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  • La leçon, par Louis-Joseph Delanglade

     

    poutine TSAR.jpgIl se passe toujours quelque chose un 18 juin. Cette année, c’était le sommet du G8, en Irlande du Nord. Avec, en vedette incontestable, Vladimir Poutine.

    Bref florilège des titres de presse : « Poutine plus fort que les 7 autres réunis !» (Boulevard Voltaire), « Poutine résiste aux Occidentaux sur la Syrie » (Le Figaro), « Poutine glace le sommet nord-irlandais du G8 » (Libération), « Poutine fait plier le G8 » (tf1), « Vladimir Poutine seul contre tous » (francetv info), « Poutine fait cavalier seul » (france info), « Pourquoi Vladimir Poutine ne cède pas sur la Syrie » (Rue 89), etc. À une exception près (M. Jamet dans Boulevard Voltaire), tous les articles mentionnés conjuguent hostilité à M. Poutine et désarroi devant l’incapacité des « Occidentaux ».

    Le fait est que le président russe a fait prévaloir son point de vue sur la Syrie, contraignant ses interlocuteurs à une piteuse reculade. Comment et pourquoi cela a-t-il été possible ? M. Jamet estime avec raison que M. Poutine « savait ce qu’il voulait et qu’il voulait vraiment ». Une « âme forte » fera toujours plier une « âme faible », selon les propos de la Galigaï : M. Poutine serait ainsi une sorte de héros stendhalien infligeant aux nabots occidentaux la leçon qu’ils méritaient de recevoir.

    Mais cette explication, purement psychologique, n’épuise pas la dimension politique de la question. En fait, M. Poutine s’est montré à la hauteur de la situation pour faire avancer les pions de la stratégie russe. M. Haski l’a bien compris, qui écrit dans Rue 89 : « ce qui compte [pour M. Poutine], c’est le rapport de force international dans lequel la Russie tient la dragée haute aux Occidentaux ». À l’opposé, les chroniques piteuses et larmoyantes de nos journaleux ne sont que le révélateur de l’inconsistance et du vice congénital des régimes et dirigeants dits démocratiques, englués dans la contradiction entre les faits et l’idéologie. En l’occurrence entre la faute que constituerait une intervention contre M. Assad et la défense des prétendus droits de l’homme.

    Si M. Poutine « veut » et sait ce qu’il veut, c’est-à-dire la défense de l’intérêt russe, ce n’est pas le cas de tout le monde. Mis à part le retour à d’hypothétiques et toujours instables équilibres socio-économiques, peut-on sérieusement penser que M. Hollande veuille quelque chose ? Il pourrait au moins profiter de la leçon politique donnée par le président de la puissante Fédération de Russie. Et même - de concert avec M. Fabius, un peu trop enclin aux rodomontades dès qu’il s’agit de M. Assad - se demander s’il ne serait pas intéressant de nouer avec ce grand pays, pour l’essentiel « européen », et moins indigne de confiance que beaucoup d’autres, des liens un peu plus amicaux.

    http://lafautearousseau.hautetfort.com/

  • Marché transatlantique : un pas décisif vers une gouvernance mondiale non souveraine

    Le 12 mars dernier, la Commission européenne a approuvé le projet de mandat concernant la conclusion avec les États-Unis de l'accord appelé « Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement », donnant ainsi le coup d’envoi aux négociations entre les différentes parties européennes. Le mandat de négociation est inscrit à l'ordre du jour du Conseil de l'Union européenne "Commerce" qui doit l'approuver afin que les négociations puissent débuter dès le mois de juillet. Non disponible officiellement pour les citoyens européens, le projet a cependant fait l'objet de divulgations sur internet. Il a été traduit en français par l'auteure du blog contrelacour[1].

    L’objet de cette tribune[2] est donc de proposer une brève synthèse des points essentiels de ce texte de 46 articles qui, comme nous allons le voir, cache derrière une logorrhée prônant le respect des Droits de l’Homme et de l’environnement l’inscription dans le marbre du droit international l’impuissance des institutions nationales souveraines, notamment en matière de protection sociale et environnementale. Nous verrons également que, loin de n’être que de l’incrémentalisme[3], ce texte constitue un pas décisif dans le processus d’élaboration d’un gouvernement mondial purement technocratique au seul profit des intérêts financiers et dont les effets profondément morbides sont aujourd’hui bien identifiés.

    La promotion trompeuse des Droits de l’Homme et du développement durable

    A l’instar de la « charte des droits fondamentaux » qui introduisait le traité constitutionnel européen de 2005[4], et qui faisait sur cinq pages l’apologie des grands principes que sont ceux de « dignité », de « solidarité » ou encore de « justice » -principes totalement vidés de leur substance par les 182 pages économiques qui les suivaient, le mandat portant sur le futur marché transatlantique s’ouvre sur un identique affichage de bonnes intentions.

    En effet, dès le premier article il est précisé que : « L'accord devrait confirmer que le traité transatlantique de Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement est basé sur des valeurs communes, notamment la protection et la promotion des droits de l'homme et de la sécurité internationale ».

    A la suite, l’article six réitère : « Des valeurs communes dans des domaines tels que les droits de l'homme, des libertés fondamentales, la démocratie et la primauté du droit ».

    Concernant l’environnement, il est affirmé que les Parties s’engagent « envers le développement durable et la contribution du commerce international au développement durable dans ses dimensions économiques, sociales et environnementales, notamment le développement économique, le plein emploi productif et un travail décent pour tous, ainsi que la protection et la préservation de l'environnement et des ressources naturelles »

    Enfin, pour achever de nous convaincre des bonnes intentions du mandat, le même article conclue : « Le droit des Parties de prendre les mesures nécessaires pour atteindre les objectifs légitimes de politique publique sur la base du niveau de protection de la santé, de la sécurité, du travail, des consommateurs, de l'environnement et de la promotion de la diversité culturelle telle qu'elle est prévue dans la Convention de l'UNESCO sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles, qu'ils jugent appropriées »

    Que demander de plus ? La préservation des droits de l’homme comme de l’environnement semble être ici non seulement prise en compte, mais également laissée dans sa mise en pratique à l’appréciation des institutions souveraines. Cependant, et avant même d’entrer dans le détail du texte, une lecture attentive de ces quelques alinéas devrait nous annoncer l’hypocrisie de leur propos. En effet, les deux premiers articles cités (1 et 6) conditionnent la protection des droits de l’homme comme celle des libertés fondamentales à la notion éminemment ambiguë, pour ne pas dire tout bonnement fallacieuse, de « valeurs communes ». Il faudrait préciser ce qu’il est entendu par « valeurs communes », car qui dit « valeurs », dit manière bien précise d’interpréter et de mettre en pratique les dits principes.

    Or, loin de n’être qu’un détail sémantique –l’accord portant sur l’harmonisation des législations en termes de commerce et d’accès aux marchés, notamment publics, le recours à cette notion ne signifie ici ni plus ni moins que l’alignement des politiques européennes sur ce qu’elles ont déjà de commun avec la politique américaine, à savoir le principe ultralibéral de « concurrence non faussée » par l’intervention publique -c’est-à-dire par le contrôle des institutions souveraines, principe devant devenir nous allons le voir l’unique horizon de toute politique possible à l’avenir.

    On pourrait ici nous accuser de jouer sur les mots. Aussi, au-delà des éléments de langage, étudions la dernière proposition, sensée rassurer sur la préservation souveraineté des États parties-prenantes en matière de protections sociales et environnementales :

    « Le droit des Parties de prendre les mesures nécessaires pour atteindre les objectifs légitimes de politique publique sur la base du niveau de protection de la santé, de la sécurité, du travail, des consommateurs, de l'environnement et de la promotion de la diversité culturelle telle qu'elle est prévue dans la Convention de l'UNESCO sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles, qu'ils jugent appropriées  »

    Très bel exemple de sophistique, car que nous dit cette Convention en la matière ? Rien. Cette convention n’a pas pour objet d’établir une quelconque réglementation en termes de protections sociales et environnementales. Selon ses propres termes, « la finalité de la Convention consiste à créer un environnement propice permettant à la diversité des expressions culturelles de se manifester, de se renouveler et d’être profitable à l’ensemble des sociétés[5] ». Elle ne porte absolument pas sur la « protection de la santé, de la sécurité, du travail, des consommateurs, de l'environnement » mais uniquement sur la diversité culturelle. Si la convention mentionne bien le respect des droits de l’homme, il ne s’agit que ceux qui portent sur la liberté d’expression :

    « Une série de principes rappelle et garantit que toute politique et mesure destinée à protéger et à promouvoir la diversité des expressions culturelles ne contrevient pas au respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales telles que la liberté d’expression, d’information et de communication, ainsi que la possibilité pour les individus de choisir les expressions culturelles[6]. »

    Aussi, assurer la garantie du respect des libertés fondamentales concernant les protections sociales et environnementales par leur subordination à un texte qui ne les mentionne pas relève de la malhonnêteté intellectuelle la plus cynique (pour le dire trivialement, cela reviendrait pour un avocat à assurer la défense d’un salarié abusivement licencié en se basant sur le code de la route).

    L’objectif réel de l’accord : passer outre la souveraineté des pays européens

    Si déjà les articles et alinéas sensés assurer le respect de la nature « démocratique » des législations européennes en matière sociale et environnementale trahissent leur propre hypocrisie, nous allons voir maintenant que le reste du mandat ne prend pas la peine de cacher ses réelles ambitions (pensant sans doute que le lecteur lambda se sera contenté des 8 premiers articles…)

    Dès l’article 2, le ton est donné : « L'accord doit être global, équilibré et pleinement compatible avec les règles et obligations de l'Organisation mondiale du commerce (OMC). ». L’article 4 précise : « Les obligations de l'Accord seront obligatoires pour tous les niveaux de gouvernement. »

    Quelles sont les règles et obligations de l’OMC ? Elles visent essentiellement à empêcher ce que l’on appelle le « dumping », notamment en termes de politiques agroalimentaires, « dumping » jugé contraire au principe de concurrence non faussée[7]. Or, quelles sont les pratiques de dumping que l’OMC souhaiterait voir disparaître ? Il s’agit par exemple des subventions accordées par les pouvoirs publics à des secteurs économiques en difficulté, comme ceux de la pêche ou de l’agriculture. Il s’agit également de certaines pratiques commerciales comme celles qui consistent pour un supermarché ou un producteur à revendre à perte des denrées alimentaires bientôt périmés. Il est important de rappeler que les mesures anti-dumping de l’OMC sont celles qui maintiennent les pays d’Afrique membres de l’Organisation dans un état de sous-développement en matière d’autosuffisance alimentaire, les contraignants à importer ce qu’ils devraient normalement exporter[8].

    Dans le détail, il s’agit pour cet accord de supprimer ce que l’on nomme les « barrières non tarifaires » qui feraient obstacle à la sacro-sainte concurrence non faussée. Comme le précise l’article 25,

    « L'accord visera à éliminer les obstacles inutiles au commerce et à l'investissement y compris les obstacles non tarifaires existants par le biais de mécanismes efficaces et efficients, par la promotion d'un niveau ambitieux de compatibilité de la réglementation des biens et services, notamment par la reconnaissance, l'harmonisation et en renforçant la coopération mutuelle entre les régulateurs. »

    Or, de quoi s’agit-il exactement ? Les barrières non tarifaires constituent l’ensemble des règles –d’ordre notamment sanitaires, sociales et environnementales, qui visent à protéger une nation (ou un ensemble de nations, comme l’UE) des pratiques de concurrence sauvage, par exemple celles de la Chine en matière de droit du travail[9]. Il s’agit donc pour l’accord de rendre caduque des lois cadres européennes et nationales devant garantir une certaine conception –une certaine exception culturelle, de nos modèles sociaux, dont la France représente le plus mauvais élève.

    Par ailleurs, en plus de programmer notre impuissance en matière d’intervention publique dans les pratiques économiques et commerciales, l’accord prévoit d’accroître la mainmise des grands groupes privés sur des secteurs stratégiques, tant du point de vue social et environnemental que sanitaire. En effet, l’article 25 précise :

    « L'accord […] devrait inclure des dispositions spécifiques et de fond et de procédures dans des secteurs d'une importance considérable pour l'économie transatlantique, y compris, mais sans s'y limiter, l'automobile, les produits chimiques, les produits pharmaceutiques et d'autres industries de la santé, de l'information et de la communication et des services financiers. Le but sera d'éliminer les obstacles non tarifaires existants, empêcher l'adoption de nouvelles barrières non tarifaires et d'assurer l'accès au marché à un niveau supérieur à celui fourni par des règles horizontales de l'accord. »

     

    Ce passage illustre parfaitement l’ambition réelle de l’accord : permettre aux grandes firmes de s’affranchir du droit en vigueur dans chaque pays, droit constituant pourtant l’expression de la souveraineté populaire de ces derniers. Et comme le précise l’avant dernier article, selon lequel « L'accord comprendra un mécanisme de règlement des différends approprié, ce qui fera en sorte que les parties respectent les règles convenues », les Etats-nations ne respectant pas les « règles du jeu » pourront être assignés en justice par les groupes privés jugeant que ces derniers entravent d’une manière ou d’une autre la concurrence non faussée[10]. Ce qui ne signifie, à fortiori du point de vue français, ni plus ni moins que la suppression à plus ou moins long terme de tous les garde-fous d’ordre éthique au principe de notre modèle social si durement acquis.

    Plus dramatique, c’est l’ensemble des secteurs les plus stratégiques politiquement –comme la santé et l’éducation, qui seront entièrement soustrait au contrôle populaire. Or les récents scandales en termes de santé publique, notamment induits par une première vague de privatisation de ce que l’on appelle la « vigilance pharmacologique »[11], sont bien représentatifs des effets morbides d’une telle captation par les intérêts privés de secteur relevant de l’intérêt général.

    Aussi, cet accord constituant un pas décisif dans le processus d’élaboration d’une gouvernance mondiale, donne le ton de ce projet de construction supranationale : celui d’une philosophie ultralibérale au service des grands groupes privés et au détriment des souverainetés populaires comme des libertés fondamentales individuelles et collectives.
    Les Non-Alignés


    [1] http://contrelacour.over-blog.fr/article-marche-transatlantique-le-mandat-definitif-de-negociation-de-la-commission-europeenne-traduit-en-118657212.html (Référence commune à toutes les références qui vont suivre concernant l'accord en question.)

    [2] Qui fait directement écho à notre article portant sur la gouvernance européenne, http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/de-quoi-la-gouvernance-europeenne-137802#forum3758838

    [3] Consistant à ne faire que des petits ajustements à la marge en lieu et place de réels changements structurels, ce que l’UMP reproche en ce moment à l’administration Hollande par exemple.

    [6] Idem.

  • Tourbillon en rond, à petit patapon, du Mistral vers la Russie

    Au rythme des grands drames de la grande politique française.
    C’était le temps où l’on pouvait encore croire que, par le biais de l’incident d’une vente d’armements avancés, dits « stratégiques », la France pourrait retrouver une grande stratégie forcée par la quincaillerie. On eut cet espoir avec deux perspectives simultanées, dont l’une (le porte-hélicoptères Mistral à la Russie) se concrétisa, et l’autre pas (le Rafale au Brésil).
    La polémique qui accompagna cette vente fut sévère, à la fois de la part des stratèges du parti des salonards, à la fois des alliés qui veulent le bien de la France et ainsi de suite. Les perspectives de « grande stratégie » se sont effacées, au rythme des admirables choix français de grande politique humanitaire, de la Libye à la Syrie, qui ne suscitent pas chez les Russes une particulière estime ; au rythme des grands drames de la grande politique française, du mariage gay déployé à l’image d’une sorte de « plan Schliefen » postmoderniste par le stratège Pierre Bergé à la mort récente d’un jeune homme militant qui fit trembler la République sur ses bases. En France, Sire, on s’occupe désormais de choses sérieuses.
    Parmi celles-ci (les choses sérieuses), il y a la leçon constante de démocratie et d’humanitarisme qu’on se doit d’adresser à la Russie. Même un Fillon, qui connaît pourtant les dossiers, qui a une certaine estime pour les Russes et qu’on croirait doté d’une colonne vertébrale un peu plus ferme que l’habituel éclair au chocolat, s’estime obligé, retour d’un voyage en Russie (en mars 2013), confirmant qu’il s’entend parfaitement avec les Russes, que c’est une entente suffisante pour espérer enfin, – enfin, vous dit-on, – les faire changer d’avis sur la Syrie. Effectivement le moment est bien choisi, l’ambition judicieuse, le projet original. Et tout le monde-Système, lors de l’interview de Fillon à cet égard, gobe la chose et s’en trouve conforté. Grand bien leur fasse.
    Alors, le Mistral, au milieu de cette tempête eschatologique, cela fait un peu décalé. Il se dit le plus sérieusement du monde, à Paris ou sur le chemin de Paris, que la plupart des dirigeants politiques au pouvoir, du président-poire à quelques autres, ignorent complètement cette affaire, et pour quelques-uns d’entre eux l’ignoraient encore complètement il y a quelques semaines jusqu’à ce que l’on le leur rappelle. Littéralement, ils n’étaient pas au courant, et, nous insistons, il faut prendre cette remarque au pied de la lettre ; c’est-à-dire qu’ils avaient vaguement été au courant de l’affaire lorsqu’on le leur en avait parlé, lors de la signature de l’accord, et qu’ils avaient oublié, et peut-être ont-ils, depuis, pour ceux à qui l’on en a parlé, oublié ce qu’on leur a récemment rappelé…
    (Nous l’avions pourtant rappelé, nous, par allusion, au président-poire mais peut-être le président-poire ne nous lit-il pas assez abondamment, assidûment et précisément. Le 27 mai 2013, nous écrivions : «“La Russie continue de fournir des armements. Il faut lui adresser un signe. [...] Oui, un signe, que nous aussi nous pouvons armer” [déclarait Hollande]. Ainsi sera-t-il dit qu’“il peut le faire !”, selon l’observation tonitruante de Francis Blanche. Le président Poutine en sera informé, lorsque la France lui livrera son premier porte-hélicoptère classe Mistral : “Nous aussi, nous pouvons armer”.»)
    Le ministre français de la défense Le Drian en a tout de même été instruit, le 3 juin 2013 selon Novosti, par une remarque de son collègue japonais, passablement inquiet. « Le Japon est préoccupé par les futures livraisons de porte-hélicoptères de classe Mistral à la Russie, a déclaré lundi à Singapour le ministre japonais de la Défense Itsunori Onodera. “Cette décision rompt l’équilibre des forces en Extrême-Orient”, a souligné M. Onodera lors de négociations avec son homologue français Jean-Yves Le Drian en marge d’une réunion des ministres de la Défense des pays d’Asie-Pacifique participant au 12e Dialogue Shangri-La ».
    Quand ces unités seront-elles livrées ? Jusqu’à ces derniers temps, l’on disait unanimement et sans incertitude de langage, l’année prochaine pour le premier classe Mistral, baptisé Vladivostok ; l’année d’après, en 2015, ce serait le tour du Sebastopol. Le conditionnel utilisé ici répond à une incertitude nouvelle qui nous habite devant deux dépêches Novosti qui semblent curieusement contradictoires. Ces dépêches (l’une du 20 juin, l’autre d’hier, du 23 juin) rapportent des déclarations très récentes du vice Premier ministre Rogozine, chargé de la production industrielle d’armement.
    • Le 20 juin 2013, Rogozine déclare que tout sera livré dans les délais prévus et dément des indications que lui-même, selon la dépêche, aurait données sur un retard dans la livraison de la poupe (fabriquée par le chantier naval de Saint-Petersbourg et livrée au chantier naval français assurant la maîtrise d’œuvre). Le texte réaffirme la livraison du Vladivostok pour 2014.
    «Les informations et les rumeurs sur l’incapacité de l’usine de la Baltique à remettre [à l'automne prochain la poupe du premier porte-hélicoptères] dans les délais prévus ne correspondent pas à la réalité. Le navire de classe Mistral sera prêt à temps”, a indiqué M. Rogozine. Le vice-ministre russe de la Défense avait pourtant fait état il y a deux jours des retards dans la remise de la poupe du BPC. M. Rogozine a ajouté que le premier Mistral serait complété avec des équipements et des systèmes d’armes russes. [...]
    »…Le premier navire, baptisé “Vladivostok”, sera livré à la Marine russe en 2014 et le second, “Sébastopol”, en 2015 ».
    • Un texte de Novosti, du 23 juin 2013, donne des information notablement différentes. D’abord, l’annonce d’un retard dans la construction de la poupe (retard qui est démenti) n’est pas mis au débit de Rogozine, mais du ministre adjoint Borisov. Ensuite et surtout, la date de livraison du Vladivostok est citée pour octobre prochain (2013, par conséquent), celle du Sébastopol pour octobre 2014… La dépêche rappelle les dates de livraison données par ailleurs des deux classe Mistral sans autre commentaire qu’un énigmatique “initialement”.
    « L’assemblage du deuxième porte-hélicoptère de classe Mistral destiné à la Marine russe sera achevé en octobre 2014… [Il] sera prêt [à équiper la Marine russe] en octobre 2014″, a indiqué le vice-premier ministre. M.Rogozine a en outre précisé que l’Usine de la Baltique de Saint-Pétersbourg achevait ces jours-ci la poupe du premier porte-hélicoptères. Le premier BPC Mistral sera remis à la Marine en octobre prochain… [...] Le premier navire, baptisé “Vladivostok”, devait initialement être livré à la Marine russe en 2014 et le second, “Sébastopol”, en 2015 ».
    Laissons ce mystère de la date de la livraison, qui ressemble à une salade russe pouvant avoir certains rapports avec des difficultés internes du ministère de la défense et des domaines qui lui sont liés, notamment après le renvoi récent du ministre de la défense pour corruption. Officiellement, tout le monde est très content de l’avancement de la production (voir Novosti, le 31 mai 2013). En principe, le Vladivostok serait opérationnel en 2015 (là aussi conditionnel de rigueur en fonction de ce qui précède, avec tout de même à l’esprit que l’opérationnalité du navire se fait évidemment après un délai important suivant la livraison effective du navire). Quoi qu’il en soit pour le plus tard, – deux ans, c’est court par les temps qui courent, et la “guerre syrienne” pourrait bien être toujours en pleine activité.
    En principe, les deux navires doivent avoir leurs ports d’attache à Vladivostok et à Petropavlovsk-Kamtchatski, sur les côtes russes du Pacifique (voir Novosti le 16 avril 2013). Mais le même officiel de la défense cité dans cette nouvelle, Roman Filimonov, déclare que «[d’]autres bases potentielles sont à l’étude ». En effet, en même temps que les Russes annonçaient la création d’une escadre navale permanente en Méditerranée, avec sans doute la base de Tartus comme port d’attache, tout cela en corrélation au moins conjoncturelle avec la crise syrienne, quelques précisions intéressantes avaient été données à Novosti le 28 février 2013.
    « Les porte-hélicoptères français de classe Mistral qui équiperont la Marine russe pourraient être utilisés comme navires de commandement en Méditerranée, a déclaré jeudi à RIA Novosti une source haut placée au sein de l’état-major des forces armées russes. “Théoriquement, ces bâtiments de guerre peuvent servir de navires de commandement pour le groupement opérationnel [qui sera déployé en Méditerranée]…».
    Du coup, l’affaire prend une couleur intéressante. On peut imaginer, la crise syrienne toujours tambour battant, le Vladivostok cinglant vers Tartus, toutes voiles dehors, sous le regard attristé et nostalgique de “la belle et bonne et alliance” de décembre 1944, du Charles-de-Gaulle et de ses Rafale. Compte tenu en forme d’hypothèse qu’entretemps la position de la France dans la crise syrienne, décidément trop modérée, se serait radicalisée, il pourrait y avoir des occurrences intéressantes, des rencontres qui ne manqueraient pas de sel, ou de piquant.
    Si l’on élargit le cercle critique de l’étrange « coopération » entre la France et la Russie, au niveau de la sécurité et des activités militaires, on trouve divers petits faits significatifs des tensions qui sont en train de se développer, qui rendent l’affaire du Mistral et les ambitions supposées (de « coopération stratégique », justement) tout à fait étranges. C’est ainsi qu’il existe des indications significatives selon lesquelles les Français demandent avec insistance, et avec des arguments de pression également significatifs, aux pays baltes de faire le maximum pour développer une stratégie de harcèlement de la Russie dans divers domaines de la communication, de la bureaucratie, voire dans les relations frontalières. Le cas est intéressant parce que les Français, à tour de rôle comme d’autres pays de l’OTAN, assurent avec leur aviation militaire la sécurité aérienne de ces pays, – on le suppose, contre des pressions ou un harcèlement supposés de la part des Russes. Cette initiative s’apparente beaucoup, d’une façon indirecte mais néanmoins familière, à la tactique de l’“agression douce” que les USA eux-mêmes développent contre la même Russie.
    Doit-on ajouter que le Salon du Bourget n’a pas contribué nécessairement à détendre les relations militaires franco-russes. L’emplacement des avions sur l’aire d’exposition, selon certains, – mais pas nous, – qui y jetèrent un œil n’était pas fait pour mettre en valeur les avions russes, y compris le formidable Su-35, actuel meilleur avion de combat lourd du monde… L’incident de l’hélicoptère Ka-52 n’a pas non plus détendu l’atmosphère, tel qu’il est rapporté par Novosti le 17 juin 2013 : « Les organisateurs du 50e Salon aéronautique du Bourget ont annulé au dernier moment le vol de démonstration de l’hélicoptère russe Ka-52 Alligator, prévu ce lundi, annonce lundi un correspondant de RIA Novosti. Selon un représentant du groupe “Hélicoptères de Russie”, le Ka-52 Alligator a mis en marche ses moteurs et s’est placé sur la piste de décollage, comme prévu par le programme des vols de démonstration. A ce moment, le comité d’organisation du Salon lui a enjoint de couper les moteurs et de regagner sa place. Le vol de l’hélicoptère russe a été remplacé par celui de deux hélicoptères franco-allemands Tigre, construits par Eurocopter ».
    «  Selon une source au sein de la délégation russe, “les organisateurs ont expliqué la modification du programme par la présence du premier ministre français au Salon”. La délégation russe a exprimé son étonnement face à la décision inattendue des organisateurs du Salon, qui ont empêché l’hélicoptère russe de voler et fait preuve de favoritisme envers les hélicoptères d’Eurocopter. L’interlocuteur de l’agence a supposé que si les Tigre avaient volé après le Ka-52, ils auraient moins attiré l’attention du public ».
    De même et à l’inverse, on doit savoir qu’il existe toujours nombre de petites manœuvres de coopération militaire franco-russe. Les Français ont remarqué qu’en certains cas ces temps derniers, ces manœuvres sont décommandées, du côté russe, quasiment la veille ou tout juste, de la date prévue, semant ainsi une pagaille coûteuse. Pour les militaires français, cette sorte d’  « incident » indique sans aucun doute la mauvaise humeur des Russes et doit être interprété comme des marques tangibles de la tension entre les deux pays. Les causes, comme on le sait, ne manquent pas, à commencer bien entendu par l’étrange politique française dans l’affaire syrienne qui peuvent conduire à une position de confrontation quasiment directe entre la France et la Russie.
    …Là-dessus, on se réunira, dans la plus franche amitié coopératrice, pour fêter la livraison du premier classe Mistral à la flotte russe. On peut imaginer les binettes des uns et des autres, s’ils sont présents, du président-poire à son ministre des affaires étrangères qui a découvert in illo tempore que « Assad ne mérite pas d’exister », et qui pourrait désormais découvrir que « ni le Vladivostok ni le Sébastopol ne méritent d’exister »… A moins que nous décidions qu’après tout, ces porte-hélicoptères et navires de contrôle et de commandement ne sont rien d’autre que des ferry boat camouflés, pour assurer le service des touristes, de Grèce en Turquie via le Bosphore, à destination finale de la station balnéaire de Tartus, en Syrie.
    Dedefensa.org
    Bloc-Notes
    24 juin 2013

  • Quo vadis Brasil ? Cui bono ?

    Les manifestations de ces deux dernières semaines à travers le Brésil posent non seulement la question du futur politique et même géopolitique du Brésil mais de notre attitude face à ces mobilisations de masse par les réseaux sociaux et la manière dont ils sont relayés par le mainstream.

    Ces manifestations posent aussi la question de la volatilité de pouvoirs que rien ne semble à priori ébranler, la question de la prévisibilité de ces mouvements c'est à dire de notre intelligence politique de l'instant présent. Si de nombreux "experts" font des analyses fort savantes post-mortem de ces évènements, beaucoup de ces doctes penseurs étaient silencieux il ya seulement moins d'un mois. Ne voulant pas jouer aux pythies ni aux médecins légistes je m'attarderais dans cet article juste à dissiper quelques malentendus véhiculés par les media Français et internationaux à propos de ces manifestations qui continuent au Brésil.

    Tout a commencé par une revendication début juin 2013 concernant l'augmentation du prix des transports urbains, plus particulièrement dans la ville de São Paulo. Cette revendication était portée par un mouvement né dans la foulée du Forum altermondialiste de Porto-Alegre de 2005 , le Mouvement Passe Livre ou Mouvement pour la gratuité des transports . La base sociologique de ce mouvement était la fraction la moins riche de la classe moyenne que les deux administrations Lula da Silva ont sorti de la pauvreté ces dix dernières années. Il s'agissait aussi principalement d'étudiants issus de familles habitant des banlieues, la spéculation immobilière de ces dix dernières années ayant contribué à la boboïsation - la " gentrification " - des centres urbains. Une réponse maladroite et disproportionné de la Policia Militar le 13 juin a vite contribué à la radicalisation du mouvement.

    Mais celui-ci a vite perdu de sa virginité politique pour devenir l'objet de récupérations par une classe - la classe moyenne (supérieure ) - et par l'opposition parlementaire et même extra-parlementaire à la coalition gouvernementale. C'est uniquement à partir de cet instant qu'il fut relayé et encouragé par ce que l'on appelle au Brésil la PiG - Partido da Imprensa Golpista ou le Parti de la presse de coup d'état. Celle-ci regroupe des media télévisuels comme Rede Globo et des journaux comme Veja. C'est à travers de leurs regards que le mainstream global a focalisé son attention sur les manifestations Brésiliennes et a ensuite propagé cette image réductrice des manifestations Brésiliennes en évitant soigneusement toute étude sociologique.

    Si le mouvement Passe Livre était " sincère " dans ses revendications pour la suppression de l'augmentation des transports urbains comme le reconnaissent des agents de la Policia Militar de Sao-Paulo infiltrés dans les comités d'organisation, il n'en reste pas moins que la nature même de ce mouvement qui n'a pas de hiérarchie a favorisé sa récupération et redirection par des organisations beaucoup moins "pures".

    Ce sont d'abord les partis de l'opposition à la coalition gouvernementale qui ont déversé leur électorat dans les manifestations : la classe moyenne supérieure blanche et urbaine des grandes capitales comme Sao-Paulo, Belo-Horizonte,Porto-Alegre ... Ce sont les media de la PiG qui , après avoir dénigré le mouvement, ont appelé les Brésiliens de cette classe moyenne à descendre dans la rue. Ce sont ces media qui relayé les nouveaux mots d'ordre des manifestants quand ils ne les ont pas forgés !

    Cette classe moyenne supérieure est essentiellement constituée de professions libérales, de "communiquants" , de "créatifs",... Elle n'utilise pas les transports en commun, se soigne dans le secteur privé et envoie ses enfants dans des institutions privées du jardin d'enfance au secondaire. Cette classe moyenne supérieure n'a jamais accepté les changements politiques et socio-économiques survenus au Brésil depuis l'accession au pouvoir du PT - le Parti des Travailleurs - et considère chaque avancé sociale comme une spoliation qu'elle est obligé de financer par l'impôt. Une loi votée début avril 2013 a ainsi accordé des droits sans précédent à prés de 8% de la population active Brésilienne soit 7 millions de personnes : les employé(e)s domestiques. Les objectifs politiques de ce groupe social sont clairs : il s'agit ni plus ni moins que de créer les conditions pour que la Présidente Dilma Rousseff renonce à terminer son mandat ou qu'une procédure d' empêchement soit mise en place contre elle par les parlementaires.

    Cette récupération de "droite" a eu aussi son pendant de "gauche". Des rapports de la Policia Militar ont montré que des militants du PSOL - Partido Socialismo e Liberdade - agissant en "électrons libres" ont recruté des élèments marginaux comme des punks pour provoquer des incidents violents avec les forces de maintien de l'ordre et les engager dans la répression. Le PSOL est une dissidence "front de gauche" du Parti des Travailleurs qui se distingue par un activisme anti-gouvernemental compulsif. Il s'est ainsi associè au mouvement contre la construction de l'usine hydroélectrique de Belo-Monte. Dans ce mouvement les services de renseignement Brésilien - ABIN - Agência Brasileira de Inteligência - ont montré la présence dans le financement des organisations qui s'opposent à la construction du barrage d'entités financées par des puissances étrangères. Le PSOL est aussi le principal vecteur politique du lobby LGBT au Brésil , allant jusqu'à réclamer la prise en charge par l'état des opérations de changement de sexe et la reconnaissance de la transsexualité. Ce lobby a manifesté ces derniers jours pour réclamer la suppression du projet de loi de " cura gay " - traitement gay. Il s'agit d'un projet mettant en place un traitements psychologiques en vue de soigner l'homosexualité.

    Il faut signaler aussi ici la militante, la passionaria hystérique, écologiste Marina Silva. Cette ex-ministre de l'environnement PT en rupture de banc parcourt le Brésil, rencontre les oligarchies financières régionales pour financer sa candidature aux élections présidentielles de 2014 tout en surfant sur la vague de contestation qu'elle appuie de manière régulière dans des interviews.

    Dans cette "foire à l'indignation" que sont devenues les manifestations au Brésil on rencontre des revendications aussi variées que la lutte contre la corruption, la mise en place d'une commission d'enquête sur les conditions d'attribution des marchés des infrastructures sportives de la Coupe des Confédérations et de la Coupe du Monde , l'amélioration des services publics mais aussi la suppression de la "cura gay", l'arrêt de projets infrastructurels comme le barrage de Belo-Monte, la reconnaissance de droits pour les Amérindiens,... Ce mouvement qui dénonce les partis politiques de l'établissement provoque immédiatement un élan de sympathie.

    Cependant, comme le souligne le chercheur Brésilien Emile Sader ce mouvement est multiforme et complexe et ne peut être exalté de manière acritique. ll faut ainsi éviter le réflexe Pavlovien, vertébro-rachidien même, d'une partie de la gauche Française qui s'extasie pour tout ce qui est un peu exotique [Maghrébin , Arabe, Turc, Russe, Brésilien,...] qui descend dans la rue pour crier mais aussi pour casser.

    Au delà de la question "Quo vadis Brasil ?" - Ou vas tu Brésil ? - la question qu'il faut immédiatement se poser est "Cui bono ?". A qui profite ce mouvement ?

    Daniel Besson     http://www.voxnr.com

  • Requiem pour l’Amérique

    Si l’on additionne les Latinos, les Afro-américains, les homosexuels, les pauvres, les assortis, les avorteuses, les intellectuels tordus, les pourrisseurs, les idiots blancs utiles… on peut se demander pourquoi le score d’Obama n’a pas été plus élevé.
    L’Amérique de notre enfance est morte : celle des cow boys, des westerns, des rodéos, de John Wayne, de la conquête de l’ouest. Ce pays qui fascinait et énervait à la fois a été construit par les Européens (Anglais, Irlandais, Allemands, Scandinaves, italiens…).
    Romney qui avait quand même un physique de coq boy (bonne taille, bonnes épaules) a été battu par le vote communautariste.
    Certes présenter un mormon et non un WASP faisait un peu tristounet ( ne pas boire ni fumer, ni prendre de café ou de thé)! .
    Des imbéciles ont vu dans l’élection d’Obama la victoire de la démocratie, alors que nous avons eu affaire au triomphe du communautarisme, jamais le vote n’a été aussi racial.
    Le président sortant lui même a sans cesse appelé à la mobilisation des minorités raciales. la première fois on pouvait encore penser que le corps électoral donnait sa chance à un métis pour se réconcilier avec la minorité noire. Cette fois-ci sa réélection a été fondée sur la démographie raciale du pays. On a assassiné une deuxième fois le cow boy Malboro.
    Les vieux mâles blancs grognons vont disparaître, il ne restera plus qu’un grouillement d’habitants de toutes les races venus profiter d’un pays où l’on pourra être assisté comme en Europe.
    Obama n’est pas devenu le président des États-Unis d’Amérique, il est devenu le président d’un pays qui n’est plus les États-Unis d’Amérique.
    En plus pour être politiquement correct et ne pas être inquiété, il faudra sans cesse dire qu’Obama est brillant et que sa femme est la plus belle.
    Comme le disait Robert Barthes, le fascisme, ce n’est pas d’empêcher de dire mais d’obliger à dire.
    Patrice gros-Suaudeau

  • Chronique du terrorisme islamique : les autorités allemandes déjouent un attentat

    BERLIN (NOVOpress via Bulletin de réinformation) – Outre Rhin, la lutte contre les filières islamistes se poursuit avec vigueur. La police allemande a procédé à la fouille de neuf locaux. Une enquête pour complot terroriste et blanchiment d’argent est ouverte.

    Aucune arrestation n’a encore été faite : les deux principaux suspects, des Tunisiens, sont activement recherchés.

    Ils auraient bénéficié de la complicité de cinq personnes, toutes d’origine maghrébine. Parmi eux se trouvent plusieurs étudiants de Stuttgart spécialisés en aéronautique. L’idée est plus originale qu’il n’y paraît à première vue. Loin de vouloir rééditer le 11 septembre, ces islamistes souhaitaient commettre leur attentat grâce à de petits avions télécommandés.

    Une autre personne était chargée de blanchir de l’argent afin de financer le jihad islamique international.

    http://fr.novopress.info/

  • Les débats du G8

    L’insubmersible G8, réuni à Lough Erne, aura été l’occasion de confronter les points de vue des États-Unis d’une part, de la France et du Royaume-Uni d’autre part, et de la Russie enfin, sous l’œil étonné des autres participants. On y a échangé les points de vue sur l’équilibre du monde en général et la Syrie en particulier. On y a aussi parlé d’économie pour lever le secret relatif aux conseils d’administration des sociétés off shore.

    « Le G8 est-il encore utile ? », se demandait-on, en 2008, lorsque Nicolas Sarkozy et George Bush entendaient réunir les chefs d’État ou de gouvernement de 20 des 29 plus grandes puissances pour résoudre la crise financière.

    Le G8, c’est ce sommet annuel de 8 chefs d’État ou de gouvernement, assistés de deux représentants de l’Union européenne, ce qui fait non pas 8, mais 10. Dans une discussion, en partie organisée autour d’un ordre du jour et en partie à bâtons rompus, ils échangent leurs points de vue sur les grands problèmes internationaux sans être tenus de négocier un résultat. Cependant, le sommet publie un long communiqué final rendant compte du travail accompli au niveau ministériel durant l’année, et une brève déclaration d’intention sur les points de consensus.

    La Syrie

    Le sommet qui s’est tenu à Lough Erne (Irlande du Nord), les 17 et 18 juin, était d’autant plus important qu’il s’agissait de la première rencontre entre les présidents Obama et Poutine, depuis la réélection du premier, neuf mois plus tôt. Or, après le sabotage de la conférence de Genève (30 juin 2012) par Hillary Clinton et David Petraeus, il avait été convenu entre les deux chefs d’État que leur première rencontre leur permettrait d’annoncer une solution de la crise syrienne. Pourtant, malgré le changement d’équipe à Washington, le sommet fut maintes fois repoussé tandis que le nouveau secrétaire d’État, John Kerry, se perdait en déclarations contradictoires.

    Durant cette longue période d’attente, la donne avait changé. Le Liban n’a plus de gouvernement depuis la nomination de Tammam Salam comme Premier ministre, il y a deux mois et demi. En Arabie saoudite, le prince Khaled ben Sultan, ministre adjoint de la Défense, a échoué à renverser le roi Abdallah. Au Qatar, les États-Unis ont donné jusqu’à début août au prince Hamad Al-Thani pour céder son trône à son fils Tamim et pour se faire oublier avec son Premier ministre. En Turquie, une majorité de la population s’est soulevée contre la politique des Frères musulmans conduite par Recep Tayyip Erdogan. En Iran, le Peuple a élu un libéral économique, Hassan Rohani, à la présidence de la République. Et en Syrie, l’armée loyaliste vient de libérer Qoussair et débute la bataille d’Alep.

    Côté communication, comme en 2003 en Irak, la France, le Royaume-Uni et les États-Unis ont tenté « le coup des armes de destruction massive » : les trois capitales auraient des preuves de l’usage d’armes chimiques par Damas. Le « régime de Bachar » aurait « franchi la ligne rouge ». Une intervention internationale serait devenue indispensable à la fois « pour sauver les Syriens » et « pour sauver la paix mondiale ». Las ! Communiquées à Moscou, les « preuves » s’avèrent loin des normes de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC). De toute manière, personne ne voit pourquoi une armée en pleine reconquête utiliserait du gaz sarin, et la Syrie (comme Israël) n’est pas signataire de la Convention sur les armes chimiques.

    En fait, la France et le Royaume-Uni poursuivent leur projet de recolonisation, tel que convenu entre eux lors de la signature du Traité de Lancaster House (2 novembre 2010, soit avant le « printemps arabe »). Ils s’appuient sur les régimes arabes sionistes, la Turquie, l’Arabie saoudite et le Qatar.

    De leur côté, les États-Unis « conduisent par derrière », selon l’expression de Madame Clinton. Ils soutiennent l’initiative si elle réussit et s’y opposent si elle échoue. Après la comédie des armes chimiques, ils ont pris à contrecœur l’engagement de fournir officiellement des armes à l’Armée syrienne libre, mais pas au Front Al-Nosra (Al-Qaïda). À vrai dire, Washington est en plein désordre : il y a six semaines, John Kerry était en parfait accord avec son homologue russe, tandis que la semaine dernière, il voulait bombarder la Syrie et a dû essuyer un « non » catégorique du chef d’état-major interarmes.

    La situation est donc défavorable au camp colonial lorsque s’ouvre le G8. Elle se complique encore avec les révélations d’Edward Snowden, un employé du cabinet d’avocats Booz Allen Hamilton, qui vient de publier des documents internes de la NSA après s’être réfugié à Hong Kong. La plus grande agence de sécurité du monde espionne les communications web et téléphoniques des États-Uniens et du monde entier. Avec l’aide du CGHQ britannique, elle avait même placé sous écoute les délégués du G20 de Londres, en 2009. Bref les Anglo-Saxons (USA, Royaume-Uni et Canada) sont en position d’infériorité dans la discussion et les invités ont évité d’utiliser leurs téléphones.

    Sur la Syrie, la position franco-britannique consiste donc à isoler la Russie pour la contraindre à la lâcher. Excellent dans le rôle, l’hôte du sommet, David Cameron, dénonce le dictateur-qui-tue-son-peuple-avec-des-armes-chimiques. Il plaide pour une conférence de Genève 2 qui enregistre la capitulation du président el-Assad et transfère le pouvoir aux amis de l’Occident. Il confirme la livraison d’armes imminente aux « révolutionnaires », propose une sortie honorable à « Bachar », annonce le maintien de l’administration baasiste et distribue les concessions gazières. Pour le drapeau, il est déjà connu, ce sera celui de la colonisation française.

    Ce bavardage se heurte à Vladimir Poutine. Interrogé par la presse dès son arrivée, le président russe avait déclaré devant un Cameron abasourdi : « Je suis sûr que vous êtes d’accord que nous ne devrions sûrement pas aider des gens qui non seulement tuent leurs ennemis, mais dépècent leur corps et mangent leurs entrailles en face du public et des caméras.
    Est-ce ces gens que vous voulez soutenir ? Voulez-vous les armer ? Si c’est le cas, il semble qu’il y ait très peu de relation ici avec les valeurs humanitaires que l’Europe a épousées et répandues durant des siècles. En tout cas, nous, en Russie, nous ne pouvons concevoir une telle situation.
    Mais, jetant les émotions de côté et adoptant une approche purement de travail sur la question, permettez-moi de souligner que la Russie fournit des armes au gouvernement syrien légalement reconnu, en pleine conformité avec les règles du droit international. J’insiste sur le fait que nous ne violons ici aucune loi, aucune, et je demande à nos partenaires d’agir dans le même sens.
     »

    Au babillage humanitaire, Poutine répond par sa vision des faits et par le droit international. Non, il n’y a pas de révolution en Syrie, mais une agression étrangère. Non, la Syrie n’utilise pas d’armes de destruction massive contre son propre peuple. Oui, la Russie livre des armes anti-aériennes à la Syrie pour la protéger d’une attaque étrangère. Oui, la livraison d’armes par l’Occident aux contras constitue une violation du droit international passible des tribunaux internationaux.

    En définitive, à aucun moment, le Français et le Britannique ne furent en mesure de caler le Russe dans un coin. Chaque fois, Vladimir Poutine trouvait l’appui d’un autre participant —souvent l’Allemande Angela Merkel — pour exprimer des doutes.

    Devant la fermeté russe, David Cameron a tenté de convaincre ses partenaires occidentaux que le sort des armes pouvait encore changer : le MI6 et la DGSE sont prêts à favoriser un coup d’État militaire à Damas. Un agent, recruté au palais, pourrait tuer le président, tandis qu’un général, recruté au sommet des services secrets, liquiderait les loyalistes et prendrait le pouvoir. Les nouvelles autorités formeraient une dictature militaire qui céderait progressivement la place à une démocratie parlementaire.

    Outre que chacun se demande qui sont les traitres recrutés dans l’entourage présidentiel, la proposition britannique n’a pas convaincu. Ce n’est pas la première fois que cette hypothèse est agitée et qu’elle échoue. Il y a déjà eu la tentative d’empoisonnement des membres du Conseil national de sécurité et la prise de pouvoir par l’un d’entre eux (mais le traître jouait un double jeu) ; Puis, l’attentat à la bombe qui a coûté la vie aux membres du Conseil national de sécurité couplé avec l’attaque de la capitale par 40 000 jihadistes (mais la Garde nationale a défendu la ville) ; il y a eu l’attaque de l’état-major par des kamikazes, couplé avec le soulèvement d’un régiment qui n’a jamais eu lieu ; etc. Et les plans qui ont échoué lorsque la période était propice ont peu de chances de réussir lorsque l’armée nationale reconquiert le territoire.

    Dans le Communiqué final (paragraphes 82 à 87), les participants du G8 réitèrent leur confiance dans le processus de Genève, sans pour autant lever ses ambigüités. On ne sait toujours pas ce qu’est une « transition politique ». S’agit-il d’une transition entre guerre civile et paix, ou entre une Syrie gouvernée par el-Assad et une autre gouvernée par des pro-Occidentaux ? Cependant, deux points sont clarifiés : d’une part, le Front Al-Nosra ne doit pas participer à Genève 2 et doit être expulsé de Syrie et, d’autre part, une commission ad hoc des Nations Unies enquêtera sur l’usage d’armes chimiques, mais elle sera composée d’experts de l’Organisation pour l’interdiction de ces armes et de l’Organisation mondiale de la Santé.

    C’est à la fois peu et beaucoup. C’est peu car les franco-britanniques n’ont toujours pas abandonné l’idée que Genève 2 devrait être la conférence de la capitulation syrienne face aux exigences de la colonisation occidentale. C’est beaucoup parce que le G8 condamne explicitement le soutien du Conseil de coopération du Golfe au Front Al-Nosra, et parce qu’il enterre honorablement la polémique médiatique sur les armes chimiques. Reste à savoir si tout cela est sincère.

    Il semble en tout cas que la Russie n’en soit pas certaine. Dans un point de presse à l’issue du sommet, Vladimir Poutine a indiqué que d’autres membres du G8 ne croyait pas à l’usage d’armes chimiques par le gouvernement de Damas, mais par les groupes armés. Il a rappelé que la police turque avait saisi du gaz sarin chez des combattants de l’opposition syrienne et que, selon les documents turcs, ce gaz leur avait été fourni depuis l’Irak [par l’ancien vice-président du Baas irakien, Ezzat al-Douri]. Surtout, le président Poutine a évoqué plusieurs fois ses interrogations sur la livraison d’armes par les États-Unis et leurs alliés. Il a souligné que le débat ne portait pas sur le fait de le faire ou pas, mais de le faire officieusement ou officiellement ; chacun étant conscient que, depuis deux ans, les « commandos » disposent d’armes qui leur viennent de l’étranger.

    Deux jours plus tard, le ministre russe des Affaires étrangères, Sergey Lavrov, mettait les États-Unis au défi de leur cohérence. Il soulignait que les initiatives de condamnation unilatérale de la Syrie à l’ONU et les déclarations sur la possible création d’une zone d’exclusion aérienne étaient des signaux d’encouragement aux « commandos  » de mercenaires, y compris à ceux d’Al-Qaeda.

    L’économie internationale

    Le second jour du sommet fut plus facile. On y parla de la santé de « l’économie mondiale » ; une expression que les Anglo-Saxons tentent d’éviter au profit de concepts pragmatiques : « commerce », « systèmes de taxes », et «  transparence des Finances publiques ».

    S’il existe un intérêt commun aux participants du G8 de s’aider mutuellement à recouvrir des impôts et taxes, donc de lutter contre l’évasion fiscale dont ils sont victimes, il existe aussi un intérêt des Anglo-Saxons à entretenir leurs propres paradis fiscaux dont les autres participants sont dépourvus.

    Le consensus a donc porté sur la transparence de la propriété des entreprises off shore, de sorte que l’on puisse déterminer à qui elles profitent. Là encore, c’est peu et c’est beaucoup.

    C’est peu parce que les Britanniques entendent conserver leur avantage en matière de paradis fiscaux, mais c’est beaucoup pour surveiller l’action des compagnies multinationales.

    Deux autres sujets de consensus doivent être notés : le refus collectif de payer pour des libérations d’otage (mais sera t-il réellement suivi ?) et l’incitation faite à la zone euro d’unifier son système bancaire pour prévenir la reproduction des crises financières nationales.

    Le G8 est toujours vivant

    En définitive, le G8 a montré son utilité. S’il avait perdu de son intérêt durant la période de domination mondiale des États-Unis (« le monde unipolaire »), il le retrouve aujourd’hui sur une base plus équilibrée. Lough Erne aura permis de mesurer les hésitations US en Syrie et la détermination russe. Le sommet aura également réduit l’opacité des compagnies off shore. Le G8 reflète d’une part l’opposition géopolitique entre les États-Unis (puissance déclinante), le Royaume-Uni et la France (puissances coloniales), et la Russie (puissance émergente) ; en outre, il montre la globalisation du capitalisme, dont se réclament tous les participants.

    Documents originels du G8 :
    - « G8 Communiqué final, Lough Erne 2013 » (en français)
    - « G8 : Lough Erne Declaration »
    - « G8 action plan principles to prevent the misuse of companies and legal arrangements »
    - « Communiqué on G8 Global Economy Working Session »

  • Brésil : Les vrais responsables de la révolte des classes moyennes sont Washington et la Fed

    Depuis le début de la semaine [dernière], les Brésiliens manifestent en masse pour protester contre la hausse du coût de la vie. Pour les classes moyennes à la tête du mouvement, la corruption du gouvernement ainsi que la Coupe du monde de football de 2014 constituent les principaux bouc-émissaires. Il semblerait pourtant qu’un responsable de taille ait été oublié…

    300.000 manifestants à Rio de Janeiro, le 20 juin 2013. Un million dans tout le Brésil.

    Le président de la Fed, Ben Bernanke, et toutes les personnes de sa trempe, refusent de faire le lien. Ils sont trop occupés à lorgner sur l’inflation aux États-Unis qui est suspicieusement basse. Mais la Chine, elle, a les yeux rivés sur la révolte qui secoue actuellement le Brésil. Comme toutes les révoltes, celle-ci concerne des problématiques récurrentes à l’origine des inégalités, mais l’étincelle qui a mis le feu aux poudres – alors que l’inflation a engendré une hausse du coût de la vie pour les classes moyennes – n’est autre que la hausse du prix des titres de transport.

    La sonnette d’alarme a déjà été tirée en septembre 2010 par le ministre des Finances brésilien, Guido Mantega. Dans l’une de ses allocutions, il a dénoncé la “guerre des devises à l’échelle internationale” à laquelle se livraient les adeptes de la planche à billets à Washington et ailleurs contre plusieurs pays, dont le sien, tout en incriminant les investissements à caractère spéculatif qu’ils entreprennent partout dans le monde, particulièrement dans les pays émergents. “Ceci est une menace dirigée contre nous, parce que notre compétitivité en est affectée” a-t-il mis en garde.

    Monsieur Mantega vise ici les efforts “audacieux” de la Fed qui ont consisté à donner des milliards aux spéculateurs qui n’ont investi ni dans la production, ni dans l’emploi aux États-Unis, préférant faire fructifier toute cette manne dans la (seule) catégorie acceptable, “les actifs”, à l’exemple de la spéculation sur les biens et les monnaies, ou bien d’autres utilisations productives de la sorte. La répercussion ne s’est pas fait attendre sur les prix brésiliens et sur le réal qui a depuis grimpé en flèche.

    Le Brésil a contre-attaqué l’année dernière. Le réal a chuté de 24% par rapport au dollar. Le prix des biens importés s’est envolé – effet accentué par l’inflation qui a déjà augmenté de façon discontinue en 2007 pour atteindre 3,7%. En mai, elle a franchi la ligne rouge des 6,45%.

    Le point de non-retour a alors été atteint pour les 40 millions de personnes qui ont su s’extirper de la pauvreté pour constituer ce que l’on pourrait appeler les classes moyennes (et encore…) depuis le début des années 2000. Le prix des produits quotidiens a augmenté de 96% pour les tomates sur un an, 70% pour les oignons, 20% pour le riz, et 23% pour le poulet. Depuis 2008, les loyers ont grimpé de 118%. Rio de Janeiro est devenue la troisième ville la plus chère du monde.

    De son côté, l’économie est en plein dépérissement. L’année dernière, elle a pu vivoter grâce à un gain minime de 0.9%, après avoir atteint un taux de croissance de 2,7% seulement en 2011, désastreusement bas pour une nation émergente. Stagflation !

    Les villes ont alors décidé d’augmenter le tarif des bus de 6,7%, faisant passer le prix du ticket de 3 réals à 3,20 réals (1,1 euros). L’étincelle qui alluma l’incendie. Jeudi, entre 5.000 et 10.000 manifestants se sont rassemblés contre la hausse des tarifs dans les transports, incendiant un bus et brisant des vitrines. La police a répliqué par la force, tirant avec des balles en caoutchouc sur sept reporters du quotidien Folha, gazant avec plaisir des journalistes TV en train de filmer les arrestations de masse…

    Lundi [17 juin 2013], 200.000 personnes étaient dans les rues de plusieurs villes du pays : São Paulo, Rio (où ils étaient près de 100.000 selon des observateurs indépendants), Salvador, Curitiba, Belém, ainsi qu’à Brasília, la capitale – où certains des manifestants sont parvenus jusqu’au toit du Parlement afin de chanter l’hymne national avant de descendre.

    L’augmentation constante du nombre de manifestants a pris les autorités par surprise. L’élan populaire est en pleine ascension. Les réseaux sociaux jouent un rôle de premier ordre dans l’organisation de ces protestations de grande ampleur. Et les jours à venir s’annoncent tendus. Pourtant, les manifestations ne sont pas chose commune au Brésil. Certaines protestations se sont produites par le passé mais de façon sporadique, sans aucune mesure avec celles de 1992 contre la corruption du gouvernement du président Fernando Collor de Mello. Les manifestations violentes sont encore plus rares – par opposition à la violence quotidienne caractéristique de nombreux quartiers.

    Le mouvement actuel est une révolte de la jeune classe moyenne, des étudiants, des cols blancs, des passants. Bien que les tarifs de bus aient jeté le feu aux poudres, ce sont désormais la hausse du coût de la vie, les dépenses inutiles de la Coupe du monde, la corruption des élites, l’accroissement des inégalités de plus en plus criantes, le piètre état des services publics, les mesures inefficaces, et la criminalité qui sont dénoncés.

    Toute la jeunesse brésilienne” était là, écrivait un étudiant ayant pris part au mouvement. Les gens “paraissent déterminés à continuer le mouvement“. Certains vont jusqu’à faire le lien avec “l’euphorie du carnaval“. Beaucoup de participants n’ont pas prêté attention à la violence et ont considéré ces manifestations comme [pacifiques] – jusqu’à ce qu’ils s’aperçoivent de la réalité à la télévision. Les slogans sur les bannières ont révélé le vaste champ des préoccupations et des attentes. Sur l’une d’entre elles, on pouvait lire “Ci-gît une nation conformiste. Brésil, réveille-toi !” Certains casseurs ont été pris à partie par la foule. “Nous sommes le futur de la nation” figurait sur une large bannière tenue par de jeunes optimistes. Néanmoins, la corruption gouvernementale demeurait la principale cible des slogans des manifestants. “Aujourd’hui, j’ai vu mon pays changer” a écrit un homme de 38 ans participant à la manifestation de Rio. “Nous n’avons pas besoin d’un nouveau stade de football mais d’un nouveau pays“.

    Pour la classe politique, ces troubles tombent mal : la Brésil accueillera la Coupe du monde de football en 2014 ainsi que les Jeux Olympiques d’été de 2016 – des évènements conçus comme devant donner un coup de pieds aux fesses à une économie en pleine stagnation et renflouer les caisses. Tandis que le pays a englouti près de 15.000 milliards de dollars pour les Jeux Olympiques, la Coupe du Monde, pourtant moins onéreuse, demeure la cible des manifestants qui subissent la hausse des tarifs de bus et qui réclament des hôpitaux et un logement abordable pas de stades clinquants.

    Mardi [18 juin 2013], le gouvernement a essayé de disperser les rassemblements avant que ceux-ci dégénèrent. Il a voulu essayer la carte du dialogue. Le maire de São Paulo, Fernando Haddad, a accepté de rencontrer les représentants des manifestants mais a refusé de céder sur la question du prix dans les transports ; quant au stade devant être payé, son budget a été revu à la baisse. La présidente, Dilma Rousseff, cible de nombreuses critiques, a admis que “Ces voix, qui contournent les moyens traditionnels de prise de parole, les partis politiques et les médias eux-mêmes, doivent être entendues . Elle n’a pas hésité à embrasser l’action de la foule en pleine ébullition : “L’ampleur des manifestations d’hier témoignent de l’énergie de notre démocratie“, a-t-elle affirmé.

    Des mots qui font office de palliatifs. Reste à savoir s’ils pourront calmer les esprits, soigner les cicatrices causées par la brutalité policière, éteindre le feu du mécontentement, maintenir l’inflation sous contrôle et rendre le coût de la vie plus abordable. Le temps nous dira s’il s’agit là d’un simple mauvais moment à passer ou bien d’un événement dont les conséquences affecteront à long-terme la septième plus grande économie du monde. En attendant, les effets de la politique monétaire de la Fed continuent à se répercuter par ricochet sur l’ensemble de la planète.

    Nous avons intentionnellement fait éclater la plus grosse bulle d’obligations d’État de l’histoire” a confessé Andy Haldane, directeur de la stabilité financière à la Banque d’Angleterre. Il était “convaincu” que l’éclatement de cette bulle allait constituer un risque. Le “retour de bâton” qui pourrait en découler serait pour lui “le plus grand risque pour la stabilité financière dans sa totalité“. Pensez à attacher vos ceintures : les secousses se font déjà ressentir partout dans le monde.

    Atlantico  http://fortune.fdesouche.com

  • Des armes pour tous, c'est maintenant

    Grâce à François Hollande et à sa clique la république fromagère dite française a franchi le pas: elle arme dorénavant les terroristes islamistes qui martyrisent, entre autres, les chrétiens en Syrie. Les mêmes égorgeurs rituels que ceux qu'on prétend pourchasser ailleurs: là aussi, deux poids, deux mesures, une marque de fabrique apparemment. C'est du moins ce que révèle JD Merchet sur son blog.

    Que ceux qui trempent de près ou de loin dans cette entreprise abominable, honteuse, qui ajoute à une liste déjà longue de nouvelles taches à nos couleurs, se souviennent que les méfaits dans l'histoire ne restent pas impunis, et qu'il y a des Nüremberg pour les criminels de guerre et les serviteurs trop asservis des états totalitaires, même prétendument démocratiques.

    Michel Janva  http://www.lesalonbeige.blogs.com/

  • Menace islamiste : fausses pistes et vrais dangers

    LOCARN (NOVOpress Breizh) – Auteur d’un livre-entretien avec le journaliste Jean Guisnel intitulé « Au cœur des services spéciaux, la menace islamiste: fausses pistes et vrais dangers » (La Découverte éditeur), Alain Chouet est intervenu le 31 mai dernier à l’Institut de Locarn sur son sujet de prédilection à savoir la situation géopolitique au Moyen-Orient. Ancien chef des services de renseignements et de sécurité de la DGSE, Alain Chouet connaît particulièrement bien cette région du monde dans laquelle il a passé de nombreuses années.

    L’intérêt des analyses d’Alain Chouet concernant la situation présente au Moyen-Orient est de remettre en cause un grand nombre des poncifs véhiculés par la presse occidentale. Ainsi la distinction récurrente qui est faite entre Frères musulmans et salafistes est à son avis infondée dans la mesure où les seconds sont issus des premiers et qu’ils sont en réalité très proches les uns des autres. A son avis, ces deux courants de la mouvance islamiste sont complémentaires et jouent au jeu du « bon » et du « méchant », les salafistes étant dans le rôle des « méchants » tandis que les Frères musulmans sont les « gentils » grâce auxquels il serait possible de contenir les excès des premiers.

    Du régime turc, Alain Chouet n’hésite pas à dire qu’il est dangereux parce qu’il est en train de défaire tout le système laïc qu’avait construit Atatürk. L’islamisation de la société turque est d’ailleurs à l’origine de la révolte en cours depuis quelques semaines. Il est à noter à ce sujet que les médias et la classe politique française ont nié la nature réelle du parti d’Erdogan, le présentant comme une sorte de parti chrétien-démocrate à la mode locale, ce qui en dit long sur la pertinence de leurs analyses.

    Selon l’intervenant, au Maroc et en Jordanie, les islamistes ne peuvent pas s’en prendre frontalement aux souverains qui descendent tous les deux du Prophète. Par contre, il estime qu’ils sont en mesure de créer des problèmes en Algérie dans les prochaines années.

    A Bahreïn, le régime est stable du fait de la surveillance pointilleuse de l’Arabie Saoudite qui est susceptible d’intervenir militairement en cas de désordres.

    En Syrie la situation n’est pas du tout celle qui est décrite par nos médias, l’opposition n’étant pas motivée fondamentalement par la mise en place d’institutions de type occidental mais par des motivations d’ordre religieux. En effet, la coalition de minoritaires au pouvoir est constituée de groupes rejetés par les différentes factions sunnites qui sont globalement majoritaires. Les alaouites, groupe auquel appartient Bachar Al-Assad, font l’objet d’une fatwa très ancienne qui les voue à l’extermination en cas de défaite. Assad a fédéré toutes les minorités  - alaouites, chrétiennes, kurdes et druzes – qui n’auraient pas de place dans une Syrie dominée par des sunnites inspirés par le wahhabisme. L’énergie qui anime ces minorités ne procède pas d’une quelconque sympathie pour Assad, c’est l’énergie du désespoir. Contrairement à ce que tendent à faire croire les médias occidentaux, cette guerre civile n’a pas été initiée par le président syrien mais par les Frères Musulmans qui agissent contre les alaouites depuis 1980.

    Alain Chouet précise que les islamistes syriens sont aidés par les néo-conservateurs américains d’une part, l’Arabie Saoudite et le Qatar d’autre part, ces derniers fournissant des armes aux rebelles. Des rebelles qui sont divisés entre Frères Musulmans, opposition démocratique et opposition armée très composite. Il rappelle également que ce qui motive les Russes, ce n’est pas la perte éventuelle de la base de Tartous mais la protection des chrétiens syriens qui sont orthodoxes. Le départ prochain d’une légion de volontaires russes et ukrainiens qui doit aller combattre aux côtés de l’armée du régime syrien n’appelle pas de sa part de commentaire.

    Autant les analyses d’Alain Chouet concernant le Moyen-Orient sont « politiquement incorrectes », autant ses positions (officielles?) concernant l’islam d’une part, les musulmans de France et d’Europe d’autre part, sont d’une grande banalité. Contrairement à Anne-Marie Delcambre, docteur en civilisation islamique et auteur d’un ouvrage intitulé « L’Islam des interdits », qui démontre la dimension belligène de l’Islam depuis son origine – l’obligation de la guerre sainte est présente dans le Coran –  il fait sienne en effet la théorie selon laquelle l’islam ne serait pas intrinsèquement conflictuel.

    Alain Chouet estime en réalité que le problème auquel sont confrontés les Européens est lié à la propagande islamiste que font les Etats wahhabites (Arabie Saoudite et Qatar) dans les « quartiers » de France et d’Europe. Selon lui il suffirait donc de contrer cette propagande pour que les risques terroristes s’évanouissent, ce qui est pour le moins discutable. Alain Chouet s’interdirait-il de tenir des propos que le gouvernement n’aimerait pas entendre ? Il est vrai qu’un « agent » reste toujours un agent…

    François Arondel http://fr.novopress.info/