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l'emploi - Page 63

  • Maurice Allais et les causes du chômage français

    La relecture des textes de Maurice Allais, seul prix Nobel d’économie français est lumineuse. Les causes du chômage y sont clairement identifiées : le libre-échange mondial, les effets pervers de la protection sociale, l’immigration extracommunautaire.
    Philippe Bourcier de Carbon, président de l’AIRAMA, l’association des amis de Maurice Allai, présente ici un bref résumé des thèses du Prix Nobel
    Polémia
    Dans son allocution solennelle devant l’UNESCO à Paris d’avril 1999 (1) Maurice Allais rappelle les cinq dimensions du chômage en précisant:
    « Le chômage est un phénomène très complexe qui trouve son origine dans différentes causes et dont l'analyse peut se ramener, pour l'essentiel, à celle de cinq facteurs fondamentaux :
    1. le chômage chronique induit dans le cadre national, indépendamment du commerce extérieur, par des modalités de protection sociale ;
    2. le chômage induit par le libre-échange mondialiste et un système monétaire international générateur de déséquilibres ;
    3. le chômage induit par l'immigration extra communautaire ;
    4. le chômage technologique;
    5. le chômage conjoncturel.
    Libération mondiale des échanges et disparités des salaires réels
    En fait, la cause majeure du chômage que l'on constate aujourd'hui est la libéralisation mondiale des échanges dans un monde caractérisé par de considérables disparités de salaires réels. Ces effets pervers en sont aggravés par le système des taux de change flottants, la déréglementation totale des mouvements de capitaux, et le "dumping monétaire" d'un grand nombre de pays par suite de la sous-évaluation de leurs monnaies. »
    Dans un autre ouvrage, La Mondialisation, la destruction des emplois et de la croissance : l’évidence,empirique, Maurice Allais a poussé plus loin son analyse (2). Ses évaluations économétriques entreprises à partir des chiffres officiels du Ministère du Travail et de l’Emploi français conduisent Maurice Allais à quantifier ainsi la répartition du sous-emploi total en France en 1999 
    1. 24,5% pour le chômage chronique induit dans le cadre national, indépendamment du commerce extérieur, par des modalités de protection sociale ;
    2. 50,7% pour le chômage induit par le libre-échange mondialiste et un système monétaire international générateur de déséquilibres ;
    3. 17,0% pour le chômage induit par l'immigration extra communautaire ;
    4. 5,2% pour le chômage technologique;
    5. 2,6% pour le chômage conjoncturel.
    Philippe Bourcier de Carbon 23/12/2009
    (1) Maurice Allais:  La Mondialisation, le chômage et les impératifs de l’humanisme, « Science et Humanisme  Un siècle de Prix Nobel, UNESCO, PARIS, 9-10 avril 1999
    (2) Maurice Allais:  La Mondialisation, la destruction des emplois et de la croissance  : l’évidence empirique, Editions Clément Juglar, page 180.

    http://archives.polemia.com/article.php?id=2625

  • Le social-réformisme à la Valls : patronage, chasse aux sorcières, régime des suspects

    Les plus grands crimes ont été commis au nom du social. Le social s'accommode à toutes les sauces : soviétique, nationale-socialiste ou, aujourd'hui, libérale.

    Chaque fois que j’entends le mot social, je prends mon Sten 1.

    Les plus grands crimes ont été commis au nom du social. Le social s’accommode à toutes les sauces : soviétique, nationale-socialiste ou, aujourd’hui, libérale. Le « social-réformisme » de Valls n’est que l’habillage progressiste de la soumission aux marchés, la réduction de l’individu à sa fonction de producteur-consommateur, au règne des firmes toutes-puissantes et des barons-voleurs de la finance : un libéralisme sans frontières, sans nations, sans identités.

    La France prétend s’adapter à la mondialisation libérale au moment où l’on a le plus besoin de régulation et de défendre l’État-nation. L’invasion migratoire et notre submersion ethnique et culturelle – et ceux qui s’en félicitent, les Attali, BHL, Guenolé ou Moix – sont l’application, aux populations, des principes d’un libéralisme devenu fou.

    Au moment où Valls sort son nouveau gadget, Jacques Julliard dit, dans Le Figaro, tout le mal qu’il pense de la chasse à l’homme – le terme de lynchage médiatique serait plus approprié – dont Finkielkraut, Onfray, Houellebecq ou Zemmour – tous souverainistes plus ou moins déclarés – ont fait l’objet.

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  • Pour le FN, "le gouvernement lutte contre les chômeurs"

    Pour le parti de Marine Le Pen, l'exécutif remet en cause la qualité de "demandeur d'emploi" sous prétexte de contrôle renforcé contre la fraude.

    Nicolas Bay, secrétaire général du Front national, affirme qu'"à défaut de lutter contre le chômage, le gouvernement lutte contre les chômeurs" par la mise en place d'un "dispositif de flicage" contre les personnes à la recherche d'un emploi, dans un communiqué publié lundi. "Le gouvernement de Manuel Valls a décidé de remettre en cause la qualité de demandeur d'emploi sous prétexte de contrôle renforcé contre la fraude" mais "la mise en place de ce dispositif de flicage ne vise en réalité qu'un objectif : procéder à des radiations administratives massives afin de maquiller le bilan économique et social calamiteux de l'État PS", affirme Nicolas Bay. Selon lui, "en stigmatisant ainsi les chômeurs, Manuel Valls et son ministre de l'Économie Emmanuel Macron tentent de masquer l'échec absolu de la politique d'austérité généralisée".

    "L'UMP (Les Républicains, NDLR) comme le PS étant incapables d'apporter des réponses crédibles et durables au chômage de masse qui frappe les Français, le recours aux petites tactiques administratives pour harceler les demandeurs d'emploi et ainsi truquer les chiffres du chômage est devenu la méthode habituelle du gouvernement", affirme-t-il également. Pôle emploi a lancé lundi son nouveau dispositif de contrôle des chômeurs avec 200 agents chargés de vérifier qu'ils sont bien en recherche active, afin de remobiliser ceux qui peinent dans leurs démarches, la CGT-Chômeurs dénonçant un "flicage".

    source, Afp via le Point :: lien

    http://www.voxnr.com/cc/dep_interieur/EuuFuZpuyVhiImqNvT.shtml

  • Immigration: pourquoi le patronat en veut toujours plus

    Parce que l'immigration permet de payer les salariés toujours moins. C'est ce que dit un rapport du très sérieux et très officiel Conseil d'analyse économique, intitulé «Immigration, qualifications et marché du travail». Les blogueurs du Vrai débat l'ont décrypté. Instructif.

    On se souvient du président Pompidou avouant peu avant sa mort qu’il avait ouvert les vannes de l’immigration en France à la demande des grands patrons, désireux de pouvoir bénéficier d’une main d’oeuvre nombreuse, docile et bon marché, d’une réserve quasi inépuisable à même de réduire les ardeurs revendicatrices des travailleurs français souvent organisés.

    Quarante ans plus tard, rien ne semble avoir changé. Au contraire, les appels à l’immigration viennent toujours du même côté, et toujours pour les mêmes raisons. Seule différence : les secteurs économiques concernés sont désormais plus nombreux, dépassant le cercle du BTP ou de la restauration pour atteindre des professions autrefois épargnées telles que les ingénieurs ou les informaticiens

    Ainsi, les rapports de la Commission européenne, du Medef ou du Business Europe (le Medef européen) n’ont eu de cesse depuis plusieurs décennies d’en appeler à toujours plus d’immigration. En 2008, le célèbre rapport Attali, commandé par Nicolas Sarkozy, dressait un tableau de plus de 300 mesures d’inspiration très libérale, parmi lesquelles une accélération de l’immigration. C’est d’ailleurs cette pente que suit le président de la République depuis son élection, à travers ce qu’il a nommé «l’immigration choisie» .

    L’immigration souhaitée par le grand patronat pour faire pression à la baisse sur les salaires, voilà en résumé l’explication souvent avancée. Pour la première fois, un rapport « officiel », que nous avons décortiqué, confirme cette intuition.

    Il date de 2009, et émane du Conseil d’Analyse Economique (CAE). Le CAE est un organe placé auprès du Premier ministre, peu réputé pour son caractère subversif dans la mesure où il regroupe tout le gratin des économistes français « officiels », ceux que les télévisions et les journaux acceptent de recevoir.

    Vous allez le constater, la démonstration est sans appel.

    Elle explique d’abord qu’en économie, la notion de « pénurie » de main d’oeuvre dans un secteur d’activité donné n’a pas de sens en période de chômage. C’est pourtant systématiquement ce facteur qui est mis en avant pour justifier le recours à l’immigration : le bâtiment peine à recruter tant de dizaines de milliers de travailleurs en France, il faut donc aller chercher la main d’œuvre ailleurs, entend-on souvent.

    « Du point de vue de la science économique, la notion de pénurie n’est pas évidente » nous dit ce rapport, ajoutant que le « fait que certains natifs rejettent certains types d’emplois peut simplement signifier que les travailleurs ont de meilleures opportunités que d’occuper ces emplois, et donc que les salaires correspondants devraient augmenter pour qu’ils soient pourvus » (page 45).

    Autrement dit, une pénurie de main d’oeuvre se forme lorsqu’un secteur n’offre pas les salaires jugés suffisants pour devenir attractif. Poursuivons le raisonnement, et alors on comprend qu’au lieu d’augmenter les salaires, le patronat a tout intérêt à créer une pénurie, qu’il comblera en allant chercher ailleurs une main d’oeuvre prête à accepter des salaires plus faibles.

    C’est la conclusion à laquelle le rapport parvient sans ambiguïté : « Dans le cas du marché du travail, cela signifie qu’à la place de l’immigration des années soixante on aurait pu envisager une hausse du salaire des moins qualifiés » (page 46).

    Le rapport du Conseil d’Analyse Economique recense également une série d’études françaises et étrangères qui ont tenté de chiffrer l’impact de l’immigration sur les salaires : « Atlonji et Card [deux économistes] trouvent qu’une hausse de la proportion d’immigrés d’un point de pourcentage réduit le salaire de 1,2% » (page 37)

    « Hunt [une autre économiste] trouve qu’une hausse de la proportion de rapatriés d’un point de pourcentage a réduit le salaire d’environ 0,8% » (page 37).

    Concernant les Etats-Unis, « Borjas [un économiste] conclut son étude en affirmant qu’entre 1980 et 2000, l’immigration aurait accueilli l’offre de travail d’environ 11%, ce qui aurait réduit le salaire des natifs d’environ 3,2%, et que cette réduction frappe la plupart des catégories d’expérience et d’éducation, mais de manière inégale » (page 38).

    Voilà des éléments qui devraient éclairer le débat public sur l’immigration. Il est regrettable que dans notre pays une chape de plomb irrationnelle rende toute discussion sur ce sujet quasiment impossible, ce qui a le précieux avantage de permettre aux gouvernements de gauche comme de droite de continuer à mener la même politique favorable aux desiderata du grand patronat.

    Le vrai débat - Blogueur associé, 28/04/2010

    http://archives.polemia.com/article.php?id=2910

  • Record battu pour le chômage

    Fin août 2015, la France comptait 3.571.600 chômeurs de catégorie A (sans aucune activité professionnelle), soit 156.600 ou 4,6% de plus qu’au mois d’août 2014. En comptant les chômeurs de catégories B et C, ceux qui sont en recherche active d’emploi mais exercent une activité réduite, cela fait 5.420.900 demandeurs d’emploi.

    5.4 millions !chômage françois hollande

    La hausse est plus forte sur un an (+6,7% par rapport à août 2014). Un chômage qui s’éternise, les chômeurs longue durée, depuis plus de trois ans sont 18,6% plus nombreux que l’an dernier. Quant au chômage des seniors, il est de plus en plus répandu : sur un mois il a augmenté de 1,4%, et de 9,4% sur un an.

    http://www.medias-presse.info/record-battu-pour-le-chomage/39528

  • Allemagne : Des fermes d’État à l’agrobusiness

    Main basse sur les terres de l’Est. Après avoir connu la noblesse prussienne, la collectivisation, les coopératives et la transition, l’agriculture est-allemande suscite désormais l’appétit de grands investisseurs souvent étrangers au secteur. Une situation paradoxalement favorisée par les structures héritées du régime communiste.

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    Peu après la réunification de 1990, l’agriculture est-allemande a vu arriver des investisseurs sans passé d’exploitants mais aux poches bien pleines. Le patron d’un empire industriel de la gestion des déchets (Remondis) a ainsi acheté en 1994 plusieurs des 465 domaines agricoles gérés directement par l’État au temps de la République démocratique allemande (RDA).

    Appelées « biens du peuple », ces fermes représentaient moins d’un dixième des terres est-allemandes cultivées. L’agriculture de la RDA s’organisait plutôt autour de coopératives agricoles de production, soumises au contrôle du régime mais constituées des sols et des équipements mis en commun lors de la collectivisation forcée qui dura jusqu’en 1960 — en 1945, les Soviétiques avaient exproprié les propriétaires terriens possédant plus de 100 hectares et étatisé les terres.

    « Regardez donc ça ! » M. Stefan Palme se tourne vers une carte des terrains agricoles de la région affichée sur son écran d’ordinateur. Le quinquagénaire dirige une exploitation de céréales biologiques à 80 kilomètres au nord de Berlin. Mille cent hectares de blé, seigle, épeautre, orge, avoine, et un corps de ferme en partie construit au XVIIe siècle sur un ancien domaine de junkers, ces grands propriétaires terriens de la noblesse prussienne.

    Sur la carte, l’homme désigne des polygones colorés : « Les parcelles en rouge sont au Land du Brandebourg, celles en rose à l’Église. » Puis il pointe les surfaces les plus larges : « Ces terrains-ci sont à Steinhoff, ceux-là à Thomas Philipps. »

    Steinhoff est un grand fabricant de meubles allemand, adossé à une holding internationale dont le siège se trouve en Afrique du Sud. Thomas Philipps possède une chaîne de magasins de fins de série. Face à de tels concurrents, même la grande exploitation de M. Palme ne fait pas le poids quand il s’agit d’acheter ou de louer des terres. « Voilà la situation en ce moment. Il y a un combat pour chaque terrain. C’est le Far West », déplore le Bavarois, installé dans la région depuis 1996.

    Plus des trois quarts des 3.800 coopératives ont maintenu leur activité sous une forme juridique nouvelle après 1990 (1). Les voici au centre de toutes les convoitises. L’accaparement a changé de visage et d’ampleur à partir de 2007, avec la hausse du prix des céréales et l’effondrement de Wall Street.

    «La crise financière a attiré de nouveaux acteurs. Ils se disent que le placement dans le foncier agricole est sûr, même si le rendement est modéré », analyse M. Wolfgang Krüger, chef du département juridique du plus grand groupement allemand d’agriculteurs, le Deutscher Bauernverband (DBV). Parmi les investisseurs ouest-allemands, le fabricant de meubles Steinhoff, mais aussi Lindhorst, un groupe spécialisé dans l’immobilier et les maisons de retraite.

    Le plus puissant de ces géants agricoles s’appelle KTG Agrar. Entrée en Bourse en 2007, la société gère aujourd’hui 35000 hectares et 30 exploitations un peu partout dans l’est de l’Allemagne. Un chiffre en constante augmentation. KTG opère aussi en Lituanie et en Roumanie pour le compte d’autres investisseurs, et cultive du fourrage en Russie pour une entreprise allemande de viande.

    Les affaires sont si prometteuses que le conglomérat chinois Fosun a pris en juin une participation de 9 % au capital de KTG. Ces sociétés s’intéressent avant tout aux productions les plus rentables: céréales, colza et biogaz, lequel est subventionné par les tarifs réglementés d’achat des énergies renouvelables.

    Contestées outre-Rhin, elles se montrent discrètes. Steinhoff et Lindhorst refusent de parler à la presse ; KTG renvoie à son prestataire de relations publiques. Acteur de taille intermédiaire, AgroEnergy se montre plus disert. Cette entreprise hambourgeoise créée en 2008 présente à ses actionnaires le placement dans l’agriculture est-allemande comme particulièrement sûr face au risque d’inflation, mais aussi comme tout à fait profitable.

    Grâce à une première levée de fonds de 34 millions d’euros en 2008, la société par actions avait racheté deux exploitations sur plus de 4.000 hectares, avant de revendre le tout en 2011 avec un retour sur investissement moyen de 13,5%. AgroEnergy tente désormais de réunir 120 à 150 millions d’euros de capitaux pour acquérir 20.000 hectares supplémentaires.

    Une kyrielle de nouveaux investisseurs lorgnent eux aussi l’est du pays: une société de logistique, le propriétaire d’une chaîne de vente de lunettes, l’ancien gérant d’une entreprise financière, un ex-directeur d’imprimerie ou encore ce producteur de sucre qui possède des milliers d’hectares en Saxe, mais aussi en Moldavie, en Pologne et au Chili.

    «Les groupes qui achètent à grande échelle n’acquièrent pas directement des terrains, mais plutôt des parts dans des exploitations existantes, explique M. Andreas Tietz, coauteur d’une étude sur le sujet (2). Par ce biais, ils contrôlent les surfaces.»

    En effet, la loi allemande ne permet de vendre des terres agricoles qu’à des agriculteurs. Mais elle n’interdit à personne de reprendre des exploitations. KTG et consorts acquièrent ainsi d’immenses fermes puis emploient des agriculteurs comme simples salariés. L’accaparement des exploitations entraîne celui des terres. Des prix deux fois plus bas qu’à l’Ouest Dans les Länder de l’Est, les trois quarts des terres sont cultivées en fermage (3).

    Elles appartiennent le plus souvent à des particuliers ou à l’Église protestante. Celle-ci reste un grand propriétaire terrien en Allemagne de l’Est, mais ne vend pas. Le régime communiste n’avait pas formellement remis en cause son droit de propriété foncière agricole. Si le clergé ne pouvait disposer de ces terres à sa guise, il est resté propriétaire en titre sur le cadastre.

    «Les directeurs des grandes exploitations de l’Est atteignent tous l’âge de la retraite, souligne M. Moritz Spilker, l’un des gérants d’AgroEnergy. Il n’y a personne pour prendre la suite.»

    Personne, sauf des sociétés comme la sienne, capables de lever rapidement des dizaines de millions d’euros. Cette subite passion agricole tient pour une part au prix des sols, près de quatre fois plus bas que dans l’ouest de l’Allemagne en 2007, et toujours deux fois plus bas en 2012. Mais elle s’explique surtout par la structure des exploitations dans l’ex-RDA.

    Avec une surface moyenne de plus de 230 hectares, elles sont bien plus grandes qu’à l’Ouest (49 hectares en moyenne) et qu’en France (55 hectares). Beaucoup dépassent même les 1.000 hectares, en particulier les exploitations directement issues des coopératives agricoles.

    «Lors de la collectivisation, les surfaces ont été fusionnées pour constituer de très grandes unités, explique l’historien Arnd Bauerkämper, professeur à l’Université libre de Berlin. La situation allemande est bien particulière par rapport au reste de l’ancienne Europe communiste: en Allemagne, la réunification et l’entrée immédiate dans l’Union européenne ont tout de suite favorisé les grandes structures agricoles de l’ex-RDA.»

    Par un curieux renversement historique, la collectivisation mise en œuvre par le régime communiste favorise désormais la mainmise de grands groupes privés. M. Krüger, lui-même fils d’agriculteurs anciens membres d’une coopérative, se veut rassurant : « Ces investisseurs représentent tous ensemble peut-être 100.000 hectares. C’est moins de 2% des 5,5 millions d’hectares agricoles des régions de l’Est. »

    Mais la concentration s’accentue et, dans certains cantons aux sols de qualité, la part des terres passées dans les mains de ces nouveaux propriétaires fonciers atteint 10 à 25 %, selon les calculs des politiques et observateurs locaux.

    «Du néo-féodalisme, commente M. Helmut Klüter, professeur de géographie régionale à l’université de Greifswald, dans l’extrême nord-est du pays. Même du temps de la noblesse, les plus grands domaines atteignaient rarement plus de 400 hectares. Pas des milliers comme maintenant. Et ces exploitations gigantesques sont subventionnées par la politique agricole commune. »

    KTG Agrar touche par exemple, selon ses propres dires, 6 millions d’euros de subventions communautaires annuelles. Pendant ce temps, dans les villages du Mecklembourg-Poméranie-Occidentale, de la Saxe, du Brandebourg, les agriculteurs allemands subissent l’explosion du prix des sols, multiplié par deux dans les régions de l’Est depuis 2007 – par trois depuis la fin des années 1990 (4).

    «Lindhorst s’est implanté au sud-est d’ici, KTG vient d’acheter une ferme dans la localité voisine», rapporte M. Holger Lampe. L’homme de 56 ans dirige une coopérative agricole près de la frontière polonaise. Lui et les douze autres membres de la structure, dont cinq femmes, y élèvent 200 vaches sur 1.400 hectares, dont plus de la moitié en location.

    « Ici, c’était un domaine de junkers. Cela n’a rien de nouveau, vous savez, les grands propriétaires terriens », ironise l’éleveur, qui dirige l’exploitation depuis 1987. Arrivé comme jeune ingénieur agronome, il y a vécu la chute du Mur, la réunification, le passage à l’économie de marché et le plongeon dans l’«eau froide» de la politique agricole commune, à laquelle il n’a «toujours pas trouvé de fil conducteur ».

    Il est aujourd’hui confronté à l’arrivée des nouveaux investisseurs et à des prix du foncier devenus inaccessibles : « Dans les années 1990, nous avons acheté à 1 000 euros l’hectare. Aujourd’hui, c’est 10.000 à 12.000 euros. Trop cher pour nous. » Les terres acquises à bon prix il y a vingt ans l’ont été auprès de l’organisme public chargé depuis 1992 de restituer et privatiser les 2 millions d’hectares agricoles qui appartenaient à l’État est-allemand.

    La Société pour l’exploitation et la gestion des sols (Bodenverwertungs-und-verwaltungs GmbH, BVVG [5]), a ainsi vendu plus de 800.000 hectares agricoles, générant pas moins de 6 milliards d’euros de recettes. Et ce n’est pas fini. «La BVVG reste le plus grand propriétaire terrien à l’Est. Mais les prix qu’elle pratique ne sont plus défendables », accuse M. Udo Folgart, vice-président du groupement agricole DBV, élu au parlement régional du Brandebourg et lui-même directeur d’une exploitation de l’Est depuis les années 1980.

    Longtemps, la BVVG a cédé des terrains à prix d’ami aux fermes comme la sienne, légataires des coopératives est-allemandes. Mais la stratégie a changé en 2007: les transactions s’effectuent au terme d’appels d’offres où le plus fort enchérisseur l’emporte, ce qui tire les prix vers le haut. La BVVG dément nourrir une telle inflation, mais ses propres documents confirment qu’elle vend ses parcelles très au-dessus des prix moyens.

    Pour M. Ralf Behring, propriétaire d’une ferme familiale d’une centaine d’hectares dans le Brande- bourg, « il est évident que la BVVG fait monter les prix ». Lui et sa femme cultivent des céréales, élèvent des moutons et produisent des pommes vendues dans la capitale, le tout en bio.

    L’homme a grandi dans le sud-ouest de l’Allemagne ; il est arrivé ici en 1992, à tout juste 29 ans, et a récupéré à la faveur de la réunification l’ancienne ferme de son grand-père, qui avait fui le régime socialiste en 1958. Aujourd’hui, il se trouve à son tour en conflit ouvert avec le pouvoir, celui de la société publique de gestion des sols. Car une bonne partie de ses terres appartient encore à la BVVG, qui veut les vendre au plus vite.

    La survie même de la petite entreprise agricole du couple serait alors compromise. « Je ne pourrai pas acheter les terres en cas de vente au plus offrant, déplore l’agriculteur. Je sais que je vais les perdre. Après, il nous restera toujours la ferme de vacances » – une dépendance louée à des touristes au centre du village. A quelques dizaines de kilomètres au nord, à Schwerin, M. Till Backhaus, ministre social- démocrate de l’agriculture dans le Land du Mecklembourg-Poméranie-Occidentale, aurait bien une solution à proposer : stopper tout bonnement la privatisation.

    « Nous voulons acquérir, et à un prix modéré, les 50.000 hectares du Land qui sont encore entre les mains de la BVVG. Ensuite, nous les louerions à de jeunes agriculteurs, à des fermes bio, à des exploitations qui créent des emplois et de la valeur. » Venant d’un homme de l’Est, lui- même ancien chef de coopérative, l’idée a pour l’instant peu de chances de passer.

    Notes:

    (1) Cf. Michel Streith, «Retour vers le futur. Les premières années de la transition agricole postsocialiste dans l’ex-RDA», Économie rurale, 325-326, Paris, 2011.

    (2) Bernhard Forstner, Andreas Tietz, Klaus Klare, Werner Kleinhanss et Peter Weingarten, «Aktivitäten von nichtlandwirtschaftlichen und überregional ausgerichteten Investoren auf dem landwirtschaftlichen Bodenmarkt in Deutschland», Sonderheft, n o 352, Thünen-Institut, Braunschweig, 2011.

    (3) Dans l’ensemble de l’Allemagne, seules 38 % des surfaces agricoles appartiennent en propre aux agriculteurs.

    (4) En 2013, un hectare de terre agricole était près de deux fois plus cher en ex-RDA qu’en France (10.500 euros en moyenne, contre 5.750 euros).

    (5) La BVVG a pris le relais de la Treuhand, organisme créé en 1990 pour privatiser les entreprises de l’ex-RDA et dissous fin 1994.

    Le Monde diplomatique

    http://fortune.fdesouche.com/390181-allemagne-des-fermes-detat-lagrobusiness#more-390181

  • Gattaz et Macron : « Je t’aime, moi non plus »

     

    L’Université d’été du MEDEF à Jouy-en-Josas nous a offert un jeu de rôles divertissant, mais qui nécessite un décryptage, tant la présentation qui en a été faite par la coterie politico-médiatique était conçue, comme il se doit, pour occulter les vrais enjeux.

    Lorsque le patron des patrons appelle à « colmater le bateau France », en diminuant l’impôt, en réduisant la dépense publique et en simplifiant les formalités administratives et singulièrement la législation du travail, on est enclin à l’approuver sans réserve. Sur le dernier point notamment, chacun s’accorde sur le fait que le Code du Travail est un monstre juridique qui entrave le bon fonctionnement du marché de l’emploi, une autre sorte de mammouth qui nécessiterait un sérieux dégraissage.

    Et toute la presse conformiste de mettre l’accent sur la « conjonction astrale » qui s’offrirait pour donner plus de flexibilité au marché du travail. Pierre Gattaz aurait déclaré à ses troupes : « Je suis heureux de constater qu’un certain consensus est en train d’apparaître parmi les responsables politiques ainsi que d’éminents juristes, de droite comme de gauche », avant de confirmer devant les journalistes l’existence d’un véritable « consensus historique ».

    L’idée de détricoter le Code du Travail et de privilégier le dialogue social au sein de l’entreprise est loin d’être absurde. Pour autant, faut-il voir comme un signe que le sens des réalités serait venu aux socialistes le fait que cette idée a le soutien de Manuel Valls, de Robert Badinter, du juriste Antoine Lyon-Caen, de la CFDT ou de l’ancien directeur général du Travail Jean-Denis Combrexelle, chargé par le premier ministre de remettre en septembre un rapport sur « la place donnée à l’accord collectif par rapport à la loi dans le droit du travail » ? En fait, il n’y a rien dans toute cette agitation qu’une illustration supplémentaire de l’abandon par le PS du terrain économique et social au profit du « tout-marché », et sa focalisation sur le terrain sociétal, pour converger dans un libéralisme libertaire dont Emmanuel Macron – version costume-cravate – est une incarnation parfaite.

    Il ne faut donc pas se leurrer : ce n’est pas parce qu’il a critiqué les 35 heures, dans une petite phrase qui a fait le buzz pendant deux jours et qui a suscité le courroux des « frondeurs » du PS et de l’extrême gauche, que M. Macron est « de droite », comme les médias l’insinuent.

    La vérité est que les socialistes laissent le champ libre au libéralisme économique le plus débridé, celui du sans-frontiérisme et des entreprises transnationales, dont le MEDEF et son dirigeant, comme ce fut le cas avant lui de Laurence Parisot, sont les défenseurs acharnés. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si M. Gattaz, évoquant le profil souhaitable du successeur de Pierre Rebsamen au ministère du Travail, a indiqué voir plutôt quelqu’un qui « connaisse l’entreprise, l’économie de marché et la mondialisation ». Il s’est même offert le luxe de laisser entendre que le ministre de l’Economie et des Finances pourrait correspondre à ce profil, même s’il n’est pas le seul dans ce cas. Dont acte.

    Il ne faut donc pas se bercer d’illusions : il est possible que le MEDEF parvienne à faire adopter par un gouvernement complaisant la réforme qu’il appelle de ses vœux, à savoir le démantèlement du Code du Travail et son remplacement par une cinquantaine de « principes fondamentaux », ou, au pire, par un maintien du Code assorti d’un renversement de la hiérarchie des normes qui donnerait aux accords de branche et d’entreprise primauté sur la loi. M. Macron a montré, à l’occasion du vote de la loi qui porte son nom, son habileté dans la manipulation du 49-3, et de toute façon il se trouvera probablement une bonne partie des parlementaires LR et centristes, qui communient dans la même idéologie, pour compenser l’éventuelle carence des « frondeurs ».

    Selon M. Gattaz, le gouvernement qui réglera le problème « entrera dans l’Histoire » : s’il advient que le gouvernement socialiste mette en œuvre cette réforme, il n’aura fait rien d’autre qu’ajouter une contribution à l’abaissement de la fonction souveraine en livrant un peu plus la France aux intérêts de la super-classe mondiale cosmopolite et de l’hyper-puissance américaine.

    Merci pour vos bienfaits, MM. Gatton, Macraz, Holls et Vallande. Le Peuple vous les rendra !

    Bernard Mazin, 1/09/2015

    http://www.polemia.com/gattaz-et-macron-je-taime-moi-non-plus/

  • Derrière la FNSEA et Manuel Valls, les agriculteurs cocus…

    Jeudi, 1500 tracteurs et 91 bus sont entrés dans Paris, soit par Issy soit par Ivry, comme chantait Reggiani… Trois jours à 35 km/heure sur l’autoroute pour rallier la capitale depuis leur cour de ferme. Et trois jours pour y retourner, la larme à l’œil et la rage au cœur.

    « La France ne lâchera pas ses agriculteurs. Le désespoir, l’humiliation, la colère, nous les entendons. Et avec le gouvernement (…), nous y répondrons », leur a assuré le Premier ministre. Charles Péguy, si tu l’entends…

    Réforme en juillet au temps des moissons, réforme en septembre au temps des vendanges… et réforme en novembre, au temps des semis ? C’est à craindre, car les mesures annoncées hier par un Manuel Valls adressant aux éleveurs « un message d’amour » (sic) ne changeront pas grand chose ou souvent même rien du tout à leur sort. Le romantisme bucolique et les vers de mirliton ne font pas une politique, tout juste de minables calculs électoraux : différer pour mieux sauter, en espérant que d’autres sauteront à votre place une fois passées les élections…

    « Trois milliards d’euros en trois ans investis dans l’agriculture et l’élevage » a dit Manuel Valls. En réalité ce n’est rien d’autre que ce qui a été promis en juillet, un peu majoré : « année blanche » pour le remboursement des dettes des plus étranglés, prise en charge des intérêts d’emprunt et des cotisations sociales, moratoire sur les réglementations tatillonnes… En somme, il est urgent d’attendre. On verra – ou pas – après les élections.

    Un seul s’est félicité de ces accords « emportés de haute lutte » : c’est Xavier Beulin. Un seul aussi a été hué par une partie de la foule aux cris de « Vendu ! » ou « Démission ! » : c’est le même Xavier Beulin, patron de la FNSEA, syndicat qui tient dans ses mains les rênes de l’agriculture française depuis… 1964. D’un gouvernement à l’autre, en jouant à « je te tiens tu me tiens par la salopette… »

    Il est vrai qu’à regarder ce bonhomme qui dirige le syndicat depuis 2010, on se demande s’il est bien qualifié pour représenter les sous-smicards de la profession. En 2011, d’ailleurs, Isabelle Saporta dénonçait dans « Le livre noir de l’agriculture » l’entreprise de sape de ce syndicat « antipaysan » qu’est la FNSEA. Quant à son président, son fantastique parcours apporte à lui seul un brillant éclairage sur sa politique.

    Certes, Xavier Beulin connaît le métier, ayant repris à 18 ans la ferme paternelle au décès de son père. Mais à 56 ans aujourd’hui, c’est un gros céréalier et un businessman avisé. Il dirige toujours en Beauce, avec ses frères, une exploitation céréalière de 500 hectares qui fait du blé, du colza, du tournesol, de l’orge. Au moins il n’y fait pas du maïs pompeur d’eau… Mais il est aussi et surtout, depuis 15 ans, président du groupe Avril, géant de l’industrie agroalimentaire, numéro 1 français des huiles avec les marques Lesieur et Puget, producteur des œufs Mâtines, des marques Sopral, Terrial, Theseo, Novaol, Abera (viande de porc), Adonial, Expur… Il dirige également Sofiproteol, le « partenaire stratégique de l’agro-industrie et de l’agroalimentaire », dit sa pub, dont la filiale Farmor (Glon-Sanders), à Guingamp, importe des centaines de milliers de tonnes de poulets industriels brésiliens produits dans des conditions ignobles. Bref, comme le disait Périco Légasse dans une interview au Figaro (22/07) : « D’une main j’envoie mes éleveurs de volailles faire des actions commandos, d’une autre j’importe en masse ce qui les conduit à la ruine. »

    Entre biocarburants et aliments pour animaux vendus aux agriculteurs, le chiffre d’affaires du groupe Avril que dirige Xavier Beulin est de 7 milliards d’euros. Effectifs : 8.000 salariés. 

    Dernière précision : Xavier Beulin préside aussi le Grand Port Maritime de La Rochelle, qui est… le 2e port français pour l’exportation de céréales. Parce qu’on n’est jamais bien servi que par soi-même, c’est connu.

    Question : en quoi ce monsieur est-il qualifié pour représenter à la table des négociations des petits paysans à 1000 euros par mois pour 70 heures de travail semaine ??

    Marie Delarue

    source : Boulevard Voltaire :: lien

    http://www.voxnr.com/cc/tribune_libre/EuuEuVVpyZjsihbhzF.shtml