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économie et finance - Page 716

  • Il a quitté la Sécurité Sociale et nous en parle !

    Avoir la possibilité de quitter la sécurité sociale est un de ces sujets qui subit une certaine omerta médiatique en France. Laurent C. est un de ces Français qui a fait le grand saut en janvier 2013 et qui raconte son aventure sur son blog : http://jequittelasecu.blogspot.fr/ . Médias-Presse-Info l’a contacté pour en savoir plus sur ses motivations qui l’ont amené à faire une telle démarche, les procédures et ce phénomène des Français qui quittent la Sécurité Sociale…

    La décision de Laurent C. ne date pas d’aujourd’hui : « J’avais déjà vu ça au début des années 2000 mais à l’époque j’étais salarié. C’était plus compliqué. » Après avoir monté sa propre société, sa réflexion fait son chemin avec la hausse des cotisations sur les professions libérales sans prestations supplémentaires voir moins. Il se dit que c’est peut-être l’occasion d’entamer la procédure. Il contacte alors le MLPS (mouvement pour la liberté de la protection sociale) qui lui renvoie le courrier-type. C’est parti. A la question sur la gravité d’une telle décision à prendre, Laurent C. répond que : « bien sûr, il faut être convaincu. L’idée de la démarche, c’est d’aller jusqu’au bout, jusque devant la Cour Européenne s’il le faut après avoir épuisé toutes les procédures. » Il souligne aussi l’importance du soutien de la famille. Sa femme et ses enfants sont toujours à la sécurité sociale car il ne prend pour l’instant le risque que pour lui. Subit-il des pressions ? « Non pas spécialement. Pour l’instant le RSSI, l’URSSAF et bientôt la CIPAV me considèrent comme un mauvais payeur. Ce n’est que la procédure habituelle pour le recouvrement de factures impayées. »

    Mais d’où vient donc cette possibilité ? « En 92, une directive européenne permet aux citoyens de choisir une assurance maladie au sein de l’UE sauf si l’Etat a un monopole légal. Au sens européen, cela veut dire que ça s’applique à tout le monde de la même manière. Si c’est différent, c’est alors concurrentiel. Or on a la sécu pour les salariés, les agriculteurs etc… Ce sont donc bien des régimes différents. » Mais bien sûr, il y a toujours l’obligation d’être assuré. Il faut donc s’assurer à l’étranger et présenter un certificat d’adhésion.  En 90, il y avait seulement trois sociétés d’assurance européenne qui prenaient en charge les Français : IHI, DKV et Amariz. En 95-96, elles vont subir de grosses pressions pour cesser leur activité envers les Français.

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  • Le yuan vient de dépasser l’euro : bonne ou mauvaise nouvelle pour l’économie européenne ?

    Selon la Society for Worldwide Interbank Financial Telecommunication (SWIFT), basée à Bruxelles, la monnaie chinoise est désormais davantage utilisée que l’euro sur l’ensemble des transactions financières dans le monde.

    Atlantico : Révélateur d’une politique monétaire de plus en plus ouverte de la part de Pékin, cette nouvelle donne peut-elle concrètement impacter la santé de nos économies européennes. Dans quelles mesures ?

    Philippe Waechter : Inversons la logique de la question en la posant ainsi : est-il surprenant que l’économie chinoise dont la taille se rapproche de celle des Etats-Unis ait une monnaie qui compte dans les transactions internationales ? La réponse est négative. Depuis une dizaine d’années, l’économie chinoise se développe rapidement. Après une période où la monnaie chinoise n’était pas un instrument monétaire internationale pour réduire les risques d’instabilité, les autorités monétaires ont changé d’orientation. Désormais, celles-ci souhaitent faire du yuan une monnaie qui compte dans les transactions. Les objectifs de convertibilité de la monnaie chinoise qui ont été exprimés au Plenum du Parti communiste au début du mois de novembre vont dans ce sens.

    En d’autres termes, la Chine a désormais une économie de grande taille et elle compte bien se développer sur tous les plans y compris sur le plan monétaire. Avec cela à l’esprit, que son poids dans les transactions commerciales s’accroisse n’est pas surprenant. Ce phénomène va prendre de l’ampleur car les nouvelles orientations prises vont se traduire par un renforcement du secteur financier. Celui-ci, si le yuan devient convertible, deviendra puissant à l’échelle internationale, bousculant l’équilibre existant.

    Les pays européens s’adaptent à cette nouvelle donne. On voit dans le rapport SWIFT que l’Allemagne est un pays important dans les transactions en yuan. Le marché et la croissance se développent en Chine et en Asie et cela peut passer par des contrats en yuan plutôt qu’en dollar. Les européens doivent s’y adapter et pour cela devenir plus attractifs. La question de l’adaptation que vous évoquez est aussi celle d’un rapport de force dans la monnaie de transaction des échanges. Celui qui est économiquement le plus attractif est aussi celui qui a le plus de facilité à imposer sa monnaie pour les transactions. La zone euro n’est pas de ce point de vue en situation de force compte tenu de sa difficulté à retrouver de la croissance et à être attractive.

    Jacques Sapir : L’annonce de SWIFT était attendue, mais l’accélération de la montée en puissance du yuan (et de la baisse de crédibilité de l’euro) est une (petite) surprise. On peut suivre, depuis 2010, les indicateurs d’une perte de confiance des investisseurs internationaux dans l’euro. Comme monnaie de réserve, auprès des banques centrales, la part de l’euro recule, non pas tant face au dollar des Etats-Unis, mais plutôt face aux « nouvelles » monnaies, comme le dollar canadien, le dollar australien…

    Mais, ce qui est aujourd’hui intéressant est que l’euro vient de perdre sa seconde place comme monnaie de transactions financières. Ceci traduit l’atonie économique de la zone euro par comparaison à la zone Asie-Pacifique, mais surtout le dynamisme bien plus grand des banques chinoises par comparaison aux banques des pays de la zone euro, qui restent largement fragilisées par la crise dans la zone euro.

    Les banques allemandes restent empêtrées dans les problèmes de l’immobilier. Le taux des prêts non-performants atteint plus de 12% de l’actif pour les banques espagnoles, et près de 11% pour les banques italiennes et portugaises. On assiste dans ces pays à une contraction du crédit qui est importante. Dans ces conditions on comprend que les grandes banques chinoises, adossées à un système de garanties publiques, sont bien plus actives dans le domaine des crédits à moyen et long terme.

    Bien entendu, ceci aura un impact sur l’activité de la zone euro, mais un impact très limité. En fait, le marché du crédit s’est déplacé sur l’Asie. C’est dans cette zone que les banques chinoises font la plus grande part de leur actif. Néanmoins, ceci implique que la concurrence chinoise, déjà importante sur les marchés des biens manufacturés, se déplace désormais dans le domaine des services financiers.

    L’euro a été pendant longtemps présenté comme le moyen de disposer d’une devise crédible et attractive dans la mondialisation. Les récents événements remettent-ils en cause cette affirmation ?

    Philippe Waechter : L’euro reste fort, il suffit de voir sa parité pour s’en rendre compte. Cependant, avec le développement rapide de la Chine l’équilibre monétaire change. Le monde tripolaire qui se dessine autour des Etats-Unis, de la Chine et de la zone euro donne de la place à la Chine à côté du dollar et de l’euro. Le dollar est historiquement la monnaie des transactions internationales, aux autres de prendre la partie restante mais pour cela il faut être attractif et aujourd’hui la Chine l’est plus que l’Europe.

    Jacques Sapir : Il est exact que l’on a présenté l’euro comme le moyen de disposer d’une devise « crédible ». Cela ne veut pas dire que l’euro l’ait été, à un moment quelconque de son histoire. Le poids international d’une devise dépend de trois facteurs : de l’importance du commerce international issu du pays dont cette devise est issue, de la confiance (ou de la « crédibilité ») de la banque centrale, enfin de la capacité à émettre des crédits libellés dans cette monnaie. En fait, l’euro a bénéficié de la « réputation » de l’ancien Deutschmark (DM). Et il est évident que si demain l’euro disparaît, le DM retrouvera l’importance qui était la sienne en 1995, avant l’euro. Il est à cet égard frappant que l’importance de l’euro comme monnaie de réserve n’ait que très peu dépassée celle, cumulée, des monnaies qui l’ont constitué. La création de l’euro n’a pas donné naissance à un mouvement important d’usage de cette nouvelle monnaie, au-delà de l’usage des monnaies des pays ayant adhéré à l’euro. En 1995, le DM représentait 15% des réserves internationales, le Franc français 4,8% et les autres monnaies environ 3,5%. Cela indique un total d’environ 23%. Or, au plus haut, l’euro est monté à 25% des réserves internationales. Cela montre que l’effet « monnaie unique » a été très limité. En fait, les concepteurs de l’euro espéraient que du simple effet de sa création, il monterait à plus de 30% des réserves internationales. Il n’en fut rien. De ce point de vue, la création de l’euro fut un échec. Elle le fut aussi par l’incapacité profonde de l’euro de protéger l’Europe des tempêtes spéculatives.

    En fait, l’euro fut en réalité la cause de la diffusion de la crise de 2007-2009, que ce soit par l’absence de règles dans la zone euro, créant ainsi une immense zone propice à la spéculation internationale ou que ce soit en raison de la faiblesse des rendements européens, faiblesse que l’euro provoqua par les conditions très restrictives qui furent imposées par la BCE, et qui provoqua l’appétit des grandes banques européennes pour les actifs « toxiques » américains.

    La montée de l’euro comme monnaie de transaction financière ne faisait que traduire le poids des banques, essentiellement françaises et allemandes, sur les marchés internationaux. Or, ces banques étant très malades du fait des opérations douteuses dans lesquelles elles ont trempé, leur dynamisme devient bien plus faible que celui des banques chinoises. C’est ce qui explique le recul, significatif, de l’euro sur ce terrain.

    Iaroslav Lissovolik, économiste en chef de la Deutschebank, a récemment déclaré que “L’intérêt porté à la monnaie chinoise [était] stimulé par le besoin réel de l’économie mondiale en nouvelles monnaies de réserve“. L’émergence du yuan peut-elle pour autant devenir un facteur de stabilité mondiale ?

    Philippe Waechter : Si les réserves de change avaient une répartition cohérente avec les pôles de croissance de l’économie mondiale alors on pourrait imaginer une dynamique globale plus équilibrée et peut être plus stable. Néanmoins, le processus pour éventuellement converger vers une répartition équilibrée n’est pas encore d’actualité. Le billet vert a toujours une forte prééminence comme monnaie de transaction et cela ne va pas changer spontanément. Par ailleurs, cette répartition plus équilibrée n’est pas généralement ce que l’on observe. La cohabitation de monnaies internationales avec une puissance et un poids proches n’a pas forcément été stable dans le passé.

    Les rapports de force sur le plan monétaire vont réapparaitre. Les Américains n’ont pas permis à l’euro d’avoir un statut fort et de prendre une place considérable tant dans les transactions que dans les réserves. Il n’en sera pas forcément de même pour le yuan chinois. Ces situations à venir devront être bien comprises pour bien appréhender la dynamique de l’économie globale.

    Jacques Sapir : Il est très clair que les pays émergents n’ont aujourd’hui confiance ni dans le dollar, ni dans l’euro, et qu’ils cherchent à constituer une nouvelle monnaie de réserve. À cet égard deux changements significatifs sont à noter depuis 2010. Le premier est que la Chine et la Russie, qui ont été les deux premiers pays à défendre cette position, sont aujourd’hui rejoints par de nombreux autres pays émergents, soit dans le cadre des BRICS, soit dans celui des accords de la zone Asie-Pacifique. Le second point important est que le rôle du yuan est en train d’émerger.

    De ce point de vue, la réticence de la Russie de voir sa dette souveraine croître au moins jusqu’à 20% (elle est actuellement à 9% du PIB) condamne le rouble comme monnaie de réserve régionale. Il semble bien que les dirigeants russes aient fait le choix de laisser le yuan devenir potentiellement une monnaie de réserve.

    L’émergence du yuan doit alors être analysée dans un contexte marqué par la montée des autres monnaies dites « périphériques ». De fait, nous sortons du duopole dollar-euro pour retourner vers un oligopole, ou le yuan bientôt taillera des croupières à l’euro comme monnaie de réserve, mais ou aussi des autres monnaies (celles du Canada, de l’Australie, de Singapour) pourraient atteindre 7% à 9% du montant global des réserves. Ceci sera, incontestablement, un facteur de stabilité du système monétaire, mais ce sera aussi la fin de l’euro.

    En effet, si des monnaies de réserves apparaissent, le poids de l’euro, qui n’est pas adossé à une puissance politique comme les Etats-Unis ou la Chine, diminuera bien plus vite que ce qu’il devrait baisser si de simples facteurs économiques dictaient le poids relatif des monnaies de réserves.

    En dépit de cette évolution, le dollar domine encore largement les transactions internationales, avec une part de 81,08% contre 8.66% pour le yuan et 6.64 pour l’euro. La part de la monnaie américaine est toutefois en baisse puisqu’elle a perdu près de 4 points depuis janvier 2012. Le yuan représente-t-il vraiment une menace pour le dollar ?

    Philippe Waechter : Non pas à court terme. On ne dispose que de trop peu de chiffres dans la durée pour savoir si passer de 84.96% en 2012 à 81.08% en 2013 est un déclin. Il faudrait avoir plus d’éléments pour conclure car est-ce 84.96 % qui est trop fort ou 81.08% qui est trop faible ? Je suis incapable de le dire.

    Si les autorités chinoises souhaitent effectivement faire du yuan une monnaie internationale et une monnaie de réserve alors au regard de la puissance de cette économie et de son dynamisme, elle prendra des parts au dollar comme monnaie de transactions. Est-ce une menace pour le billet vert ? Ce n’est pas le terme que j’utiliserais mais un rééquilibrage progressif est probable. Cependant, il prendra du temps car il va maintenant falloir faire les réformes sur le système financier chinois pour que celui-ci devienne pleinement ouvert et que le yuan soit effectivement convertible. Le plus simple a été fait sur ce point et le reste prendra du temps. Le dollar va donc conserver sa prééminence à court terme mais ce ne sera peut-être pas le cas à moyen terme si les réformes monétaires chinoises sont effectivement mises en œuvre dans l’Empire du milieu.

    Jacques Sapir : Pour l’instant le dollar, même en baisse, reste largement dominant. Cela traduit le poids de la finance étasunienne. Mais, compte tenu du soutien gouvernemental au yuan, et de la montée en puissance de la zone Asie-Pacifique, il ne serait pas étonnant que le yuan monte jusqu’à 20% voire 25%. De plus en plus de pays demandent des crédits aux banques chinoises. Leur rôle se développe même hors de leur habitat naturel, en particulier en Amérique latine.

    Mais, ce rôle du yuan restera limité, sauf si le gouvernement chinois réussi à imposer l’idée d’une nouvelle monnaie constituée d’un « panier » de monnaies existantes, avec un rôle et un poids important du yuan. De ce point de vue, les BRICS pourraient être l’institution rêvée servant de paravent à un fort développement de la monnaie et de la finance chinoise. Mais, si la Chine veut utiliser les BRICS à cette fin, elle sera obligée d’accepter une co-gestion de cette monnaie avec les autres pays émergents. Ceci pourrait d’ailleurs conférer une plus grande crédibilité, dans la mesure ou le lien gouvernement chinois-nouvelle monnaie serait plus faible, et donc la possibilité d’une instrumentalisation pure et simple, plus limitée.

    Si ce scénario se met en place, alors non pas le yuan, mais ce « panier » de monnaies au sein duquel le yuan jouerait un rôle très important, serait appelé à un bel avenir.

    Ce bond du yuan dans les échanges mondiaux semble couronner la confiance des investisseurs face au bon maintien de la croissance chinoise. L’Empire du milieu peut-il continuer sur cette lancée en dépit de mauvais chiffres à l’international ?

    Philippe Waechter : La Chine est surtout en position de force pour imposer sa monnaie dans les transactions compte tenu de son attractivité. Comme les autorités monétaires chinoises ont décidé de rendre leur monnaie plus internationale cela va se traduire a priori par un poids encore plus important dans les échanges. Le yuan pourrait tendre alors à devenir une monnaie de référence et une monnaie de réserve.

    Ce n’est pas encore le cas néanmoins mais l’orientation est prise. La Chine est toujours attractive sur le plan économique et le gouvernement chinois veut faire du yuan une monnaie convertible et donc une monnaie dont le poids à l’international pourrait tendre à se rapprocher du poids de la Chine dans l’économie mondiale. Ce phénomène pourrait être accentué par l’ensemble des réformes financières en Chine et l’ouverture que les autorités chinoises veulent privilégier pour mieux positionner l’économie chinoise dans le monde.

    Cependant, cela pose une question majeure puisqu’un poids plus important de la monnaie chinoise pourrait amener à s’interroger sur la monnaie internationale de référence. Il est assez rare d’avoir des monnaies qui cohabitent au niveau international. Il y a eu pas le passé le dollar et le sterling mais ce n’est pas forcément une période de stabilité. L’anti-loi de Gresham qui suggère que la bonne monnaie internationale chasse la mauvaise s’applique à l’échelle internationale. De ce fait peut-il y avoir cohabitation de monnaies concurrentes avec des poids proches ? On peut se le demander. Je ne suis pas sûr que les américains se laisseront faire sur cette question car la monnaie de référence reflète un poids économique mais surtout il traduit en un poids politique. Cela pourrait alors se traduire par des tensions significatives entre les deux pays.

    Jacques Sapir : Le poids de la Chine dans l’économie mondiale est tel que quelques mauvais résultats n’ont aucune importance. Ce que les investisseurs regarderont seront les garanties que le gouvernement chinois pourrait donner quant à l’absence d’instrumentalisation directe du yuan, ou d’un panier de monnaies largement basé sur le yuan.

    Atlantico

    http://fortune.fdesouche.com/337409-le-yuan-vient-de-depasser-leuro-bonne-ou-mauvaise-nouvelle-pour-leconomie-europeenne

  • Passe moi ta montre je te donnerai l’heure

    Konk.jpgLa formule fait florès, est reprise dans tous les médias, le stade de Soweto sera  aujourd’hui « le centre du monde »,  « le nombril de la  planète », puisque l’hommage à Nelson Mandela  s’y déroulera   en présence d’une centaine de chefs d’Etat.  Deux d’entre eux seront invités à prendre la parole.  D’abord  le vieux dinosaure communiste Raul Castro, au nom de la solidarité marxiste que l’Etat cubain a manifesté  de tout temps aux révolutionnaires de l’ANC.  M. Mandela, qu’ « Amnesty international, pourtant d’une extrême indulgence à l’égard des militants  progressistes  avait toujours refusé de l’adopter comme  prisonnier de conscience du fait qu’il ne rejetait pas la violence » (Le Bulletin d’André Noël ), fut aussi un  des dirigeants  clandestin du PC sud africain, malgré ses dénégations. Outre le dirigeant communiste cubain, prendra également la parole à Soweto  Barack Obama, à la tête d’une première puissance mondiale se voulant  elle aussi  arc-enc-ciel, président  symbole du mondialisme métissé qui serait notre avenir indépassable  et le modèle commun « planétarien » obligatoire. La boucle  est bouclée,  le symbole assez transparent…

     Les polémiques financières se sont invitées en France  dans le cadre de cet hommage, notamment sur le coût du déplacement de François Hollande et de Nicolas Sarkozy (en tant qu’ancien président) en Afrique du Sud.  Une facture salée dont a pris prétexte le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahu, pour  ne pas se rendre aux funérailles de Nelson Mandela.

     Le dirigeant d’extrême droite est en effet déjà  sous le feu des critiques  dans son pays  du fait des dépenses  occasionnées aux contribuables israéliens pour l’entretien de ses différentes résidences. Or  le prix du voyage en RSA  et de la sécurité sur place de M. Netanyahu, s’élèverait à 1,45 million d’euros.

     Mais les médias de l’Etat hébreu ont surtout insisté sur le fait que l’extrême droite israélienne, quand elle fut au pouvoir, noua dans le passé des relations solides avec le régime afrikaner. Et que Benyamin Netanyahu   ne souhaitait pas rendre hommage à un Mandela qui soutint de longue  date les revendications des Palestiniens et critiqua vivement la « politique d’apartheid » que mènerait Israël à leur égard. 

     Si ce souci d’économie cache donc d’autres motivations, notons qu’en France même, la classe politicienne sait être généreuse avec les défenseurs de la démocratie et du pluralisme. Déjà financé dans le passé  par le super capitaliste Lagardère, l’amendement 410, du 03 décembre 2013 de l’Assemblée nationale nous apprend ainsi que le quotidien communiste  L’Humanité sera une nouvelle fois renfloué avec l’argent des contribuables.

     L’Huma, le quotidien sans lecteurs  déjà le plus subventionné,  ne disparaîtra pas car est-il indiqué dans cet amendement, « les créances détenues sur la Société nouvelle du journal L’Humanité au titre du prêt accordé le 28 mars 2002, réaménagé en 2009 et imputé sur le compte de prêts du Trésor n° 903‑05, sont abandonnées à hauteur de 4 086 710,31 euros en capital. Les intérêts contractuels courus et échus sont également abandonnés» est-il écrit.

     Bref,  au motif que les débiteurs communistes ne peuvent plus payer, l’Etat abandonnerait ses créances sur le journal… comme c’est pratique ! Cette justification ne manquera pas d’interpeller nos compatriotes, les entrepreneurs, commerçants,  artisans qui croulent sous les charges et les impôts et  n’ont jamais droit à aucune mansuétude

     Un internaute nous faisait part  de cette étude de l’Institut Coppet qui rappelle qu’à la fin de l’Ancien Régime, les Français travaillaient 18 jours par an pour financer les dépenses de l’État, alors qu’aujourd’hui, un salarié  travaille  du 1er janvier au 26 juillet pour l’État. La formule désignant  naguère le calamiteux système communiste constate Bruno Gollnisch,  s’applique  de plus en plus à notre Etat socialo-européiste confiscatoire:  « passe moi ta montre je te donnerai l’heure ».

     L’historien Nicolas Delalande (auteur du livre Les Batailles de l’impôt) rappelait récemment qu’autour de 1900, le taux d’imposition représentait environ 10 % de la richesse nationale, aujourd’hui, « le niveau des prélèvements se maintient entre 42 % et 46 % du PIB ».

     Or, souligne t-il, le consentement à l’impôt vient d’un pacte entre le citoyen-contribuable et l’Etat pour que celui-ci assure trois fonctions régaliennes fondamentales, indispensables: l’État protège l’intégrité du territoire protégé par des frontières ; l’État bat monnaie (garantissant l’indépendance de la nation),  l’État rend la justice (impartiale, au nom et dans l’intérêt du peuple français).Pourtant, aujourd’hui, «l’État a ouvert les frontières, l’État ne bat plus monnaie, et l’État rend une justice politique servant des lobbies et/ou des idéologies contre le peuple».

     Voilà la conséquence directe de la soumission de notre classe politicienne à l’idéologie euromondialiste affirme Bruno Gollnisch.  Français qui ne fêteront pas demain constate-t-il encore,  le vingtième anniversaire (11 décembre 1993)  de l’adoption par les douze pays alors  membres de l’UE du  Livre Blanc de Jacques Delors,  qui devait  relancer la croissance et lutter contre le chômage en Europe.

     Nous en voyons les résultats dans notre pays : plus de trois  millions de chômeurs, huit millions de pauvres, nos industries détruites sur l’autel de la mondialisation et de l’ultra libre échangisme sans   frontières ni protections, une  croissance en berne, une  balance commerciale durablement plombée,  2 000 milliards d’euros de dettes publiques…

     Face aux mensonges, à  l’autisme de l’UMPS, à l’incapacité des partis euromondialistes à changer de logiciel, le FN représente une alternative sérieuse dont les Français  doivent se saisir dés 2014. Il est encore temps.

    http://www.gollnisch.com/2013/12/10/passe-moi-ta-montre-je-te-donnerai-lheure/

  • Paris : Des SDF au coeur du temple de l’art contemporain

     Alors que la gentrification galopante du centre de Paris repousse toujours plus loin les classes populaires, et que certains espaces publics comme la gare du Nord sont volontairement aménagés dans le but de chasser les SDF, les sans-abris se mélangent paisiblement aux étudiants et aux chercheurs entre les rayonnages de la bibliothèque publique d’information (BPI).

    Ils sont une cinquantaine au moins. Peut-être deux fois plus. Ils viennent au centre Pompidou quasiment tous les jours, comme de nombreux chômeurs ou retraités précaires. Pourquoi ici ? Pour quoi faire ? Reportage au cœur d’un des derniers bastions de la mixité sociale dans la capitale. La pluie tombe à gouttes épaisses sur le pavé parisien. L’humidité redouble les morsures du vent. Je traverse en trottant la place Georges-Pompidou, contourne le musée, m’engouffre sous les tuyauteries multicolores, et prends place dans la petite file qui se forme déjà devant l’entrée de la bibliothèque.

    Nous sommes une vingtaine à faire le pied de grue: étudiants, sans-abris, chômeurs… tous regroupés dans l’ombre, pareillement morts de froid. L’horloge indique 11h. Les portes ouvrent à midi. L’attente risque d’être longue. Pas de quoi décourager le premier dans la queue, champion invétéré de la pole position. Lui est arrivé à « 10h07 » pétantes. « Et le week-end, faut carrément arriver à 8h pour rentrer. Y a un monde ! » lâche-t-il en soufflant dans ses paumes pour tenter de les réchauffer.

    Baskets brunies par la crasse, jean râpé, manteau sale. L’homme aux cheveux grisonnants porte sur ses vêtements les stigmates de la rue. Pourtant, il ne dort pas dehors, mais dans un foyer Adoma. Il travaille un peu. Pas souvent. Sur des marchés où il transporte des caisses de légumes. Ça rapporte juste assez pour se payer un toit et pas crever la faim.
    Acheter de nouvelles fringues, c’est le luxe. Il vient à la BPI « tous les jours depuis six ans », parce qu’il « a besoin de sortir », qu’il ne supporte pas de « rester enfermé » toute la journée au foyer. Son dada : lire des biographies de gangsters. Son héros: Mesrine. Les seules choses qu’il n’aime pas ici, ce sont les gardiens « fainéants » et le café « dégueulasse » de la cafétéria.

    Au bout d’une demi-heure, je lui serre la main et lui donne mon prénom. J’espère avoir le sien, mais il ne le dit pas. Puisqu’il n’enlève jamais son manteau rouge et noir, je le surnomme *Stendhal.

    Tandis que nous discutons, la file grossit à vue d’œil. Les derniers arrivés commencent à faire la queue au-delà des limites prévues par la bibliothèque. Au fil de la journée, 5 500 personnes en moyenne emprunteront le même chemin. Débarque un toxico, titubant et hagard. Je l’appelle *Doudoune à cause de son blouson qui fait deux fois sa taille. Seul à se promener de l’autre côté de la barrière, il erre dans le no man’s land qui s’étend entre ceux qui attendent et l’enceinte de verre.

    Il s’approche des étudiants proprets, demande un peu de monnaie, obtient d’un type avec un sandwich de lui laisser la fin. Son butin à la main, le pauvre bougre part d’une démarche traînante se cacher derrière un pilier. Là, à l’abri des regards, il mange une à une les tomates, la salade et les petits bouts de pain, qu’il porte lentement à sa bouche édentée, puis déglutit en réprimant une grimace douloureuse. Je le recroiserai plus tard, dans la cafétéria.

    Ni portable ni monnaie à sortir de ses poches

    « Et voilà ! 12h01 ! Tous les jours c’est comme ça. Hier, ils ont ouvert avec deux minutes de retard ! » grogne *Stendhal, l’air de se demander où va le monde. L’heure semble être chez lui un grand sujet de préoccupation. Il l’a commentée régulièrement pendant notre discussion, ponctuant nos échanges de son compte à rebours : « Plus que vingt-cinq minutes… Un quart d’heure… cinq minutes s’ils ouvrent à l’heure, mais ça… » Un agent de sécurité vient finalement ouvrir les portes.

    Pour me remercier de lui avoir tenu compagnie, *Stendhal m’invite à le rejoindre. « Allez, passe. Je te donne le visa ! » plaisante-t-il en écartant les cordes métalliques qui nous séparent. Je passe derrière lui dans les portes tournantes, en sentant dans mon dos la foule méprisante. Mon nouvel ami passe en un éclair les détecteurs de métaux. Il n’a ni portable ni monnaie à sortir de ses poches. Pendant qu’il va s’asseoir à un poste internet pour regarder des sketches de Bill Cosby, je reste avec l’un des gardes.

    Aki travaille à la BPI depuis plus de trois ans. Il connaît parfaitement les SDF qui fréquentent la bibliothèque. « Ce sont toujours les mêmes. Ils sont souvent au premier étage, là où il y a les télés. Ils cherchent de la chaleur, un peu de présence humaine. Ils savent que les gens laissent des restes de nourriture à la cafétéria, donc ils trouvent aussi à manger. »

    Pointant l’index vers le salon de lecture du rez-de-chaussée, où s’entassent mangas et bandes-dessinées, l’agent désigne des poufs vert fluo : « Vous voyez ? Ils viennent là, ils s’allongent, et ils dorment. Personne ne vient les déranger ici. » Comme c’est un lieu public et que l’accès est gratuit, tout le monde a le droit d’entrer, ou presque : « Tant qu’ils sont propres et qu’ils sentent pas mauvais, on les laisse. Par contre, on refuse ceux qui sont en état d’ébriété. Ça nous arrive d’intervenir pour des bagarres, du chahut ou des cas de racket. Mais c’est rare. Globalement, ils ne posent pas beaucoup de problèmes. »

    « La bibliothèque de Beaubourg constitue un espace de résistance collective sur un principe d’égalité citoyenne. » Serge Paugam

    Je prends l’escalator, direction le premier étage. L’espace « TV du monde » et sa dizaine d’écrans vieillots est le coin favori des marginaux de la BPI. Il suffit de compter le nombre de sacs en plastiques au sol pour constater que de nombreux SDF viennent tuer le temps ici. Loin de l’ambiance studieuse du reste du bâtiment, le carré télé prend parfois des allures de cour de récré.

    Comme aujourd’hui, avec ce bonhomme qui gesticule dans tous les sens au milieu de ses camarades. Je l’observe se lever, aller à l’oreille d’une personne, s’esclaffer en faisant des moulinets avec les bras, puis repartir s’asseoir. Il répète ce manège pendant cinq bonnes minutes avant que je me décide à aller le voir. Je prends place à côté de lui, et lui montre la télé devant laquelle nous sommes assis. Une pancarte est accrochée sur l’écran : « hors-service ». Devant mon air perplexe, il gargouille dans un mélange de français, d’italien, et d’espagnol : « C’est ouna tévé espécial ! »

    Puis il mime le bruit d’un avion, s’agrippe tout à coup à un volant imaginaire comme s’il se retrouvait au milieu d’une course-poursuite, et se trémousse sur sa chaise en émettant des borborygmes loufoques. Quand il se tourne vers moi, il éclate de rire, très content de sa blague. Je rentre dans son jeu.

    On communique tant bien que mal, dans un sabir mélangeant toutes les langues qui nous passent par la tête. J’arrive tout de même à comprendre qu’il a bossé dans le bâtiment quand il était plus jeune, qu’il est maintenant retraité et n’a pas de papier. Il ajoute être venu en France à bord d’un sous-marin. Mais son sourire me dit qu’il me mène en bateau. Puisqu’il faut lui trouver un nom, ce sera *Zavatta.

    Les 400 coups

    « Hé, tu joues au tiercé ? », me lance-t-il sans prévenir. Je lui réponds que non. À nouveau il se marre, et se met à héler tous les gens de l’espace télé en braillant : « Il joue pas au tiercééé ! Il joue pas au tiercééé ! » Tout le monde me regarde. *Zavatta est debout, il me montre du doigt. Arrive une documentaliste avec un air sévère. Le trublion est prié de faire moins de bruit. Je profite de la diversion pour trouver une nouvelle place.

    J’atterris à côté d’Abdel, qui connaît bien le clown : « C’est un type simple. On le voit pas souvent. Mais quand il vient, il parle toujours à tout le monde. C’est bien, ça met un peu d’ambiance. » Abdel est un habitué. Il fréquente la bibliothèque depuis son adolescence. Après avoir fait les 400 coups ici avec ses potes, il y a trouvé refuge quand il était SDF.

    C’était il y a longtemps, mais la bibliothèque reste une source de réconfort pour lui, maintenant qu’il est au chômage. Comme *Stendhal, il préfère passer ses journées à la BPI plutôt que d’être seul à la maison. « Ça me change les idées, ça m’aère un peu l’esprit », dit-il en embrassant du regard ses compagnons assoupis.

    Changement de décor. Dans la cafétéria, *Doudoune inspecte les tables dans l’espoir de trouver des miettes de biscuits. Ses yeux fouillent le sol à la recherche de l’éclat d’une pièce de monnaie tombée à côté des distributeurs. Quand il a assez d’argent, il s’achète un Fanta. Entre chacune de ses rondes, *Doudoune parle dans le vide. Mes tentatives pour l’amadouer avec un café ou une clope ne prennent pas sur lui. Trop sauvage. Mais elles me valent de faire la connaissance de Jean, un vieil homme au crâne dégarni et à la barbe épaisse.

    Il le dit sans détour : « Je suis un SDF. Je dors sur le trottoir. » Bien qu’il n’en soit pas fier, il n’en a pas honte non plus. Bientôt sexagénaire, Jean est à la rue depuis presque cinq ans. Cet ancien employé des postes a accepté de quitter son travail contre une prime de départ. Quand sa petite retraite n’a plus suffit à payer le loyer, il s’est retrouvé sans abris. Sa demande de logement social a selon lui peu de chances d’aboutir : « Je suis au bout de la liste. La priorité est donnée aux familles avec enfants, puis aux couples, et enfin aux personnes handicapées. Alors quand on est célibataire et qu’on a la santé… »

    Une quinte de toux secoue son corps malingre. Pour se maintenir à flot, Jean investit son énergie dans une association. Il est directeur d’une bagagerie dans le centre de Paris. Réservée aux SDF, elle propose des casiers à ceux qui veulent y laisser leurs affaires : « La nuit, il ne vaut mieux pas garder ses papiers importants sur soi. On risque de se les faire voler. Et puis c’est plus facile de se déplacer sans avoir à traîner ses sacs. » Fidèle à ce principe, Jean voyage léger. Son sac de sport fatigué contient le casse-croûte, des stylos et un carnet. Rien d’autre.

    « Saviez-vous que l’Inde compte 300 000 avocats ? »

    Ses activités de directeur lui laissant du temps libre, Jean vient « quatre à cinq fois par semaine » à la bibliothèque. Il commence souvent la journée par la lecture de la presse. Les journaux lui permettent de rester au contact de la réalité, de se sentir partie prenante du monde : « Autrement, on a vite fait de décrocher. » Il aime également regarder des films au deuxième étage, mais se plaint de « tout connaître par cœur ». « Ils pourraient renouveler leur stock plus souvent », note-t-il avec une pointe de reproche. Enfin, plusieurs heures par jour, Jean utilise les postes d’autoformation qui se trouvent au premier étage pour apprendre à manier Excel. Notre café terminé, chacun retourne à ses occupations.

    « Il faut faire attention quand on manipule les lettres, parce qu’un jour, leur ayant droit naturel viendra réclamer son dû, flanqué d’un bataillon de juristes indiens. »

    Sur une table où sont alignés plusieurs ordinateurs, un type en veste et bonnet beiges copie-colle compulsivement des phrases dans un document Word. Ses yeux écarquillés semblent vouloir absorber le flot d’informations qui défile à l’écran. D’un ton docte et pénétré, il explique effectuer des recherches sur l’ADN. Il parle « processus biochimique », « chaîne protéique », « enzymes » et « liaison amide ». De ses longs ongles jaunis, il peigne sa barbe hirsute tout en administrant sa leçon pseudo-scientifique.

    Le *Savant passe du coq à l’âne, jongle simultanément avec toutes les idées qui lui traversent l’esprit. Sa maison est bourrée d’écrans tactiles. Bientôt il publiera un livre sur la philatélie. « Saviez-vous que l’Inde compte 300 000 avocats ? Il faut faire attention quand on manipule les lettres, parce qu’un jour, leur ayant droit naturel viendra réclamer son dû, flanqué d’un bataillon de juristes indiens, et il vaudra mieux ne pas être dans les parages quand cela arrivera. »

    Les mots se dressent entre nous comme un écran de fumée. Impossible de voir qui se cache derrière. Protégé par une carapace mythomane, le *Savant parle de tout sauf de lui. La conversation tourne court lorsqu’il me quitte brusquement au milieu d’une phrase.

    Gare du Nord : terminus pour les SDF

    Si la BPI offre l’un des derniers refuges des clochards parisiens, c’est que le mobilier urbain dissuasif a peu à peu gagné chaque centimètre carré de l’espace public. L’agencement de la gare du Nord témoigne de cette politique de l’inconfort urbain. Ouvert à tous, mais « à certains plus qu’à d’autres », dirait Orwell, l’espace public n’est pas un choix mais une réalité imposée pour les clochards qui arpentent encore le lino glacé de la gare.

    Et ce, en plein cœur de ce temple de la mobilité. Gare du nord, lieu de passage, début ou fin d’un voyage. Tout en son ventre incite à circuler : impossible de se coucher sur ces bancs entravés par des barres de fer ; pas de repos possible non plus sur le parvis, où des piques hérissent chaque recoin et empêchent les SDF de venir s’y blottir ; on ne peut poser son fessier plus de cinq minutes sur les barrières, toutes trop inconfortables ; et 504 caméras de vidéosurveillance pèsent d’un œil inquisiteur sur celui qui rêverait de solitude apaisante.

    Certains trouvent alors des parades dérisoires. Comme cette vieille dame qui chaque jour fait la manche assise sur sa propre chaise en plastique, dans le couloir du métro. Pour ceux qu’on appelle « les toxicos », qui vivent dans la rue à quelques encablures de là, les toilettes de la gare étaient autrefois « un haut-lieu de la piquouze » aux dires de Natacha, agent de la sûreté SNCF. Depuis qu’ils sont devenus payants, 70 centimes le passage sur le trône, la dame pipi assure qu’elle trouve « beaucoup moins de seringues à la fin de la journée ».

    Toute cette froideur urbaine glace peu à peu les habitants marginaux de la gare. Depuis une vingtaine d’années, la SNCF a développé un plan de « lutte contre l’errance » dans 80 gares en France. Des travailleurs sociaux sont chargés de réorienter les personnes à la rue vers des lieux où dormir pour la nuit. Sophie, agent commercial, est passée des files de clients aux gens à la rue en intégrant le service « Solidarités » de la SNCF. Mais pour la solidarité, on repassera.

    Chaque soir, elle arpente les rames assoupies et propose aux clochards de les accompagner jusqu’aux centres d’hébergements les plus proches. « Enfin ça, c’est quand il y a de la place », soupire-t-elle. Parce qu’ils sont encore nombreux à rester à quai chaque soir gare du Nord.

    Otis Redding, Aretha Franklin et le King

    Avant de repartir, il me reste un dernier endroit à aller visiter. Le deuxième étage de la BPI abrite lui aussi un haut-lieu de ralliement pour les SDF, connu sous le nom d’ « espace musique ». Préposé au guichet Économie, Aleksander analyse : « Cet espace attire essentiellement un public précaire. De nos jours, on trouve la musique partout gratuitement, alors pourquoi venir l’écouter à la bibliothèque ? Seuls les gens qui n’ont pas d’ordinateur et pas d’internet vont là-bas. »

    En chemin, j’aperçois un immigré albanais qui recharge son téléphone à côté des escalators. Tête posée sur son sac à dos, il lit tranquillement ses textos, sans payer attention au mouvement incessant des gens qui vont et viennent.

    Le coin musique est séparé physiquement du reste de l’étage par de hautes vitrines, contrairement à celui des télévisions. Des silhouettes avachies se dessinent entre les autocollants qui décorent les parois. Casques sur les oreilles, les SDF se laissent bercer par les mélodies stockées sur les serveurs de la bibliothèque. Sophie tient le guichet.

    Parmi les auditeurs, elle observe « les mêmes profils chez les personnes précaires que chez le reste du public : les érudits et ceux qui viennent sans trop savoir ce qu’ils cherchent. » Parmi les premiers, elle connait un clochard qui vient ici depuis dix ans pour écouter exclusivement du rock. « C’est merveilleux de le voir passer en revue les pochettes de CD. Il te dit : ce groupe, je l’ai vu en 96, celui là en 98. Il connait tout. Il a tout vu », piaffe-t-elle.

    Au bout d’une rangée de cabines, une vieille connaissance fait son apparition. *Stendhal monte ici pour se rincer les oreilles à grands renforts de soul. Il écoute du Otis Redding, des chansons d’Aretha Franklin. Dans un autre registre, il voue un culte sans borne au King Elvis. Alors quand les hauts-parleurs grésillants se mettent à diffuser l’annonce de la fermeture imminente de la bibliothèque, *Stendhal ne cache pas sa déception. Jetant un coup d’œil à l’horloge, il bougonne : « Ahhh, ça ! Quand il s’agit de fermer, ils sont toujours à l’heure ! »

    * Les noms marqués d’une astérisque sont des surnoms inventés

    Notes 

    Rage Mag

    http://fortune.fdesouche.com/336799-paris-des-sdf-au-coeur-du-temple-de-lart-contemporain#more-336799

  • Le traité transatlantique, un typhon qui menace les Européens

    Le Monde diplomatique:: Plus de soixante organisations lancent aujourd’hui la campagne « Non au Grand Marché Transatlantique » (#StopTAFTA) afin de rendre public le contenu des négociations commerciales en cours entre l’Union européenne et les Etats-Unis. Le traité, élaboré dans l’opacité comme déjà l’AMI et l’ACTA, vise à constituer d’ici 2015 un grand espace de libre-échange, où le droit des investisseurs prendrait le pas sur celui des gouvernements élus. L’article de Lori M. Wallach, paru en novembre, en détaillait plusieurs aspects.

    article de Lori M. Wallach

    Engagées en 2008, les discussions sur l’accord de libre-échange entre le Canada et l’Union européenne ont abouti le 18 octobre. Un bon présage pour le gouvernement américain, qui espère conclure un partenariat de ce type avec le Vieux Continent. Négocié en secret, ce projet ardemment soutenu par les multinationales leur permettrait d’attaquer en justice tout Etat qui ne se plierait pas aux normes du libéralisme.
    Imagine-t-on des multinationales traîner en justice les gouvernements dont l’orientation politique aurait pour effet d’amoindrir leurs profits ? Se conçoit-il qu’elles puissent réclamer — et obtenir ! — une généreuse compensation pour le manque à gagner induit par un droit du travail trop contraignant ou par une législation environnementale trop spoliatrice ? Si invraisemblable qu’il paraisse, ce scénario ne date pas d’hier. Il figurait déjà en toutes lettres dans le projet d’accord multilatéral sur l’investissement (AMI) négocié secrètement entre 1995 et 1997 par les vingt-neuf Etats membres de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) (1). Divulguée in extremis, notamment par Le Monde diplomatique, la copie souleva une vague de protestations sans précédent, contraignant ses promoteurs à la remiser. Quinze ans plus tard, la voilà qui fait son grand retour sous un nouvel habillage.
    L’accord de partenariat transatlantique (APT) négocié depuis juillet 2013 par les Etats-Unis et l’Union européenne est une version modifiée de l’AMI. Il prévoit que les législations en vigueur des deux côtés de l’Atlantique se plient aux normes du libre-échange établies par et pour les grandes entreprises européennes et américaines, sous peine de sanctions commerciales pour le pays contrevenant, ou d’une réparation de plusieurs millions d’euros au bénéfice des plaignants.
    D’après le calendrier officiel, les négociations ne devraient aboutir que dans un délai de deux ans. L’APT combine en les aggravant les éléments les plus néfastes des accords conclus par le passé. S’il devait entrer en vigueur, les privilèges des multinationales prendraient force de loi et lieraient pour de bon les mains des gouvernants. Imperméable aux alternances politiques et aux mobilisations populaires, il s’appliquerait de gré ou de force, puisque ses dispositions ne pourraient être amendées qu’avec le consentement unanime des pays signataires. Il dupliquerait en Europe l’esprit et les modalités de son modèle asiatique, l’accord de partenariat transpacifique (Trans-Pacific Partnership, TPP), actuellement en cours d’adoption dans douze pays après avoir été ardemment promu par les milieux d’affaires américains. A eux deux, l’APT et le TPP formeraient un empire économique capable de dicter ses conditions hors de ses frontières : tout pays qui chercherait à nouer des relations commerciales avec les Etats-Unis ou l’Union européenne se verrait contraint d’adopter telles quelles les règles qui prévalent au sein de leur marché commun.
    Tribunaux spécialement créés
    Parce qu’elles visent à brader des pans entiers du secteur non marchand, les négociations autour de l’APT et du TPP se déroulent derrière des portes closes. Les délégations américaines comptent plus de six cents consultants mandatés par les multinationales, qui disposent d’un accès illimité aux documents préparatoires et aux représentants de l’administration. Rien ne doit filtrer. Instruction a été donnée de laisser journalistes et citoyens à l’écart des discussions : ils seront informés en temps utile, à la signature du traité, lorsqu’il sera trop tard pour réagir.
    Dans un élan de candeur, l’ancien ministre du commerce américain Ronald (« Ron ») Kirk a fait valoir l’intérêt « pratique » de « préserver un certain degré de discrétion et de confidentialité (2) ». La dernière fois qu’une version de travail d’un accord en cours de formalisation a été mise sur la place publique, a-t-il souligné, les négociations ont échoué — une allusion à la Zone de libre-échange des Amériques (ZLEA), une version élargie de l’Accord de libre-échange nord-américain (Alena) ; le projet, âprement défendu par M. George W. Bush, fut dévoilé sur le site Internet de l’administration en 2001. A quoi la sénatrice Elizabeth Warren rétorque qu’un accord négocié sans aucun examen démocratique ne devrait jamais être signé (3).
    L’impérieuse volonté de soustraire le chantier du traité américano-européen à l’attention du public se conçoit aisément. Mieux vaut prendre son temps pour annoncer au pays les effets qu’il produira à tous les échelons : du sommet de l’Etat fédéral jusqu’aux conseils municipaux en passant par les gouvernorats et les assemblées locales, les élus devront redéfinir de fond en comble leurs politiques publiques de manière à satisfaire les appétits du privé dans les secteurs qui lui échappaient encore en partie. Sécurité des aliments, normes de toxicité, assurance-maladie, prix des médicaments, liberté du Net, protection de la vie privée, énergie, culture, droits d’auteur, ressources naturelles, formation professionnelle, équipements publics, immigration : pas un domaine d’intérêt général qui ne passe sous les fourches caudines du libre-échange institutionnalisé. L’action politique des élus se limitera à négocier auprès des entreprises ou de leurs mandataires locaux les miettes de souveraineté qu’ils voudront bien leur consentir.
    Il est d’ores et déjà stipulé que les pays signataires assureront la « mise en conformité de leurs lois, de leurs règlements et de leurs procédures » avec les dispositions du traité. Nul doute qu’ils veilleront scrupuleusement à honorer cet engagement. Dans le cas contraire, ils pourraient faire l’objet de poursuites devant l’un des tribunaux spécialement créés pour arbitrer les litiges entre les investisseurs et les Etats, et dotés du pouvoir de prononcer des sanctions commerciales contre ces derniers.
    L’idée peut paraître invraisemblable ; elle s’inscrit pourtant dans la philosophie des traités commerciaux déjà en vigueur. L’année dernière, l’Organisation mondiale du commerce (OMC) a ainsi condamné les Etats-Unis pour leurs boîtes de thon labellisées « sans danger pour les dauphins », pour l’indication du pays d’origine sur les viandes importées, ou encore pour l’interdiction du tabac parfumé au bonbon, ces mesures protectrices étant considérées comme des entraves au libre-échange. Elle a aussi infligé à l’Union européenne des pénalités de plusieurs centaines de millions d’euros pour son refus d’importer des organismes génétiquement modifiés (OGM). La nouveauté introduite par l’APT et le TTP, c’est qu’ils permettraient aux multinationales de poursuivre en leur propre nom un pays signataire dont la politique aurait un effet restrictif sur leur abattage commercial.
    Sous un tel régime, les entreprises seraient en mesure de contrecarrer les politiques de santé, de protection de l’environnement ou de régulation de la finance mises en place dans tel ou tel pays en lui réclamant des dommages et intérêts devant des tribunaux extrajudiciaires. Composées de trois avocats d’affaires, ces cours spéciales répondant aux lois de la Banque mondiale et de l’Organisation des Nations unies (ONU) seraient habilitées à condamner le contribuable à de lourdes réparations dès lors que sa législation rognerait sur les « futurs profits espérés » d’une société.
    Ce système « investisseur contre Etat », qui semblait rayé de la carte après l’abandon de l’AMI en 1998, a été restauré en catimini au fil des années. En vertu de plusieurs accords commerciaux signés par Washington, 400 millions de dollars sont passés de la poche du contribuable à celle des multinationales pour cause d’interdiction de produits toxiques, d’encadrement de l’exploitation de l’eau, du sol ou du bois, etc. (4). Sous l’égide de ces mêmes traités, les procédures actuellement en cours — dans des affaires d’intérêt général comme les brevets médicaux, la lutte antipollution ou les lois sur le climat et les énergies fossiles — font grimper les demandes de dommages et intérêts à 14 milliards de dollars.
    L’APT alourdirait encore la facture de cette extorsion légalisée, compte tenu de l’importance des intérêts en jeu dans le commerce transatlantique. Trois mille trois cents entreprises européennes sont présentes sur le sol américain par le biais de vingt-quatre mille filiales, dont chacune peut s’estimer fondée un jour ou l’autre à demander réparation pour un préjudice commercial. Un tel effet d’aubaine dépasserait de très loin les coûts occasionnés par les traités précédents. De leur côté, les pays membres de l’Union européenne se verraient exposés à un risque financier plus grand encore, sachant que quatorze mille quatre cents compagnies américaines disposent en Europe d’un réseau de cinquante mille huit cents filiales. Au total, ce sont soixante-quinze mille sociétés qui pourraient se jeter dans la chasse aux trésors publics.
    Officiellement, ce régime devait servir au départ à consolider la position des investisseurs dans les pays en développement dépourvus de système juridique fiable ; il leur permettait de faire valoir leurs droits en cas d’expropriation. Mais l’Union européenne et les Etats-Unis ne passent pas précisément pour des zones de non-droit ; ils disposent au contraire d’une justice fonctionnelle et pleinement respectueuse du droit à la propriété. En les plaçant malgré tout sous la tutelle de tribunaux spéciaux, l’APT démontre que son objectif n’est pas de protéger les investisseurs, mais bien d’accroître le pouvoir des multinationales.
    Procès pour hausse du salaire minimum
    Il va sans dire que les avocats qui composent ces tribunaux n’ont de comptes à rendre à aucun électorat. Inversant allègrement les rôles, ils peuvent aussi bien servir de juges que plaider la cause de leurs puissants clients (5). C’est un tout petit monde que celui des juristes de l’investissement international : ils ne sont que quinze à se partager 55 % des affaires traitées à ce jour. Evidemment, leurs décisions sont sans appel.
    Les « droits » qu’ils ont pour mission de protéger sont formulés de manière délibérément approximative, et leur interprétation sert rarement les intérêts du plus grand nombre. Ainsi de celui accordé à l’investisseur de bénéficier d’un cadre réglementaire conforme à ses « prévisions » — par quoi il convient d’entendre que le gouvernement s’interdira de modifier sa politique une fois que l’investissement a eu lieu. Quant au droit d’obtenir une compensation en cas d’« expropriation indirecte », il signifie que les pouvoirs publics devront mettre la main à la poche si leur législation a pour effet de diminuer la valeur d’un investissement, y compris lorsque cette même législation s’applique aussi aux entreprises locales. Les tribunaux reconnaissent également le droit du capital à acquérir toujours plus de terres, de ressources naturelles, d’équipements, d’usines, etc. Nulle contrepartie de la part des multinationales : elles n’ont aucune obligation à l’égard des Etats et peuvent engager des poursuites où et quand cela leur chante.
    Certains investisseurs ont une conception très extensive de leurs droits inaliénables. On a pu voir récemment des sociétés européennes engager des poursuites contre l’augmentation du salaire minimum en Egypte ou contre la limitation des émissions toxiques au Pérou, l’Alena servant dans ce dernier cas à protéger le droit de polluer du groupe américain Renco (6). Autre exemple : le géant de la cigarette Philip Morris, incommodé par les législations antitabac de l’Uruguay et de l’Australie, a assigné ces deux pays devant un tribunal spécial. Le groupe pharmaceutique américain Eli Lilly entend se faire justice face au Canada, coupable d’avoir mis en place un système de brevets qui rend certains médicaments plus abordables. Le fournisseur d’électricité suédois Vattenfall réclame plusieurs milliards d’euros à l’Allemagne pour son « tournant énergétique », qui encadre plus sévèrement les centrales à charbon et promet une sortie du nucléaire.
    Il n’y a pas de limite aux pénalités qu’un tribunal peut infliger à un Etat au bénéfice d’une multinationale. Il y a un an, l’Equateur s’est vu condamné à verser la somme record de 2 milliards d’euros à une compagnie pétrolière (7). Même lorsque les gouvernements gagnent leur procès, ils doivent s’acquitter de frais de justice et de commissions diverses qui atteignent en moyenne 8 millions de dollars par dossier, gaspillés au détriment du citoyen. Moyennant quoi les pouvoirs publics préfèrent souvent négocier avec le plaignant que plaider leur cause au tribunal. L’Etat canadien s’est ainsi épargné une convocation à la barre en abrogeant hâtivement l’interdiction d’un additif toxique utilisé par l’industrie pétrolière.
    Pour autant, les réclamations n’en finissent pas de croître. D’après la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (Cnuced), le nombre d’affaires soumises aux tribunaux spéciaux a été multiplié par dix depuis 2000. Alors que le système d’arbitrage commercial a été conçu dès les années 1950, il n’a jamais autant rendu service aux intérêts privés qu’en 2012, année exceptionnelle en termes de dépôts de dossiers. Ce boom a créé une florissante pépinière de consultants financiers et d’avocats d’affaires.
    Le projet de grand marché américano-européen est porté depuis de longues années par le Dialogue économique transatlantique (Trans-Atlantic Business Dialogue, TABD), un lobby mieux connu aujourd’hui sous l’appellation de Trans-Atlantic Business Council (TABC). Créé en 1995 sous le patronage de la Commission européenne et du ministère du commerce américain, ce rassemblement de riches entrepreneurs milite pour un « dialogue » hautement constructif entre les élites économiques des deux continents, l’administration de Washington et les commissaires de Bruxelles. Le TABC est un forum permanent qui permet aux multinationales de coordonner leurs attaques contre les politiques d’intérêt général qui tiennent encore debout des deux côtés de l’Atlantique.
    Son objectif, publiquement affiché, est d’éliminer ce qu’il appelle les « discordes commerciales » (trade irritants), c’est-à-dire d’opérer sur les deux continents selon les mêmes règles et sans interférence avec les pouvoirs publics. « Convergence régulatoire » et « reconnaissance mutuelle » font partie des panneaux sémantiques qu’il brandit pour inciter les gouvernements à autoriser les produits et services contrevenant aux législations locales.
    Injuste rejet du porc à la ractopamine
    Mais au lieu de prôner un simple assouplissement des lois existantes, les activistes du marché transatlantique se proposent carrément de les réécrire eux-mêmes. La Chambre américaine de commerce et BusinessEurope, deux des plus grosses organisations patronales de la planète, ont ainsi appelé les négociateurs de l’APT à réunir autour d’une table de travail un échantillon de gros actionnaires et de responsables politiques afin qu’ils « rédigent ensemble les textes de régulation » qui auront ensuite force de loi aux Etats-Unis et dans l’Union européenne. C’est à se demander, d’ailleurs, si la présence des politiques à l’atelier d’écriture commercial est vraiment indispensable…
    De fait, les multinationales se montrent d’une remarquable franchise dans l’exposé de leurs intentions. Par exemple sur la question des OGM. Alors qu’aux Etats-Unis un Etat sur deux envisage de rendre obligatoire un label indiquant la présence d‘organismes génétiquement modifiés dans un aliment — une mesure souhaitée par 80 % des consommateurs du pays —, les industriels de l’agroalimentaire, là comme en Europe, poussent à l’interdiction de ce type d’étiquetage. L’Association nationale des confiseurs n’y est pas allée par quatre chemins : « L’industrie américaine voudrait que l’APT avance sur cette question en supprimant la labellisation OGM et les normes de traçabilité. » La très influente Association de l’industrie biotechnologique (Biotechnology Industry Organization, BIO), dont fait partie le géant Monsanto, s’indigne pour sa part que des produits contenant des OGM et vendus aux Etats-Unis puissent essuyer un refus sur le marché européen. Elle souhaite par conséquent que le « gouffre qui se creuse entre la dérégulation des nouveaux produits biotechnologiques aux Etats-Unis et leur accueil en Europe » soit prestement comblé (8). Monsanto et ses amis ne cachent pas leur espoir que la zone de libre-échange transatlantique permette d’imposer enfin aux Européens leur « catalogue foisonnant de produits OGM en attente d’approbation et d’utilisation (9) ».
    L’offensive n’est pas moins vigoureuse sur le front de la vie privée. La Coalition du commerce numérique (Digital Trade Coalition, DTC), qui regroupe des industriels du Net et des hautes technologies, presse les négociateurs de l’APT de lever les barrières empêchant les flux de données personnelles de s’épancher librement de l’Europe vers les Etats-Unis (lire La traque méthodique de l’internaute révolutionne la publicité). « Le point de vue actuel de l’Union selon lequel les Etats-Unis ne fournissent pas une protection de la vie privée “adéquate” n’est pas raisonnable », s’impatientent les lobbyistes. A la lumière des révélations de M. Edward Snowden sur le système d’espionnage de l’Agence nationale de sécurité (National Security Agency, NSA), cet avis tranché ne manque pas de sel. Toutefois, il n’égale pas la déclaration de l’US Council for International Business (USCIB), un groupement de sociétés qui, à l’instar de Verizon, ont massivement approvisionné la NSA en données personnelles : « L’accord devrait chercher à circonscrire les exceptions, comme la sécurité et la vie privée, afin de s’assurer qu’elles ne servent pas d’entraves au commerce déguisées. »
    Les normes de qualité dans l’alimentation sont elles aussi prises pour cible. L’industrie américaine de la viande entend obtenir la suppression de la règle européenne qui interdit les poulets désinfectés au chlore. A l’avant-garde de ce combat, le groupe Yum !, propriétaire de la chaîne de restauration rapide Kentucky Fried Chicken (KFC), peut compter sur la force de frappe des organisations patronales. « L’Union autorise seulement l’usage de l’eau et de la vapeur sur les carcasses », proteste l’Association nord-américaine de la viande, tandis qu’un autre groupe de pression, l’Institut américain de la viande, déplore le « rejet injustifié [par Bruxelles] des viandes additionnées de bêta-agonistes, comme le chlorhydrate de ractopamine ».
    La ractopamine est un médicament utilisé pour gonfler la teneur en viande maigre chez les porcs et les bovins. Du fait de ses risques pour la santé des bêtes et des consommateurs, elle est bannie dans cent soixante pays, parmi lesquels les Etats membres de l’Union, la Russie et la Chine. Pour la filière porcine américaine, cette mesure de protection constitue une distorsion de la libre concurrence à laquelle l’APT doit mettre fin d’urgence.
    « Les producteurs de porc américains n’accepteront pas d’autre résultat que la levée de l’interdiction européenne de la ractopamine », menace le Conseil national des producteurs de porc (National Pork Producers Council, NPPC). Pendant ce temps, de l’autre côté de l’Atlantique, les industriels regroupés au sein de BusinessEurope dénoncent les « barrières qui affectent les exportations européennes vers les Etats-Unis, comme la loi américaine sur la sécurité alimentaire ». Depuis 2011, celle-ci autorise en effet les services de contrôle à retirer du marché les produits d’importation contaminés. Là encore, les négociateurs de l’APT sont priés de faire table rase.
    Il en va de même avec les gaz à effet de serre. L’organisation Airlines for America (A4A), bras armé des transporteurs aériens américains, a établi une liste des « règlements inutiles qui portent un préjudice considérable à [leur] industrie » et que l’APT, bien sûr, a vocation à rayer de la carte. Au premier rang de cette liste figure le système européen d’échange de quotas d’émissions, qui oblige les compagnies aériennes à payer pour leur pollution au carbone. Bruxelles a provisoirement suspendu ce programme ; A4A exige sa suppression définitive au nom du « progrès ».
    Mais c’est dans le secteur de la finance que la croisade des marchés est la plus virulente. Cinq ans après l’irruption de la crise des subprime, les négociateurs américains et européens sont convenus que les velléités de régulation de l’industrie financière avaient fait leur temps. Le cadre qu’ils veulent mettre en place prévoit de lever tous les garde-fous en matière de placements à risques et d’empêcher les gouvernements de contrôler le volume, la nature ou l’origine des produits financiers mis sur le marché. En somme, il s’agit purement et simplement de rayer le mot « régulation » de la carte.
    D’où vient cet extravagant retour aux vieilles lunes thatchériennes ? Il répond notamment aux vœux de l’Association des banques allemandes, qui ne manque pas d’exprimer ses « inquiétudes » à propos de la pourtant timide réforme de Wall Street adoptée au lendemain de la crise de 2008. L’un de ses membres les plus entreprenants sur ce dossier est la Deutsche Bank, qui a pourtant reçu en 2009 des centaines de milliards de dollars de la Réserve fédérale américaine en échange de titres adossés à des créances hypothécaires (10). Le mastodonte allemand veut en finir avec la réglementation Volcker, clé de voûte de la réforme de Wall Street, qui pèse selon lui d’un « poids trop lourd sur les banques non américaines ». Insurance Europe, le fer de lance des sociétés d’assurances européennes, souhaite pour sa part que l’APT « supprime » les garanties collatérales qui dissuadent le secteur de s’aventurer dans des placements à hauts risques.
    Quant au Forum des services européens, organisation patronale dont fait partie la Deutsche Bank, il s’agite dans les coulisses des pourparlers transatlantiques pour que les autorités de contrôle américaines cessent de mettre leur nez dans les affaires des grandes banques étrangères opérant sur leur territoire. Côté américain, on espère surtout que l’APT enterrera pour de bon le projet européen de taxe sur les transactions financières. L’affaire paraît d’ores et déjà entendue, la Commission européenne ayant elle-même jugé cette taxe non conforme aux règles de l’OMC (11). Dans la mesure où la zone de libre-échange transatlantique promet un libéralisme plus débridé encore que celui de l’OMC, et alors que le Fonds monétaire international (FMI) s’oppose systématiquement à toute forme de contrôle sur les mouvements de capitaux, la chétive « taxe Tobin » n’inquiète plus grand monde aux Etats-Unis.
    Mais les sirènes de la dérégulation ne se font pas entendre dans la seule industrie financière. L’APT entend ouvrir à la concurrence tous les secteurs « invisibles » ou d’intérêt général. Les Etats signataires se verraient contraints non seulement de soumettre leurs services publics à la logique marchande, mais aussi de renoncer à toute intervention sur les fournisseurs de services étrangers qui convoitent leurs marchés. Les marges de manœuvre politiques en matière de santé, d’énergie, d’éducation, d’eau ou de transport se réduiraient comme peau de chagrin. La fièvre commerciale n’épargne pas non plus l’immigration, puisque les instigateurs de l’APT s’arrogent la compétence d’établir une politique commune aux frontières — sans doute pour faciliter l’entrée de ceux qui ont un bien ou un service à vendre au détriment des autres.
    Depuis quelques mois, le rythme des négociations s’intensifie. A Washington, on a de bonnes raisons de croire que les dirigeants européens sont prêts à n’importe quoi pour raviver une croissance économique moribonde, fût-ce au prix d’un reniement de leur pacte social. L’argument des promoteurs de l’APT, selon lequel le libre-échange dérégulé faciliterait les échanges commerciaux et serait donc créateur d’emplois, pèse apparemment plus lourd que la crainte d’un séisme social. Les barrières douanières qui subsistent encore entre l’Europe et les Etats-Unis sont pourtant « déjà assez basses », comme le reconnaît le représentant américain au commerce (12). Les artisans de l’APT admettent eux-mêmes que leur objectif premier n’est pas d’alléger les contraintes douanières, de toute façon insignifiantes, mais d’imposer « l’élimination, la réduction ou la prévention de politiques nationales superflues (13) », étant considéré comme « superflu » tout ce qui ralentit l’écoulement des marchandises, comme la régulation de la finance, la lutte contre le réchauffement climatique ou l’exercice de la démocratie.
    Il est vrai que les rares études consacrées aux conséquences de l’APT ne s’attardent guère sur ses retombées sociales et économiques. Un rapport fréquemment cité, issu du Centre européen d’économie politique internationale (European Centre for International Political Economy, Ecipe), affirme avec l’autorité d’un Nostradamus d’école de commerce que l’APT délivrera à la population du marché transatlantique un surcroît de richesse de 3 centimes par tête et par jour… à partir de 2029 (14).
    En dépit de son optimisme, la même étude évalue à 0,06 % seulement la hausse du produit intérieur but (PIB) en Europe et aux Etats-Unis à la suite de l’entrée en vigueur de l’APT. Encore un tel « impact » est-il largement irréaliste, dans la mesure où ses auteurs postulent que le libre-échange « dynamise » la croissance économique ; une théorie régulièrement réfutée par les faits. Une élévation aussi infinitésimale serait d’ailleurs imperceptible. Par comparaison, la cinquième version de l’iPhone d’Apple a entraîné aux Etats-Unis une hausse du PIB huit fois plus importante.
    Presque toutes les études sur l’APT ont été financées par des institutions favorables au libre-échange ou par des organisations patronales, raison pour laquelle les coûts sociaux du traité n’y apparaissent pas, pas plus que ses victimes directes, qui pourraient pourtant se compter en centaines de millions. Mais les jeux ne sont pas encore faits. Comme l’ont montré les mésaventures de l’AMI, de la ZLEA et certains cycles de négociations à l’OMC, l’utilisation du « commerce » comme cheval de Troie pour démanteler les protections sociales et instaurer la junte des chargés d’affaires a échoué à plusieurs reprises par le passé. Rien ne dit qu’il n’en sera pas de même cette fois encore.
    Lori M. Wallach
    Directrice de Public Citizen’s Global Trade Watch, Washington, DC, www.citizen.org

    Notes :

    (1) Lire « Le nouveau manifeste du capitalisme mondial », Le Monde diplomatique, février 1998.
    (2) « Some secrecy needed in trade talks : Ron Kirk », Reuters, 13 mai 2012.
    (3) Zach Carter, « Elizabeth Warren opposing Obama trade nominee Michael Froman », Huffington Post, 19 juin 2013.
    (4) « Table of foreign investor-state cases and claims under NAFTA and other US “trade” deals » (PDF), Public Citizen, août 2013.
    (5) Andrew Martin, « Treaty disputes roiled by bias charges », Bloomberg, 10 juillet 2013.
    (6) « Renco uses US-Peru FTA to evade justice for La Oroya pollution » (PDF), Public Citizen, 28 novembre 2012.
    (7) « Ecuador to fight oil dispute fine », Agence France-Presse, 13 octobre 2012.
    (8) Commentaires sur l’accord de partenariat transatlantique, document du BIO, Washington, DC, mai 2013.
    (9) « EU-US high level working group on jobs and growth. Response to consultation by EuropaBio and BIO » (PDF), http://ec.europa.eu
    (10) Shahien Nasiripour, « Fed opens books, revealing European megabanks were biggest beneficiaries », Huffington Post, 10 janvier 2012.
    (11) « Europe admits speculation taxes a WTO problem », Public Citizen, 30 avril 2010.
    (12) Courrier de M. Demetrios Marantis, représentant américain au commerce, à M. John Boehner, porte-parole républicain à la Chambre des représentants, Washington, DC, 20 mars 2013, http://ec.europa.eu
    (13) « Final report. High level working group on jobs and growth » (PDF), 11 février 2013, http://ec.europa.eu
    (14) « TAFTA’s trade benefit : A candy bar », Public Citizen, 11 juillet 2013.

  • L’OMC sauve les apparences… en décidant de ne pas décider grand-chose !

    La 9e conférence ministérielle de l’OMC a débouché in extremis sur un accord sur le « paquet de Bali » le 7 décembre 2013, soit un jour plus tard que prévu, qui représente 10% de l’Agenda de Doha pour le développement défini en 2001 à Doha.

    Ce premier accord commercial multilatéral depuis la création de l’institution en 1995 permet à l’OMC de sauver la face avec un accord portant sur dix points en négociation depuis de nombreuses années. Les deux dossiers qui créaient le blocage, la facilitation des échanges et la sécurité alimentaire, se soldent par des engagements… à conclure un accord ultérieurement, suite à un compromis négocié par l’Inde et les Etats-Unis.

    La stratégie de l’« ambigüité constructive » du nouveau directeur de l’OMC, Roberto Azevêdo, a ainsi permis d’éviter à l’OMC une profonde crise existentielle, mais sans affronter les problèmes en profondeur et en renvoyant leur résolution à plus tard.

    Le compromis obtenu sur la sécurité alimentaire est tout particulièrement ambigu. Face à la demande légitime des pays en développement, menés par l’Inde, de financer des programmes de sécurité alimentaire pour protéger les populations pauvres de la volatilité des prix alimentaires, l’Inde a annoncé avoir obtenu des Etats-Unis le droit de pérenniser les programmes de sécurité alimentaire existants, tout en s’engageant à aboutir à un accord dans les quatre ans.

    La formulation de cet accord est suffisamment floue pour permettre à l’Inde et aux Etats-Unis de crier victoire, mais l’accord contient plusieurs conditions susceptibles de remettre en cause certains acquis et ne concerne que les programmes existants, ce qui rend impossible leur mise en œuvre à terme par les dizaines de pays en développement qui n’en disposent pas, et qui n’ont pas hésité à qualifier de trahison le compromis négocié en tête à tête par l’Inde avec les Etats-Unis dans la dernière ligne droite.

    Le compromis sur la facilitation des échanges, qui vise à simplifier la circulation des marchandises, stipule quant à lui qu’un accord contraignant est postposé au 31 juillet 2015. Il sera adopté aux deux-tiers des voix et appliqué aux seuls Etats membres qui l’auront accepté, mais une majorité des trois-quarts pourrait rendre contraignant cet accord pour tous les Etats membres, ce qui implique que ce compromis rompt pour la première fois avec la tradition du consensus à l’OMC.

    Les négociations ont notamment vu Cuba, soutenu par les pays de l’ALBA (Venezuela, Bolivie, Nicaragua), revendiquer que l’accord concerne l’embargo des Etats-Unis à son égard, en vue de le démanteler. Les négociations n’ont ainsi pu être débloquées que suite à un compromis adopté le 7 décembre et intégrant le principe de non-discrimination dans le transit des marchandises.

    Selon Arnaud Zacharie, Secrétaire général du CNCD-11.11.11 : « L’OMC sauve les meubles par un accord a minima et l’Inde peut pérenniser son programme de sécurité alimentaire, mais les pays pauvres ont été sacrifiés dans l’aventure et devront se contenter d’un meilleur accès aux marchés des pays riches : seul les programmes de sécurité alimentaire existants sont concernés, ce qui exclut de nombreux pays pauvres qui ne pourront pas lancer de nouveaux programmes pour protéger leurs populations contre l’instabilité des prix alimentaires. L’accord de Bali ne permettra pas de faire l’économie d’une réorientation fondamentale de l’OMC, centrée sur le développement durable, inscrit dans ses objectifs depuis sa création, et le renforcement de la cohérence des règles commerciales multilatérales en faveur du développement ».

    CNCD

    http://fortune.fdesouche.com/337057-linde-enfonce-un-peu-plus-le-clou-dans-le-cercueil-de-lomc#more-337057