Le secrétaire général de FO, qui n’avait pas mâché son hostilité à la loi El Khomri, a pu paraître indulgent à l’égard des ordonnances d’Emmanuel Macron.
Ceux qui pensent que le « girouettisme », comme l’écrivait Balzac, est l’apanage des politiciens ou de l’opinion publique se trompent : il peut toucher aussi le syndicalisme. C’est ainsi que Jean-Claude Mailly, secrétaire général de FO, qui n’avait pas mâché son hostilité à la loi El Khomri, a pu paraître très indulgent à l’égard des ordonnances d’Emmanuel Macron. Résultat : ses troupes se rebellent.
Le Comité confédéral national, composé de 103 unions départementales (UD) et 26 fédérations, contestant très majoritairement la ligne qu’il avait adoptée, a dénoncé la casse du Code du travail et donné un mandat impératif au bureau confédéral pour organiser une mobilisation interprofessionnelle avant la ratification des ordonnances par l’Assemblée nationale.
Les 12 et 21 septembre, la moitié des UD et plusieurs fédérations avaient déjà bravé les consignes en défilant avec la CGT. Jean-Claude Mailly a dû s’incliner : lundi, il réunira le bureau confédéral exécutif, mais exclut toute démission : « Non, je ne démissionne pas, arrêtons l’intox », lance-t-il dans un tweet.
On peut légitimement se demander pourquoi le secrétaire général de FO a opéré un tel revirement. On ne lui fera pas l’injure de supposer qu’il ait marchandé avec Emmanuel Macron, qu’il tutoie, quelque poste pour sa retraite – il doit passer la main en avril 2018 et son dauphin est désigné. Du reste, il est courant qu’un dirigeant syndical se voie confier une responsabilité honorifique ou effective quand il a cessé ses fonctions.
Il faut donc trouver une autre explication à son changement d’attitude entre 2016 et 2017. Sans doute n’a-t-il pas apprécié que le précédent gouvernement se soit appuyé quasi exclusivement sur la CFDT pour imposer la loi El Khomri, le rejetant au second plan et dans l’opposition. Alors qu’il doit, dans quelques mois, quitter ses fonctions, il veut sans doute se recentrer et quitter FO après avoir restauré son image d’organisation syndicale réformiste, qui fut chère à André Bergeron. Bref, il soignerait sa sortie de scène.
Jean-Claude Mailly se targue d’avoir renoué avec le dialogue social et réussi à convaincre Emmanuel Macron de redonner du pouvoir aux branches professionnelles. Il espère, aussi, que son souci du dialogue et du compromis permettra à FO d’affronter, dans une meilleure position, les prochains débats – qu’il juge encore plus importants : l’indemnisation du chômage, la formation et la réforme des retraites. Seulement, voilà : la base, peut-être plus proche des réalités quotidiennes, ne voit pas les choses comme lui et se rebelle.
FO se proclame officiellement indépendante. De fait, entre les deux tours de la présidentielle, contrairement à la plupart des autres confédérations, elle n’a pas donné de consigne de vote : Jean-Claude Mailly a simplement rappelé son « rejet de tout racisme, xénophobie ou antisémitisme » – ce qui n’est pas exempt de tartuferie. Mais chacun sait que FO est un pot-pourri où – héritage de son histoire ? – l’extrême gauche voisine avec la gauche ou la droite. Il n’est pas impossible que se dessine, ici ou là, telle ou telle influence.
On ne peut donc exclure, dans cette querelle intestine, des arrière-pensées politiciennes. Au-delà se pose la question de la représentativité des organisations syndicales, notamment de leurs appareils qui, bien qu’élus démocratiquement, ne sont pas toujours au service exclusif de leurs mandants. Comme on le voit, aussi, avec le gouvernement actuel qui prétend que 66,1 % des Français ont approuvé les engagements de campagne d’Emmanuel Macron. Mais cela, c’est un autre problème !
http://www.bvoltaire.fr/reforme-code-travail-rififi-a-force-ouvriere/