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économie et finance - Page 563

  • Un centenaire dont la république n'est pas fière : l'impôt sur le revenu

    Parmi les multiples anniversaires de l'année qui s'achève, il en est un qui n'a fait aucun bruit — et pour cause ! — puisqu'il s'agissait de celui de la loi du 15 juillet 1914, par laquelle fit son apparition en France l'impôt sur le revenu ! En ces jours où les Français sont immanquablement portés, lorsqu'ils entendent parler d'impôt, à suivre l'exemple de Joseph Goebbels quand il entendait le mot "culture"..., mieux valait pour François Hollande et les socialistes actuels ne pas trop exalter les "trouvailles" de leurs ancêtres d'il y a un siècle...

    UN FOU NOMMÉ JOSEPH CAILLAUX

    J'ai remis ces jours-ci la main sur un livre paru en 1977 et intitulé La gestapo fiscale du talentueux pamphlétaire qui m'honorait de son amitié : André Figueras (1924-2002). On y apprend des choses époustouflantes sur Joseph Caillaux (1863-1944), "père" de cet impôt sur le revenu, qui, chaque année, empêche de dormir maints Français, quand il ne les condamne pas tout simplement au suicide... André Figueras ne mâchait pas ses mots : pour lui, cet impôt était « l'œuvre d'un fou », et notre auteur ne manquait pas d'anecdotes prouvant que le ministre des Finances d'il y a cent ans n'avait point tout son bon sens. Par exemple, il urinait dans la cheminée devant les convives ébahis du Cercle républicain, avenue de l'Opéra, comme le raconta André-Jean Godin, qui fut un temps vice-président de l'Assemblée nationale... D'autres témoins avaient rapporté à Figueras que Caillaux, chaque fois qu'il se rendait chez une certaine dame, en montant, urinait dans l'ascenseur... Puis il y avait cet extrait des Mémoires de Jules Moch, lequel, chargé par le président du Conseil d'aller au Sénat proposer une solution de compromis à Caillaux, s'entendit répondre par celui-ci : « Allez dire à Léon Blum que j'aimerais mieux m'arracher mille millions de fois les poils du c... que d'accepter ! » Cet homme hautement distingué était le mari de la célèbre Mme Caillaux, qui assassina avec préméditation à coups de revolver en mars 1914 le directeur du Figaro Gaston Calmette à qui elle reprochait d'avoir publié une lettre d'elle à son mari alors qu'elle n'était encore que sa maîtresse... Le scandale de l'acquittement de la meurtrière n'avait nullement conduit le ministre à se retirer. Il trouva même le moyen de se faire réélire aux élections législatives de 1914.

    Ce personnage plus que douteux « dont le visage serré avait quelque chose de maudit », réussit quand même « par un tour de passe-passe antinational, à faire voter cet impôt sur le revenu dont, jusqu'alors, les législateurs français avaient légitimement repoussé le projet » (Figueras). Jusqu'en 1908, il n'y avait point d'impôt sur le revenu et Caillaux lui-même, qui s'était illustré en 1907, par un projet consistant à remplacer les quatre impôts (les « quatre vieilles » : contribution foncière, contribution mobilière, patente, impôt sur les portes et fenêtres), créés pendant la période révolutionnaire, par un impôt progressif sur le revenu global, avait dû retirer son texte devant l'opposition du Sénat. « D'une façon générale, du reste, dit Figueras, il y avait infiniment moins d'impôts qu'aujourd'hui et la France était alors une grande et riche puissance. Et je pense pour ma part qu'il y a corrélation totale entre les deux choses ». Nous pensons évidemment de même.

    MALTHUSIANISME, DÉLATION, ARBITRAIRE...

    Car qui voulait alors ardemment cet impôt sur le revenu ? Laissons parler Figueras : « Les socialistes, ennemis éternels de la grandeur, de la gloire, de l'essor, de l'initiative et même de la victoire. Les socialistes, qui ont toujours contrecarré notre expansion coloniale. Les socialistes, qui pensent petit, haineux, médiocre, jaloux. Les socialistes, qui détestent tout ce qui est supérieur, qui ne rêvent que d'uniformité dans l'insignifiance. [...] L'impôt sur le revenu, c'est la toise imbécile, c'est le lit de Procuste qui veut mettre tout le monde à la même taille. Du reste ces imbéciles haineux ne cachent même pas leur programme : ils veulent que l'impôt soit un moyen de redistribution des revenus. Comme si cela était son rôle... »

    Or Caillaux profita de l'accélération de toute chose politique à rapproche de la guerre pour faire passer le 15 juillet 1914 son projet d'« impôt sur le revenu des personnes physiques », impôt déclaratif qui se fait par le biais d'une déclaration de revenus. Le ministre, « grand homme des hommes petits » (Figueras), créa du même coup « ces petits messieurs, socialistes ou non, que sont les inspecteurs des impôts, ces nigauds entichés de paroles, si contents d'eux-mêmes, si convaincus de leur infaillibilité, si impavides qu'ils trouvent légitime de s'arroger toutes les bonnes places » (Figueras).

    Et André Figueras concluait son chapitre par cette déclaration cinglante, à laquelle on ne peut guère ne pas souscrire douze ans après sa mort : « L'impôt sur le revenu, c'est l'injustice, c'est l'insécurité, c'est le malthusianisme, c'est la délation, c'est l'arbitraire, bref, c'est l'œuvre signée d'un fou. »

    HOLLANDE JUGÉ PAR PROUDHON

    Dans le même livre La gestapo fiscale, André Figueras, décidément bien inspiré, citait aussi le penseur de ce que l'on a appelé le socialisme libertaire et qui n'était pas si révolutionnaire qu'on l'a dit : Pierre-Joseph Proudhon (1809-1865). Celui-ci rappelait, dans Théorie de l'impôt (1861), des principes de bon sens, telle la conception de l'impôt comme la quote-part à payer par chaque citoyen pour la dépense des services publics, fi en résultait que « ce que le pouvoir donne aux citoyens en services de toutes sortes doit être l'équivalent exact, de ce qu 'il leur demande soit en argent soit en travail ou en produits » autrement dit : « tout produit ou service doit, à peine de se liquider en perte, répondre à un besoin tel que celui qui éprouve le besoin consente à donner du produit un prix égal au moins à la dépense que ce produit colite. »

    Proudhon constatait que « le gouffre fiscal est plus profond, plus avide, qu'on ne l'avait vu au beau temps des monarchies et des aristocraties de droit divin ; c'est pourquoi la maxime : "faire rendre à l'impôt tout ce qu'il peut donner" est une maxime essentiellement moderne. Rigueur dans la perception, élévation des taxes au maximum de rendement, voilà la règle... » On croirait que Proudhon devinait déjà François Hollande et la gauche au pouvoir, lesquels augmentent les impôts sans tenir compte le moins du monde de l'intérêt du contribuable... Il en découle que déterminer le point juste auquel l'impôt donnera la plus grosse recette possible est une méthode perverse. Et Proudhon de continuer : « De même que l'on peut juger de la bonne tenue d'une maison de commerce et d'une entreprise industrielle par la modicité de ses frais généraux, de même on peut augurer favorablement de l'administration d'un État, de la capacité et de la sévérité de ses directeurs, de la liberté et de l'aisance des citoyens, par la médiocrité de l'impôt.» Nos hommes de gauche et même de droite d'aujourd'hui auraient tout intérêt à relire Proudhon au lieu de s'obstiner à le traiter d'anarchiste. Ils apprendraient de lui des règles de conduite utiles et bénéfiques à tous : « Pas un impôt dont on ne puisse dire qu'il est un empêchement â la production ! Et comme l'inégalité la plus criante est inséparable de toute fiscalité (attendu que toute contribution retombant sur la masse dégénère en une capitation), pas d'impôt dont on puisse dire encore qu'il est un auxiliaire du parasitisme contre le travail et la justice ! »

    POUR UNE RÉORGANISATION DU FISC... ET DE L'ÉTAT

    Charles Maurras, qui n'était pas un ennemi de Proudhon auquel il reprochait seulement de ne pas pousser jusqu'au bout son fédéralisme en le couronnant d'un pouvoir fort, pensait pour sa part en 1913 — donc un an avant que la loi fût votée —, que l'impôt sur le revenu frapperait surtout les classes moyennes, celles qui sont incorporées au sol, et qui ne pourraient lui échapper : « C'est sur la propriété immobilière, sur la moyenne et la petite propriété que tout retombera en dernière analyse. L'industrie et l'agriculture paieront c'est-à-dire, en France, la classe sociale qui est la plus étendue, la plus vigoureuse et qui a toujours fait l'orgueil et le renom du pays, celle qui ne se tient ni si haut ni si bas, celle dont la modestie conserve dignement tes importantes accumulations du passé et couve les précieuses réserves de l'avenir ! En frappant les classes moyennes, l'État français ferait un pas de plus dans la voie de son suicide » (Action française, 9 septembre 1913).

    Et à ceux qui lui disaient que cet impôt réaliserait la justice, Maurras répondait : « L'impôt est fait pour subvenir aux frais de l'État. Qu'il y subvienne avec justice, cela est naturel, normal et va de soi : tout dans l'État doit se poursuivre aussi justement que possible, la police, l'organisation militaire, le fisc et le reste... La justice n'est qu'une modalité générale, elle est commune au fisc et à mille choses. Elle n'en est pas, elle ne peut pas en être le but premier. »

    Il ne s'agit donc pas de se référer au principe de la justice en matière fiscale, car c'est l’utile qu'il faut considérer. L'utilité sociale et l'unité nationale exigent une contribution forte des citoyens, surtout des plus riches. « Reste à voir comment on l'aura. Moins prévoyant que l'ancien régime, moins fort aussi, moins respecté, l'État démocratique ne peut demander de "don gratuit" à de grandes collectivités possédantes, pour la bonne raison qu'à part très peu d'exceptions près, il ne les a pas laissées subsister. » L'impôt sur le revenu ne saurait donc être un moyen d'obtenir des particuliers ce qu'il eût été facile autrefois de réclamer du généreux patriotisme des grands corps (clergé, noblesse, hôpitaux...)

    Maurras poursuivait sa réflexion : « Le travail et le capital organisés, c'est-à-dire rassemblés en une série de corps d'État où la division en ordres se substituerait à la funeste divisions en classes, cela amènerait à la constitution de puissances collectives sur lesquelles l'État pourrait compter non seulement du point de vie militaire et civil, mais même du point de vue fiscal. On pourrait imposer, non les riches, mais les grands corps possédant de grandes richesses. Ces corps pourraient ensuite répartir dans leur sein les contributions. Dans un pays émietté, atomisé, individualisé comme le nôtre, taxer les riches, essayer de taxer la fortune acquise ne représente qu'une aventure chanceuse, aventure onéreuse et finalement décevante pour l'État qui va la courir. Au contraire, pour un pays organisé et distribué, un pays où l'Etat ferait des catégories de citoyens, catégories avouées et reconnues, cela eût signifié quelque chose. Le fisc de l'État français n'a devant lui que des individus et qui menacent tous de fuir entre ses doigts » (Action française, 20 août 1913).

    Le pire est que cette massification des individus, sans moyens de résistance et de réfrènement, est l'état normal de la démocratie, laquelle a besoin de cette masse inorganisée qu'elle laisse entre les mains de parasites et de pillards. Il manque à la France le roi, chef de famille attentif et dévoué, qui puisse gérer les richesses du pays avec sagesse, loin de toute idéologie.

     

    Michel FROMENTOUX. RIVAROL 20 NOVEMBRE 2014

  • L'Allemagne à la croisée des chemins | Par Michel Drac.

    Toujours d'actualité, nous vous proposons de redécouvrir ce billet de Michel Drac publié pour la premiére fois sur notre site le 3 décembre 2009. Il est à mettre en relation avec cette vidéo :George Friedman, le fondateur et PDG du Think tank US « Stratford » dévoile son plan pour contrôler l'Europe !


    Il existe aujourd’hui, dans la dissidence française, une tentation de la simplicité à l’égard de l’Allemagne.

    Du côté germanophobe, on souligne que l’affaire du Kossovo a été favorisée par Berlin, alliée en l’occurrence aux Etats-Unis. On a raison d’ailleurs, mais on devrait aussi se souvenir que tout en soutenant ouvertement l’opération du Kossovo, les Allemands ont en sous-main appuyé la partie russe lors des négociations finales. Du côté germanophile, on rappelle que Schröder a accepté l’alignement de son pays sur la position française lors de la deuxième guerre d’Irak. On a raison là encore, mais on devrait aussi se souvenir que dans le même temps, les services secrets allemands transmettaient des informations sensibles à leurs homologues américains.

    On voit bien, à la lumière de ces deux exemples, que la position actuelle de l’Allemagne n’est pas simple. Elle est au contraire très complexe, polyvalente, fluctuante. Berlin n’est ni le serviteur de la haute finance mondialiste, ni son adversaire résolu. L’impression générale, en termes géostratégiques, est qu’à chaque fois que Berlin prend position officiellement dans un sens, elle fabrique une position officieuse en contrepoids.

    Cet article vise précisément, en particulier à partir d’une analyse de la donne économique, à sortir de la tentation de la simplicité, pour comprendre cette Allemagne-puissance renaissante et paradoxale.

    Effort, récompense et trahison

    Quand on parle à un Français de la puissance économique allemande, il imagine généralement des cartels colossaux, des aciéries, le ciel gris de la Ruhr, un modèle de cogestion sécurisant et une population très prospère.

    Autant de clichés qui ne correspondent plus à la réalité.

    L’économie allemande est vivifiée par un tissu de moyennes entreprises. La Bavière grignote la position de la Ruhr comme cœur du capitalisme productif d’outre-Rhin. Les industries de transformation sont désormais l’essentiel de la puissance industrielle allemande (production industrielle : 220 % de la nôtre). Et si, grâce aux sacrifices consentis, l’Allemagne jusqu’en 2007 se portait très bien (modèle ultra-performant à l’export), la pauvreté, avec la casse de l’économie sociale de marché, y est désormais réelle : les statistiques officielles indiquent que 8 % des Allemands vivent en situation de pauvreté (4 % à l’Ouest, 20 % à l’Est), la « situation de pauvreté » s’entendant ici parfois en termes absolus, c'est-à-dire l’impossibilité de garantir, même à très court terme, le maintien de conditions d’existence décentes1.

    Le Wirtschaftswunder (miracle économique), ce n’est plus pour tout le monde. En 2007, l’Allemagne allait économiquement très bien, mais les Allemands beaucoup moins bien. On ne le voit pas quand on voyage outre-Rhin, car en Allemagne, les pauvres se cachent. Mais en réalité, l’Allemagne connaît, elle aussi, une régression sociale très violente. C’est le pays où, pour faire régresser le chômage, on a massivement développé le précariat.

    Petit flash-back, tout d’abord, pour comprendre comment on en est arrivé là : 

    On peut remarquer d’emblée que la fragilisation de l’économie allemande à partir de la fin des années 90 fut en grande partie la conséquence de deux décisions européennes :

    - L’union monétaire, qui a imposé à l’Allemagne une politique monétaire restrictive (pour éviter que le passage à l’Euro ne détruise la solidité de la zone Mark), et cela au moment précis où la RFA devait absorber la RDA ;
    - La règlementation européenne, qui en imposant le démantèlement de la couverture publique du système bancaire, a considérablement fragilisé le modèle du capitalisme rhénan à l’Allemande.

    Voilà matière à réflexion pour ceux qui pensent que Bruxelles n’est qu’un faux-nez de Berlin. Disons que si c’est un faux nez, alors c’est un faux nez qui fait mal à celui qui le porte !

    Cela dit, au-delà des décisions de Bruxelles, c’est la confrontation avec les pays émergents, sur les marchés d’exportation, qui a obligé l’Allemagne à remettre en cause son « économie sociale de marché », pour adopter des réformes d’inspiration néolibérale. L’Allemagne a relevé ce défi, au prix d’un durcissement certain de son modèle social.

    C’est que Berlin a absolument besoin de ses marchés d’exportation. L’Allemagne est encore la première puissance exportatrice mondiale en termes de marchandises et de services non financiers. Mais c’est aussi une puissance menacée : elle va bientôt perdre son rang, la Chine la rattrapant à toute vitesse. Sur l’échiquier économique mondial, échiquier sur lequel joue le patronat allemand, il faut maintenant faire vite pour se préparer à la transition vers un monde post-américain, où l’Asie deviendra le nouveau centre de gravité de l’économie-monde. Toute la politique allemande doit être interprétée au regard de cette réalité.

    Cette politique a consisté, en substance, à démanteler l’économie sociale de marché sans toucher aux fondements de la cogestion. Il y a donc eu consensus apparent des Allemands, si l’on ose dire, pour se faire mal. Paradoxe aisé à décrypter : d’une part certains fondamentaux anthropologiques subsistent, qui font qu’il est très difficile pour les Allemands de se rebeller ; d’autre part le système de cogestion est lui-même devenu une coquille vide, puisque les taux de syndicalisation sont retombés à un niveau presque comparable à la situation française.

    Plus profondément, depuis sa défaite en 1945, le peuple allemand, et ses classes dirigeantes sur ce point en accord avec lui, considèrent implicitement que l’Allemagne doit accepter de jouer avec des règles qu’elle ne fixe pas, et sur lesquelles elle a peu d’influence. Quand ils acceptèrent le passage de l’économie sociale de marché au néolibéralisme (réforme du marché du travail, flex-sécurité avec sécurité faible), les Allemands, collectivement, se voulaient, désormais, les « bons élèves » de la classe néolibérale (tout comme la RFA avait été le « bon élève » de la classe social-démocrate, et la RDA le « bon élève » de la classe communiste).

    Ici, les fondamentaux anthropologiques jouent évidemment un rôle non négligeable (culture du consensus, exigence d’unité). Nous n’entrerons pas dans les détails de cet aspect culturel et anthropologique, mais retenons cependant bien ce point, car il n’est pas sans importance s’agissant de la manière dont les Allemands vont percevoir la crise actuelle : entre 1995 et 2005, l’Allemagne s’est fait mal pour être le « bon élève », et s’adapter aux règles du jeu, sachant qu’elle reconnaît ne pas avoir le droit de les définir, et assez peu la possibilité de les influencer. Donc comment va-t-elle réagir, si ayant joué le jeu, elle n’en retire plus les fruits ?

    Car la crise qui vient va empêcher l’Allemagne de tirer profit de l’investissement qu’elle a consenti en durcissant son modèle social…

    Jusqu’à la crise, Berlin pouvait en somme s’y retrouver. Grâce à la politique d’austérité, l’Allemagne est parvenue à renouer avec la croissance, une fois la RDA absorbée. Elle exportait en 2007 10 % de sa production vers les pays émergents (France : 3 %). Elle a retrouvé une zone d’influence économiquement incontestable dans l’Europe balkanique. Les firmes allemandes ont effectué une percée impressionnante aux USA. L’Allemagne s’est redonné un modèle d’exportation fiable, les entreprises allemandes pratiquant l’outsourcing des produits semi-finis vers l’Asie pour les fonctions ne demandant pas une main d’œuvre très qualifiée, avant de réexporter des produits finis vers les USA, certains pays émergents et la zone d’influence est-européenne.

    La crise économique de 2008 est venue percuter cette Allemagne en relativement bonne santé, mais fragilisée par la déstructuration latente de son modèle capitaliste rhénan. Les banques allemandes ont été frappées de plein fouet, elles qui étaient déjà vulnérabilisées par la règlementation européenne et la démolition de l’ancien modèle rhénan banque/industrie – caisses d’épargnes garanties par l’Etat. Si les entreprises allemandes disposent de capacités d’autofinancement bien meilleures que la moyenne européenne, elles souffrent de l’effondrement de leurs marchés d’exportation, en particulier les USA et les pays d’Europe de l’Est frappés de plein fouet par l’implosion de la bulle de l’endettement. Pour un pays qui n’est pas autosuffisant en termes de matières premières et alimentaires, et dont le marché intérieur est peu dynamique (du fait de l’implosion démographique), la perte des marchés d’exportation est une catastrophe.

    Comment l’Allemagne va-t-elle réagir ? Elle a joué le jeu. Elle l’a bien joué. Elle perd quand même. Y aurait-il rupture du contrat symboliqueentre vainqueurs et vaincus de 1945 ?

    La bascule faussée

    Le discours officiel est, comme on pouvait s’y attendre, que l’Allemagne doit s’en sortir par le renforcement des solidarités européennes. Il n’est pas nécessaire d’être grand clerc pour deviner qu’il ne s’agit là que de propagande. On se souviendra à ce propos qu’à l’automne 2005 (donc quelques mois après le « non » français au traité européen), Angela Merkel tout juste nommée remonta le taux de TVA allemand de trois points, pénalisant ainsi les exportations françaises. C’est cette décision brutale, non concertée, qui explique en partie la dégradation de notre balance commerciale avec l’Allemagne. Voilà qui en dit long sur la « solidarité européenne ».

    En réalité, les Allemands n’ont jamais été dupes de la construction européenne. Ils l’ont instrumentalisée froidement, mais elle ne les a jamais empêchés de jouer la carte du multilatéralisme extra-européen, avec, en particulier, une politique de bascule permanente entre l’Ouest (la France, l’Angleterre et les USA) et l’Est (la Russie). Reconnaissons leur donc cet avantage qu’ils sont très prévisibles : ce sont des pragmatiques. En toute circonstance, ils poursuivent leurs intérêts bien compris. Essayons de voir où cela va les mener.

    En 1990, la Russie a reconnu la pleine souveraineté de l’Allemagne. Peu après, ses troupes ont achevé de quitter le territoire allemand. Depuis cette date, Berlin s’est par contre soigneusement gardée de poser la question de la présence américaine (dont on ne voit plus très bien à quoi elle sert, sinon à occuper militairement un protectorat). Certains, en France, ont voulu y voir la preuve d’un axe Washington-Berlin structurel et indissoluble : interprétation qui mériterait sans doute d’être mise en perspective, l’alliance entre un occupant et un occupé étant tout de même quelque chose d’assez étrange.

    En fait, tout le problème est de savoir de quoi l’on parle, lorsque l’on dit : « L’Allemagne ». Parle-t-on des élites allemandes ou du peuple allemand ? Parle-t-on, au sein du peuple allemand, des Allemands de l’Ouest ou des Allemands de l’Est ? Du précariat en développement ou des classes moyennes en implosion ? Parle-t-on, au sein des élites, des classes dirigeantes politiques ou économiques ? S’agissant des classes dirigeantes économiques, parle-t-on des dirigeants du secteur financier (très liés aux intérêts anglo-saxons) ou de ceux du secteur industriel (beaucoup plus libres de leurs allégeances) ? Et encore ces catégories explosent-elles dès qu’on les regarde de près. Certains patrons allemands appartiennent aux réseaux de la fondation Bertelsmann, totalement intégrés à ceux de la haute finance anglo-saxonne. D’autres siègent dans l’Ost-Aussschuss der Deutschen Wirtschaft (comité Est de l’économie allemande), véritable lobby patronal pro-russe. Certains cumulent même les deux casquettes. Visiblement, parler des élites allemandes comme si c’était quelque chose d’unitaire, c’est ignorer des ruptures et des ambivalences, simplifier arbitrairement.

    Voici donc une thèse, ou plutôt une image représentative d’une thèse, qui a quelque chance de saisir le réel dans sa complexité. Imaginons que l’Allemagne soit une bascule. Sur un plateau de la bascule, il y a les USA. Sur l’autre, il y a la Russie. Les USA pèsent, pour l’instant, beaucoup plus lourd que la Russie. Mais la bascule est faussée : elle a tendance à pencher plus ou moins d’un côté ou de l’autre, en suivant ses intérêts propres.

    Malgré tout, sur le plateau américain, on laisse faire pendant les années 90, parce qu’on se dit qu’en attirant la Russie sur l’autre plateau de la balance, l’Allemagne va servir de maillon central au cœur d’une chaîne qui arrimera la Russie aux intérêts occidentaux. C’est la période où Eltsine laisse les grandes banques anglo-saxonnes piller son pays. C’est aussi une époque où les USA, qui se sentent en position de force à l’échelle globale, se croient en situation d’instrumentaliser la « bascule » allemande. La fondation Bertelsmann et la fondation Atlantik Brücke (en gros l’équivalent allemand de la French-American Foundation) favorisent la politique russe de Berlin, parce qu’elles pensent encore que l’Allemagne est un simple pion dans le jeu des puissances anglo-saxonnes.

    Arrive l’année 2000. A Moscou, Poutine remplace Eltsine. Pour l’Allemagne, c’est une opportunité extraordinaire. Le colonel du KGB V. Poutine a été en poste en Allemagne de l’Est dans les années 80. Il ne fait pas mystère de son tropisme pro-allemand. La coopération germano-russe prend donc, à partir de ce moment, un tour nouveau.

    Or, Poutine est entendu fort et clair à Berlin. L’Ost-Aussschuss der Deutschen Wirtschaft (comité Est de l’économie allemande) est une émanation du haut patronat industriel allemand. On lui doit quelques gestes spectaculaires (dont l’ouverture de la chambre de commerce germano-russe, en 2007, qui officialise que la coopération économique entre les deux pays est maintenant structurelle). Mais derrière ces gestes spectaculaires, il y a, surtout, de très nombreux partenariats stratégiques entre géants industriels des deux puissances, partenariats organisés à partir de 2002 par la Deutsch-Russische Strategische Arbeitsgruppe (groupe de travail stratégique germano-russe), une structure voulue personnellement par Vladimir Poutine et Gerhard Schröder. Les résultats sont impressionnants. Actuellement, on estime à 5 000 le nombre d’entreprises allemandes présentes sur le sol russe. L’Allemagne pèse près de 20 % de l’investissement étranger en Russie. Si la Russie ne représente encore que 4 % environ des exportations allemandes (contre 10 % pour les USA), le potentiel d’échange entre les deux pays est gigantesque, et toutes les structures sont mises en place pour qu’il se développe. Actuellement, seule l’Italie est (sans doute provisoirement) en avance sur l’Allemagne dans le développement des liens Europe-Russie.

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  • Areva ou les limites du colbertisme

    Ce billet a été publié dans l'Action française 2000 du 19 mars 2015 (n°2905 p.10) sous ce même titre. Il entre en archives RA avec des liens complémentaires en bas de note qui n'apparaissent pas dans la version papier faute de place et une notice plus développée sur Hans Hermann Hoppe*.

    Avec un chiffre d'affaires sensiblement constant, l'action Areva a perdu 88% en 7 ans. Ce n'est pas "la faute à pas de chance" car y fut concentré le meilleur des cerveaux français, et c'est sans doute en celà que les déboires de la filière d'excellence sont inquiétants. Le premier reproche que l'on puisse faire à l'ancienne patronne d'Areva, Anne Lauvergeon, est le fiasco technique d'UraMin. Alors que beaucoup de grands dirigeants français ont suivi un cursus de sciences molles qui les autorise à méjuger les affaires industrielles (la liste est longue), Atomic Anne, agrégée de sciences physiques par Normale Sup, est issue du prestigieux Corps des Mines et s'est donc lourdement trompée dans son cœur de métier. Tout le reste en découle puisque la Justice examine l'alternative entre une erreur par incompétence et une mauvaise décision parfaitement documentée. Le résultat de l'instruction menée par la Brigade financière de Paris et par le juge Van Ruymbecke signalera si l'ingénieur Lauvergeon était sous-calibré pour exercer la dictature nucléaire française consentie par les pouvoirs publics en souvenir du Commissariat à l'Energie Atomique (CEA), ou si elle a cherché dans ses multiples fonctions sa propre gloire. Cette affaire est la pierre de touche qui révélera la nature profonde des erreurs d'Areva : cafouillages typiques des entreprises d'État dont le propriétaire est un buste en plâtre qui trône dans les mairies. On n'ose parler d'escroquerie délibérée et pourtant, beaucoup de millions ont circulé !

    L'affaire est digne d'un roman de Gérard de Villiers. En quelques lignes, la voici : en quête de mines d'uranium à agréger au patrimoine de la COGEMA devenue Areva, la direction du groupe repère la mine centrafricaine de Bakouma qui avait été découverte par le CEA en 1958 et jugée inexploitable alors, site à moitié noyé, minerai enfermé dans une gangue d'apatite quasiment infractable, logistique ruineuse. La hausse du prix de l'uranium changeait-elle aujourd'hui le compte d'exploitation ? Aucun personnel de terrain ne le crut, mais tout l'état-major voulait acheter sans voir, ni même consulter les copieuses archives de la COGEMA. Les patrons se sont laissé rouler dans la farine par les vendeurs, une holding minière canadienne qui fit fortune dans la transaction, quasiment en faillite dans l'exploitation ! Le monde de l'uranium est un boudoir, chacun savait les permis d'UraMin sans valeur. Sauf Areva ?

    Les déboires d'Areva sont typiques de la gestion étatique des entreprises publiques, la morgue passant trop souvent la raison. Que ce soit l'enthousiasme potache à la rédaction du contrat finlandais d'un EPR™ qui n'en finit plus de s'achever dans les pénalités de retard ; les présomptions arrogantes d'ouverture du marché chinois à des réacteurs de 3è génération, qui pourrait bien se limiter pour nous aux quatre unités de Taïshan, le reste du programme national étant sinisé sous licence Westinghouse à tout motif même déloyal comme la standardisation des filières pour optimiser la maintenance ; que ce soit l'agonie du réacteur EDF de Flamanville ; et bien pire, le désastre d'Abou Dhabi où pour une fois la composante politique du projet avait bien manœuvré mais que la suffisance ou l'inconstance des contractants a ruiné au bénéfice d'une technologie coréenne, tout simplement bien présentée ; nous avons touché du doigt dans chacun de ces dossiers le "détachement" d'élites techniques imbues d'elles-mêmes que rien ni personne ne pourrait critiquer. Jusqu'à ce que les alarmes hurlent ! La Cour des Comptes a signalé les ravages d'une technocratie irresponsable par nature, puisqu'elle travaille sur fonds publics, avec l'argent de tous et de personne, contrairement aux groupements anglo-saxons qui engagent sur ces créneaux des compagnies propriétaires de leurs actifs et de leur avenir, dont l'excitation à conclure tranche avec l'impassibilité narquoise des fonctionnaires français.

     

    Quels que soient ses diplômes, ses talents personnels et l'expérience acquise en butinant le domaine industriel de l'État, Anne Lauvergeon qui accumule partout les jetons d'administrateurs, reste incapable de mettre aujourd'hui son chéquier sur le tapis vert pour signer un milliard de dollars à la fin du tour de table. On trouve ces entrepreneurs à leur compte outre-atlantique et en Asie. Ils ne vivent pas dans l'entreprise, c'est l'entreprise qui leur sert de cœur et de poumons. Cette véritable "incarnation" de l'entreprise est invincible. Et le concept n'est pas réservé aux Américains. Quand Monsieur Deng débonda l'énergie créatrice de la Chine épuisée par le communisme, il fit confiance à l'impatience des individus à s'établir socialement et à s'enrichir, et pas du tout à la réforme des grands combinats étatiques. La France de Monsieur Hollande n'a pas encore franchi ce seuil d'intelligence, et pour protéger le "triomphe" du secteur public, Areva sera peut-être réprimandée mais pas condamnée. Comme le dit Hans Hermann Hoppe :"l'efficacité est liée à la propriété privée pour que chacun soit incité à faire des efforts" et le même de conclure à la privatisation gagnante de l'État en ramenant un roi propriétaire puisque la monarchie est la forme la plus comptable de l'avenir du pays, pays qui n'est que le sien. En attendant, Areva a récupéré Philippe Varin, le loser de chez Peugeot qu'il a bien fallu poser quelque part puisque les Chinois n'en voulaient pas ! Il préside aujourd'hui le conseil d'administration depuis la mort de Luc Oursel il y a huit jours, éphémère successeur d'Anne Lauvergeon. 

    Pour ceux qui veulent creuser la mine sur ce blogue :

    Résultats du groupe
    Uramin et Areva - mine de rien
    Uramin, la synthèse d'un scandale
    Uramin, omerta chez Areva
    l'ingénieur Balkany dans le schmilblick minier africain
    Areva chez Bellaciao

    (*) Hans-Hermann HOPPE est professeur au Département d'Economie de l'Université du Nevada à Las Vegas, Senior Fellow du Ludwig von Mises Institute et rédacteur en chef adjoint de la Review of Austrian Economics. Il est né le 2 septembre 1949 à Peine, en Allemagne de l'Ouest. Il a fréquenté l'Universität des Saarlandes à Sarrebruck, la Göthe Universität de Francfort s/Main et l'University of Michigan à Ann Arbor pour des études de philosophie, sociologie, histoire et économie. Il a reçu en 1974 son doctorat en philosophie et son diplôme post-doctoral (sociologie et économie) de la Göthe Universität à Francfort. Il a enseigné dans plusieurs universités en Allemagne, de même qu'à Bologne, au Bologna Center for Advanced International Studies de la Johns Hopkins University. 

    Outre de nombreux articles et brochures, il a publié Handeln und Erkennen (Berne, 1976), Kritik der kausalwissenschaftlichen Sozialforschung (Opladen, 1983), Eigentum, Anarchie und Staat (Opladen, 1987), A Theory of Socialism and Capitalism (Dordrecht, 1990) et The Economics and Ethics of Private Property (Auburn, 1993). 

    C'est le dernier venu et le meilleur supporter de la monarchie

    ** parmi les grands esprits parce qu'il fonde sa démonstration sur du concret, un peu à la manière de Maurras. Il présente ses idées sur un site web personnel (clic) et sur les sites des instituts que nous avons cités.

    (**) Royal-Artillerie : De la supériorité économique de la monarchie

    http://royalartillerie.blogspot.fr/2015/03/areva-ou-les-limites-du-colbertisme.html

  • La France n’est pas ruinée, elle est continuellement pillée

    Il est donc plus que temps de demander des comptes à nos élus, qu’ils soient enfin responsabilisés pour leurs actes, que, comme tout salarié qui se respecte, ils puissent être virés s'ils commettent trop d’erreurs.

    Cela fait des années que l’on prétend être en crise. Pourtant, notre économie ne va pas si mal que cela.

    Dans un souci d’économie, le nombre d’emplois a littéralement fondu dans nos administrations et partout ailleurs : La Poste, SNCF, EDF, et tant d’autres entreprises privées, dont de nombreuses qui ont fermé.

    Et malgré ces plans de restructuration, le déficit ne cesse de se creuser : comment cela se fait-il ? Comment arrivait-on à être rentable à l’époque quand le nombre d’emplois était si élevé ?

    En réalité, la France engendre encore des milliards d’euros tous les ans. Alors, comment expliquer ce déficit qui continue de se creuser, malgré nos 360 impôts et taxes ? Comprenez bien que si ce ne sont pas les rentrées d’argent qui sont en cause, ce sont les sorties. Et à ce niveau, nous sommes très bien servis !

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  • Allemagne : Les leçons ambiguës de Hjalmar Schacht, le «banquier du diable»

    Une récente biographie romancée souligne l’héritage économique, mais aussi l’ambiguïté politique de celui qui, après avoir vaincu l’hyperinflation, est devenu ministre de l’économie du régime nazi.

    Qui se souvient encore de Hjalmar Schacht ? Ce fut pourtant un des hommes les plus importants de l’histoire économique du 20e siècle, celui qui brisa l’hyperinflation allemande de 1923 et sortit l’Allemagne de la grande crise des années 1930.

    Mais cet homme au destin unique est aussi un homme maudit, marqué à tout jamais par sa collaboration avec le « diable », Adolf Hitler. C’est à ce personnage sulfureux, controversé, haï et admiré, mais certainement passionnant, que Jean-François Bouchard, conseiller au FMI, vient de consacrer une biographie romancée.

    Double prisme

    Le lecteur traverse donc cette vie incroyable à travers deux prismes. Le premier est celui donné par Hjalmar Schacht lui-même à qui l’auteur a prêté fictivement sa plume. Le second est celui de la réalité historique, plus complexe, moins favorable au « héros » également, mais qui permet de mesurer les errances et le génie de l’homme.

    Cette double lecture est intéressante: elle offre la possibilité d’une mise en perspective – dont parfois le lecteur aimerait certes qu’elle fût moins délayée – qui contrebalance l’absence parfois complète de modestie et de lucidité du personnage sur lui-même.

    Elle permet de mettre en relief, en la démontant, l’obsession de l’auto-justification – notamment dans son rapport au nazisme – qui fut le Leitmotiv du banquier durant les dernières décennies de son existence. Elle permet aussi de relever la méthode et les moments où Hjalmar Schacht est proprement un génie.

    Gestionnaire de la Belgique occupée

    A travers cette double lecture, on découvre donc le parcours étonnant de ce fils brillant d’un petit employé excentrique revenu d’émigration aux États-Unis. Né en 1877, Hjalmar Schacht s’impose rapidement dans le milieu bancaire si aristocratique de l’Allemagne wilhelminienne, jusqu’à devenir à la veille de la guerre de 1914 – à moins de quarante ans – directeur du réseau de la puissante Dresdner Bank.

    C’est donc tout naturellement à lui que l’on songe lorsqu’il s’agit de faire repartir l’économie belge après l’invasion du pays par les troupes allemandes. S’opposant aux autorités militaires, Hjalmar Schacht y fait ses premières armes dans la gestion des deux outils économiques qu’il maniera le mieux sa vie durant : la dette et la monnaie. Lançant un emprunt auprès des provinces belges, il parvient à faire fonctionner à nouveau – mais au ralenti – l’économie belge.

    L’auteur dresse sans doute un tableau trop idyllique de ce « redressement belge », car d’autres historiens – notamment américains – ont insisté sur la destruction de l’économie belge pendant l’occupation et sur l’aspect contraint des prêts Schacht.

    Mater l’inflation et ruser contre les réparations

    Reste que Hjalmar Schacht sort de cette expérience belge avec une réputation immense. Et c’est à lui que pense le chancelier Gustav Stresemann en 1923 pour mettre fin à la grande inflation allemande. On y voit alors l’énergie exceptionnelle de cet homme qui, dans un cagibi du ministère des Finances, sans collaborateurs, commence à s’atteler à la tâche de la maîtrise de l’hydre inflationniste.

    Avec détermination, sans pitié pour ceux qui profitaient de la hausse des prix, Hjalmar Schacht va casser les sources de l’inflation et rétablir la confiance. Devenu patron de la Reichsbank, il sait profiter des divisions entre les alliés pour organiser un prêt et donner à la nouvelle monnaie la base monétaire dont elle a besoin.

    L’inflation est matée. Hjalmar Schacht s’attaque aussitôt à la question des réparations. Avec une grande virtuosité et un sens tactique immense, il parvient à déminer cette question centrale pour l’Allemagne d’alors avec les deux plans Young et Dawes qu’il négocie personnellement.

    L’appui de Hitler

    Mais lorsqu’il quitte la Reichsbank en 1930, une autre menace guette l’Allemagne : la déflation et le chômage. Lui, l’homme de la lutte contre l’inflation, n’a pas alors de mots assez durs pour la politique de déflation du chancelier Heinrich Brüning. Instinctivement, il a compris qu’il fallait une autre politique, plus offensive, de l’État.

    Et progressivement, il se laisse convaincre que seul Adolf Hitler a la détermination de mener cette politique. Hjalmar Schacht pèse alors de tout son poids pour faire arriver le chef nazi au pouvoir. Il y parvient en janvier 1933 et réintègre rapidement la Reichsbank, puis devient ministre de l’Économie.

    Avec ces deux casquettes, il mène une politique de soutien actif à l’investissement, s’appuyant notamment sur l’audacieuse création d’une monnaie parallèle, les bons MEFO. Son strict contrôle des changes et l’usage réservé à l’investissement de ces bons va permettre de faire redémarrer l’Allemagne.

    Rapidement, le chômage disparaît. Nul sans doute n’a joué un rôle si important dans l’attachement des Allemands au régime, et Hitler saura longtemps s’en souvenir, même lorsque Hjalmar Schacht sera tombé en disgrâce.

    Position ambiguë face au nazisme

    L’ouvrage ne cache pas la responsabilité de Hjalmar Schacht dans les succès du nazisme, dans le réarmement de l’Allemagne. Il ne cache pas non plus l’ambiguïté de l’homme face au régime.

    Antisémite horriblement ordinaire de l’Allemagne des années 1930 (« dès qu’on lui parle des Juifs, il ne peut pas s’empêcher de dire qu’il ne les aime pas »), qui propose un plan de déportation des Juifs, qui signe les lois de Nuremberg de 1935 qui organise la ségrégation des Juifs, mais que les horreurs nazies, notamment le pogrom de la nuit de cristal, vont révolter. Hjalmar Schacht va même tenter en 1938 un coup d’État qui fera long feu.

    Il restera néanmoins longtemps membre officiel du gouvernement avant d’être arrêté lors de la grande purge qui suit l’attentat manqué de juillet 1944. Déporté de camp en camp, il est « libéré » en avril 1945 par les alliés qui l’internent avant de l’appeler à comparaître devant le tribunal de Nuremberg.

    Acquitté à tort ?

    Hjalmar Schacht sera finalement acquitté, malgré les avis français et soviétique. Justement ? Le lecteur ne peut s’empêcher de se poser la question. Que se serait-il passé si Hermann Göring ne s’était pas mis en tête de prendre sa place et si Adolf Hitler ne s’était pas alors laissé persuader ?

    Hjalmar Schacht n’aurait-il pas validé toutes les étapes du régime vers l’horreur comme il l’a fait jusqu’en 1938 ? Pourquoi a-t-il en 1932-1933 misé sur Adolf Hitler et sur personne d’autre et avec tant d’abnégation ? Ces questions sont évidemment sans réponse, mais elle est un des mots de l’énigme de cet homme qui semble aussi avoir été un nationaliste allemand convaincu.

    Était-il pacifiste, comme le prétend l’auteur ? Peut-être, mais il fut un des artisans du pillage de la Belgique entre 1914 et 1918 et du réarmement à partir de 1935-1936…

    Voici pourtant Hjalmar Schacht libre et désormais conseiller de plusieurs pays « non alignés », souvent du reste des ennemis d’Israël : Iran, Égypte, Syrie. La scène où il est contraint de faire escale à Tel Aviv dans les années 1950 et où il est alors en proie à une panique complète montre que ces vieux démons ne l’ont pas quitté. Mort en 1970, à 93 ans, la vie de cet homme est un miroir du 20e siècle allemand et de ses ambiguïtés.

    La leçon économique de Hjalmar Schacht

    Mais l’ouvrage de Jean-François Bouchard vaut aussi beaucoup par les réflexions purement économiques qu’inspirent à l’auteur le travail de celui qu’il n’hésite pas à appeler « l’économiste le plus génial » du 20ème siècle.

    Et si Hjalmar Schacht n’a pas écrit, comme Keynes ou Milton Friedman, de grands ouvrages théoriques, il a fait mieux : il a agi et souvent avec réussite. Orthodoxe en 1923, Keynésien avant Keynes dix ans plus tard, Hjalmar Schacht ne semble pas avoir d’autres religions en matière économique que l’efficacité. L’auteur de cette biographie romancée résume parfaitement le secret de la « méthode Schacht » : le « timing. »

    « En économie, il y a pas de bonnes et de mauvaises idées. Tout est une question de timing », fait-il dire au président de la Reichsbank. On pourrait ajouter la détermination à mener la politique. Ce qui, du reste, pose la question toujours très délicate du lien entre politique économique et démocratie.

    L’oubli contemporain de ces leçons

    Il est sans doute difficile de prendre Hjalmar Schacht comme modèle(et donc d’accepter au pied de la lettre le terme de “génie”), précisément en raison de ce lien flou de son action avec la démocratie, mais Jean-François Bouchard insiste bien sur la nécessité de s’inspirer aujourd’hui de son action. L’absence de pragmatisme des dirigeants européens, leur idéologie, leur manque désespérant de détermination sont autant d’erreurs que l’action de Hjalmar Schacht permet de relever avec évidence.

    « A force d’imposer des politiques déflationnistes, nos Brüning modernes finissent par gagner leur pari : l’Europe toute entière, Allemagne comprise, commence à s’enfoncer dans une spirale déflationniste. (…) Une situation dont personne, pour autant qu’on soit informé, n’a la moindre idée de la manière d’en sortir. N’est pas Hjalmar Schacht qui veut », écrit l’auteur.

    Il faut se rendre à l’évidence : un homme de la trempe de Hjalmar Schacht n’aurait jamais laissé la crise grecque devenir une tel piège pour l’Europe. Aussi faut-il espérer que l’histoire ne se répète pas et qu’il ne faille pas en passer par un oubli de la démocratie pour sortir de ce piège économique.

    C’est là l’importance, mais aussi la limite de la leçon du «banquier du diable». Plus que jamais, les rigueurs du temps présent nous invitent donc à nous plonger dans ce livre dont la lecture, malgré un style et des longueurs parfois agaçants, est utile et urgente.

     Notes:

    Jean-François Bouchard, Le Banquier du Diable, Max Milo éditeur, 2015, 284 pages, 18,90 euros.

    Pour une biographie plus scientifique et complète : Clavert, Frédéric, Hjalmar Schacht, financier et diplomate: 1930-1950, Bruxelles, PIE – Peter Lang, 2009. Disponible ici. L’auteur a formulé une critique de l’ouvrage sur son blog.

    La Tribune

    http://fortune.fdesouche.com/382213-allemagne-les-lecons-ambigues-de-hjalmar-schacht-le-banquier-du-diable#more-382213

  • Conférence du C.N.C. avec Alain de Benoist "Identités: la crise" (Lille, 30.05)

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  • Centres commerciaux, la grande illusion

    En France, les centres commerciaux s’étalent sur plus de 16 millions de mètres carrés, un record en Europe occidentale. Trois milliards de visiteurs s’y pressent chaque année pour effectuer toutes sortes d’achats.

    Les promoteurs immobiliers rivalisent d’imagination pour en faire des espaces toujours plus attractifs. Cinquante nouveaux centres sont actuellement en construction.

    Mais la consommation ne suit pas toujours ce rythme effréné. Ces quinze dernières années, elle n’a augmenté que de 36% alors que le parc des surfaces commerciales a progressé de 60%. Résultat : des friches apparaissent un peu partout en France. Les élus sont inquiets.

    Réalisé par Elisabeth Bonnet et Adrien Pinon (France 5 – 05/05/2015)

    http://fortune.fdesouche.com/

  • Isabelle Stengers : « Les sorcières néopaïennes et la science moderne »

    Scientifique de formation et aujourd’hui professeure de philosophie à l’Université Libre de Bruxelles, Isabelle Stengers désigne les paroles sorcières dont usent le système capitaliste et « la science » pour justifier leur emprise. Des siècles de culture ultra-rationaliste et d’industrie ont éradiqué et discrédité tout ce qui relevait du commun, nous laissant vulnérables et impuissants. Pour récupérer une puissance de penser, d’agir et de coopérer, Isabelle Stengers convoque les activistes du « reclaim » et autres sorcières néo-païennes, qui nous invitent à résister à l’envoûtement capitaliste, au-delà de l’alternative entre réformisme et révolution.

    Dans La sorcellerie capitaliste(1), écrit avec Philippe Pignarre, vous décrivez le capitalisme comme un « système sorcier sans sorcier ». Entendez-vous par là que le système économique et social dans lequel nous sommes plongés relève d’un ordre magique ?

    Quand il n’est pas réduit à une simple métaphore, le mot « magie » ne sert plus guère qu’à établir des oppositions entre nous – qui vivons un monde où la rationalité est censée prédominer – et les autres peuples qui « croient encore en la magie ». J’ai pour ma part voulu prendre au sérieux la magie, sans me poser la question d’y croire ou de ne pas y croire. Avec Philippe Pignarre, nous parlons de « système sorcier » (c’est-à-dire d’un système utilisant une magie malveillante) pour dramatiser ce qui devrait nous faire penser aujourd’hui : le maintien, voire même l’intensification de l’emprise capitaliste, alors que ces dernières décennies, avec le déchaînement de la guerre économique, la référence au progrès a perdu toute évidence.

    Dans les années 1970, on pouvait imaginer qu’en critiquant la notion de progrès, on s’attaquait à l’idéologie qui assurait l’emprise capitaliste. Or aujourd’hui, sauf pour quelques illuminés, la notion de progrès semble n’être plus qu’un réflexe conditionné, une ritournelle. Pourtant, l’emprise n’a pas faibli, bien au contraire.

     

    Associer notre sentiment d’impuissance à l’efficace d’une « attaque sorcière », c’est d’abord dramatiser l’insuffisance de la notion d’idéologie ou de croyance idéologique, c’est attirer l’attention sur la manière dont l’emprise a pu continuer à fonctionner, hors croyance. C’est aussi dramatiser le fait que, contrairement aux traditions culturelles pour qui les attaques sorcières sont un sujet de préoccupation pratique, nous, qui pensons « idéologie », sommes vulnérables. Nous n’avons pas les savoirs pertinents pour identifier et comprendre les dispositifs de capture et de production d’impuissance. Or, là où l’on pense que les sorciers existent, on apprend à les reconnaître, à diagnostiquer leurs procédures, à s’en protéger, voire à contre-attaquer. Nous, nous critiquons et dénonçons les mensonges, mais si la dénonciation avait été efficace, le capitalisme aurait crevé depuis longtemps.

    Nous n’avons donc pas lancé d’appel à croire aux sorciers, mais à reconnaître les attaques sorcières. Ceux qui, par exemple, ont transformé l’expression déjà boiteuse de « développement durable » en « croissance durable » ne « croient » pas à la sorcellerie mais la pratiquent : ils capturent, détournent, piègent. Nous sommes en cela de plus en plus sujets à des paroles sorcières. « Sois motivé ! », « Aies un projet ! » : les mots du management (la motivation, l’engagement, etc.) appartiennent à des dispositifs qui fonctionnent comme des toiles d’araignées – plus on se débat, plus on est pris, comme des mouches. Pas d’illusion idéologique, dans ce cas, mais une terrible efficacité sorcière.

    Le socle de la croyance au progrès était solide dans les classes populaires au début du XXe siècle : le « Nos-enfants-auront-une-vie-meilleure » justifiait travail et sacrifice. Aujourd’hui, presque plus personne ne croit vraiment que ce sera le cas. La croyance au progrès n’est plus qu’une manière, dans la situation actuelle, de s’en remettre aux experts, aux scientifiques, aux nouvelles technologies… L’impuissance face au cours des choses nous pousse à penser qu’eux seuls pourront nous préserver des dangers qui s’accumulent à l’horizon…

    On retrouve ici la signification pauvre du mot magie dont je parlais il y a un instant. On veut croire que « comme par magie », les choses s’arrangeront. Sans vraiment y croire, on espère que ce que nous vivons n’aura été qu’une crise dont nous réussirons à réchapper, « comme d’habitude ».

    Nous considérons avec mépris nos ancêtres qui, terrorisés par une nature qu’ils ne parvenaient pas à contrôler et comprendre, s’attribuaient un pseudo-pouvoir magique pour se rassurer. Mais aujourd’hui, c’est nous qui méritons ce regard méprisant, car c’est nous qui nous en remettons à une croyance magique. Celle-ci signale un désarroi et une impuissance qui traduisent d’abord la destruction systématique de tout ce qui pourrait nous permettre d’imaginer, activement, collectivement, pratiquement, politiquement, ce que demande l’avenir. Nous « devons croire » que ceux qui « savent » (et/ou ont les moyens) nous préserveront, alors que ce sont eux, ou leurs prédécesseurs, qui ont promu sous le nom de « développement » l’entreprise littéralement insoutenable d’appropriation et de mise en exploitation dont nous mesurons les conséquences aujourd’hui.

    Est-ce une forme de ce que vous appelez une alternative infernale ?

    Par « alternatives infernales », nous entendons un ensemble de situations formulées et agencées de sorte qu’elles ne laissent d’autres choix que la résignation, car toute alternative se trouve immédiatement taxée de démagogie : « Certains affirment que nous pourrions faire cela, mais regardez ce qu’ils vous cachent, regardez ce qui arrivera si vous les suivez. »

    Ce qui est affirmé par toute alternative infernale, c’est la mort du choix politique, du droit de penser collectivement l’avenir. Avec la mondialisation, nous sommes en régime de gouvernance, où il s’agit de mener un troupeau sans le faire paniquer, mais sous l’impératif : « Nous ne devons plus rêver. » Affirmer qu’il est possible de faire autrement, ce serait se laisser abuser par des rêves démagogues. On dira par exemple : « Ceux qui critiquent le libre-échange ne vous disent pas que les conséquences de mesures protectionnistes seront l’isolement total et l’arrêt cauchemardesque de tout échange avec les autres pays. Si vous voulez que notre pays reste ouvert, il faut accepter le libre-échange et donc les sacrifices que demande la compétitivité. » Or, le protectionnisme n’a jamais signifié la fin des échanges. De la même manière, lorsqu’on critique l’innovation comme synonyme de progrès, on entend souvent : « Renoncer à l’innovation, c’est faire le choix d’une société frileuse, qui refuse l’avenir ; nous ne pouvons plus revenir en arrière, nous devons nous adapter et faire confiance. » Cet opérateur rhétorique, ce « nous-ne-pouvons-plus », a précisément vocation à faire taire ceux qui disent « mais-qu’êtes-vous-en-train-de-faire ? ». Nous devons faire confiance, car nous n’avons pas d’autre choix.

    Le problème, c’est que ça marche. Quand on entend un politicien énoncer cela, on n’entend malheureusement derrière lui ni mugissement de rires ni concert de ricanements. Reconnaître ces types de discours et se protéger de leur emprise, voilà qui ferait partie d’une culture de la sorcellerie. S’en protéger, c’est aussi savoir en rire, ricaner, avoir sur soi des boîtes à rire qui meuglent – faire d’abord preuve d’irrespect.

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  • Traité transatlantique : Mythes et réalités sur les tribunaux d’arbitrage privés (Màj vidéo)

    C’est sans conteste le meilleur argument des opposants au traité transatlantique Tafta/TTIP, qui organisent samedi 18 avril une mobilisation mondiale contre la négociation en cours entre les États-Unis et l’Union européenne : l’intégration au futur accord de l’ISDS, un mécanisme d’arbitrage privé qui menacerait de détruire toutes les règlementations environnementales, sociales ou sanitaires dans le seul but de préserver les profits des multinationales.

    Au cœur d’une intense bataille diplomatique et politique au sein de l’UE depuis plusieurs mois, l’investor-state dispute settlement (mécanisme de règlement des différends investisseurs-États) s’attire toutes les critiques : on le tient responsable d’avoir permis à Philip Morris d’empêcher la mise en place du paquet neutre de cigarette en Australie, à Veolia d’avoir contesté la mise en place d’un salaire minimal en Égypte, à Lone Pine d’avoir attaqué l’interdiction du gaz de schiste au Québec et même à Vattenfall de s’opposer à la sortie du nucléaire en Allemagne.

    C’est à dire de remettre en cause sur le terrain judiciaire des décisions démocratiques prises par les gouvernements selon la volonté des peuples. De purs mensonges, selon les défenseurs de l’ISDS, qui dénoncent une entreprise de désinformation sur un mécanisme indispensable dans un contexte de mondialisation.

    En bref : comment marche l’ISDS

    Plusieurs milliers de traités d’investissement bilatéraux et multilatéraux contiennent un mécanisme d’ISDS, qui peuvent différer d’un contexte à l’autre. Si le futur traité transatlantique en intégrait un, voilà comment cela pourrait fonctionner : un investisseur américain (généralement une multinationale) qui exerce une activité sur le territoire français (ou de toute autre pays européen) pourrait attaquer l’État français devant un tribunal arbitral pour obtenir une compensation s’il s’estimait lésé par une décision française.

    Pour avoir gain de cause, il devrait prouver que la France a enfreint certaines dispositions du traité transatlantique. Trois arbitres seraient amenés à trancher, selon la formule la plus répandue : un nommé par l’investisseur, un par la France, tandis que le troisième devrait faire l’objet d’un consensus entre les deux parties ou, à défaut, être nommé par le président. A l’issue de la sentence, si la France était condamnée à indemniser l’investisseur, elle n’aurait aucune possibilité d’appel, et serait contrainte de s’exécuter.

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  • Ratification d’un fonds de 100 milliards de dollars pour les BRICS

    Un outil financier au service d’un monde multipolaire, c’est ce que viennent de mettre en place la Russie, l’Inde, le Brésil, L’Afrique du Sud et la Chine.

    Vladimir Poutine a ratifié en fin de semaine dernière un accord sur la création d’un fonds commun de réserves de change des pays des BRICS. Ce fonds s’élèverait à 89 milliards d’euros, soit 100 milliards de dollars. La Russie, l’Inde et le Brésil y participeront à hauteur de 18 milliards d’euros. L’Afrique du Sud y mettra cinq milliards, loin derrière la Chine qui promet 41 milliards.

    Pourquoi cet accord a-t-il eu lieu et que signifie-t-il ?
    Il s’inscrit dans la déclaration signée le 15 juillet 2014, à Fortaleza au Brésil, portant sur la création d’un fonds commun de réserve pour ces pays. Ce fonds commun a été signé pour éviter, je cite : « Les pressions à court terme sur les liquidités ». Fin de citation. Cette déclaration implique aussi la création d’une banque, qui se veut la base d’une nouvelle structure dont la vocation est de contrebalancer le poids des économies occidentales. Cette nouvelle banque sera basée à Shanghai. Elle représentera un capital initial de 50 milliards de dollars dont l’objectif est de financer de grands travaux d’infrastructure. Cette nouvelle institution apparaît comme une nouvelle donne dans le paysage financier mondial, et repose sur des bases solides. Rappelons que malgré une intense campagne financière et médiatique ces derniers mois, le rouble russe a réussi à se maintenir.

    Il s’agit d’un pas de plus vers un monde multipolaire ?
    Parfaitement. Cet accord entre les BRICS ouvre une solution alternative aux principales institutions financières internationales telles que le Fonds Monétaire International et la Banque Mondiale. Institutions traditionnellement dominées par les États-Unis, de par leur forte contribution. Si ces 5 pays émergents se détachent du FMI, l’hégémonie américaine en prendrait un coup. Le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud représentent 40 % de la population et un cinquième du PIB de la planète.

    http://fr.novopress.info/187012/ratification-dun-fonds-100-milliards-dollars-les-brics-marbre/