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  • Le retour des Turcs « allemands »

    [Article du journaliste Laurent Glauzy en exclusivité pour Contre-info]

    Depuis 2006, les flux migratoires entre l’Allemagne et la Turquie ne cessent de s’inverser. En 2009, pour la première fois, 40 000 immigrés d’origine turque ont quitté l’Allemagne pour rejoindre le pays du Bosphore en plein essor économique, tandis que 30 000 de leurs compatriotes entreprenaient le chemin inverse. Grâce à la formation professionnelle reçue en Allemagne, les rapatriés turcs « allemands » peuvent prétendre à de meilleurs salaires et à des postes plus attractifs.

    Nombreux sont aussi les jeunes Turcs qui, ayant le mal d’un pays connu à travers les vacances, décident aujourd’hui de boucler leurs bagages pour s’engager dans l’armée. Leurs rêves se brisent dans la dure réalité d’une caserne d’Antalaya entre les gardes, les corvées et les ordres d’un sous-officier qu’ils ne comprennent pas. Ces recrues parlant souvent mieux le bavarois que le turc sont considérées comme des étrangers sur la terre de leurs ancêtres. Alors, après quelques mois, ils retournent définitivement en Allemagne. D’autres mettent à profit leurs économies pour ouvrir un commerce. La grande majorité des immigrés turcs sont de jeunes universitaires. « Un tiers des étudiants turcs vivant en Allemagne, envisagent leur carrière en Turquie, car par rapport à l’Allemagne le pays des origines offre un meilleur profil professionnel », argumente Marc Landau, Directeur de la chambre de commerce germano-turque. D’ailleurs, en Turquie, au siège de Mercedes-Benz, 30 % des employés occupant des postes de direction sont des Turcs « allemands ».

    Istanbul constitue le lieu de la plupart de ces retours. Le marché du travail y est prometteur et le choc des cultures y demeure supportable. Emine Şahin est architecte. Bien qu’elle eût une enfance choyée dans une petite ville du Land de Hesse, des amis allemands et une bonne scolarité, elle préfère tourner la page et quitter l’Allemagne. A Izmir, sur les bords de la côte occidentale, un emploi de chef de projet lui a été confié. Elle explique que « tous n’ont pas compris le potentiel que possède les Turcs d’Allemagne, car ils vivent entre deux mondes et sont déjà préparés à la globalisation ».

    L’élite de ces rapatriés se rencontre au Teras6, un bar bien fréquenté d’Istanbul. Ses membres désirent nouer des liens et former un réseau de connaissances. Ils redoutent cependant le contact avec cette culture inconnue et notamment avec la bureaucratie locale. C’est pourquoi, beaucoup de Turcs rechignent encore à partir d’Allemagne. Ils ne viennent pas comme des Turcs mais comme des Allemands : avec des valeurs et un mode de vie allemands. En Allemagne, certains universitaires d’origine turque préfèrent retarder leur projet de retour. Ils savent que leurs compétences seront concurrencées par des rémunérations encore trop basses : le salaire minimum est de 729 lires turques (380 euros) contre 170 euros pour l’aide au chômage. En outre, les nouveaux « rapatriés » sont perçus par leur « concitoyens » comme des rustres ou des prolétaires nouveaux riches arborant avec mauvais goût de fausses chaînes en or et conduisant des BMW en location. D’éminents Turcs d’Allemagne comme le régisseur Fatih Akin, le footballer Mesut Özil ou le Président des Grünen (écologistes) Cem Özdemir, surnommé par les médias turcs l’« Obama des Turcs », témoignent de cette réalité. Ces enfants d’immigrés sont l’objet en Turquie de beaucoup de scepticisme comme l’expose la chanteuse Şebnem Kisaprmak dans « Ich bin kein Deutschländer » (Je ne suis pas d’Allemagne). Elle parle sans scrupule de ces familles qui quittent l’Allemagne pour la Turquie, achètent un terrain, un bien immobilier et tirent vers le haut le prix du marché foncier. En préambule d’une rencontre de l’équipe nationale de football, quand la chanteuse pop belgo-turque Hadise Açikgöz entonna et écorna l’hymne national, elle a déclenché l’ire des nationalistes : « Elle n’a jamais été turque ; son turc est mauvais et elle n’a aucune connaissance de la culture turque », entendait-on. En 1969, Şükriye Dönmez était une enfant quand elle s’est installée avec ses parents à Kreuzberg, quartier populaire de Berlin (ouest) où elle vécut pendant quarante ans. Devenue actrice puis régisseur, elle habite maintenant dans un quartier culturel d’Istanbul qui ressemble à Kreuzberg. Elle y prépare un film sur le retour des Turcs d’Allemagne. Le titre sera « Kültürschock ».

    Ankara n’a jamais mené de politique d’aide au retour. En février 2008, à Cologne, le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan avait même reproché à ses ressortissants d’avoir abandonné « leur identité turque » et qualifiait « l’assimilation des immigrés turcs en Allemagne de crime contre l’humanité ». Jusqu’à présent l’orientation de la Sublime Porte se limitait à l’envoi de quelques imams en Allemagne, où aucun institut culturel turc n’était recensé. Cependant, Ankara a changé d’optique et entend fonder un « bureau pour les Turcs à l’étranger », une institution vers laquelle la diaspora mais aussi les rapatriés pourront se tourner. Et si les missions précises de ce bureau ne sont pas clairement définies, il y a quelques semaines, Erdogan défendait ce projet portant « l’espoir de la Turquie qui entend la voix de ses frères ouvriers travaillant en Europe et en Allemagne ».

    Laurent Glauzy http://www.contre-info.com
    Juillet 2010
    Article tiré de Atlas de géopolitique révisée, tome II

  • Une fois la gauche éliminée…

    Dire que les Français n’attendent rien de l’intervention télévisée ce soir  de François Hollande  est une évidence. Un chef de l’Etat  qui semble attendre la « vague » de la reprise  américaine dont profiterait hypothétiquement  la zone euro pour donner un peu d’air à notre pays ou tous les indicateurs  économiques sont dans le rouge. Hier,   l’Insee a annoncé , selon ses indicateurs,  une baisse du pouvoir d’achat en 2012 (- 0,4%), la première officiellement depuis 1984. Les Français eux, savent plus justement qu’il subissent cette baisse  chaque année depuis dix ans avec  l’abandon du franc au profit de l’euro… Un Hollande dont l’impuissance  incarne assez bien les aphorismes de  son  compatriote corrézien, le radical-socialiste  Henri Queuille, trois fois président du Conseil  sous la quatrième république : «  Il n’est pas de problème dont une absence de solution ne finisse par venir à bout » ou encore « La politique n’est pas l’art de résoudre les problèmes, mais de faire taire ceux qui les posent »…

    Après 10 mois à l’Elysée  et des records d’impopularité, nos compatriotes,  les électeurs socialistes et même les élus du PS qui sentent leur base électorale se dérober sous leurs  pieds,  ont compris que le changement n’était pas pour maintenant , ni même pour après-demain. Comme  Marine Le Pen et Bruno Gollnisch l’avaient prédit, la sociale démocratie européiste qui sert  de  mauvaise boussole au chef de l’Etat et au gouvernement,   n’est en  rien une rupture avec le libéral-mondialisme à la sauce Sarkozy. C’est cette idéologie commune à la « droite » et à la gauche  qui lamine les classe moyennes, met nos travailleurs au chômage,  accélère a disparition des derniers pans  de notre industrie,  matraque nos entreprises, nos commerçants et artisans, en un mot  tiers-mondise  notre pays sacrifié sur l’autel  du Mammon Bruxellois.

    Le sondage ifop paru dans le quotidien gratuit Metro ce matin fait état des attentes des Français. Il démontre, sans grande surprise, que nos compatriotes souhaitent que M Hollande s’exprime en priorité  sur le « chômage » (54% de l’ensemble des Français, 66% des sympathisants de gauche, 46% des sympathisants de droite,   42% des sympathisants du FN),  le  «  pouvoir d’achat » (48%, de l’ensemble des Français,  56% des sympathisants FN, 55% des sympathisants de gauche, 35% des sympathisants de droite ),  la « réduction de la dette et des déficits publics » (38% de l’ensemble des Français,  52% des  sympathisant de l’UMP, 38% des sympathisants de gauche, 26% des sympathisants FN) ,  la « fiscalité » (27% de l’ensemble des Français, 34% des sympathisants de droite,  24% des sympathisants de gauche,   23% des sympathisants FN ).

     Viennent ensuite  l’ « immigration » (20% de l’ensemble des sondés ) et de  la « sécurité » (19% de l’ensemble des sondés),  qui  sont appréhendées également  comme prioritaires. Elles restent en tout cas deux questions  centrales pour respectivement  54% et 33%  des électeurs frontistes et marinistes,   contre seulement  26% et 21% des sympathisants UMP et 9% et 13% des sympathisants de gauche.

    Un sondage qu’il n’est pas inintéressant de comparer avec les analyses qui se sont succédées après le score impressionnant réalisé par la candidate FN  Florence Italiani  (48,59%) face à Jean-François Mancel dimanche dernier. Jean-Vincent Placé, président du groupe EELV au Sénat, a jugé lundi sur RMC  que si le deuxième tour de la législative partielle dans l’Oise avait opposé un PS et un FN, «Si ça avait été PS-FN, le FN aurait gagné».

     Sur le blog du Monde  le  26 mars, une question « embarrassante » (angoissante) était d’ailleurs  posée : «  Des électeurs de gauche ont-ils massivement voté pour la candidate Front national dimanche 24 mars dans la deuxième circonscription de l’Oise ? »

    Jérôme Fourquet, directeur du département Opinion et stratégies d’entreprise de l’IFOP  relève que la candidate frontiste «  a gagné en une semaine  près de 22 points, soit 5 941 suffrages, et dépassé la barre des 50 % dans quatre des huit cantons de cette circonscription ».  Aussi, « le sondeur émet l’hypothèse que la mobilisation des abstentionnistes du premier tour ne suffit pas à l’expliquer la spectaculaire  poussée du  FN.  L’analyse objective des grandes masses en présence conduit à penser qu’une part significative des électeurs gagnés au second tour provient des rangs de la gauche », estime-t-il.

    Jérôme Fourquet ajoute qu’en faisant tourner un modèle statistique sur les 196 bureaux de vote de la circonscription, Joël Gombin, doctorant en sciences politiques à l’université d’Amiens, arrive à la même conclusion. Il évalue même entre 40 et 45 % la part d’électeurs de Sylvie Houssin (la candidate du PS éliminée au premier tour, NDLR),  s’étant portés au second tour sur la candidate frontiste (soit environ  2500 suffrages)  . Et ce en dépit de la consigne de front républicain donnée par la direction du Parti socialiste. Tout se passe, constate le sondeur, comme si le parti lepéniste pouvait compter sur des reports et des renforts très hétéroclites au second tour provenant des abstentionnistes, de la droite, mais aussi de la gauche.  »

    La  candidate frontiste aurait aussi  bénéficié des voix d’environ 3500 électeurs qui s’étaient abstenus au premier tour et grosso modo des   2000 personnes qui avaient voté pour Jean-François Mancel le 17 mars mais qui  auraient  voté FN au second tour… une fois la gauche éliminée.

    « Le contexte local a sans doute aidé à cette agrégation, mais ce qui vient de se passer dans l’Oise sonne comme un avertissement. En pleine crise sociale, et alors que le FN ne cesse de dénoncer la collusion UMPS, la thématique du front républicain ne permet plus de faire barrage à l’extrême droite. Elle semble au contraire favoriser le basculement d’une partie de l’électorat de gauche vers le FN, attirée par le discours  anti-système et anti-élites  de Marine Le Pen » est-il encore avancé.

     Selon la note de l’Ifop, rapportait encore l’Afp «  alors qu’aux législatives de 1997 le FN ne progressait que de 8,9 points en moyenne dans des duels face à la droite, il grimpait de 16,7 points dans ces mêmes duels aux législatives de 2012. L’image de Marine Le Pen, moins sulfureuse que son père, peut être un facteur. Le député PS Malek Boutih y ajoute le sentiment d’impuissance que renvoie la classe politique.Tel qu’il est entendu par les électeurs, le front républicain devient une sorte de syndicat des sortants, une sorte de mot d’ordre pour maintenir un dispositif politique, explique à l’AFP (avec lucidité, NDLR)  l’ancien président de SOS racisme »…                        

    Reste que les explications fournies ici affirme Bruno Gollnisch,   tendent cependant à minorer le fait principal, à savoir que le FN dispose d’un socle  solide d’électeurs convaincus, venus au fil des années  de la gauche, de la droite et même de plus en plus  souvent,   qui ont toujours voté (quasi) systématiquement  FN !  Des  électeurs  qui sont séduits par  son programme et qui se déplacent quand les enjeux sont importants et/ou médiatisés.

    Président du groupe  FN de la région Picardie, Secrétaire départemental de l’Oise, Michel Guiniot a fourni un très remarquable travail de terrain avec les militants lors de cette partielle. Fin connaisseur de la carte électorale de son département, il   a rappelé que le meilleur score enregistré par le FN dans l’Oise ne date pas d’hier mais de  1998, lorsque  Pierre Descaves fut  élu conseiller général dans le canton de Noyon. Il souligne aussi que ce second tour Italiani-Mancel est la  « réplique exacte de la cantonale de Noailles en 2011 »dans laquelle  le candidat de gauche avait été éliminé  au premier tour, laissant face à face au second  Florence Italiani et Jean-François Mancel, ce dernier ne la devançant  que de 210 voix.  La candidate FN avait recueilli 48,33 % des voix.

    Michel constate encore que du fait  de l’abstention très élevée, même au second tour,  la candidate frontiste  n’a pas fait dimanche dernier  le plein  des  voix qui se sont portées sur  Marine le Pen lors du premier tour de la présidentielle, Florence Italiani ayant un déficit de   60000 suffrages par rapport à la présidente du FN, arrivée première dans cette circonscription le 22 avril 2012. Bref,  il n’est pas  nécessaire d’échafauder des théories plus ou moins bien balancées pour expliquer le renforcement du vote national alors que la violence de la  crise valide singulièrement  nos avertissements . Enseignement intéressant qui valide une nouvelle fois les analyses électorales opérées par notre Mouvement, ce sont d’ailleurs  dans les quatre  cantons où l’abstention a été la moins forte que le FN est arrivé en tête devant M.  Mancel dimanche dernier.

    http://www.gollnisch.com

  • Manif pour Tous : un piège tendu aux manifestants ? Une milice de la mairie de Paris ?

    Y a-t-il eu réellement un piège tendu aux manifestants ? Existe-t-il une « milice de la mairie de Paris », comme le disent certains CRS ? Voilà les questions soulevées par le témoignage de Françoise Besson, avocate au Barreau de PARIS sur les évènements survenus lors de la Manif Pour Tous du 24 mars 2013, à Paris.

    J'ai participé à la manifestation d'hier, en portant ma robe d'avocat. N'ayant pu rejoindre le groupe des juristes, au début de la manif, ne pouvant accéder à l'avenue de la Grande Armée, totalement saturée, j'ai tenté de rejoindre l'avenue Foch par l'avenue Victor Hugo mais un barrage bloquait l'accès tant en direction de l’Etoile qu'à la rue de Traktir.
    Alors que la foule devenait plus dense et demandait à rejoindre l'avenue Foch, ses premiers rangs (j'étais au 1er rang en train de discuter avec un gendarme) ont fait l'objet de projections de gaz lacrymogène, des pères de famille ont été molestés par certains gendarmes, et emmenés vers des camions en dépit de mes protestations courtoises mais fermes et des effets des gaz.¢
    L'accès à l'avenue Foch a finalement été autorisé. J’ai tenté d'accéder à l'avenue de la Grande Armée par la rue Rude, et après plusieurs essais infructueux, y suis parvenue. La foule était si dense qu'une ouverture étroite avait sans doute été autorisée pour accéder à la Place de l'Etoile, quasiment vide vers 15h environ.
    La place s'est remplie peu à peu sans jamais être comble, le gros de la foule restant massé derrière le podium de l'Avenue de la Grande Armée.
    Sur la place, avec quelques autres confrères, j'ai eu vent du "gazage" de Christine BOUTIN, qui venait de se produire, puis assisté à celui, sans aucune sommation, d'enfants, de personnes âgées, de manifestants qui, quelques instants auparavant discutaient paisiblement avec les forces de police.
    Pourtant, un CRS auquel j'avais posé la question aux alentours de 16h m'avait dit qu'il n'avait eu connaissance d'aucun acte de violence de la part des manifestants.
    Plus tard, j'ai un vu qu'un cordon de police venait de barrer la partie gauche (en venant de l'Etoile) de la rue de Tilsit : or des personnes cherchaient à quitter les lieux pour rentrer chez eux en traversant la place de l'Etoile : un passant m'a signalé que cela se passait mal et je me suis approchée avec deux confrères.
    En effet, ceux qui tentaient de franchir ce barrage en ont été empêchés de la manière la plus brutale par des policiers, certains en uniformes, d'autres en civil qui ne portaient qu'un brassard rouge avec l'inscription "POLICE".

    J'ai vu une policière "gazer", sans aucune sommation, des gens à bout portant, les pousser violemment jusqu'à les faire tomber tandis qu'un de ses collègues à brassard rouge les frappait avec un bâton.

    Gazée à nouveau, je me suis interposée en disant à ces policiers qu'ils violaient la les règles les plus élémentaires, en s'attaquant à des gens non violents qui ne cherchaient qu'à rentrer chez eux.
    Cela n'a servi à rien. Je suis donc allée prévenir des CRS alignés pour interdire de contourner l'Arc de Triomphe par la droite: ils ne m'ont d'abord pas crue, puis certains paraissaient gênés, d'autres m'ont dit qu'il pouvait s'agir de "LA MILICE DE LA MAIRIE DE PARIS"!
    Je leur ai dit que je ne manquerai pas de témoigner de ce que j'avais vu.
    Certes l'accès aux Champs Élysées avait été interdit, mais en pratique, celui à l'Etoile a été autorisé en milieu d'après-midi parce-que l'espace prescrit aux manifestants était notoirement insuffisant, ce qui devenait dangereux pour eux.
    On avait le sentiment, peu avant la fin officielle de la manifestation, que les forces de police se préparaient à tendre un piège aux manifestants qui, ne pouvant accéder à l'avenue de la Grande Armée, ni même à l'Arc de Triomphe, s'étaient massés sur la partie des Champs entre le barrage de CRS de l'Etoile et le Rond-Point, comme à ceux qui, sortant de l'avenue de la Grande Armée, seraient tentés de les rejoindre.
    J'ai ensuite appris qu'en effet, nombreux sont ceux qui ont été gazés puis chargés sans sommation préalable, certains, matraqués, alors qu'assis, près du Rond-Point, ils discutaient et chantaient.
    Pire, ils ont eu beaucoup de mal à s'échapper des Champs étant rappelé que la plupart des stations de métro proches demeuraient fermées et que la police barrait plusieurs rues adjacentes.
    Comme tous mes confrères, professeurs de droit et magistrats présents, j'ai été choquée par les agissements des forces de police et parfois même de gendarmerie.
    Comme eux je pense que cette manifestation n'était pas souhaitée par le gouvernement qui a tout tenté pour la désorganiser, provoquer des actes réellement répréhensibles de la part des manifestants et ainsi les décrédibiliser.
    Or, je n'ai vu aucun manifestant attaquer physiquement les forces de police mais plutôt s'en défendre.
    Si les manifestants n'avaient pas été aussi corrects, les débordements auraient eu des conséquences nettement plus graves.
    Pour résumer, j'ai assisté à un déni de démocratie, à la violation de règles élémentaires de notre droit, à des scènes choquantes.
    Quant à ceux qui trouvent choquants d'y avoir emmené des enfants, je rappelle qu'il s'agissait d'une manifestation de familles pour défendre LA famille : celle du 13 janvier s'était bien passée parce que le gouvernement avait autorisé une quasi libre circulation.

    Enfin, je n'ai eu vent d'aucun acte de vandalisme.

    http://www.francepresseinfos.com/

  • Charles-Henri d'Andigné : « Le drame n'est pas qu'il existe une droite et une gauche, mais qu'il n'y ait plus rien pour nous réunir »

    Charles-Henri d'Andigné, responsable des pages Culture à Famille chrétienne, répond à notre enquête sur la droite.
    Monde et Vie : Charles-Henri d'Andigné, avez-vous le sentiment qu'il existe encore une différence entre droite et gauche ?
    Charles-Henri d'Andigné : Il en existe plusieurs, mais l'une des principales caractéristiques de la droite me semble être le réalisme. C'est flagrant dans le débat sur le mariage, où la gauche nie la réalité. Pourquoi ? Après avoir idolâtré la Raison à l'époque moderne (XVIIIe-XXe siècle), la gauche idolâtre la Volonté à l'époque post-moderne : je suis ce que je veux être, il n'y a pas de nature humaine. Si je suis un homme, je peux décider d'être femme ; je peux me marier avec un homme ou avec n'importe qui, même avec trois personnes, si telle est ma Volonté, qui est maître de tout. La réalité n'a aucune importance. Telle est la gauche. À droite, au contraire, on est attentif à la réalité.
    Ces notions de droite et de gauche, nées au moment de la Révolution, restent cependant relatives et évoluent avec l'histoire. Cette distinction a un caractère très politicien. Faut-il l'absolutiser ? Mieux vaut éviter de l'appliquer sans précaution à la philosophie et à la religion, sous peine de commettre des erreurs.
    Néanmoins, elle se retrouve dans le débat philosophique. Rousseau ou Marx peuvent difficilement être rangés « à droite » N'existe-t-il pas un corpus philosophique de gauche, construit autour de l'idée égalitaire ?
    Bien sûr et l'on retrouve ici le déni de réalité propre à la gauche, qui veut appliquer à toute force une égalité idéologique sans tenir compte de l'inégalité naturelle des personnes. La droite, elle, reconnaît que nous sommes tous inégaux : s'il existe bien une égalité de dignité, liée à notre humanité, elle ne gomme pas l'inégalité des talents, des forces, des intelligences, etc., qui est naturelle et bonne. La gauche confond inégalité et injustice; la droite sait que l'inégalité est un bienfait. Néanmoins, la distinction entre droite et gauche s'applique mal à la philosophie : le libéralisme, par exemple, est-il de droite ou de gauche ? Il existe une droite libérale et une gauche qui l'est aussi.
    Dans le domaine religieux, le progressisme a plutôt été porté par des catholiques de gauche...
    Le progressisme, c'est la laïcisation de l'Espérance et son remplacement par le Progrès. Ce concept de Progrès est, en effet, une idée très prisée à gauche, mais la quasi-totalité des politiciens de droite l'ont aujourd'hui reprise à leur compte.
    Dans le cadre de la bataille pour défendre le mariage, on assiste au réveil d'une partie de la population, mais les politiciens sont à la remorque. La droite existe-t-elle encore au sein du microcosme politicien, ou la gauche a-t-elle tout absorbé ?
    On peut se poser la question. Il existe, sur l'échiquier politique, un résidu de droite, des gens comme Philippe Gosselin, Hervé Mariton, qui se battent à l'Assemblée contre le « mariage » homosexuel ; mais quand on regarde, par exemple, les candidates à la mairie de Paris, qu'il s'agisse de Cécile Duflot (EELV), NKM (UMP) ou Anne Hidalgo (PS), toutes pensent la même chose.
    Quand rien ne contrebalance l'utopie c'est vite le totalitarisme
    La gauche, il me semble, sait mieux se rassembler. François Mitterrand, pour arriver au pouvoir, avait d'abord rassemblé sur son nom les socialistes, ce qui était une gageure, puis s'était allié avec le parti communiste, en dépit de tout ce qui l'en séparait.
    Peut-être cette union manquait-elle de cohérence intellectuelle, mais la gauche est arrivée au pouvoir. La droite n'a toujours pas compris cette leçon politique : si l'on veut le pouvoir, il faut passer par-dessus les divergences et les désaccords. Même si ce n'est pas satisfaisant intellectuellement, c'est politiquement indispensable.
    Alain Dumait, ancien président de Contribuables Associés et ancien maire du IIe arrondissement de Paris, aime dire que la droite, c'est l'ensemble des gens qui se considèrent à droite. Elle rassemble en effet des gens extrêmement différents, adhérant à des doctrines qui, à l'état pur, ne sont pas toujours compatibles et même s'excluent, comme le libéralisme et le nationalisme. De même, il existe une droite catholique, une droite non-catholique et même une « nouvelle droite » anticatholique. Pourtant, politiquement, c'est une notion par laquelle on est obligé de passer.
    Dans notre précédent numéro, Henry de Lesquen expliquait que la droite, c'est tout ce qui n'est pas de gauche. Selon lui, la gauche est fédérée par l'utopie égalitariste. La droite ne manque-t-elle pas d'un fédérateur ?
    Sans doute. Une attitude typique de l'homme de droite consiste d'ailleurs à refuser de se réclamer de la droite, alors qu'un homme de gauche se dira de gauche sans hésiter. À de rares exceptions près, quand quelqu'un déclare qu'il n'est ni de droite, ni de gauche, c'est un homme de droite... Cette attitude tient parfois à une forme de respect humain, mais peut aussi s'expliquer par une raison philosophique plus profonde, liée à la nostalgie de l'unité qui prévalait encore sous l'Ancien Régime, à une époque où la division entre droite et gauche n'existait pas. Le « ni droite, ni gauche » de l'homme de droite exprime cette nostalgie du principe fédérateur qu'incarnait le roi. Un ami monarchiste me disait : « Moi, je ne suis pas républicain, donc je ne peux pas être de droite. » Il y a là quelque chose d'assez juste, mais même si mon premier réflexe consiste à me dire que je ne suis pas « de droite », au moment du vote il faut que je choisisse et, puisque la gauche me catalogue à droite, je voterai en faveur du candidat de droite.
    Le drame, ce n'est pas qu'il existe une droite et une gauche, des réalistes et des utopistes - ce qui est dans la nature des hommes - ; mais c'est qu'il n'y ait plus rien pour nous réunir. En outre, les utopistes l'ont aujourd'hui emporté. Et quand rien ne contrebalance plus l'utopie, elle verse vite dans le totalitarisme.
    Propos recueillis par Eric Letty monde&vie mars 2013

  • Effondrement du dollar et cycles de Kondratiev

    L’économiste russe Alexandre Aïvazov se fonde sur la théorie des cycles de Kondratiev pour prévoir l’effondrement de l’économie américaine aux alentours de 2014 et le transfert du leadership mondial vers la Chine. Le texte étudie également les perspectives de la Russie dans le monde “post-dollar”. Une synthèse du livre non traduit en français « Quand le dollar s’effondrera » (articles écrits entre 2008 et 2012).

    L’économiste russe Nikolai Kondratiev a émis une théorie des cycles longs, indiquant que l’économie pouvait se décomposer en périodes de croissance et de déclin, qui durent chacune entre 30 et 60 ans.

    À travers ses travaux, Kondratieff tente de démontrer la corrélation entre les cycles économico-boursiers et les excès de création monétaire basés sur la dette.

    Un cycle de Kondratiev est un cycle économique de l’ordre de 30 à 60 ans aussi appelé cycle de longue durée. Mis en évidence dès 1926 dans son ouvrage Les vagues longues de la conjoncture, il présente deux phases distinctes : une phase ascendante (phase A) et une phase descendante (phase B).

    Graphe retraçant le cycle de Kondratieff et les actifs à privilégier en ces différentes saisons. L’or et le cash sont les valeurs clé du moment. (Cliquer sur l’image pour l’agrandir)

    I. Grandes étapes des bouleversements à venir

     

    La récession qui a éclaté en 2008 dans les pays développés s’est diffusée à toute l’économie mondiale: le monde est entré dans la phase baissière du Cinquième grand cycle de Kondratiev, qui durera jusqu’en 2020-2025. La récession  durera jusqu’à la fin 2009, après quoi surviendra un léger soubresaut de l’économie mondiale dû aux mesures anticrise menées par les gouvernements occidentaux.

    Mais en 2012-2013 commencera une dépression bien plus profonde et grave que la dépression des années 1930. Elle va toucher de plein fouet le secteur réel de l’économie et les pays se protègeront en introduisant des mesures protectionnistes. Parallèlement, ils commenceront à se débarrasser d’un dollar déclinant.

    Quand ces mesures prendront un caractère massif, le troisième défaut du dollar aura lieu (le premier remontant à 1933, le second à 1971), et la pyramide constituée par l’ensemble des dettes accumulées par les USA s’effondrera. Les États-Unis déclareront alors au monde: « la liberté du commerce et la libre-circulation des capitaux sont la principale valeur des USA (à qui elle a permis de consommer 40% du PIB mondial en n’en produisant que 20%). Et comme le reste du monde viole la pierre angulaire de l’économie de marché spéculative et néolibérale avec ses mesures protectionnistes, nous renonçons au dollar en tant que monnaie de réserve. Nos dettes sont effacées« .

    Ce défaut sur sa dette s’accompagnera de la transition vers une nouvelle devise (probablement l’Amero avec le Canada, le Mexique, et peut-être la Grande-Bretagne). Les États-Unis décideront alors librement d’échanger les dollars contre les Amero au taux qui les arrange en fonction des affinités. Certains pays se verront refuser la conversion.

    Suite à cela, jusqu’en 2016, l’économie mondiale s’adaptera à cette nouvelle situation. Le monde entier verra émerger des groupements régionaux de type Union européenne autour de gros pays comme la Chine, l’Inde, la Russie etc. ou de blocs d’États (pays islamiques, Amérique latine). Ces unions se doteront de devises régionales, qui pourraient être adossées à l’étalon or. De nouvelles organisations, formées sous les auspices de l’ONU et libérées des dictats américain, prendront la relève de l’OMC et du FMI, ces instruments de régulation visant en réalité à imposer partout la doctrine néolibérale.

    Pendant la gestation de ces unions régionales on verra apparaître les bases des nouvelles innovations qui constitueront la 6e BASE TECHNIQUE industrielle de la période haussière du VIe cycle de Kondratiev. Il s’agira probablement des nano- et biotechnologies, de l’ingénierie génétique, des technologies de l’information, des télécommunications spatiales et digitales, de l’énergie verte etc. On assistera ensuite à la phase haussière du 6e cycle de Kondratiev. Toutefois, avant cela, on traversera en 2017-2019 à une crise d’adaptation moins profonde que la précédente (2015).

    La phase actuelle, la vague baissière du 5CK (5e cycle de Kondratiev) s’achèvera aux alentours de 2020, puis l’économie entrera dans une phase haussière qui durera environ 20-25 ans. Avant cela, nous devrons donc faire face à une série de crises liées à la gestation de la nouvelle base technique et d’une architecture globale de marché dotée de nouveaux organismes de régulation. Tout ceci se fera sur la base du néo-keynésianisme, qui détrônera l’idéologie libérale qui dominait depuis les années 1980.

    II. La chute inéluctable du dollar

    Après la Deuxième Guerre mondiale, le système financier international fonctionnait selon les règles instaurées à Bretton Woods. Ce système considérait comme unique monnaie de réserve internationale le dollar fermement indexé sur l’équivalent or (1 once d’or = 35 dollars). Différents pays ont d’ailleurs recouru au droit d’effectuer la conversion de leurs dollars en or, comme la France de De Gaulle. Ceci a nettement amenuisé les réserves des USA, qui détenaient 70% de l’or mondial au lendemain de la guerre. Bretton Woods a été remplacé par les accords de Jamaïque, qui déliaient le dollar de l’étalon or. Ce fut le début d’une vaste dégringolade.

    Actuellement, les USA, produisant environ 20% du PIB mondial, consomment près de 40% de la production mondiale avec moins de 5% de la population planétaire. 

    Comment le pays couvre-t-il cette différence? En imprimant des dollars et en émettant des bons du trésor et d’autres titres sans plus de valeur que le morceau de papier sur lequel elles sont imprimées. Le prix de ces obligations ne cesse de baisser, ce dont témoigne notamment la hausse de l’or. Actuellement, la dette américaine atteint 60 milliards d’euros, soit quatre fois le PIB américain et près de la totalité du PIB mondial.

    Si les USA décidaient de rembourser leur dette, ils devraient pendant quatre ans s’abstenir de consommer quoi que ce soit et verser la totalité de leurs revenus. Mais qu’il soit clair que les États-Unis n’ont aucune intention de rembourser leur dette, ce qui causerait une chute des dépenses publiques et une baisse du niveau de vie des Américains. C’est pourquoi ils ont transformé leur système financier en une énorme pyramide financière afin de prolonger sa durée de vie. Le tout appuyé par des agences de notation chargées de « confirmer » la solidité de la pyramide américaine.

    Car l’économie américaine fonctionne en fin de compte comme n’importe quelle pyramide financière. Le principe d’une pyramide? L’afflux de nouvelles entrées financières sert à honorer les engagements envers les investisseurs précédents et à réaliser différentes opérations (publicité, manipulation des taux, etc) visant à attirer encore et toujours de ressources. Mais les entrées d’argent doivent toujours être supérieures aux investissements précédents. C’est pourquoi toute pyramide possède une limite de croissance.

    Le système financier américain arrive actuellement aux limites de sa croissance. Quelle que soit la politique menée à l’avenir, l’effondrement du dollar est inévitable. Des processus de stagflation se dessinent, comme dans les années 1970. Les déficits budgétaire, extérieur et des paiements des USA s’approfondissent. Le niveau d’épargne est devenu négatif pour la première fois de toute l’histoire des États-Unis, et la valeur du dollar a été divisée par 1,5 ces cinq dernières années. L’or et les matières premières, de leur côté, augmentent. La méfiance envers le dollar et le système financier fondé sur cette devise s’intensifie dans de nombreux pays. La fuite hors du dollar vers l’euro a commencé (la Chine ayant déjà annoncé le transfert d’une partie de ses réserves en euros).

    III. Les cycles de Kondratiev

    Il y a plus de 80 ans, l’éminent économiste russe N. Kondratiev a formulé et théorisé l’existence de vastes cycles économiques (45-60 ans) durant lesquels se produit le renouvellement de la « réserve des principaux biens matériels ». Cela signifie que les forces productives mondiales évoluent vers un niveau plus élevé de développement. Ces cycles sont divisés en phase haussière et phase baissière. Le passage d’un cycle à l’autre est basé sur les processus d’accumulation, de concentration, de pulvérisation et de dévalorisation du capital en tant que facteur clé de développement de l’économie capitaliste.

    Pendant la révolution russe de février 1917, Kondratiev fut adjoint au ministre du Ravitaillement des gouvernements Lvov et Kerensky. Dans les années 1920, il est le brillant directeur de l’Institut des Conjonctures Économiques au Commissariat du Peuple aux Finances. Son passé, mais aussi ses théories gênantes démontrant que le capitalisme reprendrait son expansion après chaque crise, lui valut les foudres de Staline.

    « Chaque étape suivante du cycle est la conséquence des conditions accumulées au cours de la période précédente, et les cycles, dans un contexte d’économie capitaliste, se succèdent naturellement, tout comme les phases viennent l’une après l’autre. Il convient cependant de se rappeler que chaque nouveau cycle évolue dans de nouvelles conditions historiques concrètes, à un nouveau niveau de développement des forces productives, c’est pourquoi on n’est jamais en présence de la répétition pure et simple d’un nouveau cycle« .

    Voici la succession des cycles projetée par Kondratiev:

    Ier cycle: – Phase haussière: fin des années 1780-début des années 1790 – 1810-1817

    - Phase baissière: 1810-1817 à 1844-1851

    IIe cycle: – Phase haussière: de 1844-1851 à 1870-1875

    - Phase baissière: de 1870-1875 à 1890-1896

    IIIe cycle: – Phase haussière de 1890-1896 à 1914-1920

    - Phase baissière de 1914-1920 à 1936-1940.

    IVe cycle: -  Phase haussière: de 1936-1940 à 1966-1971

    - Phase baissière: de 1966-1971 à 1980-1985

    Ve cycle: -  Phase haussière: de 1980-1985 à 2000-2007

    - Phase baissière: de 2000-2007 à 2015-2025

    VIe cycle: – Phase haussière: de 2015-2025 à 2035-2045

    Kondratiev a été emprisonné en 1930 et fusillé en 1938, sa théorie ayant été mal perçue des autorités soviétiques (il était notamment hostile à une planification rigoureuse sans prise en compte de la réaction du marché). Son travail est passé aux oubliettes pendant près de 60 ans avant d’être redécouvert dans les années 1985 et affiné par différents économistes. Kondratiev était tout de même parvenu à prédire avec précision la phase baissière de la fin des années 1920 (grande dépression).

    Chaque cycle repose sur un agrégat de technologies de base, vecteur de développement qui va donner naissance à différents secteurs économiques et générer de nouveaux investissements. Il est à noter que cette base technologique est créée pendant la période baissière de la phase précédente, chaque crise contenant les germes de la croissance future. L’évolution du nouveau cycle se caractérise de la sorte: étape pionnière (implantation des nouvelles technologies), expansion (utilisation de masse), saturation, et disparition complète de toute perspective d’expansion future.

    Dès l’étape de saturation, on note une baisse du rythme de croissance, on observe çà et là des phénomènes de surinvestissement et des capacités excédentaires. Le profit devient si faible dans le secteur réel que ce processus n’est plus attrayant. L’argent se dirige alors vers les spéculations financières, où ils dégagent des profits phénoménaux. Des bulles se forment dans l’immobilier, les finances etc., provoquant en fin de compte la disparition du capital qui y est investi.

    Les périodes de crise (phase baissière) exigent objectivement un renforcement du rôle dirigiste et des fonctions de l’État dans l’économie avec une forte restriction de l’utilisation des schémas libéraux. A l’inverse, les périodes de hausse exigent au contraire plus de liberté pour les entrepreneurs et la prise de décisions en matière d’investissement, la levée des obstacles aux flux de capitaux, et une plus grande flexibilité du marché du travail.

    Cette libéralisation est nécessaire afin de permettre l’assimilation des innovations de base, la réorganisation structurelle et l’expansion économique. Cependant, en phase de saturation, cette libéralisation mènera à la surchauffe de l’économie et à la formation de différentes bulles et pyramides, accélérant l’arrivée de la crise et une nouvelle vague d’ »étatisation » de l’économie.

    6CK

    Graphique permettant de visualiser la crise actuelle (phase baissière du Ve CK) et le début de la phase haussière du VIe CK. Verticale: PIB mondial, horizontale: années.

    IV. Consensus de Washington vs. Consensus de Pékin

    Actuellement, la Russie est dominée par le modèle de développement économique néolibéral. Ce modèle est qualifié par Aïvazov de « spéculatif », car son essence est de détruire tout obstacle à l’accumulation incontrôlée de capitaux par le biais de la spéculation. C’est l’économie dite « casino ».

    Ce modèle s’est imposé dans les années 1980 avec l’arrivée au pouvoir de Reagan et de Thatcher. Les vecteurs de cette idéologie étaient les grandes compagnies transnationales qui ont alors accumulé une immense puissance financière et économique. Leur capitale officieuse est la City de Londres, les grandes compagnies ayant auparavant, selon Aïvazov, cherché à s’implanter à Paris en demandant le transfert de la capitale française à Lyon.

    Les grands axes du « consensus de Washington » sont:

    - Politique du pays visant en premier lieu à le rendre attrayant aux yeux des investisseurs.

    - Réduction au strict minimum des programmes d’aide sociale. Monétisation de ces derniers.

    - Politique monétaire restrictive profitant aux riches.

    - Totale liberté de déplacement des capitaux

    - Privatisation et transformation de toute ressource en bien de consommation.

    - Réformes fiscales visant à imposer le gros du fardeau aux couches les plus pauvres de la société.

    Le « consensus de Washington » a été à la base des réformes menées en Russie, en Amérique latine, en Europe de l’Est et en Asie, à l’exception de la Chine, par le biais du FMI et de la Banque mondiale.  Le principe était de forcer ces pays à ne pas créer leur propre système financier, mais à s’arrimer à des devises étrangères, principalement le dollar.

    Face au consensus de Washington a peu émergé une alternative parfois qualifiée de « consensus de Shanghai », qui a permis d’assurer une forte croissance, d’éviter l’instabilité politique, et malgré la pression du FMI/BM, de mettre en place un système financier sous contrôle souverain.

    C’est précisément la Chine qui montre que la croissance économique n’est pas uniquement possible sous la bannière américaine, mais aussi sous le contrôle d’un État souverain. Un État qui soutient l’innovation, renforce la politique industrielle, et soutient l’expansion des entreprises nationales sur la scène internationale.

    Ses principes de base sont:

    - Assurer la croissance en maintenant une indépendance vis-à-vis du capital international.

    - Efforts d’innovation et recherche.

    - Protection des frontières nationales et des intérêts nationaux.

    - Accumulation d’instruments de force asymétrique (par exemple des milliards de dollars de réserves de change).

    La Chine a obtenu une stabilité monétaire, et cherche à renforcer la justice sociale en augmentant la part du PIB redistribuée par l’État et en intensifiant le contrôle sur le gros capital privé. Pékin ne vit pas la mondialisation comme une libéralisation totale, l’État conservant une importante mainmise sur l’économie (de l’ordre de 65%). Le géant asiatique s’impose en outre comme le moteur de processus de régionalisation à différents niveaux (BRICS, ASEAN, OCS, etc).

    V. Trois modèles pour demain

    Nous entrons actuellement dans une phase de grands bouleversements. Le monde, tel les trois preux russes, se demande: par où aller? Actuellement, on voit émerger trois grands modèles, qui se dessineront de façon précise après la phase baissière du cycle de Kondratiev (d’ici 2015).

    a) Le modèle des néoconservateurs américains. Ce modèle est fondé sur la manipulation de la conscience collective à l’aide des médias transfrontaliers, des drogues, et de la culture pop. Son but final: l’implantation de cartes à puce dans tous les domaines de la société, et même l’être humain afin de le contrôler. Les néocons prévoient l’utilisation d’armées de mercenaires privées pour régler les questions sensibles en contournant les organisations internationales. Ses instigateurs cachent leurs fonds dans différents paradis fiscaux. L’utilisation du « terrorisme » à des fins de manipulation collective devrait s’intensifier dans le cadre de ce modèle.

    b) Le modèle néokeynésien ou modèle chinois est pratiquement l’incarnation de l’idée de Kondratiev selon laquelle un plan étatique doit exister, mais qu’il est vérifié et confirmé par le marché. Kondratiev était opposé à une planification dirigiste stricte, mais considérait que les objectifs devaient être combinés à de fines adaptations et réglages de marché, définis par le consommateur final. Un modèle éprouvé lors de la dernière crise, lorsque la Chine a compensé la chute de ses exportations en investissant dans la hausse de son marché intérieur et dans des projets d’investissement. La Chine a réduit ses pertes et aidé d’autres pays à surmonter la crise.

    c) Modèle islamique. Ce modèle acquiert dernièrement un rayonnement croissant. Les investissements réalisés conformément à la loi islamique constituent une sorte de placement éthique. Les investissements dans certains activités telles que la vente d’alcool, la promotion des jeux de hasard etc sont interdits. Les banques islamiques refusent l’usure. Les banques possédées par des actionnaires et les établissements de dépôt y sont séparés. En outre, les établissements islamiques ne prennent pas part aux activités spéculatives et à l’économie dite « casino ».

    VI. D’où vient la Russie?

    La Russie a toujours eu un temps de retard sur l’évolution des autres économies, les guerres ayant au cours de l’histoire constitué la « preuve » de cette arriération.  Alors que l’Angleterre était équipée de navires à vapeur, la flotte russe était uniquement constituée de navires à voile, car l’occident était en phase de gestation d’une nouvelle Base technique. Cette Base technique, la Russie l’a laissée échapper en raison de la « stabilité » prônée par les dirigeants de l’époque de Nicolas Ier. La guerre de Crimée de 1853-56 a mis à jour ce retard pris par la Russie.

    La « stabilité » de l’époque d’Alexandre III et le début du règne de Nicolas II ont débouché sur la défaite lors de la guerre russo-japonaise. La nouvelle base technique fondée sur l’électricité, formée à l’Ouest au dernier tiers du XIXe siècle, n’a commencé à voir le jour en Russie que 40 ans plus tard, sous l’URSS.

    Une seule fois au cours des 250 dernières années, la Russie a été à l’ “avant-garde de la compétition économique”: c’est quand elle a utilisé la grande dépression (phase baissière du IVe CK) afin de posséder les dernières innovations. La façon dont une telle percée a été réalisée (goulag, Golodomor) constitue une autre question.

    Mais le fait est qu’en trois plans quinquennaux, l’URSS est parvenue à faire surmonter au pays un retard de 40 ans. Le pays est remonté dans le peloton de tête, s’assurant la victoire lors de la 2 GM et par la suite ses succès dans le domaine spatial.

    L’URSS a par la suite manqué une nouvelle étape technique durant la « stagnation » sous Brejnev, ce qui a provoqué sa défaite lors de la guerre froide.

    Concernant les perspectives de la Russie dans le futur (6e) cycle de Kondratiev: les slogans scandés par les dirigeants russes, qui appellent à mettre en place une « économie de l’innovation », resteront lettre morte tant qu’ils s’efforceront d’arrimer l’économie russe au dollar américain au lieu de financer la mise en place des infrastructures de la prochaine révolution technologique.

    VII. Où va la Russie?

    La Russie est dans une situation paradoxale: d’un côté Moscou, par la bouche de son leader national, a ébauché une doctrine (Stratégie 2020) absolument en phase avec les exigences du Sixième cycle de Kondratiev; de l’autre, ce même leader national et les personnes en charge de l’économie russe au sein du gouvernement et de la Banque de Russie affichent dans leur politique une totale soumission aux principes du Consensus de Washington et au modèle néolibéral, à l’origine de la crise.

    Les principes du Consensus de Washington ont été imposés à partir de 1992 en Russie sous la pression du FMI. Le défaut de paiement de la Russie de 1998 a été la conséquence directe des réformes libérales menées au pas de course (« thérapie de choc »).

    Si l’on observe la politique monétaire menée par la Russie jusqu’à une date récente, on constate que le principal canal d’émission du rouble est l’achat de devises étrangères. La Banque centrale de Russie imprime de l’argent, stimulant de la sorte l’inflation, non pas en fonction des besoins de l’économie nationale, mais uniquement en vue du rachat des devises étrangères.  D’énorme sommes ont en outre été allouées au Fonds de stabilisation en devise, arrimant de la sorte l’économie du pays au dollar US. Cette politique a notamment obligé les banques et entreprises russes à aller emprunter de l’argent à l’étranger pour assurer leur développement. C’est précisément ce qui a cantonné la Russie au statut d’économie de matières premières.

    Les discours appelant à mettre en place en Russie une économie de l’innovation resteront lettre morte tant que le pays restera attelé au consensus de Washington; les puissances occidentales ne tolèreront pas que la Russie passe du statut de marchand de matières premières à celui de concurrent.

    La Russie est actuellement face à un choix historique. Si notre pays continue d’évoluer dans le sillage du système financier américain, en pensant passivement que « si ça se trouve on s’en sortira », notre système sera enterré sous les décombres de la pyramide américaine.

    En effet, la Russie n’a pour le moment pas été capable de mettre en place un système financier souverain. Le ministère russe des Finances et la Banque de Russie financent en réalité le déficit du budget US, mais pas les banques et corporations russes. Ce n’est que quand le tonnerre a grondé en 2008 que nos autorités financières se sont rappelées l’existence d’un système financier russe autonome, créant en toute hâte un système de refinancement au sein du pays et insufflant de l’argent dans l’économie russe. Ceci a notamment permis  d’éponger les crédits en devises des entreprises russes.

    Les tentatives visant à sauver le système financier actuel sont vouées à l’échec. Si elle se lance dans cette voie, la Russie sera perdante.

    Mais il existe une autre voie possible. La Russie peut saisir au bond la balle de l’initiative civilisationnelle, et se poser en architecte en leader du « monde post-dollar » en promouvant les réformes nécessaires avec les BRICS et d’autres pays.

    Aucun autre Etat que la Russie n’a l’expérience nécessaire dans ce domaine. Même la Chine n’est pas encore assez mûre. Elle n’a pas l’expérience de  puissance mondiale que la Russie, héritière de l’URSS, a formée après la Seconde Guerre mondiale pendant la Guerre froide. L’Europe divisée s’est confinée au rôle de vassale des Etats-Unis.

    La Russie peut être la locomotive de l’architecture du futur système mondial, destinée à surmonter les conséquences destructrices de la phase baissière du Cinquième cycle de Kondratiev. Quand en 2012-2015 l’économie américaine s’effondrera, la Russie, riche de ses étendues immenses, de ses fantastiques réserves de matières premières, des terres les plus fertiles au monde et d’un fort potentiel scientifique, pourrait devenir le centre d’attraction des investissements du monde entier et d’utilisation des technologies de pointe.

    La Russie doit absolument intégrer l’OPEP, créer une « OPEP du gaz », mais aussi promouvoir une « OPEP alimentaire » vouée à organiser la lutte contre la spéculation effrénée sur les marchés.

    Il faut ici se rappeler comment la Russie est parvenue, lors de la phase baissière du 4e cycle de Kondratiev, à utiliser la Grande dépression de 1929 pour rattraper son retard, modernisant et industrialisant son économie, ce qui lui a permis de remporter la Seconde guerre mondiale, d’atteindre la parité militaire avec les États-Unis et, par la suite, de remporter la bataille pour la conquête de l’espace.

    Si la Russie continue durant la phase baissière du 5e cycle de Kondratiev à soutenir un système financier en ruine avec ses réserves de change et les moyens de son Fonds de stabilisation, elle périclitera. Il faut donc investir les fonds russes dans les innovations de la nouvelle (6e) Base technique, dans l’infrastructure du pays, et peut-être en dernière instance dans des corporations occidentales dépréciées qu’elle pourra racheter à bas prix. Mais surtout, elle doit éviter à tout prix d’investir dans les instruments financiers d’un système américain en faillite.

    Les choix historiques ont une importance cruciale: il y a 100 ans, la Russie réalisait une erreur stratégique en se mettant aux côtés de l’Alliance dirigée par l’empire britannique et la dynastie Rothschild. Le résultat fut la révolution, la destruction de l’Empire russe, la guerre civile. Une mer de sang et les souffrances de millions de gens: tel est le prix d’une erreur que Nicolas II paya lui aussi de sa vie.

    Actuellement, la Russie est exactement dans la même situation: choisira-t-elle de soutenir un système appartenant au passé, mais encore puissant, incarné par les pays anglo-saxons et Israël, ou s’alliera-t-elle aux nouveaux centres de l’économie mondiale (BRICS, OCS, Union eurasiatique) représentant le moteur de l’avenir? Telle est la question.

    Impressions russes   http://fortune.fdesouche.com

  • L'affaire Dreyfus entre nous

    L’affaire Dreyfus occupe une place primordiale dans la mythologie républicaine ; quoique reléguée dans l'histoire, estompée par le culte mémoriel de la Shoah, elle a été et reste l'élément fondateur de notre culpabilité collective. À nous Français - la France de l'affaire Dreyfus est antisémite ; à nous nationalistes - de Maurras à Le Pen, la droite française porte le stigmate d'avoir fait condamner un innocent. Une affaire qui nous agace, une affaire qui nous gêne, une affaire qu'on aimerait bien oublier, mais qu'on nous ressort régulièrement. Alors que faire ? Faut-il pratiquer la repentance ? Faut-il affirmer orgueilleusement la culpabilité du traître de 1894 ? Avant de définir une attitude, péché mignon de notre camp, il faudrait d'abord travailler, tenter d'y voir clair. C'est ce que j'ai fait, partie avec l'idée de comprendre, de dégager l'affaire réelle du verbiage qui l'entoure, de réfuter légendes et ragots - à commencer par ceux véhiculés « chez nous » qui sont autant de pièges. Je voulais faire sobre et court (à l'origine, un simple article pour Rivarol !), mais l'affaire Dreyfus est trop complexe, une question en entraîne une autre et, sept ans après, j'ai abouti à Dreyfus-Esterhazy, réfutation de la vulgate, réfutation dont ma plus grande fierté est d'avoir convaincu de son bien-fondé Georges-Paul Wagner, à qui la seconde édition est dédiée*.
    Reprenons à zéro. D'abord il y a deux « affaires Dreyfus » : la première, celle de 1894, qui s'achève par la condamnation d'Alfred Dreyfus pour trahison ; la seconde qui commence dans les coulisses en 1896, devient publique à l'automne 1897 avec l'apparition d'Esterhazy présenté comme le véritable coupable, atteint son paroxysme en 1898 et s'achève en 1899 par une nouvelle condamnation de Dreyfus au procès de Rennes. La seconde cassation et la réhabilitation, en 1906, ne sont, pour dire vite, que les retombées d'une affaire déjà refroidie et politiquement jugée.
    L'AFFAIRE DE 1894
    En 1894, l'affaire est celle du "bordereau", note manuscrite trouvée dans la corbeille à papiers de l'attaché militaire de l'ambassade d'Allemagne, Maximilien von Schwartzkoppen. L'origine est incontestable : nous connaissons aujourd'hui une masse de documents de même provenance, certains très importants, ainsi jetés à légère par un homme qui pratiquait pourtant fort sérieusement l'espionnage, avec des résultats tangibles. Mais nous sommes au XIXe siècle, aux balbutiements du Renseignement, qui se pratique alors avec des méthodes d'une grande naïveté à nos yeux (lunettes noires pour se dissimuler, petit trou dans les conduits pour écouter les conversations...) Les militaires français connaissent le sérieux de la source, mais ne peuvent la révéler. Cela donnera lieu à bien des complications... Le bordereau, anonyme, est une liste de cinq sujets sur lesquels l'auteur propose « quelques renseignements intéressants » qui semblent émaner de différents bureaux du ministère de la Guerre ; d'où l'idée de chercher parmi les officiers stagiaires. Un seul élément concret : l'écriture. Les comparaisons d'écriture mènent à Alfred Dreyfus.
    26 septembre - 22 décembre : enquête, premiers interrogatoires, instruction, procès, condamnation, tout cela est mené au pas de charge. Un dossier secret a été remis au tribunal militaire à l'insu de la défense, contenant des pièces issues de la même source que le bordereau. Nous sommes en 1894, dans un contexte très tendu avec l'Allemagne, haïe-admirée depuis l'humiliante défaite de 1870 ; on ne badine pas avec la trahison ; on ne s'embarrasse pas de scrupules juridiques. Son pourvoi en cassation rejeté, Dreyfus est dégradé le 5 janvier 1895 et expédié à l'île du Diable.
    Que peut-on dire de cette première phase ?
    D'abord, rejeter énergiquement la version selon laquelle Alfred Dreyfus aurait été accusé parce qu'il était un officier israélite. C'est absolument faux. Cet argument de propagande de l'époque repose sur des allégations sans fondement, reprises et amplifiées par des auteurs qui se copient les uns et les autres (notamment une déclaration tronquée et altérée du colonel Sandherr que l'on retrouve partout). Rien ne l'étaye. Dreyfus a été repéré parce qu'on cherchait la "taupe" parmi les stagiaires étant passés par les différents bureaux de l'état-major et que son écriture ressemblait à celle du bordereau. Son attitude gênée lors des interrogatoires, ses réponses embarrassées, parfois contradictoires, ont fait le reste.
    Ensuite, se débarrasser d'une légende tenace chez les antidreyfusards : non, Dreyfus n'a pas avoué. En aucun cas de vrais aveux au caractère officiel. Mais pas davantage ces bribes d'aveux qui lui auraient échappés le jour de la dégradation. Propos peu cohérents, d'interprétation aventureuse, recueillis dans des conditions de déréliction, rapportés tardivement dans des circonstances suspectes : rien à retenir de ces sornettes ni des sombres histoires qui les entourent (décès inexpliqués, etc.)
    Enfin, regarder en face les faiblesses du procès, grosses des tempêtes à venir. La mise en accusation d'Alfred Dreyfus reposait sur de forts soupçons, sa culpabilité a emporté la sincère conviction des différents acteurs du drame. Et pourtant... Et pourtant les expertises d'écriture n'ont pas fait l'unanimité. Le contenu des notes énumérées dans le bordereau n'a pas été connu, ni même cerné par d'éventuels recoupements. Aucune des pièces du dossier secret n'incrimine formellement Dreyfus. C'est léger, très très léger... On a établi qu'il pouvait connaître les thèmes évoqués, non qu'il les a connus ; on n'a pu trouver de mobile, l'accusé étant fortuné, son appartenance à des cercles de jeu évoquée mais non prouvée ; on a mis en évidence le caractère fureteur, rancunier, antipathique du personnage. Tout cela, exact, ne fait pas un coupable.
    Ajoutons que le procès de Rennes, qui a fait la lumière sur beaucoup de points, n'a pas apporté plus de preuves contre Dreyfus. Sa condamnation, à cinq voix contre deux, pour trahison « avec circonstances atténuantes » (lesquelles ?! Il est stupéfiant que les militaristes se soient réjouis de pareil verdict...) porte la trace des doutes éprouvés par les juges.
    Alors ?
    Coupable ? Innocent ? Sincèrement je ne sais pas, et je ne pense pas qu'on puisse savoir sans retrouver les fameuses notes livrées à l'Allemagne, mais ce qui est sûr c'est qu'aujourd'hui Alfred Dreyfus serait relaxé au bénéfice du doute. Le contexte de l'époque, l'horreur qu'inspirait la trahison (à comparer avec la pédomanie de nos jours), la volonté d'un châtiment exemplaire, peuvent expliquer les carences du procès de 1894. Mais cela ne saurait les justifier, ni constituer une caution historique. Non, un tribunal militaire n'est pas infaillible ! Et il est bien dommage que les nationalistes de l'époque ne se soient pas rangés derrière l'avis d'Urbain Gohier, très tôt partisan de la révision d'une condamnation qui « en violant les garanties que la loi accorde à tout accusé [...] créait un précédent qui pouvait être employé contre n'importe quel citoyen français n'épousant pas les idées du gouvernement ».
    ESTERHAZY
    Coupable ? Pas sûr, ce qui suffit pour un acquittement juridique. Innocent ? Jamais les partisans de Dreyfus n'auraient pu imposer cet acquittement historique sans le secours d'un « vrai coupable » : Esterhazy.
    Allons droit au but. J'ai acquis la conviction qu'Esterhazy a été stipendié par les dreyfusards pour endosser la culpabilité. Cette hypothèse, évidemment dénigrée par les auteurs actuels, a été évoquée en son temps par les antidreyfusards, voire même affirmée, mais jamais étayée sérieusement. Elle nécessite une connaissance approfondie de l'affaire (impossible de faire simple...), elle reste une hypothèse au sens strict où je n'en apporte pas la preuve formelle, mais elle repose sur des arguments solides, elle est cohérente et permet d'expliquer nombre de mystères de l'affaire. Les lecteurs d'Ecrits de Paris, pas plus que ceux de mon livre, ne sont obligés de me suivre jusqu'au bout, mais au moins qu'ils retiennent quelques bases saines. À utiliser sans modération !
    On nous gave de sornettes. Non, Esterhazy n'a pas été confondu par les experts en écriture. Les seules expertises officielles, effectuées par des professionnels, ont conclu que son écriture n'était pas celle du bordereau. Certes une kyrielle de témoins, parés de titres universitaires, sont venus dire que les deux écritures étaient identiques : mais tous sont des dreyfusards engagés, aucun n'a de compétences en graphologie. Certes des lettres providentielles d'Esterhazy sont réapparues, comportant des analogies d'écriture flagrantes : toutes sont suspectes d'avoir été refaites après coup et certaines ont une histoire si rocambolesque que les auteurs de la vulgate choisissent de la passer sous silence.
    Non, les aveux d'Esterhazy ne prouvent rien du tout. Il a d'abord été acquitté, sinon avec la complicité des militaires, du moins à leur grande satisfaction car ils n'ont vu que du feu à ce qui se préparait. Cet acquittement (janvier 1898), qui donne lieu au célèbre « J'accuse » de Zola et lance la phase aiguë de la crise, met Esterhazy définitivement à l'abri de toute poursuite : c'est alors seulement qu'il avoue être l'auteur du bordereau, aveux rétractés, modifiés, renouvelés au gré des circonstances. Argument joker des dreyfusards, ces pseudoaveux ne donnent aucune explication satisfaisante.
    Plus subtil, réservé aux connaisseurs, il y a aussi la dénonciation de Schwartzkoppen. Dans un ouvrage posthume, publié en 1930, celui-ci "avoue" que son informateur était bien Esterhazy. Parmi d'autres éléments suspects, je montre que des passages entiers de ce petit livre sont recopiés dans les œuvres de Joseph Reinach, le grand ordonnateur dreyfusard. Exit.
    Non, car certains le croient, la Cour de cassation, en 1906, n'a pas établi la culpabilité d'Esterhazy dont le cas ne lui était nullement soumis.
    Non, on n'a jamais pu établir ni qu'Esterhazy était en mesure de fournir les renseignements évoqués, ni qu'il était allé « en manœuvres » comme l'annonce l'auteur du bordereau - on sait même qu'il a commis un faux pour faire croire qu'il était au camp de Châlons lors d'essais du canon de 120. Les auteurs modernes, devant renoncer aux théories extravagantes de l'époque, telle une complicité avec le colonel Henry, se contentent d'une version soft, faisant de leur traître un petit espion de pacotille, mi-fou mi-escroc, ce qui permet de renoncer à toute démonstration. En ce qui concerne la trahison de 1894, le dossier d'Esterhazy est vide, bien plus vide que celui de Dreyfus.
    Non, Esterhazy n'a pas été le jouet des services de renseignements lors des contacts qui s'établissent à l'automne 1897. Cet épisode particulièrement ténébreux et compromettant pour l'armée, surtout en un temps où l'espionnage était ressenti comme indigne d'un officier, est à l'origine de moult complications, l'état-major se trouvant contraint de désavouer un homme courageux et lucide comme du Paty de Clam, ennemi numéro un des dreyfusards. Je montre qu'il est bien plus plausible que ce soit Esterhazy qui ait piégé les militaires, Esterhazy téléguidé par les dreyfusards.
    Le fait est qu'à ce moment toutes ses initiatives poussent à la réouverture du dossier Dreyfus, issue que les militaires repoussent tant qu'ils le peuvent, et sont d'un synchronisme parfait avec les démarches politiques du sénateur Scheurer-Kestener au même moment.
    Non, Esterhazy n'est pas un vieil ami d'Edouard Drumont - s'il a ses entrées à la Libre Parole, c'est après en avoir forcé les portes en 1896, et ses interventions de 1897 à 1899 dans le quotidien antisémite ont pour principal résultat de ridiculiser le journal. En revanche, c'est une vieille relation des Rothschild ; philosémite affiché, témoin de Crémieu-Foa dans le duel de celui-ci contre Drumont en 1892, il arrive à soutirer des subsides de cette élite israélite, tôt mobilisée pour défendre son coreligionnaire. Il existe une lettre d'Esterhazy, de début 1895, offrant ses services à Edmond de Rothschild. Toujours à court d'argent, dénué de scrupules, il était bien l'homme à utiliser comme coupable de substitution.
    Mais si Esterhazy n'est pas celui qu'on dit, il faut que le colonel Picquart, qui a découvert sa culpabilité à partir d'un nouveau document issu de la corbeille de Schwartzoppen, le Petit bleu, ne soit pas le preux chevalier que nous présente la vulgate. Les éléments existent étayant cette insolente hypothèse. Je montre par exemple que dès avril 1896, Picquart a établi une corrélation entre Esterhazy et Dreyfus, ce qui est contraire à toutes ses affirmations et dissimule forcément quelque chose.
    MUR DE MENSONGES
    Bien des coïncidences sont gênantes pour les dreyfusards. Simultanéité des actions de Picquart et de Mathieu Dreyfus en 1896, d'Esterhazy et de Scheurer-Kestner à l'automne 1897. Selon nos auteurs, tout cela serait fortuit. Comme il serait fortuit qu'Esterhazy soit dénoncé par sa cousine au moment où l'enquête contre lui piétine, puis quelques mois plus tard par son neveu dans un contexte qui permet de faire revenir Picquart en scène au moment précis où les dreyfusards en ont besoin. J'ai sorti tous ces faits de l'ombre. J'ai analysé des points cruciaux comme la façon dont Mathieu Dreyfus a eu connaissance du dossier secret : ce qu'on nous raconte ne tient pas, et l'officier qui a remis ledit dossier au conseil de guerre était Picquart...
    Il faut savoir que les dreyfusards ont entouré leur propre histoire d'un mur de silence, voire de mensonges justifiés â l'époque pour des militants, mais qu'il est sidérant de voir pieusement respectés par de prétendus historiens (visions d'une voyante, vertu intransigeante de la famille réputée s'être abstenue de tout contact avec l'Allemagne, avec Scheurer - ce qui est faux, etc.) C'est en grattant cette croûte maintenant séculaire que j'ai dressé une liste de questions auxquelles une réponse cohérente est la duplicité d’Esterhazy au profit de Dreyfus.
    LES ENJEUX
    Ce qui pourrait n'être qu'une passionnante énigme policière sortie du passé est une histoire lourde d'implications politiques. Dreyfus, hypothétique victime d'une erreur judiciaire comme il y en a eu cent, est un personnage falot qui s'efface derrière sa cause. Aujourd'hui comme hier, on se s'engage pas pour ou contre Dreyfus, mais pour ou contre l'armée, pour ou contre l'ordre moral, pour ou contre les droits de l'individu, etc. Ce sont les dreyfusards qui ont placé l'affaire sur ce terrain idéologique, de façon irréversible à partir de « J'accuse ». Et les nationalistes se sont rués joyeusement dans la bataille. Avec le recul, on ne peut que regretter que de belles intelligences comme Maurras, Brunetière, Barrès aient accepté les enjeux dans les termes imposés par les dreyfusards : ou Dreyfus est coupable et l'autorité de l'Etat est intacte ; ou Dreyfus est innocent et l'armée, donc le sentiment patriotique, est intrinsèquement coupable. C'était prendre un risque énorme sur un cas individuel - alors qu'aucun d'entre eux ne connaissait le dossier !
    Et cette attitude se crispe encore à la découverte du faux Henry. En 1898, il apparaît que le colonel Henry a introduit, en 1896, un faux document accablant Dreyfus dans un dossier décidément trop maigre. Au lieu d'une saine prudence politique, les nationaux se jettent à corps perdu dans la défense du faussaire... Tous en rang par deux derrière l'armée - qui accumule les maladresses ! Cette défense inconditionnelle a bloqué les esprits sur la culpabilité de Dreyfus, argument de foi (tout comme son innocence en est devenu un) les empêchant d'aller voir sérieusement du côté d’Esterhazy. Le meilleur livre antidreyfusards, Précis de l'affaire Dreyfus de Dutrait-Crozon, est symptomatique : puisque Dreyfus est coupable, Esterhazy est un homme de paille, inutile de chercher à le prouver. C'est l'inverse qu'il aurait fallu faire ! C'est la seule solution que je peux proposer.
    Les dreyfusards, largement minoritaires au début, ont peu à peu réuni toutes les forces anticonservatrices. À partir de J'accuse, qualifié par Jules Guesde de « plus grand acte révolutionnaire du siècle », tout ce qui est antimilitariste et anticlérical se rallie à la cause de Dreyfus dont les potentialités apparaissent énormes : ce n'est plus d'une éventuelle erreur judiciaire qu'il est question, c'est la perversité des valeurs traditionnelles qui est en cause. Peu à peu, francs-maçons, opportunistes, socialistes vont se lancer dans la bataille, les derniers devant renoncer à l'antisémitisme, jusqu'alors autant « de gauche » que « de droite » ; mais l'innocente victime est un juif... cela exige quelques sacrifices. Les dreyfusards leur livrent clef en main une machine à détruire le prestige de l'armée (pourtant si républicaine...), donc du patriotisme, donc du clergé catholique, donc de cette vieille France qui croyait encore aux valeurs éternelles. Ils prennent, ils jouent et ils gagnent. Les gouvernements Waldeck-Rousseau, Combes sont directement issus de l'affaire. Les forces nationales sont réduites à la défensive, désormais en position d'accusés. Et pour longtemps.
    CASSER LE MYTHE
    L'Affaire Dreyfus a ficelé le nationalisme français dans le rôle du méchant, en grande partie par manque d'esprit critique. Je pense donc qu'il ne faut pas nous enferrer dans une défense à contretemps des positions antidreyfusardes, largement assises sur une méconnaissance du dossier et une confiance aveugle en des militaires qui ne la méritaient pas toujours. En revanche, il reste nécessaire de dénoncer la propagande dreyfusarde, de montrer que la belle histoire qu'on nous raconte est fondée sur des mensonges et des silences inacceptables. Casser le mythe, réclamer un vrai travail d'historien. Révisionnisme, encore et toujours...
    Monique DELCROIX. Ecrits de Paris novembre 2010
    *Dreyfus-Esterhazy, Réfutation de la vulgate, 2e édition 2010. 464 pages avec bibliographie et index, 25 € ou 29 € port compris. Editions Akribéia, 45/3 route de Vourles, F-69230 Saint-Genis-Laval.

  • CHARLES PÉGUY : UN MÉCONTEMPORAIN PLUS ACTUEL QUE JAMAIS

    Péguy dévoyé, Péguy discrédité, mais Péguy restauré ! Il n’y a pas si longtemps, tout boursouflé de sa fatuité légendaire, Bernard-Henri Lévy s’échinait à vouloir faire de Péguy un héraut du « national-socialisme à la française. » Péguy le paysan, Péguy le débris d’une « vielle France », Péguy le représentant d’une « France moisie. » Ils furent plusieurs à vitupérer ainsi contre Péguy, à afficher leur mépris pour ce poète mort au champ d’honneur, à, finalement, le cribler de délit de patriotisme, d’exigence, de fidélité. « Ces gens-là », arrogants  « modernes », si prompts à s’acoquiner avec la première vermine venue, ne supportent pas les dissonances affirmées par ce « mécontemporain ». Un certain conservatisme, le rejet d’un monde moderne dégradé, son côté franc-tireur agacent. Quelques irréductibles osèrent, cependant, réhabiliter Péguy. Il y eut Alain Finkelkraut et son Mécontemporain dans lequel il fit acte de résistance en reformulant la juste pensée de Péguy. Il y eut également le grand Georges Steiner qui, en honnête lecteur, n’hésita pas à avouer son attachement et son admiration pour ce paysan disciple de Bergson. Georges Steiner, celui-là même qui déclarait « préférer Boutang aux staliniens qui renient Paul Morand », ou qui voyait dans Les Deux Etendards de Lucien Rebatet, « le chef d’œuvre secret de la littérature moderne. » Nul doute que Steiner et Finkelkraut avaient bien compris ce mot d’Henri Massis : il y a une certaine « investiture à recevoir de Péguy. » (1926 dans Le Roseau d’or.)

    Normalien, écrivain, poète, pamphlétaire, ce demi-boursier d’Etat fut sans conteste l’une des plus justes expressions de l’âme française. Maurice Barrès vit d’ailleurs en lui « une humanité à la française. » (sous-titre du livre d’Arnaud Teyssier sur Péguy) Elève de Romain Rolland et Bergson à Normale sup’ – qui eurent sur lui une influence évidente – Péguy fut d’abord de conviction socialiste. La découverte de la misère ouvrière planant dans les rues de Paris décida de cet engagement. Pour lui, le socialisme était seul capable de transformer le monde. Il soutint longtemps Jaurès avant de lui reprocher sa trahison envers la nation. Parallèlement, Péguy va écrire une Jeanne d’Arc qui sera publiée en juin 1897 et qui est pour lui « la première incarnation de l’âme socialiste. » Ulcéré par l’antisémitisme, Péguy va, en janvier 1898, signer les protestations que publie L’Aurore pour demander la révision du procès Dreyfus. Le déchaînement des passions pendant l’Affaire l’ébranlera véritablement. Il sera de toutes les confrontations entre dreyfusards et antidreyfusards. Mais l’aventure socialiste va vite s’essouffler. Le rejet du monde moderne éprouvé par Péguy va venir s’y greffer. La réforme scolaire de 1902, portant sur l’enseignement secondaire unique et les humanités modernes sera l’occasion pour Péguy d’exprimer ses premiers désaccords. Jaurès prend ses distances avec lui. Et inversement. Péguy dénonce l’effritement des justes principes républicains au profit d’une politique partisane. Ce qui l’accable, c’est la dominance d’un discours anticlérical, antimilitariste et matérialiste dans la pensée socialiste. Péguy est rebuté par la prééminence d’un dogmatisme suffisant et d’un certain anticatholicisme. L’expérience de la solitude se rapproche. La mutation du socialiste athée en nationaliste chrétien n’est pas loin. « Le mouvement de dérépublicanisation de la France est profondément le même mouvement que le mouvement de sa déchristianisation. C’est ensemble un même, un seul mouvement de démystication. C’est du même mouvement profond, d’un seul mouvement, que ce peuple ne croit plus à la République et qu’il ne croit plus à Dieu. Une même stérilité dessèche la cité politique et la cité chrétienne. C’est proprement la stérilité moderne. » écrit-il dans Notre Jeunesse.

    Dans Notre Jeunesse, Péguy tire le bilan de son aventure socialiste et de son engagement dreyfusard avec lucidité, sans complaisance. En réhabilitant l’affaire Dreyfus, « Péguy analyse comment en exploitant un grand moment historique, on dégringole d’héroïsme en combine. » (Jean Bastaire, auteur de la préface de Notre Jeunesse) Péguy vise bien sûr le pouvoir socialiste, Jaurès en tête. Mais Péguy amorce aussi un discours visant à critiquer la modernité. Selon lui, le monde moderne est dégradé, avili. « Tout commence par la mystique et finit en politique » écrit-il avant de rajouter : « La mystique républicaine, c’était quand on mourait pour la République ; la politique républicaine, c’est à présent qu’on en vit.» Péguy souffrit véritablement de voir la politique dévoyée. Il s’insurgeait contre ce qu’on appelle aujourd’hui la « politique politicienne. » C’est-à-dire comment une politique coupée de son inspiration, – de sa mystique – ne peut que s’affaisser, et même, devenir aliénation. LE politique n’est alors plus un moyen de transcendance pour servir un peuple et un pays, mais devient une besogne journalière, sillonnée par le cynisme, afin de garder le pouvoir. La politique dévoyée, c’est-à-dire la pratique politicienne, est pour Péguy « le monde de ceux qui ne croient à rien, pas même à l’athéisme, qui ne se dévouent, qui ne se sacrifient à rien. Exactement : le monde de ceux qui n’ont pas de mystique. »

    Péguy se tourmente sur le devenir de la France, craint une perte progressive de son identité. Il souhaitera même bientôt la guerre avec l’Allemagne pour que la France retrouve l’intégrité de son territoire. Le but de Péguy est de poser les jalons d’une « mystique républicaine et nationaliste ensemble, inséparablement patriotique. » La conception qu’il se fait de la France se rapproche de celle d’un Bernanos et, plus tard, d’un de Gaulle qui confiera à Alain Peyrefitte : « Aucun auteur n’a eu autant d’influence sur moi dans ma jeunesse que Péguy ; aucun ne m’a autant inspiré dans ce que j’ai entrepris de faire ; l’esprit de la Vè République, vous le trouverez dans Les Cahiers de la Quinzaine. » Selon Péguy, la République est monarchique et le peuple français une harmonie entre un peuple et une terre travaillée par des siècles de christianisme. Il s’oppose également avec virulence à l’étendard moderne de l’universalisme : « Je ne veux pas que l’autre soit le même, je veux que l’autre soit autre. C’est à Babel qu’était la confusion, dit Dieu, cette fois que l’homme voulut faire le malin. ».

    Après avoir rompu avec le socialisme Péguy va désormais consacrer sa vie aux Cahiers de la Quinzaine, revue indépendante fondée en 1900. Avec des amis fidèles et désireux de proposer une nouvelle vision du monde – comme Romain Rolland, André Suarès, Georges Sorel ou Julien Benda – Péguy va, malgré les déboires financiers et les luttes perpétuelles, imposer sa revue sur la scène littéraire, politique et sociale. Réunis chaque jeudi dans cette « boutique » en face de la Sorbonne, Péguy et ses amis n’ont d’autres ambitions que celle de « Dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité, dire bêtement la vérité bête, ennuyeusement la vérité ennuyeuse, tristement la vérité triste. » Exigence et refus de la moindre concession, « les Cahiers sont, sans exception, faits pour mécontenter au moins un tiers de la clientèle. Mécontenter, c’est-à-dire heurter, remuer, faire travailler. » Les Cahiers sont finalement le terreau idéal pour l’homme de combat qu’est Charles Péguy. Et qui dit combat dit vigueur, volonté, violence, le tout nimbé de profondes méditations : Situations, De la grippe. « Du vitriol dans de l’eau bénite » pour reprendre Lavisse. Si Les Cahiers deviennent l’instrument idoine pour la défense de valeurs chères à Péguy ainsi qu’un moyen de faire découvrir de nouveaux auteurs, ils garantissent aussi à Péguy la diffusion de son œuvre. Ainsi se succèdent pamphlets et méditations religieuses : Jeanne d’Arc, drame en trois pièces (Domremy, Les Batailles, Rouen) Notre Patrie (1905), Le Mystère de la charité de Jeanne d’Arc (1910), Le Mystère des saints Innocents (1912), L’Argent (1912)…Dans Notre Patrie, Péguy pointe le danger allemand et la menace de guerre. Ce pamphlet répond au pamphlet de Gustave Hervé, socialiste antimilitariste et auteur de Leur Patrie…Cette réplique de Péguy confirme, en 1905, une rupture définitive avec le camp socialiste. Dans l’Argent, Péguy relate le monde de son enfance, un monde pas encore gangréné par l’argent. A travers la lecture des œuvres religieuses de Péguy, on observe comment l’écrivain opère un « ressourcement. » Il confie en 1908 à son ami Joseph Lotte : « Je ne t’ai pas tout dit…J’ai retrouvé la foi…Je suis catholique… » Ce sont de ses méditations que naissent les œuvres poétiques telles que Le Mystère de la charité Jeanne d’Arc (que Barrès admirait) et le Mystère des saints-innocents. En 1912, Péguy effectuera plusieurs pèlerinages à Chartes ; on en retrouvera l’écho dans La Tapisserie de Sainte-Geneviève notamment.

    Figure gémellaire et bien que divergente de Barrès, Péguy fut un représentant emblématique du patriotisme français, l’idée même, peut-être, du « miracle français. » Lorsque survint la guerre de 14, Péguy travaillait à un poème évoquant le Paradis. Il sera tué le premier jour de la bataille de la Marne, d’une balle au front. Celui qui « ameutait toute l’histoire de France qu’il portait en lui » (Barrès) était parti pour la guerre avec la conscience de servir une juste cause. « Heureux ceux qui sont morts pour la terre charnelle » écrivait-il déjà dans Notre Patrie. Heureux sont ceux qui lisent Péguy, car dans cette époque décadente, celui qui a toujours honni la tiédeur apparaît plus que jamais comme le guide qu’il faut à notre temps, riche d’une œuvre faite pour (ré)concilier la « vielle France » et la « France actuelle. »

    « Pouvons-nous, en effet, oublier que c’est sur notre génération – celle qui eut ses vingt ans vers 1905, l’année où parut Notre Patrie – que Péguy avait reporté toute son espérance ? C’est pour nous qu’il avait travaillé, pour que nous nous installions dans son travail, pressentant quelle serait la mission de notre jeunesse, et qu’il fallait lui déblayer la route, lui découvrir le dépôt sacré et français. « Il ne faut pas désespérer, écrivait-il en 1913, à son ami Lotte. Notre pays a des ressources inépuisables. La jeunesse qui vient est admirable. » Henri Massis.
    Par Alexandre Le Dinh http://www.avenirfrance.fr/

  • L'avènement de l'ethno-socialisme

    Dr. Pierre Krebs

    Genève, 20 Janvier, 2013

    Quand la vérité n’est pas libre, la liberté n’est pas vraie, disait Jacques Prévert. Et il clignait de l’œil. Mais notre peuple à qui on a désappris les valeurs essentielles de la vérité et les règles élémentaires de la liberté ne comprend même plus les clins d’oeil et il se laisse hacher menu, chaque matin, dans la machine-à-mentir du Système quand il ne se couche pas à plat ventre, le visage dans la poussière, devant les idoles en matière plastique de Mammon.

    Que faire alors? interroge l’homme révolté.

    Et le sage de lui répondre : Traque le mensonge et laisse éclater la vérité sur la place publique! – Fort bien. Seulement, lorsque la vérité a été dite et les mensonges oubliés, il reste encore les menteurs, rétorque l’homme révolté.

    Mais l’homme sage se tait. Le rebelle, alors, de lui dire : Écrase l’échine des pleutres de tes bottes et marche droit quand tous se couchent! – Excellente idée. Mais la rébellion d’un desperado ne transforme pas pour autant les lâches en héros, ni une société de cloportes en un peuple brave et fier ni une capitulation en victoire, riposte l’homme révolté!

    Mais le rebelle se tait. Le révolutionnaire, alors, prend la parole : Ne perds pas de temps à traquer le mensonge. Laisse les cloportes pourrir dans les poubelles de leur destin. Crée un ordre hiérarchisé de cadres. Délimite les buts. Mets les idées et les valeurs au-dessus des hommes. Pose les jalons de la nouvelle époque!

    Révolution! Le mot est lâché. Il résonne du cliquetis des armes et de l’entrechoc des idées, les idées qui sont au monde ce que la musique est à l’orchestre. Les révolutions, qui sont les forceps de l’histoire, accouchent, elles, les idées. Leur dénouement n’est jamais que l’aboutissement d’une longue période préparatoire, rebelle par nature au dilettantisme.

    De fait : une révolution ne s’improvise pas.

    Les révolutionnaires sont des gens sérieux, rigoureux, conséquents et disciplinés. Les charlots finissent vite dans les poubelles! Car une révolution, "il faut la gagner! Une révolution ne se fait qu’une seule fois" prévient Moeller van den Bruck. Le révolutionnaire, préfiguration de l’homme nouveau, a effacé en lui-même tous les stigmates de l’homme ancien.

    Il réunit la foi du missionnaire, semeur d’idées et le pragmatisme de l’homme d’action, qui les applique. Son parcours est difficile, laborieux, périlleux. Aucune pression ne peut le faire plier, aucune intrigue le diviser, aucun opportunisme ne peut lui faire changer de cap. Pour l’unique raison qu’il ne cesse, un seul instant, de croire à l’unité incorruptible de sa communauté, à la force rédemptrice de ses idées et à leur accomplissement dans la révolution!

    Quant à nous, ce n’est ni à Rome, ni à Berlin, et encore moins à Moscou que ce cheminement a commencé, mais sous le soleil torride de l’Algérie enfiévrée et ensanglantée des années 50.

    C’est en effet dans le chaudron de la passionaria algérienne, rempli à ras bord d’une mixture explosive s’il en fut, brassage innommable d’espérances trahies et de trahisons décorées, de courage inutile et de lâchetés récompensées, de fidélités trompées et d’injustices impunies que devaient poindre les premiers ébats d’un révolte immature, prise au piège de sa passion, si latine et de sa jactance, si méditerranéenne. L’arbre de l’utopie coloniale lui cachait encore toute la forêt de la logique racialiste que Terre et Peuple a résumée dans un slogan qui claque aux vents de l’évidence sa vérité tellement simple : À chaque peuple, sa terre !

    ABC du droit des peuples, ABC du respect envers le peuples, ABC de la paix entre les peuples.  

    Ces rebelles étaient sans le savoir des révoltés d’arrière-garde qui se battaient pour une cause sans avenir parce qu’il manquait à la revendication du sol la légitimité supérieure : le droit du sang. Et cependant : ces révoltés de l’Algérie française, victorieux sur le terrain mais défaits par la politique, ignoraient encore que ce traumatisme les aiderait à transformer une défaite passagère en victoire intérieure, celle-là capitale pour l’avenir.

    Les plus intelligents, rescapés du Front Nationaliste, allaient en effet passer sans transition à une vitesse supérieure de la réflexion. Un manuel de réflexion, Pour une Critique Positive, pose dès 1964 les bases de la théorie et de l’action pré-révolutionnaires. Ce sera le Que faire? Des Nationalistes. Une analyse sévère et précise des causes de l’échec algérien, la mise à nu des tares de l’opposition nationale, la dissection du mécanisme des événements et des rouages de la société métamorphose d’un coup les motifs d’une révolte contre un régime en principes d’action contre un Système. C’est le premier cocon révolutionnaire. 

    Dans l’approche qu’elle porte sur les événements, les idées et les hommes, la critique positive applique le paramètre du réalisme biologique entrevu à la dimension du monde blanc, autrement dit de la conscience raciale. Ce nouveau paramètre qui transcende dorénavant toute la démarche critique, bouleverse les frontières nationales arbitraires qu’il replace sur leurs lignes de front naturelles : celles du sang, deuxième cocon révolutionnaire.

    Le réalisme biologique détient en effet la clé déterminante qui permet de saisir et de comprendre tous les points d’appui idéologiques du puzzle religieux, culturel et politique du Système, ses tenants et aboutissants. La conscience révolutionnaire identitaire européenne vient d’éclore, troisième cocon révolutionnaire.

    La théorie a désormais trouvé ses assises. Merci Dominique Venner !

    Le sacrifice aura été lourd : une défaite, des victimes et des tragédies par milliers, des condamnations, des remises en question et des revirements doctrinaux radicaux. Mais la métamorphose est un succès : les rebelles désordonnés, parfois burlesques d’une Algérie française désormais incompatible avec les nouveaux axiomes, ont mué en révolutionnaires d’avant-garde, en une élite capable de juger et d’expliquer les événements parce que maître d’une doctrine de la connaissance, c’est-à-dire maître d’une vue-du-monde.

    Et c’est cela, désormais, qui comptera.

    C’est à cette époque que beaucoup parmi nous sont entrés dans le combat révolutionnaire, comme d'autres, il faut bien le dire, entrent dans un ordre. La foi en la révolution, la vision d’un monde nouveau, la certitude d’incarner une idée juste et nécessaire devenaient le moteur de tout ce à quoi, désormais, nous aspirions : abattre dès que possible un Système qui condamne l’idéal européen d’un type humain supérieur qui voue les masses ahuries au culte suicidaire du métissage, qui déclare hors-la-loi les valeurs les plus élémentaires de l’esprit européen classique : le culte des valeurs viriles, le courage, le goût du risque, l’esprit de discipline et de maîtrise de soi, la loyauté, la fidélité au serment, la soumission au devoir, la noblesse du travail, le mépris du lucre.

    Rongée par les métastases du Système l’Europe a dégringolé, en un temps record, les marches de l’Olympe et elle n’en finit plus de végéter dans quelques sous-sols Monoprix de la société marchande, tandis que les grands mythes conducteurs de notre culture s’évanouissent dans la mémoire des nouvelles générations à proportion égale des ahurissements multiformes qui les broient, à l’âge judéo-américain qui a troqué Périclès, Faust ou Mozart contre les pitres shootés du show-business, les zombies en matière plastique repeints en blanc à la Michael Jackson. Puis, au fil du temps, la notion de Révolution s’est encore métamorphosée dans une idée enchanteresse, un peu comme si Merlin l’avait enfouie dans quelque tréfonds de notre conscience, aussi insaisissable et aussi mystérieuse qu'un archétype, à cheval sur la prise de conscience intolérable d'une réalité humaine, politique, sociale, culturelle de plus en plus abjecte – et une vision du monde qui nous emplit, comme un empire intérieur, nous guide et nous oriente à travers les déchets biologiques d’une société moribonde effondrée au milieu de ses ruines que l’on évalue à leur pesant de surconsumérisme adipeux, d’individualisme termitophile, de couardise épidermique, de soumission mécanique, de bêtise cultivée, à force de pousser les ténèbres dans les catacombes d'une Europe qui s'éloigne à pas de métis de son sang, de son esprit et de ses dieux.

    La révolution, ironise Dominique Venner, n’est ni un bal costumé ni un exutoire pour mythomanes. Depuis maintenant un demi-siècle que nous ruminons ce mot, nous avons appris à mesurer l’importance qu’il faut donner aux idées, l’efficacité qu’il faut donner à l’organisation et le sérieux qu’il faut consacrer à la tactique et à la stratégie, toutes choses déjà écrites dans Critique Positive, plus actuelle que jamais depuis que des nationaux de carton à la Poujade ou de plastique à la Le Pen n’ont cessé d’illustrer et de confirmer les tares de ce qu’il faut bien appeler la maladie infantile du nationalisme. Mais Révolution n’est encore que le prénom de la révolution identitaire encore à l’affût de l’étincelle qui fera s’embraser le volcan.

    L’Action Européenne veut être précisément la synergie des ateliers révolutionnaires pour nous équiper de concepts et d’idées qui sont à la Résistance ce que les munitions sont aux armes, pour mieux organiser les moyens de la Résistance, pour mieux renforcer l’efficacité de cette Résistance. Elle veut rassembler tous ceux qui savent que si la nation s’est transformée en fonds de boutique ou en bazar d’Anatolie, l’âme du peuple, son histoire, sa conscience, sa pensée, continuent de palpiter, de battre, de vivre dans l’âme, dans la conscience et dans la volonté de celles et de ceux qui en sont devenus les gardiens et les éveilleurs!

    Nous sommes mes amis les éveilleurs de l’âme de notre race et les gardiens de son sang! A ceux qui l'auraient peut-être oublié, rappelons-le : nous sommes en guerre !

    Une guerre à mort, la guerre du globalisme contre les Peuples, la guerre de l’arbitraire contre le droit, la guerre du nomadisme contre l'enracinement, la guerre de l'or et de la marchandise contre le Sang et le Sol, la guerre des planétariens contre les identitaires. La même guerre, deux fois millénaire, qui commença entre Athènes et Jérusalem et qui se poursuit avec des moyens autrement efficaces et décuplés entre une Jerusalem washingtonisée et une Athènes élargie au monde blanc tout entier.

    Une guerre de tous les instants, de tous les lieux, de tous les pays qui soumet nos peuples au harcèlement permanent d'un ennemi pluriforme qui parle toutes les langues et porte toutes les peaux, qui colporte tous les mensonges, même les plus invraisemblables, qui s’adonne à toutes les perfidies, même les plus inimaginables, et qui mène, d'un bout à l'autre du globe, la guerre la plus dangereuse, la plus barbare, la plus totale que de mémoire d’homme on n’ait jamais connue.

    Une guerre qui laisse abdiquer la raison des plus faibles, fait vaciller leurs consciences, endort leurs instincts, leur fait oublier les racines, empoisonne leurs organismes.

    Guerre politique, par le biais des gouvernements au pouvoir et des partis à la laisse du pouvoir ; guerre juridique, par le biais de magistrats métamorphosés en inquisiteurs ; guerre répressive, par le vote de lois de plus en plus arbitraires ; guerre professionnelle, par le biais des dénonciations qui mettent en péril les salaires ; guerre publicitaire généralisée qui fait la promotion du métissage à tous les degrés et à tous les endroits, sur l'affiche du métro comme dans la salle d'attente de la gare, dans le catalogue de la Redoute ou le prospectus du supermarché, le commentaire du musée ou la lettre pastorale du village ; guerre nutritionnelle et énergétique, que mènent des sociétés criminelles à la Monsanto, qui pillent les ressources pour imposer des aliments manipulés ; guerre médiatique de la presse écrite, parlée, télévisée ; guerre culturelle, par le biais du cinéma, du théâtre, de la peinture, de l'architecture ou des arts en général, lesquels ne sont plus valorisés pour leur qualité intrinsèque mais admis ou refusés selon qu'ils sont ou non "politiquement corrects" ; guerre pédagogique, qui soumet les enfants au pilonnage des éducateurs du Système ; je vous ferai grâce du sermon du dimanche auquel, vous avez, j’espère, militants identitaires, le privilège insigne d'échapper!

    1. La révolution identitaire – son nom l’indique – sera d’abord une révolution du Sang et du Sol. Le Sang est l'alpha de la vie d'un Peuple et de sa culture mais il peut devenu aussi l'omega de sa dégénérescence et de sa mort si le peuple ne respecte plus les lois naturelles de son homogénéité. Le sol est le corps spatial du Sang dont il importe de circonscrire les frontières et d'assurer la protection. L’éthologue de pointe Irenäus Eibl-Eibesfeldt le dit clairement : les ethnies obéissent, pour se développer et pour survivre, à des mécanismes d’auto-protection identitaire et territoriale qui sont le moteur de l’évolution. La révolution identitaire sera une révolution ethnopolitique qui bouleversera les données habituelles de la géopolitique. Car nous sommes conscients d'appartenir au même phylum génétique, quelles que soient ses variantes germaniques, celtiques, grecques, romaines ou slaves. Eibl-Eibesfeldt est là aussi catégorique : la population européenne est encore, aux plan biologique et anthropologique, homogène et parfaitement bien caractérisée.

    2. La révolution identitaire sera une révolution religieuse, parce que fidèle à la plus longue mémoire indo-européenne, et culturelle, parce que organique et enracinée par opposition à la civilisation planétaire égalitariste américano-occidentale, civilisation cosmopolite du capitalisme apatride et sauvage, de l’économie et du matérialisme érigés en valeur absolue. Une civilisation qui a décrété, ignominie suprême, par un retournement spectaculaire des valeurs européennes, que le destin des hommes, dorénavant, serait assujetti à celui des marchands!

    3. La révolution identitaire sera une révolution écologique qui mettra fin au mythe mortifère de la croissance continue qui fait courir le monde à la catastrophe et qui est, pour reprendre une phrase de Gustave Thibon le propre des chutes plus que des ascensions. Favorable à la théorie de la décroissance, elle s’emploiera à mettre un frein radical aussi bien à la surconsommation absurde qu’au néo-barbarisme de l’exploitation inconsidérée qui saccagent et polluent l’environnement, épuisent les ressources, menacent la santé. L’environnement n’est pas seulement un espace de vie, l’environnement donne un sens à notre vie. Il est à notre corps, à notre esprit et à notre âme ce que sont les arbres pour la forêt.

    4. La révolution identitaire sera une révolution économique : nous sommes tous conscients que le capitalisme apatride et marchand est une des têtes du Mal absolu. Il faut trancher impérativement cette tête monstrueuse si l’on veut rendre justice aux hommes et à la terre. Nous déclarons la guerre à l'évangile du Profit et nous condamnons le veau d'Or à l'abattage. Le socialisme "qui est pour nous l'enracinement, la hiérarchie, l'organisation" commence, là où finit le marxisme, constatait Moeller van den Bruck. Pour ajouter qu’il "ne peut être compris qu’en se plaçant à un point de vue juif. Ce n’est pas par hasard que tous les traits de Marx sont mosaïques, macchabéiques, talmudique". Le libéralisme qui "a miné les civilisations, détruit les religions, ruiné des patries" a pris la relève du marxisme. Le cosmopolitisme continue l'internationale, les technocrates ont pris la place des bureaucrates et ce sont, encore et toujours, les mêmes lobbies macchabéiques qui continuent d’exploiter la planète et d’assujettir les peuples. La révolution identitaire saura s’inspirer du socialisme français dans la tradition de Proudhon et de Sorel et du socialisme allemand organique. Ce socialisme identitaire, sera, mes amis, le principe du nouvel Empire européen, fondé sur une définition de l’homme dans laquelle l’éthique de l’honneur, le courage, l’énergie, la loyauté, le civisme retrouveront les rôles naturels qu’ils ont perdus. Le socialisme identitaire, au service exclusif de la Communauté du Peuple, sera consubstantiel de l'économie organique, elle-même conçue comme un organisme vivant et hiérarchisé, soumis à la volonté du Politique. Voilà pourquoi notre révolution sera une révolution ethno-socialiste! C’est à Pierre Vial que nous devons cette définition.

    Je décèle dans l’immédiat 3 priorités majeures :

    1. La création d’une Académie Identitaire.

    2. La coordination d’actions communes dans tous les pays où notre mouvance a pris pied. Eugène Krampon propose aussi la création d’un Komintern identitaire.

    3. Pour être opératifs demain, il est impératif que les Lois du nouvel État soient déjà formulées. Des spécialistes du Droit Constitutionnel peuvent déjà formuler les axiomes et les lois du nouveau Droit identitaire. Y compris les chefs d’accusation qui permettraient d’assigner devant les nouveaux tribunaux les apprentis sorciers du métissage organisé.

    Sachons être donc la minorité agissante qui a compris, comme le disait Maurice Bardèche, que "cette tâche immense nécessite un vaste outil de travail de préparation et de formation", qui a su forger une conscience révolutionnaire, qui sait que "rien ne sera fait tant que les germes du régime ne seront pas extirpés jusqu’à la dernière racine", tant que l’on n’aura pas expliqué "au peuple combien on l’a trompé", et comment on le mène sur le bûcher de son éradication raciale ; la minorité agissante "pénétrée d’une nouvelle conception du monde", maîtresse d’une doctrine claire qui réussit à convaincre les plus incrédules par "sa mystique, son exemple, sa sincérité", qui enseigne "un ordre politique fondé sur la hiérarchie du mérite et de la valeur et qui apporte une solution universelle aux problèmes posés à l’homme par la révolution technique" (critique positive).

    Devenons pour cela les nouveaux corps francs de la Révolution, soyons les éveilleurs de notre peuple, forgé par le même sang, soudé dans la même volonté, uni autour du même destin! Le défi est immense, certes, à la limite de la raison, mais qu’importe, mes amis, car c’est de cette folie que la sagesse accouche, c’est de cette volonté que la vie se garde et c’est de ce désespoir que rejaillit l’espérance!

    À condition de le savoir, à condition d’y croire, à condition de le vouloir.

    >>> http://www.europaeische-aktion.org/Artikel/fr/Lavenement-...


    http://fierteseuropeennes.hautetfort.com

  • « Les génocides de Staline » de Norman M. Naimark

    Livre présenté par Camille Galic.

    En ce soixantième anniversaire de la mort (dans son lit, et couvert d’honneurs) du « Petit Père des peuples », est-il enfin temps d’admettre que les similitudes « entre le nazisme et le stalinisme sont trop nombreuses pour être ignorées » et qu’ « en fin de compte », si Adolf Hitler fut un génocideur, Joseph Staline le fut aussi ? C’est la conclusion du grand universitaire américain Norman M. Naimark, spécialiste de l’ère soviétique à l’université de Stanford, dans son livre court et assez mal écrit mais dense, « Les génocides de Staline ». C.G.

    Les génocides de Staline

    Les génocides de Staline

    Pour beaucoup d’entre nous, et bien avant la publication du Livre noir du communisme (Robert Laffont, 1997) dû à Stéphane Courtois, le caractère génocidaire des régimes issus du marxisme-léninisme était une évidence, l’ancien zek croate (et ci-devant trotskiste) Ante Ciliga l’ayant par exemple établi dès 1938 dans Au pays du grand mensonge  (Gallimard). Mais le sujet reste explosif.

    Peut-on comparer « crimes soviétiques » et « horreurs nazies » ?

    Moins en raison, désormais, de l’opposition des communistes que de l’OPA lancée par Israël et la diaspora sur le terme de génocide ainsi que l’explique Naimark dans un premier chapitre (« La question du génocide ») passablement embarrassé et plein de formules propitiatoires sur la barbarie du IIIe Reich et l’unicité de la Shoah qui, « pour nombre de raisons, doit être considéré comme le pire cas de génocide de l’époque moderne » ainsi qu’il le répète in fine à l’usage de ceux qui n’auraient pas compris. « L’horreur fondamentale inspirée par l’Holocauste, insiste ainsi l’universitaire états-unien, influence à juste titre notre appréhension d’un certain nombre de questions politiques et morales importantes. Du fait précisément que l’Union soviétique eut un rôle primordial dans la victoire sur le nazisme et perdit 27 millions de citoyens contre le monstre qui engendra Auschwitz et Babi Yar, il existe une réticence considérable et compréhensible à classer les crimes soviétiques dans la même catégorie que les horreurs nazies. »

    Cela constaté, il faut passer aux choses sérieuses, c’est-à-dire à l’examen des faits. Et ceux-ci sont accablants, qu’il s’agisse de la liquidation des « ennemis de classe » ou de celle de peuples catalogués comme potentiellement dangereux pour l’avenir radieux du socialisme.

    Après la dékoulakisation, l’Holodomor

    Parmi les premiers, les Koulaks, surnom d’ailleurs obscène donné aux paysans aisés. Plusieurs « dizaines de milliers » d’entre eux furent « rapidement éliminés » en 1929 et « plus de deux millions » envoyés au Goulag où 250.000 succombèrent « dans la seule période 1932-1933 ». Une cadence que l’on devait revoir au moment des grandes purges organisées par Staline à la fin des années 1930 et destinées à décapiter toute opposition… et toute concurrence, la famille et l’entourage (parfois simplement professionnel) des adversaires et des rivaux potentiels du maître du Kremlin étant sur son ordre exprès « exécutés comme des chiens » et, dans le meilleur des cas, déportés dans ce que Soljenitsyne devait appeler l’archipel.

    Parmi les seconds, les Baltes, les Polonais (22.000 morts dont Staline tenta jusqu’à Nuremberg de faire endosser la responsabilité au chancelier allemand) et les Ukrainiens trop attachés à leurs traditions et à leurs spécificités, religieuses notamment, et donc réputés réfractaires à l’idéologie communiste. D’où la terrifiante « Holodomor », famine systématiquement organisée en Ukraine par Lazare Moïsseïevitch Kaganovitch – qui, lui aussi, mourut dans son lit, presque centenaire. Cette disette sans précédent fit au minimum 6 à 7 millions de morts et entraîna cannibalisme et nécrophagie dans « un cycle de dé-civilisation » dûment programmé, selon Naimark.

    La moitié des Tatars et 38% des Kazakhs anéantis !

    Mais l’historien mentionne d’autres cas qui sont moins connus, tel celui des Tatars de Crimée, des Tchétchènes et des Ingouches, massivement déportés et dispersés dans des déserts d’Asie centrale car « destinés à l’élimination, sinon physique, du moins en tant que nationalités ayant leur identité propre ». Résultat : sur les 190.000 Tatars déplacés, « 70.000 à 90.000 moururent pendant les premières années d’exil », du fait de la faim et des conditions climatiques extrêmes succédant à d’interminables acheminements en train, sans eau ni nourriture – ce qui devait être dix ans plus tard le lot des Allemands chassés des territoires germaniques de l’Europe de l’Est et eux aussi « expulsés » dans des conditions inhumaines, tragédie tacitement occultée mais récemment dévoilée par un autre universitaire américain, R. M. Douglas (*).

    Autre région sinistrée et délibérément dépeuplée car on connaissait à Moscou l’ampleur des réserves en hydrocarbures du territoire, le Kazakhstan : « Le nombre de décès attribuables à la famine fut de 1,45 million, 38% de la population. » Si l’on ajoute que « beaucoup de Kazakhs furent abattus parce qu’ils essayaient de fuir leur pays », le génocide est ici aussi avéré. De même que dans le cas d’ethnies sibériennes jugées par Staline « irrationnelles » car numériquement insignifiantes… et donc non viables de toute façon !

    Qu’en disent nos belles âmes toujours si sensibles, à juste titre, au sort réservé aux Indiens des deux Amériques par les Espagnols puis les Yankees ?

    Humanité Staline

    L’indécent hommage de L’Huma

    Nonobstant, la plupart des démocrates patentés y allèrent le 5 mars 1953 de leur hommage ému au grand disparu. En France, cependant qu’une minute de silence était observée à l’Assemblée nationale à la demande du président Herrriot, Le Monde, déjà « quotidien de référence », célébrait en Staline « l’homme qui a réconcilié la Russie et la révolution au point de les rendre inséparables » et qui « a aussi permis à l’homme de remporter sur la nature quelques-unes de ses plus magnifiques victoires » – on sait au prix de quels désastres pour l’environnement, tel l’assèchement de la mer d’Aral. Et L’Humanité, fidèle à elle-même, titrait à sa une sur « Le deuil de tous les peuples ».

    Ceux, du moins, qui avaient survécu au génocidaire Staline… Lequel n’avait d’ailleurs rien inventé (M. Naimark n’insiste pas suffisamment sur ce point) mais simplement porté à son paroxysme le système hérité de Lénine, créateur dès son décret de décembre 1917 des Kontzentratzionyé lageri, autrement dit des camps de concentration où devait périr, exécutés ou malades, affamés et à bout de forces, plus du dixième de la population soviétique de l’époque.

    Camille Galic http://www.polemia.com
    21/03/2013

    Normam M. Naimark, Les génocides de Staline, Ed. L’Arche 2012, 140 pages avec notes, 15 €. Traduction de Jean Pouvelle.

    Note :

    (*) Voir http://www.polemia.com/mot-clef/les-expulses/