Profitant de la chaleur de l’été, Mateo Salvini a décidé de sonner le glas de la coalition pour le moins disparate que son parti, la Ligue, formait depuis quinze mois avec le M5S. Le système est entré en résistance.
Trop d'oppositions de fond avait fini par rendre improbable cette volonté de politique commune. Et puis les sondages étaient là qui lui promettaient une majorité bien plus confortable. Pour l'heure, le système entend cependant résister à la pression populaire.
Le président italien n aura guère eu le choix ! Sous les coups de boutoir que Matteo Salvini, le bouillant ministre de l'Intérieur, a donné à la coalition à laquelle il avait décidé de participer, Sergio Mattarella n’a pu qu’accepter la démission du chef du gouvernement, Giuseppe Conte, actant une fois de plus le fait que, en Italie, la majorité serait véritablement introuvable. En Toscane, où j’ai laissé, quelques jours, traîner une oreille intéressée, Certains interlocuteurs n'hésitent pas en faire monter la cause à la délicate question de 'l'unité italienne.
Quoi qu'il en soit, et pour laisser de côté une réflexion qui nécessiterait d'importants et profonds développements, il est manifeste que Matteo Salvini a su créer la perspective d’une telle majorité. Même dans certaines villes réputées de gauche, il a aujourd'hui des défenseurs qui ne sont pas quelques éléments épars, mais des noyaux constitués.
Cette ouverture à la stabilité devrait rassurer une classe politique qui, pour avoir le sang chaud, semble pourtant se lasser d'une inconstance du pouvoir dans laquelle s’épuisent les forces vives du pays. Bien au contraire ! Sans même s'arrêter sur la mesquine question des prébendes que d'aucuns devraient abandonner, l'intelligentsia italienne s'inquiète surtout de voir l'homme fort de la Ligue pointer vigoureusement du doigt l'Union européenne pour lui préférer ses compatriotes.
Il faut dire que Matteo Salvini a - même pour un Italien - son franc-parler. « Je ne veux pas que l'Italie soit l'esclave de qui que ce soit, je ne veux pas que l'Italie soit enchaînée comme un petit chien », lance-t-il pour expliquer une vision politique qui, s'il pouvait un jour l’appliquer, irait à rebours des souhaits bruxellois. On a beaucoup évoqué, au Quirinal et dans les principales officines politiques romaines, la vision budgétaire de la Ligue - et sans doute plus murmuré encore sur la perspective d'un retour à la lire.
La peur du pouvoir
Mais l'Italie - l'Italie politique du moins -n’est pas prête. Il lui faudra sans doute être rattrapée par les électeurs pour comprendre qu'il est difficile à la péninsule de prétendre trouver à Bruxelles l'unité qu’elle peine à se forger elle-même.
En attendant, elle refuse donc de sortir des sentiers battus. En démissionnant de la présidence du conseil (avant de la retrouver), Giuseppe Conte avait reproché à Matteo Salvini de vouloir être l'homme fort de l'Italie, avec les « pleins pouvoirs ». Comme si Brutus avait fait davantage pour Rome que César.
On assiste donc à une nouvelle coalition, un nouvel attelage aussi mal assorti que le précédent. Certes, il est manifeste qu'il y a, entre le M5S et le Parti démocrate, une accointance idéologique, et que l'Italie reprend le virage à gauche, qui ne lui a guère réussi jusqu'ici.
De la même façon, on nous dit que le nouveau gouvernement est pro-européen. Sans sourciller alors que le précédent était dénoncé comme populiste. Le M5S étant la cheville ouvrière de ces deux alliances successives, cela signifie-t-il qu'il entend tourner sa veste ? Ou qu'il a masqué son jeu afin d'obtenir cette alliance « tout sauf Salvini » ?
Dans les deux cas, ses électeurs devraient s'en ressouvenir lors des prochaines élections, quelle que soit la date à laquelle elles doivent intervenir, eux dont une partie de l'Europe a dénoncé le « populisme ».
Il n’est jamais mauvais d'être dans l’opposition. Encore moins si la façon dont on y est projeté peut apparaître d'une criante injustice. Certes, Salvini a sans doute eu tort de croire trop tôt que sa bonne étoile était arrivée. Pour autant, ses adversaires prennent un grand risque en moquant sa popularité, et en annonçant sa mort politique.
De fait, Salvini annonce réunions et manifestations. Il est donc clair que les Italiens n’ont pas fini d'entendre parler de lui. Car les règles politiciennes n'ont pas de sens pour lui. Il est, avant tout, un indiscipliné comme le souligne Marie d’Armagnac dans l’essai - Matteo Salvini, l'indiscipliné éd. L’Artilleur) - qu elle vient de lui consacrer.
Avis à ceux qui, emportés par le tourbillon du jeu politicien, l’ont un peu vite enterré. Il leur rétorque d ailleurs dans un tweet « Fabrizio De André mon poète préféré a répondu à la question de savoir quelle était sa meilleure chanson "Celle que je dois encore écrire " Pour l'appliquer à la politique tôt ou tard, il faudra aller au vote J'étais et je reste un homme libre »
Hugues Dalric monde&vie 12 septembre 2019