Imperturbablement, Philippe Randa poursuit la rédaction, puis la publication en recueil de ses chroniques barbares. Il s’agit d’un passage au crible de l’actualité du moment. Et l’actualité du moment – de tous les moments – dans notre France socialiste, c’est une succession d’évènements, de rebondissements incroyables, comme la France n’en a pas connu. Philippe Randa chronique ici l’année 2013. N’oublions jamais que nous sommes d’une génération qui aura vécu cette année 2013, qui aura assisté en direct à tout cela. Nos enfants, nos petits-enfants, nos arrière-petits-enfants étudieront cette année comme tout à fait exceptionnelle, unique, dans l’histoire de France.
Ce fut donc l’année des extraordinaires affaires Cahuzac, DSK (pour ses excroissances – si l’on peut dire – Sofitel et autres), Depardieu, Dieudonné, Léonarda, Taubira, le harem de Hollande (trop de femmes à citer !), mais aussi l’année de la quenelle, de la banane, de l’ananas, du mariage homo, des bonnets rouges, des seins nus des femen… Dans toute l’histoire de notre pays, depuis Clovis, voire depuis Vercingétorix, jamais nous n’avons vécu une période aussi extraordinairement chahutée, hilarante, grotesque. Notre France, dans sa très longue histoire, a certes connu des heures sombres, terribles, même parfois, mais le grand guignol, rarement, et à si haute dose, à si grande fréquence, jamais ! Et je pense sincèrement qu’après Hollande, nous ne connaitrons plus jamais un tel vent de folie. De folie collective.
Avant cette année 2013, on faisait encore des gorges chaudes à propos des crises de démence du président Deschanel. Mais c’était il y a presque cent ans. Et les quelques facéties de ce fou sympathique n’ont aucun rapport, ni dans leurs conséquences, ni dans leur dimension, ni dans leur fréquence, avec le délire qui s’est emparé non seulement d’un homme – démocratiquement élu –, de ses maîtresses, de ses ministres, mais aussi de quasiment toute la classe politique au cours de l’année écoulée.
Philippe Randa a tout chroniqué ! Le livre que vous avez entre les mains représente en quelque sorte la quintessence de ce qu’il faudra retenir de cette année de délire. L’un de ses papiers est titré : « 9% de Français satisfaits. Vite des noms ! ». Nous en sommes bien là : après ces saturnales politiques, notre pays est entré dans un incroyable processus de décadence. Nous sommes distancés par tous les grands pays industrialisés, nous avons largement – peut-être irrémédiablement – dévissé, et l’opinion des Français à l’égard de leurs gouvernants a dévissé de même. La bouffonnerie a des limites.
Au point qu’on en arrive même à se demander à présent, avec Philippe Randa, qui peuvent bien être ces 9 % de Français satisfaits ? Randa étudie toutes les hypothèses. Il additionne avec sagacité les fabricants de bonnets rouges, la poignée d’homosexuels candidats au mariage (minoritaires, en fait, dans leur propre minorité), quelques dizaines de milliers de crapules libérées grâce à Madame Taubira, quelques dizaines de milliers d’autres qui espèrent y échapper, toujours grâce à elle. Mais nous n’arrivons cependant pas aux 9%. Il ne reste plus alors qu’à citer Nietzche (mais Philippe Murray ou Cioran ont fait des constats à peu près identiques) : « L’absurdité d’une chose n’est pas une raison contre son existence ; c’en est plutôt une condition. »
J’ai connu Philippe Randa il y a très, très longtemps. Je serais bien incapable de dire quand. Nous avons eu quelques projets communs qui ont duré ce que durent les roses, mais qui n’ont pas été inutiles pour autant (tout comme les roses). Je l’ai lu beaucoup, à travers ses revues, ses journaux (Pas d’Panique, Flash…), ses livres. Et aujourd’hui, grâce à ses chroniques, j’ai la chance de pouvoir le lire désormais chaque semaine au moins, sur mon écran d’ordinateur.
Par mon métier, je passe énormément de temps devant mon écran, comme tous les managers (on dit maintenant managers et plus cadres ou dirigeants), en particulier ceux qui travaillent dans des structures internationales (on dit entreprises globales, ou multilocales et plus multinationales). Je suis en webinar (ces conférences audio à plusieurs), en train de résoudre d’effroyables dossiers sociaux, avec des interlocuteurs dispersés dans le monde entier. Et soudain un message s’affiche, sur mon écran, un titre : « On achève bien les truies » ; une signature : Philippe Randa. Et tandis que le meeting international se poursuit, dans cet anglais-volapük qui est désormais la langue de travail universelle, je ne peux m’empêcher de pianoter, d’ouvrir le mail, de le lire, et de me plonger, sourire aux lèvres, dans la nouvelle chronique, qui expose les dernières frasques sexuelles de notre DSK (inter)national, commentées par l’une de ses vieilles maitresses, maquée avec Le Nouvel Observateur, Marcela Iacub… magie d’internet !
— Hi, Francis, you don’t answer ? What is your opinion ? What will be your position ?
À ce moment précis, je pensais à d’autres positions, à d’autres opinions. Vite, je ferme le message, et me replonge dans l’inextricable bourbier économico-social du moment.
Mais je me dis que la vraie vie, elle était là, dans la chronique de Randa, en fait.
Revenons à ce livre, Les Apprentis-sorciers du mondialisme. Comme Randa, je pense que la conquête des cœurs et la guerre des idées et des mots se joue maintenant sur la toile, et plus dans les pages des livres. Randa l’explique très bien d’ailleurs, dans l’une de ses chroniques. Le livre est cher à éditer, il est donc vendu cher. Et il prend de la place, me soutiennent mes trois fils, qui ne lisent plus que sur liseuses (misère, que deviendront les 30 000 livres de ma bibliothèque ? Que feront mes fils de ces dizaines de Décombres que j’ai achetés et que je continue à acheter, au fur et à mesure que j’en trouve, afin de me construire un mur de Décombres, le pamphlet de Rebatet, pour m’isoler des miasmes du monde actuel ?).
Mais si le livre n’est sans doute plus l’arme royale de nos combats politiques et métapolitiques, il a néanmoins une immense vertu : il n’est pas virtuel. Il restera. Et parce qu’il est cher, il matérialise un degré supplémentaire dans la valeur de l’écrit. Je crois fermement que dans l’avenir seuls les textes importants seront publiés sur papier, tandis que la toile continuera à absorber le tout venant, le document fugitif, le tract. Et de ce point de vue, la publication de ces chroniques, après leur diffusion sur nos écrans d’ordinateurs, en consacre bien l’importance. Car dans cet exercice très difficile consistant à commenter à chaud l’actualité, sans faire rasoir, et en essayant plutôt de nous faire sourire, Philippe Randa est excellent. Encore une fois l’année 2013 a vraiment été une année propice pour qu’il nous montre une fois de plus son talent.
Francis Bergeron est journaliste et auteur de nombreux livres sur la vie politique française et la littérature, ainsi que de plusieurs biographies (Léon Daudet, Saint-Loup, Henri Béraud, Maurice Bardèche, Henri de Montfreid, Hergé, Paul Chack); il est également romancier pour la jeunesse avec sa série à succès « Le Clan des Bordesoule ». Il préside par ailleurs l’Association rétaise des Amis de Henri Béraud.