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  • Agriculture et écologie : cap vers la réconciliation !

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    3191941631.jpgL’écologie semble être devenue omniprésente. En fait, il faudrait plutôt parler d’environnementalisme et/ou de Shallow Ecology dans le pire des cas (c’est-à- dire en français « écologie superficielle », soit le contraire de la Deep Ecology – ou écologie profonde – popularisée par le penseur norvégien Arne Naess). Cette écologie-là, c’est celle du développement durable, de la COP 21, des bons sentiments bobos et de tous ceux qui croient que l’on peut concilier écologie et croissance. La question écologique entre en considération dans de nombreux domaines, comme c’est le cas pour la croissance économique. Sauf qu’il y a plus important que le PIB dans la vie ! Dans un soucis de santé et de respect de l’environnement, une remise en question sur les relations écologie/agriculture nous semble primordiale.

    Dès qu’on se penche sur la question agricole, celle-ci rentre a priori en collision avec l’impératif écologique. En effet, suite à la fameuse « Révolution verte », l’agriculture majoritaire en France et en Europe est devenue productiviste. Ses principes et ses méthodes répondent avant tout aux lois du marché, et ce, au détriment des agricultures. D’ailleurs il suffit de suivre l’actualité pour constater la détresse et le mécontentement du monde agricole. Rien de bien nouveau cependant. Les mouvements de contestations paysannes, des jacqueries aux « Chemises vertes » d’Henri Dorgères (1897 – 1985), parsèment l’histoire de France. L’épreuve annuelle du Salon de l’agriculture effraie plus d’un président de la République française. Le résultat final tient de la catastrophe : l’environnement est meurtri pour fabriquer en masse de la nourriture qui ne nourrit plus, au détriment de la santé des agriculteurs et de la nôtre.

    Agriculture et écologie sont-ils inconciliables ? Ou plutôt irréconciliables ? À lire le Manifeste pour une agriculture durable de Claude et Lydia Bourguignon, une solution réaliste redevient possible. Ce couple de microbiologistes qui a quitté l’INRA en 1989 a pour cheval de bataille la restauration des sols qui se trouvent selon eux dans un état calamiteux. Ils sont les auteurs d’un livre très complet sur le sujet (1); mais, conscients de l’aspect politique de la chose, l’écriture d’un opuscule direct et sans langue de bois devenait sans doute urgent.

    Dans l’introduction, le couple Bourguignon montre qu’il a compris d’où vient le problème. « Le modèle de la mondialisation a créé une inégalité insupportable entre les mégalopoles qui s’enrichissent et les campagnes qui se désertifient et s’appauvrissent (p. 11) », propos qui rejoint celui de Christophe Guilluy. Ils ajoutent qu’« il faut soumettre la mondialisation aux lois universelles qui gèrent l’environnement et donc l’agriculture (p. 15) » en plaidant notamment pour un programme agricole mondial, écueil typique d’une certaine écologie il est vrai. « L’agroécologie doit servir de socle à la politique mondiale agricole (p. 65). » Paradoxe des altermondialistes qui prônent le respect des particularismes mais ne peuvent s’empêcher de raisonner de manière unilatérale… Nous pourrions également nous interroger sur le sens du terme « mondialisation » employé par les auteurs. Entendent-ils par-là la somme des procédés techniques permettant des échanges de flux à travers le globe en un minimum de temps, ou alors, le mondialisme en tant qu’idéologie cosmopolite qui prône un village global peuplé de « citoyens du monde » ? Sûrement les deux en fait, car les deux concepts ne se contredisent nullement; mieux ils se complètent. Au final Claude et Lydia Bourguignon s’orientent plus vers un altermondialisme naïf et plein de bons sentiments qu’autre chose…

    Nous mentionnions plus haut la « Révolution verte », chamboulement de la conception d’agriculture qui résulta via une évolution technique – une involution serait un terme plus adéquat – à la possibilité productiviste. Qu’est-ce qu’en définitive que la « Révolution verte » ? Elle consiste en la reconversion en produits phytosanitaires principalement de produits destinés à l’armement et à la guerre. « À la sortie de la guerre, l’industrie militaire trouve dans l’agriculture le recyclage civil de ses produits. Les nitrates des bombes deviennent les engrais, les gaz de combat les pesticides, les barbelés remplacent les haies dont les arrachages sont subventionnés et les tanks sont transformés en tracteurs qui supplantent les attelages de chevaux. Ce processus se répète encore plus violemment après la Seconde Guerre mondiale, avec le plan Marshall qui déverse dans l’agriculture française le matériel recyclé des USA (p. 18 – 19). »

    L’usage d’engrais, mais aussi l’irrigation et le labour des sols vont se révéler catastrophiques pour ces derniers. La monoculture intensive épuise littéralement la terre qui, du coup, s’appauvrit au niveau de sa faune et des micro-organismes comme les champignons, dont la présence est capitale. Les auteurs constatent également un autre type de pollution des sols, à savoir « les fosses septiques, le tout-à-l’égout et la méthanisation (p. 23) ». En effet, autrefois les déchets organiques que nous produisions retournaient à la terre; dorénavant cette matière organique fait défaut aux sols.

    Autres phénomènes préoccupants : le bétonnage des terres agricoles et leurs achats par des pays et/ou firmes étrangères. « En France, nous bétonnons un département tous les sept ans. Pendant cette période, nous augmentons de 2 millions d’habitants et nous retirons à la France une surface agricole capable de nourrir 1,5 millions de citoyens. Cela nous éloigne chaque année de la possibilité d’assurer notre sécurité alimentaire […]. Sur l’ensemble de la planète, ce sont 5 millions d’hectares qui disparaissent tous les dix ans sous le bitume et le béton (soit la surface de la France) au nom du “ progrès ” (pp. 25 – 26). »

    Enfin, il faut noter les problèmes liés à la spéculation sur les denrées alimentaires (Henry Dorgères dénonçait déjà ces pratiques durant les années 30) mais aussi le pouvoir des semenciers.

    Claude et Lydia Bourguignon, dans la deuxième partie de leur manifeste, proposent donc des solutions, fruits de leur études de microbiologistes. Elles s’inscrivent bien entendu dans une logique écologique, mais laissent de côté ces tartes à la crème que l’on nomme « développement durable » ou « capitalisme vert ». L’idée que se font les auteurs de l’agriculture a de quoi nous plaire. « Nous proposons, pour tenir compte de tous ces aspects, de définir l’agriculture comme étant une gestion, présente et future, d’un écosystème naturel, en vue de produire des aliments sains qui sont le reflet qualitatif et gustatif du “ Terroir ” (p. 37). » Vue à long terme, respect de la dynamique de la biosphère, enracinement et qualité, soit le contraire des logiques agricoles actuelles. La santé des sols est la spécialité des auteurs; il est donc logique qu’une partie du manifeste y soit consacré. Cependant nous ne rentrerons pas dans les explications purement techniques dispensées par Claude et Lydia Bourguignon. Ces dernières, accessibles et bien expliquées, synthétisent les mesures à prendre pour régénérer nos sols. Ils sont réalisables pour le particulier qui cultive son potager. En revanche, l’agriculteur devra repenser intégralement ses méthodes à une échelle supérieure. Les époux Bourguignon ne sont pas sots et le savent bien. Une aide à la transition agro-écologique restera à être définie. Ils en appellent aux politiques qui gèrent l’Hexagone. Malheureusement nous ne croyons pas que cet appel soit entendu, exception faite de quelques « écotartuffes » d’Europe Écologie – Les Verts

    Nous ne pouvons que souscrire au bon sens des auteurs. Le respect des sols – donc de leurs particularités – au sein d’un terroir, d’un pays comme dirait Bernard Charbonneau, s’inscrit en définitif dans la logique de ce que l’on peut appeler le biorégionalisme. Alors certes, l’altermondialisme des auteurs nous laisse de marbre. Nous lui opposerions plutôt une logique de grand espace européen autarcique, bien qu’il s’agisse, nous le savons, d’un vœu pieux. Le ton de l’ouvrage est de facture scientifique, bien que le propos soit accessible aux incultes des sciences agronomiques (ce qui est notre cas). Bien que nous le conseillons aux lecteurs, nous lui préférons volontiers le livre de Masanobu Fukuoka (1913 – 2008), La révolte d’un seul brin de paille (2), ouvrage datant de 1975, à la teneur plus « traditionnelle » dont le « non-agir » extrême-orientale est le maître-mot.

    Thierry Durolle

    Notes

    1 : Claude et Lydia Bourguignon, Le sol, la terre et les champs, Éditions Sang de la Terre, 2008, 224 p.

    2 : Masanobu Fukuoka, La révolution d’un seul brin de paille. Une introduction à l’agriculture sauvage, préface de Wendell Berry, Guy Trédaniel Éditeur, 2005, 202 p.

    • Lydia et Claude Bourguignon, Manifeste pour une agriculture durable, Actes Sud, 2017, 80 p., 9 €.

    http://euro-synergies.hautetfort.com/archive/2018/04/30/agriculture-et-ecologie-cap-vers-la-reconciliation-6047504.html

  • Il y a 50 ans… Actualité révolutionnaire de la grève sauvage généralisée de Mai-Juin 1968 en France et ailleurs… par Francis COUSIN (2e partie)

    « Les masses ont été à la hauteur de leur tâche. Elles ont fait de cette “ défaite ” un maillon dans la série des défaites historiques, qui constituent la fierté et la force du socialisme international. Et voilà pourquoi la victoire fleurira sur le sol de cette défaite. “ L’ordre règne à Berlin ! ” sbires stupides ! Votre “ ordre ” est bâti sur le sable. Dès demain la révolution “ se dressera de nouveau avec fracas ” proclamant à son de trompe pour votre plus grand effroi J’étais, je suis, je serai ! »

    Rosa Luxemburg, « L’ordre règne à Berlin », 1919

    Mai 68 commémoré par le spectacle de la marchandise ou comment ensevelir la radicalité de la lutte des classes…

    Dans ce champ de la crise de la domination réalisée de la valeur, la dématérialisation de la monnaie telle que Marx l’a fort bien anticipée singulièrement dans les Grundrisse et dans le Livre troisième duCapital vient dire que l’or ne pouvait servir de mesure des valeurs que parce qu’il est lui-même un produit du travail vivant. Le développement du Capital sur la base technicienne frénétique de la plus-value relative et sa crise remettent en cause la capacité du travail à valoriser le capital et donc à être la mesure de la production. La monnaie doit perdre son caractère de monnaie-marchandise mais cette perte est antagonique aux bases mêmes du Capital en tant que ce dernier est valeur en procès du procès de la valeur.

    L’abandon de l’étalon-or pendant la guerre vient signifier que l’entrée en domination réelle de la valeur en 1914 annonce la crise arrivée de la marchandise universelle en tant qu’équivalent général d’un monde d’automates sociaux sur-déterminés par le mouvement ascensionnel du travail mort, l’extension des marchés du crédit et le développement intensif du capital fictif. Les Accords de Bretton Woods qui dresseront les grandes lignes du système financier international mis en place après 1944 donneront alors à l’impérialisme américain le pouvoir reconnu de garantir la valeur du dollar mais sans être obligé d’avoir une contrepartie en or aux dollars émis. Les États-Unis, ne voulant pas voir disparaître leur encaisse-or, suspendront la convertibilité du dollar en août 1971. Le système des taux de change fixes s’écroulera définitivement en mars 1973 avec l’adoption du régime de changes flottants, c’est-à-dire qu’ils s’établiront dorénavant en fonction des seules déterminations générales du marché.

    La domination formelle se divise en deux phases, la première qui se termine au milieu du XIXe siècle et qui repose sur l’extraction exclusive de la plus-value absolue comme résultat du seul travail humain directement exploité. La seconde jusqu’en 1914 avec une première combinaison des deux formes de plus-value, mais avec prépondérance continuée de la plus-value absolue. Ainsi, si 1914 marque l’entrée dans la domination réelle du Capital qui se débarrasse de toutes ses antériorités pré-capitalistes en activant un procès de travail qui devient spécifiquement capitaliste, toute la période avant 1968 voit exister une combinaison des deux formes de plus-value, mais cette fois avec prédominance limitée de la forme relative comme résultat de la productivité du travail humain machinisé. À partir de 1968 et c’est là tout l’enjeu substantiel intense de ce moment dialectique, une seconde phase apparaît avec prépotence dorénavant absolue de la forme relative qui tend instrumentalement à tout digérer. Ce qui signale au niveau mondial que ce qui est posé fondamentalement par le fameux sixième chapitre du Capital à savoir que la production capitaliste devient là production et reproduction du rapport de production spécifiquement capitaliste s’auto-valide pratiquement en tant que le système de la réification des machines-outils automatiques est emblématique d’un univers à travers lequel l’usage intensif de la technoscience de l’aliénation se trouve en tout lieu diffusée. Autrement dit, 1968 ouvre la voie à l’entrée en domination réellesupérieure, c’est-à-dire à ce moment où commencent à travailler dans une nouvelle longue durée les conditions objectives de production du procès de caducité du fétichisme cybernétique de la marchandise lui-même.

    L’extraction de plus-value sous sa modalité relative, aussi bien au niveau du procès de production immédiat qu’à celui de la reproduction d’ensemble planétaire, est le principe de développement et de transformation de la domination réelle de la valeur. Tant au niveau de la production du procès de la valorisation qu’à celui de la valorisation du procès de la reproduction, se dessinent, au moment de la fin de la première phase de la domination réelle, des obstacles à la poursuite de l’accumulation telle que l’extraction de plus-value sous son mode relatif avait elle-même jusque là structuré le mouvement de l’accumulation. En cet instant où ce qui subsistait encore des restes de la domination formelle au sein même d’une domination réelle seulement formellement réelle était objectivement devenu une entrave intolérable à la fluidité démocratique de l’auto-présupposition dictatoriale du Capital, il était normal que toutes les vieilles contraintes de la circulation, de la rotation, de l’accumulation, de l’idéologie et de la domestication qui entravaient la transformation et l’accroissement du surproduit en plus-value et capital additionnel soient enfin supprimées. C’est là tout l’enjeu des contradictions de 68 qui dit tout à la fois ce que le Capital entend faire pour moderniser les conditions de subordination aux impératifs de la valorisation et la tendance historique à toujours voir renaître la radicalité qui refuse de jouer le jeu de la politique et de l’État. La France va là connaître, compte-tenu des spécificités de son long devenir historique de fièvre sociale vigoureuse, l’expression la plus exacerbée de toute une période de soubresauts internationaux, celle de la fin des années 60 en tant que fin de la domination réelle inférieure. La grève générale sauvage qui porte en elle l’émancipation du travail en tant que ce dés-enchaînement implique la disparition du travail et non son embellissement montre là que les pires ennemis du prolétariat parlent toujours la langue du travail émancipé donc maintenu et renforcé. Cette grève se singularise là autour de trois caractéristiques fondamentales nettement marquées :

    – Ce n’est pas un événement politico-social français accidentel mais une production internationale nécessaire qui témoigne crisiquement que le fétichisme de la marchandise est en train de devenir la seule unité réelle du monde.

    – C’est par delà le surgissement du mouvement étudiant contestataire issu d’ailleurs, lui-même, des contradictions sociales qui traversent la jeunesse ouvrière et paysanne, d’abord et avant tout un mouvement historique prolétarien en France puis en Italie, en Argentine comme en Pologne et partout ailleurs de par le monde des deux côtés du rideau de fer des complémentarités capitalistes de l’Est et de l’Ouest.

    – Cette lutte de classe tenace et étendue rend compte, d’une part, de la fin de la période de domination idéologique quasi sans partage du capitalisme d’État lénino-staliniste dans le contrôle politico-syndical du mouvement ouvrier notamment dans les pays du Sud de l’Europe et d’une remise en cause profonde des impostures de sa domination réalisée dans les pays de l’Est de cette même Europe et, d’autre part, le commencement marqué de perte d’influence des polices syndicales dans l’entreprise. Enfin, et c’est là que l’on va voir ressurgir des groupes maximalistes rappelant que le communisme est un monde sans argent ni État, ce qui avaient complètement disparu depuis des décennies de contre-révolution et la victoire complète du camp capitaliste démocratico-stalinien en 1945 qui écrase là tout à la fois ses frères ennemis de l’Axe mais qui élimine aussi et surtout tous les mouvements qui vont contre les intérêts des parcours de la nécessité marchande, des barricades de mai 37 à Barcelone aux conseils ouvriers de Budapest en octobre 56. C’est le retour de cetteradicalité pratique qui retrouve le sens théorique de ce qui permet d’entrevoir la communauté humaine anti-mercantile qui explique le foisonnement gauchiste, autrement dit le réformisme extrême de cette gauche de la gauche qui vient là dissimuler la véritable portée du réel pour amener les comités de grève et d’occupation à aller se perdre dans les mille fabulations de la gestion ouvrière de la prison salariale.

    Avec la gigantesque manifestation du 13 mai les syndicats voulaient en fait confectionner une grande déambulation étouffoir pour encadrer le mouvement et le canaliser vers les chemins de la mort lente. Sans mot d’ordre aucun, et à la surprise de tous les responsables de chaque camp capitaliste, la grève générale symbolique prévue pour le 13 mai ne s’arrête pas à ce jour-là. Le mouvement ne fait au contraire que s’étendre rapidement dans les jours qui suivent, c’est ainsi la première grève générale sauvage de l’Histoire contemporaine qui touche tous les secteurs : Michelin, Peugeot, Citroën, les ports, les transports, les banques et les mines jusqu’aux grands magasins (BHV, Samaritaine et Bon Marché…) en passant par l’ORTF et des milliers de petites et moyennes entreprises. Des grèves avec occupations d’usine spontanées se multiplient partout. La première a lieu à l’usine Sud-Aviation de Bouguenais le 14 mai. Ce sera à la fois le premier et le plus long des mouvements prolétaire de Mai 68, prenant difficilement fin le 14 juin. Le 22 mai, dix millions de salariés cessent de travailler. Les syndicats entièrement débordés par le déclenchement de cette grève spontanée reprennent petit à petit mais très laborieusement le contrôle du mouvement. Le refus par les grévistes sauvages de l’autorité de leurs syndicats de surveillance fixe la grève dans une situation de tensions contradictoires qui perdure jusqu’à la fin mai pendant qu’est ainsi finalement empêché, par l’enfermement usinier réformiste, que les ouvriers se reconnaissent ainsi des intérêts communs dans une lutte essentiellement humaine qui sans arrêt néanmoins avance et pose implicitement la question révolutionnaire de la récusation de la religion du travail.

    Dans tout le pays, la parole s’émancipe et devient aspiration vers le logos immanent de la radicalité humaine en repoussant à la fois le jargon politique et la parlerie aliénatoire de l’améliorantisme. La dynamique du dialogue critique se noue dans les rues, dans les campagnes, sur les barricades entre connus et inconnus et à travers toutes les générations, en permettant peu à peu le grand dé-voilement qui révèle que toutes les organisations bureaucratiques qui parlent de défendre les travailleurs s’opposent évidemment à toute action révolutionnaire puisqu’elles travaillent toutes exclusivement à la cohésion des forces de répression qui maintiennent le prolétariat dans la disposition de ne pouvoir précisément jamais s’auto-abolir.

    La situation étant visiblement de plus en plus dangereuse pour toutes les cliques de la Sainte-Alliance de la marchandise avec notamment la nuit marquante du 24 mai qui prit un tour franchementinsurrectionnel avec entre autres l’incendie de la Bourse, toute la gauche du Capital syndicale et politique va rapidement courir au chevet de l’État en soutenant l’idée d’un Grenelle social tel que proposé par Pompidou, le Premier ministre de l’époque. Puis, à partir du 27 mai, les dirigeants syndicaux en bons négociateurs du prix de la force de travail exploité, vont s’exténuer à faire la réclame du contrat de vente signé avec le gouvernement.

    C’est ici qu’intervient un des événements cruciaux pour le prolétariat et qui constitue du reste une leçon historique essentielle dont il doit toujours se souvenir. La CGT s’imagine pouvoir éteindre le feu social et présente aux grévistes les combinaisons de Grenelle comme une grande avancée. Elle se présente à Billancourt son fief de conditionnement préféré, « la forteresse ouvrière ». Or, à Renault Billancourt, Séguy, secrétaire général de la CGT, est massivement hué par les prolétaires en colère qui rejettent l’augmentation salariale de leur misère et les badigeonnages autour de la Sécurité Sociale et de l’âge de la retraite.

    Il faut là se rappeler que Renault Billancourt est la place forte la plus morbide de la CGT et qu’elle y fait régner son ordre manu militari. Il s’agit donc du dernier endroit où elle aurait pensé pouvoir être conspuée par des prolétaires intransigeants au regard de l’encadrement syndical énorme qu’elle y déploie. Et malgré tout cela c’est un accueil d’insubordination énorme qui lui est là réservé par une assemblée ouvrière résolument obstinée, indisciplinée et joyeuse.

    Cet événement a donc ici une énorme signification symbolique pour le mouvement du prolétariat en général.

    Partout ce fut la même histoire… Le fétichisme de la marchandise est un rapport social déterminé des hommes asservis par le marché des fétiches où la relation chosiste qui les lie prend la forme fantastique d’un rapport quantitatif de simples choses entre elles. Par la grève qui persiste et la réunion des hommes qui constamment dépassent ce qu’ils étaient avant pour donner naissance à une fermentation qui s’en va invariablement devant et sans cesse plus loin, cette évidence obligatoire cesse de l’être, excepté évidement pour les coteries et les gangs de la pensée cheffiste qui en tant qu’emplacement de production hiérarchiste de la pensée séparée, formeront bien logiquement le dernier territoire à vouloir défendre la réification. C’est pourquoi, la reprise ne se fait pas. Craignant des débordements encore plus acharnés, le 29 mai, le P«C»F et la CGT appellent une nouvelle fois à manifester pour mieux démoraliser la combativité persistante. 600 000 personnes descendent dans la rue, séquestrées dans le slogan faussaire de « gouvernement populaire ». La CGT s’ingénie par tous les moyens tordus à éteindre le mouvement et à le réduire progressivement à des rebondissements toujours plus modestes et inconsistants. Malgré tout, la grève perdure jusqu’au 4 juin à Renault Billancourt pendant que la veille une nouvelle occupation des gares s’est engagée à partir des cheminots à Strasbourg et à Mulhouse.

    Après de multiples manigances et combinaisons électorales arrangées dans le plus d’entreprises possibles et immanquablement truquées pour pousser, branche par branche, localité par localité, usine par usine, dans un isolationnisme savamment conduit, à accepter finalement le poids de la fatigue et de la résignation, le Diktat syndical de la reprise du travail va pouvoir s’imposer dans les méandres de la manipulation orchestrée par toutes les pègres de la responsabilité qui entendent sauver le système et donc leur propre existence. Alors que la base, depuis le 27 avait rejeté unanimement les accords de Grenelle, les syndicats – bloquant l’accès à toutes les discussions allant vers la vie anti-quantifiée – vont pouvoir laisser la place aux CRS afin de débusquer et repousser les ultimes séditions et indocilités de manière à éteindre ici et là les derniers brasiers du flamboiement de la Commune de 68.

    (à suivre…)

    Francis Cousin

    http://www.europemaxima.com/il-y-a-50-ans-actualite-revolutionnaire-de-la-greve-sauvage-generalisee-de-mai-juin-1968-en-france-et-ailleurs-par-francis-cousin-2e-partie/

  • Mai 68, la bacchanale des dupes

    Par Christian Tarente

    Politiquement, ce fut un vrai jeu de massacre : tout au long des « événements » de Mai 1968, les gagnants ont tous fini dans les cordes.

    Lancé par des groupuscules d’étudiants trotskystes, doctrinaires austères durement embrigadés, le mouvement s’amplifia à la faveur d’une vague anarcho-libertaire qu’ils vouaient aux gémonies. Et lorsque les vieilles organisations syndicales, obsolètes et minoritaires, tentèrent de reprendre la main, elles se virent doublées par la « base » qui, portée par ses rêves de bien-être, les entraîna au blocage total du pays. La gauche socialiste, enfin – avec Mitterrand et Mendès –, persuadée de pouvoir « surfer » sur la vague avant de ramasser la mise, dut assister, impuissante, au triomphe électoral du parti gaulliste. Triomphe lui-même éphémère : il préludait à la chute brutale, un an après, du général de Gaulle.

    En 1974, après la parenthèse pompidolienne, cette bacchanale des dupes allait connaître son ultime prolongement : l’élection de Giscard d’Estaing consacrera l’aboutissement des valeurs intimes de Mai 68. Son programme « décomplexé » – primauté de l’économique et libération des mœurs – célébrait les noces du libéralisme et de l’idéal libertaire. Sous le signe d’un libre-échangisme généralisé, l’extrémisme libéral embrassait l’illimitation du désir. Giscard, jeune surdoué convaincu d’avoir découvert la pierre philosophale de la politique, le nombre d’or de la « société libérale avancée », entendait mettre la France sur la voie du Progrès, identifiée à sa dissolution dans le conglomérat européen. Il lui a offert un veau d’or : la déesse Consommation devenait reine de France, vouée à l’adulation des foules.

    Et les choses se déroulèrent ainsi afin que s’accomplît la parole des prophètes : Maurras dans L’Avenir de l’Intelligence (1905) – « le règne de l’or, maître du fer, devenu l’arbitre de toute pensée séculière » – et Péguy dans L’Argent (1913) – « cet automatisme économique du monde moderne où nous nous sentons toujours plus étranglés par le même carcan de fer…»

    Aujourd’hui, le veau d’or est vainqueur, mais où est sa victoire ? Là où croît le péril, croît aussi ce qui sauve : au milieu des décombres de Mai 68, ne l’oublions pas, a aussi germé une profonde insurrection de l’esprit. 

    Christian Tarente

    http://lafautearousseau.hautetfort.com/

  • Mai 68 – Mai 2018

    4170074262.jpgPar Hilaire de Crémiers

    Dans la foule des 15 000 manifestants du défilé du 1er mai à Paris, la police a dénombré 1 200 « casseurs », venus dans l’unique intention d’en découdre, de régler leur compte avec la société et de causer le plus possible de dégâts. Les forces de l’ordre plus spécialement chargées de contenir et d’arrêter ces émeutiers ultra-violents se montaient à environ 1 200 hommes, des CRS, soit le même nombre que les « casseurs ». Pour le reste, en quelque sorte, la police habituelle suffisait. 

    Il n’est pas douteux que la Préfecture de police et le ministère de l’Intérieur ont donné des ordres pour éviter au mieux ce qu’il est convenu d’appeler « les dommages collatéraux ». C’est-à-dire des passants, autrement dit des manifestants « honnêtes » (!) ou des « curieux » se hasardant sur les lieux, qui pourraient être bousculés ou blessés à l’occasion de charges policières ou de heurts frontaux. Ce qui provoquerait aussitôt des hurlements d’indignation, l’indignation ne fonctionnant comme toujours qu’à sens unique ! La grande voix de Libération, entre autres, ne manquerait pas de se faire redoutable : le bourgeois anarchiste et gauchard adore le désordre, tant, bien sûr, que les coups ne l’atteignent pas.

    Donc, les cortèges se rassemblent librement. Il est connu d’avance par les réseaux sociaux et par les renseignements que l’ultra-gauche sera de la partie et mènera la danse. Le petit monde cagoulé du black bloc est au rendez-vous sans problème. Pas question de procéder à des arrestations préventives, contrairement à tous les usages de naguère. Et voitures de brûler, devantures d’exploser, magasins et établissements d’être saccagés, pillés, détruits. Et policiers et gendarmes d’être blessés : s’ils pouvaient être massacrés, ils le seraient.

    Le bon vieux défilé syndical, où le service d’ordre de la manifestation faisait lui-même la police, n’existe plus. C’est la raison pour laquelle, en dehors de la CGT et de Sud, il ne se pratique presque plus. Les risques de débordements sont trop importants. L’heure est à l’affrontement brutal. Des minorités s’essayent de plus en plus à créer soit des zones de non-droit, soit des journées insurrectionnelles. Jeux plus ou moins infantiles, plan concerté, excitation de l’imagination, désir d’un « jusqu’auboutisme » qu’on croit libérateur ; mélange de tout cela, sans doute. Jeunesse désœuvrée et livrée à toutes les propagandes ; société éclatée, privée d’autorités naturelles, toutes systématiquement détruites par la loi elle-même ; « communautarismes » flagrants qui s’étendent sur des villes entières et qui refusent la nation, qui récusent la France et tout ce qu’elle représente, et où l’islamisme règne en maître ; enseignement et médias qui ne cessent d’inspirer le mépris de l’histoire, de l’ordre, de la vraie famille, de la société traditionnelle…

    Bref, tous les fruits gâtés de mai 1968 s’accumulent en pourritures, du bas en haut de la société, en ce mois de mai 2018.

    Facultés, bientôt lycées, quartiers, villes – même avec leur maire et leur député de gauche, d’archi-gauche qui ont l’inconscient culot de s’en étonner ! –, maintenant zones entières de départements et de régions en sécession pratique où aucune police et aucun service d’Etat ne peut pénétrer. La aucun service d’État ne peut pénétrer. La situation est tenue en main, dit-on dans les hautes sphères pour se rassurer. Voire ! La fameuse convergence des luttes souhaitées par le bourgeois Mélenchon qui se fait plaisir à jouer le tribun de gauche, se feront tout autrement que ce que des imaginations politiciennes croient inventer. Qui, dans les banlieues, croit encore dans la République bourgeoise ?

    Pour le moment, Macron, en rappelant à l’ordre, pense ramasser une fois de plus la mise à son profit. C’est le calcul républicain. Mais chacun devine que tout peut échapper. A force de glorifier la révolution comme principe même de gouvernement, tous, de droite comme de gauche, ne font que rendre la France complice de sa propre destruction. Jusqu’où ?  

    Hilaire de Crémiers

    http://lafautearousseau.hautetfort.com/index-1.html

  • Zoom - Iskander Youssoupov : témoignage d'un ministre du Tatarstan

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    Michel Janva

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  • Politique magazine numéro de mai : « Mai 1968 - 2018 »

    Au sommaire de ce nouveau numéro :

    UN DOSSIER : Mai 68

    REFORME CONSTITUTIONNELLE : Que veut Macron ? 

    MOYEN-ORIENT : Ça ne fait que commencer

    Et aussi dans ce numéro…  54 pages d’actualité et de culture !

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