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anti-national - Page 1203

  • Eric Anceau : « La trahison des élites »

    Eric Anceau est un historien français, maître de conférence à Paris IV-La Sorbonne et enseignant à Sciences-Po, spécialiste du Second Empire et des élites en France de 1815 à nos jours. Il a notamment écrit une biographie de référence de Napoléon III. (NDLR)

    « Aujourd’hui, l’élite est en complet déni de la réalité et en totale incapacité de proposer une issue raisonnable à la crise dans laquelle elle a largement contribué à précipiter le pays.»

     

     

     

    « Que les élites dirigeantes puisent leur légitimité dans la tradition, le charisme ou la légalité, selon la typologie bien connue proposée par Max Weber (1919), elles doivent savoir gérer les crises qui, périodiquement, frappent les sociétés dont elles ont la charge pour se maintenir au pouvoir. Faute de l’avoir compris, la noblesse française, crispée sur ses privilèges et désireuse d’en obtenir davantage, a tout perdu en ouvrant, entre 1787 et 1789, la boîte de Pandore d’un réformisme incomplet parce qu’exclusivement destiné à lui profiter.

     

    Depuis, le rôle de nos élites est plus complexe. Au travers de quinze changements de régimes, elles sont restées au pouvoir sous divers avatars dans le cadre d’une démocratisation relative mais réelle et au prix de concessions importantes. Dans sa fresque monumentale, La Responsabilité des dynasties bourgeoises (1943-1973), Beau de Loménie présentait l’extraordinaire capacité des mêmes familles et des mêmes réseaux à se maintenir au sommet, en dépit d’effondrements nationaux dont ils étaient, en grande partie, responsables, et qui s’étaient payé à chaque fois par l’occupation et le démembrement du territoire : 1815, 1870, 1940 ! Caricatural dans ses détails – l’auteur relayait par exemple le « mythe des deux cents familles » –, le tableau présentait un fond de vérité. Au cours des Trente Glorieuses, ces mêmes élites n’en ont pas moins défini une nouvelle politique sociale, construit une industrie moderne et animé, à partir de 1958, sous la direction du général de Gaulle, un régime qui a fait rayonner la France. Lorsque mourut Beau de Loménie en 1974, sa fresque semblait décrire un passé révolu.

     

    En 1960, Raymond Aron lui-même évoqua une démocratie libérale chimiquement pure et préservée de tout péril majeur par le contrôle que des catégories dirigeantes différenciées exerçaient les unes sur les autres. Il n’occultait cependant ni les menaces, ni les limites qui pesaient sur le régime selon son cœur. L’un de ses collègues d’outre-Atlantique, Charles Wright Mills n’avait-il pas publié quatre ans plus tôt The Power Elite dans lequel il décrivait, force chiffres et exemples à l’appui, la collusion entre le monde politique, les magnats du capitalisme financier et le lobby militaro-industriel qui menaçait l’essence de la démocratie américaine ? De fait, la France ne fut pas épargnée.

     

    En 1977, Pierre Birnbaum dénonçait dans Les Sommets de l’État, l’interpénétration de la politique et de l’administration. Le phénomène ne fit que s’accélérer au cours des décennies suivantes, au point que désormais la classe politique, la haute fonction publique, le grand patronat industriel, le monde de la finance et de nombreux journalistes travaillant pour les médias mainstream ne composent plus qu’une seule élite. Le clivage gauche-droite hérité de 1789 est devenu secondaire. Une véritable oligarchisation du pouvoir est même en cours. Le népotisme actuel dépasse celui qu’ont connu nos défuntes monarchies. Comme l’ont montré maints ouvrages récents dont les enquêtes édifiantes de Sophie Coignard et Romain Gubert, L’Oligarchie des incapables et de Noël Pons, La Corruption des élites, ce phénomène s’accompagne d’un dévoiement de l’expertise et de multiples conflits d’intérêts.

     

    Aujourd’hui, l’élite est en plein rejet du passé, en complet déni de la réalité et en totale incapacité de proposer une issue raisonnable à la crise dans laquelle elle a largement contribué à précipiter le pays. Revenons brièvement sur cette trahison, au sens où l’élite manque à l’immense responsabilité dont elle est investie.

     

    Depuis la Révolution, les élites ont réussi à se perpétuer au pouvoir parce qu’elles ont su ajuster notre modèle d’État-nation aux transformations du monde, aux crises intérieures et aux périls extérieurs. Après la Première Guerre mondiale, certains avaient cherché à encourager le dialogue direct des associations internationales et des régions par-dessus les États, lors de la Conférence de Versailles, mais ils avaient échoué devant l’opposition des gouvernements. L’avènement des États-Unis en tant que superpuissance changea la donne après 1945. Nul n’ignore le rôle que ceux-ci jouèrent dans la construction européenne lors de la Guerre froide.

     

    Le discours sur la péremption des États-nations de la Vieille Europe, d’abord limité à quelques cercles atlantistes, à la Conférence Bilderberg et à la Trilatérale a fini par gagner Bruxelles, Luxembourg, Francfort et Paris. Il est devenu le discours dominant de l’élite. L’universalisme français né durant les Lumières et développé par la Révolution missionnant la Grande Nation pour le propager à travers le monde a été transformé en un cosmopolitisme dissolvant. De façon improbable il y a encore trente ans, le néolibéralisme, la démocratie-chrétienne et le gauchisme libertaire finissent par se retrouver dans une forme de pensée unique post-nationale. Nombre de « féodaux » à la tête de nos régions attendent impatiemment le moment proche où ils vont bénéficier de la gestion des fonds structurels.

    Le peuple qui conserve son attachement à l’État-nation, à la démocratie et à la République est qualifié au mieux de poujadiste, au pire de nationaliste

    Déjà méprisé, le peuple qui conserve son attachement à l’État-nation, à la démocratie et à la République est qualifié au mieux de poujadiste, au pire de nationaliste, alors même que le printemps arabe et l’émergence de puissances comme la Chine, l’Inde ou le Brésil soulignent la vitalité des États-nations. Ainsi que Renan l’écrivait : « L’existence des nations est la garantie de la liberté qui serait perdue si le monde n’avait qu’une loi et qu’un seul maître ».

     

    Des discours exclusivement passéistes et radicaux apportent de l’eau au moulin de l’élite, mais ne suffisent pas à éradiquer le patriotisme, comme la victoire du « non » au référendum de 2005 l’a montré. Une grande partie de l’élite partage donc le vœu formulé par l’universitaire américain Bryan Caplan dans The Myth of the Rational Voter (2008) : il faudra bien remplacer la démocratie par le marché, puisque le peuple est ignare mais indispensable à la consommation. L’ère post-démocratique annoncée par Jürgen Habermas, Hubert Védrine ou Emmanuel Todd est peut-être proche.

     

    S’ajoute le complet déclin du sens du service public et désintéressé face au libéralisme-libertaire du gagner-toujours-plus-pour-jouir-davantage. Le culte de l’argent et les rémunérations disproportionnées ont progressé au cours des dernières années, en raison de la financiarisation de l’économie et de l’impuissance à établir des contrôles et des freins efficaces. Comme Christopher Lasch l’a montré dans La Révolte des élites et la trahison de la démocratie (1994), il n’est pas surprenant que l’élite qui démissionne de son rôle historique pour défendre ses privilèges et ses intérêts particuliers impose la règle de la non-règle, entonne l’hymne de la pluralité et ne soit guère disposée à lutter contre une tendance d’une partie de nos compatriotes à se penser non en citoyens appartenant à une même république, mais en individualités relevant de communautés.

     

    Les médias qui avaient joué un rôle essentiel dans l’affirmation de la nation et dans l’épanouissement du vivre-ensemble ont promu de faux maîtres à penser dans le cadre d’une « société du spectacle » et d’un « festivisme » dénoncés par Guy Debord et par Philippe Muray.

     

    Au vrai, une forme de schizophrénie française amène notre élite à osciller entre la confiance aveugle en elle-même et la haine de soi, telle que définie en 1930 par Theodor Lessing et qui s’applique si bien à nombre de nos dirigeants conscients de leur impuissance. L’instinct grégaire, le conformisme et l’incapacité à penser la complexité internationale amènent l’élite, d’une part, à s’en remettre à la fraction d’entre elle – les financiers – la plus en phase avec la mondialisation et accessoirement qui maîtrise l’usage de l’anglais, à défaut d’avoir su prévoir et vaincre la crise et, d’autre part, à rejeter tous ceux qui pensent différemment.

     

    Notre seul prix Nobel d’économie, Maurice Allais, mort en 2010, n’était plus invité nulle part, parce qu’il avait eu le malheur de dénoncer le dogme du libre-échange. La formation élitaire à la française porte ici une part de responsabilité comme de nombreuses études l’ont montré depuis une trentaine d’années.

     

    Tout concourt donc à amener l’élite à s’exonérer de la mission qui lui incombe : penser la France telle que son histoire l’a faite, telle qu’elle est et telle qu’elle devrait être, ni figée dans son passé, ni soumise à une réformite aiguë mal pensée et destructrice, mais réformée raisonnablement, stratégiquement et courageusement, pour continuer de tenir un rang dans le monde de demain. La situation actuelle présente quelque analogie avec 1788 et nos dirigeants doivent prendre garde, car comme l’écrivit Vilfredo Pareto en 1916, « l’histoire est un cimetière d’élites ».

     

    Ils doivent retrouver au plus vite l’intelligence du cours des choses dans cette crise qui n’est pas seulement politique, économique et sociale. Elle risque de les emporter et notre civilisation avec eux. Le grand philosophe de l’histoire, Arnold J. Toynbee nous a prévenus : « Les civilisations ne meurent pas assassinées. Elles se suicident. »

     

    Source Facebook  http://www.fdesouche.com

  • La France d’en-bas contre l’Europe d’en-haut par Georges FELTIN-TRACOL

    Le 29 mai dernier, à une forte majorité, le corps électoral français a rejeté la ratification du Traité constitutionnel européen (T.C.E.). Trois jours plus tard, le 1er juin, les électeurs néerlandais ont fait de même, plus massivement encore. Cette double victoire du non a plongé l’eurocratie dans la consternation, l’hébétude et la rage. Malgré la nette victoire du oui survenue au Luxembourg le 10 juillet suivant, l’état comateux du T.C.E. demeure.

     

    La vigueur du non français a surpris les observateurs. Il signifie le cinglant désaveu du peuple envers une certaine manière de faire campagne. Matraqué par une intense propagande « oui-ouiste » orchestrée par la quasi-totalité du personnel politique, reprise et démultipliée par la grande presse et les grands médias, l’électeur, d’instinct, s’est opposé à ce nouveau « bourrage de crâne ». « Ce non est bien évidemment une réaction automatique, immédiate, à l’ultimatum qu’a été dès le début ce référendum, commente Jean Baudrillard. Réaction à cette coalition de la bonne conscience, de l’Europe divine, celle qui prétend à l’universel et à l’évidence infaillible, réaction à cet impératif catégorique du oui, dont les promoteurs n’ont même pas supposé un seul instant qu’il pouvait constituer un défi – et donc un défi à relever. Ce n’est donc pas un non à l’Europe, c’est un non au oui, comme évidence indépassable » (Libération, 17 mai 2005).

     

    Déçus, amers et vindicatifs (comme le prouve l’hallucinant et édifiant éditorial de July dans Libération du 30 mai), les tenants du oui ont beau jeu de souligner l’hétérogénéité du non. Pour la circonstance, la distinction gauche-droite a su s’éclipser au profit d’une convergence circonstancielle et momentanée de périphéries radicales, contestataires et oppositionnelles contre un centre modéré, gouvernemental et installé. D’après les enquêtes d’opinion, la majorité des électeurs « nonistes » provient de la gauche. Pour le démographe Hervé Le Bras, il ne fait aucun doute que « la carte des résultats du référendum donne un verdict clair : le non de 2005 épouse la géographie de la gauche, pas celle de l’extrême droite » (Libération, 1er juin 2005). « L’importance de la victoire du non, insistent Bruno Cautres et Bernard Denni, doit donc assez peu aux souverainistes qui, à la différence de 1992, ne se retrouvent en nombre qu’au F.N. et au  M.P.F. » (Libération, 7 juin 2005). Annie Laurent confirme cette analyse en précisant qu’« à l’aune des élections régionales de 2004, la gauche parlementaire représente 44 % du vote non, la droite parlementaire 18 % et le F.N. 28 % » (Le Figaro, 14 juillet 2005). « Pour le philosophe Philippe Reynaud, signale Nicolas Weill, “ ce qui l’a emporté, c’est avant tout une problématique sociale, antilibérale et anticapitaliste ” » (Le Monde, 4 juin 2005).

     

    Un non pluraliste

     

    La part de la gauche dans le succès du non est indéniable. Il faut toutefois appréhender ce non de gauche comme passéiste et rétrograde. Tout au long de la campagne, les dissidents des Verts et du P.S. (Fabius, Mélenchon, Emmanuelli, Montebourg), José Bové, le P.C.F., la L.C.R., Lutte ouvrière, l’extrême gauche et la C.G.T. ont défendu l’« exception française », les « acquis sociaux » et le droit illimité et incompressible à la « gréviculture ». Critiquant surtout la troisième partie économiciste du texte, ils ont encouragé une certaine conception de la France, sœur jumelle survivante de l’Albanie maoïste d’Enver Hodja, dernière réserve à dinosaures bourdivins, ultime « Sovietic Park » au monde. La gauche revendicative a favorisé un non de résignation, car elle est incapable de comprendre les défis du XXIe siècle, aveuglée par une grille de lecture antédiluvienne remontant à la Ire Révolution industrielle ! Ne soyons pas surpris d’y retrouver d’indécrottables utopistes, d’ineffables pacifistes et de pitoyables tiers-mondistes. Ainsi, Libération (31 mai 2005) rapporte le témoignage d’un étudiant appelé Jérôme qui a voté « non » parce qu’il n’a « pas envie de créer une seconde superpuissance qui, comme les États-Unis, pillerait les pays d’Afrique » (sic). La sottise idéologique reste d’actualité !

     

    La deuxième composante du non rassemble la nébuleuse souverainiste, national-républicaine et nationiste, c’est-à-dire le F.N. et le M.P.F., bien évidemment, mais aussi le M.N.R., les gaullistes de Charles Pasqua et de Nicolas Dupont-Aignan, les chevènementistes, les royalistes, le Parti des travailleurs de Daniel Gluckstein (catalogué « national-trotskyste »), les chasseurs de C.P.N.T., etc. D’une argumentation plus fondée, leur non n’est pas moins présentiste et paradoxal. Ils condamnent, à juste titre, ce qu’entreprend l’Europe technocratique, c’est-à-dire l’éradication et le remplacement des identités populaires par un grand marché planétaire, tout en reproduisant cette démarche ethnocidaire dans l’Hexagone. Plus exactement, la bureaucratie bruxelloise reprend la méthode jacobine républicaine hexagonale afin d’édifier un super-État centralisé européen. Ne s’exemptant pas de contradictions, ils défendent avec acharnement la langue française, mais méprisent les langues régionales et vernaculaires ! Au nom d’une francophonie mythique, ils acceptent les migrants du Maghreb et d’Afrique noire, mais accusent le « plombier polonais » et la « coiffeuse hongroise » de « manger le pain des Français ». Dans Le Figaro du 31 juin 2005, un certain Nordine, chauffeur de taxi de son état, explique son vote négatif par un raisonnement xénophobe : « L’Europe va s’épuiser en voulant renflouer l’Est. Les Roumains et les Polonais que je vois ici ne respectent rien. » Tiens donc ! Les « jeunes » des banlieues qui brûlent les voitures viendraient-ils d’Europe de l’Est ? L’information sensationnelle vaut son pesant de cacahuètes. Le discours souverainiste atteint ici ses limites. Son fixisme autour d’une France idéalisée par les « quarante rois qui… » (on connaît la chanson) et les « hussards noirs de la République », l’empêche de comprendre les grandes mutations de notre temps. Il est intéressant de remarquer que les territoires dont les élus sont des ténors de l’État-nation (la Vendée pour Philippe de Villiers, les Yvelines pour Christine Boutin, Maison-Laffitte pour Jacques Myard, les Hauts-de-Seine pour Charles Pasqua) ont porté le oui en tête.

     

    La dernière catégorie du non ressort de la marginalité. Elle n’en est pas moins fondamentale, car porteuse d’une ambition européiste s’appuyant sur l’identité, la souveraineté et la puissance. C’est un non d’avenir qui entend bouleverser l’actuel paysage politique et politiser l’enjeu européen. C’est déjà en bonne voie puisque « les référendums sur l’Europe réussissent là où échouent les élections au Parlement européen : créer un espace démocratique pour organiser le débat autour de la construction européenne » (B. Cautres et B. Denni, art. cit.). Ce non d’avenir dépasse de loin le non droitier et le non gauchiste. En effet, « si l’on retient qu’il s’agissait d’abord d’un non identitaire s’opposant à un élargissement sans limites, à une fédéralisation d’éléments clés des politiques nationales, et à une réduction des protections sociales nationales sans contreparties apparentes pour les salariés exposés, la réponse ne peut résider dans un replâtrage de l’Union. C’est une refondation de la construction européenne qui s’impose » (Christian Saint-Étienne, Le Figaro, 18 et 19 juin 2005). Et l’auteur d’ajouter, avec pertinence, que « le non social est un non identitaire au sens où les salariés ont l’impression qu’on veut casser les protections nationales pour mieux les laminer dans une Union qui, du fait d’un élargissement sans limites, a changé de nature ». « Est-ce à dire que la question sociale primerait désormais sur la question nationale ? “ L’une et l’autre sont liées ”, fait observer l’historien de l’Europe Robert Frank, de l’université Paris-I. Le chômage que la France connaît depuis des décennies représente un ferment “ destructeur de l’identité nationale ”. Aujourd’hui, pense M. Frank, “ l’identité nationale est multiple et superpose plusieurs attachements, régionaux, nationaux mais également européens ”. Plutôt que de malaise, il préfère parler d’une “ crise de l’identité européenne des Français ” » (Nicolas Weill, art. cit.).

     

    Préparer la Grande Europe identitaire et populiste

     

    Dépassant la stupide et stérile querelle gauche-droite, le non d’avenir identitaire et populiste, car populaire, sait, comme semble le convenir Emmanuel Todd, que « les milieux populaires, ouvriers et employés, représentent 50 % du corps électoral, et que cette proportion explique les instabilités du système politique français. Les ravages du libre-échange, dont souffrent les milieux ouvriers, ont encore radicalisé leur révolte. […] La vraie nouveauté est l’entrée en fureur d’une parties des classes moyennes » (Emmanuel Todd, Le Nouvel Observateur, 9 – 15 juin 2005). Attirons toutefois l’attention sur le discret mépris à l’égard des couches populaires. E. Todd semble leur reprocher l’instabilité politique comme s’il croyait que la politique ne fût que la version sophistiquée de La Petite Maison dans la prairie et non l’acceptation du conflit. C’est indéniable : « le non, de “ gauche ” ou d’extrême droite, confirme le géographe Jacques Lévy, contient une incontestable composante nationaliste, à la fois sous la forme d’un protectionnisme commercial, relancé à propos des services par la directive Bolkenstein, et d’un refus de la libre circulation » (Libération, 1er juin 2005). Il en résulte « une recomposition du champ politique. Au clivage gauche-droite s’est substituée une ligne de partage qui oppose schématiquement le “ peuple ” aux “ élites ”, les radicaux aux modérés, les électeurs anti-système à ceux qui se reconnaissent dans les partis de gouvernement. En ce sens, le 29 mai n’est pas un nouveau 10 mai, mais bien plutôt un super-21 avril. Or cette recomposition s’est opérée autour du rapport à l’État et à la nation. Plus précisément, la question sociale a rejoint la question nationale » (Claude Weill, Le Nouvel Observateur, 9 – 15 juin 2005).

     

    Plus généralement, la victoire du non démontre la faillite des oligarchies. Le 29 mai restera comme une magnifique claque donné à un Établissement plus attiré par les lubies mondialistes libérales-libertaires de la « Nouvelle Classe » que par les inquiétudes légitimes du peuple. Il est cependant navrant d’employer le beau mot d’« élite » pour désigner les couches dirigeantes maffieuses qui monopolisent la politique, l’économie, les syndicats, la culture, les médias, et qui asservissent la France. Si elles forment une élite, c’est très sûrement dans la gabegie des ressources, le détournement des finances et le conformisme politique ! Elles sont les élites de la nullité; une parodie d’élite. Le seul terme adéquat qui leur convient est celui d’« oligarchie ». Dans Sinistrose. Pour une renaissance du politique (Flammarion, 2002), Vincent Cespedes observe que la France vit en non-démocratie : en-dehors de l’exercice d’un droit de vote formel et illusoire car sans grand effet, le citoyen est réduit à la figuration politique. Le fort taux de participation sur un sujet a-priori jugé compliqué par les oligarques prouve a contrario l’intérêt du peuple pour la Res Publica.

     

    Emmanuel Todd croit que « les gens du oui ont choisi leur défaite. Les gens du oui, compétents, les élites, se sont refusé, ou ont été incapables, de définir une Europe effectivement protectrice » (art. cit.). La dénonciation reste bien modeste. Traduirait-elle en fait sa lassitude et son agacement de Todd de faire partie des perdants, une fois encore après Maastricht en 1992 ? « La classe politique française toute entière porte dans cet échec une énorme responsabilité, écrit pour sa part Alain Caillé. Vis-à-vis de l’Europe, elle n’a su que cumuler arrogance, ignorance et incompétence. Arrogance aussi longtemps qu’elle a cru pouvoir donner le la en Europe. Ignorance de la réalité des autres pays qui rejoignaient l’Europe. De la réalité tout court. Incompétence dans le rapport aux nouvelles institutions européennes. Les députés français y brillent plus souvent par leur absence que par leur force de proposition. Force est de constater qu’aucun des grands partis français n’a su développer un discours sur l’Europe, totalement absente de la dernière présidentielle ou des dernières législatives » (Libération, 24 mai 2005). « Cela signifie, poursuit Jean Baudrillard, la faillite du principe même de la représentation, dans la mesure où les institutions représentatives ne fonctionnent plus du tout dans le sens “ démocratique ”, c’est-à-dire du peuple et des citoyens vers le pouvoir, mais exactement à l’inverse, du pouvoir vers le bas, par le piège d’une consultation et d’un jeu de question / réponse circulaire, où la question ne fait que se répondre oui à elle-même » (art. cit.). Le scrutin du 29 mai 2005 indique l’état de sécession du peuple. Son exaspération peut, à plus ou moins long terme, virer en révolution, avec le risque d’une reprise en main possible par les gauchistes et leurs alliés islamistes.

     

    Néanmoins, « le non identitaire ouest-européen pourrait servir de socle à un renouveau de la construction européenne [car] s’interdire d’analyser les non français et hollandais pour ce qu’ils sont, c’est s’interdire de penser la refondation de l’Europe. L’avenir de l’Europe ne peut se construire que sur la vérité et la lucidité » (Christian Saint-Étienne, art. cit.). La construction européenne voulue par ses fondateurs dans une direction intégratrice fonctionnaliste paie maintenant au prix fort son absence de politisation. « Car, insiste Alain Caillé, le défaut majeur auquel a succombé la construction européenne est connu : avoir préféré l’élargissement économique à sa consolidation politique » (art. cit.).

     

    L’urgente et souhaitable politisation ne doit pas toucher que les instances européennes, elle doit aussi concerner la France et ses terroirs. L’alternative est désormais simple : ou les oligarchies sourdes, autistes et aveugles poursuivent leur travail de dissolution des identités ethniques, culturelles et populaires dans le grand chaudron de la mondialisation avec les inévitables réactions de résistance et de rejet, ou les peuples retrouvent leur citoyenneté,  recouvrent, enfin, le pouvoir de décider de leur destin.

     

    Georges Feltin-Tracol http://www.europemaxima.com

  • 3000 SOLDATS AMERICAINS POUR L’AFRIQUE: Verrouiller le continent, limiter la Chine…

    Michel Lhomme
    Ex: http://metamag.fr/

     

    Le service de presse d’Army Times vient de rapporter que les Etats-Unis s’apprêtent à envoyer plus de 3 000 soldats un peu partout, en Afrique, pour 2013. Pour le Major Général, David R. Hogg, « En ce qui concerne notre mission, c’est un territoire vierge ». Menteur ! Depuis quelques années, de plus en plus de soldats américains stationnent sur le continent africain et même, si le Général Hogg ne le dit pas, le but de la mission américaine est claire : verrouiller au plus vite le continent africain. 
      
    Pour les Américains, il y a urgence face à l’avancée commerciale de la Chine sur tout le continent. En fait, l’armée américaine effectue annuellement à peu près une douzaine d’opérations importantes en Afrique et pour ces opérations, des troupes et du matériel, y compris sophistiqué, sont réellement engagées. Pour les Etats-Unis, avoir un pied, militairement, dans tous les coins du continent, limiterait le risque que leurs intérêts ne soient pas protégés dans des régions où de réelles menaces existent en ce qui concerne l’’accaparement de terres agricoles ou l’exploitation de minerais rares. 
     
     
    Le Mali dont on parle beaucoup, a été le site, récemment, d’un exercice militaire US du  nom  de « Atlas Accord 12 » qui a fourni aux militaires maliens une formation dans le domaine aérien. Quelques hauts-gradés maliens ont été formés ou ont suivis des stages à West Point. En fait, Paris a lâché l’Afrique depuis longtemps et les Etats-Unis préfèrent faire le travail eux-mêmes, en tout cas, diriger les opérations, superviser dans le pré-carré français, les armées nationales qui étaient pourtant traditionnellement en relation avec Paris ou avec nos écoles militaires. 

    Opérations US en Afrique en 2012
     
    Pour illustrer cette ingérence américaine en Afrique, quoi de mieux que de dresser la liste des opérations américaines qui se sont déroulées, au cours de l’année 2012, en différents points du continent africain :
    - « Cutlass Express », un exercice naval visant ce qu’on appelle la «piraterie» dans la région du Bassin de Somalie.
    - « Africa  Endeavor 2012 », basée au Cameroun, centrée sur la formation et la coordination en communications militaires. Tous les « renseignements » passant maintenant par le réseau américain Echelon. Nous avions d’ailleurs, déjà dit ici, qu’au Sahel, la France est obligée de passer par les services américains pour savoir ce qui s’y passe dans le « détail » !
    - « Obangame Express 2012 », exercice naval  pour assurer une présence dans le golfe de Guinée, région au cœur d’opérations pétrolières en Afrique occidentale.
    - « Southern Accord 12 », basée au Botswana dont le but était d’établir des relations de travail entre les forces militaires d’Afrique australe et les Etats-Unis.
    - « Western Accord 2012 »,  exercice militaire au Sénégal, impliquant tous les types d’opération, des exercices de tirs à la collecte d’informations et au combat de tireurs d’élite.
     
    D’autres exercices de même nature aux noms tels que « African Lion », «Flintlock » et « Phoenix Express » ont aussi eu lieu. De plus, des unités de Gardes Nationaux US ont effectué des rotations dans des pays qui incluent entre autres, l’Afrique du sud, le Maroc, la Tunisie, le Nigéria, le Libéria et le Ghana. Des entreprises de sécurité privées américains se sont installées en Mauritanie et dans tout le Sahel.
     
    Les communiqués de presse du US Africa Command (AFRICOM) suggèrent que ces opérations sont bénéfiques tant pour les Etats-Unis que pour l’Afrique. Leur message central est que les militaires US et Africains sont des partenaires dans la guerre contre le terrorisme et d’autres formes de soulèvement. Mais ce n’est pas en réalité du partenariat, c’est de la défense classique d’intérêts économiques et stratégiques.
     
    25% des besoins américains en  pétrole vers 2015 seront africains

    Un rapport du Bureau de Recherche du Congrès sur les plans d’exploitation US a été publié par WikiLeaks. On y lit « en dépit des conflits dans le delta du Niger et d’autres régions productrices de pétrole, le potentiel pour des forages en profondeur dans le golfe de Guinée est élevé et les analystes estiment que l’Afrique pourra fournir près de 25% des besoins américains en pétrole vers 2015. » 
     
     
    Le document cite un officiel US du Département de la défense : « …la mission principale des forces US (en Afrique) est d’assurer que les champs pétrolifères du Nigéria …soient sûrs ». Au moins, le propos est-il clair. C’est pourquoi, les Etats-Unis seraient satisfaits que des actions militaires menées par des Africains visent les militants et les groupes mafieux qui sabotent les oléoducs et les opérations des  compagnies pétrolières occidentales en Afrique occidentale. Parallèlement, en raison de l’accroissement de leurs importations de pétrole, les Américains s’opposent vigoureusement  à toute velléité africaine d’exclure par la force les dites compagnies du Delta du Niger même si leurs pipelines qui fuient ont ruiné d’innombrables hectares de terres agricoles et d’eaux poissonneuses et ont provoqué un véritable désastre écologique de toute la région.
     
     
    Les intérêts de l’Afrique sont, on le voit bien, en perpétuel conflit avec ceux des Etats-Unis comme avec ceux de la Chine. Les dirigeants africains continuent de leurrer leur peuple en s’attaquant souvent dans la presse africaine à la France ou aux Européens alors qu’ils se couchent honteusement, à tour de rôle, devant les Chinois ou les Américains. 
     
    Curieusement, il n’y a pas eu de réaction africaine sérieuse à cette annonce du renforcement de la présence de soldats US sur leur sol. Si l’Europe était une puissance, si la France n’avait pas abandonné honteusement l’Afrique, le vrai partenariat, le seul partenariat possible, le partenariat euro-africain aurait pu préserver le continent africain de la politique des vautours et des chacals. 
     
    On a mal à l’Afrique, on pleure l’Afrique américanisée ou chinisée. 

     

  • Le SIEL aux avant-postes de la mobilisation nationale contre le prétendu "Mariage" homosexuel

    Le SIEL s'élève contre le projet de loi instituant un prétendu "mariage" homosexuel, qui, outre qu'il ne correspond pas à la définition du mariage, aurait immédiatement ou plus tard de graves retentissements : modifications en profondeur du code civil, adoption par des couples homosexuels, procréation dite "médicalement assistée", gestation pour autrui…

    Le SIEL, qui défend le modèle familial, s'inquiète des dérives juridiques et des bouleversements anthropologiques considérables qui malmèneraient les fondements de la civilisation française. Il appelle donc ses membres, amis et sympathisants à se joindre à la grande manifestation d'opposition nationale du 13 janvier prochain.

    Alors que les débats sur l'embryon humain et l'euthanasie sont également au menu du calendrier parlementaire, le SIEL estime qu'une information plus précise doit être donnée aux Français sur le monde nouveau, mais pas nécessairement meilleur, qui se prépare; un monde où la règle du "genre" tentera de s'impose aux lois naturelles, où la vie, de la conception à la mort naturelle, ne sera plus protégée, où l'ensemble de la vie sociale serait peu à peu soumise aux seules lois de la marchandise et de la jouissance individuelle. Il n'est pas sûr qu'une majorité de Français veuillent de ce monde, ni qu'ils en mesurent les conséquences, immédiates ou lointaines : sur tous ces bouleversements, une longue réflexion collective est nécessaire.

    http://www.siel-souverainete.fr/

  • Les hauteurs béantes de l’école par Claude BOURRINET

     Il m’arrive d’écouter ce que colportent les médias, non que j’aie dans l’idée d’être informé correctement, mais il est toujours intéressant pour un dissident de prendre connaissance de la propagande exsudée par le système, pour peu qu’on maintienne une distance hygiénique et qu’on possède les clés permettant de décoder certains messages. Pour celui qui ne se contente pas d’avaler sa bouillie quotidienne sans broncher, l’information, ou la déformation, si l’on veut plus de précision dans le sens, offre plusieurs strates de significations. Tels mots, apparemment dotés d’un signifié univoque, de façon biaisée connotent des associations idéologiques beaucoup plus insidieuses, et stratégiquement participent d’une vaste économie rhétorique destinée à promouvoir certaines thèses, ou, plus directement, d’instaurer dans le champ du bavardage médiasphérique, un rapport de force définitif.

     

    Les études qui ont toute l’apparence de la scientificité donnent à des discours dont l’innocente partialité est parfois stupéfiante un semblant de poids et de sérieux qui en grugent beaucoup. Les soi-disant débats qu’on nous assène depuis maintenant plusieurs décennies sur l’école et ses problèmes en sont des illustrations probantes, quoique assez stupéfiantes, si l’on y réfléchit bien, les doses de poison ingérées par le pauvre Mammouth ayant été assez importantes pour le terrasser définitivement. Ce qui aurait d’ailleurs permis de clore définitivement toute dispute, parce qu’un cadavre n’a plus de problèmes… si n’avait été, on se demande pourquoi, une sourde résistance du terrain, perverse et suspecte, atterrante si l’on veut bien se rappeler la sensibilité gauchère de l’ensemble de corps enseignant. D’aucuns les accuseraient presque de défendre des intérêts de classe inavouables, tant leur comportement va à l’encontre d’un projet on ne peut plus généreux, puisqu’il vise à régler tous les problèmes de violence, d’inégalité, d’injustice que la société a encore de mauvais goût de générer (restant sourde aux messages bienveillants, aux pulsions fraternitaires de nos élites et de leurs ouailles).

     

    À propos d’injustice, justement, l’O.C.D.E., dont on ne saurait soupçonner l’intégrité morale, et l’objectivité de ses enquêtes, sinon l’honnêteté scientifique de ses analyses, lesquels visent à voir plus clair afin de construire un meilleur monde… marchand (le meilleur des mondes possibles), vient de publier un sondage montrant que ce sont les élèves français qui sont les plus sensibles au sentiment d’injustice. Cette souffrance devant l’échec, les mauvaises notes ou les retenues, voire les réprimandes, doit sans doute expliquer (peut-être justifier, pour certains) la dextérité avec laquelle quelques jeunes têtes blondes (plus ou moins) manient le couteau, de cuisine ou non. Comme disait Sartre, un révolté a toujours raison. Tant pis pour les maîtres, qui ont le malheur de ne pas se situer du côté des opprimés.

     

    Il faut dire qu’un de nos meilleurs usurpateurs en matière de pédagogie avait déjà évoqué la guerre civile pour s’en prendre à un enseignement trop autoritaire, directif, quasi-papiste ! Ouvriers, paysans, Indiens du Chiapas, immigrés, élèves, même combat ! À quand le cocktail Molotov ou la Kalachnikov ?

     

    Il est vain de vouloir discuter des chiffres dont les présupposés, l’objet délimité tendancieusement dont ils prétendent être le reflet (quel intérêt de comparer des pays complètement dissemblables sur d’innombrables points, comme la Finlande, la France, le Japon ?), et exploités de façon éhontée par des médias et des spécialistes complices n’ont d’objectif que d’écraser l’infâme. L’enfer étant pavé de bons sentiments, il est clair maintenant, sauf pour les crétins des syndicats d’instituteurs ou d’éducateurs, les hystériques des associations de parents d’élèves, animées d’ailleurs par des enseignants, ou bien les cyniques qui voient dans l’inculture généralisée l’équation enfin trouvée d’une société libérale avancée (vers quoi ?), que l’« improbable » accointance entre libertaires et libéraux trouve une légitimité dans la préparation d’un type humain, celui de l’avenir, dont nous voyons déjà les prémisses parmi les consommateurs apathiques, poreux au prêchi-prêcha, pulsionnels, ignorants, incultes, peu désireux d’en savoir plus, d’outrepasser les limites autres que celles des vitesses autorisées, des lignes de cocaïne et des portails des parcs d’attraction.

     

    Nous avons, il faut le dire pour ceux qui luttent encore avec la passion des amateurs de beauté, de culture humaniste et de vérité, que le combat est désespéré. Non point qu’il faille abandonner la lutte ! Ne serait-ce que l’honneur suffirait à être encore le dernier, en face de la barbarie s’élargissant comme une lèpre. Mais certains combats gagnent à être plus lucidement menés, si l’on veut avoir quelque chance de le gagner un jour. Car la résistance sur la ligne Maginot que constitue l’École républicaine, aussi cher à notre cœur son souvenir se présente-t-il à nous, qui en sommes issus, est une bataille perdue d’avance.

     

    Les destructeurs de cette belle tradition d’ailleurs n’ont pas tout à fait tort. Que disent-ils ? Que, massivement, la société a opté pour les habitudes beaucoup plus souples, pour un accès plus facile à des sources de connaissances certes plus superficielles, mais qui ont l’avantage d’élargir le champ de conscience à la planète, et de fédérer en un immense magma les affects autour de thèmes universellement reconnus, comme la compassion, les droits de l’homme, des animaux, de la nature etc., voire la simple défense du consommateur; que l’individu actuel, atome d’une société de l’avoir, poursuit une stratégie de réussite, de satisfaction, le plus souvent sensorielle, dont la portée sociale et collective est subordonnée à son égocentrisme, y compris quand il compatit avec son prochain dans les grands messes télévisées, comme le Téléthon; que les « Grands récits » ont disparu au profit des petites historiettes de chacun ou des « people »; que cet individu, bien campé sur des certitudes médiocres, à la hauteur de ses préoccupations matérialistes et vulgaires, se moque éperdument de l’épopée historique des ancêtres, et que les seuls frissons qui lui parcourent le corps se produisent face à des jeux vidéo, des films pour ados ou des matchs, qui en modulent la représentation fantasmatique et les mauvais rêves; que, de toute façon, l’essentiel est qu’il se prépare au travail en entreprise, argument suprême pour Monsieur Prudhomme; qu’enfin cet être engoncé dans la gaine émotionnelle et nerveuse, souffre de plus en plus difficilement toute idée de sacrifice, d’austérité, de labeur long et fastidieux, de ténacité (sauf dans le domaine commercial), d’effort et de discipline.

     

    Nous avons là un fort fidèle portrait de l’élève moyen tel que formaté par le système néo-capitaliste (ou post-soixante-huitard), lequel réclame, dans sa prétention à exhiber son ego, comme ses aînés, tous les droits d’expression, de débats démocratiques, de votes etc., dont notre société démagogique, qui repose sur le dogme de la volonté populaire, est prodigue.

     

    Et cette société, qui met dorénavant en avant, avec la forfanterie et la gouaille de maquignon qui sont les siennes, le droit à …, au lieu du droit de …, la revendication de la réussite pour tous, et, avec cette bêtise qu’elle tient de la culture stalinienne, évalue ses prétendus résultats (qui sont des escroqueries, comme tous les enseignants le savent) à l’aune de chiffres illusoires, les 80 % de reçus au baccalauréat, par exemple, et d’autres amuse-journalistes, ne peut qu’engendrer des frustrés, des ratés, des mécontents, des jeunes, à l’aube de leur existence, déjà empoisonnés par le ressentiment. D‘où le sentiment d’injustice, dans un pays qui a gardé de vieux réflexes de jacobins. Tout le monde docteur ou rien ! Comme l’indique un rapport de l’O.C.D.E., les familles accepteront plus facilement la baisse du niveau de culture et d’exigence que de se voir refuser l’accès aux classes supérieures. Comment alors s’étonner qu’il y ait 50 % d’échec en première année d’université quand il y a 100 % de réussite en fin de troisième ? Le report de toute sélection accroît bien évidemment la cruauté d’un nécessaire écrémage, in fine.

     

    Et, malgré tout, bien qu’on ne donne plus, depuis longtemps, à nos enfants, les armes pour réfléchir et voir plus clair dans leur destin (le rideau d’encre de nos pédagomaniaques, qui sont en fait des pédagocrates, ne fait que voiler la réalité crue, pour la bonne raison qu’ils présupposent tous que l’enfant, étant doté naturellement d’une intelligence que leurs aînés ne font que gâter, n’ont rien à apprendre, et qu’ils n’ont qu’à se construire par eux-mêmes), sentent obscurément qu’on leur ment et qu’on les conduit à l’abattoir. Cela ne les empêche pas, du moins par le truchement d’associations lycéennes et parentales fort minoritaires, d’en exiger toujours moins, moins de travail, moins d’autorité, moins de sélection.

     

    On peut bien sûr vouloir revenir à une conception plus saine de l’école : à chacun selon son mérite. Retourner au principe des filières serait probablement la solution la plus sensée, si n’était la passion pour l’égalité qui anime le débat public dans notre nation (bien que personne ne semble s’apercevoir que l’égalitarisme vulgaire actuel génère plus d’« injustices » sociales que naguère, du temps de l’école républicaine). La vérité demande de constater que le corps social et les mentalités ont tellement dégénéré, au point d’occulter les vraies valeurs, qu’il semble impossible de réformer à rebours, de détricoter un costume qui semble contenter beaucoup de monde, à commencer par les petits arrivistes qui en vivent. L’un des vices de la démocratie étant que le peuple offre bénévolement le bâton pour se faire battre.

     

    L’école de demain sera celle des identités. Elle sera tout le contraire de celle qui prévaut maintenant, aseptisée, amollie, inculte, uniformisée, catéchisée, déracinée, abêtie par les produits sirupeux de la modernité et de l’endoctrinement bien-pensant. Les élèves de la future Europe n’auront pas peur de l’adversité, ils ne crieront pas à l’injustice (tout ce qui nous arrive dépendant de notre responsabilité), ils auront du caractère, seront curieux, et rejetteront avec horreur la présomption d’être le sel de la terre. Ils sauront qu’on ne naît pas homme, mais qu’on le devient, que la souffrance peut être connaissance, que le plaisir et la possession sont méprisables au regard de ce qu’exige l’honneur d’être, que la hiérarchie est naturelle, que les Anciens en savent plus qu’eux, qu’il faut être respectueux et polis, car il n’est pas de société sans maîtrise de son comportement, que la recherche du bonheur passe par l’oubli de soi et la quête d’une plus grande vérité, celle qui nous a fait comme l’on est, nous, les Européens.

     

    Claude Bourrinet http://www.europemaxima.com

  • Arabie saoudite: l’allié problématique de Washington

    C’est avec un acharnement véritablement opiniâtre que l’Arabie saoudite défend ses intérêts stratégiques. Après les soulèvements d’Egypte et de Libye, où Ryad a chaque fois soutenu l’opposition islamiste, le royaume du désert arabique s’immisce désormais dans la guerre civile syrienne. Comme le rapportait le journal britannique “The Guardian”, le 22 juin 2012, les Saoudiens s’apprêtaient à financer les combattants de la dite “Armée Syrienne Libre”. Ensuite, des pourparlers étaient en cours entre les Saoudiens, d’une part, et des représentants des Etats-Unis et d’autres pays arabes afin de fournir des armes aux rebelles syriens, tant et si bien qu’on peut dire que l’Arabie saoudite et l’émirat du Qatar “entraient de plein pied sur le théâtre des affrontements syriens”.

    C’est donc clair désormais qu’une sorte de “division du travail” a été décidée entre les Etats-Unis et l’Arabie saoudite pour favoriser en Syrie un “changement de régime”. La réputation de Washington est bien écornée dans le monde arabe: c’est pourquoi les Etats-Unis se tiennent en apparence en dehors du conflit et font faire le travail sur le terrain par leurs alliés de la région. Dans ce contexte, les Etats-Unis cherchent à lier plus étroitement à leur politique et à celle de l’OTAN leur allié problématique qu’est l’Arabie saoudite, qui finance partout dans le monde les mouvements islamistes. Le secrétaire général de l’OTAN, Anders Fogh Rasmussen a déclaré, à l’occasion d’une visite au quartier général de l’Alliance Atlantique du ministre saoudien des affaires étrangères, Nizar Madani, à la mi-juin 2012, que l’Arabie saoudite était “un pays-clef dans la région et que l’OTAN serait ravi d’accueillir le royaume wahhabite comme partenaire lors de l’ “Istanbul Cooperation Initiative” (ICI)”. L’ICI a été créée en 2004 sous l’impulsion du Président américain George W. Bush, avec pour mission de lier les pays arabes à l’OTAN.

    Dans le but de faire tomber le leader syrien Bachar el-Assad, les Etats-Unis parient, une fois de plus, sur un allié fort douteux. Les deux partenaires veulent certes affaiblir l’Iran, leur ennemi commun, en provoquant un changement de régime à Damas; mais, mis à part cet objectif précis et circonscrit, les intérêts des deux puissances se limitent à cela. Washington raisonne sur le court terme et veut protéger Israël du danger hypohétique d’une attaque nucléaire iranienne mais raisonne aussi à moyen terme en spéculant sur un écroulement du régime des mollahs pour s’emparer des réserves de pétrole et de gaz d’Iran. Les Saoudiens, eux, veulent devenir une puissance régionale incontestée sur les rives du Golfe Persique; ils veulent aussi devenir l’Etat arabe le plus influent et exporter leur forme d’islam, le wahhabisme, partout dans la région. Si l’Iran chiite s’affaiblit, l’Arabie saoudite en profitera pour barrer, sur son propre territoire, la route à Téhéran qui cherche à influencer les ±10% de la population saoudienne qui est d’obédience chiite.

    Comme en d’autres points chauds du monde musulman, les Saoudiens soutiennent les djihadistes syriens, en liaison avec le réseau terroriste d’Al-Qaeda, ce qui contrarie fortement les projets américains pour une Syrie post-Assad. “Ces éléments (djihadistes) bénéficient du soutien de l’Arabie saoudite et du Qatar et joueront indubitablement un rôle en Syrie après la chute d’Assad”, écrit, sur le ton de l’avertissement, une étude publiée par le “Royal United Services Institute” (RUSI), une boîte à penser britannique qui entretient d’excellents contacts avec les ministères de la défense de Londres et de Washington.

    Qui plus est, l’étude du RUSI retient que l’Arabie saoudite sait parfaitement bien utiliser les milliards de sa rente pétrolière pour téléguider à sa guise les bénéficiaires du “printemps arabe”. Ryad aurait essayé “avant que n’éclate la vague des soulèvements arabes de se réconcilier avec Assad”. Dans ce contexte, les Saoudiens auraient été prêts à “accepter que le Liban fasse partie de la zone d’influence syrienne”. Mais il est cependant sûr que “les Saoudiens soutiendront tout nouveau gouvernement, après la chute éventuelle d’Assad, qui travaillera pour les intérêts à long terme de l’Arabie saoudite”.

    Néanmoins les Saoudiens peuvent toujours compter sur le soutien inconditionnel de Washington. Même si, dans leur pays, on ne trouve ni démocratie ni droits de l’Homme. On peut considérer, à première vue, que cette alliance est incongrue, mais elle est pourtant une donnée constante dans la région; dans ce cas, on peut aussi conclure que Washington, en dépit des discours répétés à satiété dans les médias, ne cherche nullement à “démocratiser” le Proche Orient mais uniquement à consolider ses intérêts économiques les plus évidents, quitte à faire de l’Arabie saoudite un “modèle”.

    Fin décembre 2011, Washington et Ryad ont signé un accord quant à la livraison d’armes pour une valeur de 30 milliards de dollars. Les Saoudiens devraient recevoir notamment 84 avions de combat de type F15, un modèle américain. Cette coopération “en matières de sécurité” sert surtout à aider l’économie américaine qui est en train de battre de l’aile et à donner un coup de manivelle au “complexe militaro-industriel” des Etats-Unis.

    Lors d’une conférence téléphonique, tenue le 14 juin 2012 et disponible en script sur le site du ministère américain des affaires étrangères, le sous-secrétaire d’Etat aux affaires politico-militaires, Andrew J. Shapiro, a évoqué les vraies raisons de la vente d’armes à l’Arabie saoudite. Selon Shapiro, cet accord entraîne “des effets considérables sur le développement de l’économie américaine”. Grâce à ce contrat, disent des spécialistes de l’industrie, 50.000 emplois se créeront aux Etats-Unis, impliquant 600 fournisseurs et sous-traitants dans 44 Etats de l’Union. Cela rapportera chaque année 3,5 milliards de dollars à l’économie américaine. Et Shapiro conclut: “Cela ne créera pas seulement des emplois dans le secteur de l’aéronautique mais aussi auprès de nos sous-traitants qui ont tous un rôle décisif à jouer dans le maintien de notre défense nationale”.

    Par cette livraison d’armes aux Saoudiens, une course aux armements menace la région du Golfe Persique car on peut s’attendre à ce que l’Iran à son tour renforce son arsenal. On ne peut plus exclure l’éventualité d’une guerre irano-saoudienne à moyen terme dont le but serait d’asseoir l’hégémonie du vainqueur dans la région.

    Bernhard TOMASCHITZ.
    (article paru dans “zur Zeit”, n°33-34/2012; http://www.zurzeit.at/ ).

  • Pourquoi tant de haine ? Courage… Frigide Barjot !

    Comme chacun sait, la rumeur est assassine. Frigide Barjot, coordonnatrice de la grande manifestation du 17 novembre dernier, est mal payée pour le savoir. Attaquée d’un côté par des associations homosexuelles, aussi minoritaires qu’actives et qui pourraient se réunir dans des cabines téléphoniques.

    De l’autre, par des catholiques énervés. Mise au point.

    Quand il y a le feu dans la maison, on ne demande pas aux pompiers leur carte d’identité. Pas plus qu’on n’exige d’eux de savoir s’ils vont à la messe le dimanche, à la mosquée le vendredi midi ou à la synagogue le vendredi soir. Et puis, et c’est là qu’elle a brisé un tabou : existent des homosexuels de droite ou de gauche, des catholiques et des musulmans, qui peuvent militer contre le « mariage pour tous »…

    Ainsi, Frigide Barjot, de son nom de scène, Virginie Merle, à la ville, est-elle femme d’aujourd’hui. Si elle conteste les dérives de son temps, elle participe néanmoins de son époque. Et s’inscrit, avec son époux, Basile de Koch, président à vie du groupe humoriste Jalons, sans lequel Les Guignols de l’info ou Groland n’auraient sûrement jamais existé, dans une ancestrale tradition d’humoristes et d’empêcheurs de penser en rond, dont il faut encore savoir, derrière les plaisanteries de potaches, aller dénicher la vérité des choses.

    Sans elle, sans son carnet d’adresses, ses réseaux et sa parfaite connaissance du petit monde médiatique, jamais ces centaines de milliers de Français n’auraient défilé, ce 17 novembre dernier, dans les rues de France. Mais le succès, surtout lorsque massif et inattendu, a son prix. Et celui que cette dame est sommée d’acquitter nous paraît bien lourd. [...]

    Camel Bechikh - La suite sur Boulevard Voltaire

    http://www.actionfrancaise.net