dernier cri » : ce sont eux ,qui inventent la cotte de mailles, vers le IVe siècle avant notre ère. Du coup, on comprend que la nudité sur le champ de bataille est rituelle: elle est l’apanage « des guerriers d’élite qui se placent au premier rang pour impressionner l’ennemi et montrer leur mépris de la mort », dit M. Reddé. Pour « nos ancêtres les Gaulois », la guerre est d’autant moins synonyme d’anarchie qu’elle s’inscrit, selon l’archéologue et historien Jean-Louis Brunaux (CNRS), dans un ensemble de codes et de rites complexes. Pour en saisir quelques-uns-dans toute leur étrangeté- rien de tel que raconter une bataille. Une boucherie formidable perpétrée vers – 260 dans le nord de la Gaule. Et ce ne sont pas des Grecs ou des Romains qui en font la relation : l’affrontement se joue entre des Armoricains – comme Astérix! – et des Ambiens, des Gaulois belges installés depuis peu de ce côté-ci du Rhin… Qui raconte, alors, puisque ni les uns ni les autres n’ont consigné leurs démêlés par écrit? Ce sont les vestiges archéologiques mis au jour dans les années 1960 sur la commune de Ribemont-sur-Ancre (Somme), sur ce qui est considéré comme l’un des plus vastes sanctuaires gaulois du IIIe siècle avant J.-C. Des enclos remplis de milliers d’ossements humains, de centaines d’armes, des monnaies… Que disent les vestiges ? Pour des questions territoriales, une grande bataille éclate entre Ambiens et Armoricains. Ces derniers sont lourdement défaits. Après l’affrontement, les Ambiens transportent les cadavres – les leurs et ceux de leurs vaincus à quelques centaines de mètres de la plaine sur laquelle les deux tribus se sont massacrées. Ils érigent un sanctuaire. Les corps des défunts des deux camps sont exposés dans des enclos séparés. Pendant plusieurs années, plusieurs décennies peut-être, les Ambiens reviennent au sanctuaire et accomplissent une manière de rituel commémoratif. Ils outragent les restes de leurs vaincus: ils prennent des ossements, pour les broyer, les brûler et en placent les esquilles dans des ossuaires disposés dans les coins de l’enclos… Cité par Diodore de Sicile, Poseidonios d’Apamée (- 135/ – 51) rapporte que « au sortir du combat [les Gaulois] suspendent à l’encolure de leurs chevaux les têtes des ennemis qu’ils ont tués et les rapportent avec eux comme trophée. Un rite guerrier qui correspond bien aux découvertes de Ribemont: malgré les centaines de cadavres entreposés et « traités » sur le sanctuaire, aucun crâne n’y a été retrouvé… Certains exégètes de l’oeuvre de Goscinny et Uderzo voient d’ailleurs dans la manie d’Obélix à collectionner les casques, une métaphore aimable de cette terrible habitude gauloise. « Poseidonios nous dit aussi que les guerriers remettaient le corps de ceux qu’ils venaient de tuer à leur servant d’armes que celui-ci emportait en procession solennelle, explique Jean-Louis Brunaux, qui a mené les dernières fouilles sur le site. Il ne précise pas où, mais c’était sans doute dans des sanctuaires comme celui-ci. » Quant à l’étude des ossements retrouvés sur le site, menée par Jannick Ricard, légiste et praticien au CHU d’Amiens, elle en dit long sur la force physique des belligérants – certains atteignent 1,90 m – et sur la qualité de leurs armes. Certains os longs, fémur ou tibia, ont été tranchés net, d’un seul coup d’épée. On comprend pourquoi, à Rome, à l’époque de la République, leurs incursions en Italie suscitent la terreur. Ils prennent la ville éternelle en -389 et rançonnent la population. Un siècle plus tard, une coalition gauloise parvient jusque dans le nord de la Grèce, en – 279, crime suprême et impardonnable contre le monde « civilisé », le sanctuaire panhéllénique de Delphes est mis à sac. Reste une question. Comment pareils soldats ont-ils pu, en dépit de leur écrasante supériorité numérique, s’incliner devant Rome ? « Du IVe au Ie siècle avant notre ère, le mouvement général, en Gaule, est à une démilitarisation de la société » dit Jean Louis Brunaux. Ceux que rencontrent César dans les années – 50 ne sont plus les Gaulois de Télamon ou de Ribemont, qui combattent nus et s’arrachent les membres d’un coup d’épée. Mais il y a aussi des aspects bêtement techniques… Revenons en – 51. Vercingétorix vient d’être battu à Alésia. Toute la Gaule est occupée. Toute ? Non ! Un village peuplé d’irréductibles Gaulois résiste encore et toujours à l’envahisseur. « Après Alésia, la guerre est considérée comme achevée, raconte Matthieu Poux (université Lyon II). César emmène Vercingétorix à Rome et prépare son triomphe. Mais un évènement imprévu survient : un peuple gaulois du sud ouest, les Cadurques, tente un ultime sursaut. César y envoit Caninius, l’un de ses lieutenants pour mâter la rébellion« . Mais celle-ci est tenace. D’autant que les Gaulois peuvent tenir longtemps : ils disposent d’une source au pied de leur place forte. De retour en Gaule, César se rend sur place et mène le siège. « Il fait construire une grande tour en bois du haut de laquelle les artilleurs bombardent littéralement les assiégés de projectiles, à chaque fois qu’ils vont se ravitailler en eau, raconte M. Poux. Puis il fait percer la montagne sur laquelle est juchée la ville, pour détourner la source en question. Le sapeurs romains y parviennent ;les Gaulois doivent se rendre ». Le proconsul laisse la vie sauve aux insurgés. Mais leur fait couper les mains. Au Puy d’Issolud (nom moderne d’Uxellodunum), on a retrouvé les galeries des sapeurs de César, creusées dans la roche. Les fouilles menées par Jean-Pierre Girault ont permis d’exhumer d’impressionnantes quantités de projectiles. « Un détail frappant sur les grands sites de bataille de la guerre des Gaules, est que dans le corpus des armes retrouvées, on a 90 % d’armes de jet et de projectiles romains, explique M. Poux. Des traits de catapultes, des boulets de baliste, des pointes de flèches à barbelure ou des balles de fronde en plomb qui fusent à 400 km/h et peuvent fracasser un crâne à plusieurs centaines de m de distance. » La victoire romaine fut-elle celle de l’artillerie et de l’art du siège ? Fut-elle banalement technologique ? Les images forgées de longue date nous ramènent plutôt à la victoire de l’ordre sur le désordre. D’où vient cette idée tenace ? « César commence La Guerre des Gaules en distinguant la Belgique, la Celtique et l’Aquitaine », dit M. Goudineau. Dans ces trois ensembles, il décrit des peuples de langues et de coutumes différentes. « Puis à mesure qu’il rédige, une sorte de nation gauloise se dégage, qui s’incarnera en la personne de Vercingétorix… » Alors ? Alors peut-être les Gaulois – mot forgé par les Romains – n’ont-ils jamais existé en tant que tels. A dire « les Séquanes se battent contre les Arvernes » ou « les Eduens s’affrontent aux Helvètes » au lieu de dire « les Gaulois se battent entre eux », on cesserait d’associer désordre et désunion à « nos ancêtres les Gaulois ». Et on cesserait de penser que les automobiles allemandes sont plus fiables que les françaises.

     http://www.propagandes.info/blog/

    A lire Le Dossier Vercingétorix, de Christian Goudineau, Actes Sud-Errance, 2001. Nos ancêtres les Gaulois, de Jean-Louis Brunaux, Seuil, 2008.

  • Nos ancêtres les Gaulois – par Stéphane Foucart

    I- « Vous avez dit ‘chevelue’ ?

    La mer est d’un côté et la forêt de l’autre. Le village d’Astérix est ainsi : planté entre deux mondes sauvages et indomptés. Quoi de plus normal ? Parce qu’il est réputé primitif, le Gaulois doit vivre en harmonie avec les forces de la nature. Au contraire, les camps romains d’Aquarium, Babaorum, Laudanum et Petitbonum campent leurs belles palissades sur une prairie bien dégagée… En quelques vignettes, Goscinny et Uderzo ont tout résumé. Aux uns, moustachus et sylvestres, la vie simple et fruste. Aux autres l’administration et l’ordre, l’organisation et la rectitude en toutes choses. Rome est déjà entrée dans la modernité que la Gaule semble s’être arrêtée à l’aube du néolithique. Pas d’élevage, pas d’agriculture. Ou si peu. Avant leurs agapes, « nos ancêtres les Gaulois » doivent s’enfoncer dans les profondeurs de la forêt pour en ramener du gibier… du sanglier, bien sûr. « Goscinny était un génie et à sa manière, un homme de grande érudition, une véritable « éponge », dit l’archéologue et historien Christian Goudineau, titulaire de la chaire des antiquités nationales du Collège de France. La plupart des images avec lesquelles lui et Uderzo ont imaginé ‘leurs’ Gaulois viennent des vieux manuels scolaires et en particulier du Petit Lavisse rédigé à la fin du XIXe siècle« . Oeuvre de l’historien Ernest Lavisse (1842/1922), grande figure intellectuelle de la IIIe République, le livre était destiné aux écoliers d’une dizaine d’années ; des millions d’entre eux l’ont eu entre les mains. Christian Goudineau en a exhumé quelques passages éloquents: « Le sol de la Gaule était mal cultivé. On n’y voyait presque point de routes et point de villes. La terre était presque entièrement couverte de forêts et les Gaulois, encore barbares, vivaient dans des chaumières sombres et basses, perdues au fond des bois. » Déprimant tableau. Au chapitre du dédain, Le Petit Lavisse n’a rien à envier aux Romains. Eux qui, dans les années qui suivent les campagnes de César, parlent de la «Gaule chevelue » (Gallia comata) pour évoquer le territoire gaulois entre – 58 et – 51. «L’expression concerne en réalité les populations, décrites avec un peu de mépris comme portant longs leurs cheveux, explique l’archéologue Matthieu Poux (université Lyon-II), mais il en est resté l’idée d’une terre gauloise mal défrichée, encore couverte par la forêt ». Voilà comment d’un mot on fabrique une histoire. Mais c’est bien d’une fable, qu’il s’agit. Non seulement cette affaire de barbares tapis dans les forêts est démentie par nombre d’auteurs de l’Antiquité, mais les preuves accumulées par l’archéologie sont sans appel. Au milieu des années 1950, un jeune archéologue et pilote amateur survole la Picardie. Roger Agache n’a d’autre but que d’observer, du ciel, la campagne de cette région qu’il aime tant. Il est né à Amiens, en 1926. De la cabine de son monomoteur, il remarque bientôt des traces dans les champs et les prairies. Tantôt claires, tantôt sombres. De grandes figures géométriques plus ou moins régulières, dues à de subtiles variations de la couleur du sol ou à des anomalies de croissance des céréales. Il prend d’innombrables clichés et, au sol, les sondages montrent que les traces claires dessinent généralement les structures de villas gallo-romaines. Quant aux lignes sombres, elles marquent l’emplacement de fossés, remblayés à de plus hautes époques, qui délimitent des sanctuaires gaulois ou encore des exploitations agricoles. Le territoire apparaît maillé de ces fermes gauloises, de leurs champs, de leurs enclos, de leurs prairies ; voilà qui laisse déjà moins de place à la forêt. Mais ce n’est pas tout. Car le corollaire animal de la forêt, le sanglier, si cher à Obélix, est étrangement absent des restes de boucherie exhumés des sites gaulois. « On le cherche en vain, s’amuse l’archéo-zoologue Patrice Méniel (CNRS, université de Bourgogne). En général, les ossements de gibier représentent environ 1 % des restes animaux retrouvés. Et il s’agit alors généralement de lièvres ou de cerfs, beaucoup moins de sangliers. » D’où diable, alors, vient la légende ? « Je me suis amusé à reprendre les données d’une fouille menée au XIXe siècle, ce qui était possible puisque les ossements retrouvés avaient été conservés au Musée de Châtillon-sur-Seine (Côte-d’Or), raconte M. Méniel. Les comptes rendus mentionnaient des défenses de sanglier alors qu’il s’agit, sans aucun doute possible, de canines de cochon domestique. On avait fait une lecture orientée des découvertes, pour coller à l’image du barbare chassant dans les forêts profondes de la Gaule… » Les palynologues, qui étudient les pollens conservés dans la stratigraphie des sites archéologiques, peuvent être plus catégoriques encore. Les récents travaux de Catherine Latour-Argant (Archeodunum) ont, par exemple, montré qu’au premier siècle avant notre ère, pendant la conquête romaine, l’étendue de la forêt dans la plaine de Vaise (près de Lyon) était sans doute inférieure au couvert forestier actuel! « Ces résultats peuvent être extrapolés à la plupart des régions », assure Matthieu Poux. Il faut se le répéter pour y croire : la forêt gauloise n’était ni plus vaste ni plus profonde que la forêt française. Il reste une bizarrerie là-dessous. Pourquoi le XIXe siècle s’est-il empressé de déclarer les Gaulois « nos ancêtres », sans pour autant se départir-et même en forçant le trait de la condescendance de Rome ? Tout commence au siècle précédent. « Dans les années 1760, un certain James Mc Pherson prétend avoir recueilli, via les traditions orales des landes du Pays de Galles, d’Ecosse et dIrlande, les poèmes d’un barde et grand guerrier du nom d’Ossian, qui aurait vécu au III° siècle, raconte Christian Goudineau. Il donne de ces prétendus fragments poétiques celtes une traduction en langue anglaise et c’est aussitôt un succès foudroyant dans toute l’Europe. De ce qu’on a appelé ‘l’ossianisme’; avec druides, landes, forêts et tutti quanti, est né le préromantisme ». Jusqu’à ce subit intérêt, les Celtes dont les Gaulois forment, dans la terminologie romaine, le rameau continental n’avaient guère inspiré ni les auteurs ni les historiens… Quelques années après le « coup éditorial » de Mc Pherson, c’est, en France, la Révolution. En 1789, dans son célèbre Qu’est ce que le tiers état ?, l’Abbé Sieyès oppose le peuple, issu des Romains et des Gaulois, à la noblesse, issue des Francs : de la France à la Gaule, un lien de filiation, encore ténu, se dessine. Vingt ans plus tard, Chateaubriand, influencé par l’ossianisme, écrit Les Martyrs, roman qui met en scène l’amour impossible entre un jeune officier romain converti au christianisme et Velléda, fille d’un grand druide d’Armorique… Ce livre a mis l’Europe entière sous le charme de cette jeune druidesse et d’innombrables oeuvres de toute nature, plus ou moins réussies, se sont inspirées de son personnage », précise l’historien. Ensuite ? « En 1828, Amédée Thierry (1797-1873) écrit une Histoire des Gaulois qui reprend toutes les sources antiques et fait de Vercingétorix un héros romantique : jeune, généreux, tombant avec panache sous des forces épouvantablement oppressives, poursuit M. Goudineau. Peu après, vers 1830, l’historien Henri Martin (1810-1883) invente, dans son Histoire de France, une nouvelle narration qui ne s’appuie plus sur la succession des rois et des dynasties, mais sur de grands personnages qui incarnent, à un moment donné, l’idée de la nation. Comme Jeanne d Arc, Louis XI, etc. Et bien sûr Vercingétorix ». L’idée est géniale. « Elle produit des images des images d’une force considérable qui nous imprègnent encore aujourd’hui. C’est sans doute cela qui a permis l’existence de quelque chose d’aussi français que le « gaullisme ». » C’est cela aussi qui fait du prince gaulois battu à Alésia une incarnation de la France. Pendant que Vercingétorix et avec lui « nos ancêtres les Gaulois » s’installent dans les consciences, la France a les yeux tournés vers la Prusse. Dans ce qui n’est encore qu’un affrontement de nationalismes, il faut faire remonter les ancêtres de la nation le plus loin possible. Il faut, aussi, convoquer l’histoire pour justifier l’étendue de son territoire. « Nos ancêtres » seront donc les Gaulois. Eux qui fournissent le premier héros; eux qui vivent dans un pays dont César, lui-même, a fixé l’extrémité orientale au Rhin. Mais il y a un hic. Car si la France est la Gaule… alors elle est bâtie sur les ruines d’Alésia. Sur une déroute ! Et pour pouvoir s’en féliciter, il a bien fallu que « nos ancêtres les Gaulois » aient été inférieurs à leurs vainqueurs – qu’ils aient été des rustres, habitant dans les bois. Pour être ancienne et légitime, la France doit être gauloise. Pour être civilisée et civilisatrice, elle doit être romaine. Gauloise et romaine. Gallo-romaine. Ce terme nous semble familier mais, rappelle M. Goudineau, « la France est le seul pays qui ait forgé cet admirable ‘gallo-romain’ : les Espagnols ne disent pas plus ‘ibéro-romain’ que les Allemands ne disent ‘germano-romain’ ». Cette dualité, enseignée aux petits Français depuis leur plus jeune âge, est un legs intangible, mais cardinal. Il en découle peut-être ce sentiment diffus que d’une défaite peut naître un bien, ce fut très utile au maréchal Pétain, ou cette affinité si singulièrement française avec les perdants magnifiques, ceux qui échouent avec panache comme Vercingétorix ou… Poulidor.

    http://www.propagandes.info

     

     A lire Par Toutatis ! Que reste-t-il de la Gaule ?, de Christian Goudineau, Seuil, 2002. L’archéologie aérienne en France. Le passé vu du ciel », sous la direction d’Henri Delétang, éd. Errance, 1999. Les Gaulois et les animaux, de Patrice Méniel, éd. Errance, 2001.