Cette année, le baccalauréat a soufflé ses 200 bougies. Que de chemin parcouru depuis sa création le 17 mars 1808 par Napoléon Bonaparte ! Or, voici que la récente Palme d'Or « Entre les murs » aborde la question de la scolarité. Ode cinématographique à la société mixte, ce film produit d'ailleurs un effet inverse à celui recherché : sommé par le réalisateur de plaindre les victimes Nassim et autre Souleymane, le spectateur est bientôt gagné par une solide envie de conseiller à ces héros hargneux - qui remercient leurs hôtes doigt levé à l'appui - un prompt retour dans leur savane ou douar.
Quoi qu'il en soit, examinons à la lueur du film l'état de notre école publique.
Si l'on se fonde sur la dépense globale d'éducation (cantines, transports, compris, etc.) la France a dépensé 116,3 milliards d'euros pour l'année scolaire 2005-2006. L'Education nationale engloutit la part la plus importante de nos impôts, qu'ils soient récoltés par l'Etat, les régions ou les départements, et encore cela ne suffit pas, puisque, selon SOS-Education, il convient d'y ajouter 11,2 % de la somme, dépensés par les ménages à titre personnel (cahiers, livres, etc.) À raison de 7 401 euros par collégien et par an, 10 000 euros par lycéen, la dépense s'alourdit chaque année. Ces chiffres, tirés d'un rapport d'audit commandé par l'Etat lui-même, montrent une augmentation budgétaire de 33 % pour les collégiens entre 1994 et 2004, et de 50 % pour les lycéens. Pendant ce temps-là, entre 1990 et 2006, le nombre d'enfants et de jeunes scolarisés dans le primaire a décru, passant de 6 953 milliers à 6 644 milliers. Dans le secondaire, le ressac est plus visible encore : on passe de 5 709 milliers en 1990 à 5 418 milliers à la rentrée 2006 (sources : Insee).
Premier poste de l'Etat, l'Education nationale emploie le chiffre ahurissant de 1 192 600 personnes ; elle est le premier employeur au monde, devançant même les Chemins de fer indiens (population de l'Inde : 1,1 milliard d'habitants). Précision qui ne manque pas de sel, 38 % de cette armée mexicaine, reconnaît benoîtement le ministère, sont affectés à des tâches administratives. Quant aux « fonctionnaires enseignants », leur nombre exact demeure imprécis, mais ils sont officiellement plus de 23 000 à ne pas enseigner du tout, qu'ils soient « détachés » ou « en attente de poste » ; et ce chiffre ne comprend pas les « en stage » ou « souffrants », dont la proportion reste opaque. Rappelons tout de même que l'absentéisme dans le secteur public coûte environ 8,5 % du Budget annuel de l’État.
Bien entendu, à défaut d'une franche approbation, toutes ces dépenses pourraient être admises, si, en regard de leur absurdité, des milliers de Pic de la Mirandole formaient l'avant-garde de nouvelles générations surdouées. Hélas, il faut déchanter. Le budget de l'Education nationale représente 7,1 % du PIB de la France quand 61,4 % de la population active salariée sont sans diplôme ou titulaires d'un diplôme inférieur au bac. Voilà qui en inquiétera plus d'un, puisque le bac est lui-même un produit dévalué, avec 83 % de reçus. En donnant un hochet à tous les recalés du dernier rang, l’Éducation Nationale a du reste dynamité la filière du secondaire. Pour rappel, il y avait eu 50 % de reçus au Bac général en 1966. Serait-ce que les génies en herbe actuels ont fait de considérables progrès ? Non : ces diplômés de perlimpinpin possèdent à l'usage un bagage étique, une orthographe relevant de l'onomatopée et du tag, et des connaissances souvent fantaisistes, assénées par un encadrement soixante-huitard. Quand on songe qu'à sa création, l'examen se déroulait exclusivement à l'oral et en grande partie en latin ! Et nunc reges, intelligite erudumm, qui judicatis terram (« et maintenant, vous les élites, instruisez-vous, vous qui décidez du sort du monde ») ...
L'enquête qualitative PISA (Programme International pour le suivi des acquis des élèves), menée par l'OCDE en 2006, confirme le classement médiocre de la France, déjà pointée du doigt par l'organisation internationale dans ses précédentes études de 2000 et de 2003 L'OCDE teste près de 400 000 élèves de 15 ans scolarisés dans 57 pays. Alors que les élèves finlandais caracolent une nouvelle fois en tête du classement, les Français dégringolent. En 2003, la France était a la 10e place pour les sciences. Elle recule au 19e rang en 2006 parmi les trente pays de l'OCDE. Ce décrochage se confirme aussi dans les deux autres domaines étudiés depuis 2000, la compréhension de l'écrit (lecture) et les mathématiques. En lecture, la France a ainsi rétrogradé entre 2000 et 2006 de la 14e place à la 17e place. Même chose en mathématiques, où les Français sont passés en trois ans du 13e au 17e rang. Quant à l'université, c'est kif-kif bourricot : les universités américaines se réservent les 30 premières places du classement de l'enseignement supérieur dans l'évaluation PISA. Le premier établissement français, l'université Paris VI (Pierre et Marie Curie) pointe à une peu enviable 36e place ...
TABLEAU NOIR ET DJELLABAS
Venons-en au cœur de la question. Comment expliquer qu'avec un tel niveau de dépenses - aucun autre pays ne consacre un tel budget par élève scolarisé - nous soyons ainsi à la traîne ?
« La France et le Japon ont vu leurs performances en lecture diminuer, mais pour des raisons diamétralement opposées. En France, c'est la proportion d'élèves en difficulté qui a augmenté », explique Eric Charbonnier, analyste à la direction de l'éducation de l'OCDE. Que signifie ce langage châtié ? Qui sont ces mystérieux « élèves en difficulté » qui se multiplient et plombent nos performances ?
Une étude menée par la Commission européenne dans le cadre de son programme intitulé « Education et formation 2010 » indique que 40 % des élèves immigrés de la 1ère génération ont des performances moyennes inférieures au niveau 2 (sur les six niveaux possibles de compétences) en Belgique, France, Norvège et Suède. Dans notre pays, ces malchanceux méconnaissent en outre les vertus de la ponctualité : une enquête de 2002 de notre ministère de l’Éducation montre qu'en terminale technologique et générale, seuls 5,2 % des élèves d'origine maghrébine arrivent au cours à l'heure.
Citons à présent le rapport de la Commission européenne in extenso : « L'analyse des évaluations PISA 2003 montre que, dans la plupart des pays, les enfants qui, à la maison, parlent une autre langue que la langue de l'enseignement ont de moins bons résultats scolaires, et ce dans tous les pays européens de l'étude OCDE. Le décalage entre la langue maternelle et la langue seconde et les difficultés qui en résultent s'expliquent d'une part par la difficulté pour les élèves de s'adapter au langage scolaire, et, plus généralement, par la difficulté à s'adapter à la forme scolaire (compréhension des consignes, des tâches à accomplir). Les effets linguistiques et textuels des consignes scolaires ne peuvent être isolés du contexte socioculturel ou socio-historique (...). L'apprentissage du vocabulaire, la reconnaissance du code, déjà difficiles à appréhender pour les petits autochtones, sont autant de barrières à franchir pour maîtriser l'écriture, la lecture et la résolution de problèmes. » Cette analyse est rejointe par une autre ; selon d'autres experts de l'OCDE en effet, « le fait de parler à la maison une autre langue que la langue d'enseignement est préjudiciable pour les apprentissages des élèves issus de l'immigration et engendre des retards irrécupérables ». Ces experts entérinent donc le fait qu'une classe où les enfants surgis du bilad prédominent est dans l'incapacité de bien fonctionner, puisque le préalable à l'enseignement être entendu - n'est pas rempli. Le sabir qui, dorénavant, tient lieu de novlangue dans de nombreuses régions de France entre en conflit avec la transmission du savoir. Voilà qui est fâcheux, certes, mais doit être exprimé.
Terminons par quelques chiffres : selon l'Insee, 13 % des immigrés ont moins de 25 ans. La part des immigrés nés au Maghreb a doublé depuis 1962. Le nombre de naturalisations s'élève à environ 150 000 individus chaque année. En 2004, parmi ces nouveaux «Français», 50 % étaient originaires du Maghreb avec une écrasante majorité d'Algériens, 11 % d'un autre pays africain, et 15 % d'Asie.
Gageons qu'avec un tel apport, augmenté des enfants de "sans-papiers" qui, par convention internationale, ont accès à la scolarité, les disciples de Bossuet ou d'Honoré de Balzac seront bientôt légion.
Grégoire DUHAMEL. Rivarol 17 octobre 2008
culture et histoire - Page 1951
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Éducation Nationale : dépenser plus pour avoir moins (archive 2008)
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Des archéologues ont découvert des puits vieux de 7000 ans en Allemagne
Les archéologues ont trouvé ce qu’ils estiment être les plus anciens puits d’eau en Europe en Allemagne de l’Est. Vieux de 7000 ans, ils rangent leurs bâtisseurs parmi les premiers charpentiers connus de l’Histoire.
Excavé plus tôt cette année en dehors de Leipzig, en Saxe, des scientifiques de l’Université de Fribourg ont pu dater le bois utilisé pour l’alignement du puits et le dater entre 5206 et 5098 avant notre ère – le début de l’âge de pierre.
Les quatre puits, qui atteignent sept mètres dans la terre et ont probablement été utilisés pour fournir un petit village en eau fraîche, ne correspondent pas avec ce que les historiens croyaient l’homme capable de faire à ce moment-là. La découverte semble indiquer que les premiers colons de la région ont travaillé le bois bien avant l’invention des outils en métal, et indique un niveau de vie beaucoup plus élevé qu’on le pensait initialement pour ces premiers colons de l’âge de pierre. Les techniques élaborées de travail du bois rendent ce constat encore plus évident – les coins du puits avaient été tenus assez serrés pour subsister 7.000 années sous terre – « c’était une grande surprise », a déclaré Willy Tegel, l’archéologue qui a dirigé l’équipe.
Les historiens savaient déjà que la société dans la région avait connu une période de prospérité autour de 5000 avant notre ère, quand les chasseurs-cueilleurs ont commencé à s’installer dans les villages. Mais seules de rares choses de l’époque ont survécu car elles étaient surtout faites de bois. Protégés de l’air et sous le niveau de l’eau, les murs en bois des puits ont cepenant résisté à l’épreuve du temps. Et maintenant, les historiens vont devoir commencer à réviser leurs présomptions entourant l’âge de pierre. « Dans les reconstitutions, les maisons de cette époque ont sans doute été sous-estimée », a déclaré Tegel, dont les conclusions ont été publiées dans la revue académique PIOS ONE cette semaine.
(Traduction)
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Deux présidents sur la corde raide (archive 2010)
« Je ne vous trahirai pas, je ne vous mentirai pas, je ne vous décevrai pas », promettait le 6 mai 2007 un président français tout fraîchement élu. Depuis, trahisons (sur l'Afghanistan par exemple d'où devait être retiré notre contingent, si malmené), mensonges et déceptions se sont accumulés au point que, selon un sondage publié le 23 août dans Libération, le chef de l'État obtiendrait 24 % des voix lors de la présidentielle de 2012. À peine plus que le socialiste François Hollande (21 %), le centriste François Bayrou (18 %) et la Verte Eva Joly (16 %), très loin derrière Martine Aubry (31 %) et surtout Dominique Strauss-Kahn (44 %), personnage d'ailleurs aussi ambigu et corrompu que le sortant.
Certes, il ne s'agit là que d'un sondage pour une échéance encore lointaine, mais la chute persistante de la popularité présidentielle a aiguisé les dents des rivaux de l'Élyséen dans le camp majoritaire, et notamment des trois anciens Premiers ministres de Jacques Chirac.
Pour se dépêtrer de la vénéneuse affaire Bettencourt-Woerth (voir EdP d'août-septembre) et affronter le mieux possible début septembre la difficile réforme des retraites - tâche d'autant plus ardue que le combat devait être mené par un Eric Woerth plombé par ses casseroles financières -, Nicolas Sarkozy avait très classiquement décidé de s'agiter sur le terrain sécuritaire. En pillant une nouvelle fois, sans avoir bien sûr l'intention de l'appliquer, le programme du Front national, notamment sur la dénaturalisation des voyous avérés. De plus, comme il eût été incongru à l'approche puis pendant la durée du ramadan de manifester la moindre hostilité aux musulmans, il avait concentré son offensive sur une autre communauté également mal vue, celle des Roms. En oubliant, comme le lui a aussitôt rappelé Bruno Gollnisch, que « c'est lui qui, en promouvant le traité de Lisbonne, a ouvert les frontières à tous les ressortissants venant d'Europe Centrale », si bien que « les millions de Roms originaires de Roumanie, Hongrie, Tchéquie, Slovaquie, Slovénie, ont, comme les autres citoyens de ces pays, acquis en vertu de ces traités le droit d'entrer en France sans visa et sans autorisation, tout comme les Belges, les Italiens, etc. Et ce que nous voyons n'est que le début de cette transhumance. »
Transhumance encouragée par toutes les belles âmes pullulant dans les nomenklaturas politique, ecclésiastique ou médiatique. Le 18 août, Alain Juppé assurait ainsi que « parfois le gouvernement dérape » de manière « complètement absurde » en ce qui concerne la sécurité. Prenant le relais le 24 août, Jean-Pierre Raffarin dénonçait la « dérive droitière » du parti présidentiel et pressait le Premier ministre de rappeler â la majorité qu'elle « doit avancer avec son cerveau droit mais aussi son cerveau gauche », Et Dominique de Villepin se distinguait bien sûr dans l'outrance en s'indignant dans Le Monde du même 24 août de la « tache de honte » laissée selon lui sur le drapeau tricolore par la politique sécuritaire de Nicolas Sarkozy, notamment à l'encontre des Roms, de la « faute morale collective commise en notre nom à tous, contre la République et contre la France ». Et l'hagiographe de Napoléon de préciser sans crainte du ridicule le « devoir à remplir pour tous les républicains de France, face à l'hydre qu'un président et ses courtisans voudraient réveiller au fond de chacun de nous... Un devoir de refus. Un devoir de rassemblement (...) pour préparer l'alternative républicaine qui s'impose » (autour de lui, cela va de soi) afin de réagir contre « l'indignité nationale ».
Tout ce qui est exagéré étant insignifiant, on doute que cette diatribe nuise beaucoup au successeur de Chirac auprès de son « cœur de cible » électoral, bien au contraire. Le fait même qu'elle ait pu être prononcée par un encarté de l'UMP témoigne néanmoins de la fragilisation de Sarkozy, qui comptait beaucoup sur le sommet financier qu'il avait convoqué fin août â Brégançon pour se "représidentialiser", Mais l'annonce de la suppression dès cet automne de "niches" fiscales et surtout sociales (aides au logement, à la personne, etc.) à concurrence de 10 milliards d'euros a été ressentie comme une douche froide par beaucoup d'entreprises mais aussi de foyers des classes moyennes, de même que la révision à la baisse de la croissance dont le taux atteindra au mieux 2 % en 2011, un demi-point de moins que ce que faisait miroiter le gouvernement depuis des mois. Si l'on ajoute â cela la disparition de près de 300 000 emplois en 2009, l'activisme des syndicats revigorés par le relèvement de l'âge de la retraite, le marasme s'aggravant dans l'agriculture... et une criminalité en hausse malgré les postures et les déclarations martiales, la reconduction de l'Elyséen n'est nullement acquise.
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Nicolas peut toutefois se consoler en songeant qu'à l'approche des élections de mi-mandat, le 2 novembre, l'horizon est tout aussi sombre pour « son copain » Barack, lui aussi embourbé dans une crise économique dont beaucoup redoutent l'aggravation. En moins d'une semaine, à la mi-août, quatre nouvelles banques régionales ont fait faillite aux États-Unis, y compris la ShoreBank de Chicago, fief du couple Obama et, en raison de la récession et donc de la baisse des rentrées fiscales alors que le chômage en constante augmentation accroît l'ampleur des dépenses publiques, les 50 États fédérés font face â un déficit budgétaire cumulé de près de 120 milliards de dollars malgré un dégraissage sévère de la fonction publique - 250 000 postes supprimés ... et autant de mécontents.
Autre sujet de préoccupation pour celui que les media présentaient en 2008 comme un "messie", les doutes exprimés par un nombre croissant de ses compatriotes sur sa personnalité, son origine raciale et géographique, sa religion réelle, son cursus scolaire et universitaire. Doutes que la Maison-Blanche est incapable de dissiper, faute depuis deux ans maintenant d'avoir produit les documents permettant d'apporter la lumière nécessaire.
Or, l'échéance du 2 novembre est cruciale puisque seront alors renouvelés un tiers du Sénat, la totalité de la Chambre des Représentants et des milliers d'"offices" dont trente postes de gouverneur. Pour reprendre la main, Barack Husseyn Obama a donc misé sur la politique étrangère.
Le 1er septembre, il saluait ainsi « un moment historique » : celui du départ d'Irak, comme il s'y était engagé quand il était candidat, des dernières forces combattantes américaines... dont une bonne partie simplement repliée au Koweït voisin. D'où il leur sera facile de revenir pour renforcer les 50 000 GIs encore stationnés en Irak où, comme l'a reconnu Philip Crawley, porte-parole du département d'État, s'accélère le recrutement des mercenaires ou "contractors" étrangers déjà si nombreux dans un pays qui ressent durement la présence de ces incontrôlables armées privées. Surtout depuis la récente relaxe par la justice américaine de gardes de la firme Blackwater Worldwide, accusés d'avoir abattu 14 civils bagdadis en 2007.
Ce "retrait" après une guerre aussi coûteuse (mille milliards de dollars, près de 5000 GIs et près d'un million d'Irakiens tués) qu'absurde, puisqu'elle n'aura apporté que massacres ethnico-religieux et chaos politique, est donc en trompe-l'œil. Tout comme l'autre gros "coup" diplomatique d'Obama convoquant début septembre Israéliens et Palestiniens à Washington pour y relancer un processus de paix moribond depuis la reprise des implantations juives en Cisjordanie et la meurtrière opération Plomb durci contre Gaza. Offensive dont le généralissime, Yoav Galant, vient justement d'être promu chef d'état-major de Tsahal, au grand scandale des Palestiniens qui y voient â juste titre une nouvelle provocation israélienne, â laquelle a répondu celle de la branche militaire du Hamas (à l'origine financé par Tel Aviv) abattant quatre colons juifs le matin même du sommet de Washington.
Dans ces conditions et même si la Maison-Blanche parle de « grand espoir » - que feint de partager Benyamin Netanyahou -, les négociations sont très mal parties et l'on voit mal le profit que pourra en tirer Obama. Lequel, pour éviter de perdre la majorité au Congrès, compte d'ailleurs avant tout sur l'appui quasiment inconditionnel aux démocrates du syndicat AFL-ClO qu'il a appelé à la mobilisation, et surtout sur les divisions du camp républicain, éclaté depuis la défaite de la candidature McCain-Palin en 2008 et l'émergence du mouvement des "Tea-Parties".
Si l'équipe Obama limite les dégâts le mois prochain, ce sera donc moins en raison de ses réussites que des faiblesses du camp adverse. Un suprême recours sur lequel avait compté Sarkozy pour assurer sa reconduction, d'où ses coups de pouce successifs â Olivier Besancenot, à Daniel Cohn-Bendit... et à Dominique Strauss-Kahn. Dont la popularité (avant tout médiatique) acquise â la direction du FMI lui revient aujourd'hui comme un boomerang.
Camille GALIC. Écrits de Paris octobre 2010 -
Le catholicisme, combien de divisions ?
Au cours du XXe siècle, les catholiques français ont irrigué les mouvements politiques, de droite comme de gauche, du Sillon au CDS, en passant par l'Action française et le PSU.
La compréhension du rapport actuel des catholiques français avec la politique nécessite de remonter historiquement au moins au Ralliement de 1893, c'est-à-dire à la possibilité donnée par Léon XIII aux catholiques français, un siècle après la Révolution française, d'accepter le régime républicain, jusque-là logiquement assimilé à la franc-maçonnerie et à l’anticléricalisme par la papauté et la plus grande partie du clergé. Paradoxalement, le Pape du catholicisme social (élaboré par les Légitimistes français) et de l'encyclique Rerum Novarum, cédait ainsi aux sirènes républicaines chères aux catholiques « libéraux » (c'est-à-dire de gauche) héritiers de Lamennais. De nombreux royalistes seront ainsi à l'origine de la démocratie chrétienne en France !
Action Française contre Sillon
Ainsi, alors que la grande majorité des royalistes français va se rassembler derrière l'Action française (qui ne fut jamais un mouvement confessionnel) de Charles Maurras, créée en 1899, les catholiques « ralliés », groupés autour des députés Albert de Mun et Jacques Piou, créent en 1901 l'Action libérale populaire (conservatrice), tandis que les plus avancés rejoignent le Sillon de Marc Sangnier, fondé en 1894.
En 1905, la séparation de l’Église et de l’État cause un nouveau traumatisme chez les catholiques français, les relations diplomatiques entre la France et le Saint-Siège étant suspendues de 1904 à 1921, ce qui n'empêche pas la papauté d'intervenir dans les choix politiques des catholiques.
Ainsi, saint Pie X condamne le Sillon en 1910, avant que l'Action française ne soit à son tour sanctionnée par Pie XI en 1926 (la condamnation sera levée par Pie XII en 1939). L'Histoire retiendra de cette période la lutte entre le croyant Sangnier et l'agnostique Maurras pour séduire la jeunesse intellectuelle catholique.
Au lendemain de la Première Guerre mondiale, l'Action libérale cède sa place au centre droit au Parti Démocrate Populaire (PDP), fondé en 1924, qui voit émerger les figures de Francisque Gay ou Georges Bidault. Ne dépassant pas une vingtaine de députés, le PDP diffuse ses idées à travers le quotidien L'Aube et la revue La Vie catholique (devenu de nos jours La Vie). Plus à gauche, pour remplacer le Sillon, Marc Sangnier a fondé dès 1912 la Jeune République, d'obédience socialiste, qui soutiendra ultérieurement le Front populaire.
L'année 1924, celle de l'arrivée au pouvoir du Cartel des gauches voit aussi la création de la Fédération Nationale Catholique (FNC) du général de Castelnau, très conservatrice mais qui refuse de s'organiser en parti politique et de se prononcer sur la nature du régime. Elle aura pour orateurs, jusqu'en 1940, des députés comme Philippe Henriot ou Xavier Vallat. Pour autant, le général de Castelnau et son bras droit, le colonel Navel, se montreront critiques à l'égard du gouvernement de Vichy et très hostiles à toute forme de collaboration avec l'Allemagne. Le journal de la FNC, France Catholique, paraît toujours aujourd'hui.
Du MRP à l'UDI : centrisme et construction européenne
A la Libération, en 1944, le Mouvement Républicain Populaire (MRP), successeur du PDP, devient, toujours au centre-droit, l'un des principaux partis politiques français. Obtenant aux élections législatives jusqu'à 28 % des voix (en juin 1946), il a pour emblème la Croix de Lorraine et le bonnet phrygien.
Ses chevaux de bataille sont la liberté scolaire (la défense de l'enseignement libre) et la construction européenne, prônée par l'un de ses principaux dirigeants, Robert Schuman, les autres étant Henri Teitgen, Pierre Pfimlin, André Colin et Jean Lecanuet. Le MRP s'effondre après l'instauration de la Ve République en 1958, passant sous la barre des 10 %. Après son succès personnel en 1965 (plus de 15 % à l'élection présidentielle), Lecanuet le transforme en Centre Démocrate, puis en Centre des Démocrates Sociaux (CDS) qui co-fonde l'UDF en 1978, avec le Parti républicain de Valéry Giscard d'Estaing. Les héritiers du CDS se retrouvent aujourd'hui au Modem (François Bayrou), à l'UDI (Jean Arthuis, Pierre Méhaignerie) à l'UMP (Christine Boutin et son parti associé, le PCD).
Aux sources de la Deuxième gauche
Du côté socialiste (voire communiste), les catholiques ne sont pas inactifs : ce sont eux (via la Jeunesse Etudiante Chrétienne, ou JEC) qui font basculer à gauche l'UNEF, alors seul syndicat étudiant, au milieu des années 1950. De même, ils font éclater la CFTC en 1964 et fondent le syndicat CFDT.
De son côté, toujours aussi faible politiquement, le mouvement de Sangnier, Jeune République, intègre en 1957 l'Union de la Gauche Socialiste (UGS), puis en 1960 le PSU de Michel Rocard, parti qui se sabordera en 1990. Toute cette mouvance socialiste autogestionnaire et anticolonialiste animera et irriguera ce que l'on appellera la Deuxième gauche, autour de personnalités intellectuelles comme Jacques Julliard et de journaux comme Témoignage chrétien (qui vient de cesser de paraître). Elle est aujourd'hui en nette perte de vitesse.
Renouveau à droite ?
Partis de notables, le CNIP de Pinay ou l'UDR gaulliste n'étaient pas à proprement parler des partis catholiques, même si les catholiques étaient nombreux en leur sein.
Au Front National s'organisera au milieu des années 1980 une aile nationale-catholique autour du Centre Charlier animé par Bernard Anthony (qui a depuis quitté le FN), de sensibilité traditionaliste. Tout en reconnaissant les racines chrétiennes de la France, Marine Le Pen insiste aujourd'hui sur l'orientation laïque du FN.
Enfin, le MPF de Philippe de Villiers, fondé en 1994 et qui compte encore aujourd'hui trois parlementaires en Vendée, demeure sociologiquement et par les valeurs qu'il défend un parti catholique.
Jacques Cognerais monde & vie 15 janvier 2013 -
1010 : L'Église et le roi
Suscités par l'Église, des mouvements de paix se développent au Xe siècle, donnant lieu à des assemblées, jusqu'à gagner la cour un 25 décembre – il y a mille ans !
Cette année-là, la vingt-quatrième de son règne, Robert II, trente-huit ans, s'appliquait, avec l'aide des évêques, à moraliser la guerre. Ce n'était pas une mince affaire en une époque de féodalité aussi violente, où l'État manquait de moyens pour imposer sa force. Nous avons déjà vu le fils d'Hugues Capet, désigné comme le Pieux, s'imposer en modèle de sainteté, menant une vie humble de prière, bien qu'affublé d'une épouse légère et vaniteuse, Constance d'Arles, fille de Guillaume Taillefer, comte de Provence, avec laquelle il vivait son purgatoire sur terre, après avoir trop laissé parler son coeur tumultueux...
Souvenir d'enfance
Dès son enfance, le roi avait entendu parler des mouvements de paix, qui, conformément à la loi de l'Église, se préoccupaient de ces souillures qu'étaient l'homicide et la violation des lieux consacrés. Les premiers signes de la "paix de Dieu" étaient apparus dans les montagnes auvergnates lors du plaid de Clermont (958) ; nourri d'idéaux déjà formulés par l'Église carolingienne, il demanda aux prélats du centre de la Gaule (Auvergne, Velay, Limousin...) de tenter de rétablir « la paix qui vaut mieux que tout ». Puis une assemblée tenue à Aurillac en 972 fut organisée par l'évêque Étienne II de Clermont avec ses collègues de Cahors et Périgueux ; on parla de contraindre par les armes ceux qui ne voudraient pas jurer la paix. Puis en 989 on se réunit à Charroux (Poitou) à l'initiative de Gombaud, archevêque de Bordeaux, en 990 à Narbonne, en 994 au Puy, où l'on définit la paix comme une condition du salut de l'âme.
C'est le 25 décembre 1010 - il y a mille ans – que le mouvement gagna la cour de Robert II le Pieux qui tint sa première assemblée à Orléans ; « Ô foule des pauvres, rends grâce au Dieu tout puissant. Honore-le de tes louanges car Il a remis dans la voie droite ce siècle condamné au vice », écrivit alors Fulbert, le très enthousiaste évêque de Chartres... L'abbaye de Cluny prit en main le mouvement et organisa un concile à Verdun-sur-le-Doubs en présence, semble-t-il, du roi lui-même, où l'on proposa la protection des chevaliers observant le Carême. Mais il revint à Robert de multiplier les assemblées : Compiègne (1023), Ivois (1023), Héry (1024). Certes les violences continuèrent sous le règne de Robert, mais au moins admettait-on qu'elles eussent des limites et qu'il existât des arrangements.
Une oeuvre de paix
Pour contraindre les récalcitrants, l'Église s'efforçait de revaloriser les tractations et le recours à la justice. On cherchait, par exemple, à régler les contentieux par la concertation et le dialogue, et à accroître la juridiction de l'évêque. À ceux qui observaient les préceptes édictés, les évêques accordaient l'absolution de leurs péchés et la bénédiction éternelle, mais ils lançaient des malédictions et des excommunications contre ceux qui refusaient d'obéir, qui contestaient les propriétés ecclésiastiques ou qui violentaient les terres des gens sans armes. L'Église usait principalement de l'anathème, de l'excommunication ou encore de l'interdit : privation d'offices religieux, de sépulture en terre sacrée, de sacrements. Ces malédictions n'étaient que provisoires, le but étant d'amener les fautifs devant la justice. En dernier recours, l'Église pouvait même faire usage de la force armée, ce qui donna l'occasion à certains d'utiliser la paix de Dieu comme moyen de pression pour faire plier un adversaire...
Le synode d'Elne instaure la Trève de Dieu
Bien du chemin restait à accomplir pour en arriver au synode d'Elne en 1027, qui mit en valeur la notion de Trève de Dieu, avec sanctions contre ceux qui feraient la guerre le dimanche, les jours de fêtes liturgiques ou pendant le Carême. Il allait falloir pour cela que le pouvoir temporel du roi se fût affermi, mais déjà Robert, par sa façon de gouverner, angélique sans être le moins du monde laxiste, avait réalisé les conditions de ce chef-d'oeuvre de la civilisation chrétienne.
Remarquons que la paix de Dieu n'alla nullement contre l'ordre social du temps. La féodalité s'en trouva renforcée et ennoblie, prenant l'habitude de concourir au bien commun, plus que liquider par des guerres ses haines particulières ; les liens sociaux se resserrèrent. On a ici le spectacle de ce qu'admire Maurras dans L'Église de l'Ordre : « Puisque le système du monde veut que les plus sérieuses garanties de tous les droits des humbles ou leurs plus sûres chances de bien et de salut soient liées au salut et au bien des puissants ; l'Église n'encombre pas cette vérité de contestations superflues. S'il y a des puissants féroces, elle les adoucit pour que le bien de la puissance qui est en eux donne tous ses fruits ; s'ils sont bons, elle fortifie leur autorité en l'utilisant pour ses vues loin d'en relâcher la précieuse consistance. » C'est ainsi que se forgea le société française au long des âges.
Michel Fromentoux L’ACTION FRANÇAISE 2000 n° 2807 – Du 16 décembre 2010 au 5 janvier 2011 -
Documentaire La legende du roi Arthur french
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Michel Serres et la Sainte Famille
Michel Serres est bel et bien marié. Avec les médias. On l’entend, on le lit, on sait quoi penser. Il est doué pour la séduction orale, à défaut de pénétrer profondément des réalités qui, visiblement, le dépassent. A France-info, sa voix primesautière, qui emmielle des truismes de salles de rédaction, mime l’improvisation un brin joviale avec un je-ne-sais-quoi de causticité, qui laisse l’auditeur pantois, et de toute façon, coi. Le gai savoir ! Comment voulez-vous être contre ? C’est tellement frappé du bon sens que vous avez l’impression de l’inventer à mesure que ça jacule pétillant du poste, comme du champagne. On en rirait de plaisir.
Avec lui, c’est sûr, l’époque est formidable. Un esprit sain, ce Michel.
L’un de mes amis m’a mis sous les yeux un entretien qui date un peu, du 24 octobre 2012, dans la Dépêche du Midi, mais qui n’est pas sans intérêt dans ce temps de manifs qui s’époumonent en revendications matrimoniales. Voilà enfin un débat qui nous projette au cœur de l’existence humaine ! Je rêve de rassemblements qui soutiendront les droits de l’Esprit saint, avant l’arrivée des Cosaques !
Mais avant ce feu d’artifice final, nous prendrons le temps de savourer, en esthètes de la fin des temps, les sophismes burlesques de celui qui, le 18 septembre dernier, sur sa fréquence radio préférée, soutenait que la bande dessinée Astérix faisait un « éloge du fascisme et du nazisme » ; car, voyez-vous, « tous, absolument tous les problèmes se résolvent toujours à coups de poing ». A coups de menhirs et d’huile de ricin, ajouterions-nous. Il est vrai que les démocraties occidentales préfèrent brandir des bouquets de roses pour convaincre les adversaires du Bien… Qu’aurait dit alors notre Tirésias du micro, s’il avait connu, par divination, les dérives poutinophiles de notre Gérard Obélix ? Bon sang ! mais c’est bien sûr ! aurait-il susurré…
Donc, dépêchons-nous d'étudier de près notre florilège de « tabous » brisés, cette brochette de pétards mouillés, dialogue «décomplexé » paru l’an dernier dans le journal célèbre de Toulouse. Un sommet du prêt-à-penser. Car dans sa novlangue fraîche comme un déchet recyclé, l’interviouveur n’hésite pas à y qualifier notre penseur des micros de « philosophe de renommée planétaire ». Ni plus, ni moins.
Première fusée : il y aurait trois grandes transformations. La première, vers 1000 avant J.C., qui aurait vu le passage de la parole à l’écrit ; puis celle de la Renaissance, qui aurait provoqué la transition de l’écrit à l’imprimerie ; et enfin la troisième, sous nos yeux, qui marginalise le livre en optant pour l’écran. Bon, c’est du McLuhan. Pas de quoi fouetter un masochiste gay prideur. Est-ce un bien ?Est-ce un mal ? Notre moderniste frénétique ne s’en désole point. Au contraire. Il vomit son mépris des « vieux », ces cons, qui devraient prendre leur retraite, et laisser la place aux « jeunes ». Ils ne comprennent rien, les antédiluviens, les décrépits qui vantent le passé, les hors service usagés qui oublient qu’on n’avait pas toutes ces merveilles de technologie, à cette époque, comme disent les mômes des escoles à qui on bassine l’espérance de vie ridiculement basse de nos ancêtres, la dégradation des corps (les femmes, plus du tout baisables à trente ans ! horreur !), la saleté etc. C’était l’enfer, quoi ! A côté du Paradis qu’on nous mitonne, sous nos yeux, l’immortalité à portée de scalpel, la jeunesse éternelle appliquée sur les joues, et surtout la sexualité pour tous, de neuf à quatre-vingt-dix-neuf ans ! Question conscience – de ce que l’on est, de ce qu’est le monde, des finalités de l’existence, c’est autre chose. Malheureusement, nous n’avons plus des Balzac, des Stendhal, des Flaubert pour démonter la stupidité moderne. Car l’évolution, ce que notre chercheur nomme le « progrès », ne s’est pas forcément effectuée dans le bon sens. Platon, il y a fort longtemps, se désolait déjà que la mémoire individuelle, la transmission des traditions, la compréhension intime des textes, avaient perdu en quantité, et surtout en qualité, avec leur transcription sur le papyrus ou la pierre, translation froide, figée, quasi morte, niant la souplesse de l’invention orale et le travail de la mémoire vivante. Plus tard, le passage du manuscrit à l’imprimerie a démocratisé les idées, et en les diffusant, les a transformées en armes idéologiques en même temps qu’elles perdaient de leur profondeur, de leurs nuances et finesses. Et maintenant, qui soutiendra que la machine nous ait rendus plus intelligents, plus sensibles et plus sociaux, malgré les réseaux ?
Il est vrai qu’avant, on mourait jeune, on était crasseux et con, et on ne savait pas se servir de facebook.
Deuxième fusée : « […] le darwinisme social, cette horreur, a engendré le fascisme, le nazisme, le stalinisme. » Etrange, je croyais qu’il avait donné naissance à cette bête immonde et féconde qu’est le libéralisme. Notre thuriféraire du présent préfère louer, de façon assez confuse, la « laïcité économique ». Car, « là où la laïcité n’existe pas, c’est la violence tous les jours ». Eh oui. Les Etats-Unis ne sont pas laïques, ni la France d’ailleurs, où règne une paix enviable. Mais au fait… qu’est la violence ? La vie quotidienne de nos concitoyens, des chômeurs, des employés soumis à toutes les pressions, le labeur précaire des gens d’en bas, que les pouvoirs publics laissent tomber, sont-ils si quiets, si exempts d’inhumanité ? Les arcanes du postmodernisme me seront à jamais fermées. Mais attention ! Ne croyez tout de même pas que notre professeur soit un nanti ! Il serait même un peu rebelle, le bougre, comme nous le fait remarquer son faire-valoir d’en face, qui note son « franc-parler bien gascon. » Gascon ? Boudu ! Vous allez voir ce que vous allez voir ! Je livre ce cri comme il l’est, et tant pis pour les cœurs tièdes et délicats : « La crise financière du casino de la bourse, mais c’est de la merde ! ». Vous avez remarqué ce relâchement de langage, qui dénote une vraie colère, sincère, profonde, sentie et vécue, de la rebellitude authentique. On croirait du Hollande, le candidat, avant qu’il ne se rende à la City.
Troisième fusée : Le Bien de maintenant mord aux talons le Bien d’hier. Cela a commencé avec les Nouveaux Philosophes, dans les années 70, BHL & Co, au nom de la lutte contre le « totalitarisme » et le « Goulag ». Notre homme de cœur déteste le Mal, et particulièrement sa bête noire (ou rouge), Sartre, que Céline avait étrillé en son temps. Il est vrai qu’il est mort, et que c’est plus facile de s’en prendre à lui, plutôt qu’à BHL et sa clique. Moins risqué. Que reproche-t-il à l’agité du bocal ? « Au nom de la ligne du parti, Sartre a couvert les horreurs du stalinisme. Idem pour Michel Foucault et l’ayatollah Khomeyni. ». Sauf que Sartre et Foucault étaient quand même d’une autre trempe, et que l’autoritarisme stalinien et chiite est, de loin, beaucoup moins pervers, empoisonné, roublard, perfide, et, disons-le, totalitaire, que cette société lisse du Meilleur des Mondes qui vous étouffe et vous crève en vous couvrant de caresses et de baisers sirupeux censés pour rendre la vie heureuse comme celle d’un fœtus dans une fosse septique. Comment être contre un Bien si gai ? Il est bien plaisant, au demeurant, de voir notre génie planétaire cracher dans une soupe qu’on a tellement réchauffée qu’elle en est devenue cette pâte épaisse et poisseuse, assaisonnée de moraline, qui sert à boucler la bouche des malheureux qui osent contester l’Ordre établi. Car qui a contribué magistralement à badigeonner les intelligences de cette morale antimorale, de cette sacralité transgressive, de ce credo petit bourgois, devenu dogmes pour bobos, qui vrillent dans les crânes les certitudes édifiantes de grand parc d’attraction contemporain gouverné par les démolisseurs et les apprentis sorciers qui sont les disciples zélés, justement, de Sartre, de Foucault, de Beauvoir ?
Nous arrivons enfin à la dernière fusée, la plus puante : l’Eglise en prend pour son catéchisme !
Je reproduis la démonstration du bon apôtre :
« Depuis le 1er siècle après Jésus-Christ, le modèle familial, c'est celui de l'église, c'est la Sainte Famille.
Mais examinons la Sainte Famille. Dans la Sainte Famille, le père n'est pas le père : Joseph n'est pas le père de Jésus. Le fils n'est pas le fils : Jésus est le fils de Dieu, pas de Joseph. Joseph, lui, n'a jamais fait l'amour avec sa femme. Quant à la mère, elle est bien la mère mais elle est vierge. La Sainte Famille, c'est ce que Levi-Strauss appellerait la structure élémentaire de la parenté. Une structure qui rompt complètement avec la généalogie antique, basée jusque-là sur la filiation : on est juif par la mère. Il y a trois types de filiation : la filiation naturelle, la reconnaissance de paternité et l'adoption. Dans la Sainte Famille, on fait l'impasse tout à la fois sur la filiation naturelle et sur la reconnaissance pour ne garder que l'adoption.
L'église donc, depuis l'Evangile selon Saint-Luc, pose comme modèle de la famille une structure élémentaire fondée sur l'adoption : il ne s'agit plus d'enfanter mais de se choisir. à tel point que nous ne sommes parents, vous ne serez parents, père et mère, que si vous dites à votre enfant «je t'ai choisi», «je t'adopte car je t'aime», «c'est toi que j'ai voulu». Et réciproquement : l'enfant choisit aussi ses parents parce qu'il les aime.
De sorte que pour moi, la position de l'église sur ce sujet du mariage homosexuel est parfaitement mystérieuse : ce problème est réglé depuis près de 2 000 ans. Je conseille à toute la hiérarchie catholique de relire l'Evangile selon Saint-Luc ».
C’est ce qui s’appelle renvoyer dans les cordes! Evêques, retournez à vos chères études !
Historiquement, le mariage chrétien, si je rassemble mes souvenirs, ne s’est imposé socialement, et encore !, qu’à partir de Constantin, c’est-à-dire dans la première partie du quatrième siècle. Le mariage, dans la société romaine, est une affaire privée. Les chrétiens en faisaient un enjeu hautement religieux. Constantin conseilla de le lier à l’office civil. Les disciples de Jésus ne constituaient, à cette époque, que 15% de la population. Saint Augustin lui-même, avant qu’il ne devînt chrétien, vécut en concubinage de nombreuses années, et eut un fils. Le mariage per usus, c’est-à-dire par cohabitation, était fréquent. L’Eglise adopta la forme la plus aristocratique du mariage romain, la confarreatio. Il existait une autre forme d’union, la coemptio, qui s’effectuait selon une fiction convenue d’achat symbolique. Quoi qu’il en soit, le christianisme conféra à l’union conjugale une dimension religieuse, déjà présente dans le mariage patricien des origines (selon le legs indo-européen, que l’on peut observer presque à l’état pur dans le mariage hindou), mais avec une charge émotionnelle que n’avait pas le modèle latin. Le serment de fidélité, par exemple, engageait dès les noces, et rendait indéfectible le mariage qui s’était conclu sous le regard d’un Dieu jaloux. C’est pourquoi le mariage devint, en même temps que sacrement, par analogie et la grâce du Cantique des Cantiques, le symbole même de la foi liant l’Eglise à Dieu.
On se demande, en passant, par quelle espèce d’extrapolation, Serres parvient à associer la Sainte Famille à un couple homosexuel. A moins que Marie ne se soit, en vérité, appelée Mario… Le Nouvel Evangile aurait eu alors la prescience des grandes avancées de l’humanité, qui nous promettent des gestations paternelles, et probablement aussi le droit à l’avortement pour les hommes attentifs à la liberté de leur corps. Toujours est-il que sa tentative simplette de réduire le mystère de l’incarnation à un modèle homocompatible, outre qu’elle est tristement significative d’un temps où les capacités exégétiques se sont singulièrement réduites, pèche par omission. Car il manque, dans son tableau, une personne qui a son importance, et pour cause ! Le Saint Esprit, en effet, donne tout son sens à l’événement décisif pour l’Histoire humaine – si l’on est croyant – , que sont l’Annonciation et l’Incarnation.
En admettant que la sainte Famille représente un modèle pour le chrétien, Serres commet une grave erreur en l’opposant à la famille prônée par la tradition. Il cite saint Luc, mais il aurait pu se référer à saint Marc, qui rapporte les paroles de Jésus : « […] l’homme quittera son père et sa mère, il s’attachera à sa femme, et tous deux ne feront plus qu’un. Ainsi, ils ne sont plus deux, mais ils ne font plus qu’un. Donc, ce que Dieu a uni, que l’homme ne le sépare pas. »
Ces paroles insistent davantage sur les relations homme/femme que sur la procréation.
Un autre passage de l’Evangile se rapporte aussi aux liens de famille, justement dans Saint Luc (12, 49-53), mais cette fois-ci pour les mettre en cause : « Jésus disait à ses disciples : « Je suis venu apporter un feu sur la terre, et comme je voudrais qu’il soit déjà allumé ! Je dois recevoir un baptême, et comme il m’en coûte d’attendre qu’il soit accompli ! Pensez-vous que je sois venu mettre la paix dans le monde ? Non, je vous le dis, mais plutôt la division. Car désormais cinq personnes de la même famille seront divisées : trois contre deux et deux contre trois ; ils se diviseront : le père contre le fils et le fils contre le père, la mère contre la fille et la fille contre la mère, la belle-mère contre la belle-fille et la belle-fille contre la belle-mère. »
Et dans Matthieu, 12, 46-50 : "Qui est ma mère, et qui sont mes frères ?"
Puis, tendant la main vers ses disciples, il dit :"Voici ma mère et mes frères. Celui qui fait la volonté de mon Père qui est aux cieux, celui-là est pour moi un frère, une sœur et une mère."
Jésus était-il un précurseur de Gide ? Un dangereux révolutionnaire ? On avouera que le christianisme est une drôle de religion pour prêcher d’un côté une union sans concessions, et de l’autre la nucléarisation du foyer familial !
Mais avant d’interroger Saint Paul, qui nous permettra d’y voir un peu plus clair, j’aimerais faire un détour par les analyses lumineuses d’un critique d’art, qui s’est éteint récemment, Daniel Arasse. Il nous livre, dans un petit livre de poche (folio essais), Histoires de peintures, un interprétation merveilleusement intelligente et vivante de cinq Annonciations, celles d’Ambrogio Lorenzetti, à Sienne, de Domenico Veneziano, à Cambridge, de Pierro della Francesca, à Pérouse, et surtout celles, au couvent San Marco, de Florence, et de Cortone, de Fra Angelico, dont la dernière a retenu mon attention. Un peintre dominicain comme l’Angelico était un véritable théologien. Je reproduis un passage, à mon sens, significatif, tout en regrettant de ne le faire pour l’ensemble d’une étude inoubliable, qui démontre qu’à l’aube de la Renaissance la haute Tradition n’était pas perdue : « Dans cette Annonciation de Cortone, alors que le point de fuite est latéral, le centre géométrique du tableau est occupé par la porte donnant sur la chambre de la Vierge, très obscure, où tout ce que je peux voir est l’angle d’un lit et le baldaquin rouge du lit de Marie. […] Si l’on fait le plan au sol du lit par rapport au bâtiment, on se rend compte que le lit n’entre pas dans celui-ci. Il est insituable, au-delà du mur du fond, donc il échappe à la règle de la perspective. La perspective mesure le monde ; mais le mystère du corps de la Vierge échappe à toute mesure. C’est le saint des saints, obscure. »
La perspective, c’est la vision à hauteur d’homme, c’est l’univers géométrisé, à portée de regard humain, tel qu’est celui de Michel Serres, arrogant positiviste qui pense mettre le mystère dans une camera oscura pour en tracer les lignes de fuite. La chambre noire, c’est la pensée étriquée d’une époque qui réduit tout à son sexe et à sa rationalité mesquine.
Qu’est-ce que l’Incarnation, sinon l’immixtion de l’absolu dans le relatif, le croisement tranchant de la verticalité sur une horizontalité qui s’étalait sereinement comme un grand corps trop sûr de lui ? L’Incarnation, c’est la mesure hors mesure humaine d’une autre perspective, de celle du divin. La Sainte Famille constitue un modèle, oui, mais par le rappel qu’on ne saurait juger une vie, une union conjugale entre un homme et une femme (modèle sacral de la création humaine des origines) selon les critères biologiques de la procréation, selon même les devoirs de la société. La procréation selon les lois naturelles voulues par Dieu est importante, certes, mais la base de l’humain, pour le christianisme, ce n’est pas strictement le noyau familial, mais la foi, qui inclut tout. « Aime, et fais ce que tu veux », dit Saint Augustin à la suite de l’Evangile.
Etr que l'on n'aille pas dire que l'amour humain suffit pour répondre à cette injonction, une affectivité qui nierait les différences sexuelles. La vocation divine de l'homme est totale, et prend en compte sa nature, sa singularité, et les lois corporelles qui le régissent et qu'il s'agit de sublimer. Le mariage est une eschatologie, mais ancrée dans la réalité du monde, qui a fait que homme et femme soient opposés et complémentaires. Le discours pseudo-chrétien actuel, plein de sensiblerie et d'injonctions fraternitaires, qu'une culture du consensus et de la fusion brandit volontiers pour assommer les récalcitrants, n'est qu'une perversion lexicale et sémantique de la religion ancestrale.
Serres ne l’a pas compris. Il ne pouvait le comprendre, car son fameux progrès lui a fait perdre l’intelligence des choses depuis les origines.
Saint Paul, dans son Epître aux Corinthiens, reprenant le fil d’une Tradition très antique, synthétise les deux royaumes, les deux cités, en offrant une sagesse aux hommes qui ne peuvent se consacrer à l’abstinence, à ce qui constitue quand même le bien suprême, ici-bas, de la condition humaine, pour l’Eglise : la virginité (et cela, Serres omet de le rappeler). Or, Saint Paul propose une tâche exaltante à ceux qui veulent rester dans le Siècle : « …] chacun reçoit de Dieu son don particulier, l’un celui-ci, l’autre celui-là. » Dans le mariage, la Sainte Famille nous rappelle que nous devons vivre, dans le couple, comme des frères, comme des créatures de Dieu, affrontant ensemble les difficultés, partageant les bonheurs et les malheurs, et le mystère de la vie. C’est tout simplement ce que la tradition hindoue nomme le Dharma, le devoir cosmique qui soutient le monde, et ce que l’Eglise appelle la Charité, qui ne va pas, selon Saint Paul, sans quelque Grâce.
Laquelle manque manifestement à Michel Serres.Claude Bourrinet http://www.voxnr.com -
Présentation de l'entretien du 7 janvier 2013 sur "la culture de mort" réalisé avec André Frament de l'AFS.
I. Présentation de l'AFS et d'André Frament :
André Frament - Présentation de l'AFS et de sa... par Floriano75011II. La Théorie du « genre » ou « gender » :
André Frament - Théorie du "genre" (avec... par Floriano75011
III. L'homosexualité :
André Frament - Théorie du "genre" (avec... par Floriano75011
IV. L'avortement :
André Frament - Homosexualité (avec Florian... par Floriano75011
IV. L'avortement :
André Frament - Avortement (avec Florian Rouanet) par Floriano75011
V. L'euthanasie :
André Frament - Euthanasie (avec Florian Rouanet) par Floriano75011
VI. La conclusion :
André Frament - Conclusions (avec Florian Rouanet) par Floriano75011Merci Florian
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Les nœuds coulants d’un simulacre de justice
« L’exécution de Saddam Hussein est une faute politique majeure, a écrit avec raison, Robert Badinter… cette exécution précipitée a prévenu une condamnation pour les crimes majeurs contre l’humanité ». En réalité, c’est plutôt un tour de passe-passe qui relève de la haute politique internationale dans la mesure où il escamote les responsabilités occidentales dans bien des comportements reprochés à Saddam Hussein.
A cet égard, la parodie de ce procès a été conduite intelligemment : ne juger le personnage que sur le massacre de quelque 150 villageois à la suite d’un attentat manqué dont Saddam Hussein devait être la cible, affaire strictement irako-irakienne permettant d’écarter toutes les interventions étrangères du passé à commencer par celles de la puissance occupante. Précipiter l’exécution présentait l’avantage de permettre aux dirigeants chiites d’assouvir, à coup sûr, leur vengeance, devançant par exemple un très hypothétique soulèvement populaire (sunnite) qui eût tenté de libérer le Raïs. (Quoique si pareille menace avait été matérialisée les gardiens de Saddam Hussein devaient avoir la consigne de mettre fin à ses jours). Ainsi que le constatait Robert Badinter : … « Jamais Saddam Hussein n’aura été condamné pour ses crimes majeurs contre l’humanité ». C’est qu’il y eut de nombreux « pousse-au-crime » et qu’ils préfèrent demeurer dans l’ombre.
Longue est l’énumération des comportements jugés inadmissibles et des crimes majeurs « reprochés à Saddam Hussein. Essentiellement ceux-ci :
-Violences et meurtres pour affermir son pouvoir-Faire de l’Irak une puissance militaire (Saddam Hussein ayant compris que, riche en énergies fossiles, l’Irak devait avoir les moyens de défendre ses ressources nationales contre les prédateurs).
-Quête d’armements de destruction massive.
-Guerre contre l’Iran.
-Recours aux gaz asphyxiants contre les populations chiites favorables à l’ennemi iranien (massacre d’Halabja en 1988).-Répression implacable du soulèvement chiite au sud de l’Irak (1991) à la suite de l’invasion du Koweït et de l’intervention armée des Etats-Unis et de leurs alliés. -Détournement des fonds fournis par le programme de l’ONU : « Pétrole contre nourriture » ….
Ce réquisitoire incitant à quelques éclaircissements :
A) Un pouvoir assuré par la violence.
C’est dans un milieu où régnaient la trahison et la violence que Saddam Hussein accéda au pouvoir. Il faut rappeler qu’après la victoire des Alliés, en 1918, l’Irak passa de la domination des Turcs à celles des Britanniques, par souverain affidé interposé : le roi Fayçal 1er. Les partisans de l’indépendance, les Kurdes, les Sunnites, les Chiites, les pro-occidentaux et les Communistes, les zélateurs et les adversaires du nassérisme, vont s’affronter en coups d’Etat, émeutes, assassinats, tueries collectives. La Seconde Guerre mondiale ajouta une nouvelle cause de discorde avec l’intervention des Soviétiques soutenant la rébellion kurde.
En 1948, Londres avait imposé à Bagdad la signature du traité de Portsmouth qui confirmait « l’indépendance » de l’Irak mais perpétuait le contrôle de Londres. D’où soulèvement populaire et répression. Durant la décennie 1948-1958 une vingtaine de ministères se sont succédé au pouvoir à Bagdad. Le 14 juillet 1958, la population renversa la monarchie, le premier ministre probritannique Nouri Saïd est assassiné, sa dépouille mise en lambeaux. Meneur de l’insurrection le colonel Aref est arrêté et condamné à mort, le général Kassem croyant régner sans partage. Accédant au pouvoir par le coup d’Etat du 8 février 1963, le parti socialiste bassiste élimina physiquement les opposants. Mais une nouvelle révolution porta Abd Al Salam Aref au pouvoir. Tué dans un « accident » d’hélicoptère, son frère lui succéda. On évoquera par la suite le régime de « bain de sang » des frères Aref.Et c’est en 1968 qu’un autre coup d’Etat porta les officiers bassistes au pouvoir : Al Bakr, Saddam Hussein et le clan des Takriti. Ahmed Hassan al Bakr et Saddam HusseinTel a été le contexte historique. Il explique le comportement de Saddam Hussein persuadé qu’une implacable sévérité peut, seule, maintenir l’unité du pays, la paix intérieure et l’exploitation du profit de l’Irak, de ses ressources naturelles. Le monde occidental, mais aussi l’Union Soviétique et la Chine s’accommodèrent de pareilles ambitions comme des procédés utilisés pour atteindre ses objectifs. C’est qu’il était possible de tirer profit d’une telle politique. Elle ne commença à être critiquable que lorsque Saddam Hussein, faisant preuve d’un nationalisme jugé excessif, décida d’avantager son pays dans le commerce des richesses de son sous-sol.
- Armement (conventionnel de l’Irak).
Consacrant une part importante de la rente pétrolière à l’achat d’armements traditionnels (canons, chars d’assaut, avions, engins offensifs et défensifs) Bagdad attira les démarcheurs de tous les pays ayant une industrie d’armement ou plus modestement, produisant des équipements militaires.
Chronologiquement, l’Union Soviétique figura en tête du palmarès des fournisseurs d’armements. Dès 1958, et pour quelques 25 milliards de dollars, l’URSS équipa la quasi-totalité des nouvelles forces armées irakiennes. (En 1959, un accord de coopérations nucléaires scellait l’entente irako-soviétique, Moscou fournissant un réacteur nucléaire qui serait monté à Tuwaitha, près de Bagdad. En 1978, les Soviétiques portèrent même sa puissance de 2 à 5 mégawatts thermiques).C’est ainsi qu’avec l’URSS et la France, la Chine, la Grande-Bretagne, l’Allemagne, les Etats-Unis, la Tchécoslovaquie, l’Espagne, l’Italie, le Brésil et même l’Egypte, conclurent des marchés d’armement avec Bagdad, l’Irak se trouvant en mesure d’aligner 7 Divisions blindées, 6 Divisions de la Garde Républicaine, près de 600 chars d’assaut, 500 hélicoptères de combat, 680 avions de défense et d’attaque.
Outre l’appât du gain et un ravitaillement assuré en pétrole, y avait-il un dessein politique derrière cet empressement à armer l’Irak ? Sans doute créer en milieu arabe – important énergétiquement et stratégiquement – un Etat puissant, capable d’y établir un ordre nouveau, voisin du marxisme, pour l’URSS et affichant un socialisme laïque de bon aloi, pour les Occidentaux. Ainsi, les puissances qui détenaient la force et celles qui entendent dire le droit s’accordaient à armer Bagdad.
C) Quête par l’Irak, d’armes de destruction massive, à commencer par les armes atomiques.
L’Allemagne a fourni à l’Irak les équipements des usines chimiques de Samarra et de Fallujda. Der Spiegel a révélé qu’une firme de Hambourg avait acheminé outillages et produits chimiques destinés à la production de gaz toxique. Près de 90 firmes allemandes ont livré à l’Irak armes et produits chimiques destinés à l’armement. De son côté la Belgique vendit 500 tonnes de thiodiglycol, ingrédient permettant de fabriquer de l’ypérite.En janvier 1980, le Brésil signa un accord de coopération nucléaire –à des fins civiles officiellement – avec l’Irak. Les entreprises brésiliennes Avibras et Orbita avaient étudié les fusées destinées à l’étude de l’atmosphère mais aisément convertibles en missiles balistiques. Quant à l’Argentine, elle bénéficia d’un financement irakien pour mettre au point sa fusée Condor II et former des techniciens irakiens.
L’Italie vendit à l’Irak une usine pilote pour la fabrication du combustible des réacteurs à eau pressurisée tandis que les Etats-Unis fournissaient les ordinateurs nécessaires à l’équipement du Centre de Recherche irakien Saad 16. Pour sa part l’Espagne a exporté en Irak des projectiles chargés de gaz toxique (utilisés ultérieurement contre les Iraniens et les Kurdes). La société belge Sybetra filiale de la Société Générale fut chargée de construire un centre d’extraction et de traitement des phosphates, dans le nord-ouest irakien afin d’alimenter deux complexes chimiques produisant de l’acide phosphorique qui entre dans la composition du gaz toxique tabun. Ce sont encore les Belges, les sociétés Mechim et Wutz qui reçurent la mission de construire une usine de traitement des phosphates afin d’en extraire de l’uranium naturel.
Se tournant vers Moscou, Bagdad avait demandé, en 1974, une assistance scientifique permettant la maîtrise, sous toutes ses formes, de l’énergie nucléaire. Le Kremlin refusa de s’engager plus avant. Paris s’empressa de répondre à l’attente des Irakiens. Sur instruction de Giscard d’Estaing, le ministre de l’Industrie, Michel d’Ornano proposa de livrer à l’Irak la réplique d’une centrale nucléaire installée à Saclay, centrale qui fonctionnait à l’uranium 235 « enrichi » (93 %) et c’est ainsi qu’Osiris devint Osirak.
Paris livrerait l’uranium nécessaire et formerait les scientifiques et techniciens irakiens. Invité à l’Elysée, en septembre 1975, le vice président irakien ne put s’empêcher de déclarer à un journal libanais que … « l’accord conclu avec la France était le premier pas concret vers la production de l’arme atomique arabe ». Et le premier ministre, Jacques Chirac, fit visiter les installations nucléaires de la vallée du Rhône et traita fastueusement son ami Saddam Hussein à Baumanière, aux Baux de Provence. La France venait d’engager l’Irak dans la voie de l’énergie nucléaire, et, indirectement, sous toutes ses formes. Un accord fut signé le 18 novembre 1975 selon lequel, initialement, la France fournirait deux réacteurs : Osirak (Tammouz 1) et Isis (Tammouz 2) de moindre puissance et une filiale du Commissariat à l’énergie atomique recevrait 1,45 milliard de francs pour l’édification, à Bagdad, d’un Centre de recherches nucléaires. Consommant environ 10 tonnes d’uranium naturel par an Osirak pourrait produire, annuellement, 7 à 10 kilos de plutonium militairement utilisable.
Le gouvernement d’Etat d’Israël protesta. Paris répondit que l’Irak ayant signé le traité de non prolifération, la collaboration nucléaire avec Bagdad n’était pas interdite.
Peu convaincu l’Etat d’Israël décida d’intervenir. Soucieux de ne pas gêner la campagne électorale de François Mitterrand, et sans doute avec son accord, les Israéliens, avec 8 avions F 16 protégés sur leur parcours par six F 15, détruisirent le site de Tuwaitha, tuant un scientifique français. Mais, au début de 1982, François Mitterrand proposa à Saddam Hussein de reconstruire à l’identique – moyennant finances, bien sûr – les réacteurs Tammouz.Poursuivi, le procès de Saddam Hussein eût probablement conduit les avocats de la défense à évoquer l’implication de la France dans l’armement atomique de l’Irak. Et pas à l’avantage de notre pays.
C) Guerre Irak-Iran
Saddam Hussein a été coupable du déclenchement des hostilités contre l’Iran. Dénonçant les accords d’Alger relatifs au partage du Chatt al Arab, il mobilisa toutes ses forces armées contre celles de Téhéran.
Un « fauteur de guerre » et une guerre qui fit plus d’un million de morts.
C’est une fois encore escamoter le contexte ; les événements survenus en Irak à partir de la fin des années 70 ont été déterminants. L’ayatollah Khomeini, d’abord en Iran, puis en France où Giscard d’Estaing l’accueillit, en octobre 1978, prêchait la révolte et le renversement du Chah et du régime politique qu’il avait instauré (modernisation du pays, réforme agraire, avancées sociales, démarches sans doute prématurées). Après des mois de manifestations, d’émeutes, de rude répression, le Chah se réfugia en Egypte, gagna le Maroc et les Etats-Unis finalement l’Egypte où il meurt le 27 juillet 1979.
En avril la République islamique d’Iran avait été proclamée et Khomeini entreprit de réaliser un vaste programme de nationalisation peu apprécié à l’extérieur. A l’intérieur régnait l’instabilité due aux querelles religieuses et sociales. En novembre 1979 les étudiants firent irruption dans l’ambassade des Etats-Unis et y prirent 90 otages dont 60 de nationalité américaine.
On comprend aisément que les diplomaties occidentales, à la remorque de Washington, aient fait pression sur Bagdad pour que celui-ci s’attaque à l’Iran. Fournisseurs d’armes, ils avaient beaucoup à gagner. Même l’URSS qui, ravitailla à la fois les armées irakiennes et les formations armées iraniennes. Paris prit parti pour l’Irak, le gouvernement Mauroy allant jusqu’à prélever des avions Super Etendard sur les modestes disponibilités de l’Aéronavale pour les prêter à l’Irak afin d’attaquer le trafic maritime iranien à l’aide des engins Exocet que pouvaient lancer ces avions. Et si, en mars 1985, le bombardement au gaz toxique de la population kurde d’Halabja suscita un malaise dans les relations Paris-Bagdad, celui-ci fut vite surmonté, M. Roland Dumas recevant chaleureusement le 16 mars, M. Tarek Aziz au Quai d’Orsay, les ventes d’armes à l’Irak n’étant pas interrompues.
Devant de tels témoignages de soutien, il est normal que Saddam Hussein, champion d’un certain socialisme laïque, ait estimé qu’il pourrait spéculer sur l’assistance des puissances occidentales auxquelles, indirectement dans le cas de conflit avec l’Iran, il rendait un éminent service.
D) Invasion du Koweït.
Ce fut là une impardonnable atteinte à l’ordre international. Pareille agression devait être sévèrement condamnée. Mais le contexte explique –sans l’excuser un tel acte. Voici les faits :
-En 1984, Ronald Reagan avait signé une directive présidentielle secrète précisant que l’Irak ayant pris l’initiative d’engager des hostilités contre l’Iran, il était de l’intérêt des Etats-Unis qu’il en sorte vainqueur, car à tout prix, il fallait éviter que l’Iran domine la zone du Golfe. Il fallait que les Alliés aident Bagdad dans son combat contre l’intégrisme religieux, à l’iranienne, - directive visant « la nécessaire amélioration des relations avec l’Irak et l’extension de la coopération avec ce pays ».-Alors qu’à Genève allait débuter une importante conférence de l’OPEP, le 25 juillet 1990, l’ambassadeur des Etats-Unis, Mme Avril Glaspie fut reçue par Saddam Hussein.
Mme Glaspie, prudente, répondit que … « Les Etats-Unis n’avaient pas d’opinion sur les conflits interarabes tels que les désaccords quant à la frontière du Koweït… en revanche les efforts extraordinaires déployés par Bagdad pour reconstruire l’Irak étaient appréciés aux Etats-Unis ».
Le 31 juillet Mme Tutwiller, porte-parole du Secrétaire d’Etat et l’adjoint de M. J. Baker pour les questions du Proche-Orient M. John Kelly déclarèrent lors d’une conférence de presse que … « si le Koweït ou les Emirats Unis étaient attaqués par l’Irak, les Etats-Unis n’étaient pas tenus de leur porter secours ». Jusqu’au 2 août Washington entendait entretenir de bonnes relations avec Bagdad et le laisser agir conformément à ses intérêts. Etait-ce un piège ? Ou une divagation verbale des représentants du Département de l’Etat ? Si le procès avait été mené à terme, les avocats de Saddam Hussein auraient eu beau jeu d’évoquer le piège, voire l’encouragement donné à Saddam Hussein comme il avait été encouragé à s’en prendre à l’Iran dix ans plus tôt. En faveur de l’hypothèse du piège, lisons la Pravda : …
Les Etats-Unis agissent au nom de la défense des victimes de l’agression. Mais il serait naïf de croire qu’ils avaient seulement des buts altruistes. Les intérêts réels de Washington reposent sur l’aide à l’Arabie Séoudite, mais avant tout sur le pétrole… ».
Aussi la parodie du procès de Saddam Hussein apparaît-elle être la manifestation de la vengeance : celle des Chiites contre les Sunnites. Alors tribunal international ? Ses membres, ressortissants des pays qui poussèrent au crime Saddam Hussein auraient fait preuve d’impartialité pour blanchir leurs gouvernements respectifs. La « justice » ne peut être que celle qui convient aux plus forts. »Pierre-Marie Gallois http://www.lesmanantsduroi.com
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Décadence, misère et grandeur de l'autorité (2ème partie)
LE MAL, en détruisant nécessairement l'autorité du père (de la majorité des pères) qui aujourd'hui n'est plus digne de ce nom sociologiquement parlant, a donné une voie inattendue vers le changement social. Ne peut-on pas se réjouir qu'un père aujourd'hui sans repères, sans valeurs solides, sans principes, sans foi transcendante, ne possède plus l'autorité nécessaire à la reproduction culturelle de sa progéniture ? C'est encore Paul Bourget qui, dans son roman L'Etape, montre l'effondrement moral qui touchait la petite bourgeoisie cultivée des années 1900 et la réaction vive des fils de "boursiers" déterminés à retrouver leurs racines, une communauté, et des valeurs imprescriptibles. Ces fils ont personnellement franchi l'étape métaphysique pour entrer dans l'état "organique" et "positiviste" (dans un sens maurrasso-comtien).
« J'ai cru que la Démocratie s'accordait avec la Science » (15) fait dire Bourget à Jean Monneron, le personnage principal de son fameux roman.
« Voilà cent ans poursuit-il que chacun dans ce pays se fait juge de toute la société au nom de ce qu'il appelle sa conscience et qui n'est que sa passion dominante. Et c'est le secret de l'agonie de la France...»
Comment "penser" la société ? « Je veux la traiter comme la physiologie nous apprend à traiter un corps vivant, par l'expérience, dit Jean. Nous avons une expérience instituée par la nature, c'est la tradition, sous toutes ses formes. Nous avons une patrie, acceptons-la ; une famille, acceptons-la ; une religion... » (16)
Dans cette fiction littéraire, c'est le père de Jean, Joseph Monneron, qui représente la génération sacrifiée, celle ayant expérimenté l'anarchie intellectuelle, "subie" les ambitions, un enseignement acharné, inassouvissable, inapaisable. Mais s'il ne peut "passer", dépasser l'étape, son fils, Jean, le fait non sans efforts mais d'une manière irrévocable.
Pourtant profondément sensible à l'affection que lui porte son père (qui ne vit que pour ses idées), Jean, convaincu de l'"erreur" libérale, décide de rompre brutalement et définitivement avec les dogmes progressistes qui avaient pourtant bercé toute son enfance et adolescence. Car c'est au nom de la raison que le jeune Jean fait le choix du traditionalisme. L'étape du père fut douloureuse mais utile pour le fils raisonneur et intelligent, qui a eu cependant la "chance" de rencontrer l'homme du « vrai progrès », le « gardien de la mémoire », l'"arche" de la connaissance traditionnelle. Sans lui, l'étape du père aurait-elle pu être profitable ? N'aurait-elle pas été plutôt selon Bourget un funeste sinistre humain ? Le reste de la fratrie, seul devant les dogmes du père, sombre dans le désespoir, l'esprit de lucre et la malhonnêteté, faute d'avoir "digéré" l'étape".
Si elle n'est pas très originale, l'histoire de Paul Bourget constitue en quelque sorte une allégorie, à l'échelle atomique, du développement possible ou en cours de la société française. Dans son roman, Jean présente la troisième génération d'une famille dont l'histoire débute véritablement avec la naissance de son père Joseph. Ce dernier s'arrache de la paysannerie qu'il exècre en secret, et de ce fait, se détache avec énergie des règles, coutumes et traditions qui régulaient depuis des siècles la vie de ses ancêtres. Joseph entre symboliquement dans le second état (la deuxième étape) explicité par Auguste Comte (postulant, répétons-le, que le développement de la société passe par trois états). Le premier état, nous le savons, est théologique, c'est-à-dire essentiellement religieux et donc "naturellement" reliant. Selon Comte et Bourget, parce qu'il est le "produit" de l'institutionnalisation de croyances objectivement irrationnelles, il était inéluctablement condamné à disparaître.
Le deuxième état est métaphysique et abstrait, représente l'adolescence du monde occidental. Il correspond dans une certaine mesure à l'étape relatée par Bourget dans son roman éponyme.
Le troisième état, explicité d'une manière assez équivoque par Comte (en raison de ses téméraires anticipations ou prédictions) est celui où l'acteur social accepte un ordre social nouveau et paradoxalement "réactionnaire", en fait, "post-individualiste".
Pour Jean qui accepte cet état, il s'agit d'un choix "avant-gardiste", "précoce" et donc incompris par son camarade juif Crémieux-Dax, "embourbé" dans le stade romantique et "mortifère".
« — Va jusqu'au bout, dit Crémieux-Dax avec une violence extraordinaire, et ose prétendre que tu dois être catholique scientifiquement.
— Scientifiquement, oui, répondit Jean. Entendons-nous : la foi n'est pas une géométrie ni une chimie. Elle ne se démontre pas. Mais non seulement la science ne s'y oppose pas, et au contraire elle indique cette solution comme la plus raisonnable. Et c'est aussi celle où j'ai résolu de me ranger. Oui, insiste-t-il avec plus de fermeté encore, je me suis décidé à me faire catholique, comme tous les miens l'ont été pendant des siècles et des siècles. Je ne peux pas vivre sans mes morts... J'ai retrouvé leur foi et je ne la laisserai plus périr... » (17)
Lisons tout de suite la très intéressante suite de cette discussion :
« Leur foi ? S'écria Crémieux-Dax. Te faire catholique ? Toi ? Ne me dis pas cela. Voyons, ce n'est pas possible. On ne se fait pas catholique avec ton cerveau. »
« C'est avec lui pourtant que je le suis devenu, dit Jean Monneron, et il ajouta : et que je le resterai. » (18) Ainsi est-ce par le parti de l'intelligence (et il est difficile de ne pas faire un lien avec l'école de l'Action française d'avant la Première Guerre Mondiale) qu'une fraction de la jeunesse (et certainement de la jeunesse la plus brillante, celle qui fut quasiment exterminée en 14-18 par une "élite" inquiète) retrouva le chemin de la tradition et de l'autorité. Car le nationalisme est avant tout une Action logique dont la nécessité est démontrée par l'histoire. C'est aux nationalistes et à eux seuls de restaurer le principe crucial d'autorité, car « si le peuple a besoin de chef comme un homme de pain » (Maurras), il a besoin d'un dirigeant honnête, charismatique et galvanisé par son œuvre de restauration nationale.
François-Xavier ROCHETTE. Rivarol du 9 décembre 2011
15) Paul Bourget, L'Etape, Hachette, 1929 (1902), P. 353.
16) Ibid, page 353.
17) Ibid, page 354.
18) Ibid, page 354.