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  • Vérités et légendes de la Résistance

    Le Figaro Magazine - 11/01/2013
    De nouveaux travaux d'historiens abordent sans tabous l'histoire de la Résistance intérieure de 1940 à 1944.
          Jusqu'à la fin des années 1960, la France vivait dans l'exaltation de la Résistance : celle-ci, sous l'Occupation, aurait incarné la volonté du pays tout entier. Gaullistes et communistes se faisaient conjointement les gardiens de cette vision. La mort du général de Gaulle, en 1970, puis le déclin graduel du Parti communiste, conjugués au réveil de la mémoire juive et à l'affirmation de la spécificité de la Shoah allaient profondément bouleverser l'interprétation des événements. Au cours des décennies suivantes, certains historiens, mais aussi le cinéma ou la littérature, inversant la tendance, préféraient dépeindre une France des années noires vouée à la collaboration et complice de l'antisémitisme. « Le pays changeait progressivement de paradigme mémoriel, remarque Olivier Wieviorka. Ces mutations affectèrent le statut dont la Résistance jouissait dans la conscience nationale. »
         Quarante ans plus tard, le temps de l'histoire est-il venu ? Les ultimes témoins s'éteignant, les passions s'éloignant, les enjeux mémoriels se déplaçant à nouveau, il devient possible de raconter cette période en évitant la légende dorée comme la légende noire, tout simplement sans rien cacher de la complexité des faits. C'est ce à quoi s'attache Wieviorka, précisément, avec une Histoire de la Résistance (1) qui ne craint pas de bousculer quelques tabous.

    En réalité, il y eut plusieurs Résistances
    Membre de l'Institut universitaire de France et professeur des Universités à l'Ecole normale supérieure de Cachan, l'auteur est un spécialiste de la période 1939-1945, à laquelle il a déjà consacré une dizaine de livres. Dans cette synthèse, il étudie la genèse et le développement de la Résistance, ses hommes et son organisation, ses idées et ses buts, ses méthodes et ses moyens, ses succès et ses échecs. Et surtout sa diversité, car le concept de « Résistance » est trompeur : en réalité, souligne l'historien, il y eut plusieurs Résistances.
         Au départ, tout provient d'isolés qui forment leurs propres équipes. En zone occupée, le réseau monté par Honoré d'Estienne d'Orves (qui dépend de la France libre) est démantelé dès janvier 1941, son chef étant exécuté en août. De même pour le réseau du musée de l'Homme (Boris Vildé, Anatole Lewitsky), décapité à l'hiver 1941. D'autres réseaux se fondent néanmoins, comme Libération-Nord, sous la houlette de Christian Pineau. Mais c'est en zone libre, hors de l'intervention des Allemands, que la Résistance prend corps avec plus de facilité. A chaque fois, on trouve l'impulsion de fortes personnalités : Henri Frenay (Combat), François de Menthon et Pierre-Henri Teitgen (Liberté), Philippe Viannay (Défense de la France), Emmanuel d'Astier de La Vigerie (Libération-Sud), Jean-Pierre Lévy (Franc-Tireur). La toute première Résistance, celle de 1940-1941, comprend des personnalités de gauche ou des démocrates-chrétiens mais, contrairement à une idée reçue, les hommes issus de la droite nationaliste des années 1930 y sont nombreux. Le plus célèbre est peut-être le fondateur du réseau Confrérie Notre-Dame, Gilbert Renault, alias le colonel Rémy, qui est maurrassien, cas également de Pierre de Bénouville, d'Alain Griotteray ou de Daniel Cordier, le secrétaire de Jean Moulin. Les réseaux qu'ils animent sont tous des réseaux de renseignement. Beaucoup travaillent pour ou avec les services spéciaux anglais (ainsi Alliance) ou américains (à partir de 1942), ce qui irrite de Gaulle et n'est pas sans provoquer des frictions avec le BCRA, les services de renseignement de la France libre, et leur chef, le colonel Passy, comme le montre Sébastien Albertelli (2).
         Olivier Wieviorka rappelle qu'il existe un fossé entre la France libre, installée à Londres puis à Alger, et la Résistance intérieure, qui n'est pas nécessairement gaulliste, loin s'en faut. « Un mur d'incompréhension n'a cessé de nous séparer », écrira plus tard Henri Frenay. Outre le débat sur l'opportunité d'oeuvrer directement avec les Alliés, l'immense majorité des résistants de l'intérieur veulent rompre avec le personnel de la IIIe République, tandis que de Gaulle manifeste la volonté d'intégrer des hommes politiques d'avant-guerre au sein de son embryon de gouvernement, et de placer tous les partis sous son autorité.

    De Gaulle devra s'imposer à la Résistance intérieure
    Le chef de la France libre devra donc s'imposer à la constellation de mouvements nés en dehors de lui. Il parviendra à ses fins, en reprenant les rênes de l'ensemble de la Résistance, tâche assurée par Jean Moulin, arrivé à Londres en octobre 1941. En avril 1943, les trois groupes les plus importants - Combat, Franc-Tireur et Libération - se fédèrent en Mouvements unis de Résistance. Un mois plus tard, Moulin est nommé délégué du général de Gaulle pour toute la France, et placé à la tête du Conseil national de la Résistance.
         Sur des sujets aussi controversés que le rapport entre de Gaulle et les communistes (à la fois rivaux et alliés), le caractère minoritaire de la Résistance, le rôle militaire limité de celle-ci, le silence des mouvements face aux persécutions antisémites, Olivier Wieviorka avance sans tabous. Il n'esquive pas non plus l'existence des « vichysto-résistants », ces hommes qui occupaient des postes dans l'administration de l'Etat français, mais s'efforçaient de s'opposer aux exigences de l'occupant. L'exemple de Jean Benedetti, préfet sous Vichy et déporté par les Allemands en 1944, dont le neveu raconte aujourd'hui l'itinéraire héroïque (3), nous ramène, une fois de plus, à la complexité de l'histoire.
    Jean Sévillia http://www.jeansevillia.com
    (1) Histoire de la Résistance, 1940-1945, d'Olivier Wierviorka, Perrin.
    (2) Les Services secrets de la France libre, de Sébastien Albertelli, Nouveau Monde éditions.
    (3) Un préfet dans la Résistance, d'Arnaud Benedetti, CNRS éditions.

  • Mariage gay : l'opposition ferait-elle semblant de s'opposer ? Evidemment !

    Que fait donc l’opposition, demande NdF (voit l’article ci-dessous) au vu des résultats des votes à l’assemblée nationale, révélant que si l’opposition l’avait voulu, compte tenu de la faible mobilisation socialiste, elle aurait pu faire passer plusieurs de ses amendements,...

    C’est oublier une chose : le partage des rôles entre opposition et majorité.

    La première étant convaincue du passage du texte, ET EN DÉSACCORD EN SON SEIN SUR LA POSITION À ADOPTER, en fait le minimum en termes de présence, avec un nombre minimal de députés QUI PERMETTE DE NOURRIR LE DÉBAT TOUT EN INTERDISANT un quelconque renversement de majorité.

    Du reste, Fillon a déjà prévenu : comme Rajoy en Espagne, les libéraux conservateurs français conserveront le mariage et l’adoption homo en cas d’alternance. Ils ne s’attaqueront, et encore, qu’à la PMA...

    L’opposition à la dénaturation du mariage, c’est maintenant et dans la rue, qu’elle se joue ! LA MOBILISATION NE DOIT PAS FAILLIR !

    "Adoption de l’article 1 : Mais que fait l’opposition ? Viendra-t-elle parader le 24 mars ?

    Dans les faits… Officiellement, l’opposition est vent debout contre la dénaturation du mariage et le droit à l’enfant. Elle a annoncé il y a quelques jours plus de 5 000 amendements et s’est montrée aux différents rassemblements pro-famille de ces dernières semaines.

    Mais vendredi, on a appris que l’Assemblée nationale a rejeté plusieurs amendements substituant une union civile au « mariage pour tous » par 171 voix contre 77 (!) ainsi que d’autres amendements supprimant l’article premier par 183 voix contre 85 (!). Samedi, ce dernier a finalement été adopté par 249 voix contre 97. Tout un symbole : il supprime l’exigence de la différence des sexes comme condition du droit au mariage. [...]"

    La suite sur NdF

    http://www.actionfrancaise.net

  • Confiteor

     

    Confiteor
    Voici un peu plus de deux ans que Marine le Pen se trouve au commande du Front national suite à une campagne qui s’écoula durant le dernier trimestre de l’année 2010. En matière de pourcentage, elle obtint un résultat similaire, pour les signatures des secrétaires départementaux ainsi que pour les suffrages des militants. A l’époque, c’est un euphémisme, je n’approuvais pas l’appui qu’apporta à Marine la structure à laquelle j’appartenais, à savoir Voxnr. Je le fis savoir à Christian Bouchet par l’intermédiaire d’un courriel qui fut probablement celui que j’ai le plus travaillé dans mon existence.

    La campagne fut l’objet de nombreux dérapages et la mauvaise foi s’est par trop souvent manifestée. Justement pas par les deux protagonistes principaux mais plutôt par des individus soucieux d’envenimer les débats en faisant souvent preuve de méchanceté : la passion, au sens où la définissent les philosophes, pris l’ascendant sur la raison. Avec cette idée d’un comique surréaliste qu’une victoire des tenants de l’autre camp deviendrait de facto une catastrophe nationale.

    Deux ans ont donc passé et l’on en trouve encore, peu certes, pour critiquer encore de façon systématique et caricaturale, l’actuelle direction du Front national. En ce qui me concerne, de manière quelque peu infantile, j’ai boudé, considérant que la structure à laquelle j’appartenais, se devait de maintenir ce que l’on a coutume d’appeler, un splendide isolement. Bien évidemment, et contrairement à d’autres, je me suis bien gardé de salir ce que j’avais auparavant célébré. Comme un enfant donc, confronté à des adultes qui ignorent ce qu’il faut bien appeler un caprice, je revins progressivement sur la scène politique, qu’au demeurant, je n’avais jamais réellement quittée : je n’allais tout de même pas stopper un engagement de plus de trente ans. Les communistes ne m’ayant pas fait reculer naguère, je n’allais pas fuir aujourd’hui devant les tradesmen.

    La difficulté qu’éprouvent les Français à voter Front national est probablement la conséquence de la diabolisation connue de tous. Il suffit à cet égard d’observer et d’écouter le journaliste pour savoir que son attitude diffère selon qu’il interroge un invité labellisé Front national ou un autre. Au delà des chiffres qui doivent être interprétés, on constate que les électeurs du Front national ne sont pas toujours les mêmes et que le mouvement ratisse de plus en plus large. A titre d’exemple, les fonctionnaires issus de la catégorie C, sont désormais électeurs du Front. Or, ce qui me semble essentiel, c’est que le pas soit franchi, que le tabou soit levé : dès lors où un Français a voté, ne serait-ce qu’une fois pour le Front, il n’hésitera plus à recommencer.

    Il y a, pour les tenants du Système, vocation à s’inquiéter encore davantage :

    1/ Le traditionnel état de grâce n’a pas eu vraiment lieu et c’est donc toute une partie de l’électorat de gauche qui manifeste sa colère, y compris par l’intermédiaire de sénateurs qui n’hésitent plus désormais à faire obstruction : fracture au sein de la majorité qui se concrétisera probablement dans les urnes lors des prochaines élections.

    2/ De part son positionnement « ni droite, ni gauche », le Front national déstabilise et la gauche et la droite. La gauche, parce qu’une grande partie de son électorat se définit avant tout par son opposition à la droite, le Front national leur apparaissant différent de l’Ump : un électorat de gauche donc, susceptible de rejoindre la mouvance nationale. La droite, quant à elle, malgré ses tentatives de séduction afin d’obtenir du Front qu’il lui assure les victoires lors des seconds tours à venir, n’est pas dans une situation plus réjouissante. A titre d’exemple, en refusant de s’aligner sur les positions de l’Ump en matière de mariage pour tous, Marine le Pen a montré, une fois de plus, que le Front et la droite, ce n’était nullement la même chose. Les Français l’ont compris.

    3/ Ainsi que l’écrivait Alain de Benoist, l’ancien repère droite/gauche doit maintenant être remplacé par le référentiel centre/périphérie. Par centre, il faut bien sur comprendre les différents partis qui pratiquent la même politique, comme l’Ump, le parti socialiste ou le centre stricto sensu. Et des électeurs déçus, issus de la gauche comme de la droite, il y en a de plus en plus. Fatalement, on peut donc s’attendre lors de prochaines échéances à une poussée des deux fronts, celui qui se qualifie de gauche, et celui qui est national.

    4/ Marx faisait remarquer que pour connaître l’avenir d’un pays capitaliste, il suffisait d’en considérer un autre à un stade plus avancé. Doux euphémisme, les perspectives ne sont pas bonnes (1). Par voie de conséquence, les gouvernements, qu’ils soient de gauche ou de droite, susciteront l’impopularité, sachant que c’est la structure même du Système qui impose la mise au pas : il faudra donc, et nous allons les y aider, que les Français comprennent que le problème n’est pas le fait du chauffeur mais du véhicule.

    Je pense aujourd’hui que l’ennemi majeur n’est pas le segment qui s’autoqualifie de gauche mais bien la structure qui s’affuble du terme de droite. Longtemps le danger fut communiste, idéologie que l’on est bien obligé de classer à gauche. Aujourd’hui, c’est le capitalisme qui est principalement destructeur, y compris dans le cadre de son versant politique que l’on peut appeler individualisme. Même s’il est aussi propagé par des mouvements de gauche, le capitalisme ne peut donc être estampillé qu’à droite. Les soviets n’étant plus, reste les trusts...
    Philippe Delbauvre http://www.voxnr.com
    note :
  • L’opération Serval en vidéos

    Gao libérée, 27 Janvier 2013

    - Arrivée des forces maliennes, aéroport de Gao, 26 janvier 2013
    - Interview de M. Sadou Diallo, maire de Gao, 26 Janvier 2013
    - Sécurisation du site par un contingent Tchadien, 27 Janvier 2013

    Entre Gao & Tombouctou

    - Départ pour Gao d’un élément du 1er RCP, 26 Janvier 2013.
    - Arrivée à Gao, sécurisation de l’aéroport
    - Arrivée du contingent Africain
    - 27 Janvier 2013 : Préparation du largage sur Tombouctou, “les ordres”, la 2e Cie du 2e REP prépare son saut sur Tombouctou. Une Cie, un État Major Tactique et des appuis seront largués.
    Deux Transall & Trois Hercules sont mobilisés pour l’Opération Aéroportée (OAP)
    - Le 28 Janvier 2013 à 00h30 (heure Française, largage sur Tombouctou, filmé par un drone Harfang.
    - le 27 & 28 Janvier 2013, préparation des Rafales puis départ en mission pour le Nord Mali.
    IMPOSSIBLE DE VOUS MONTRER LES IMAGES DE FRAPPES AERIENNES, CONTREVENANT A LA CHARTE YOUTUBE.
    - Le 28 Janvier 2013, arrivée du BPC Dixmude au port de Dakar, avec à son bord 500 soldats et 130 véhicules.

    Le 17e régiment du génie parachutiste saute sur Tombouctou, 29 Janvier 2013

    - Largage du 17e RGP pour réhabiliter la piste de l’aéroport de Tombouctou, 29 Janvier 2013
    - Patrouille de reconnaissance à Korioumé, Ouest de Tombouctou, 29 Janvier 2013
    - Départ en mission de 2 Rafales & d’un C135 ravitailleur, N’Djamena, 29 Janvier 2013
    - Arrivée des soldats Nigérians & Togolais, N’Djamena, 30 Janvier 2013
    Crédits image : EMA/ECPAD
    Post-production : Pascal Dupont
    Crédits musique : Mathieu Gauriat

    SourcesRealpolitik.tv et le compte YouTube de  Pascal Dupont.

    http://fr.novopress.info/

  • Un chrétien massacré toutes les cinq minutes en 2012 !

    Le sociologue Massimo Introvigne a été, durant l’année 2011, consultant près l’Organisation pour la Sécurité et Coopération en Europe, pour laquelle il était chargé de la surveillance des persécutions religieuses. Aujourd’hui président de L’Observatoire de la liberté religieuse, un organisme créé en juin 2012 par le ministère italien des Affaires étrangères, il estime que 105 000 chrétiens au minimun ont été assassinés pour leur foi en 2012. Cela fait un chrétin massacré toutes les cinq minutes !

    Le chercheur avait déjà avancé ce chiffre lors d’une conférence qui s’était tenue les 2 et 3 juin 2011 en Hongrie, à l’initiative du ministère hongrois de la Justice et du Conseil de l’Union européenne. Il juge par ailleurs qu’au moins 200 millions de chrétiens sont plus généralement persécutés pour leur foi dans le monde. « La persécution des chrétiens est devenue aujourd’hui la première urgence mondiale en matière de violence et de discrimination religieuse. Il n’existe aucune autre foi qui soit autant combattue », conclut-il.

    Comme il est curieux que les médias français ne relaient pas cette information, eux qui sont si sensibles aux discriminations… Il y a manifestement une indulgence coupable -au mieux une indifférence coupable- à l’égard de la persécution dont est victime la religion de nos pères. Y aurait-il une volonté inavouée  d’émanciper notre société de tout ce qui a façonné notre civilisation, et plus généralement l’ère chrétienne ? Afin d’y substituer peut être une autre religion qui ferait oublier nos racines. Car la nature, de toute façon, a horreur du vide…

    Une problématique qui n’est pas nouvelle :

    http://www.contre-info.com/

  • Photos des 97 rassemblements de la Manif Partout

    Grâce au Salon Beige, les photos des manifestations du samedi 2 février 2013 à travers toute la France avant la grande manifestation nationale du 24 mars !

    La mobilisation continue !

    97 manifestations pour défendre le mariage contre le projet de loi Taubira ont été organisées aujourd'hui devant les préfectures de France. Quelle organisation, quelle association, quel parti politique peut se targuer d'avoir mobilisé autant au même moment ? La révolte du peuple français contre les projets délirants de ce gouvernement monte chaque jour. Et elle va encore gronder le 24 mars prochain à Paris.

    Avignon, où le mistral soufflait entre 60 et 90 km/heure avec 8/10 °C (autres photos). Présence de Marion Maréchal-Le Pen :

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    Melun :

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    Le Salon Beige

    http://www.actionfrancaise.net

  • La France en voie de désintégration

    Remplacement de population, déracinement, amnésie collective organisée, déchristianisation : la France change et se désintègre sous nos yeux. Reste à savoir à qui profite le crime.
    Le titre s'étalait sur le site du Point du 23 août dernier et la nouvelle valait bien ça ! « Didier Raoult tord scientifiquement le cou au mythe du "vrai Français " dans un pays où le métissage est généralisé », exultait le Point. Bigre ! Si c'était scientifique, c'était forcément sérieux. On pouvait s'attendre à une démonstration sans réplique.
    Que l'on en juge : « il est bien difficile de définir géographiquement ce qu'est la France », écrit ce scientifique, avant de conclure avec sagacité, sous prétexte que les frontières de notre pays ont bougé au cours des siècles, que « la France est une variable géographiquement instable, un mythe. » Concernant les caractéristiques génétiques de la population française, les choses sont, paraît-il, « beaucoup plus complexes », mais « Dans tous les cas, le métissage est généralisé » et « le droit du sang n'est pas génétiquement fondé ».
    Le sérieux et l'indépendance d'esprit de l'homme de science apparaissent clairement dans les première et dernière phrase de son article : « Les créations de mots et de concepts peuvent servir à déguiser des termes dont l'usage est interdit par la loi ou par l'évolution des mœurs ». Et de conclure : « Je redoute que le terme "Français de souche " ne serve qu'à ceux que l'on ne veut pas comme Français... » Le flic de la pensée perce sous le professeur.
    Professeur de quoi, au demeurant ? Didier Raoult est-il historien ? Géographe ? Démographe ? Généticien ? Vous n'y êtes pas : il est biologiste et dirige l'Unité de Recherches en Maladies Infectieuses et Tropicales Emergentes à Marseille, ce qui garantit probablement sa compétence dans toutes les autres spécialités... En fait de science, son article s'inscrit dans la sempiternelle doxa immigrationniste.
    L'anecdote est cependant exemplaire : le sérieux présumé du Point et le titre professoral sont destinés à convaincre le lecteur du bien-fondé d'un article qui mérite tout au plus un haussement d'épaules. Ce n'est pourtant pas le cas, parce que la thèse qu'il défend, aussi fausse soit-elle, s'inscrit dans le sens de l'histoire tel que l'a défini l'idéologie dominante et qui condamne la nation française à disparaître.
    Comme nous le montrons dans ce dossier, tout y concourt.
    Premièrement, l'arrivée massive et l'installation sur le sol français de populations extra-européennes. Comme l'explique le démographe Yves-Marie Laulan dans les pages qui suivent, cette immigration de peuplement, conjuguée à la faible fécondité des Françaises « de souche », s'apparente de plus en plus à une substitution de population ; un remplacement accepté et souhaité, puisque François Hollande n'envisage pas de réduire le nombre des immigrants légaux, qui s'élève à entre 180 000 et 200 000 par an.
    Une nouvelle utopie postdémocratique
    L'accumulation dans les banlieues de ces populations déracinées, trop nombreuses pour être intégrées et encore moins assimilées, a débouché, en outre, sur la multiplication de zones de non-droit à la périphérie des villes, à tel point qu'à Marseille, une élue socialiste elle-même issue de l'immigration algérienne préconise aujourd'hui de faire boucler les cités par l'armée.
    Deuxièmement, l'organisation de l'amnésie collective et du déracinement par les concepteurs des programmes scolaires, notamment en histoire et en géographie. Elle concrétise le souhait des communistes, formulé dans l'Internationale : « du passé, faisons table rase ». Cependant les communistes, loin de faire table rase de l'histoire, l'avaient manipulée et grimée pour s'en servir à des fins de propagande. Ce n'est plus le cas aujourd'hui et les jeunes Français n'apprennent plus l'histoire de France. En les privant de leur héritage collectif, on les déracine pour en faire des citoyens d'Europe d'abord, du monde ensuite, et finalement des immigrés chez eux.
    Troisièmement, la déchristianisation, entretenue par les campagnes d'opinion régulièrement dirigées contre l'Eglise catholique. À cet égard, la politique de « laïcité positive » de Nicolas Sarkozy aura été une parenthèse vite refermée. François Hollande, dont le programme électoral prévoyait d'inscrire la loi de séparation de 1905 dans la Constitution, a déjà engagé un bras de fer avec les évêques français sur le mariage et l'adoption par les homosexuels. (Le 19 août, en revanche, à l'occasion de l'Aïd-el-Fitr, il adressait ses vœux aux musulmans de France en souhaitant « que cette fête du pardon, du partage et du souci de l'autre contribue à la concorde dont notre nation a tant besoin. »)
    Ces différentes atteintes portées à l'identité de la France vont toutes dans le même sens, celui de la mondialisation, vers laquelle le fédéralisme européen ne représente qu'une étape. La démographe Michèle Tribalat, chercheuse à l'Ined et auteur d'un ouvrage (entre autres) significative-ment intitulé Les Yeux grands fermés, faisait la même analyse dans un entretien donné à Spectacle du monde, en avril 2012 : « Les migrations seraient inscrites dans le sens de l'histoire et donc appelées à se multiplier, et ce serait aux peuples et à leurs gouvernants de s'y plier, avec grâce si possible. Ces mouvements ne pourraient être que bénéfiques, une fois dépassées ce qu 'on appelle "les externalités négatives ". A terme, donc, plus de problème, dans un monde où la liberté de s'installer, indépendamment des frontières, serait la règle, et le marché du travail mondial. (...) C'est donc bien une nouvelle utopie postdémocratique qui fait chanter les lendemains et il n'y aurait pas lieu de s'inquiéter si les bénéfices annoncés devaient tarder et ne pas se manifester de notre vivant. »
    Dans cette nouvelle perspective internationaliste, la désintégration des peuples et des nations européens serait une étape nécessaire vers le monde et la gouvernance globaux. Un meilleur des mondes...
    Eric Letty monde & vie 8 septembre 2012

  • Refuser l’euro-balkanisation des nations d’Europe

    Depuis plusieurs années, le PRCF, son journal Initiative communiste et sa revue théorique Etincelles, mettent en garde les communistes, les syndicalistes, les patriotes républicains, les véritables internationalistes, contre l’existence et la mise en œuvre méthodique d’un plan européen de l’oligarchie capitaliste visant à asservir et/ou à démanteler les États historiquement constitués, qu’ils soient déjà membres de l’UE ou qu’ils demandent à y adhérer.
    Le but de ce plan, dont l’application subit aujourd’hui une sensible accélération, est de constituer un Empire européen du grand capital. Centré sur Berlin (avant-poste : Bruxelles) et largement téléguidé par Washington au moyen de l’OTAN et du FMI, cet Empire dont le nom de code est « Europe fédérale », aurait pour mission d’araser les ultimes obstacles nationaux qui freinent encore la concentration monopoliste et la chasse au profit maximal sur le sous-continent européen.
    Bien que l’Axe Washington-Berlin soit le vrai pivot de cette manœuvre giga-impérialiste, la grande bourgeoisie « française » est totalement complice de ce suicide organisé des nations d’Europe, à commencer par celui de la nation française – laquelle fut pourtant à la base du « mouvement des nationalités » qui défia les Empires féodaux dans la foulée de la Révolution française et du Printemps des peuples de 1848.
    Nous avons souvent signalé au PRCF le Manifeste patronal typiquement impérialiste et antinational publié par Laurence Parisot et intitulé Besoin d’aire : le MEDEF y exige cyniquement de « nouveaux transferts de souveraineté », la « reconfiguration des territoires » (en fait, la länderisation à l’allemande – ou mieux, l’hol/länderisation – de l’ex- « République française une et indivisible ») et bien entendu, les « États-Unis d’Europe » nommément désignés comme sa « nouvelle patrie » par l’organisation patronale. C’est d’ailleurs ensemble que le 8 octobre 2012 les représentants qualifiés des grandes entreprises allemandes, françaises et italiennes ont fixé la feuille de route institutionnelle de leurs gouvernements respectifs : les vrais maîtres de l’Union européenne y exigent un « bond en avant » vers une « intégration européenne plus poussée » qui déboucherait sur un « nouveau traité » (sous-entendu : constituant) apportant une « Union politique et économique plus étroite » : en clair, les grands patrons d’Allemagne, d’Italie et de France exigent un État fédéral européen dans lequel les États européens forgés par l’histoire – qu’il s’agisse d’États-nations comme la France ou l’Italie, ou d’États plurinationaux comme l’Espagne ou la Belgique – ne seraient plus que des euro-provinces destituées de toute souveraineté politique [2]…
    Il s’agit là clairement d’un projet doublement impérialiste puisque,
    - dans le cadre des limites de l’UE émerge clairement un nouvel Empire – nommément appelé de ses vœux par D. Strauss-Kahn, quand ce glauque personnage participait encore à la course pour l’Élysée ;
    - à l’extérieur des limites de l’UE, les oligarchies européennes travaillent à mettre en place une « Union transatlantique » (figurée en bleu à la Une de Besoin d’aire) fusionnant peu à peu l’UE et l’Amérique du nord avec de claires projections hégémoniques ciblant la Russie, le Proche-Orient, la Chine, la Méditerranée et l’Afrique. En plein cœur de la crise de l’euro, les représentants du CAC 40 « français » et de son équivalent « allemand » avaient d’ailleurs publié un communiqué commun sommant les gouvernements de l’UE d’avancer à marche forcée vers « l’Europe fédérale », quitte à balayer les réticences populaires que venaient d’étayer une série de « non » retentissants lors des référendums français et néerlandais sur la Constitution européenne…
    On sait par ailleurs que le cœur de ce projet typiquement impérial serait la mise en place d’une « Françallemagne », voire d’une nouvelle « Carolingie [3] » unissant l’Allemagne et son arrière-cour (Autriche, pays de l’embouchure du Rhin) aux zones « utiles » (pour la production de profit !) à la France et à l’Italie du nord.
    A l’arrière-plan de ce projet féodal-capitaliste, il y a la contre-révolution capitaliste qui, sur la base de l’Europe occidentale intégrée à l’OTAN et dans le cadre de la seconde guerre froide antisoviétique (1975/1991), a permis la restauration capitaliste en Europe de l’Est et l’annexion de la RDA à la RFA capitaliste. Dopée par la « réunification », l’Allemagne capitaliste s’est notablement renforcée économiquement, démographiquement et géopolitiquement. « Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme » : la « réunification » allemande a permis la satellisation par la RFA [4] et les USA des Pays baltes ex-soviétiques, la semi-recolonisation de la Pologne et la partition-satellisation de l’ex-Tchécoslovaquie et de l’ex-Yougoslavie (une partie de cette dernière basculant carrément dans la zone mark !) ; le démantèlement ethnique de la République socialiste fédérative de Yougoslavie, qui fut déclenchée par la reconnaissance unilatérale de la Croatie par Helmut Kohl et par le Vatican, fait d’ailleurs figure de banc d’essai de la balkanisation en cours de notre sous-continent…
    L’Oncle Sam et l’Allemagne fédérale sont ainsi les grands vainqueurs de la seconde guerre froide qui vit l’implosion sous influence de l’URSS et du camp socialiste ; une implosion applaudie par tous les partis euro-« communistes » et par toute la « gauche » petite-bourgeoise comme un grand « bouleversement démocratique » (!), alors que toute la partie orientale de l’Europe était livrée à la chasse aux sorcières, au négationnisme anticommuniste et antisoviétique, ainsi qu’à la réhabilitation rampante du fascisme et de l’intégrisme religieux !
    La mise en œuvre de ce plan féodal-capitaliste subit actuellement une brutale accélération du fait de la crise récurrente de l’euro et de la réponse austéritaire et supranationaliste qui lui est donnée, non seulement par l’oligarchie financière, mais par les forces politiques interpénétrées du Parti Maastrichtien Unique (le PMU bis, composé de la droite libérale, de la « Démocratie » chrétienne et du PS Européen) : le « saut fédéral européen » commande de détruire les États constitués à la fois par le haut (« Europe fédérale » centrée sur Bruxelles et Francfort – en réalité sur Berlin et Washington – provisoirement unis ? -) et par le bas (les euro-régions, les métropoles européennes, les euro-régions transfrontalières).
    Notons enfin qu’il est faux, du point de vue des rapports de forces réellement existants, de mettre un trait d’égalité entre les rôles respectifs de l’impérialisme allemand et de l’impérialisme français dans la marche vers l’Europe fédérale. Non pas que les usuriers rapaces de l’impérialisme français méritent la moindre indulgence de la part des progressistes de notre pays [5], mais parce que les rapports de forces géopolitiques résultant de l’implosion contre-révolutionnaire du camp socialiste et de la re-mondialisation du système capitaliste ont « remis en circuit » et fortement relancé les ambitions continentales et planétaires de l’impérialisme allemand ; à l’inverse, la politique néo-gaullienne de l’oligarchie française a été déstabilisée par la disparition de l’URSS, par l’annexion de la RDA, par le recul géopolitique de la Russie et par l’hégémonie planétaire du complexe militaro-industriel états-unien. L’Oncle Sam est désormais délesté du contrepoids politico-militaire de l’URSS (désormais Washington détient 80% de l’arsenal mondial des armes de guerre !) ; celle-ci contenait en effet l’hégémonisme états-unien depuis 1945 en favorisant l’émergence mondiale du Mouvement de Libération national et du Mouvement des non-alignés.
    Le gaullisme classique s’est en effet historiquement construit sur un subtil jeu d’équilibre géopolitique entre les deux « superpuissances » (sic) américaine et soviétique. Tout en restant solidement arrimé au camp occidental, De Gaulle [6] s’employait, en effet, à faire valoir la « grandeur » française contre les USA en flirtant avec l’URSS et avec la Chine populaire [7]. Cette forme subtile de bonapartisme international [8] qu’était la politique internationale gaulliste est devenue plus difficile à tenir depuis que les États-Unis et l’OTAN ont pris barre sur toute l’Europe de l’Est et que l’Allemagne capitaliste [9], décomplexée par la mythique « révolution démocratique en RDA », s’est remise à exporter ses troupes d’occupation et/ou ses ventes d’armes, de l’Afrique à la Syrie en passant par les Balkans et par l’Afghanistan. Aujourd’hui, l’armée française – dont la langue de travail officielle est devenue l’anglais ! – s’est muée en une pure force de projection impérialiste sur des théâtres lointains [10] et elle se désintéresse, de fait, de la protection directe du territoire national. Symboliquement, un régiment allemand campe d’ailleurs à deux pas du Struthof de brunâtre mémoire. Militairement, la force de frappe française est sur la table des négociations inter-impérialistes [11], comme l’est implicitement le siège dont dispose historiquement la France au Conseil de sécurité de l’ONU [12] et les enragés de l’effacement euro-atlantique de notre pays pressent les autorités d’abandonner à l’Union européenne ces deux « exceptions françaises » scandaleuses...
    Et surtout, la dissymétrie est flagrante entre les positions respectives de la France et de l’Allemagne à l’égard du fait supranational européen. Alors que le Conseil constitutionnel « français » a piteusement proclamé la suprématie des directives européennes et des traités supranationaux sur les lois nationales et sur la constitution française – au point que très officiellement les « Sages » ne vérifient plus que les misérables 20% de lois « nationales » qui ne sont pas des transpositions des directives bruxelloises – la Cour constitutionnelle allemande de Karlsruhe a plusieurs fois proclamé, sans que cela émeuve les autorités françaises, la subordination des décisions et des traités européens aux délibérations du Bundestag. Il en va de même en Grande-Bretagne, où l’obéissance aux directives européennes reste tout-à-fait conditionnelle, où les dérogations aux Traités européens sont systématiques et où l’allégeance directe à Washington interdit structurellement toute « indépendance » de l’UE à l’égard du tuteur états-unien où le drapeau de l’UE est totalement ignoré. Même le récent TSCG n’a été accepté par Karlsruhe – la ville où repose le corps de Charlemagne, premier Empereur allemand d’Occident et précurseur du Saint-Empire romain germanique – que du bout des lèvres et avec certaines réserves – alors que ce bon Monsieur Hollande a très « normalement » accepté, sans réserve, ce traité inégal (RFA créditrice, France débitrice, qui décidera du sens de rotation de l’« Axe franco-allemand » ?) qui anéantit à la fois notre souveraineté budgétaire et la possibilité pour notre pays de nationaliser son industrie, de se réindustrialiser et de mener une politique intérieure progressiste…
    Bref, la construction supranationale s’opère très officiellement à deux vitesses, y compris au cœur de ce qu’il est convenu d’appeler l’Axe franco-allemand. Car tout en parlant d’Europe fédérale et en réclamant pour autrui un strict cadrage supranational des décisions budgétaires (fédéralisme), l’Allemagne capitaliste dispose unilatéralement d’un droit de veto en Europe, à l’égal de la Grande-Bretagne, ce cheval de Troie européen des États-Unis… Ce n’est pas là une « opinion », c’est un fait juridique des plus constants. Alors pourquoi diantre tout l’arc politique français, du FN aux euro-trotskistes en passant par un certain nombre de « marxistes-léninistes » d’apparat, fait-il pudiquement silence sur cette asymétrie délétère, qui dénote clairement le caractère inégal, foncièrement germano-américain de la « construction » fédérale européenne [13] ? Pourquoi diable ceux qui pointent le fait patent de cette inégalité, sont-ils taxés de « germanophobie », alors qu’ils se contentent de refuser l’inégalité entre les peuples en tant qu’elle signifie forcément l’inégalité entre les gens [14] ? Pourquoi d’ailleurs serait-il « germanophobe » de dénoncer l’arrogant hégémonisme de l’impérialisme allemand, qui a « dikté » sa loi durant toute la crise de l’euro aux peuples grec, italien, irlandais, espagnol et portugais qualifiés de « PIGS », et qui la prescrit aussi désormais au peuple français par commissaires européens interposés, surveillant le débat budgétaire français jusque dans les travées de l’Assemblée « nationale » ? Rappelons aussi que les fondateurs du PRCF – parmi lesquels figure l’auteur de ces lignes – ont toujours été parmi les plus actifs militants de la solidarité internationale franco-allemande au bénéfice des communistes de l’ex-RDA persécutés pour délit d’opinion par les « réunificateurs » [15]. Pourquoi ne pas voir qu’il y a deux Allemagne(s), l’Allemagne progressiste héritière de Kant, Heine, Marx, C. Zetkin, Brecht… et l’Allemagne impérialiste qui ne cache même plus [16] sa volonté politique d’atteindre par d’autres moyens – pour l’instant, ceux de la domination économique, du chantage financier et de l’euro-bidouillage institutionnel – les sinistres objectifs continentaux de domination qui furent ceux des trois premiers « Reich » ?
    Pour compléter cette étude de l’hégémonisme allemand, il faudrait bien entendu étudier les différentiels économiques écrasants entre les balances commerciales allemandes et françaises, l’inégalité encore plus marquée (ou « markée » ?) des deux économies dans le domaine industriel – la base réelle de toute puissance politique durable – et surtout, il faudrait analyser de près la farce du libre-échangisme européen et mondial, telle que nous la vend la « Troïka » et ses innombrables zélateurs médiatiques. Nous avançons en effet l’idée que la zone euro, en réalité, la zone euro-mark, est d’abord une zone crypto-protectionniste germano-yankee. Globalement, cette zone monétaire permet en effet aux États-Unis de continuer à écouler leur dollar – monnaie mondiale de référence (essentiellement gagée sur la puissance de l’US Army) – tout en surfant sur le dollar faible pour dynamiser leurs exportations ; parallèlement, l’euro fort permet d’imposer aux pays européens du sud – interdits de « dévaluation compétitive » puisqu’ils ont abandonné leur arme monétaire nationale – les exportations industrielles allemandes libellées en euro fort, ce clone du mark. Libre-échange de l’Empire anglo-saxon vers l’UE et de la RFA vers l’Europe du sud donc, mais protectionnisme caché de la RFA à l’encontre des exportations de l’Europe méridionale : la voilà la réalité de ce libre-échange inégal qu’est en réalité la zone euro, cette sous-continentalisation de la zone mark qui, à l’arrivée, gave l’Europe du sud des produits allemands et américains, tout en interdisant aux « PIGS » d’exporter largement vers l’Allemagne et l’Amérique…
    En réalité, dans une telle épure, l’Europe du sud est vouée à la tiers-mondisation et à la sous-industrialisation à perpétuité : que la Grèce, l’Espagne, l’Italie, la Costa Brava se contentent donc à l’avenir de vendre du tourisme et de l’immobilier, voire de céder quelques îles méditerranéennes au Minotaure berlinois quand la balance commerciale hellène, espagnole ou italienne redeviendra à nouveau par trop déficitaire ! De plus ces pays connaissent, de nouveau, une vague d’émigration qui les prive de forces vives, en attendant de former, pour ceux qui restent, une main d’œuvre sous payée, comme le chantage de Renault en Espagne le montre bien.
    Quant à la France bourgeoise, elle a scellé son sort industriel quelques décennies plus tôt ; c’est en effet au sortir des grèves de masse à répétition qui eurent lieu en France dans les années 1968/1974, que le « libéral » français V. Giscard d’Estaing et que le social-démocrate allemand Helmut Schmidt se sont partagé les « créneaux » dans la chaotique division capitaliste internationale du travail : effrayée par la puissance socio-politique de la trop frondeuse classe ouvrière française, alors très influencée par le PCF et la CGT (qui étaient sortis renforcés des combats de la Résistance) – l’oligarchie « française » a fait une croix sur sa grande industrie, notamment sur la machine-outil, cette mère de tout développement usinier, qui formait le noyau dur de la grande usine combative de Renault-Billancourt (cerveau et poumon de la grève de masse de mai 1968) ; l’oligarchie monopoliste « française » s’est délibérément spécialisée dans la banque – en réalité dans le prêt usuraire international – dans le transport transeuropéen (autoroutes, TGV, aéroports), dans l’industrie d’armement (avec ses retombées aéronautiques et énergétiques) ainsi que dans le tourisme, pendant que la RFA – où le prolétariat était alors moins remuant [17] – mettait le paquet sur l’industrie et sur la recherche-développement, ces sources durables de la puissance… A l’inverse, de gouvernement de droite en gouvernement de « gauche », c’est à qui, en France, aura le plus sabré les Charbonnages de France, la sidérurgie lorraine, le textile du nord, l’électronique, les Chantiers navals, et maintenant la production automobile et équipementière, sans parler de ces deux autres secteurs productifs méthodiquement démantelés que furent la pêche artisanale et l’agriculture familiale où, là aussi, l’influence « rouge » était loin d’être négligeable, des vignerons de l’Hérault aux pêcheurs du Guilvinec…
    Tout en poussant les feux de la Nouvelle-Carolingie (belle « modernité » en vérité !), le « saut fédéraliste » actuel se complète désormais d’une « reconfiguration » à marche forcée des territoires et des rapports de forces inter – faut-il encore dire « intra » ? – nationaux dans les pays extérieurs au Saint-Empire germano-romain en voie de reconstitution. Tout le monde garde en mémoire la manière dont les gouvernements en place en Grèce, au Portugal ou en Italie ont été grossièrement congédiés par la « Troïka ». Sans qu’il soit question une seconde d’idéaliser les reptiles politiques que furent et que restent les Papandréou (Grèce, PS), Socrates (Portugal, PS) et autre Berlusconi (Italie, droite dure), en quoi les actuels gouvernants de ces pays, proconsuls zélés de l’UE et exécutants même pas dissimulés de l’hyper-banque américaine Goldman Sachs (on pense en particulier à Mario Monti, qui appartint à son directoire) sont-ils encore des gouvernements grec, portugais ou italien ? Il s’est agi là, dans des formes manifestement « post-démocratiques », d’un coup d’État européen quasi-permanent [18] ; seuls les aveugles volontaires n’auront pas saisi que la seule valeur absolue servie par l’UE n’était pas la « démocratie », mais le sauvetage à tout prix de la monnaie unique !
    Et surtout, l’euro-balkanisation sous influence impériale des États historiquement constitués d’Europe subit actuellement un coup d’accélérateur brutal et généralisé.
    La Belgique poursuit un processus d’« évaporation » rapide – que nous avions annoncé parmi les premiers dans un article alors paru dans L’Humanité – sous la pression de la droite patronale dure (la NVA, flanquée du fascisant Vlaams Belang) ; et le gouvernement fédéral belge présidé par le « socialiste francophone » E. Di Rupo est plus empressé à renier la Francophonie internationale qu’à défendre l’intérêt national belge ou qu’à protéger les droits grossièrement bafoués des francophones vivant dans la partie nord du pays. Qui peut croire une seconde que la grande bourgeoisie portuaire d’Anvers puisse pousser les feux de l’indépendance flamande (formelle ou seulement… réelle !) sans avoir reçu l’aval, pour ne pas dire plus, du grand voisin allemand dont Anvers constitue un important débouché maritime à proximité de l’axe rhénan ?
    Provisoirement en recul en raison des démêlés judiciaires de son chef de file, l’extrémiste de droite Umberto Bossi, la Lega del Norte continue de caresser l’espoir d’une indépendance – ou d’une autonomie quasi-totale de la « Padania » – c’est-à-dire du Nord de l’Italie désireux de divorcer d’avec le Mezzogiorno pauvre. Berlusconi vient d’ailleurs de signer avec Bossi un accord électoral qui, de l’aveu même du journal Le Monde [19] peut mener à l’éclatement de l’Italie avec des conséquences imprévisibles. Est-il si difficile pour des marxistes de démêler la signification de classe de ce nationalisme-là qui, de la Slovénie à la Tchéquie, de la Flandre belge à l’Alsace, de la « Padanie » milanaise à la Catalogne, du (relativement) riche Pays basque à l’Ecosse pétrolière, est toujours un nationalisme des régions riches visant à se délester des régions pauvres (de la Yougoslavie, de la Tchécoslovaquie, de la Belgique, de la France, de l’Italie, du Royaume-« uni », etc.) de manière à réduire obsessionnellement l’impôt dû par les privilégiés au titre de la « solidarité nationale » ?
    C’est l’Espagne qui est présentement sur le trajet direct du « front cyclonique » de l’euro- balkanisation. Confronté à d’intenses luttes de classe (mineurs asturiens, personnels de la santé et de l’Education, pompiers, etc.), les composantes castillane, catalane et basque de la grande bourgeoisie espagnoles jouent une étrange… partition – c’est le cas de le dire : pour reporter sur « Madrid » la responsabilité de la méga-austérité infligée aux habitants de la Catalogne, et pour obtenir la mise en place d’une « union sacrée » euro-austéritaire entre la droite indépendantiste d’A. Mas et la Gauche républicaine catalane (ERC), les autorités de Barcelone prévoient un référendum sur l’indépendance (ou sur l’autodétermination, les contenus restent encore flous) en 2014, si possible au moment même où sera convoqué… le référendum sur la séparation de l’Ecosse et de l’Angleterre auquel D. Cameron vient de donner son feu vert. Comme on le voit, les « coïncidences » dans la désarticulation des Etats constitués relèvent d’une planification mal dissimulée à l’échelle du continent, même s’il est vrai que certaines forces s’inquiètent ici et là d’un processus qui pourrait échapper aux apprentis-sorciers. Néanmoins le cap reste fixé principalement par les « dé-nationaliseurs » et, sous couvert d’aider les « minorités opprimées », un slogan fait le tour du Vieux Continent : « euro-sécessionnistes de toute l’Europe, épaulons-nous » !
    Croyant ainsi avoir éradiqué la lutte armée de l’ETA (laquelle se référait au socialisme), la bourgeoisie basque s’apprête à imiter son homologue barcelonaise… et à dire elle aussi bye-bye à « Madrid ». Certains ultra-catalanistes réclament même déjà le « rattachement » de la « Catalogne-Nord », en clair des Pyrénées-Orientales françaises, de même que nombre d’indépendantistes basques du « Pays basque sud » rêvent d’annexer au futur Euzkadi indépendant la partie « basque » des Pyrénées-Atlantiques : bref, si les choses continuent, « il n’y aura plus de Pyrénées » : à l’avantage des travailleurs ou au bénéfice des capitalistes avides de « reconfigurer les territoires » tout en divisant les populations ?
    Bien entendu, la grande bourgeoisie madrilène – dans laquelle abondent les nostalgiques du franquisme – pousse des cris d’orfraie ; mais est-elle si fâchée que cela de se poser en championne de l’unité espagnole menacée par les sécessions ? Diviser les travailleurs d’Espagne sur une base linguistique pour pouvoir mieux imposer l’ultra-austérité du fascisant gouvernement Rajoy et des gouvernements provinciaux, tous plus austéritaires les uns que les autres, n’est-ce pas une tactique gagnante pour un patronat espagnol qu’a fait récemment trembler la Marche noire qui vit des milliers de mineurs asturiens envahir Madrid en ravivant les craintes patronales mal éteintes d’une insurrection prolétarienne (et républicaine !)
    Bien entendu, les marxistes ne peuvent ignorer que la problématique « décentralisatrice » - en réalité dé-nationalisatrice – ne se pose pas du tout sous les mêmes auspices de part et d’autre des Pyrénées. En Espagne, la centralisation et l’uniformisation linguistique drastique mise en place par le fasciste Franco portait un caractère entièrement réactionnaire et l’on sait que nombre d’autonomistes basques et catalans se sont vaillamment battus du côté républicain (chacun garde en mémoire le Guernica de Picasso). En France au contraire, le processus centralisateur, entrepris dès le 10ème siècle par la Royauté capétienne, était globalement progressiste ; il était porté par l’alliance historique qui a longtemps lié la monarchie capétienne à la bourgeoisie « communaliste » et il visait principalement à limiter le pouvoir régressif des grands feudataires, souvent tentés de s’allier à l’étranger pour brider la monarchie francilienne et agrandir leur propre duché. Appuyée par les Sans-Culotte, la République jacobine de Robespierre a repris l’œuvre centralisatrice entreprise par la monarchie sur de tout autres bases sociales : le but, éminemment progressiste, était d’offrir à tous l’égalité devant la loi, alors que la grande bourgeoisie « girondine » – celle-là même qui mettra en place par la suite le Consulat et l’Empire – eût préféré « fédéraliser » la jeune République pour diviser un peuple français, marginaliser les Sans-culotte parisiens et ancrer localement le pouvoir des notables bourgeois. Notons que cette centralisation républicaine-révolutionnaire s’est avérée parfaitement compatible en son principe avec la dévolution de pouvoirs étendus aux communes, et qu’il est abusif de parler avec dédain de « centralisation jacobine » à propos des mesures ultra-autoritaires mises en place par Napoléon pour stabiliser sa dictature thermidorienne[20].
    Bien entendu, il faut considérer avec faveur tout ce que porte de justes revendications à la dignité nationale, l’aspiration légitime des peuples à préserver leur langue historique, voire, dans le cas espagnol, à constituer un Etat confédéral démocratique et multinational (comme le propose par ex. le PC des Peuples d’Espagne). Mais le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, que Lénine n’a pas moins invoqué que Bolivar, Marti ou Garibaldi – doit toujours s’interpréter dans un contexte de classe global et international. Si complémentaires qu’ils soient dans leur concept, l’articulation du patriotisme et de l’internationalisme [21] doit se lire à notre époque dans le contexte géopolitique ultraréactionnaire et impérialiste de la mise en place de l’Union transatlantique, du saut fédéral européen et de l’ « évaporation » [22]-balkanisation des nations d’Europe dont nous venons de montrer à quel point il est déterminant : si paradoxal que ce soit, alors que le mouvement des nationalités du 19ème siècle était autogène et tourné contre les Empires féodaux (russe et autrichien notamment), les mouvements sécessionnistes actuels sont déterminés, voire pilotés et cadrés de manière exogène, et à partir du projet ouvertement impérial d’Europe fédérale, d’Union transatlantique, d’Europe des régions… et d’austérité tous azimuts contre les acquis sociaux.
    On pourrait certes imaginer que la possible sécession de l’Ecosse en 2014, peut-être suivie d’un référendum sur l’indépendance du Pays de Galles, peut présenter un caractère partiellement progressiste : après tout, ces peuples celtiques ont été niés par l’Angleterre qui n’a eu de cesse d’arracher leur langue et de noircir leurs héros nationaux, comme le « ténébreux » Macbeth. Après tout, l’émergence d’un « Royaume désuni » au nord du continent pourrait être une bonne nouvelle pour tous ceux qui veulent combattre le tout-anglais mondial, réunifier l’Irlande sur des bases républicaines, réhabiliter le gaélique et revitaliser la noble culture celte ! Il n’est jamais exclu, comme l’a montré Lénine dans son analyse de la Première Guerre mondiale, que des éléments politiques minoritairement progressistes soient enchâssés dans des processus globalement réactionnaires (et vice-versa, d’ailleurs !). Mais là encore, les internationalistes doivent d’abord analyser les dynamiques politiques à l’échelle globale en cherchant leur signification de classe principale ; car, comme l’enseigne la science linguistique, un « joli mot » isolé n’a jamais de sens qu’en fonction du contexte global de la phrase dans laquelle il est placé…
    D’abord, le tout-anglais est bien moins porté par le Royaume-Uni comme tel que par les États-Unis d’Amérique (il s’agit en réalité d’un tout-américain) et par leurs vassaux des pays européens eux-mêmes, qui se moquent bien de Shakespeare et qui veulent surtout disposer d’une novlangue unique pour « fluidifier » le futur marché unique mondial, d’un code linguistique idéologiquement aseptisé permettant de dominer les esprits et d’une « langue de classe » permettant à la nouvelle oligarchie euro-mondialisée de se distinguer du bas peuple. A l’heure où j’écris ces lignes j’ai sous les yeux le projet de « jeunes décideurs » européens qui proposent carrément que l’anglais devienne la seconde langue officielle (en réalité, la première !) de chacune des « nations » d’Europe… En réalité, les « sécessions » prévues à la chaîne pour 2013/2015 s’effectueront dans une UE qui est en passe d’adopter officiellement le tout-anglais comme la seule langue véhiculaire de l’Union, laquelle se conçoit elle-même comme le pilier européen de l’Union transatlantique centrée sur Washington : dans ce contexte, la défense du gaélique, du catalan ou du corse risque fort d’être un pur prétexte ! Il serait très risqué de parier qu’une future Écosse indépendante, fût-elle sympathiquement dirigée par des travaillistes formellement anti-thatchériens, imposera réellement le gaélique dans les échanges commerciaux et les entreprises pétrolières...
    Enfin et surtout, répétons-le, en Écosse, comme en Catalogne, au Pays basque comme en « Padanie », en Flandre comme en Savoie ou dans le riche « Comté de Nice » (où l’oligarchie semi-mafieuse garde en réserve la carte indépendantiste actuellement marginale), ce sont toujours les riches qui veulent « claquer la porte, ce sont toujours les gavés et les repus qui refusent de payer l’impôt pour les « assistés » des régions prolétariennes et paysannes qu’ils ont précédemment exploitées jusqu’à la corde (régions désindustrialisées d’Angleterre, Nord-Pas-de-Calais, Andalousie, etc.). Et toujours, ces bourgeoisies séparatistes veulent sortir des États nationaux ou multinationaux historiquement constitués, non pas pour sortir de l’UE réactionnaire, mais pour s’ériger en « régions d’Europe » (c’est le thème du référendum prévu en Alsace pour février 2013). Quant aux « républicains » bourgeois catalans, ils viennent clairement, en échange du référendum sur l’autodétermination, d’accepter une série de hausses d’impôts que mettra en application le gouvernement de droite d’Artur Mas. Qu’auront à gagner à cette union sacrée entre la droite patronale et la « gauche » indépendantiste les travailleurs catalans et castillans de Barcelone, sinon des divisions supplémentaires et des difficultés plus grandes encore pour s’unir à leurs frères de classe du reste de l’Espagne pour combattre la misère, l’injustice et les inégalités galopantes ?
    L’ultime signification de classe de cette évaporation-balkanisation organisée des nations est bien, en résumé, que les euro-régions riches – y compris le futur « domaine royal » francilien que le ternissime « socialiste » Huchon 1er désire proclamer à… Paris [23] – veulent se délester du « boulet » que constituent, dans la conquête de « nouvelles aires », les régions pauvres de leur État-nation d’origine, pour jouer EN SOLO, ou en association avec d’autres régions riches, leur carte égoïste dans la chasse euro-mondialisée au profit maximal. Peut-on concevoir projet de classe plus égoïste, plus rétrograde, moins patriotique, moins internationaliste, moins humaniste et solidaire, plus impérialiste en un mot ?
    En 1914, Lénine concédait volontiers que la lutte nationale du peuple serbe, qui fut un des déclencheurs – ou plutôt un des prétextes – de la 1ère guerre mondiale, portait un caractère national progressiste face à l’Empire autrichien. Mais Lénine n’en montrait pas moins que cette dimension patriotique et anti-impérialiste légitime était SECONDE à l’échelle mondiale et dans le cadre d’une période historique donnée – celle de la montée des impérialismes mondiaux – comparée au caractère globalement impérialiste du premier conflit mondial. De même les soldats français qui allaient mourir pour rendre Strasbourg à la « mère-patrie » étaient-ils abusés par la propagande impérialiste (« on croit mourir pour la patrie, on meurt pour les industriels », écrivait Anatole France, l’un des premiers intellectuels à rallier le tout jeune PCF) : car le but principal de la première Guerre mondiale était bien le repartage impérialiste-colonialiste du monde et non l’affranchissement de l’Alsace ou l’émancipation des Serbes du joug autrichien ! Or aujourd’hui, est-il progressiste ou réactionnaire de voir la banderole de tête de la manifestation indépendantiste catalane de l’automne 2012 proclamer – en anglais ! – « Catalunya, the next nation in Europe » ? Même si des centaines de milliers de « petites gens » abusées portent ces banderoles au lieu de mener la lutte aux côtés de leurs frères de classe hispanophones contre les capitalistes catalans et castillans, qui ne voit que c’est la bourgeoise qui, principalement, mène le bal indépendantiste et qui, au moment où il faudrait crier España fuera del euro y la UE !, crient au contraire « Catalunya out of Spain and into the EU ! ».
    Quant à la France, la décomposition nationale s’y accélère également : en février 2013 devrait avoir lieu un référendum portant sur la fusion des trois collectivités territoriales alsaciennes et instituant une région d’Europe tournée vers l’espace germano-suisse et ébréchant sérieusement le principe de la République une et indivisible… A qui le tour ensuite et pour le bénéfice de quels secteurs de la population française ?
    Par ailleurs, l’Acte III de la décentralisation porté par F. Hollande est déjà dans les tuyaux législatifs : il devrait accorder aux régions, et plus encore aux « métropoles », la réalité du pouvoir politique en matière de développement économique et de subventionnement patronal, avec un « pouvoir réglementaire » leur permettant de moduler la loi nationale et de négocier directement avec Bruxelles. Le MEDEF disposerait alors de leviers institutionnels décisifs pour démolir les statuts nationaux, les conventions collectives, le SMIG, le droit du travail national, et pour mettre en concurrence les territoires « français » : ce sera très vite à qui, « président de région » (sic) ou de « métropole », accordera les plus grosses subventions au patronat pour l’attirer sur son « territoire », à qui offrira aux « entrepreneurs européens » le cadre salarial le plus minimaliste, à qui privatisera au maximum les services publics d’État et de territoire, à qui contournera le plus la loi laïque de 1905, etc. Bonjour aux délocalisations internes à l’hexagone et à la ronde des entreprises dans le cadre de feu le territoire national, bienvenue aux « compétences » scolaires et à l’ « apprentissage pour tous » exigés par le patronat sur le modèle anglo-saxon, exit le bac et les diplômes nationaux, welcome au détricotage des syndicats nationaux et à la recomposition du mouvement ouvrier « français » sur des bases ethnolinguistiques… Et bienvenue à la compétence linguistique dévolue aux euro-régions, donc au désétablissement de la langue française, déjà si malmené bien que la langue nationale jouisse encore en France du statut de « langue de la République » de par l’article II de la Constitution...
    Car déjà le président du conseil régional corse, Dominique Bucchini [24] demande que la France ratifie la Charte européenne des langues minoritaires et régionales. Un texte dangereux qui dévalue l’idée même de langue nationale, qui « ethnicise » le territoire national au lieu de considérer les langues régionales comme un patrimoine culturel de toute la nation et d’offrir à ces langues, basque, breton, occitan, corse, catalan, alsacien, etc. – mais aussi, pourquoi pas, aux langues de l’immigration de travail [25] – les moyens budgétaires de leur diffusion par l’Education nationale. Qui ne voit que le but réellement poursuivi par l’oligarchie (et pas seulement en France !) est d’utiliser le prétexte de la régionalisation linguistique pour dés-officialiser le français et pour officialiser l’anglais (que peut bien être une langue européenne minoritaire et non régionale dans la France actuelle ?). Pendant que le béarnais, le français et le basque se disputeront la Navarre historique, le vorace Raminaglobish promu par l’UE ne fera qu’une bouchée des trois langues « indigènes » de ladite Navarre, et le business-English deviendra très vite la langue officielle bis [26] de notre pays – et plus vite encore, au rythme où vont les choses, celle de plusieurs pays voisins, où la résistance linguistique est inexistante. A marché unique et à monnaie unique, langue unique, culture unique, pensée unique, économie unique et politique unique, le tout sous les auspices mensongers de la « diversité linguistique » et de l’ « ouverture culturelle »…Déjà en octobre dernier l’ensemble des associations de défense de la langue française avait lancé ensemble une Alerte rouge sur la francophonie en constatant combien le tout-anglais patronal progressait en France et en Europe, combien la Francophonie internationale était délaissée par la France officielle, mais aussi en réalité, par la Wallonie, par la Suisse romande et même, à un moindre degré, par les élites capitalistes de plus en plus anglophiles du Québec ![27]
    Le tableau serait incomplet si l’on n’y ajoutait pas la mise en place insidieuse de régions transfrontalières – dont le prototype est l’euro-région mise en place par Martine Aubry avec le regroupement du Nord-Pas-de-Calais, du Kent et de la Flandre belge sur la base d’une anglicisation à outrance de Lille, de Lens et du Littoral français. D’un côté on feint de s’étrangler d’indignation quand B. Arnault, J. Hallyday, G. Depardieu – ces ‘bons Français’ friqués qui ont tous soutenu Sarkozy – répudient leur nationalité pour payer moins d’impôts : mais qui, sinon MM. Hollandréou et Zapat-Ayrault travaille avec acharnement, après Sarkozy, à effacer les limites internes et externes de l’hexagone ? Les mêmes qui veulent fermer les frontières aux étrangers pauvres et qui traquent les sans-papiers surexploités du bâtiment, de la restauration et du maraichage, les mêmes qui, comme Manuel Valls, « reconduisent à la frontière » des milliers de prolétaires étrangers NON-EUROPEENS (ni « blancos » ni « white », en clair : africains) sont les premiers à diluer les frontières d’Etat dès lors que cela satisfait au « besoin d’aire » du MEDEF. Lequel importe dans les pires conditions des centaines de milliers de travailleurs des pays de l’Est, et masque aux « intellectuels », dénués d’esprit critique, cette idée dialectique fort simple que la frontière, selon la manière dont elle est conçue, peut à la fois être la limite qui me définit et la membrane vive par laquelle j’échange de manière équilibrée avec tout ce qui n’est pas moi !
    En dépiautant de manière aussi acharnée l’Etat-nation et la langue de la francophonie, l’oligarchie hexagonale – nous ne pouvons ni ne devons plus dire « française » - est fidèle à la honteuse tradition de trahison nationale des grands privilégiés de France, de l’Evêque « français » Cauchon condamnant Jeanne d’Arc au bûcher à P. Pétain kollaborant avec Hitler, en passant par les Emigrés de Koblenz ralliant les armées autrichiennes pour étouffer la Révolution, sans oublier A. Thiers, le « nabot sanglant » qui appela Bismarck à la rescousse pour l’aider à écraser les Communards défenseurs de Paris.
    Aujourd’hui, parce qu’il a « besoin d’aire » pour projeter ses prédations sur toute la planète, pour préserver ses lambeaux de domination sur l’Afrique et la Méditerranée, pour gagner sa « place au soleil de la mondialisation » et disputer ses surprofits monopolistes et néocoloniaux[28] à ses concurrents de la mondialisation capitaliste, parce qu’il veut obtenir de l’impérialisme allemand, son frère-ennemi traditionnel, un appui décisif pour reprendre à la classe ouvrière de France les acquis lâchés par les patrons en 36, 45 et 68, l’impérialisme français démonte pas à pas la France républicaine, y compris l’héritage des Lumières et de la Révolution bourgeoise de 1789/94. Réitérant le « choix de la défaite » et de la Kollaboration qui fut celui du Comité des Forges patronal en 1940, les maîtres du CAC 40 croient le moment venu d’araser les conquêtes populaires obtenues dans l’« étouffant » et si « ringard » cadre national : Sécu, régimes de retraite, mais aussi laïcité, indivisibilité de la République, existence de 37 000 communes parfois indociles aux désirs des monopoles et plus généralement, cette culture millénaire de la Gabaude, de la Jacquerie, de la Fronde et de la Révolution que symbolise la Liberté guidant le peuple de Delacroix. Quelle aubaine si, à la faveur d’une évaporation en douceur de la nation, les maîtres du capital pouvaient reléguer au musée le drapeau tricolore, encore vibrant de Ça ira ! et d’appels aux armes citoyennes, ainsi que le drapeau rouge brandi en 1792 en Place de Grève, afin de leur substituer le drapeau de l’UE avec ses douze étoiles apostoliques rayonnant sur fond bleu-marial ! Et quelle aubaine pour le MEDEF si, demain, les euro-régions de la Dé-France hyper-décentralisée se font concurrence pour « attirer l’emploi », impulser le moins-disant social et désosser les marchés national et local qui permettent encore l’existence de PME échappant encore à l’emprise des donneurs d’ordres des monopoles capitalistes !
    Communistes héritiers des Francs-Tireurs et Partisans de France et des FTP-MOI, syndicalistes ouvriers, enseignants, étudiants, paysans, gaullistes sincères attachés à l’indépendance du pays, républicains laïques fidèles à l’universalisme révolutionnaire, socialistes héritiers du patriotisme internationaliste et anti-impérialiste de Jean Jaurès, pouvons-nous assister sans nous insurger – car à quoi bon « s’indigner » si l’on n’est pas près à tout donner pour son peuple – à l’évaporation sous influence des acquis sociaux, des conquêtes démocratiques et des nations souveraines qui ont coûté à nos peuples d’innombrables sacrifices héroïques ?
    D’autant qu’il faut s’y attendre : quand le grand dépiautage européen aboutira à l’effacement doucereux ou brutal des frontières d’Etat au sein du futur Quatrième Reich en gestation, qui peut croire, contre-exemple yougoslave à l’appui, que ce monstrueux redécoupage digne du Traité de Vienne, Maastricht faisant écho à Metternich, pourra s’accomplir sans que le sang des peuples d’Europe ne finisse par couler ? Que chacun regarde une carte de l’Europe, qu’il avise la position géographique centrale de l’hexagone au cœur de l’explosif puzzle-monopoly actuel, et il comprendra qu’il faut éteindre l’incendie MAINTENANT, avant que l’« Europe de la paix » qu’on inculque aux enfants de la maternelle à l’Université, n’ait montré son visage barbare !

    Georges Gastaud http://www.voxnr.com

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