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économie et finance - Page 770

  • Edouard Balladur soupçonné de détournement de fonds publics

    PARIS (NOVOpress) – Le parquet de Paris a conforté les soupçons de malversations entourant le financement, en 1995, de la campagne présidentielle d’Edouard Balladur (photo), en élargissant l’enquête à un éventuel « détournement de fonds publics » afin d’approfondir les investigations sur le financement de sa campagne en 1995. Les témoignages et documents sur le financement de la campagne présidentielle d’Edouard Balladur s’orientent vers deux directions : le détournement de commissions sur des contrats d’armement et les fonds spéciaux distribués par Matignon en argent liquide à l’ensemble des ministères.

     

    L’homme d’affaires Ziad Takieddine a récemment affirmé que des versements d’argent pour la campagne d’Edouard Balladur provenaient des commissions perçues au titre de son intervention dans les contrats d’armement conclus en 1994 avec le Pakistan pour des sous-marins et l’Arabie Saoudite pour des frégates. Parallèlement à ces informations, plusieurs témoins ont évoqué devant les juges la piste des fonds secrets. Notamment, l’ex-trésorier d’Edouard Balladur, René Galy-Dejean. Il avait affirmé fin 2012 que l’argent liquide versé sur le compte de campagne ne provenait pas des meetings mais des fonds secrets. Depuis des décennies, la République française s’enfonce dans les magouilles, qu’elle soit dirigée par la droite comme par la gauche.

    http://fr.novopress.info/

  • Detroit hideuse banqueroute de la gauche

     

    Detroit-130722

    La faillite de Detroit, officiellement annoncée le 17 juillet sera difficilement comprise par l'opinion hexagonale. Et pour cause.

    Cette ville représentait un cas d'école de la politique de gauche aux États-Unis. (1)⇓ Aujourd'hui elle paye le prix de 50 années de contrôle par les partisans de l'étatisme et par les bureaucraties syndicales, qui ont fait d'une grande ville américaine un champ de ruines.

    Ne nous étonnons pas si, par conséquent, les homologues français des banqueroutiers cherchent à expliquer autrement la déconfiture, en feignant de n'en remarquer que ses conséquences dommageables. Et en l'imputant aux affreux ressorts de l'économie de marché.

    L'Huma du 21 juillet 2013 donne ainsi comme d'habitude le ton. Le journal communiste prétend fournir "les trois raisons de la faillite de Detroit : la désindustrialisation (…) ; le 'white flight' ou l’exode des classes moyennes" (…) et… l’inaction de l’État du Michigan et du gouvernement fédéral"

    Commentaire encore plus typique : celui de "Solidarité et Progrès", surenchérissant dans la bêtise le 22 juillet : "les emprunts toxiques m'ont tuer". Les esprits faux confondent toujours joyeusement les causes et les effets. Ainsi, l'usure ne crée jamais elle-même le surendettement. Les 18 milliards de dollars de dettes sous lesquels cette municipalité s'est effectivement écroulée, n'ont pas été produits par les conditions d'emprunts. Ceux-ci n'auraient jamais dû être contractés, certes, mais ils n'ont jamais fait qu'aggraver la gabegie. Nombre de collectivités locales françaises ont subi le même phénomène, plombant la banque Dexia instituée précisément pour assurer ces financements contraires à l'ordre naturel.

    Ce que l'Huma appelle 'white flight' c'est-à-dire la fuite des ouvriers blancs, hors des faubourgs de l'assistanat, n'est que le produit de la gestion laxiste et faussement "sociale" de services publics devenus parallèlement inexistants et coûteux. Malgré son déclin démographique, lent et régulier depuis un demi-siècle, Detroit comptait encore 1 fonctionnaire municipal pour 55 habitants contre 115 pour la ville comparable d'Indianapolis.

    Attendons-nous donc à ce discours préfabriqué. On va l'entendre partout, sous des formes plus ou moins édulcorées : c'est la faute à l'ultra libéralisme.

    13725-henry-fordEn fait l'essor et la prospérité de Détroit auront été produits par la libre entreprise. En 1903 Henry Ford y fonde sa compagnie ; en 1908, General Motors, suivi en 1925 par Chrysler. C'est l'époque glorieuse du fordisme, fondé sur l'organisation rationnelle du travail et sur le compromis salarial en relation directe avec la productivité. Bien entendu cette médaille n'est pas dépourvue de revers, et Céline lui consacre un texte célèbre. (2)⇓

    À partir des années 1930, l'agitation marxiste en fera la capitale du syndicalisme : en 1935, fondation de l’United Auto Workers (UAW) ; en 1937 General Motors et Chrysler cèdent devant les grèves. Ford tiendra le choc quelque temps. (3)⇓ Mais en 1941 une première "convention collective" est signée.

    Après la guerre le système américain limite administrativement les augmentations de salaires. Ceci conduit les grandes entreprises à créer des "avantages sociaux". Elles développent notamment les "retraites maison" qui vont durablement plomber les comptes de production.

    Dans les années 1950 Detroit paraît encore une très grande ville américaine. Son influence culturelle n'est pas négligeable. Mais son déclin matériel a déjà commencé : elle perdra 60 % de sa population en 60 ans, passant de 1,8 million d'habitants en 1950 à 702 000 en 2010. D'autres paramètres aggravent le score : taux de chômage, gestionnaires corrompus, absence de couverture des régimes de pensions. L'ancien maire Kwame Kilpatrick, un politicien du Parti Démocrate, comme d'habitude, poursuivi pour fraude sous 24 chefs d'inculpation. La criminalité galopante, aggravée par l'existence de 78 000 immeubles réduits à l'état de squat, se traduit par un appel d'urgence toutes les 58 minutes.

    Aujourd'hui le déclin de cette collectivité semble irrémédiable sauf à prendre des mesures radicales d'assainissement rendues incontournables par le chapitre IX de la loi sur les faillites.

    Observons ici que cela ressemble beaucoup à ce que le "modèle français" de la sécurité sociale en général, et en particulier des retraites dites par "répartition" (un mot qui ne veut rien dire) est parvenu à réaliser au niveau de la nation, – et pas seulement dans l'industrie, mais aussi dans l'agriculture, l'hôtellerie-restauration, les métiers d'art etc. – détruisant ainsi toute la filière du "fabriqué en France". (4)⇓
    JG Malliarakis http://www.insolent.fr/

    Apostilles

    1. cf. la chronique de la "Heritage Foundation" en date du 22 juillet
    2. cf. dans le Voyage au bout de la nuit : "Et j’ai vu en effet des grands bâtiments trapus et vitrés, des sortes de cages à mouches sans fin dans lesquelles on discernait des hommes à remuer, mais à remuer à peine, comme s’ils ne se débattaient plus que faiblement contre je ne sais quoi d’impossible. C’était ça, Ford ?"
    3. cf. 26 mai 1937 : "bataille de l’Overpass", où les syndicalistes "maison" de Ford rossent copîeusement les agitateurs de l’United Auto Workers, devant l’usine de River Rouge à Dearborn.
    4. cf. La Sécurité sociale et comment s'en sortir" par Georges Lane.
  • Le Siècle Post-Européen

    Les exactions soutenues des croisades de l’austérité financière transatlantique continuent de manufacturer leurs pathologies en Europe en imposant une nouvelle grammaire de la croissance pour l’avenir du vieux continent. Aujourd’hui, à l’instar d’une pilule du lendemain, l’austérité financière se vend bien comme l’ultime alternative pour une relance économique. L’argumentaire tout trouvé consiste à postuler que bien que nous soyons sortis de la récession, nous subissons les effets d’une dépression déflationniste. On rassure que les obligations de la dette seront honorées. Concomitamment, les salaires sont en chute libre, la spéculation immobilière a retrouvé sa vitesse de croisière. Pendant ce temps, le coût réel de la vie connait une hausse notoire quand bien même il faut paradoxalement dégager des revenus pour le service de la dette. Un truisme qui ne souffre pas de propagande. Le service de la dette est en passe de phagocyter les autres activités économiques, voire, l’investissement indispensable pour les générations futures.

     

    Les djihadistes de l’austérité financière ont réussi à coloniser le discours public de leurs maître-récits d’une économie des agonisants. De fait, ils semblent, à ne point s’y méprendre, des serviteurs dociles des intérêts des créanciers internationaux. Pour illustration, gouvernements de centre-droit ainsi que leurs alliés dans le business international instrumentalisent la crise fiscale à desseins pour opérer des coupes sombres dans les dépenses sociales bien que celles-ci n’ont aucun rapport avec les causes de la récession. Ce compromis tacite avec les créanciers internationaux contribue doublement à la marginalisation de l’Europe dans les relations internationales, d’une part, tout en tissant le lit d’une dynamique d’insécurité humaine et de retrait stratégique et économique pour le continent, d’autre part. Le retrait programmé de l’Europe du centre du monde va au-delà d’une simple crise de l’eurozone. L’Europe semble avoir renoncé à ses grandes ambitions de locomotive économique du monde pour enfiler le brassard de capitaine de la micro-finance des agonisants.

     

    Du Miracle Economique à la Micro-Finance des Agonisants

     

    Après la Seconde Guerre Mondiale, la dette publique Américaine dépassait 120% de son PIB. Contrairement aux dogmes des élites financières en vogue aujourd’hui, la dette Américaine ne fut pas une menace à la prospérité économique des Yankee. Bien au contraire, l’Amérique choisit de vaincre la dette, non par des mesures punitives d’austérités financières, mais plutôt par une libération de son génie économique par le recours à l’innovation industrielle. Fidèle à son passé, l’économie Américaine est sortie du creux des turbulences économiques après le plan de stimulus de l’ordre de $775 billions de dollars lancé par le président B. Obama en 2008.

     

    Contrairement aux USA, la Grande Bretagne et certains pays en Europe ne sont pas encore sortis de la récession en dépit de leur programme d’austérité. En 2010, le gouvernement du Premier Ministre Britannique, David Cameron, a choisi d’opérer des coupes sombres budgétaires dans les bénéfices de santé et les aides sociales. George Osborne, le chancellier du trésor britannique annonça une mesure d’austérité de l’ordre de £83 milliards de compression budgétaire. Ces mesures d’austérité ont coûté 200.000 jobs dans la construction et la maintenance de l’immobilier en 2011. Dans les rues de Londres, on estimait que le nombre de jeunes sans abri a connu une hausse de 32% entre 2010 et 2011. L’Irlande pour sa part, enregistrait 68% de hausse des sans-abri. Tandis que Barcelone connaissait 31% de sans-abri entre 2008-2013. Le Portugal comptabilisait 25% d’augmentation de sans-abri entre 2007-2011. En Grèce, Le taux de sans-abri a connu une hausse de 25% entre 2009 et 2011.

     

    Le choix de mesures punitives d’austérités ont des répercussions graves sur la qualité de la santé publique et de la sécurité humaine. Pour sa relance économique, la Grèce s’est vue imposée les plus larges coupes draconiennes en Europe depuis la Seconde Guerre Mondiale. Rien qu’en 2009, le budget de santé publique en Grèce a connu un effondrement de €24 milliards d’euros à près de €16 milliards d’euros. Traduites en coût humain, ces mesures autoritaires se sont illustrées, entre janvier et mai 2011, par une hausse de 52% du taux de seropositivité dans la pandémie du VIH/Sida. La Grèce a opéré des coupes radicales dans son budget de santé publique sous la pression du Fonds Monétaire International et de la Banque Centrale Européenne. Entre juillet et août 2010, la Grèce a vu l’apparition, la plus large en Europe depuis 1996, d’une épidémie du Virus du Nil Occidental. Aujourd’hui, nous assistons au retour de la malaria, de l’augmentation du taux de suicide et des homicides en Grèce. Ces regressions brutales dans la sécurité humaine ont été largement occultées par la littérature fiscale et les plans de redressement économique. Elles ont eu pour effet de masquer le fait que l’Europe tout lentement est en train de s’exclure du centre du monde. 

     

    Le Traité de Lisbonne de 2007 posait les jalons d’une Europe comme marché mondial le plus compétitif. Le rêve européen d’une économie de la connaissance apporterait caution à la qualité de son capital humain, liquidant ainsi de sa zone les bas salaires. L’absence d’une Europe de la recherche scientifique et de l’innovation technologique ou d’une eurozone de l’énergie et de l’environement sonne en faux contre les lyriques élitistes de l’Union. Les grands maux de l’Europe ne sauraient se décliner grosso modo en ce double handicap historique souvent relayé par la presse : les crises budgétaires et le financement du bien-être social. L’Europe a perdu le centre du monde par son auto aliénation par rapport à sa responsabilité financière, économique, politique et démographique.

     

     

     

    La Vieille Europe Demilitarisée et Désargentée

    L’Europe représente ¼ de la production écononomique mondiale. Elle se pose comme le plus large partenaire économique des USA avec plus de $600 milliards de commerce annuel. Mais le piédestal économique de l’Europe prend appui sur du sable mouvant. Avec ses 500 millions d’habitants, la population Européenne est sur une forte pente de vieillissement démographique. D’ici 2050, le ratio des retraités relativement à la classe des travailleurs va simplement doubler de 0.54. Dans la même période, la population européenne va décliner de 20 millions, avec pour corollaire, un déséquilibre de la stabilité fiscale du continent. Les pensions retraites généreuses, la faible mobilité du travail, l’hostilité contre l’immigration comme gage de renouvellement démographique ainsi que le système exorbitant de taxation provoqueront un déclin significatif du rayonnement économique en Europe. L’exit de l’Europe du centre économique mondial s’accompagnera de sa marginalisation diplomatique et militaire.

    Aujourd’hui, semblent tournées définitivement les pages où l’Europe était au centre de la diplomatie mondiale et du théâtre des deux grandes guerres mondiales ainsi que des programmes de reconstruction post-crise. Avec un budget de défense de l’ordre de $250 milliards par an, l’Europe compte environ 2 millions de troupes bercées dans l’ambiance d’une culture largement anti-militaire, faute d’ennemis. L’armée continentale manque de pertinence en ce sens qu’elle n’a pas les moyens d’une auto-projection en dehors de l’Europe continentale. Le rêve d’une politique commune de défense européenne se heurte à l’insularité particulière des entités nationales. En matière de défense, les forces spéciales européennes manquent de vision commune stratégique géopolitique autant pour le continent que la stabilité du monde. Ce qui la rendrait quasi-amorphe et assoupie, pour ne pas dire vulnerable.

     

    Aujourd’hui, la vieille Europe se métamorphose progressivement en une relique de musées de luxe à contempler pour les touristes Asiatiques. Le siècle post-européen a rattrapé le vieux continent ! L’Europe gagnerait cependant l’absolution des pays émergents en tempérant ses programmes austères par un allègement de la dette et par le choix d’une politique plus attrayante de nouveaux investissements. Cette stratégie ne peut être efficiente que si elle intègre l’européanisation des politiques fiscales et d’investissements dans sa zone pour freiner son expulsion forcée du centre du monde.

     

     

     

    Narcisse Jean Alcide Nana, International Security Studies

     

    Bibliographie 

    - Richard N. Hass, Foreign Policy Begins At Home : The Case For Putting America’s House In Order (New York, Basic Books, 2013)

     

    - Robert Kuttner, Debtor’s Prison : The Politics of Austerity Versus Possibility (New York, A. Knopf, 2013)

     

    - David Stuckler & Sanjay Basu, The Body Economic, Why Austerity Kills : Recessions, Budget Battles, and The Politics of Life and Death (New York, Basic Books, 2013)

    http://www.agoravox.fr

  • Quand le poulet brésilien s’invite dans les plats bretons

    GUINGAMP (NOVOpress Breizh) – Les aviculteurs de la Coordination Rurale des Côtes-d’Armor n’en sont pas encore revenus. Lundi dernier, lors d’une visite à Farmor,  une entreprise de Guingamp qui fabrique des plats préparés, ils ont découvert que 90 % des poulets stockés dans les chambres froides étaient de provenance étrangère.

     

    La délégation de la Coordination rurale (CR) a été reçue par le directeur du site, qui s’est dit très attaché à la traçabilité et l’origine des viandes – insistant notamment sur le fait que 40 % de la volaille utilisée provient de France, le reste étant des volailles importées.

    Un calcul apparemment très optimiste, puisqu’en réalité, comme l’a démontré la visite qui a suivi, il est apparu que 90 % du poulet en stock ce lundi, provenaient du Brésil, des Pays-Bas ou de Thaïlande. Selon la CR, seuls quelques cartons, sans étiquettes d’origine, provenaient, aux dires du directeur, de l’abattoir Bocher, appartenant aussi au groupe Sofiprotéol, à Mur-de-Bretagne.

    Farmor, rappelle le syndicat paysan, « est une filiale de Glon Sanders, elle-même détenue par Sofiprotéol, société présidée par Xavier Beulin (qui est aussi accessoirement président de la FNSEA, syndicat qui se targue de défendre les agriculteurs !). »

    La Coordination rurale affirme qu’« au vu de la situation dramatique des aviculteurs français, [il] trouve intolérable que Sofiprotéol, financée par des cotisations “volontaires obligatoires” prélevées aux agriculteurs, n’impose pas à ses filiales de privilégier l’utilisation de poulets bretons au lieu d’utiliser massivement du poulet d’importation. »

    Rappelant que « les intégrateurs ont déjà imposé aux éleveurs des baisses de prix de reprise des volailles de 50€/Tonne en début d’année. [Que] cette course au prix toujours plus bas est fatale [et qu’on] s’achemine vers des cessations massives », les aviculteurs bretons affirment qu’ils « ne veulent pas jouer le rôle de variable d’ajustement » et qu’« ils ne se laisseront pas faire ! » Un dossier de plus pour Messieurs Le Foll et Montebourg.

    http://fr.novopress.info/

  • Faut-il continuer à subventionner le travail par les impôts ? (arch 2010)

    17 % des salariés du secteur marchand, contre 11 % seulement il y a vingt ans, sont payés au SMIC. Non rebuté par des fraudes massives en raison de la médiocre sécurisation du dispositif, le gouvernement Villepin a décidé de revaloriser la Prime pour l'emploi (PPE) afin qu'elle arrive à représenter jusqu'à un treizième mois pour un salarié rémunéré au SMIC. Cette prime aurait pour but d'inciter les chômeurs à reprendre un emploi. en leur assurant un revenu global supérieur, à la fois au salaire minimum mais surtout aux minima sociaux.
    En réalité, en faisant payer cette prime par les contribuables, le gouvernement reconnaît que, sans ce coup de pouce fiscal, d'une part, le SMIC ne constitue plus un minimum vital décent, d'autre part, les entreprises ne peuvent plus verser davantage à leurs travailleurs les moins qualifiés. C'est sans doute vrai pour celles qui sont en concurrence directe avec l' économie mondialisée. Pour les autres, c'est plus discutable.
    Une première question se pose : cette prime évaluée à 4 milliards est-elle efficace ? Certes, elle améliore un peu la vie des smicards, mais contribue-t-elle vraiment au retour à l'emploi ? A-t-elle un impact sur la consommation de produits nationaux et donc sur le chômage ?
    Dans la foulée, le gouvernement qui n'a de cesse d'augmenter les prélèvements sur les particuliers - on peut s'attendre à une flambée des impôts après les élections présidentielle et législatives de 2012 quels que soient les vainqueurs ! - annonce la suppression des charges sociales au niveau du SMIC pour les entreprises de moins de 20 salariés pour un coût estimé à 640 millions. Rappelons que 19 milliards sont déjà mobilisés pour compenser la baisse des charges sociales au bénéfice des entreprises dont les rémunérations de leurs salariés sont égales ou légèrement supérieures au SMIC...
    Là encore, connaît-on les effets des baisses de charges dont le coût fiscal cumulé à celui de la PPE équivaut à environ la moitié des recettes de l'impôt sur le revenu ?
    Est-il viable et légitime de subventionner le travail ? Sans la PPE, compte tenu du faible écart entre le SMIC et les minima sociaux, parmi les 9 millions de salariés au SMIC, combien n'iraient pas travailler ? Est-il sain que 7 millions de salariés supplémentaires soient tributaires des baisses de charges dont le coût s'élève, insistons encore, à 19 milliards ?
    Faire subventionner le travail de 16 millions de salariés démontre-t-il que l'économie française n'est plus compétitive ou les syndicats patronaux sont-ils si persuasifs qu'ils réussissent à faire financer par les contribuables, sous forme d'impôts qui ne servent plus à la consommation ou à l'investissement, des charges que les entreprises devraient supporter seules ?
    La "smicardisation" des salariés, paupérisation institutionnalisée, synonyme de démotivation au travail et d'insécurité sociale, semble ainsi en voie d'accélération. Certains affirment que, très vite, un salarié sur cinq devrait être concerné. Et comme la pression des économies dans lesquelles les salariés sont payés à un niveau ridicule par rapport au SMIC ne se relâche pas, les salaires français continueront inexorablement à être tirés vers le bas. Sans que la position de l'économie française retrouve de la vigueur sur les marchés extérieurs. La production industrielle française s'essouffle selon l'Insee.
    Avec le chèque-transport, le gouvernement, une nouvelle fois, se propose d'accroître le pouvoir d'achat des salariés. Pour mettre un baume sur les plaies créées par les fluctuations du prix du pétrole, donc de l'essence à la pompe, l'Etat veut partager la facture du chèque-transport avec les entreprises volontaires. Comment l'Etat financera-t-il les 55 millions au titre du chèque-transport, dont 20 millions pour celui qui sera accordé à l'ensemble des agents de l'Etat, sinon par des prélèvements ou de l'endettement ? Décidément, depuis trente ans, rien ne change. Le pouvoir d'achat ne peut progresser sans création de richesse nouvelle. Il faut permettre aux salariés, dans les secteurs où l'économie est encore active, de travailler au delà de 35 heures, de faire des heures supplémentaires. Ce sont ces heures-là qu'il faut exonérer. Ou bien alors, puisque personne n'ose proposer que l'Europe se protège à ses frontières par des droits douaniers adaptés, que l'on ait donc le courage de dire aux salariés européens qu'avant que les rémunérations des salariés indiens, chinois, brésiliens ne rattrapent les leurs, ils devront concevoir et accepter de voir baisser leurs salaires au niveau de ceux des travailleurs de Chine par exemple.
    Pierre PERALDI RIVAROL  28 MAI 2010 

  • 26 juillet 2013 : jour de libération fiscale

    Le salarié moyen travaille jusqu'au 26 juillet pour financer les dépenses publiques, «jour de libération fiscale et sociale», calculé par Ernst & Young et l'Institut économique Molinari (lire l'étude en pdf de 22 pages). L'étude prend en compte les charges sociales patronales, les charges sociales salariales, l'impôt sur le revenu et la TVA, comparés dans 27 pays. Seule la Belgique fait pire avec un taux de prélèvements obligatoires de 60,3 % contre 56,6 %.

    L'étude constate que le salarié français est en théorie «un des mieux payés» (53 647 euros), mais c'est aussi celui dont le niveau de vie est le plus pénalisé par la fiscalité. Impôts, charges et TVA s'élèvent à 30.371 euros. Et, à elles seules, les charges sociales (26.583 euros) représentent plus que le pouvoir d'achat (23.276 euros). Et cela alors que les comptes publiques ne sont pas à l'équilibre !

    Et ce n'est pas terminé : une nouvelle hausse des impôts est prévue en 2014.

    Les employeurs Belges et Français doivent débourser 252 et 230 € pour que leurs salariés moyens disposent de 100 € de pouvoir d'achat. À l'opposé, les employeurs du Royaume‐Uni, d'Irlande ou de Malte peuvent se contenter de distribuer entre 157 et 125 € pour générer 100 € de pouvoir d'achat réel.

    http://www.lesalonbeige.blogs.com/

  • “La décroissance permet de s’affranchir de l’impérialisme économique”

    Entretien avec Serge Latouche, professeur émérite d’économie et un des principaux inspirateurs du mouvement de la décroissance. Il retrace ici les racines de la décroissance, entre Club de Rome, Yvan Illich et André Gorz.

    Quelle est votre définition de la décroissance ?

    C’est très difficile de définir la décroissance car je considère que ce n’est pas un concept, c’est une bannière, un drapeau. Pour moi, c’est un mot d’ordre qui permet de rallier les objecteurs de croissance. C’est aussi un horizon de sens vers lequel chacun chemine comme il l’entend.

    La décroissance permet surtout de s’affranchir de la chape de plomb de l’impérialisme économique pour recréer la diversité détruite par l’occidentalisation du monde. Elle n’est pas à proprement parler une alternative, mais plutôt une matrice d’alternatives: on ne va pas construire une société décroissance de la même façon au Chiapas et au Texas, en Amérique du Sud et en Afrique… Il y a des histoires et des valeurs différentes.

    Avec la décroissance, on n’est plus dans l’intérêt, l’égoïsme, le calcul, la destruction de la nature, dont l’homme serait maître et possesseur, ce qui définit le paradigme occidental. On veut vivre en harmonie avec elle et, par conséquent, retrouver beaucoup de valeurs des sociétés traditionnelles. On sort aussi de la vision « économiciste » de la richesse, de la pauvreté, de la rareté.
    D’où l’idée d’« abondance frugale », qui semble être un oxymore du fait de la colonisation de notre imaginaire, mais qui dit en réalité qu’il ne peut y avoir d’abondance sans frugalité et que notre société dite d’abondance est au fond une société de rareté, de frustration et de manque.

    La décroissance implique aussi évidemment une autre répartition des richesses, une autre redistribution, le changement des rapports de production, une démondialisation, pas seulement économique – à la Montebourg –, mais aussi culturelle. Il faut retrouver le sens du local et, naturellement, réduire notre empreinte écologique, réutiliser, recycler, etc., ce que l’on a définit par les « 8 R ».

    Quelle est l’histoire de la décroissance ?

    Serge Latouche - L’histoire de la décroissance, en tant qu’étiquette, est très brève. Cette appellation a été inventée dans les années 2000 par des « casseurs de pub ». Elle a pour fonction de casser la langue de bois. Comme le dit Paul Ariès, c’est un « mot-obus ». Mais derrière ce mot, il y a tout un projet d’objection de croissance. Et ce projet a une assez longue histoire.

    Elle débute en 1972 avec la publication du rapport au Club de Rome Les limites de la croissance. En tant que projet de société socialiste anti-productiviste et anti-industraliste, la décroissance est alors proche de l’écosocialisme qui apparaît dans les mêmes années avec André Gorz. Cette première phase de la décroissance est essentiellement une phase de critique de la croissance : on veut l’abandonner car elle n’est pas soutenable. C’est une phase « écologique ».

    Mais un second courant, porté par Ivan Illich – qui a d’ailleurs refusé de participer au Club de Rome –, est apparu en disant que ce n’est pas parce que la croissance est insoutenable qu’il faut en sortir, mais parce qu’elle n’est pas souhaitable !

    C’est la critique du développement – terme que l’on utilise dans les pays du Sud comme équivalent de la croissance au Nord –, c’est le mouvement post-développementiste.

    Personnellement, je me rattache à ce courant-là depuis que j’ai viré ma cuti au milieu des années 1960 alors que j’étais au Laos. La fusion de ces deux courants s’est opérée à l’occasion du colloque organisé en février-mars 2002 à l’Unesco « Défaire le développement, refaire le monde ».

    Pourquoi la croissance n’est-elle pas souhaitable ?

    Elle n’est pas souhaitable parce qu’elle est, comme le disait Illich, la destruction du vernaculaire. C’est la guerre aux pauvres. Une guerre qui transforme la pauvreté en misère. La croissance développe les inégalités, les injustices, elle détruit l’autonomie.

    Illich a développé cette thèse avec la critique des transports, de l’école, de la médecine, en analysant la façon dont les institutions engendrées par le développement et la croissance acquièrent un monopole radical sur la fourniture de ce qui permet aux gens de vivre et qu’ils se procuraient jusqu’alors par leurs propres savoir-faire traditionnels. Ayant travaillé sur le Tiers-Monde, j’ai effectivement vu, en Afrique, en Asie, comment le rouleau compresseur de l’occidentalisation détruisait les cultures.

    Quel regard portez-vous sur les économistes ?

    L’économie est une religion, et non pas une science. Par conséquent, on y croit ou on n’y croit pas. Les économistes sont des prêtres, des grands ou des petits, des orthodoxes ou des hétérodoxes. Même mes amis Bernard Maris ou Frédéric Lordon – les meilleurs d’entre eux.

    Les altermondialistes, par exemple, dont la plupart sont des économistes, ont tendance à réduire tous les malheurs du monde au triomphe du néo-libéralisme. Mais ils restent dans le productivisme et la croissance. Or le mal vient de plus loin. La décolonisation de l’imaginaire que je préconise vise précisément à extirper la racine du mal : l’économie. Il faut sortir de l’économie !

    Comment les idées décroissantes peuvent-elles avancer dans notre société ?

    Pour moi, même si on a en face de nous à une énorme machine médiatique qui matraque et qui manipule, tous les terrains sont bons. Comme le terrain politique, par exemple. Je crois beaucoup, non pas à la politique de participation, mais à la politique d’interpellation. On ne veut pas le pouvoir. Le pouvoir est toujours mauvais, mais c’est une triste nécessité. On veut seulement que le pouvoir respecte nos droits. La décroissance doit être un mouvement d’interpellation du pouvoir, qu’il soit de droite ou de gauche.

    A la différence de mes camarades du journal La Décroissance, qui passent leur temps à exclure, je pense que nous devons faire un bout de chemin avec des gens comme Pierre Rabhi, Nicolas Hulot, le mouvement Slow Food, etc. La décroissance, c’est comme une diligence. Même s’il y a un cheval qui tire à hue et l’autre à dia, l’important est que la diligence avance. Les initiatives des villes en transition et de simplicité volontaire – comme ce qu’Illich appelait le « techno-jeûne » – s’inscrivent aussi parfaitement dans la décroissance.

    La décroissance contient-elle en germe un « risque de pureté » ?

    Oui. Toute culture a un double mouvement, centrifuge et centripète. Et une culture n’existe que dans le dialogue avec les autres cultures. Par conséquent, soit elle est ouverte et accueillante, soit elle a tendance à se replier sur elle-même et à s’opposer, c’est l’intégrisme. On trouve cela dans les mouvements politiques et religieux. Même dans les sectes philosophiques.

    La décroissance est quelque fois dénoncée comme étant autoritaire. Les décroissants seraient des catastrophistes, des « prophètes de malheur ». Que répondez-vous à ce genre de critiques ?

    C’est n’importe quoi. Il est vrai aussi que les gens qui adhèrent à la décroissance ne sont pas très différents de ceux qui adhéraient autrefois au socialisme, au communisme, au mouvement Occident… Il y a de tout : le bon grain et l’ivraie ! Via leur histoire personnelle, certains sont intolérants, d’autres sectaires, d’autres encore ont une vision manichéiste des choses. Il ne faut pas pour autant accuser le projet de la décroissance des vices de ceux qui la diffusent.

    Au contraire, la décroissance nous permet de renouer avec ce qui était la base de toutes les philosophies de toutes les sociétés et cultures humaines : la sagesse. Comme dans le stoïcisme, l’épicurisme, le cynisme, le bouddhisme, etc. Le fondement de tout cela est ce que les Grecs appelaient la lutte contre l’hubris. L’homme doit discipliner sa démesure, s’auto-limiter. C’est seulement ainsi qu’il peut espérer mener une vie saine, heureuse, juste, équilibrée. Alors si c’est cela un projet autoritaire…

    Vous avez écrit un ouvrage intitulé “L’âge des limites”. Quelle pourrait être cette nouvelle ère ?

    Avec la modernité, les limites sont devenues bidon. Il faudrait s’en émanciper. Mais s’il n’y a plus de limites, il n’y a plus de société. Certes, certaines limites doivent être remises en cause, mais on s’en donne de nouvelles. On déplace les frontières, mais on ne les abolit pas. Je suis viscéralement attaché aux libertés individuelles, mais à l’intérieur de certaines limites. Est-ce qu’une société démocratique peut exister avec une absence totale de limites à l’enrichissement et à l’appauvrissement personnel ?

    Jean-Jacques Rousseau a écrit qu’une société démocratique est telle que personne ne doit être riche au point de pouvoir acheter l’un de ses concitoyens, et aucun ne doit être pauvre au point d’être obligé de se vendre. Dans notre société, on en est loin…

    L’idéologie moderne stipule qu’on ne doit subir aucune atteinte à notre liberté, jusqu’à pouvoir choisir son sexe, la couleur de sa peau, sa nationalité, etc. C’est donc refuser l’héritage. Tout cela nous mène au transhumanisme : on n’accepte plus la condition humaine, on s’imagine être des dieux. La liberté, au contraire, c’est d’abord accepter les limites de sa propre culture, en être conscient et agir en conséquence, quitte à les remettre en question.

    La décroissance est-elle de droite ou de gauche ?

    Pour moi, elle est à gauche. Mais le débat est biaisé. Comme le dit Jean-Claude Michéa, finalement, ne faut-il pas abandonner la dichotomie droite-gauche qui tient à notre histoire ? Par exemple, dois-je interdire à Alain de Benoist de se revendiquer de la décroissance sous prétexte qu’il est classé à droite ? Est-ce qu’il est condamné ad vitam aeternam à être enfermé dans cette catégorie ? Sa position pourrait être réévaluée, rediscutée.

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  • Dix thèses sur le libéralisme

    Le libéralisme fait débat. Pas seulement à « gauche » mais aussi à « droite ». Les uns font valoir, non sans raison, que l’économie de marché est performante. Les autres soulignent les limites courtermistes, sociales et morales du modèle néolibéral. Contributeur régulier de Polémia, Michel Geoffroy propose ici un nouvel éclairage de ce débat.
    — Présentation —
    Voici les dix thèses critiques de Michel Geoffroy que Polémia met en débat.
    1) Le libéralisme est une doctrine économique qui repose sur des principes simples : seuls les individus sont des acteurs économiques pertinents. C’est la micro-économie qui est signifiante, pas la macro-économie. La liberté du commerce, la liberté d’installation et la liberté d’entrée sur le marché produisent des résultats profitables à tous et en tout cas supérieurs à ceux de la réglementation étatique ; plus le marché est libre plus il est efficace ; le marché trouve toujours la meilleure réponse ; la libre circulation des personnes et des capitaux par-delà les frontières permet une allocation optimale des moyens et un fonctionnement harmonieux du marché.
    2) Le néo-libéralisme repose sur certains postulats qui ne sont pas éloignés de ceux du socialisme : la volonté d’unifier le genre humain, la croyance en la toute-puissance de l’intérêt, l’idée que le progrès mène au Paradis.
    3) La propriété privée reste un système économique et social efficace car elle produit en général de meilleurs résultats que sa suppression. Mais plus la propriété est vaste, moins elle est facile à maîtriser.
    4) La liberté du commerce et des prix ainsi que la concurrence économique produisent des effets positifs pour tous mais à condition que les termes de l’échange ne soient pas trop inégaux et que les coûts des facteurs restent homogènes entre les concurrents. C’est la faute méthodologique du néolibéralisme, c’est-à-dire du libre-échange mondialiste, que de ne pas vouloir prendre cela en considération.
    5) En diabolisant le protectionnisme, le néolibéralisme commet une erreur d’analyse et s’écarte de la réalité des faits tels que l’histoire économique permet de les constater.
    6) Le tout n’est pas seulement la somme des parties. L’accent mis sur la micro-économie a progressivement détourné le libéralisme de la bonne compréhension des sociétés humaines et, d’une façon générale, de tout ce qui est collectif et communautaire. Cela résulte aussi du fait que le libéralisme a été formulé à une époque (XVIIIe siècle notamment) où l’on avait de l’anthropologie une conception utopique. Les libéraux finissent par oublier que les hommes sont « par nature des êtres de culture » (Gehlen) et qu’ils n’existent pas en dehors d’une culture et d’une société.
    7) Il n’est pas avéré que « le marché » prenne nécessairement toujours les bonnes décisions ou, pour le dire autrement, que la société profite toujours des décisions du marché. Les marchés sont en effet conformistes, c’est-à-dire qu’ils ont tendance à imiter les pratiques qui semblent donner de bons résultats et de bons profits : cela contribue à amplifier l’effet des mauvaises décisions. Et cette amplification est désormais mondiale. Les libéraux ignorent aussi le fait que les entreprises ont tendance à externaliser leurs coûts et leurs échecs sur les Etats.
    8) La tendance naturelle du capitalisme n’est pas le respect de la juste concurrence mais la concentration, l’intégration verticale et la financiarisation. Aujourd’hui les entreprises transnationales ont des surfaces financières et des capacités d’influence bien supérieures à celles de certains Etats : elles sont devenues des pouvoirs. En outre, les grandes entreprises transnationales disposent, avec l’exercice du pouvoir médiatique et la suggestion publicitaire (et sujétion), de puissants moyens de sidération du consommateur.
    9) Le bilan de la mise en œuvre des recettes néolibérales dans le domaine social n’est pas probant. On ne peut contester qu’avec l’avènement du néolibéralisme les entreprises soient devenues plus profitables. Mais la question est de savoir à quel coût cela s’est fait pour la société. En Europe, ce coût ne s’appelle-t-il pas chômage, immigration, déficits publics et croissance des inégalités de revenus ?
    Partout en Occident les classes moyennes autochtones ont fait les frais de la mondialisation des échanges vantée par les néolibéraux.
    10) Les principales réalisations de la culture humaine, celles qui font que la vie vaut d’être vécue, ne sont pas le fruit de l’économie de marché mais le produit de la fonction souveraine, c’est-à-dire des églises, des princes et des Etats. Elles sont le produit d’une volonté consciente ou non de la « main invisible » des marchés.
    — Développement —
    1) Le libéralisme est une doctrine économique qui repose sur des principes simples
    Seuls les individus sont des acteurs économiques pertinents. C’est la micro-économie qui est signifiante, pas la macro-économie. La liberté du commerce, la liberté d’installation et la liberté d’entrée sur le marché produisent des résultats profitables à tous et en tout cas supérieurs à ceux de la réglementation étatique ; plus le marché est libre plus il est efficace ; le marché trouve toujours la meilleure réponse ; la libre circulation des personnes et des capitaux par-delà les frontières permet une allocation optimale des moyens et un fonctionnement harmonieux du marché.
    Certains des principes du libéralisme sont restés pertinents mais d’autres ne le sont plus.
    Ce qui reste pertinent dans la théorie économique libérale :
    - la valeur de la propriété privée ;
    - le rôle des prix comme source d’information pertinente sur la qualité et la rareté des biens ;
    - le fait que la concurrence soit facteur de progrès, lorsqu’elle est équitable;
    - le fait que plus les systèmes sont complexes, plus ils sont difficiles à contrôler et plus il est difficile de prévoir les effets réels des politiques (sociales) mises en œuvre.
    Cependant, le principe d’ajustement optimal de l’offre et de la demande sur le marché libre repose sur des situations qui se rencontrent rarement dans le monde réel, en tout cas qui se rencontrent de plus en plus rarement dans le cadre de la mondialisation des échanges que nous vivons aujourd’hui. Ce principe ne produit pas les effets bénéfiques prévus-en particulier dans les pays occidentaux – dans une économie où la concurrence s’effectue non plus entre des producteurs mais entre des civilisations.
    2) Le néolibéralisme repose sur certains postulats qui ne sont pas éloignés de ceux du socialisme : la volonté d’unifier le genre humain, la croyance en la toute-puissance de l’intérêt, l’idée que le progrès mène au Paradis.
    Le libéralisme se différencie du socialisme dans la mesure où il préconise la propriété privée, où il stigmatise l’intervention économique et sociale de l’Etat et où il est avant tout un individualisme.
    Le néolibéralisme rejoint le socialisme sur plusieurs points :
    - a croyance dans la possibilité d’unifier le genre humain, que le néolibéralisme entend assurer par le marché comme le socialisme l’imaginait par la solidarité mondiale des travailleurs ;
    - la croyance que les hommes sont mus par leur seul intérêt (l’intérêt de classe ou l’intérêt économique) et que cet intérêt est objectif. C’est-à-dire que tous deux négligent l’importance des identités, nationales notamment, comme déterminants humains, de même que l’importance des spécificités et croyances culturelles. Le libéralisme néglige que les hommes sont mus non par leur intérêt objectif mais par l’idée qu’ils se font de leur intérêt, ce qui n’est pas la même chose ;
    - la croyance que les traditions culturelles et les identités sont des obstacles au bonheur humain (à la création de l’homme nouveau comme à la concurrence pure et parfaite) ; même si certains libéraux se sont efforcés de montrer que le fonctionnement optimal de l’économie supposait le respect de règles qui ne pouvaient que s’enraciner dans une culture ;
    - la croyance en la possibilité d’assurer le Paradis sur terre (réduit à l’abondance matérielle) par la mise en œuvre de solutions adaptées (le collectivisme ou l’économie de marché) ;
    - la prétention du néolibéralisme à incarner l’avant-garde du progrès, comme hier les élites révolutionnaires. Il existait, en effet, un libéralisme politique qui s’est avant tout opposé à l’absolutisme monarchique puis au conservatisme et au socialisme. Le libéralisme politique déclinait dans l’ordre politique ses principes économiques, la libre confrontation des opinions – parlementarisme et démocratie – étant considérée comme aussi efficace que l’ajustement de l’offre et de la demande sur le marché libre. Mais le néolibéralisme a rompu aujourd’hui avec cette tradition et adopte désormais une approche élitiste de la chose publique : il se méfie des peuples et donc de la démocratie et s’est mis au service de l’oligarchie.
    3) La propriété privée reste un système économique et social efficace car elle produit en général de meilleurs résultats que sa suppression. Mais plus la propriété est vaste, moins elle est facile à maîtriser.
    C’était l’erreur du socialisme de penser que la suppression de la propriété privée (la collectivisation) constituait le remède au capitalisme. La propriété est levier de responsabilité et de sécurité pour le propriétaire. La collectivisation provoque, au contraire, l’irresponsabilité et la prise de mauvaises décisions. Les politiques redistributives d’inspiration socialiste, qui consistent à prélever des impôts sur ceux qui travaillent pour les redistribuer sous forme de prestations « sociales » à ceux qui ne travaillent pas, provoquent des effets pervers de même nature : elles découragent l’effort et la prise de risques. Il faut donc au contraire encourager l’accession à la propriété personnelle, la conservation des patrimoines et diminuer les impôts et les prélèvements pesant sur les revenus du travail.
    Il y a cependant des limites à cela. D’abord l’efficience de la propriété privée est d’autant plus grande que le propriétaire est proche de son bien : plus la propriété est vaste moins elle est facile à maîtriser. Ensuite tous les biens ne peuvent pas faire l’objet d’une appropriation privative, en particulier ceux qui sont nécessaires à la survie de la communauté. Certaines circonstances exceptionnelles peuvent justifier de substituer la propriété publique à la propriété privée pour garantir un intérêt public, sous réserve d’une compensation équitable des propriétaires. Enfin, aucune société policée ne peut se désintéresser de la situation des personnes privées d’emploi et de revenus (mais cela ne signifie pas que la charité soit obligatoirement publique).
    4) La liberté du commerce et des prix ainsi que la concurrence économique produisent des effets positifs pour tous mais à condition que les termes de l’échange ne soient pas trop inégaux et que les coûts des facteurs restent homogènes entre les concurrents.
    La mise en concurrence au sein d’un espace économique non homogène, a fortiori la mise en concurrence mondiale des économies, provoque des effets pervers beaucoup plus importants que ses avantages économiques présumés. Dans un premier temps la baisse des protections tarifaires a un effet positif sur les consommateurs, qui voient les prix baisser et affluer des marchandises du monde entier. Mais s’ils perdent leur emploi du fait que les entreprises étrangères sont plus performantes et que les leurs doivent cesser leur activité, ils finissent par voir diminuer leurs revenus et leur consommation.
    C’est la faute méthodologique du néolibéralisme, c’est-à-dire du libre-échange mondialiste, que de ne pas vouloir prendre cela en considération.
    La mondialisation des échanges perturbe en effet le fonctionnement de la concurrence. Car un pays ne peut durablement se spécialiser dans un seul domaine d’activité et dépendre pour le reste des autres économies, d’autant que les avantages comparatifs ne sont pas donnés une fois pour toutes. Il est très difficile en outre de reconstituer des capacités de production dans un secteur que l’on a abandonné à d’autres, en particulier à cause des compétences perdues. Il y a par ailleurs des limites naturelles à l’adaptation des facteurs de production à la concurrence mondiale du point de vue de la mobilité de la main-d’œuvre. Dans une économie mondialisée les coûts sociaux des ajustements économiques sont trop élevés, en particulier dans les pays en déclin démographique, pour que l’optimum de la théorie économique soit réalisable.
    5) En diabolisant le protectionnisme, le néolibéralisme commet une erreur d’analyse et s’écarte de la réalité des faits tels que constatés par l’histoire économique.
    Les protections tarifaires – c’est-à-dire les frontières économiques – permettent de préserver une juste concurrence entre des acteurs inégaux, dès lors qu’elles sont raisonnables. Les situations d’autarcie ou de blocus ont constitué aussi des facteurs d’accélération de l’innovation pour les sociétés qui y étaient soumises.
    L’histoire économique ne confirme pas que les grandes puissances économiques le sont devenues en appliquant la théorie des avantages comparatifs de David Ricardo mais en appliquant plutôt différentes formes de patriotisme économique. Le discours libéral sur les bienfaits de l’ouverture des frontières économiques a en réalité souvent été utilisé comme moyen de soumission et de colonisation des Etats : en imposant l’ouverture de l’économie du pays dominé au commerce inégal avec la puissance dominante. D’ailleurs, les pays qui sont présentés comme un modèle de libéralisme – comme les Etats-Unis, par exemple – sont en réalité protectionnistes, car ils usent de nombreux moyens non tarifaires pour décourager les importations.
    La solution économique la plus efficiente n’est pas la suppression des protections tarifaires, comme le pratique aujourd’hui l’Union européenne, mais de mettre en place une certaine dose de protection du marché intérieur alliée à une politique de promotion des exportations au sein d’un espace économique cohérent ; c’est la politique que pratiquent également les économies émergentes avec succès.
    Il n’est pas avéré que la croissance économique soit en relation directe avec le degré d’ouverture au commerce international, comme le montre le cas de l’Union européenne qui est désormais une économie ouverte mais à faible croissance.
    Enfin, contrairement à ce que prétendent les libéraux depuis l’origine, le commerce ne garantit nullement la paix. Dans l’histoire, c’est le contraire qui est vrai ; les nations les plus commerçantes ont toujours été belliqueuses car elles ont utilisé la force pour s’ouvrir des marchés et éliminer des concurrents : exemple l’Angleterre. Il est donc faux de croire que la mondialisation de l’économie conduira à la paix perpétuelle ; au contraire, l’ouverture mondiale des frontières économiques met en concurrence non plus seulement des acteurs économiques mais les peuples et les civilisations eux-mêmes. Le libre-échange mondialiste mène fatalement au choc des civilisations, comme le montrent notamment les conséquences des migrations massives de populations.
    6) Le tout n’est pas seulement la somme des parties.
    L’accent mis sur la micro-économie a progressivement détourné le libéralisme de la bonne compréhension des sociétés humaines et, d’une façon générale, de tout ce qui est collectif et communautaire. Cela résulte aussi du fait que le libéralisme a été formulé à une époque (XVIIIe siècle notamment) où l’on avait de l’anthropologie une conception utopique : celle d’un homme primitif vivant de cueillette en dehors de toute culture, les institutions sociales étant perçues comme une contrainte faisant perdre à l’homme sa bonne nature.
    Les intellectuels libéraux ont cru ensuite trouver dans la formulation de la théorie de l’évolution au XIXe siècle une confirmation de leurs analyses : le caractère spontané et structurant des micro-variations individuelles, la survie du mieux apte.
    Le libéralisme est donc un individualisme méthodologique, qui pose que les individus sont la mesure de toute chose et à l’origine de la société. Cette conception a débouché sur l’idéologie politique des droits de l’homme qui expliquait justement que la société était faite pour les hommes, et non l’inverse, et que le but de l’organisation politique résidait dans la conservation des droits propres à chaque homme, et non dans la conservation de la communauté. Les droits de l’homme ont ainsi supplanté ceux de la citoyenneté.
    Les libéraux conséquents ne reconnaissent aucune réalité, ni aucune légitimité souvent, aux entités et déterminants collectifs, à l’exception du concept de « marché » perçu comme la sommation des décisions économiques individuelles. Ils prônent la « société ouverte » (Hayek), c’est-à-dire un système où les institutions ne viendraient pas contrarier l’initiative des individus. Cette expression est cependant une contradiction dans les termes car ce qui fonde un ordre social consiste justement à organiser et à pacifier le choc des appétits individuels, donc à les restreindre.
    Le libéralisme a, par conséquent, beaucoup de difficulté à concevoir que les relations de pouvoir puissent venir perturber son modèle. Les libéraux sont des optimistes qui pensent que les supériorités sont transitoires et susceptibles d’être recomposées par le marché.
    Les libéraux finissent par oublier que les hommes sont « par nature des êtres de culture » (Gehlen) et qu’ils n’existent pas en dehors d’une culture et d’une société. Ils ignorent aussi que beaucoup d’animaux vivent en société et ne sont pas non plus des « individus ».
    La société qu’ils préconisent, conçue comme une agrégation d’individus, est en réalité un chaos, comme le démontrent les sociétés occidentales qui ont été façonnées conformément à ces principes. Les libéraux négligent le fait que les hommes réagissent en fonction de l’idée qu’ils se font de leur intérêt : or, cette idée est aussi le fruit de leurs traditions et de leurs cultures. Ils négligent enfin que les hommes sont plus attachés à leur identité et à leur culture qu’à leur intérêt économique, a fortiori quand ce dernier n’est pas à court terme.
    7) Il n’est pas avéré que « le marché » prenne nécessairement toujours les bonnes décisions ou, pour le dire autrement, que la société profite toujours des décisions du marché.
    A l’âge de la mondialisation des échanges, les acteurs économiques prennent de plus en plus de décisions à court terme. Tous les observateurs le confirment. Les visions stratégiques à moyen ou long terme sont de plus en plus rares. Les exemples sont nombreux où « le marché » – c’est-à-dire les acteurs privés – a pris de mauvaises décisions (bulles spéculatives, actifs toxiques, crédits imprudents, …) ou a été incapable d’éviter des dérèglements majeurs (Madoff, Kerviel, …). Les marchés sont en effet conformistes, c’est-à-dire qu’ils ont tendance à imiter les pratiques qui semblent donner de bons résultats et de bons profits : cela contribue à amplifier l’effet des mauvaises décisions. Et cette amplification est désormais mondiale.
    L’argument des libéraux selon lequel les erreurs privées sont toujours moins graves que les erreurs publiques néglige les effets sociaux des mauvaises décisions privées, a fortiori quand elles sont prises par des entreprises transnationales. Les libéraux, dans leur critique systématique de la mauvaise efficacité des politiques publiques comparée à l’efficience des entreprises privées,ignorent le fait que les entreprises ont tendance à externaliser leurs coûts et leurs échecs sur les Etats.
    Ainsi afin d’améliorer leur profitabilité, les entreprises ont partout cherché à diminuer leurs coûts salariaux. Cela s’est produit par le développement de l’automation (au Japon, par exemple) et par l’encouragement à l’immigration, en particulier en Europe et en France. Les immigrés sont, en effet, moins syndiqués et acceptent des salaires plus bas que les autochtones. Le travail des femmes produit le même effet. C’est d’ailleurs pourquoi les entreprises sont en général les meilleurs partisans des mesures discriminatoires prises par les Etats en faveur de ces catégories, aux dépens des salariés mâles et autochtones.
    Comme les coûts sociaux de ces politiques sont avant tout supportés par les finances publiques, elles sont tout bénéfice pour les entreprises. De même il est significatif que les Etats – c’est-à-dire le contribuable – aient été appelés au secours des banques et des institutions financières lors de la crise financière de 2008 ; ce qui montre à l’évidence que les erreurs privées peuvent être aussi graves que les erreurs publiques.
    8) La tendance naturelle du capitalisme n’est pas le respect de la juste concurrence mais la concentration, l’intégration verticale et la financiarisation.
    Ce point a clairement été diagnostiqué par les socialistes dès le XIXe siècle et c’est bien ce qui s’est passé à la fin du XXe siècle, avec la création des entreprises transnationales, des grands conglomérats et des bulles financières successives. Aujourd’hui, ces entreprises transnationales ont des surfaces financières et des capacités d’influence bien supérieures à celles de certains Etats : elles sont devenues des pouvoirs. La caractéristique principale de l’économie mondialisée est la dé-territorialité et la très grande mobilité du capital, qui lui permettent d’échapper aux régulations nationales et politiques. Cette évolution est renforcée par la financiarisation, qui pousse à vouloir réaliser des profits à court terme et à reconfigurer en permanence, voire à détruire, les entreprises pour cela. Sur ce plan les banques et les institutions financières sont les véritables dirigeants des entreprises, transnationales ou non.
    Cette tendance rencontre cependant ses limites car plus les entreprises grandissent moins elles sont faciles à gérer et plus elles sont tentées de prendre de mauvaises décisions ou, en tout cas, pas meilleures que celles des Etats. C’est pourquoi il faut réguler la concentration des entreprises et surveiller l’exercice de la concurrence.
    En outre, les grandes entreprises transnationales disposent, avec l’exercice du pouvoir médiatique et la suggestion (et sujétion) publicitaire, de puissants moyens de sidération du consommateur. De ce fait, l’équilibre entre l’offre et la demande n’est plus équitable puisque les grandes entreprises disposent du pouvoir de créer artificiellement des besoins éphémères.
    On sait depuis le XIXe siècle que l’échange entre le travail et le capital n’est pas égal puisque le travailleur ne peut vivre sans salaire ni aides sociales. Mais depuis le XXe siècle et l’avènement de la publicité de masse, on sait que l’échange avec le consommateur n’est pas plus équitable.
    L’économie occidentale repose en effet sur la stimulation de la consommation, par la création artificielle des besoins et par le crédit sans limite. Mais les effets pervers de cette stimulation – en particulier sur la santé publique ou l’environnement – sont supportés par les Etats et les consommateurs et non par les entreprises, qui ne privatisent que les prises de bénéfice. La stimulation constante de la consommation conduit à un monde de l’éphémère et de l’obsolescence, qui génère le nihilisme occidental.
    La maîtrise des moyens de communication et des biens culturels par le système marchand a enfin des effets politiques majeurs, du moins dans les pays occidentaux : elle sape la démocratie car elle donne à ceux qui financent et donc dirigent les médias les moyens de choisir les dirigeants politiques et de formater l’opinion. On peut douter qu’ils le fassent sans considération de leurs intérêts propres.
    9) Le bilan de la mise en œuvre des recettes néolibérales dans le domaine social n’est pas probant.
    Le néolibéralisme a voulu appliquer à partir de la fin du XXe siècle à toutes les institutions sociales les mesures inspirées de la théorie économique : suppression des statuts pour établir une « juste concurrence », hausse des tarifs pour obtenir des prix réels, équilibre des dépenses et des recettes pour les institutions publiques afin qu’elles soient le plus possible « rentables », diminutions d’impôts sur les entreprises, dérégulation, privatisation de services publics, externalisation des activités non régaliennes de l’Etat sur des opérateurs privés, promotion de l’assurance, des contrats, etc. Ces politiques se sont appuyées sur les succès présumés des politiques conduites dans les pays anglo-saxons à partir des années 1980 (Reagan, Thatcher).
    On ne peut contester qu’avec l’avènement du néolibéralisme les entreprises soient devenues plus profitables. Mais la question est de savoir à quel coût cela s’est fait pour la société. En Europe, ce coût ne s’appelle-t-il pas chômage, immigration, déficits publics et croissance des inégalités de revenus ?
    Les mesures prises ont surtout abouti à déstructurer les sociétés et les Etats en affaiblissant les protections au moment où les hommes en avaient besoin du fait des effets de l’ouverture mondiale des frontières économiques. Ce phénomène se constate aussi bien en Occident que dans les pays qui se sont vus appliquer les recommandations du FMI.
    Les « paradis » tant vantés par les idéologues libéraux dans les années 1990 sont largement factices et les mesures prises n’ont manifestement pas abouti à des résultats meilleurs dans la durée que dans d’autres pay : ainsi les taux de chômage, les taux d’endettement public, la précarité des emplois ou la pauvreté aux Etats-Unis ou en Grande-Bretagne ne diffèrent pas sensiblement de la moyenne des pays développés, soit sont pires (endettement public notamment). La crise financière a montré aussi que le remplacement de la capitalisation par la répartition n’était pas la solution tant vantée par les néolibéraux pour les systèmes d’assurance sociale.
    Contrairement à ce que prétend le néolibéralisme, il n’a pas institué un monde « gagnant-gagnant ». En fait, il y a bien des gagnants qui ont profité de ces mesures d’inspiration libérale : les économistes qui les ont préconisées et qui ont gagné une notoriété ce faisant, les professions juridiques, les cabinets de conseil et de communication, ceux qui ont pu acquérir des biens privatisés, les riches inactifs, ainsi que les grandes entreprises et les institutions financières qui ont vu baisser leurs charges ou qui ont profité des marchés d’externalisation publique. Les perdants sont ceux qui ne peuvent plus bénéficier de la gratuité et de la qualité des services publics et qui supportent la diminution des prestations sociales.
    Le néolibéralisme est devenu l’idéologie de la superclasse dirigeante mondiale, c’est-à-dire l’idéologie de ceux qui bénéficient des avantages de la mondialisation et de la dérégulation des échanges marchands sans en supporter les conséquences désagréables, en particulier sans supporter les conséquences pénibles de l’ajustement économique et social permanent consécutif à la mise en concurrence mondiale des économies.
    C’est ce qui explique que le néolibéralisme n’ait pas bonne presse en Occident et en particulier en France : les pays occidentaux ont subi en effet successivement la progression des prélèvements publics consécutive à la mise en place de l’Etat Providence, puis sa déconstruction néolibérale, sur fond de progression continue du chômage, de l’immigration et des déficits publics. Partout en Occident les classes moyennes autochtones ont fait les frais de la mondialisation des échanges vantée par les néolibéraux. On peut donc comprendre qu’elles n’aient plus aujourd’hui une « image positive » des grandes entreprises ni de la super-classe mondiale.
    10) Les principales réalisations de la culture humaine, celles qui font que la vie vaut d’être vécue, ne sont pas le fruit de l’économie de marché mais le produit de la fonction souveraine, c’est-à-dire des églises, des princes et des Etats. Elles sont le produit d’une volonté, consciente ou non, de la « main invisible » des marchés.
    Le capitalisme d’Etat, l’interventionnisme, diabolisés par les idéologues néolibéraux depuis la fin du XXe siècle, ont produit des résultats au moins équivalents, et dans bien des cas plus durables et supérieurs, à ceux de l’économie de marché. La première économie du monde, la Chine, est un capitalisme d’Etat. La maîtrise du nucléaire, l’aéronautique, la conquête spatiale, l’informatique, la recherche médicale n’auraient pas été possibles sans l’intervention décisive des Etats, qui en ont supporté les risques.
    La soumission de tout à la loi du marché (marchandisation du monde), loin de constituer une amélioration, n’a abouti qu’à un appauvrissement culturel généralisé à l’image de ce qui s’est passé dans l’univers médiatique.
    Il en va ainsi parce que le libéralisme poussé dans ses implications ultimes est un agent dissolvant de tout ordre social, ce que les socialistes reconnaissaient d’ailleurs positivement au XIXe siècle, pour sa contribution à l’avènement de la révolution mondiale.
    Le libéralisme conduit en effet à délégitimer toutes les institutions, toutes les traditions, toutes les préférences culturelles, réputées faire obstacle à l’optimum économique, au nom de l’efficience réputée supérieure des initiatives des individus sur le marché libre. La seule distinction que le néolibéralisme ne conteste pas porte sur les différences de richesses, qui seraient hautement morales à ses yeux, car elles sont censées rémunérer des talents supérieurs.
    Il délégitime aussi tout volontarisme politique, au nom de la critique des effets pervers du « constructivisme ». Mais il est un ardent défenseur du volontarisme des grandes entreprises transnationales…
    Le libéralisme repose sur la croyance en la supériorité d’un modèle économique et social, le gouvernement des choses en dehors de toute régulation humaine, qui malheureusement ne fonctionne nulle part d’une façon pure et parfaite. Mais au lieu d’en tirer une nécessaire modestie, le néolibéralisme prétend plier la réalité à ses postulats. Cette attitude conduit les idéologues néolibéraux à négliger les conséquences désagréables des politiques qu’ils préconisent et qu’au demeurant en général ils ne supportent pas personnellement, bien au contraire.
    Le néolibéralisme est donc une idéologie commode qui prône l’indifférenciation et la soumission aux lois abstraites du marché pour la population, tout en justifiant les inégalités de richesse en faveur des puissants.
    Nous vivons aujourd’hui la déconstruction de tout ordre social par la mise en œuvre des principes libéraux poussés à leurs limites. Car les sociétés occidentales ont été soumises à une véritable révolution néolibérale et sont en train d’imploser pour cette raison même. Mais cette déconstruction suscite désormais la révolte croissante des peuples et des identités contre le système qui s’est mis en place.
    Michel Geoffroy  Polemia
    22/02/2011

  • L'ÉCONOMIE DÉTRUIT L'ÉTAT-NATION

    La pensée est devenue unique - parait-il - et l'on peut même dire qu'elle est devenue économique et d'un seul courant. Le seul mot d'ordre actuel est la destruction de tout esprit national et cela passe par la machine de guerre économique.
    La France, plus vieil État-Nation de l'Occident, a toujours eu une politique économique organisée dans un cadre national depuis les rois, et en particulier Louis XIV, jusqu'au général De Gaulle qui était animé du volontarisme économique le plus solide : plan calcul pour l'informatique, programme spatial, armement nucléaire le plus moderne, aérospatiale...
    Depuis Pompidou, ancien directeur de la banque Rothschild, et Giscard, sans discontinuer, les gouvernements n'ont fait qu'organiser le démantèlement économique de la France pour la soumettre aux «lois» du marché mondial.
    Les capitaux, la Finance internationale sont les maîtres de l'économie. L'emploi n'est plus une priorité et, l'on pourrait même dire, qu'il est le dernier des soucis. Vis à vis de celui-ci n'existe que le pieux discours sur la baisse des charges, la flexibilité des salaires ou le discours infantile d'Alain Madelin « si le libéralisme était vraiment appliqué, tout irait mieux dans le meilleur des mondes possibles ». Mais en fin de compte seule compte la bonne santé des marchés financiers.
    L'État ne peut plus intervenir dans un cadre national. D'ailleurs tous les outils qui étaient à sa disposition lui sont enlevés les uns après les autres.
    La Banque de France n'existe plus et la Banque Centrale européenne est indépendante des gouvernements. Toute politique monétaire est donc extrêmement limitée. Quant à la politique budgétaire, les fameux critères de Maastricht l'anéantissent presque totalement.
    L'État de régulateur devient même dérégulateur. La croissance et la création d'emplois ne sont plus des objectifs dans une économie sous la domination des marchés financiers.
    Le productif est soumis au financier. On ne raisonne qu'à travers la sphère monétaire et non plus celle réelle des biens et des personnes. Ceci est bien sur totalement contraire à l'intérêt réel des agents économiques, à part celui de quelques financiers. La pensée keynésienne de régulation, qui a fait ses preuves, qui s'effectuait très bien dans un cadre national et avait comme objectif une augmentation des biens et de l'emploi (donc du bien-être économique), n'a plus de raison d'être dans le contexte économique actuel sauf pour des pays qui ont gardé leur souveraineté comme les États Unis, le Japon, la Norvège, la Suisse et dans une certaine mesure la Grande Bretagne (pays qui ont tous moins de chômage).
    Cette pensée unique qui se veut irremplaçable est bien sûr fondée sur des prémisses idéologiques de la fin des Etats-Nations où tout ce qui peut rappeler l'idée d'une vision nationale est à bannir. L'Euro fait partie de cette logique puisque les nations n'ont même plus leur propre monnaie et seront complètement immergées dans les mécanismes financiers internationaux. De Gaulle disait souvent : « l'intendance suivra ». Maintenant il faut inverser cette, phrase : c'est à partir de l'économie que les Etats-Nations et leurs structures seront détruits de façon inexorable. Jacques Chirac, comme les socialistes, a totalement accepté cette nouvelle pensée économique.
    Un changement de politique ne pourra s'effectuer que par un changement des hommes politiques en place et par un renouveau total de la classe politique et des partis. Les Français par un sursaut de survie pourront alors empêcher la destruction et la mort de leur nation. Ceci serait même avantageux sur le plan économique, car la France aurait de nouveau le choix de la croissance et du plein emploi. Les années où la France était souveraine correspondent aux périodes de forte croissance et de plein emploi. La construction européenne s'est accompagnée, elle, d'une croissance de plus en plus faible et d'un taux de chômage de plus en plus grand. Ce changement est d'autant plus réalisable que la France est, quoi qu'on dise, la 5° puissance industrielle mondiale et n'est pas du tout le nain économique qui nous est décrit par les «anéantisseurs» de notre pays qui cherchent à tout prix des raisons et des prétextes pour accélérer sa disparition et la faire accepter par les Français eux-mêmes. La pensée qui se veut unique n'est pas du tout incontournable mais est un choix idéologique. D'autres choix sont possibles tout en restant dans des cadres nationaux et d'échanges réciproques. La France peut très bien continuer à exister au milieu des autres pays européens sans disparaître.
    Mais ceci ne se fera pas grâce à un gouvernement socialiste qui a complètement accepté la logique de la mondialisation. La seule différence avec la droite est qu'il met un léger baume de social.
    Il faut donc une rupture totale grâce à un parti qui prône de nouveau une France souveraine, tant sur le plan politique qu'économique.
    par Patrice GROS - SUAUDEAU Statisticien - Économiste  1997

  • « Je me fous des Bretons » (Nicolas Sarkozy)

    PARIS (NOVOpress Breizh) – Nicolas Sarkozy a de gros problèmes d’argent. Au 31 juillet, son parti l’UMP, doit – ou devrait – rembourser aux banques un prêt de 11 millions d’euros, or l’Etat ne remboursera pas cette somme au parti en question car les comptes de campagne de M. Sarkozy – correspondant à l’élection présidentielle de 2012 – ont été invalidés par le Conseil constitutionnel. Ben sûr, l’inquiétude n’est pas de mise puisque les banquiers accepteront de bonne grâce le rééchelonnement de la dette.

     

    En effet le principal créancier concerné, la Société générale, dont le PDG n’est autre que Frédéric Oudéa, ancien conseiller de M. Sarkozy lorsque celui-ci était ministre du Budget, en 1993. Sous la présidence de M. Sarkozy, la Socgé a bénéficié en décembre 2008, de deux emprunts d’Etat de 1,7 milliard d’euros chacun. On voit mal, dans ces conditions, comment la banque et l’UMP pourraient ne pas trouver un accord pour quelques millions (Libération, 09/07/13).

    Cette question ne peut laisser indifférent M. Sarkozy car ce dernier s’était porté caution solidaire du prêt de 11millions d’euros que le parti doit rembourser au 31 juillet (Le Monde, 09/07/13). D’où l’organisation d’un « Sarkothon » destiné à trouver des fonds permettant de couvrir cette dette. SelonLes Echos (22/07/13), près de 7 millions d’euros auraient déjà été récoltés. Une somme suffisante, d’après Jean-François Copé, pour que les banques acceptent d’accorder un nouveau prêt si la somme de 11 millions n’est pas réunie. Donc l’ancien président de la République pourra partir en vacances l’esprit tranquille. Certes, les esprits chagrins font remarquer que le parti compte 44 millions de dettes, en dehors du prêt de 11 millions à rembourser pour la campagne de Sarkozy. Pour revenir à l’équilibre fin 2016, il doit rembourser 11 millions d’euros par an à quatre banques à qui il a emprunté 55 millions d’euros (Le Monde, 03/07/13).

    Bien sûr, il faut tenir compte du financement public dont bénéficie l’UMP, à savoir 19,87 millions d’euros en 2013 (Journal Officiel du 28/05/13), à quoi s’ajoutent les cotisations des adhérents et des élus.

    Soucieux d’aider Nicolas Sarkozy à sortir de ce mauvais pas, le Canard enchaîné (10/07/13) propose six pistes pour « faire du fric » et lutter contre le surendettement. L’une d’elle consiste à « discourir plus ». En effet l’ancien président de la République s’est lancé dans une carrière de conférencier international. Il parait que M. Sarkozy est un orateur recherché. Ses prestations sont généralement évaluées à 100.000 dollars (1 euro = 1,30 dollar).

    En douze mois, Nicolas Sarkozy est allé dispenser ses avis et analyses sur la situation préoccupante de l’Union européenne, l’état de la mondialisation ou les perspectives de sortie de crise aux Etats-Unis, en Russie, en Chine, à Singapour, au Brésil, en Lybie, au Qatar, au Canada et enfin en Grande-Bretagne. Et, d’ici à l’automne, le « Sarko tour » est annoncé en Israël et au Mexique (Le Nouvel observateur, 11/07/13). En octobre dernier, à New York, invité par le groupe brésilien BTG Pactual, principal fonds d’investissement d’Amérique latine, il aurait empoché 120.000 dollars, pour une conférence à Las Vegas, invité par la société américaine de gestion d’actifs Skybridge Capital, il serait reparti avec 200.000 dollars. Début juin, à l’hôtel Intercontinental de Londres, l’ancien président a dû se contenter de la moitié pour s’exprimer devant des représentants de la banque Goldman Sachs. Bref le dépôt de bilan n’est pas pour demain.

    L’entourage de M. Sarkozy s’est empressé de claironner que l’intéressé avait versé 7.500 euros à la caisse du parti, le maximum autorisé par la loi. « Or, en tant que candidat à la présidentielle, Sarko n’est pas tenu à cette règle : il peut légalement, s’il le veut ou le peut, payer l’intégralité de la douloureuse. Soit les 11 millions que l’Etat ne remboursera pas à l’UMP du fait du rejet de son compte de campagne. Ou au moins les pénalités subsidiaires : la restitution au Trésor de l’avance forfaitaire (153.000 euros) ainsi que le paiement au même Trésor de l’« amende » de 363.615 euros infligée au candidat « pour dépassement » par la Commission nationale des comptes de campagne. » (Canard enchaîné, 10/07/13).

    Consentir un effort supplémentaire ne serait pas de trop pour celui qui chantait au début de l’année 2008 : « Pour l’instant je fais président, mais un jour j’irai faire du fric. » Rappelons que le candidat Sarkozy s’est porté « caution personnelle » auprès des banques pour obtenir un crédit relais de 11 millions d’euros ».

    En attendant, les adhérents sont priés de faire un effort pour aider le parti et éviter à M. Sarkozy d’avoir à sortir un chèque autrement plus conséquent que celui de 7.500 euros donnés récemment. A cette occasion, il ne semble pas inutile d’attirer l’attention des adhérents bretons de l’UMP sur ce que le « petit mari » de Carla pense d’eux.

    Dans son dernier ouvrage, « Breizh bric-à-brac » (Palantines), Yann Lukas rappelle un évènement qui situe le personnage Sarko. « Qu’est-ce qu’on va foutre dans un cercle opérationnel sinistre, à regarder un radar ? Je me fous des Bretons. Je vais être au milieu de dix connards en train de regarder une carte ! Grand sens politique, vraiment ! ». C’était le 1er mai 2007 au Cross Corsen, dans le Finistère. Yasmine Reza rapporte ces propos de Nicolas Sarkozy dans son livre-enquête, L’Aube, le soir ou la nuit, sorti le 24 août 2007. A partir de l’automne 2006, elle avait suivi le candidat pendant sa première campagne présidentielle. Sa relation des faits n’a pas été démentie. Des propos qui font dire à certains qu’un(e) Breton(ne) possédant un brin de dignité de donne pas un sou à Sarko.

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