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tradition - Page 398

  • Que faire ? disent-ils… – Par Dominique Venner

    Pour respirer un peu loin des miasmes ridicules de la petite politique, je vais parler d’un message que m’adresse un lecteur de La Nouvelle Revue d’Histoire. Un lecteur mécontent, je le précise. Il a 21 ans, des études scientifiques. Il vit en grande banlieue. Il a réagi à la lecture de notre dossier récent « Les droites radicales en Europe ». Il me reproche, dans mon éditorial, de ne pas répondre à la question du « Que faire ? ». Il relève mes distances à l’égard de l’action politique, note que je parle de « solution spirituelle », me disant en substance : « c’est bien beau, mais cela ne me dit pas comment réagir face à la décadence européenne ». Je ne vais trahir aucun secret en reproduisant ma réponse qui résume en profondeur ma façon de voir. Voici :

     

    « N’attendez pas de moi des recettes pour l’action. Attendez de moi que je dise ce qu’est la vocation de votre génération. Si vous éprouvez le désir d’une action politique, engagez-vous, mais en sachant que la politique a ses propres règles qui ne sont pas celles de l’éthique. Quelle que soit votre action et tout simplement votre existence, il est vital de cultiver en vous, chaque jour, comme une invocation inaugurale, ce qui doit devenir, par répétition, une foi indestructible. Une foi indestructible dans le devenir européen au-delà de la période présente.

    « Je songe souvent au désespoir de Symmaque, appelé « le dernier Romain », l’un de nos ancêtres spirituels. J’ai évoqué ce personnage bien connu dans Histoire et tradition des Européens (p. 39-41). Symmaque, grand aristocrate romain, vivait à la fin du IVe siècle, époque sinistre entre toutes. Il est mort en témoin désespéré de la fin de l’ancienne romanité. Il ignorait que l’esprit de la romanité, héritier lui-même de l’hellénisme, renaîtrait par la suite perpétuellement sous des formes nouvelles. Il ignorait que l’âme européenne, autrement dit l’esprit de l’Iliade, est éternel à l’échelle humaine (qui n’est pas celle de la physique astrale).

    « Nous qui connaissons l’histoire sur quelques milliers d’années et l’explorons avec le regard interrogateur qui pouvait être celui de Symmaque, nous savons ce qu’il ne savait pas. Nous savons qu’individuellement nous sommes mortels, mais que l’esprit de notre esprit est indestructible, comme celui de tous les grands peuples et de toutes les grandes civilisations. Pour les raisons que j’ai souvent expliquées (conséquences du Siècle de 1914), ce n’est pas seulement l’Europe de la puissance qui est en sommeil. C’est avant tout l’âme européenne qui est en dormition. Quand viendra le grand réveil ? Je l’ignore et certainement je ne le verrai pas. Mais de ce réveil je ne doute pas une seconde. L’esprit de l’Iliade est comme une rivière souterraine toujours renaissante et intarissable. Parce que cela est vrai, mais invisible, il faut se le répéter soir et matin. Et ce secret (l’éternité de l’esprit de l’Iliade), personne ne pourra jamais nous le voler. »

    Dominique Venner http://fr.novopress.info

    Source : le site internet de Dominique Venner.

  • Mondialisation et guerre économique vues par Gustave Le Bon

    Les écrits de Gustave Le Bon, dans son livre Psychologie du socialisme, paru en 1898, il y a 111 ans, se révèlent d’une singulière actualité. Psychologie du socialisme, dans la version de sa 3e édition de 1902, est téléchargeable en format P.D.F. depuis le site de la B.N.F. : http://gallica2.bnf.fr.

    Gustave Le Bon
    Gustave Le Bon.

    Extraits des pages 200 à 207 de l’édition numérisée :

    « Le problème que nous allons aborder dans ce chapitre [...] nous montrera une fois de plus combien sont superficielles et irréalisables les solutions de bonheur universel proposées par les socialistes.

    Ce problème, [...] est celui de la lutte économique qui se dessine plus nettement chaque jour entre l’Orient et l’Occident. Le rapprochement des distances par la vapeur, et l’évolution de l’industrie, ont eu pour conséquence de mettre l’Orient à nos portes et de transformer ses habitants en concurrents de l’Occident. Ces concurrents, auxquels nous exportions jadis nos produits, se sont mis à les fabriquer dès qu’ils ont possédé nos machines. Et, au lieu de nous acheter, ils nous vendent maintenant. Ils y réussissent d’autant plus facilement qu’étant, par leurs habitudes séculaires, à peu près sans besoins, les prix de revient des objets fabriqués par eux sont très inférieurs à ceux des mêmes objets fabriqués en Europe. La plupart des ouvriers orientaux vivent avec moins de dix sous par jour, alors que l’ouvrier européen ne vit guère avec moins de quatre à cinq francs. Le prix du travail réglant toujours celui des marchandises, et la valeur de ces dernières sur un marché quelconque étant toujours déterminée par leur valeur sur le marché où elles peuvent être livrées au plus bas prix, il s’ensuit que nos fabricants européens voient toutes leurs industries menacées par des rivaux produisant les mêmes objets à des prix 10 fois moindres. L’Inde, le Japon, et bientôt la Chine, sont entrés dans la phase que nous prédisions jadis, et ils y progressent rapidement. Les produits étrangers affluent de plus en plus en Europe, et les produits fabriqués en sortent de moins en moins.

    Pendant longtemps la concurrence est restée localisée sur le terrain des produits agricoles, et, par ses conséquences, nous pouvons pressentir ce qui arrivera lorsqu’elle se sera étendue aux objets fabriqués.

    Les premiers résultats de la concurrence ont été, comme l’a fait remarquer monsieur Méline, à la Chambre des députés, de faire baisser de moitié en 20 ans la valeur des produits agricoles (…). Beaucoup d’économistes, et je suis du nombre, considèrent ces baisses comme avantageuses, puisque c’est en définitive le public, c’est-à-dire le plus grand nombre qui en profite. Mais il est facile de se placer à des points de vue où l’on puisse contester que de telles baisses soient avantageuses. Leur plus grave inconvénient est de mettre l’agriculture dans une situation précaire et d’obliger quelques pays à y renoncer, ce qui à certains moments pourraient avoir des conséquences graves.

    Cette hypothèse de contrées obligées de renoncer à l’agriculture n’a rien de chimérique puisqu’elle se réalise de plus en plus aujourd’hui pour l’Angleterre. Ayant à lutter à la fois contre les blés de l’Inde et contre ceux de l’Amérique, elle a renoncé progressivement à en cultiver, malgré la perfection des méthodes anglaises [...].

    Bornée d’abord aux matières premières et aux produits agricoles, la lutte entre l’Orient et l’Occident s’est étendue progressivement aux produits industriels. Dans les pays d’Extrême-Orient, l’Inde et le Japon par exemple, le salaire des ouvriers d’usine ne dépasse guère 10 sous (0 fr. 50) par jour, et leurs chefs n’en reçoivent pas beaucoup plus. Monsieur de Mandat-Grancey cite une usine, près de Calcutta, occupant plus de 1.500 ouvriers, et dont le sous-directeur indigène reçoit un traitement de moins de 20 frs. par mois. Avec des prix de revient aussi faibles, les exportations de l’Inde ont passé en dix ans de 712 millions à plus de 4 milliards. (…) Les Orientaux se sont mis à fabriquer successivement tous les produits européens, et toujours dans des conditions de bon marché rendant toute lutte impossible. Horlogerie, faïence, papier, parfumerie, et jusqu’à l’article dit de Paris, se fabriquent maintenant au Japon. [...] En 1890, les Japonais vendaient pour 700frs. d’ombrelles et de parapluies, ils en vendaient pour 1.300.000 francs 5 ans après, et de même pour tous les produits qu’ils se mettent à fabriquer. [...] la Chine n’est pas encore entrée dans le mouvement industriel, mais nous voyons venir le moment où elle va s’y lancer. On peut alors prévoir qu’avec son immense population sans besoins, ses colossales réserves en charbon, elle sera en peu d’années le premier centre commercial du monde, le régulateur des marchés, et que ce sera la Bourse de Pékin qui déterminera le prix des marchandises dans le reste de l’univers. On peut déjà apprécier la puissance de cette concurrence en se souvenant que les Américains, se reconnaissant incapables de lutter contre elle, n’ont trouvé d’autre procédé que d’interdire aux Chinois l’accès de leur territoire. [...]

    Il est de toute évidence que l’Europe est destinée à perdre [...] la clientèle de l’Extrême-Orient [...]. Non seulement elle la perdra, mais elle sera de plus, condamnée [...] à acheter à ses anciens clients sans pouvoir rien leur vendre. [...]

    Les luttes entre l’Orient et l’Occident, dont nous venons de tracer la genèse, ne font que commencer, et nous ne pouvons qu’en soupçonner l’issue.

    Les rêveurs de paix perpétuelle et de désarmement universel, s’imaginent que les luttes guerrières sont les plus désastreuses. Elles font périr en bloc, en effet, un grand nombre d’individus mais il semble bien probable que les luttes industrielles et commerciales qui s’apprêtent seront plus meurtrières et accumuleront plus de désastres et de ruines que n’en firent jamais les guerres les plus sanglantes. Elles détruiront entièrement peut-être de grandes nations ce que n’ont jamais pu réaliser les armées les plus nombreuses. [...]

    Le socialisme ne se préoccupe guère de tels problèmes. [...] Ce sera pour les nations où il [le socialisme] aura pris le plus de développement, que la lutte commerciale avec l’Orient sera le plus difficile et l’écrasement du vaincu le plus rapide. [...] Ce n’est pas le collectivisme, avec son idéal de basse égalité dans le travail et les salaires, qui pourra fournir aux ouvriers les moyens de lutter contre l’invasion des produits de l’Orient. Où prendra-t-il les fonds nécessaires pour payer les travailleurs quand les produits n’auront plus d’acheteurs, que les usines se seront progressivement fermées, et que tous les capitaux auront émigré vers des pays où ils trouveront une rétribution facile et un accueil bienveillant au lieu de persécutions incessantes ? »

    Le Post  http://histoire.fdesouche.com

  • Alain Griotteray est mort : Il incarnait la « droite de convictions » (archive 2008)

    Il a été dans la Résistance. Il a défendu l'Algérie française. Il était un gaulliste convaincu. Il a milité pour l'union de toutes les droites. Il a appartenu toute sa vie à une espèce en voie de disparition : la droite de conviction. Alain Griotteray n'est plus. Il s'est éteint le 30 août à l'âge de 85 ans.
    Nous sommes le 16 septembre 1981. La gauche la plus arrogante du monde est au pouvoir depuis quatre mois. À l'Assemblée nationale, elle doit faire face à la première motion de censure de l'opposition de droite. Censurer la gauche ? Quelle effronterie ! Pierre Mauroy, alors premier ministre de François Mitterrand, se lance dans le seul domaine dans lequel la gauche excelle : les leçons de morale. Toisant les députés de l'opposition, il leur lance : « Vous savez quels sont ceux qui, dans les heures sombres où le pays roulait vers le gouffre, se sont rassemblés pour que la France retrouve un jour sa dignité et sa liberté ? » Il insiste : « Vous savez qu'une certaine grande bourgeoisie et ceux qui défendent les plus gros intérêts ont choisi de suivre le gouvernement de Vichy pour prendre leur revanche ! »
    Résistant pour de vrai à 18 ans
    Pour inexacte qu'elle soit, cette antienne n'en est pas moins ancienne : la gauche a résisté, la droite a collaboré ! La première peut donc parader, la seconde doit se taire. Pour un ancien résistant qui, en 1940, n'avait que 18 ans, la suffisance du maire de Lille est une insulte. Il va en faire un livre : 1940 : la droite était au rendez-vous. Qui furent les premiers résistants ? (Robert Laffont, 1985). Car en 1940, les premiers résistants sont légitimistes, maurrassiens ou nationalistes. Honoré d'Estienne d'Orves. Maurice Duclos. Le colonel Rémy. Le colonel Passy. Georges Loustanau-Lacan. Pierre de Bénouville. Charles Vallin. Tant d'autres encore. Ils viennent tous des rangs d'une droite nourrie de la pensée de Barrès el de Péguy. La gauche, elle, à l'image de Marcel Déat, de Jacques Doriot ou de Paul Marion, a choisi la collaboration.
    Ce résistant, piqué au vif, qui ne supporte pas l'insulte faite à ses camarades de combat, sait de quoi il parle. Il s'agit d'Alain Griotteray. Le 11 novembre 1940, il a tout juste 18 ans. Cela ne l'empêche pas de participer à la première manifestation parisienne organisée contre l'occupant allemand. En fin d'après-midi, à l'appel de Jean-Ebstein-Langevin, qui appartient à l'Action française, des centaines d'étudiants se retrouvent pour déposer une gerbe sur la tombe du soldat inconnu. La police militaire intervient. Le sang ne coule pas, mais les jeunes gens arrêtés passent de trois semaines à six mois en prison au Cherche-Midi.
    Le combat d'Alain Griotteray pour la libération du sol de la patrie occupée commence, Il participe à la création du réseau Orion, du nom d'un village béarnais se trouvant sur la ligne de démarcation et choisi comme point de passage entre les deux zones. Ses camarades se nomment notamment Pascal Arrighi, qui sera en 1986 député du Front national ; Jean-Baptiste Biaggi, avocat talentueux et ami de Jean-Marie Le Pen ; Yves de Kermoal, l'auteur du Chant des Commandos de France ; Noël Leclercq, au nationalisme intransigeant.
    Par l'entremise d'Henri d'Astier de la Vigerie, le réseau Orion, en tant que réseau de renseignement, est impliqué dans la préparation du débarquement d'Afrique du Nord du 8 novembre 1942. En octobre 1943, Alain Griotteray rédige, avec l'abbé Cordier, les statuts des Commandos de France. La libération arrive. Griotteray a été un vrai résistant. Il ne fait donc pas partie de ceux qui exhibent celle qualité à tout bout de champ.
    Aux côtés de Malaud et de Junot
    En 1947, il rejoint le RPF fondé par De Gaulle. Gaulliste, il le sera toute sa vie, même si, partisan de l'Algérie française, il n'approuve pas la politique de l'homme du 18 juin. Son attachement à l'empire colonial lui vaut de voir son nom cité, en 1957, dans l'affaire du bazooka. Le 16 janvier de cette année, un obus de bazooka pulvérise à Alger le quartier général des forces armées. Le général Raoul Salan était visé. Absent, il est épargné, mais son adjoint, le commandant Rodier, est tué. Les partisans de De Gaulle, au premier rang desquels figure Michel Debré, sont suspectés d'avoir voulu tuer Salan pour provoquer le retour aux affaires du général. Dans ses Mémoires (éditions du Rocher/De Fallois, 2004), Alain Griotteray tentera, dans des pages trop brèves, de blanchir Debré en chargeant Mitterrand, accusé d'avoir voulu à l'époque, en tant que garde des Sceaux, mouiller Michel Debré. Le mystère sur cette affaire reste entier.
    En 1962, un hebdomadaire insolent voit le jour. Il s'agit de « Minute ». Un an plus tard/Alain Griotteray acquiert 240 actions de la société éditrice du journal par le biais de la Société d'études techniques et de publicité dont il est le co-fondateur. Son beau-frère, Bernard Leclerc, entre au conseil d'administration de la société qui édite « Minute », Son aventure dans la presse ne s' arrêtera pas là. En 1978, il fonde avec Louis Pauwels « Le Figaro Magazine ». Celui de la grande époque. Celui des articles politiques indépendants. Avant que les pages glamour n'envahissent les colonnes du journal.
    Après avoir rejoint les Républicains indépendants de Valéry Giscard d'Estaing, il devient membre du Parti républicain. Il sera plusieurs fois député et maire de Charenton-le-pont de 1973 à 2001. Optimiste (ou pessimiste actif), en 1984, il écrit un livre, Nous ne serons plus jamais socialistes (éditions Albatros). Quatre ans plus tard, François Mitterrand est réélu face à Jacques Chirac. La droite la plus bête du monde s'est suicidée. Contrairement au vœu d'Alain Griotteray, elle a refusé toute entente avec le Front national. Elle le refusera toujours. Avec toujours plus d'aveuglement.
    Alain Griotteray, lui, militera toujours pour l'union de toutes les droites. Il le montrera encore en 2007 en apportant son soutien à Marine Le Pen, qui vient de rendre hommage « à un grand homme dont les différentes étapes de la vie ont toutes été marquées par l'amour de la nation ». Dans le domaine de l'immigration, il ne s'est pas trompé. Son livre, Immigration : le choc, paru en 1985 (Plon) mérite de figurer aux côtés du Camp des saints de Jean Raspail Aussi tristement prophétique.
    Philippe Malaud est parti.
    Michel Junot s'en est allé. Alain Griotteray les a rejoints. La droite de convictions est une nouvelle fois en deuil. Le champ est presque désert. N'y demeurera bientôt que la droite de pacotille.
    Thierry Normand Minute 3 septembre 2008

  • Adieu au Professeur Piet Tommissen

    Adieu au Professeur Piet Tommissen (1925-2011)
     
    Quelques jours après avoir lu l’hommage publié par “Junge Freiheit” suite au décès du Professeur Helmut Quaritsch, l’ancien éditeur de la revue “Der Staat” (Berlin), j’apprenais, jeudi 1 septembre, en feuilletant sur le comptoir même du marchand de journaux mon “’t Pallieterke” hebdomadaire, dont je venais de prendre livraison, la mort du Professeur Piet Tommissen, qu’évoque avec une belle émotion le journal satirique anversois. Deux géants mondiaux des sciences politiques viennent donc de disparaître cet été, nous laissant encore plus orphelins depuis les disparitions successives de Panayotis Kondylis, de Julien Freund, de Gianfranco Miglio ou d’Armin Mohler.
     

    A la recherche de Pareto et Schmitt

    J’avais appris, tout au début de mon itinéraire personnel, où, forcément, les tâtonnements dominaient, qu’un certain Professeur Tommissen avait publié des ouvrages sur Vilfredo Pareto et Carl Schmitt. Nous savions confusément que ces auteurs étaient extrêmement importants pour tous ceux qui, comme nous, refusaient la pente de la décadence que l’Occident avait empruntée dès les années 60, immédiatement après les “technomanies” et les américanismes des années 50. Nous voulions une sociologie et, partant, une politologie offensives, constructrices de sociétés ayant réagi vigoureusement, “quiritairement” contre l’éventail d’injustices, de dysfonctionnements, d’enlisements, de déliquescences que le complexe bourgeoisisme/économicisme/libéralisme/parlementarisme avait induit depuis la moitié du 19ème siècle. Pareto démontrait (et Roberto Michels plus sûrement encore après lui...) quelles étaient les étapes de l’ascension et du déclin des élites politiques, destinées au bout de trois ou quatre générations à vasouiller ou à se “bonzifier” (Michels). Nous voulions être une nouvelle élite ascendante. Nous voulions bousculer les “bonzes”, leur indiquer la porte de sortie. Naïveté de jeunesse: ils sont toujours là; pire, ils ont coopté les laquais de leur laquais. Nous connaissions moins bien Schmitt à l’époque mais nous devinions que sa définition du “politique” impliquait d’aller à l’essentiel et permettait de trier le bon grain de l’ivraie dans le kaléidoscope des agitations politiques et politiciennes du 20ème siècle: que ce soit sous la république de Weimar, dans le marais politicard de la pauvre Belgique de l’entre-deux-guerres (le “gâchis des années 30” dira le Prof. Jean Vanwelkenhuyzen), dans les turpitudes des Troisième et Quatrième Républiques en France auxquelles De Gaulle, formé par René Capitant, disciple de Carl Schmitt, tentera de mettre en terme à partir de 1958.
     

    Première rencontre avec Piet Tommissen dans la rue du Marais à Bruxelles

    Il y avait donc sur la place de Bruxelles, un professeur d’université qui s’occupait assidûment de ces deux géants de la pensée politique européenne du 20ème siècle. Il fallait donc se procurer ses ouvrages et les lire. J’avais vu une photo du Professeur Tommissen dans un numéro d’ “Eléments” ou dans une autre publication du “Groupe de Recherches et d’Etudes sur la Civilisation Européenne”. Ce visage rond et serein m’avait frappé. J’avais retenu ces traits lisses et doux et voilà qu’en février ou en mars 1975, en sortant des bâtiments réservés aux romanistes et germanistes des Facultés Universitaires Saint-Louis, rue du Marais à Bruxelles, je vois tout à coup le Prof. Piet Tommissen, campé devant l’entrée du 113, à l’époque occupé par la “Sint-Aloysius Handelhogeschool”, où il dispensait ses cours. Il était impressionnant, non seulement par la taille mais aussi, faut-il le dire, par le joyeux embonpoint qu’il affichait, lui qui fut aussi un très fin gourmet et un bon amateur de ripailles estudiantines, ponctuées de force hanaps de blonde cervoise. Je suis allé vers lui et lui ai demandé, sans doute un peu emprunté: “Bent u Prof. Tommissen?”. Une certaine appréhension me tourmentait: allait-il envoyer sur les roses le freluquet que j’étais? Que nenni! Le visage rond et lisse de la photo, ancrée dans le recoin d’une de mes circonvolutions cérébrales, s’est aussitôt illuminée d’un sourire inoubliable, effet d’une sérénité intérieure, d’une modestie et d’une bonté naturelles (et sans pareilles...). Cette amabilité contrastait avec l’arrogance qu’affichaient jadis trop d’universitaires, souvent à fort mauvais escient. Le Prof. Tommissen était à l’évidence heureux qu’un quidam cherchait à se procurer ses ouvrages sur Pareto et Schmitt. Il m’a indiqué comment les obtenir et je les ai achetés.
     

    Piet Tommissen et Marc. Eemans

    Ensuite, plus aucune nouvelle de Tommissen pendant au moins trois longues années. Je le retrouve plus tard dans le sillage de son ami Marc. Eemans, avec qui il avait édité de 1973 à 1976 la revue “Espaces”. Je rencontre Eemans, comme j’ai déjà eu plusieurs fois l’occasion de le rappeler, à l’automne 1978, sans imaginer que le peintre surréaliste et évolien était lié d’une amitié étroite avec le spécialiste insigne de Pareto et Schmitt. L’histoire de cette belle amitié, ancienne, profonde, intense, n’a pas encore été explorée, n’a pas (encore) fait l’objet d’une étude systématique. De tous les numéros d’ “Espaces”, je n’en possède qu’un seul, depuis quelques semaines seulement, trouvé chez l’excellent bouquiniste ixellois “La Borgne Agasse”: ce numéro, c’est celui qui a été consacré par le binôme Tommissen/Eemans à l’avant-gardiste flamand Paul Van Ostaijen, dont on connait l’influence déterminante sur l’évolution future de Marc. Eemans, celui-là même qui deviendra, comme l’a souligné Tommissen lui-même, “un surréaliste pas comme les autres”. A signaler aussi dans les colonnes d’ “Espaces”: une étude de Tommissen sur la figure littéraire et politique que fut l’étonnant Pierre Hubermont (auquel un étudiant de l’UCL a consacré naguère plusieurs pages d’analyses, surtout sur son itinéraire de communiste dissident et sur son socialisme particulier dans un mémoire de licence centré sur l’histoire du “Nouveau Journal”; cf. Maximilien Piérard, “Le Nouveau Journal 1940-1944 - Conservation révolutionnaire et historisme politique – Grandeur et décadence d’une métapolitique quotidienne”; promoteur: Prof. Michel Dumoulin; Louvain-la-Neuve, 2002).
     

    “De Tafelronde” et “Kultuurleven”

    Tommissen, comme Schmitt d’ailleurs, n’était pas exclusivement cantonné dans les sciences politiques ou l’économie: il était un fin connaisseur des avant-gardes littéraires et artistiques, s’intéressait avec passion et acribie aux figures les plus originales qui ont animé les marges enivrantes de notre paysage intellectuel, des années 30 aux années 70. On devine aussi la présence de Tommissen en coulisses dans l’aventure de la fascinante petite revue d’Eemans et de Gaillard, “Fantasmagie”. “Espaces” fut une aventure francophone de notre professeur flamand, par ailleurs très soucieux de maintenir et d’embellir la langue de Vondel. Mais ses initiatives et ses activités dans les milieux d’avant-gardes ne se sont pas limitées au seul aréopage réduit (par les circonstances de notre après-guerre) qui entourait Marc. Eemans. En Flandre, Tommissen fut l’une des chevilles ouvrières d’une revue du même type qu’ “Espaces”: “De Tafelronde”, à laquelle il a donné des articles sur Ernst Jünger, Jean-Paul Sartre, Stefan George, Apollinaire, Edgard Tijtgat, Alfred Kubin, etc. Parallèlement à “Espaces” et à “De Tafelronde”, Piet Tommissen collaborait à “Kultuurleven”, qui a accueilli bon nombre de ses articles de sciences politiques, avec des contributions consacrées à Henri De Man, Carl Schmitt, Vilfredo Pareto et des notules pertinentes sur Thom et sa théorie des catastrophes, sur René Girard, Rawls et Baudrillard, sans oublier Heidegger, Theodor Lessing et Otto Weininger.
     

    “Dietsland Europa”

     
    Tommissen n’avait pas peur de “se mouiller” dans des entreprises plus audacieuses sur le plan politique comme “Dietsland-Europa”, la revue du “flamingant de choc”, un coeur d’or sous une carapace bourrue, je veux parler du regretté Bert Van Boghout qui, souvent, par ses aboiements cinglants, ramenait les ouailles égarées vers le centre du village. On sait le rôle joué par des personnalités comme Karel Dillen, futur fondateur du “Vlaams Blok”, et par le Dr. Roeland Raes, dans le devenir de cette publication qui a tenu le coup pendant plus de quarante années sans faiblir. Tommissen et moi, nous nous sommes ainsi retrouvés un jour, en l’an de grâce 1985, au sein de la rédaction d’un numéro spécial de la revue de Van Boghout sur Julius Evola, dossier qui sera repris partiellement par la revue évolienne française “Totalité” de Georges Gondinet. C’était au temps béni du meilleur adjoint que Van Boghout ait jamais eu: l’étonnant, l’inoubliable Frank Goovaerts, qui pratiquait les arts martiaux japonais jusque dans l’archipel nippon, traversait chaque été la France en moto, jouait au bridge comme un lord anglais et était ouvrier sur les docks d’Anvers; il fut assassiné dans la rue par un dément en 1991. Dans les colonnes de “Dietsland-Europa”, Tommissen a évoqué son cher Carl Schmitt, qui le méritait bien, le livre de Bertram sur Nietzsche, Hans Freyer (dont on ne connait que trop peu de choses dans l’espace linguistique francophone), Pareto, les courants de droite sous la République de Weimar, la théorie schmittienne des grands espaces et la notion évolienne de décadence.
     

    L’appel de Carl Schmitt: devenir des “Gardiens des Sources”

     
    Au cours de cette période —j’ai alors entre 18 et 24 ans— j’apprends, sans doute de la bouche d’Eemans, que la Flandre, et plus particulièrement l’Université de Louvain, avait connu pendant l’entre-deux-guerres, à l’initiative du Prof. Victor Leemans, une “Politieke Academie”, dynamique think tank focalisé sur tous les thèmes de la sociologie et de la politologie qui nous intéressaient. Tommissen s’est toujours voulu incarnation de l’héritage, réduit à sa seule personne s’il le fallait et s’il n’y avait pas d’autres volontaires, de cette “Politieke Academie”. Il a oeuvré dans ce sens, en laissant un maximum de traces écrites car, on le sait, “les paroles s’envolent, les écrits restent”. C’est la raison pour laquelle il est resté un “octogénaire hyperactif”, comme le soulignait très récemment Peter Wim Logghe, rédacteur en chef de “Teksten , Kommentaren en Studies”. Pourquoi? Parce que, dans ses “Verfassungsrechtlichen Aufsätze” et plus particulièrement dans la 5ème subdivision de la 17ème partie de ce recueil, intitulée “Savigny als Paradigma der ersten Abstandnahme von der gesetzesstaatlichen Legalität”, Carl Schmitt a réclamé, non pas expressis verbis mais indirectement, l’avènement d’une sorte de centrale intellectuelle et spirituelle, qu’il évoquait sous le nom poétique de “Hüter der Quellen”, “les Gardiens des Sources”. Voilà ce que Tommissen a voulu être: un “Gardien des Sources”, dût-il se maintenir à son poste comme le soldat de Pompéi ou d’Herculanum, en dépit des flots de lave qui s’avançaient avec fureur face à lui. Quand la lave refroidit et se durcit, on peut en faire de bons pavés de porphyre, comme celui de Quenast. Avec la boue “enchimiquifiée” et les eaux résiduaires de la société de consommation, on tuera jusqu’à la plus indécrottable des chienlits. Petite méditation spenglerienne et pessimiste...
     

    La “Politieke Academie”

    Nous aussi, nous interprétions, sans encore connaître ce texte fondamental de Schmitt, notre démarche métapolitique, au dedans ou en dehors de la “nouvelle droite”, peu importait, comme une démarche de “gardien des sources”. Alors qu’avons nous fait? Nous avons entamé une recherche de textes émanant de cette “Politieke Academie” et de ce fascinant Prof. Leemans. Nous avons trouvé son Sombart, son Marx, son Kierkegaard, que nous comparions aux textes sombartiens édités par Claudio Mutti et Giorgio Freda en Italie, aux rares livres de Sombart encore édités en Allemagne, notamment chez DTV; nous cherchions à redéfinir les textes marxiens à la lumière des dissidents de la IIème et de la IIIème Internationales (Lassalle, Dühring, De Man,...). Mais la “Politieke Academie” avait des successeurs indirects: nous plongions dans les trois volumes de monographies didactiques sur la vie et l’oeuvre des grands sociologues contemporains que la célèbre collection “Aula” offrait à la curiosité des étudiants néerlandais et flamands (“Hoofdfiguren uit de sociologie”); seul germaniste dans le groupe, j’ajoutais les magnifiques ouvrages de Helmut Schoeck (dont: “Geschichte der Soziologie – Ursprung und Aufstieg der Wissenschaft von der menschlichen Gesellschaft”). Tout cela constituait un complexe de sociologie et de sciences politiques tonifiant; avec cela, nous étions à des années-lumière des petits exercices insipides de statistiques étriquées et de meccano “organisationnel” à l’américaine, nappé de la sauce vomitive du “politiquement correct”, qu’on propose aujourd’hui aux étudiants, en empêchant du même coup l’avènement d’une nouvelle élite, prête à amorcer un nouveau cycle sociologique parétien, en coupant l’herbe sous les pieds d’avant-gardistes qui sont tout à la fois révolutionnaires et “gardiens des sources”.
    A cette époque de grande effervescence intellectuelle et de maturation, nous avons rencontré le Professeur Tommissen à la tribune du “Centro Studi Evoliani” de Marc. Eemans, où il a animé une causerie sur Pareto et une autre sur Schmitt. Nous connaissions mieux Pareto grâce à l’excellent ouvrage de Julien Freund sur le sociologue et économiste italien, paru à l’époque chez Seghers. Notre rapport à Schmitt, à l’époque, était indirect: il passait invariablement par l’ouvrage de Freund: “Qu’est-ce que le politique?”. De Carl Schmitt lui-même, nous ne disposions que de “La notion du politique”, publié chez Calmann-Lévy, grâce à l’entremise de Julien Freund, sans que nous ne connaissions véritablement le contexte de l’oeuvre schmittienne. Celle-ci n’était accessible que via des travaux académiques allemands, difficilement trouvables à Bruxelles. Finalement, j’ai obtenu les références nécessaires pour aller commander les ouvrages-clefs du “solitaire de Plettenberg” chez ce cher librairie de la rue des Comédiens, au coeur de la vieille ville de Bruxelles. Résultat: une ardoise, alors considérable, de 5000 francs belges, que mon père est allé apurer, tout à la fois catastrophé et amusé. Une bêtise d’étudiant, à ses yeux... Nous étions au printemps de l’année 1980 et une partie de l’ardoise (il n’y avait pas seulement les 5000 francs résiduaires payés par mon géniteur...) avait été généreusement offerte par le Bureau de traduction de Mr. Singer, chez qui j’avais effectué mon stage pratique obligatoire de fin d’études. Singer, germanophone issu de la communauté israélite berlinoise, aimait les étudiants qui avaient choisi la langue allemande: il voulait toujours leur offrir des livres qui exprimaient la pensée nationale allemande, sinon des ouvrages qui communiquaient à leurs lecteurs l’esprit prussien de discipline. Quand je lui ai suggéré de me financer du Carl Schmitt, Singer, déjà octogénaire et toujours sur la brèche, était enchanté. Et voilà comment, de Tommissen à Singer, et de “Over en in zake Carl Schmitt” jusqu’à la pharamineuse commande au libraire de la rue des Comédiens, a commencé mon itinéraire personnel de schmittien en herbe. Inutile de préciser que cet itinéraire est loin d’être achevé...
     

    “Nouvelle école”: Tommissen à mon secours

    En 1981, très exactement à la date du 15 mars, je débarque avec mes parents et mes bagages à Paris, où me reçoivent les amis Gibelin et Garrabos. J’étais devenu le secrétaire de rédaction de “Nouvelle école”, la très belle revue de l’inénarrable et fantasque de Benoist. Celui-ci, avec l’insouciance et l’impéritie de l’autodidacte parisien prétentieux, avait décidé de me faire fabriquer des numéros de “Nouvelle école” sur Pareto et sur Heidegger. C’est évidemment de la candeur de journaliste. Comment peut-on demander à un galopin de tout juste 25 ans, qui n’a pas étudié les sciences politiques ou la philosophie, de fabriquer de tels dossiers en un tourne-main? Tout simplement parce qu’on est un farfelu. Mais, moi, on ne m’a jamais appris à discuter, d’ailleurs Schmitt abhorrait la discussion à l’instar de Donoso Cortès. Il fallait obéir aux ordres et aux consignes: il fallait agir et produire ce qu’il fallait produire. Donc il a bien fallu que je m’exécute, sans trop gaffer. Comment? Eh bien, en m’adressant aux deux seules personnes, que je connaissais, qui avaient pratiqué Pareto à niveau universitaire: Bernard Marchand et Piet Tommissen! Bernard Marchand avait rédigé un mémoire à l’UCL sur les néo-machiavéliens, tels que James Burnham les avait présentés. Il nous a livré, à titre d’introduction, une version adaptée et complétée de son mémoire. Tommissen est ensuite venu à mon secours et m’a confié des textes de lui-même et d’un certain Torrisi. Guillaume Faye, plus branché sur les sciences politiques, a commis un excellent texte sur la notion de doxanalyse qu’il avait tiré de sa lecture très attentive des oeuvres de Jules Monnerot. D’où: première mission accomplie! Réaction grognone de de Benoist, dans l’affreux bouge dégueulasse de restaurant, qui se trouvait à côté des bureaux du GRECE, rue Charles-Lecocq dans le 15ème, et où il avait l’habitude de se “restaurer”: “C’est la colonisation belge... Je vais finir par m’appeler Van Benoist et, toi, Guillaume, tu t’appelleras Van Faye...”. Il ne manquait plus que “Van Vial” et “Van Valla” au tableau... Après cette parenthèse parisienne, où les anecdotes truculentes et burlesques ne manquent pas, il fallait que j’accomplisse mon service militaire et que je mette la  dernière main à mon mémoire de fin d’études, commencé en 1980.
     

    La défense orale de mon mémoire: encore Tommissen à mon secours!

     
    Vu la maladie puis le départ à la retraite de mon promoteur de mémoire, Albert Defrance, je ne présente mon pensum au jury qu’en septembre 1983. Ce n’est pas un mémoire transcendant. Ecole de traduction oblige, il s’agit d’une modeste traduction, annotée, justifiée et explicitée dans son contexte. Mais elle entrait dans le cadre des sciences politiques, telles que nous les concevions. Au début, j’avais souhaité traduire un des ouvrages de Helmut Schoeck mais ceux-ci étaient tous trop volumineux pour un simple mémoire dit de “licence” (selon le vocabulaire belge, avant l’introduction du vocabulaire de Bologne). Finalement, le seul ouvrage court brossant un tableau intéressant des pistes sociologiques et politologiques que nous aimions explorer était celui d’Ernst Topitsch et de Kurt Salamun sur la notion d’idéologie. Mais problème: Defrance s’intéressait à la question mais il n’était plus là. Mon cher professeur de grammaire allemande, Robert Potelle, reprend le flambeau mais avoue, avec la trop grande modestie qui le caractérise, qu’il n’est pas habitué à manier le vocabulaire propre à ces disciplines. Frau Costa, notre professeur d’histoire allemande, fait preuve de la même modestie exagérée (“Wie haben Sie einen solchen Wortschatz meistern können?”), alors que son cours sur le passage de Weimar au national-socialisme, avec la fameuse “Ermächtigungsgesetz” fut une excellente introduction à une problématique abordée par Schmitt. Que faire? Comment trouver un universitaire germanophone spécialisé dans la thématique? C’est simple: appeler Tommissen pour qu’il soit l’un de mes lecteurs extérieurs. Rendez-vous est pris à Grimbergen, dans le foyer, antre et bibliothèque de notre professeur. Tommissen accepte: il aime la clarté et la concision de Topitsch et Salamun. Lors de la défense orale, Tommissen aiguille le débat sur une note, que j’avais ajoutée, sur la notion wébérienne de “Wertfreiheit”. Ce terme est intraduisible en français. Seul Julien Freund avait forgé une traduction acceptable: “neutralité axiologique”. En effet, si je suis “libre”, donc “frei” donc en état de “liberté”, de “Freiheit”, et si je suis dépourvu de tout “jugement impromptu de valeur”, donc si je suis “neutre”, quand j’observe une réalité sociologique ou politique, qui, elle, véhicule des valeurs, je suis en bout de course “libre de toute valeur”, donc “axiologiquement neutre”, chaque fois que je pose un regard scientifique sur un phénomène social ou politique. Weber plaçait aussi cette notion de “Wertfreiheit” dans le contexte de sa distinction entre “éthique de la responsabilité” (“Verantwortungsethik”) et “éthique de la conviction” (“Gesinnungsethik”). Ni l’une ni l’autre ne sont dépourvues de “valeur” mais la responsabilité implique un recul, un usage parcimonieux et raisonnable des ressources axiologiques tandis que la conviction peut, le cas échéant, déboucher sur des confrontations et des blocages, des paralysies ou des déchaînements, justement par absence de recul et de parcimonie comportementale.
    Voilà ce que j’ai pu répondre, en bon allemand, et ainsi obtenir une distinction. Je la dois indubitablement à l’ascendant de Tommissen et à sa manière habile de poser effectivement la question principale qu’il convenait de poser face à ce mémoire, modeste traduction.
     

    La bibliothèque de Grimbergen

    L’un des premiers textes de Piet Tommissen fut un récit de son voyage, avec son épouse Agnès, chez Carl Schmitt, à Plettenberg en Westphalie. Avec grande tendresse, Tommissen a décrit ce voyage, la réception profondément amicale que lui avait prodiguée Carl Schmitt. A mon tour de raconter aussi deux ou trois impressions de ma visite à Grimbergen, pendant l’été 1983: accueil chaleureux d’Agnès et Piet Tommissen, visite de la bibliothèque. Dans la pièce de séjour, il y avait ce fauteuil du maître des lieux, tout entouré d’étagères construites sur mesure, croulant sous le poids des livres du mois, potassés pour écrire le prochain article ou essai. Tout, dans la maison, était agencé pour faciliter la lecture. La bibliothèque de Grimbergen était fabuleuse: elle mérite bien la comparaison avec les autres grandes bibliothèques privées que j’ai eu l’occasion de visiter: celle d’Alain de Benoist évidemment; celle de Mohler, vue à Munich en plein été torride de 1984; celle, luxuriante et chaotique de Pierre-André Taguieff, véritable labyrinthe où évoluait un gros chat teigneux et espiègle; celle, somptueuse, dans la villa de Miglio, vue en mai 1995 à Côme et celle de Peter Bossdorf, la plus magnifiquement agencée, vue en automne 2010. Cette évocation des grandes bibliothèques est évidemment un clin d’oeil à Tommisen: celui-ci s’enquerrait toujours des livres achetés par ses hôtes et leur demandait d’évoquer leurs bibliothèques...
     

    Pierre-André Taguieff à Bruxelles

    Plus tard, début des années 90, quand Pierre-André Taguieff préparait son ouvrage “Sur la nouvelle droite”, paru en 1994 chez Descartes & Cie, il avait sollicité un rendez-vous avec Tommissen et avec moi-même: le soir de cette journée, nous avons dîné dans un restaurant minuscule, uniquement destiné aux gourmets, en compagnie de mon camarade Frédéric Beerens et d’un majestueux ami de Tommissen, affublé d’une énorme barbe rousse qui lui couvrait un poitrail de taureau. Discussion à bâtons rompus, surtout entre Taguieff et Tommissen sur la personnalité de Julien Freund. On reproche à Taguieff certains travaux jugés inquisitoriaux sur la “nouvelle droite” ou sur les mouvements populistes (l’ouvrage de Taguieff sur “L’illusion populiste” est d’ailleurs le plus faible de ses ouvrages: les chapitres concernant la Flandre et l’Autriche ne comportent aucune référence en langue néerlandaise ou allemande!). Mais il faut rendre hommage au philosophe qui a critiqué le “bougisme” contemporain et a assorti cette critique d’un appel à la résistance de toutes les forces politiques qui n’entendent pas s’aligner sur les poncifs dominants. Ensuite, l’oeuvre majeure de Pierre-André Taguieff, “L’effacement de l’avenir” deviendra indubitablement un grand classique: on y découvre un excellent constat de faillite du “progrès”, une critique extrêmement pointue du présentisme ainsi qu’une critique fort pertinente des nouvelles formes de fausse démocratie qui ne sont, explique Taguieff, que des “expertocraties”. On peut évoquer ici le “double langage” de Taguieff, non pas au sens orwellien du terme, où la “liberté” serait l’ “esclavage”, mais dans le sens où nous avons affaire à un théoricien en vue de la gauche mitterrandienne et post-mitterrandienne, obsédé par le joujou “racisme” comme il y avait un “joujou nationalisme” du temps de Rémy de Gourmont, un intellectuel post-mitterrandien qui a pondu une triclée de travaux sur cette notion-joujou qui n’a pas d’autre existence ou de statut que ceux de “bricolages médiatiques”; au fond: s’il existe à l’évidence des préjugés raciaux, cela n’empêchera nullement le pire des racistes de trouver un jour son bon “nègre”, son “bon arbi” ou son juif favori. Même le Troisième Reich recrutait Blancs, Blacks et Beurs, et Indiens bouddhistes, hindouistes, musulmans ou sikhs, pourvu qu’il s’agissait de lutter contre la ploutocratie britannique. Et le plus acharné des anti-racistes fulminera un jour contre un représentant quelconque d’une autre race que la sienne ou sera agité par un prurit antisémite; dans la vie quotidienne les exemples sont légion. Quant aux Blancs, ils sont tout aussi victimes de préjugés raciaux que les autres.
    Taguieff situe ses propres travaux sur le racisme et l’anti-racisme dans le cadre d’un axe de recherches inauguré par l’Américain Gordon W. Allport (“The Nature of Prejudice”, 1ère éd., 1954): le danger que recèle ce genre de démarche, qui est propre à un certain libéralisme totalitaire, est d’amorcer une critique des “préjugés” qui amènera à un rejet puis à un arasement des “valeurs”, posés derechef comme des “irrationalités” à gommer, des valeurs sans lesquelles aucune société ne peut toutefois fonctionner, sans lesquelles toute société devient, pour reprendre la terminologie du Prof. Marcel De Corte, principal collaborateur d’Eemans au temps de la revue “Hermès” (1933-1939), une “dissociété”. Taguieff est conscient de ce danger car son idéologie “républicaine” (certes plus nuancée que les insupportables vulgates que l’on entend ânonner à longueur de journées) n’est pas dépourvue de “valeurs”, notamment de “valeurs citoyennes”, qui risquent l’arasement au même titre que les valeurs catholiques, conservatrices ou “raciques” (dans la mesure où elles sont vernaculaires), pour le plus grand bénéfice de l’idéologie présentiste qui conçoit la société non pas comme une communauté de destin mais comme un supermarché. Taguieff est donc ce penseur post-mitterrandien, qui a partagé l’illusion de la grande foire multiraciale annoncée par les “saturnales de touche-pas-à-mon-pote” (dixit Louis Pauwels), et, simultanément, le penseur d’une “nouvelle révolution conservatrice” à la française, une “révolution conservatrice” qui critique de fond en comble la notion fétiche de progrès. C’est en ce sens que j’ai voulu présenter ses ouvrages lors d’une université d’été de “Synergies Européennes” en Basse-Saxe. Taguieff mérite maintenant plus que jamais ce titre de “théoricien révolutionnaire-conservateur” car il a oeuvré d’arrache-pied pour poursuivre, défendre et illustrer l’oeuvre de Julien Freund. Quant à la critique des préjugés, mieux vaut se plonger dans les écrits et les pamphlets de ceux qui luttent contre le festivisme (Philippe Muray), facteur d’un impolitisme total, ou contre les vrais préjugés et débilités du “politiquement correct” comme Elizabeth Lévy, Emmanuelle Duverger ou Robert Ménard. Ce sont là critiques bien plus tonifiantes.
    Après le dîner avec Tommissen et son ami barbu, Beerens et moi avons ramené notre bon Taguieff à son hôtel: n’ayant pas le coffre et l’estomac breugheliens comme les nôtres, il est revenu de nos agapes en état de franche ébriété; sur la banquette arrière de la petite Volkswagen de Beerens, il émettait de joyeuses remarques: “je suis un être dédoublé, ha ha ha, un bon joueur d’échecs, hi hi hi, je parle avec tout le monde, hu hu hu, et je roule tout le monde, ha ha ha!”. Enfin un intellectuel parisien qui se comportait comme nos joyeux professeurs qui manient allègrement la chope de bière, comme Tommissen ou l’angliciste Heiderscheidt, ou comme l’heideggerien Gadamer, qui participait, presque centenaire, aux canti de ses étudiants et tenait à respecter les règles des festivités estudiantines. Dommage que Taguieff ne soit pas resté longtemps ou ne soit jamais revenu: on en aurait fait un bon disciple de Bacchus et du Roi Gambrinus! En réalité, c’est vrai, il est un “être dédoublé”, in vino veritas, mais il ne “roule” pas tout le monde, il séduit tout le monde, tant les tenants de la gôôôche de toujours que les innovateurs qui puisent dans le vrai corpus de la “révolution conservatrice”!
     

    La Foire du Livre à Francfort

     
    Mais où Tommissen était le plus présent, sans y être physiquement, c’était à la Foire du Livre de Francfort, que j’ai visitée de 1984 à 1999, ainsi qu’en 2003. Pour moi, la Foire du Livre de la métropole hessoise, a toujours été “maschkinocentrée”, c’est-à-dire centrée autour de la truculente personnalité de Günter Maschke, cet ancien révolutionnaire de mai 68, devenu schmittien, un des plus grands schmittiens de la Planète Terre au fil du temps. Et qui dit Günter Maschke, dit Carl Schmitt et tout l’univers des schmittiens. Après avoir arpenté pendant toute la journée les énormes halls de la Foire, nous nous retrouvions fourbus le soir chez Maschke, pour discuter de tout, mais pas dans une ambiance compassée, faite de sérieux papal: nous avons sorti les pires énormités, en riant comme des collégiens ou des soudards qui venaient d’achever une bataille. A la table, outre le grand expert militaire suisse Jean-Jacques Langendorf, et le Dr. Peter Weiss, directeur de la maison d’édition “Karolinger Verlag”, nous avions très souvent le bonheur d’accueillir le grand philosophe grec Panayotis Kondylis et l’écrivain allemand Martin Mosebach. Dans ces joyeuses retrouvailles annuelles, Maschke évoquait toujours Tommissen avec le plus grand respect. En effet, de 1988 à 2003, Piet Tommissen a publié ses miniatures sur Carl Schmitt dans la série “Schmittiana”, chez le prestigieux éditeur berlinois Duncker & Humblot, acquerrant la célébrité dans l’univers restreint des bons politologues, qui sont tous, évidemment, des schmittiens, où qu’ils vivent sur le globe! Le système Tommissen, celui de la note pertinente, y a fait merveille: en quoi consiste l’excellence de ce système? Eh bien, il aiguille le train de la recherche vers des voies souvent insoupçonnées. Schmitt a rencontré telle personnalité, lu tel livre, participé à tel colloque: Tommissen explicitait en peu de mots l’intérêt de cette rencontre, de cette lecture ou de cette participation pour le reste ou la suite de l’oeuvre et ouvrait simultanément des perspectives nouvelles et inédites sur la personnalité rencontrée, l’auteur du livre lu par Schmitt ou les organisateurs du colloque qui avait bénéficié de sa participation. La même méthode vaut bien entendu pour Eemans et le champs énorme que celui-ci a couvert en tant que peintre avant-gardiste, éditeur de revues originales, historien de l’art. On a pu se moquer de cette méthode: à première vue et pour un esprit borné, elle peut paraître désuète mais, à l’analyse, elle porte des fruits insoupçonnés. Enfin, en 1997, nous avons pu célébrer la parution de “In Sachen Carl Schmitt” auprès de “Karolinger Verlag”, avec une analyse des textes satiriques de Carl Schmitt et une autre sur la correspondance Schmitt/Michels.
     

    Alberto Buela et Horacio Cagni à Bruxelles

    J’ai eu aussi le bonheur de recevoir un jour à Bruxelles le Dr. Alberto Buela et le Dr. Horacio Cagni du CNRS argentin. Ils voulaient voir trois personnes: Tommissen, dont ils n’avaient pas l’adresse, Christopher Gérard, l’éditeur de la revue “Antaios”, et moi-même. Ce ne furent que joie et libations. D’abord en l’estaminet aujourd’hui disparu que fut “Le Père Faro” à Uccle, ensuite sur la terrasse de “chez Karim”, Place de l’Altitude Cent, où la faconde de Buela, philosophe, professeur d’université, sénateur et rancher argentin, fascinait les autres clients et même les passants qui s’arrêtaient et commandaient un verre de vin, pour avoir l’insigne plaisir de l’entendre discourir! Bref, comme me disait en juin dernier un animateur de la radio “Méridien Zéro” (Paris): la métapolitique par la joie ! “Metapolitik durch Freude”! Le lendemain: à quatre, Buela, Cagni, Gérard et moi, nous prenions le train vers Vilvorde, où nous attendait Tommissen pour nous véhiculer jusqu’à Grimbergen. Nouvelle visite de la bibliothèque où le maître des lieux me montre une collection complète de mes “Orientations”, magnifiquement reliée et placée dans la bibliothèque aux côtés d’autres revues du même acabit. Et toujours le fauteuil, entouré d’étagères sur mesure... Ensuite, libations dans une salle jouxtant l’Abbaye et la Collégiale Saint Servais de Grimbergen: les bières de l’Abbaye, généreusement offertes par Tommissen, ont coulé dans nos gosiers. Thème du fructueux débat entre Tommissen et Buela: Carl Schmitt et l’Amérique latine. On sait que Buela écrit inlassablement des articles philosophiques à dimensions véritablement politiques (au sens de Schmitt et de Freund),  et qui garde une mesure grecque, au départ d’auteurs hispaniques, marqués par la tradition espagnole et par l’antilibéralisme de Donoso Cortès, qui ont tant fasciné Carl Schmitt.
     

    Visite à Uccle

    Après la mort prématurée de son épouse Agnès, Tommissen, au fond, était inconsolable. La grande maison de Grimbergen était devenue bien vide, sans la bonne fée du foyer. Notre professeur a pris alors la décision de s’établir à Uccle, dans un complexe résidentiel pour seniors, où il s’est acheté un studio, dans lequel il a empilé la quintessence de sa bibliothèque. Là il rédigera ses “Buitenissigheden”, ses “Extravagances”, et sans doute les dernières livraisons de ses “Schmittiana”. Je lui ai rendu visite deux fois, d’abord avec ma future épouse Ana, ensuite avec mon fils. Lors de notre première visite, il m’a offert ses “Nieuwe Buitenissigheden”, avec de la matière à traiter fort bientôt car, en effet, ce petit volume aux apparences fort modestes, contient trois thématiques qui m’intéressent: Wies Moens comme avant-gardiste et “révolutionnaire conservateur” flamand et nationaliste. Un auteur qui fascinait également Eemans et a sans doute contribué à déterminer ses choix, quand il entra en dissidence définitive et orageuse par rapport au groupe surréaliste bruxellois, autour de Magritte, Mariën, Scutenaire et les autres. Il me reste à travailler cette matière “Moens” et à l’exposer un jour au public francophone. Deuxième thématique: la “Politieke Academie”, dont il s’agira de réactiver les projets jusqu’à la consommation des siècles. Troisième thématique: la théorie de Brück, qui fascinait les rois Albert I et Léopold III, et qui sous-tend une variante du “suprématisme” anglo-saxon. Mais, infatigable, et porté par la ferme volonté d’écrire jusqu’à son dernier souffle, pour témoigner, révéler, arracher à l’oubli ce que ne mérite pas de l’être, Tommissen avait également sorti en 2005, “Driemaal Spengler”, un recueil de trois maîtres articles sur Oswald Spengler, parmi lesquels une étude sur la réception de l’auteur du “Déclin de l’Occident” en Flandre. La réception, lors de cette première visite à l’appartement d’Uccle, fut joviale. Notre professeur était au mieux de sa forme.
     

    Juillet 2011: ultime visite

    Notre dernière visite, début juillet 2011, cinq semaines avant sa disparition et sous une chaleur caniculaire, avait pour objet premier de lui communiquer, entre autres documents, une copie d’un entretien que l’on m’avait demandé sur Marc. Eemans et le “Centro Studi Evoliani”. Cet entretien se référait souvent à la monographie que Tommissen avait consacrée au “surréaliste pas comme les autres”. Cet entretien a plu à beaucoup de monde, y compris au nationaliste révolutionnaire évolien Christian Bouchet et à l’inclassable post-communiste Alain Soral qui l’ont immédiatement affiché sur leurs sites respectifs. Pour définir les positions d’Eemans dans cet univers avant-gardiste et surréaliste, je ne pouvais pas trouver de meilleur inspirateur que Tommissen. J’ai trouvé notre Professeur assez fatigué mais il faut dire aussi que l’après-midi de notre visite était particulièrement chaud, lourd et malsain. La conversation s’est déroulée en trois volets: Eemans et les cercles politico-littéraires ou politico-philosophiques des années 30 en Belgique, avec surtout la présence à Pontigny de Raymond De Becker qui y évoqua le néo-socialisme de De Man et Déat, un thème récurrent dans les recherches de Tommissen; le cercle “Communauté” fondé par Henry Bauchau et De Becker; leur “académie” à laquelle participait Marcel De Corte, également collaborateur de la revue “Hermès” d’Eemans; l’évolution de Bauchau et De Becker vers la psychanalyse jungienne (et les retombées de cet engouement sur Hergé) et la participation de De Becker à la revue “Planète” de Louis Pauwels. Sans compter l’impasse dans laquelle s’est retrouvée l’intelligentsia “conservatrice” ou “révolutionnaire-conservatrice” ou “non-conformiste des années 30” en Belgique, à partir du moment où l’Action Française de Maurras est condamnée par le Vatican en 1926; pour remplacer l’idole Maurras, désormais à l’index, une partie de cette intelligentsia va changer de gourou et adopter Jacques Maritain. Les vicissitudes de cette transition, que n’a pas vécu l’intelligentsia flamande, expliquent sans doute le peu de rapports entre les intellectuels des deux communautés linguistiques, ou le caractère très ténu de leurs références communes. Enfin, l’étude de Tommissen sur le rapport entre Francis Parker Yockey et la chorégraphe flamande Elsa Darciel (cf. euro-synergies.hautetfort.com/ ). Au cours de l ‘entretien, mon fiston et moi-même fûmes gâtés: deux volumes autobiographiques de Tommissen (“Een leven vol buitenissigheden”) et un volume avec la bibliographie complète des oeuvres de notre professeur. Deuxième volet: Tommissen n’a cessé d’interroger mon fils sur les innovations à la KUL, sur l’état d’esprit qui y règne, sur les matières qui y sont enseignées, etc. Troisième volet, avec mon épouse; Tommissen n’importunait jamais les dames avec ses engouements politiques ou philosophiques, il passait aux thèmes de la vie quotidienne et de la famille. Il nous a dit: “Aimez-vous et profitez des bons côtés de la vie”. Ce fut notre dernière rencontre.
    Nous avions promis de nous revoir en septembre pour poursuivre nos conversations: cette année les voies du dépaysement estival nous ont menés tour à tour en Zélande, dans l’Eifel et les Fagnes, au Cap Blanc-Nez et sur la côte d’Opale, dans la Baie de la Somme, à Oslo, dans les Vosges et en Franche-Comté, sur le Chasseral suisse et sur les bords du Lac de Neuchâtel. Le 21 août, deux jours après notre retour de cette escapade dans le Jura, Piet Tommissen s’éteignait à Uccle. Une magnifique et émouvante cérémonie a eu lieu à Grimbergen le 26 août, ponctuée par le “Gebed aan ’t Vaderland”.
    Avec la disparition de Piet Tommissen, ce sont des pans entiers de souvenirs, de la mémoire intellectuelle de la Flandre, qui disparaissent. Mais, avec lui, une chose est sûre: nous savons ce que nous devons faire jusqu’à notre dernier souffle de vie. Nous devons témoigner, lire, recenser, repérer des anecdotes en apparence futiles mais qui expliquent les transitions, notamment les transitions qui partent de la gauche officielle à des gauches non conformistes comme celles que parcoururent Pierre Hubermont ou Walter Dauge en Wallonie, celles qu’empruntèrent Eemans ou Moens qui, tous deux, mêlent étroitement avant-gardes, militantisme flamand et engouements philosophiques traditionnels. Nous devons aussi rester des schmittiens, attentifs à tous les aspects de l’oeuvre du “catholique prussien du Sauerland”. Car il s’agit de demeurer, envers et contre toutes les déchéances, tous les impolitismes et tous les festivismes, des “Gardiens des sources”.
    En attendant, nous devons encore dire “Merci! Mille mercis!” à Piet Tommissen, pour sa gentillesse et pour son érudition.
    Rédigé, grande tristesse au coeur, à Forest-Flotzenberg, le 4 septembre 2011.

  • « Le vrai génie du christianisme / Laïcité Liberté Développement » de Jean-Louis Harouel.

    Les religions séculières qui, surtout depuis la seconde moitié du XXe siècle, ont prospéré sur le déclin tant du catholicisme que du protestantisme, permettront-elles de préserver ce qui, selon Jean-Louis Harouel, fut Le vrai génie du christianisme en assurant pendant plus d’un millénaire la suprématie morale, intellectuelle, scientifique et technique de l’Europe ? Rien n’est moins sûr. CL  

    La France, « fille aînée de l’Eglise », a vécu. S’il fallait une preuve de l’effacement des valeurs chrétiennes – alors même que celles-ci s’inspirent de la Loi naturelle –devant les droits de l’homme devenus sacro-saints, on la trouverait dans le refus gouvernemental de tout débat préalable à l’instauration du « mariage pour tous » appelé pourtant à bouleverser irrémédiablement code civil, famille et société. Comment en est-on arrivé là ?

     

    Le « miracle chrétien », né de la disjonction du politique et du religieux

     

    Dans la première partie de son dernier livre, Le vrai génie du christianisme, bourré de citations dûment référencées mais qui auraient gagné à être élaguées, le grand juriste Jean-Louis Harouel démontre qu’en dissociant d’emblée le spirituel du temporel, les deux axiomes christiques, « Mon Royaume n’est pas de ce monde » et « Tu rendras à César ce qui appartient à César », ont fait de l’Europe la maîtresse du monde. Grâce à cette « disjonction » qui fut, il est vrai, une longue marche souvent entravée par l’augustinisme et un « césaro-papisme » récurrent s’étant perpétué dans l’orthodoxie, le monde chrétien, bientôt réduit à l’Europe par les invasions musulmanes, échappait au monisme et constituait, « avant même la Renaissance » et donc la Réforme, un terreau favorable à l’émergence de sciences et de techniques toujours plus innovantes. Ces dernières, bientôt mises en pratique, provoquèrent « un progrès fulgurant » dont les résultats ne furent pas seulement économiques : la machine se substituant à l’homme, l’esclavage qui, malgré l’ONU, sévit toujours en Afrique et dans la péninsule Arabique, fut ainsi très tôt aboli sur notre continent.

     

    On y connut un rayonnement inouï alors que l’islam, religion normative, ne développait guère le « prodigieux patrimoine matériel et intellectuel » qu’il avait raflé des Echelles du Levant au détroit de Gibraltar et que la Chine, qui avait pourtant, elle aussi, multiplié les inventions telles celles du papier, de la poudre, de la boussole ou de l’imprimerie (que, soit dit en passant, lui dispute la Corée), était empêchée de les exploiter par son conservatisme superstitieux et un « animisme magique » qui lui interdisait « d’indisposer les esprits ». L’auteur cite ainsi le cas de hauts-fourneaux privés alimentés dans le nord de Cathay par « des gisements de minerai et de charbon d’exploitation aisée » dont la production, qui « semble avoir atteint quelque 100.000 tonnes vers 1080 », fut arrêtée net sur l’ordre de l’empereur et des mandarins ; ceux-ci y voyaient « un grave désordre social » et une « menace pour les valeurs confucéennes ».

     

    Des valeurs évangéliques subverties à la religion d’Etat

     

    Revers de la médaille : si, en dissociant le religieux du politique, le christianisme libère l’esprit, naturellement créatif et entreprenant, de l’homo europaeus, il constitue par là même une « religion de la sortie de la religion » au profit de croyances millénaristes ou de religions séculières, en particulier celle des droits de l’homme. C’est ce qui se passe depuis les Lumières, le mouvement s’étant accentué à partir de la IIIe République dont l’un des fleurons, Ferdinand Buisson, aujourd’hui référence de l’actuel ministre de l’Education nationale Vincent Peillon (1), professait : « La morale laïque reste la plus religieuse des morales en même temps que la plus morale des religions », cependant que le député Edgard Quinet voulait forger dans tous les élèves de la Laïque des « Christs républicains ».

     

    Toutefois, estime Jean-Louis Harouel dans la dernière partie de son livre, « ce n’est que dans le courant du second XXe siècle que la religion de l’humanité va devenir la religion d’Etat que nous connaissons ; un système politico-réglementariste, coercitif et répressif » et donc renouant avec un monisme totalitaire… avec la bénédiction de tant de clercs et même de pontifes. Feignant de s’appuyer sur des valeurs évangéliques subverties, ces « idées chrétiennes devenues folles », ce système implique en réalité la disparition du libre-arbitre et du droit au doute chez l’homme européen, ainsi que la disparition de nos nations et de nos civilisations elles-mêmes sacrifiées sur l’autel de l’antiracisme et de « l’ouverture à l’Autre » : ouverture des frontières mais aussi des institutions et même de la législation puisque, avant le « mariage pour tous », la polygamie avait été légitimée par le Conseil d’Etat.

     

    Une irréversible régression du droit ?

     

    Me Eric Delcroix, si longtemps inlassable avocat des mal-pensants poursuivis en vertu des lois scélérates Pleven et Gayssot, l’avait montré de manière lumineuse dans deux livres prémonitoires, Le Théâtre de Satan (2) et Manifeste libertin (3), flétrissant l’inféodation des pouvoirs exécutif et législatif mais aussi judiciaire à l’ « ordre moral antiraciste ». Agrégé de l’histoire du droit, J.-L. Harouel le déplore à son tour : « Sous l’effet de l’augustinisme politique de la religion des nouveaux droits de l’homme, l’Etat se définit et se légitime par sa mission religieuse ». Anxieux d’imposer son nouvel ordre moral, cet Etat tout à la fois criminel et suicidaire a donc rétabli « la punition judiciaire du blasphème et du sacrilège » (exclusivement extra-chrétien). Cette « immense régression par rapport au droit pénal du XIXe et du premier XXe siècle » a pour objectif et conséquence la « sacralisation » des groupes positivement discriminés par le nouveau Code pénal, soit « les Juifs, les étrangers, les “minorités visibles”, les Noirs, les immigrés, les homosexuels, les handicapés, les femmes ». Il faut y ajouter, bien sûr, les musulmans qui considèrent à juste titre, tel le très répandu Tariq Ramadan, que si « la liberté de religion n’est pas un bien en soi », elle « est un bien parce qu’elle permet la pratique et la consolidation de l’islam ». Et Youssef al-Quaradewi, membre du Conseil européen de la recherche et de la fatwa, de renchérir (en 2002 à Rome) : « Avec vos lois démocratiques, nous vous coloniserons ; avec nos lois coraniques, nous vous dominerons. »

     

    La déesse démocratie au service du fanatisme islamique

     

    Pour J.-L. Harouel, ce basculement des valeurs ne fait donc aucun doute : loin d’œuvrer au progrès de l’Humanité, « la religion d’Etat des droits de l’homme est au service de l’islamisation de l’Europe ».

     

    Ainsi réduite en dhimmitude par la volonté messianique de dirigeants aux ordres, l’Europe pourra dire adieu au « miracle chrétien » porteur d’une extraordinaire efflorescence scientifique et technique et donc d’une prospérité et d’un dynamisme économiques tels que l’humanité n’en avait jamais connu. La fuite des cerveaux et la montée implacable du chômage sont-ils les signes précurseurs de notre sortie de l’histoire ? Il reste peu de temps pour conjurer l’issue fatale. Espérons que, comme le livre de Thierry Bouclier, La France au risque de l'islam (4) ou celui de Christopher Caldwell, Une révolution sous nos yeux / Comment l'islam va transformer la France et l'Europe (5), le cri d’alarme de Jean-Louis Harouel fera prendre conscience de l’urgence de l’indispensable réaction.

     

    Claude Lorne  4/12/2012 http://www.polemia.com

     

    J.-L. Harouel : Le vrai génie du christianisme, éditions Jean-Cyrille Godefroy 2012. 269 pages.

     

    Notes :

     

    (1) Voir : « L'Education nationale met nos enfants en péril »
    (2) Le Théâtre de Satan, L’Æncre 2002, réédité en 2010. 432 pages
    Diffusion
    http://www.francephi.com
    (3) Manifeste libertin, essai révolutionnaire contre l’ordre moral antiraciste, L’Æncre 2004 puis 2005, 120 pages,
    diffusion www.akribeia.fr/.
    De Me Delcroix, voir également l’étude « Mariage et homosexualité »
    (4) Thierry Bouclier, La France au risque de l’islam, Ed. Via Romana, 2012, 184 pages
    (5) Aux éditions du Toucan, 2011, voir :
    http://www.polemia.com/article.php?id=4368
    http://www.polemia.com/article.php?id=4366

  • [Paris] cercle d’étude : l’initiation à la pensée d’Action Française vendredi 7 decembre

    L’école de pensée qu’est l’Action Française ouvre ses portes trois vendredis par mois pour la tenue du cercle des étudiants animé par Pierre de Meuse pour les parties initiation et application de la pensée d’AF.. C’est l’occasion d’apprendre les bases ou de se refamiliariser avec la pensée nationaliste maurrassienne !

    RDV 18h

    10 rue Croix des Petits Champs Paris 1er (2ème étage)

    Métro : Palais Royal - Musée du Louvre.

    Renseignements : etudiants.paris@actionfrancaise.net


    http://www.actionfrancaise.net

     
  • Bruno Gollnisch interrogé par les médias lors de la manifestation du 18 novembre

    Bruno Gollnisch est intérrogé à l’issue de la manifestation du 18 novembre à propos du mariage homosexuel et du déroulement de la manifestion.

    http://www.gollnisch.com

  • Non à l'a-culture américaine

    Non à l'a-culture américaine La guerre économico-culturelle est d’abord une guerre de conquête financière. Menée au monde entier par les Etats-Unis, elle détruit les cultures petit à petit, en s’enrichissant de leur décomposition.
    De toutes les guerres, celle-là nous semble la plus dangereuse car, insidieuse, elle détruit les peuples en corrompant leur culture. Elle les vide de leur identité pour en faire des colonisés, avides de leur boisson euphorisante.
    Avoir conscience de l’importance de ce combat, c’est déjà organiser la résistance, malgré les collabos accros de l’américan way of life.
    En dénonçant le désastre à venir. En refusant ce véritable ethnocide, Gilbert Sincyr fait œuvre de rébellion, et nous appelle à faire de même.
    Il y va du devenir de notre identité, et donc de notre survie, tout simplement.
    Quid faciant leges, ubi sola pecunia regnat ?
    (Mais que peuvent les lois, quand c’est l’argent qui règne ?)
    Caius Petronius Arbiter

    INTRODUCTION
    Tout un chacun constate, pour le déplorer, la forte baisse du niveau culturel de nos compatriotes. Mais la culture c’est quoi ?
    La culture est un ensemble de valeurs, qui fondent l’identité d’un peuple qu’elles spécifient. Elle identifie les populations concernées, autour du concept de civilisation qui leur est commun. Elle leur donne sa cohérence, elle en est l’âme.
    Aussi quand l’âme d’un peuple est attaquée et réduite, il y va de son avenir. Et c’est bien de cela qu’il s’agit : La culture des européens est en danger, car elle est soumise, plus que jamais, à des forces extérieures qui veulent se substituer à elle, par intérêt financier.
    C’est après la seconde guerre mondiale que le mal s’est attaqué à nous. Maintenant, avec les moyens modernes de communication, la vorace épidémie se propage, s’étend, sans connaître beaucoup de résistance. Nos anticorps intellectuels étant neutralisés par un matraquage idéologique et publicitaire, qui nous persuade que le mieux vivre c’est la vedette, l’objet, ou le produit, mis en avant, valorisé et embelli. D’où un mode vie de consommateurs massifiés, accros de promesses superficielles. Par contre, ce qui n’est pas superficiel, ce sont les profits gigantesques des multinationales à l’origine de ce matraquage euphorisant.
    Par injections continuent, nous sommes devenus une masse de drogués à la consommation de masse. Et les nouveaux circuits internet, en rajoutent. C’est l’universalité de l’acculturation, l’abêtissement mondialisé, mais pour qui ? Pour le dieu « Dollar ».

    BUSINESS IS BUSINESS
    Il y a longtemps déjà, lorsque Clovis échangea Wotan contre Iawhé, il vendit la culture de son peuple pour un plus grand pouvoir politique. Au païen maître de son destin, il substitua un pêcheur quémandant le pardon. Dès lors la culture européenne étant rebelle à la culture moyen-orientale, une chasse impitoyable s’organisa pour la convertir à des valeurs étrangères. Et, quelques siècles après, le même scénario se reproduisait dans les trois Amériques. Bien entendu les choses ne sont plus les mêmes. Tout au moins l’objet a changé, car il s’agit maintenant d’économie et non de religion. Mais à bien y réfléchir, n’est ce pas comparable ? Le nouveau Dieu n’a pas le même nom, il a déménagé, mais il tire toujours les ficelles. C’est l’entreprise multinationale (bancaire, industrielle, commerciale ou autre) qui a pris la place du temple ou de l’autel, et c’est à elle que l’on va rendre des comptes. Son objet est plus simple, il vise à adapter notre mode de vie, à des productions de tous ordres, pour nous rendre plus heureux, mais aussi, et surtout, plus rentables. Car ses promoteurs ne cherchent pas à substituer leur Vue du monde à la nôtre, ils n’en ont pas. Ils veulent simplement la remplacer par le vide, neutre, disponible, malléable.
    Que réclame maintenant le gallo-américain de quartier, dans son tee-shirt au nom d’une université new-yorkaise, lui qui, bien souvent, ne sait même pas lire ce qui est écrit en anglais ? Il n’attend que le plaisir de boire un coca, accompagné d’un hamburger au Mac Do du coin. Il a ainsi l’impression de faire partie du monde moderne. Comme un enfant il y trouve une forme de provocation, il affirme sa liberté, y compris de ne plus manger français. Cette simple manifestation, peu grave en elle même, traduit le glissement en cours de notre mode de vie traditionnel vers un autre, tout à fait superficiel, révélateur du changement culturel en train de se produire.
    En fait, il dévoile la véritable guerre économique à laquelle notre pays fut soumis à partir de 1948. Le plan Marshall n’était évidemment pas aussi généreux que certains pouvaient le croire, car il servit de justification morale à la pénétration économique de l’Europe. Au chewing-gum et au jazz, symboles de la Libération, s’ajoutèrent matériels, produits et services. L’Europe étant ruinée, l’aider était une opportunité financièrement extraordinaire, chacun y gagnait. Sauf qu’il s’agissait d’une nouvelle occupation, industrielle et commerciale cette fois, assurant au dollar un véritable empire financier. Mais bien entendu, les américains sont nos amis et ne veulent que notre bien. (Oui, mais quel bien ?). Seulement maintenant, l’occupant ne veut pas s’arrêter en si bon chemin. Il veut franchir la dernière étape du défi (du challenge), et faire du consommateur acquit aux produits américains, un consommateur conquit au mode de vie à l’américaine. Ainsi, à la guerre économique vient s’ajouter une guerre culturelle. A partir de là, si nous ne réagissons pas, un jour nous vivrons, parlerons et penserons américain. La boucle sera bouclée, l’Europe sera devenue un marché intérieur américain. Qu’importe la culture, eux n’en ont pas, ce qui compte c’est de consommer encore et toujours plus: Business is business ! Et pour cela, la publicité va jouer à fond.
    Heureusement, les jeux ne sont pas faits. Depuis soixante ans qu’elles sont attaquées, les cultures européennes résistent, essentiellement grâce à leur ruralité. Mais elles s’abîment chaque jour un peu plus, cela se voit et s’entend. Il ne faut donc pas attendre qu’il soit trop tard, pour réagir.

    LA GUERRE ECONOMICO-CULTURELLE
    Il convient de bien comprendre que la guerre économico-culturelle que mènent les USA en Europe, et dans le monde, n’a qu’un ressort : l’argent. Et que le seul objectif qui motive les multinationales c’est le Cash- flow.
    On n’a pas idée des moyens colossaux dont peuvent disposer les multinationales. Ces moyens, réellement gigantesques, leur permettent d’imposer leurs produits manufacturés, indifférenciés, promouvant leur mode de vie standardisé dans une langue publicisée et uniformisée. Les peuples étant alors considérés comme des masses de consommateurs conditionnés. Bien entendu les apparences doivent être sauves, et chacun persuadé de son entière liberté, mais en réalité le rouleau uniformisateur fonctionne à plein, car toute différence est génératrice de coûts supplémentaires, réducteurs du Cash-flow.
    Ainsi, notre gallo-américain se sent-il en totale liberté en jeans, un verre de coca à la main et écoutant du rock n’roll. Quant aux spectacles (feuilletons télévisés, stades, amphithéâtres…), ou aux matchs, ils offrent à nos applaudissements, corn-flakes sur les genoux, des vedettes internationales (et pour cause), interchangeables, achetées et vendues comme des produits.
    Chacun le comprendra, sous l’influence américaine, le nouveau Dieu de la terre est l’argent, et tout se doit d’être fait pour en gagner le plus possible, voir d’en amasser à ne plus savoir qu’en faire. Et tous devront passer à la caisse, d’une façon ou d’une autre. C’est pourquoi cette nouvelle religion monothéiste, ressemble à bien y regarder aux autres, elles aussi monothéistes. Leurs adeptes sont persuadés de leur liberté totale, alors que c’est un Dieu étranger qui tire les ficelles. Il s’agit d’un schéma bien étudié, uniforme et utilitariste. Bien entendu, pour que la roue tourne sans ratés, il faut des sous papes et des soupapes. Les sous papes sont les hommes politiques qu’il convient de persuader que leur réélection dépend de l’huile financière, mise dans les rouages économiques. Quant aux soupapes ce sont les vacances au soleil attendues par tous les actifs, pour les rassurer sur le grand confort que la multinationale leur garantit. On va se recharger les batteries, et à son retour on va voir ce que l’on va voir, l’oncle Sam n’aura pas à se plaindre.
    Tout le monde est content, nous vivons dans le meilleur des mondes.
    « Pourvou qué ça doure ! »
    C’est vrai, il arrive parfois que Dieu soit imprudent, qu’il ait les dents trop longues, et qu’il laisse la machine s’emballer. Alors elle dérape. Il y eut l’inquisition pour le Dieu des chrétiens, maintenant ce furent les subprimes pour le dieu américain, et il a fallut renflouer. Bien entendu ce sont des soubresauts qui font mal, mais quoi ? Il faut bien prendre quelques risques. On dit que certains peuples, comme les grecs, les espagnols, les italiens et quelques autres, ne sont pas contents de devoir rembourser trop vite leurs dettes considérables. Cela aussi fait parti de la casse accessoire. De toute façon, un stock de calumets de la paix, bourrés de la drogue à rendre heureux, a été préparé. On va les distribuer pour convaincre chacun de reprendre sa place, dans l’usine à fabriquer du bonheur. Et il est vrai que si l’on compare les conditions de vie d’un occidental à celles ailleurs dans le monde, il n’y a pas « photo ». L’un est gavé et doit suivre un régime, alors que pour l’autre, le régime c’est toute l’année. Mais qu’il ne pleure pas, les touristes viendront gentiment lui faire l’aumône, et l’assurer qu’il a bien de la chance de vivre dans un pays non pollué et ensoleillé. Que veut-il de plus ? Peut-être aurait-il envie que son pays puisse lui aussi produire et vendre différents objets, et y participer. Mais les multinationales veillent. Déjà elles ont racheté chez lui plusieurs usines, puis les ont fermées car pas assez rentables. Alors que faire ? Peut-être aller en France, ou ailleurs en Europe. Là-bas la multinationale fonctionne à plein paraît-il. Encore que…des bruits disent qu’elle va peut-être déménager, car les salaires y seraient trop élevés…Et si elle venait au bled ?…Et le rêve se transporte, et la roue tourne, et Big Brother réfléchit et calcule.
    Si notre objectif dans la vie est de bien manger, d’avoir internet, un portable, une belle voiture, de faire l’amour dans la baignoire et d’envoyer nos enfants au patin à glace, nous pouvons être contents, nous vivons dans un monde (presque) de rêve. En effet, si vivre c’est surtout avoir les moyens de s’acheter du confort, alors la société américaine est (vue de loin), la société idéale, et sa présence chez nous nous berce de son rêve « consumériste ».
    Aussi, ce n’est pas à ses adorateurs que ce message s’adresse.

    NOUS, LES ENNEMIS DE BIG BROTHER
    Nous, les autres, nous méfions beaucoup de cette admiration béate. Elle ressemble trop à celle du cochon, apparemment plus heureux que le sanglier, mais qui ignore dans quel but le dieu de la ferme l’engraisse. Et rien que d’un point de vue matériel, le danger est grand, car si demain la multinationale ferme ses portes, nous n’avons rien pour la remplacer, car elle a tout racheté et asséché, et laissera les locaux vides, pour aller ailleurs conforter sa rentabilité. Mais le vrai problème n’est pas là. Le vrai problème c’est notre jeunesse, déculturée, déstabilisée et quémandant du travail à ceux-là mêmes qui ont détruit nos économies, et qui nous abreuvent et nous assomment de leurs boissons énergisantes, de leur matériel « clean » et de leur langage universalisé.
    Ce livre s’adresse donc aux ennemis de Big Brother ! A ceux qui sont conscients de leur identité, de leur héritage culturel, qui en sont fiers et qui veulent lutter pour leur survie.
    Ce manifeste veut défendre nos identités. Il veut réveiller les assoupis et engager les réactifs. C’est un appel au combat, pour des rebelles. Pour ceux qui refusent la glue appétissante de l’américan way of life, qui nous assure que la mondialisation, dirigée par ses multinationales, nous garantie un avenir radieux. C’est un refus catégorique à leur société de l’hypnose et du gavage.
    Non à l’acculturation américaine !
    Les européens ne seront pas les porte-voix uni-linguistes, des trusts mondialistes américains. Ces faux amis, sont nos pires ennemis.
    Les européens n’abandonneront jamais leurs valeurs, leurs langues, leur culture, leur identité contre les sourires flatteurs et intéressés des trust-men internationaux. Nous ne sommes pas à vendre, et voulons rester lucides.
    Nous garderons notre culture, notre identité d’européens envers et contre tout. L’argent ne deviendra pas l’unique moteur de notre vie.
    Nous avons deux combats à mener de front, qui se résument en une seule phrase: Lutter contre la globalisation culturelle et économique américaine.
    Il nous faut refuser l’assujettissement de notre âme, à d’autres valeurs que celles de notre culture. Ils veulent remplacer notre identité par une autre, potiche, qui ne serait qu’un erzat, un substrat de ce que nous sommes. Dès lors nous deviendrions leur esclave ou leur clown, c’est à dire un autre eux mêmes.
    En méprisant notre identité, ils nous insultent.
    En perdant ses valeurs identitaires, l’européen ne serait plus un être libre. Il deviendrait un individu indivis, l’élément d’un groupe anonyme, encore plus facilement la proie de projets économico-mondialistes, américano-centrés. N’appartenant plus à une communauté de valeurs enracinées, il deviendrait un individu impersonnel et interchangeable, dénommé « consommateur »
    Or, la culture est l’acquit spécifique d’une communauté qui vit sur un territoire défini, et qui s’est fixé des normes de vie entre ses membres. Ces normes de vie se sont élaborées dans le temps avec cohérence, pour donner un ensemble civilisationnel.
    Mais notre culture a déjà eu à souffrir d’attaques extérieures, qui l’ont gravement altérée. Nous n’en sommes sortis qu’avec peine, et pas encore complètement. Nous n’allons pas recommencer les mêmes erreurs. L’égalitarisme chrétien a réussi à imposer l’idée que tous les hommes étaient égaux, car naît d’un même père. Laïcisée, cette idéologie à donné le communisme et les Droits de l’Homme, avec ses O.N.G qui ne sont que les têtes chercheuses de l’OTAN, bras armé du dieu dollar. Quand on a conscience de cette manipulation, on est impardonnable de fermer les yeux. Alors de grâce, que l’on ne nous dise pas que de frères en ancienne religion, malgré nous, nous allons devenir frères en nouvelle religion, avec plaisir. Nous voulons garder nos différences.
    Bien entendu Big Brother sera déçu que nous contrariions sa stratégie économique mondialisée. Mais tant pis, il faudra qu’il s’y fasse.
    Nous ne voulons pas que nos traditions deviennent des manifestations locales folklorisées, où l’on se réunit une fois par an autour d’un cassoulet ou d’une choucroute, en écoutant un air d’accordéon comme s’il s’agissait d’une musique du néolithique. Nous ne voulons pas que l’Europe ne devienne qu’un site touristique, coincé entre ses valeurs passées et son présent américanisé. Déjà que l’on s’adresse presque exclusivement en Anglais à nos touristes, cela suffit à notre malheur, et il faudra d’ailleurs que cela change.
    Au train où vont les choses, si elles continuent, bientôt à la tête de nos pays, nous n’élirons plus des Présidents mais des P.D.G., car ne s’occupant plus de la culture, ils n’auront qu’à gérer l’économie, et encore en étant prudents pour ne pas mécontenter l’Oncle Sam.
    Bien entendu nous n’en sommes pas là, mais c’est aussi ce que devaient dire les anciens Grecs, Romains ou Egyptiens. Et où en sont-ils ? La culture est mortelle, comme tout le vivant. Si nous voulons continuer à être « de chez nous », il ne faut pas devenir » de chez eux ». L’américanisation n’est pas la modernité, elle n’en est que le copié-collé. C’est un conformisme de caméléon, qui incite à suivre des modes, par ce que c’est la mode. Alors qu’elles ne sont que l’application d’un asservissement culturel, savamment mis en place à des fins de rentabilité. Pour garder notre identité, il nous faut refuser la massification, l’uniformisation.
    Alliés ne veut pas dire ralliés.

    LE REVE AMERICAIN
    Bien entendu, tout n’est pas mauvais dans le progrès, loin de là, et qu’il soit d’origine européenne, américaine ou autre, il apporte souvent des réponses très positives, et chacun en bénéficie. Ce n’est donc pas le progrès en lui-même que nous condamnons, nous ne sommes pas des amish, bien au contraire, à tous points de vue. Mais progrès et cultures doivent s’interpénétrer dans l’harmonie, afin de ne pas faire disparaître les identités.
    Or, ce n’est pas cela le rêve américain. Pour eux la culture est plutôt une gêne, car la contourner coûte cher en monnaie et en temps, et … Time is monnaie ! Il s’agit pour les multinationales d’affirmer leur suprématie économique, à l’aune de la rentabilité, et seule l’uniformisation des productions les rentabilisent.
    Mais alors qui suis-je si je vis partout de la même façon, avec les mêmes produits en parlant la même langue ? Je suis un enfant du monde, interchangeable à volonté. Je suis devenu le consommateur idéal, induisant une rentabilité maximum.
    Or justement, plutôt que de devenir enfants du monde, nous préférons rester les enfants de l’Europe.
    Respecter l’identité des autres et défendre la nôtre, voilà un programme qui nous plaît bien. Puisque nous comprenons les peuples colonisés qui ont voulu, par leur indépendance, affirmer leur identité, ce n’est pas pour, à notre tour, accepter de devenir une colonie des U.S.A.
    Il y a quelques années, en parlant de l’Europe, un dirigeant russe évoquait l’idée de « maison commune ». Ce n’est pas faux. L’Europe est la maison commune des européens, et chaque peuple européen y a sa place. Mais que nous sachions, si les américains y sont invités, ce n’est pas pour qu’ils nous plient à leur mode vie. Echangeons recherches, produits et techniques. Commerçons ensemble, travaillons les uns avec, ou même chez, les autres, c’est normal. Mais respectons nos identités, car si non il y aura rejet de l’un par l’autre. Et sincèrement pour nous la coupe est déjà pleine !
    En voulant substituer leur façon de vivre à notre culture, pour des impératifs de bénéfices financiers et industriels, les américains se conduisent en ennemis. Et nous nous levons face à eux. Il est possible que pour eux, mélange de peuples immigrés dans un pays neuf, les mots n’aient pas la même valeur que pour nous. Mais l’Europe n’est pas l’Amérique, notre civilisation est séculaire, et refuse le viol, même si leurs publicités cherchent à nous persuader qu’il y a consentement mutuel.
    Pour ceux qui n’ont que l’argent comme critère, il est vrai que la culture est une gêne, car en effet elle n’est pas rentable. Aussi en entendant ce mot déplaisant pour eux, certains seront-ils tentés de sortir leur révolver. Pire, la culture exige des compromis, elle frêne la conquête planifiée, elle protège les peuples de la main mise sur leur pays, et coûte de nombreux investissements retardateurs. Comment les dirigeants des trusts mondialisés pourraient-ils l’apprécier ? Mais hélas pour eux, c’est comme ça. Il y a toujours dans les peuples des voix qui s’élèvent pour dénoncer leur colonisation en cours. C’est embêtant pour les « conquérants », ils ne peuvent pas faire ce qu’ils veulent, mais désolés, nous refusons la mort par ethnocide où nous conduisent les multinationales américaines.

    LES NOUVEAUX COLLABOS
    Hélas, il y aura toujours des « collabos » ! Regardez l’attitude du bobo branché du hall de votre immeuble. Dès qu’il en a l’occasion, il se glorifie de parler la langue de son nouveau dieu. Il est moderne et cultivé car il baragouine LA langue universelle. Il est à l’avant garde de la culture internationale, d’ailleurs il travaille à l’international et cherche à épater par son apparent savoir anglo-saxon. Mais faudrait-il lui demander : De quel savoir vous glorifiez vous ? Si c’est celui de la pénétration consumériste des produits américains en Europe, dont vous semblez être enthousiaste, sachez qu’en fait vous n’êtes que le collabo de l’ennemi économique de votre pays. Vous vendez votre âme au diable par vanité, et faites de vos enfants les jouets du fric mondialisé. Vous faites de votre pays une colonie économique déculturée, aussi ce n’est pas vers vous que se tournent nos regards, mais vers votre maître Big Brother qui vous a transformé en marionnette à son service. Puisque c’est ce que vous vouliez, justement, lui aussi c’est ce qu’il voulait et il semble avoir réussi. Vous vous croyez libre ? Mais votre liberté est celle d’un cheval de bois sur un manège. En apparence vous êtes encore un européen, mais déjà vous dansez au son des ordres étrangers. Vous êtes au service de l’ennemi de votre pays, mais l’argent qu’il vous verse ne pourra jamais payer l’identité que vous lui bradez, car elle n’a pas de prix, elle ne vous appartient pas, elle appartient à votre peuple, elle est l’héritage de vos ancêtres. Et vous voulez la lui vendre ?
    Mille exemples, partout en Europe, viennent à l’appui de notre destruction culturelle en cours. En voici deux, exemplaires, qui se tinrent au château de Versailles. Sous la direction de son président, M. Aillagon, se sont tenues dans ce temple de l’histoire et de la culture française des expositions d’» Art contemporain ». On a « décoré » le parc d’objets insolites, relevant plus du canul’art que de l’art, et choquant les visiteurs étrangers. Les « artistes », ainsi mis en lumière se nommaient Joana Vasconcelos, et Bernar Venet, et leurs « œuvres » étaient à la hauteur de celles des Koons, Murakami et autres pollueurs précédents. Alors pourquoi utiliser Versailles pour exposer ces horreurs? Pour illustrer notre décadence ? C’est possible, mais je crois plutôt que c’était pour faire du fric. A l’évidence, le président du château de Versailles a utilisé ses pouvoirs, pour rendre service à ses amis de l’art contemporain. Ainsi, les magnats de la finance ont-ils pu agrandir leur bulle spéculative avec ces provocations pseudo-artistiques, et conforter leurs collections de milliardaires. Mais ailleurs également, le même scénario a cours. Ainsi l’exposition du « Bouquet final » de Michel Blazy aux Bernardins, à Paris. Il s’agissait d’un échafaudage, duquel s’écoulait en continue une mixture mousseuse. Cette « œuvre » se voulant une « réflexion sur la fragilité et la brièveté de la vie ». Rien que ça ! Voilà des illustrations d’un soit disant art contemporain, nul et prétentieux, et qui se moque du monde en instituant la décadence comme beauté moderne. Mais en fait utilisé pour orienter le goût des jeunes générations, vers l’abaissement artistique à des fins spéculatives.
    Parlons aussi de ces tenues débraillées à la mode, portées par de soit disant artistes qui veulent faire peuple, alors qu’ils encaissent dix mille fois les revenus d’un ouvrier. Ces gens ne nous éblouissent pas, ils nous écœurent. Par leur tenue « laisser- aller » (par exemple Yannick Noah, « la personnalité préférée des français », chantant en débraillé, mal rasé, cheveux ébouriffés et pieds nus), ils proclament leur décadence et leur vacuité. Leur contre-conformisme n’est qu’un conformisme à l’envers qui participe du débraillé des modes américano-mondialistes, comme le martèlement du rap, vulgaire et agressif, veut choquer en copiant le style afro- américain des bas-quartiers new- yorkais. Mais ils n’offrent qu’une caricature d’indépendance, car leur attitude démontre qu’ils sont en fait les agents de ceux qui les paient, tant qu’ils leurs rapportent. (Et n’oublions pas tous ces artistes, généreux donneurs de leçons sur la scène des Restos du cœur, mais qui placent leur argent dans des paradis fiscaux).
    Dans d’autres domaines également, des scandales demandent à être redressés. Je n’en veux pour preuve que la publication exclusivement en anglais, des travaux universitaires. Le cursus obligatoire des élèves de nos grandes écoles (dont on dit qu’elles sont dorénavant la fabrique des cadres socialistes), ainsi que la baisse généralisée de la tenue et du niveau de nos enseignants et de leurs élèves (L’arbre se juge à ses fruits ! dit le proverbe). Sans oublier la police de la pensée qui, soutenue par la plupart des journalistes, libres mais dans le vent, étouffe l’expression populaire dans un carcan suspicieux, à chaque fois que l’on ose faire l’éloge de l’altérité, ou assurer que l’égalitarisme tuera l’égalité. Quand au danger multi culturaliste (1), c’est un thème interdit à ceux qui n’ont pas baisés les pieds des ayatollahs qui contrôlent nos médias, alors que, disait-on, la France était le pays de la Liberté. En fait elle l’était du temps où elle était un pays cultivé, car alors son peuple était libre dans sa pensée et son expression. Ce n’est plus le cas, chacun le sait, elle est devenue le pays de la pensée unique.
    A l’origine de la décrépitude de notre autonomie intellectuelle, il y a la valorisation de la non-culture américaine, qui fait se tourner vers le drapeau étoilé nos élites admiratives de sa puissance mondiale. Leur rêve est de devenir américains, ici ou là-bas, eux ou leurs enfants. Ici on étouffe, là-bas tout est grand. Sans se rendre compte que cette grandeur c’est du vide, et qu’être attirés par ce vide, est plus révélateur de ce qu’il leur a déjà enlevé, que de ce qu’il peut leur apporter. A moins que, seul le fric ne les intéresse. Mais les années passant, ils se rendront compte que lorsque l’on a été élevé dans une culture certaine, l’absence de culture finit par peser en négatif. L’argent ne faisant pas tout. C’est pourquoi, conscients de l’importance de notre héritage culturel, nous voulons le défendre.
    Dans son livre « l’Homme européen », Dominique de Villepin écrivait : »L’Europe est un carrefour, un lieu de passage pour des peuples venus d’horizons différents….L’islam a toute sa place en Europe, dores et déjà et davantage encore dans l’avenir ». Confirmant si besoin était sa déclaration faite au Sénat le 14 juin 2003 : »…La dimension islamique fait partie intégrante de l’Europe…Les musulmans européens, authentiques passeurs de culture, représentent une chance que nos sociétés doivent saisir… ».

    SE BATTRE POUR VIVRE
    Dans son livre « Au bord du gouffre », Alain de Benoist annonce la faillite du système de l’argent. Il est persuadé que «… la vie économique doit-être réorientée radicalement vers une autre perspective ». « Que le système capitaliste se heurte à la barrière de la réalisation du profit. Qu’il est soumis à la complète domination des marchés financiers, dont les actionnaires réclament la rentabilité maximum avec frénésie. Et qu’il va donc à son autodestruction. »
    Je suis d’accord avec lui. J’ajoute simplement que dans la crise culturelle que nous vivons, il ne nous faut pas attendre pour réagir. Pendant que nous rêvons, l’Oncle Sam met au point ses stratégies. Compte tenu de ses moyens colossaux, il fera avaler ce qu’il voudra à nos peuples, servis sur un plateau à leur goût.
    Il nous faut donc prendre conscience de ce que nous sommes, en tant qu’héritiers d’une culture européenne ancestrale. C’est cette conscience, et cette fierté, qui nous donnera envie de la défendre contre l’anomie universelle, qui va nous faire disparaître.
    S’il est vrai que la vie est un combat, comme le disait Nietzsche, alors que ceux qui en parlent donnent l’exemple, dans leur discipline et dans leur vie. Nous avons besoin de combattants actifs, et non en chaise longue.
    Voilà l’importance de la lutte qu’il nous faut mener ! Elle se résume en deux phrases : Dénoncer les Etats-Unis comme des Etats maudits et Refuser l’homogénéisation de nos peuples.
    Il faut dire à nos gouvernants, que leur politique atlantiste sacrifie notre indépendance nationale. Sur ce plan le général De Gaulle, que j’ai pourtant combattu sur d’autres points, avait vu juste. Le monde anglo-saxon est notre adversaire, et l’OTAN son fer de lance
    Comme l’écrit Aymeric Chauprade : » Il faut refuser de se soumettre aux lois de l’Empire américain. Il faut trouver les chemins de la sortie du mondialisme américain, lequel ne peut mener qu’à un totalitarisme planétaire qui, en usant de nouvelles technologies, privera la personne humaine de ses libertés ».
    Pour redevenir indépendants, il nous faut retrouver une pensée autonome.
    C’est l’objet de cet appel, à la mobilisation générale.

    Gilbert Sincyr http://www.voxnr.com

    Notes :

    (1)Cette idéologie universaliste a l’Islam comme fer de lance. Elle tend à une africanisation et une arabisation des nations européennes, sous le couvert bien manœuvré, de l’accueil de la diversité. Soutenue par les partis politiques communistes, socialistes, écologiques et sociaux-démocrates, elle eut comme promoteurs des dirigeants comme Jacques Chirac et Dominique de Villepin, adeptes de la repentance unilatérale, et obnubilés par le mélange des cultures. Relayée par la majorité du corps enseignant et des médias, elle vise à convertir les européens que seule la mixité, raciale, sociale et culturelle, est garante d’un avenir harmonieux. « Touche pas à mon pote, ou tu es un raciste ».

    Références
    - « Au bord du gouffre » Alain de Benoist Ed. Krisis
    - « La fracture identitaire » Ivan Rioufol Ed. Fayard
    - « La guerre culturelle » Henri Gobard Ed. Copernic
    - « l’Homme européen » Dominique de Villepin et Jorge Semprun Ed. Plon
    Gilbert Sincyr a déjà publié aux Editions Dualpha : « Aetius, le vainqueur d’Attila ». « André Fontès, héros de la guerre de l’ombre ». « Le Paganisme, recours spirituel et identitaire de l’Europe ». « L’Islam face à la Gaule, la chaussée des martyrs »

  • Alain Soral dédicacera « Chroniques d’avant-guerre » le samedi 8 décembre 2012 à la librairie Facta

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    Alain Soral dédicacera « Chroniques d’avant-guerre » le samedi 8 décembre 2012 à la librairie Facta

    Alain Soral dédicacera son livre Chroniques d’avant-guerre le samedi 8 décembre 2012 de 14h30 à 18h30.

    Venez rencontrer l’auteur à la librairie Facta :

    4, rue de Clichy Paris IXe

    Téléphone : 01 48 74 59 14

    Courrier électronique : librairiefacta@wanadoo.fr

    Situer la librairie :

    Sur Google Maps : http://maps.google.fr/maps?f=q&…

    Sur Mappy : http://fr.mappy.com/map#d=4+rue+de+…

    « Quand on est jeune et novice dans le débat d’idées, on croit qu’en politique c’est comme en sport, qu’il y a deux équipes : la vôtre et celle d’en face, les bons et les méchants, le pouvoir et l’opposition. Puis avec la pratique, pour ceux qui passent à la pratique – les autres n’y comprennent jamais rien –, on découvre que dans la vraie vie, comme dans 1984 de George Orwell, c’est plus compliqué que ça. Il y a le pouvoir, l’opposition au pouvoir et… Goldstein.
    Soit l’opposant créé par le pouvoir, ou plutôt favorisé par le pouvoir – ne soyons pas complotistes – pour dévier les énergies contestataires vers la stérilité, l’inutile…
    Gauchisme à la Prévert ou gauchisme à la Baader, qu’on soit dans les nuages ou qu’on fonce droit dans le mur, sur le plan de l’inefficacité politique – les années de prison mises à part – ça revient au même… »
    Chroniques d’Avant-guerre, compilation des articles publiés dans l’éphémère revue Flash entre octobre 2008 et mars 2011, est le 11e livre d’Alain Soral. Reprenant, sur le mode chronologique plutôt qu’orthographique, le principe des textes courts de ses Abécédaires (Jusqu’où va-t-on descendre ?, Socrate à Saint-Tropez), il est aussi un complément utile à son essai majeur écrit au même moment : Comprendre l’Empire.
  • L'esthétisme - contribution à l'identification de la problématique politique à venir

    L'une des réalités massives de ce temps, c'est sans aucun doute l'effort consenti pour mettre la culture en général, et l'art en particulier, à la portée de tous, à la disposition de chacun. C'est un fait d'observation qu'expositions, festivals, revues d'art, galeries, abondent, pullulent, surabondent. C'est un autre fait d'observation que le milieu qui produit de l'art constitue un monde relativement autonome, relativement réservé, et très fortement hiérarchisé. On a donc, grosso-modo, une double coupure, d'une part entre les producteurs d'art et les connaisseurs ("les artistes", "les critiques") et les simples consommateurs ("le public"), d'autre part entre les producteurs d'art peu valorisés ou dévalorisés ("les ringards", "les ploucs") et les producteurs d'art fortement valorisés ("les branchés", "les artistes" proprement dits).

           La grande presse, les médias en général nous convaincraient volontiers que le "public" répond positivement à cette mise à disposition de l'art, de l'art branché évidemment, de l'art proprement dit, l'art des ringards et des ploucs servant de repoussoir aux véritables artistes, au même titre que les danses folkloriques et populaires par exemple. On doit cependant remarquer qu'au delà du cercle des connaisseurs et des amateurs, désormais considérable il est vrai, ce n'est qu'après une sorte de "dressage" et de "conversion" à l'art véritable que le public se précipite "spontanément" vers les expositions, les rétrospectives et les foires d'art contemporain. ll faut alors creuser ceci et considérer que l'effort de dressage et de conversion du public à l'art véritable est considérable. Toute une flopée d'intermédiaires, eux même solidement convertis bien sûr, va assurer auprès du "public" une action d'inculcation de la croyance en l'art des artistes : journalistes plus ou moins spécialisés, rédacteurs de livres de vulgarisation, enseignants de tous niveaux, animateurs de musées. Tous celà est très bien fait, avec beaucoup de conviction et de crédulité chez les convertis et beaucoup de financement de la part des commanditaires et ce qui devient alors très difficile, c'est de garder une distance critique face au flux de discours des pédagogues de l'art véritable.
            Malgré tout, "çà" ne prend pas absolument partout, et il y a encore bien des "petites gens" pour affirmer que l'art d'aujourd'hui "c'est n'importe quoi", que "çà ne veut rien dire", que "leur petite sœur en ferait autant", réactions dérisoires, réactions cependant. Le peuple, les "braves gens" semblent en tous cas profondément rétifs à la vénération des véritables artistes et de leurs oeuvres, contrairement aux "petits bourgeois culturels" qui sont toujours prêts à suivre ce qui est dans l'air du temps quels qu'en soient les tenants et les aboutissants et qui craignent par-dessus tout de rater quelque chose qui les aiderait à monter sur "l'échelle sociale". Cette résistance implicite et malheureuse du petit peuple à l'art contemporain, il va falloir l'expliquer.
          C'est désormais avec toute l'approbation et tout le soutien des pouvoirs financiers qui se mettent en place, c'est à dire en dernière instance avec l'approbation et le soutien du mondialisme le plus exacerbé et le plus aveugle (qui ose tenter de projeter sérieusement où il mène ?) que certains artistes prétendants sont intronisés artistes véritables.
    C'est plus précisément uniquement grâce au soutien du "mondialisme financier" que les artistes qui comptent, dans le monde de l'art, vivent, et plutôt bien, de leur art qui devient l'art qui compte, simplement parce qu'il devient le seul art en position de se présenter comme tel, parce qu'il est le seul produit par des artistes qui comptent, le contenu de leurs enveloppes. C'est très simple et celà devient évident lorsque l'on se documente un tout petit peu sur le marché de l'art, les subventions, le mécénat. Le mondialisme qui s'installe ne contrôle pas seulement le monde de l'information, il contrôle aussi très largement le monde de l'art, et l'on pose ici que ce dernier contrôle est beaucoup plus inquiétant que le premier pour l'avenir de la pensée.
          En tous cas, lorsqu'un artiste est ainsi révélé par les financiers et les critiques d'art associés, son nom et son oeuvre ne tardent pas à être diffusés jusqu'au fond de nos provinces, grâce à la diligence des pédagogues de toutes sortes déjà évoqués, Les "nouveaux bourgeois" boivent, ou gobent avec délectation, les "nouveaux petits bourgeois" se précipitent pour ne rien rater, le peuple renâcle. Etrange chaîne idéologique. Reste donc à dominer ce processus par la pensée et à refuser de se laisser pièger par l'idéologie de l'art essentiellement respectable quelles qu'en soint les implications éthiques et politiques. 
         Lorsque l'on considère l'ensemble des œuvres d'art, des œuvres esthétiques produites, valorisées et diffusées par la "nouvelle bourgeoisie" (et il s'agit bien d'oeuvres d'art, mais d'œuvres d'art "néo-bourgeoises", et c'est là le spécifique), on ne peut manquer de remarquer qu'elles introduisent toutes à une même disposition affective. Cette disposition affective, la notion de cynisme l'évoque assez bien. Mais il faut tenter d'être plus précis et plus spécifique et dire qu'il s'agit exactement d'acquérir, à travers l'art contemporain, une anesthésie affective, une distanciation morale, une capacité à regarder la souffrance et le malheur d'autrui sans vélléité d'intervention. Ce regard glacé et distancié sur les pauvres, les faibles, les sans défense est la disposition affective profonde requise par le mondialisme bancaire et c'est à travers l'art contemporain qu'elle se diffuse et s'impose jusqu'à passer pour naturelle et constitutive de l'homme accompli. 
          Les spécialistes de la modernité, ce que l'auteur de ces lignes n'est pas, parviennent à distinguer, semble-t-il, parmi les petits cyniques glacés et incultes qui peuplent désormais nos villes "les rebelles", "les branchés", "les artistes" et enfin, au sommet sans doute, "les créateurs". On posera l'hypothèse que ces catégories ne sont pas très rigoureuses, se chevauchent souvent et qu'il n'est pas rare de passer de l'une à l'autre par un petit effort supplémentaire de glaciation mentale ou, à l'inverse, par un relâchement regrettable du devoir d'inhumanité constitutif de l'identité mondialiste-esthétisante en cours de maturation. Un publiciste vaguement anarchiste, aventurier discutable mais véritable esprit libre, avait eu au moins, à l'aube du vingtième siècle, une pensée fulgurante : "Dans les rues, on ne verra bientôt plus que des artistes et on aura toutes les peines du monde pour y trouver un homme."
          On a refoulé les inquiétudes de quelques immenses écrivains qui, à la naissance du cinéma, avaient perçu la catastrophe qu'il pouvait induire, en ses usages les plus vulgaires, dans l'ordre mental : participation immédiate sans recul et réflexion, rythme imposé mécaniquement interdisant toute hiérarchisation et totalisation des affects, réalisme brutal s'opposant à toute distanciation et stylisation critiques chez le concepteur et donc à toute pensée élaborée chez le récepteur. Or c'est le cinéma le plus platement réaliste et bavard qui est passé au statut d'art majeur de ce temps. Mais ce n'est que par un usage idéologique du langage que l'on peut subsumer sous une même catégorie (l' "art") le gigantesque travail de pensée et de stylisation d'un grand poète et le travail élémentaire de mise en images réaliste d'un "scénario" par une "équipe" de "tournage" inculte. Pourquoi alors entretenir cette confusion entre l'art poétique, transmuant la réalité en un niveau supérieur de pensée, et les mises en boîte cinématographiques les plus opposées à l'exercice des facultés mentales supérieures ? Mais parce que le cinéma (nous voulons dire le cinéma réalistique et bavard, harassant le rêve et l'imagination) est l'industrie, qui a permis d'introduire progressivement et insidieusement la morale exigée par le mondialisme esthétisant et dont on a esquissé la description plus haut. Description que l'on peut compléter quelque peu en posant que l'esthétique néo-capitaliste habitue en permanence, et d'ailleurs dès la moins tendre enfance, à constituer la souffrance et le malheur des faibles (pauvres, malades et estropiés non néo-bourgeois, animaux) en spectacle. Cette morale, c'est celle, on l'a compris, de la bourgeoisie que l'on persiste à dire bohème et qu'il faudrait dire schizoïde glacée.
           Les fonctions de cet apprentissage de l'anesthésie affective, de cette formation à la cruauté froide sont alors évidentes : il s'agit d'interdire la naissance et le développement de liens de solidarité dans le peuple, de transformer le peuple en une mase d'individus hargneux, méchants voire sadiques envers leurs compagnons d'hier. Ces individus ainsi atomisés, sans attaches, sauf aux doctrines de plus en plus cyniques diffusées successivement par le marché mondial deviennent alors de parfaites machines consommatoires, qui ont en outre l'avantage de contribuer efficacemenr et gratuitement, par simple non intervention, à l'extermination des ultimes résistances à l'arasement mondialiste. Lorsqu'il contribue, de très loin, à l'expulsion d'un pauvre, ou lorsqu'il jette un regard furtif à un vagabond qu'il ne secourera pas, le néo-bourgeois peut alors, lui aussi, pour quelques instants seulement mais en pleine connivence avec les créateurs contemporains, se sentir habité par une âme d'artiste.
    Jacques-Yves Rossignol http://www.esprit-europeen.fr