Les radars resteront comme l’un des grands symboles de la révolte des gilets jaunes : l’exaspération qu’ils ont suscitée, avec l’imposition du 80 km/h, a littéralement mis le feu aux pays – et aux radars. Le conducteur d’avril 2019 peut constater, tous les jours, ces symboles de sa victoire dans ces radars bâchés, brûlés, vandalisés. Le ministre Castaner rappelait, le 1er mars, l’ampleur de la défaite de l’État : 75 % des 2.000 radars installés en France ont été « soit détruits, soit détériorés, soit attaqués, soit neutralisés ». Pour une fois, ses chiffres étaient justes. On ne triche pas sur les prises de guerre.
Eh bien, la jacquerie n’est pas encore terminée que l’État n’a rien trouvé de mieux que l’installation, sur tout le territoire, de nouveaux radars, « plus puissants », plus efficaces, plus indestructibles que les autres.
En pleine sortie du grand débat, alors qu’Édouard Philippe annonçait, hier, des « mesures puissantes » et que l’exécutif prétend, une nouvelle fois, avoir « entendu », on ne sait s’il faut rire ou pleurer. Erreur de communication et de tempo ? Volonté explicite de mettre au pas la France rebelle et exaspérée ? Le symbole est inouï, de maladresse ou d’arrogance.
Ces super-radars, baptisés « radars tourelles », du nom de code « Mesta fusion 2 » (on imagine que les versions 3 et 4 sont déjà en préparation), permettront un contrôle multifonction : la vitesse, bien sûr, mais en fonction du type de véhicule, mais aussi le respect des feux rouges ou des distances de sécurité, le franchissement d’une ligne continue, la conduite avec un téléphone, le port de la ceinture de sécurité. Il ne manque plus que le captage de propos injurieux à l’égard du Président. Et, après le radar-tourelle, le radar-mirador afin de remettre les automobilistes au pas, dans tous les sens du terme.
En outre, ces radars seront plus difficiles à attaquer : perchés sur des mâts à 4 m de haut, ils seront aussi plus robustes. Ils pourront scanner plus de 100 véhicules sur 5 voies dans les 2 sens sur une portée de 100 m de chaque côté. Actuellement en phase d’expérimentation, leur déploiement a commencé dans l’Hexagone : à terme, ils seront 2.000, auxquels il faudra ajouter 4.000 cabines leurres. Certains préfets ont d’ores et déjà annoncé que leur département serait rapidement doté d’une centaine d’engins. C’est le cas de l’Oise et de la Haute-Loire. Comme par hasard, des départements de cette France très « gilets jaunes ». Si cela ne ressemble pas à une expédition punitive du pouvoir central contre la France périphérique qui a osé s’insurger… Décidément, ce pouvoir a une main de fer et ne s’embarrasse pas du gant de velours.
On est stupéfait de voir que l’une des premières réponses du pouvoir à la sortie du grand débat est on ne peut plus rétorsive. Face à la révolte historique des gilets jaunes, Emmanuel Macron n’a rien trouvé de mieux que de continuer dans la voie de la répression encore plus systématique de l’automobiliste. Avec ces radars perchés, on se demande vraiment comment finira ce quinquennat d’un Président lui-même… perché.