Le taux de syndicalisation en France est l'un des plus bas au monde. On explique cette anomalie par la faiblesse historique de notre tradition syndicale et l'inertie des grandes confédérations. Mais il faut l'inscrire dans le cadre plus large des bouleversements qui ont affecté la société occidentale depuis une trentaine d'années. À commencer par l'individualisme.
Les riches heures du syndicalisme fiançais semblent derrière lui. Comme entré dans une sorte d'hiver syndical, il connaît tout à la fois une crise d'audience, une crise du recrutement et une crise du militantisme, du moins au niveau des grandes confédérations (c'est moins vrai des syndicats autonomes, même si leur succès ne fait que souligner la crise du syndicalisme « représentatif »). On le vérifie avec les grandes grèves, qui ne touchent plus que les catégories de salariés protégés. De leur côté, les militants syndicaux sont de plus en plus âgés, de plus en plus souvent retraités, principalement composés de fonctionnaires ou de personnels à statut. C'est comme si on assistait à un épuisement du syndicalisme (à l'heure où sa nécessité se fait sentir plus que jamais), par compression des effectifs, vieillissement des cadres et blocage des appareils. Si la montée du chômage de masse, la précarité grandissante, les restructurations, la fermeture des grands bastions syndicaux, la transformation de l'appareil productif, les délocalisations expliquent en partie ce phénomène de désyndicalisation, son ampleur en France ne laisse pas de surprendre. L'exception française s'en trouve confortée. Plus intense et brutale qu'ailleurs, la désyndicalisation doit donc avoir chez nous des causes spécifiques liées à l'histoire du syndicalisme hexagonal, de création récente (la CGT en 1895, la CFTC en 1919 et FO en 1947) et profondément divisé, à la différence de ses voisins européens.
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