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économie et finance - Page 766

  • Les 15.000 euros que la République n'a pas voulu donner...

     

    J’évoquais il y a quelques jours la difficulté que rencontrait l’équipe de France des sans-abri à trouver les 15.000 euros manquants pour pouvoir se rendre à Poznan pour la coupe du monde de balle-au-pied des défavorisés : alors que tout semblait perdu, c’est l’équipe professionnelle de balle-au-pied de Monaco qui a « comblé le trou », comme le signale RTL.

    Cette histoire est néanmoins tristement révélatrice : ainsi, la République française, qui s’enorgueillit d’avoir un ministère des sports, a refusé de verser 15.000 euros à cette équipe de sans-abri alors même que ce même ministère couvre de ses largesses des événements sportifs déjà largement sponsorisés par de grands groupes financiers français ou, de plus en plus, étrangers ! Ainsi, la République, qui nous accable de ses grands discours moralisateurs, n’a pas déboursé la moindre aide pour des gens qui en avaient vraiment besoin et, ne l’oublions pas, pour une équipe qui a charge de représenter les couleurs tricolores dans cette compétition accueillant désormais une cinquantaine d’équipes du monde entier… Quelle honte ! Quelle tristesse !

    Certains me diront que j’accorde trop d’importance à un événement « mineur » : mais non, il n’est pas mineur ! Cette coupe du monde de balle-au-pied des sans-abri n’est pas anodine, en particulier pour ceux qui y participent, et elle a le mérite de rendre un peu de dignité et de fierté à des personnes trop souvent marginalisées dans notre société. C’est aussi l’occasion pour certains de retrouver une place honorable dans la Cité, motivés par cette compétition qui se veut aussi acte de solidarité ! Plus de 70 % des sans-abri qui tapent dans la balle à cette occasion sortent de leur situation de précarité ensuite : est-ce négligeable, en ces temps de sinistrose et de désespérance sociale ?

    Que le généreux donateur des 15.000 euros soit une équipe qui a la particularité d’être celle d’une principauté souveraine est aussi une sorte de pied de nez à une République française qui n’a pas rempli ses devoirs d’Etat à l’égard d’une équipe sportive française ! Cela n’était pourtant pas grand-chose, 15.000 euros ! Quand on pense que c’est cette même République qui, en d’autres temps, versait des centaines de millions d’euros pour M. Bernard Tapie lors d’un arbitrage controversé ou que le moindre déplacement de l’actuelle ministre de la jeunesse et des sports dépasse allègrement cette somme de 15.000 euros, on ne peut que se dire que, finalement, il y a bien quelque chose de pourri en cette République d’Absurdie

    http://jpchauvin.typepad.fr/

  • La dangeureuse dérive de la « démocratie » américaine

    Depuis 1945, nous avons pris l’habitude de considérer des Etats-Unis comme la première des démocraties, par la taille comme par l’exemplarité. Si cette appréciation a longtemps été juste, elle n’a malheureusement plus lieu d’être aujourd’hui, tant la situation a changé outre-Atlantique et ne cesse de s’éloigner des critères qui fondent ce système politique.

    Par Eric Denécé

    En effet, de nombreuses évolutions, consécutives à la nouvelle législation adoptée suite aux attentats du 11 septembre 2001, afin de renforcer la sécurité du pays par tous les moyens, ont progressivement éloigné les Etats-Unis du modèle démocratique qu’ils revendiquent. Sur le plan intérieur, les nouvelles lois antiterroristes adoptées sont attentatoires aux libertés civiles et confèrent à l’Amérique, par de nombreux aspects, les caractéristiques d’un Etat policier. Sur le plan extérieur, l’unilatéralisme et le mépris du droit international de Washington expriment un égoïsme et une tendance hégémonique de plus en plus préoccupants.

    Une société surveillée

    Fin juin 2013, Edward Snowden, ancien cadre de la CIA et consultant pour la NSA – via le cabinet Booz, Allen & Hamilton – révèle à la presse, documents à l’appui, que l’agence américaine développe depuis plusieurs années un programme de surveillance et d’accès aux données personnelles des internautes stockées sur les serveurs des grands groupes de communication américains – fournisseurs d’accès ou de messagerie – Microsoft, Yahoo, Facebook, Google, AOL, Skype, YouTube et Verizon.

    Ce programme, qui a pour nom de code Prism, correspond à une véritable mise sous surveillance de la population américaine et de tous les étrangers, vivant, séjournant ou échangeant avec les Etats-Unis. Il collecte, au nom de la lutte antiterroriste, les métadonnées (numéro appelé, durée de l’appel, etc.) de communications de centaines de millions d’individus avec l’autorisation d’une cour secrète. A travers Prism, et contrairement aux dénégations de pure forme des autorités de Washington, tous les citoyens américains sont traités comme des terroristes potentiels. 100% des communications sont enregistrées – y compris les contenus – quels que soit les médias (téléphonie fixe et mobile, internet, etc.) et, en cas de besoin, les autorités vont piocher dans ces données.

    Or Prism n’est qu’une des multiples facettes du programme de surveillance interne mis en place par la NSA. En effet, les Etats-Unis disposent de moyens colossaux, financiers et techniques, pour scruter les activités de leurs citoyens.

    Ainsi la police américaine amasse des millions de données numériques sur les déplacements des véhicules qui circulent dans le pays dans d’immenses bases de données. Elles sont obtenues grâce à des dizaines de milliers de scanners automatisés, installés sur des véhicules de police ou répartis un peu partout sur le territoire américain, sur des ponts ou des édifices. Dans un rapport publié mercredi 24 juillet 2013, l’American Civil Liberties Union (ACLU) affirme qu’ils permettent d’enregistrer la plaque d’immatriculation et des images des véhicules qui passent ou qui sont garés. Les polices envoient ensuite ces informations dans des banques de données qui peuvent être consultées des semaines, voire des années plus tard. Cette surveillance, permet notamment aux autorités de savoir où une personne s’est rendue durant une journée précise, même si cette personne n’a commis aucun acte illégal. Les responsables de l’application de la loi affirment que cette pratique est légale et qu’elle permet d’appuyer les policiers dans leur travail. Cela laisse songeur. 

    Autre exemple : le Pentagone a récemment décidé d’exploiter deux ballons espions au-dessus de Washington DC à des fins de surveillance permanente. Dotés des technologies dernier cri, ils sont capables de couvrir des milliers de kilomètres de la Caroline du Nord jusqu’aux chutes de Niagara et de « screener » des millions d’Américains ; ces ballons peuvent rester dans le ciel pendant un mois sans avoir besoin d’être ravitaillés.

    Si l‘on ajoute à cela que, depuis quelques années, l’utilisation des drones à des fins de surveillance intérieure se développe et que, surtout, les données personnelles des citoyens (fichiers bancaires, de santé, de sécurité sociale, universitaires, données fiscales et judiciaires, etc.) sont très peu protégées outre-Atlantique, force est de reconnaître que la société américaine une est devenue une société surveillée. Ce que George Orwell prévoyait pour 1984 est finalement en train de devenir réalité, 40 ans plus tard.

    Un « habillage » pseudo-démocratique

    Depuis plus de dix ans, les autorités politiques se sont donc peu à peu arrogé tous les pouvoirs et ont considérablement réduit la sphère privée. Comment de telles dérives sont-elles légalement possibles ? Pourquoi la population les accepte-t-elle sans broncher ? Le gouvernement fédéral procède de deux façons complémentaires :

    - d’une part, il « vend » à la population cette démarche comme étant indispensable à sa sécurité face aux terroristes. Il sur-communique sur la menace – certes bien réelle – mais en l’amplifiant largement. Par ailleurs, il vante l’efficacité de son système et en annonce, de temps à autre, les « succès ». Cette démarche fonctionne, notamment parce que dans les sociétés de consommation post-industrielles en crise, les citoyens ont été remplacés par des consommateurs lobotomisés, préoccupés d’abord de leur propre bien-être (consommation et sécurité). Et en ce domaine, les Etats-Unis sont en avance sur l’Europe.

      – d’autre part, les autorités s’attachent à donner « habillage » légal à leurs transgressions de la constitution[1] et des libertés civiles, ce qui est le premier signe d’un Etat policier. Pour pratiquer sa surveillance intrusive sans entrave ni risque de poursuite pénale, la NSA s’appuie sur les lois de 1978 et sur la législation adoptée en octobre 2001 (Patriot Act) et 2008 sous George W. Bush, et qui a été reconduite par Barack Obama en décembre 2011.

    Ainsi, lors de la révélation du programme Prism, le président Obama et les représentants du Sénat chargés de contrôler les activités les services de renseignement, ont justifié ces pratiques au nom de la sécurité nationale. Plus grave, la Chambre des représentants américaine a rejeté à une courte majorité, mercredi 24 juillet 2013, un amendement déposé par un jeune élu républicain du Michigan, Justin Amash. Ce texte visait à mettre un terme au financement du programme de surveillance de la NSA aboutissant à la collecte de données téléphoniques de millions d’Américains. Cet amendement était soutenu par une coalition hétéroclite d’élus allant des conservateurs du Tea Party aux démocrates les plus à gauche. Il a été rejeté par 217 voix contre et 205.

    Que penser de Snowden : traître ou héraut ?

    S’il a clairement transgressé les règles de confidentialité qui lui étaient imposées, Edward Snowden n’a rien d’un traître. A la différence de Bradley Manning[2], les révélations qu’il a faites et les documents qu’il a transmis à la presse ne sont pas encore dommageables pour la politique étrangère américaine, car tous les milieux spécialisés internationaux étaient au courant de cette boulimie d’écoutes de la NSA, sur son propre territoire comme à l’étranger. La motivation principale de Snowden n’est ni la vengeance, ni la recherche de la notoriété, et les risques qu’il a pris sont énormes. Son but, c’est la dénonciation des dérives qu’il a observées et dont il ne veut pas être complice. A ses yeux, le système américain est en train de devenir fou et doit être repris en main. Sa transgression a donc été utile, à la différence de celle de Manning, qui a commis un acte bien plus grave pour la sécurité nationale des Etats-Unis en révélant une quantité très importante de documents confidentiels, avec l’évidente volonté de nuire.

    De plus, la démarche de Snowden met en lumière un second fait connu généralement des seuls spécialistes : depuis l’intervention en Afghanistan (2002) et l’invasion de l’Irak (2003), les prestataires privés (Contractors) ont prospéré dans tous les domaines relevant traditionnellement des armées et des services spéciaux. En confiant de nombreuses tâches de renseignement intérieur et extérieur à des sociétés et des individus sans liens autres que contractuels avec le gouvernement, l’administration a perdu une partie du contrôle sur leurs activités. Surtout, en créant, un immense secteur économique dépendant des programmes de sécurité américains, cela a donné naissance à de nouveaux acteurs qui semblent bien avoir remplacé le lobby militaro-industriel américain comme premier influenceur de la politique de sécurité nationale… et ses dérives.

    Quelle est l’efficacité du système ?

    Au-delà des questions de violation du secret, une question demeure : ce système gigantesque et intrusif est-il efficace ?

    En premier lieu, il convient de rappeler que l’une des raisons du développement d’un programme de surveillance intérieure par la NSA vient du fait que les Etats-Unis ne disposent pas, à la différence des Etats européens, d’un véritable service de renseignement domestique, à l’image de la DCRI française, du MI 5 britannique, du BND allemand ou de l’AISI italienne. En effet, le FBI s’est opposé à la création d’un tel organisme qui lui aurait fait concurrence. Les tâches de surveillance du territoire ont donc été réparties entre le bureau fédéral – qui est surtout une police judiciaire – et la NSA.

    En second lieu, si ce système a certes pu déjouer plusieurs complots terroristes – c’est là l’argument avancé par les autorités pour justifier la surveillance électronique tous azimuts – personne ne parle des très nombreuses erreurs qu’il a engendrées et qu’ont eu à subir des citoyens innocents, ni de la réduction considérable de la sphère privée qu’il a provoqué.

    Enfin, il est intéressant de comparer le rapport coût/efficacité. Ainsi, on peut considérer qu’en matière de renseignement, Washington dépense à peu près 100 fois plus (budget) que ne le fait Paris et dispose de 50 fois plus de personnel dédiés au renseignement (fonctionnaires civils et militaires, Contractors). Or le système américain est-il 50 fois ou 100 fois plus efficace que celui de la France ? Evidemment non. Il ne l’est même pas 5 à 10 fois. Tout juste pouvons-nous considérer qu’il est un peu plus efficace. Cela  ne justifie donc en aucun cas les incroyables budgets accordés aux services et la restriction de la sphère privée.

    Une puissance sans aucun scrupule

    Parallèlement à la mise sous surveillance électronique de la population et du territoire américain, Snowden a confirmé que la NSA écoutait tous ses alliés, même les plus proches, en recourant à une gamme de moyens d’interception très variée. La presse européenne, puis les leaders politiques du vieux continent, ont aussitôt réagi, dénonçant ces pratiques qu’ils jugent déloyales, inadmissibles, et qu’ils semblaient découvrir.

    Pourtant, ces pratiques sont vieilles comme le monde, ou tout au moins comme la NSA créée en 1952. Ce second sujet est pourtant un faux problème et l’on ne peut légitimement pas reprocher aux Américains d’écouter leurs partenaires, même si ce n’est pas Fair Play. Ce type d’espionnage existe depuis la nuit des temps. Même s’il est toujours plus désagréable de se savoir écouté par un allié que par un ennemi, c’est une grande tradition du renseignement et des relations entre Etat et la NSA nous écoute depuis sa création, comme le fit avant elle l’AFSA[3].

    D’ailleurs rappelons-nous ce qui disait Churchill dans ses mémoires : « nous n’avons pas assez espionné l’armée française avant 1940, car elle était notre alliée. Si nous l’avions fait, nous n’aurions pas été surpris par sa déroute face à l’Allemagne et par les conséquences qu’elle a eu sur notre sécurité ». Ce en quoi, il avait entièrement raison. Ainsi, début 2003, la France, qui a été surprise par la déclaration commune de la quasi totalité de ses partenaires européens soutenant la décision américaine d’envahir l’Irak – ce qui fut un camouflet pour notre diplomatie – aurait mieux fait d’écouter ses partenaires de l’Union afin de déceler leur duplicité.

    Au demeurant, les écoutes et intrusions américaines dans nos communications et nos systèmes d’information stratégiques se font en partie avec notre collaboration ! Dès lors, que nous achetons logiciels, expertise et conseil à des entreprises américaines, que nos serveurs internet et Cloud Computing sont hébergés outre-Atlantique, et que nous leur confions le cryptage ou les tests de sécurité de nos systèmes d’information et de nos communications, il ne faut pas s’étonner que les Américains lisent en permanence ce que souhaitons protéger. Ce n’est donc pas eux qu’il convient de fustiger en la matière, mais au contraire l’inconséquence des dirigeants européens qui n’ont pas su développer des offres nationales concurrentes ou interdire la signature de tels contrats.

    Les arguments fallacieux des Américains

    Pour autant, dès lors qu’ils se trouvent en position d’accusés en raison des interceptions illégales à l’étranger, les Américains s’empressent de rétorquer que « tous les pays du monde font de même ». Ils ciblent en particulier la France en évoquant le dispositif mondial d’écoutes de la DGSE qu’ils ont baptisés Frenchelon. Or une telle argumentation est à la fois fausse et fallacieuse. Pourtant, certains journalistes français, totalement ignares en la matière et croyant détenir quelque scoop, se font les meilleurs avocats de cette désinformation américaine.

    Il faut d’abord rappeler que le réseau Frenchelon n’existe pas et que c’est une invention américaine. Nos « alliés » appellent ainsi les quelques stations d’écoute de la DGSE dans le monde depuis qu’ils ont été attaqués en 2003 par les Européens qui avaient dénoncé les écoutes de leurs communications et celles découvertes au siège de l’Union européenne. Certes, la DGSE dispose bien d’une dizaine de petites stations d’écoute dans le monde – en métropole, outre-mer et en Afrique – mais cela ne peut en aucune façon être comparé avec le dispositif américain. En France, approximativement 2 500 personnes se consacrent aux interceptions des communications internationales. Les Etats-Unis, eux, ont des centaines de stations d’écoute à la surface du globe, opérées par près de 100 000 personnes – incluant leurs alliés anglophones et les sous-traitants privés. Donc le rapport est de 1 à 50, voire plus entre le monde anglo-saxon et la France. Aussi, lorsque Washington recourt à l’argument de Frenchelon, c’est pour se dédouaner de leurs pratiques discutables aux yeux de l’opinion internationale.

    Sur le plan intérieur, il convient de rappeler que, la France est le pays européen qui dispose de la loi la plus restrictive en matière de protection des données personnelles, sous l’autorité de la Commission nationale informatique et liberté (CNIL). De plus, dans notre pays, depuis les dispositions de 1994 – préparées par Michel Rocard, suite aux dérives de François Mitterrand au cours de son premier mandat[4] – l’interception de correspondances privées fait l’objet d’un encadrement très strict. Ainsi, la loi est très scrupuleusement respectée. Certes, les dispositions antiterroristes dans le cadre de la loi Perben 2 autorisent à conserver les traces des appels, mais non les contenus, ce qui ne porte pas atteinte aux libertés privées.

    Surtout, la France ne dispose pas d’arrangements comparables à ceux qui lient l’administration américaine aux entreprises de téléphonie ou autres fournisseurs d’accès internet. L’Etat français, dans la majorité des cas, ne s’affranchit pas des règles de droit. Notre législation permet certes, qu’à partir du moment où un attentat de grande ampleur se prépare, que les juges anti-terroristes puissent mener des enquêtes très approfondies. Leurs moyens ont été accrus en ce sens depuis 2001, mais leurs investigations restent basées sur des suspicions raisonnables. Alors qu’aux Etats-Unis, point n’est besoin de suspicions ou d’un magistrat pour déclencher une surveillance. La France surveille les groupes et individus dangereux, mais dans les limites constitutionnelles. Notre pays réussi « endiguer » la menace terroristes sans entraver les libertés civiles.

    Les autres dérives condamnables

    Les pratiques de la NSA révélées au grand public par Edward Snowden ne sont pas l’unique signe de la préoccupante dérive des Etats-Unis. Elles ne font que venir s’ajouter aux autres mesures adoptées par Washington depuis la fin de la Guerre froide et illustrent l’inexorable dérive unilatérale de l’unique superpuissance planétaire :

    • développement de l’espionnage économique à partir du début des années 1990, ayant pour conséquence une perversion des mœurs commerciaux internationaux. A travers l’ingérence croissante des pratiques du renseignement dans les affaires, la loi de l’offre et de la demande s’applique de plus en plus imparfaitement ;
    • extraterritorialité du droit américain et de ses sanctions en matière commerciale[5] ;
    • refus de voir des militaires américains jugés par la Cour pénale internationale ;
    • instauration d’une « Guerre contre le terrorisme » (GWOT), inappropriée à la manière dont il convient de lutter contre ce qui est d’abord un phénomène de nature criminelle ;
    • rejet des lois de la guerre et des conventions de Genève à travers la création extralégale du camp de Guantanamo ;
    • multiplication des arrestations et des enlèvements extrajudiciaires (Renditions), en contravention avec le droit international et le droit local des pays dans lesquels ont eu lieu les opérations ;
    • transfert de prisonniers dans des prisons étrangères afin de pouvoir les interroger dans un cadre « non démocratique » ;
    • justification et légalisation de la torture dans le cadre de la guerre antiterroriste ;
    • traitement arbitraire et excessif des passagers aériens et des visiteurs étrangers lors des contrôles aux frontières ;
    • invasion illégale de l’Irak en 2003, malgré l’opposition des Nations unies, en s’appuyant sur des arguments erronés ou construits de toute pièce pour justifier leur action (mensonges et Spin Doctors) ;
    • multiplication des frappes de drones et des exécutions sommaires dans le monde, afin de démanteler les infrastructures terroristes, y compris au prix d’importants dommages collatéraux sur les populations civiles. Ces opérations ne font qu’augmenter le ressentiment à l’égard de Washington – et de l’Occident – et fournissent sans cesse de nouvelles recrues aux groupes djihadistes. Au demeurant, dans le cadre de ces actions, les Etats-Unis ont éliminé en toute illégalité plusieurs de leur propres ressortissants ayant rejoint Al-Qaida ;
    • acharnement démesuré contre Bradley Manning, certes totalement coupable d’avoir divulgué des secrets portant atteinte à la sécurité nationale de son pays. Mais le Pentagone et  et le gouvernement, le considérant comme « l’un des plus grands traîtres de tous les temps », s’acharnent sur lui d’une manière incompatible avec la démocratie[6] ;
    • soutien aux Frères musulmans et aux salafistes dans tout le Moyen-Orient et notamment en Syrie, dans le cadre des pseudo révolutions arabes ;
    • refus initial d’intervenir au Mali et de soutenir la France considérant que la sécurité des Etats-Unis n’était pas concernée par ce pays… avant de soutenir médiocrement l’action de Paris.

     Mise sous surveillance de la population, écoutes accrues des alliés comme des concurrents étrangers, transgression du droit international, politique étrangère hasardeuse… force est de constater la dangereuse dérive des Etats-Unis. En raison de leurs comportements de plus en plus arrogants et unilatéraux, ils sont en train de devenir un véritable « Etat voyou », terme qu’ils ont inventé pour  discréditer certains de leurs adversaires ou des régimes totalitaires.

    Pourtant, cette idée a encore du mal à être acceptée par les observateurs, qui vivent toujours avec l’image des Etats-Unis « champions du monde libre et de la démocratie », comme ils furent face au totalitarisme soviétique. D’ailleurs Washington met en œuvre une très active campagne de communication pour que cette image perdure et pour justifier toutes ses transgressions au nom de la liberté et de la démocratie.

    Et cela fonctionne ! Ainsi, Barack Obama, a été lauréat du Prix Nobel de la paix après avoir été à peine élu et il dispose d’une image beaucoup moins négative que celle de son prédécesseur, G.W. Bush, que les medias prenaient plaisir à caricaturer. Or, sous les deux mandats d’Obama, les Etats-Unis ont été encore plus étroitement autoritaires, interventionnistes et violateurs des libertés civiles que pendant la période 2000-2008. Non seulement l’actuel président a poursuivi la politique de son prédécesseur – c’est-à-à dire la stratégie élaborée par les néoconservateurs – mais il l’a même accrue ! Guantanamo n’a pas été fermé, les frappes de drones ont considérablement augmenté et la surveillance électronique de la population n’a cessé de se développer.

    C’est pourquoi il y a des raisons d’être inquiet : la première puissance politique, économique, militaire et culturelle mondiale, « phare » de l’Occident, est en train de déraper. Les Etats-Unis étaient censés incarner l’essence même des valeurs occidentales de liberté, de progrès, de démocratie et donner l’exemple. Mais plus rien de tout cela n’est vrai, depuis 2001. L’image d’Epinal que nous avons de l’Amérique et de plus en plus profondément en décalage avec un réalité bien moins reluisante et beaucoup plus inquiétante.

     Peut être est-ce la plus grande victoire posthume de Ben Laden : avoir poussé les Etats-Unis sur une voie qui est dangereuse pour le monde et pourrait leur être funeste. Quand la première démocratie mondiale n’en est plus une, ce sont la paix et la sécurité mondiale qui sont menacées. Mais, bien évidemment, une telle analyse nous fera accuser d’antiaméricanisme…

    • [1] A partir du moment où une affaire est considérée comme liée au terrorisme, la Constitution ne tient plus.
    • [2] Jeune caporal de l’US Army à l’origine des fuites de Wikileaks.
    • [3]Armed Forces Security Agency : ancêtre de la NSA.
    • [4] Affaire de écoutes de la cellule élyséenne.
    • [5] Depuis la fin des années 1980, Washington a développé un arsenal législatif répressif afin de lutter contre l’expansion économique de ses concurrents. Les autorités américaines ont adopté une législation leur permettant de sanctionner certains comportements des concurrents des Etats-Unis, jugés injustes et déraisonnables par eux, et de prendre des mesures unilatérales de rétorsion. Ce sont les fameux articles 301, super 301 des Trade Acts et les lois sur les embargos.
    • [6] Ses conditions de détention sont abjectes : confinement 23 heures sur 24 pendant cinq mois, puis enfermement dans une cage ; obligation de dormir nu hormis le port d’une robe dite « anti-suicide » (alors qu’il n’a jamais parlé de se suicider !) ; réveil trois fois par nuit. Le rapporteur spécial de l’ONU, Juan Ernesto Mendez, parle d’un « traitement cruel, inhumain et dégradant ». Les États-Unis passent pour une nation de droits et de lois mais, pour Bradley Manning, ce n’est manifestement pas le cas.

    CF2R   http://fortune.fdesouche.com

  • FMI : “Pas d’inversion de la courbe du chômage sous le mandat de François Hollande”

    « Etant donné la relance toujours hésitante de l’économie, le gouvernement devrait assouplir le rythme de l’ajustement », a estimé le Fonds Monétaire International (FMI), à propos de la France, dans son rapport annuel sur la situation économique du pays. Il exhorte le gouvernement de François Hollande à ralentir le durcissement de la pression fiscale l’année prochaine pour éviter une rechute économique, alors que le président français avait indiqué que l’on constatait le retour de la croissance.

    D’après le FMI, le taux de chômage (selon les critères du Bureau International du Travail) devrait dépasser 11,6% en 2014 et il ne devrait pas baisser en deçà de 10,6% pendant le mandat de François Hollande. « Si c’est ce sombre scénario qui se déploie, ce sera un véritable coup de massue politique pour M. Hollande. Il a demandé à la nation de le juger sur les résultats de ses efforts pour « inverser la courbe du chômage », estime Ambrose Evans-Pritchard dans le Daily Telegraph.

    Le FMI invite le gouvernement français à réduire les dépenses publiques pour baisser le déficit, plutôt que de créer de nouvelles taxes, qui « sont parmi les plus élevées sur le plan international et ont un effet négatif sur l’investissement et la création d’emplois ».

     

    En revanche, l’Organisation a félicité le président français pour ses réformes visant à réduire les cotisations sur les salaires et à donner plus de flexibilité aux entreprises pour adapter leur main d’œuvre et leur masse salariale, mais elle estime que ces changements ne permettront pas d’enrayer l’érosion de la compétitivité des entreprises. Depuis 1999, les salaires ont augmenté de 53% en France, alors qu’ils n’ont crû que de 35% en Allemagne. Cependant, l’Organisation indique que la nouveauté, c’est que la France est en train de perdre du terrain contre l’Italie et l’Espagne, et que cela pourrait entrainer des pertes de parts de marché. Les pays de l’Europe du sud, englués dans des crises très graves, ont entamé une « dévaluation interne » qui a conduit à une baisse des salaires induite par les taux de chômage dramatiques qu’ils connaissent, mais qui a favorisé leurs exportations, et ils constatent une amélioration du solde de leur balance commerciale.

    « De janvier 1999 à Avril 2013, la production française a baissé de 11,4% alors que la production allemande a augmenté de 32%. Nous voyons une érosion régulière de la capacité de production française. La profitabilité est tellement faible qu’il n’y a pas d’incitation à investir. C’est très inquiétant », observe Eric Dor, de l’école de commerce de Lille, l’IESEG.

    La dette publique française atteindra 95% du PIB l’année prochaine, mais elle pourrait grimper à près de 100% en cas d’absence de la reprise dans la zone euro, une hypothèse que le FMI juge très probable.

    Dans un article du Point, l’essayiste libéral Nicolas Baverez, qui a été auditeur à la Cour des Comptes, surnomme Hollande « le Gamelin de la guerre économique », en référence au Général Gamelin, le général français qui commandait l’armée française pendant la Seconde Guerre Mondiale et qui est à l’origine de sa débâcle. « À l’égal de Maurice Gamelin, François Hollande fait partie des hommes qui font plus de mal à leur pays par leur incapacité que nombre d’ambitieux. Son inaptitude à l’action et à la décision dans le monde réel promet non seulement notre économie à la faillite mais menace la République qu’il place à la merci du Front national et l’euro qu’il met dans les mains des marchés financiers ».

    express.be   http://fortune.fdesouche.com

  • La pauvreté française sur le modèle anglo-saxon ?

    Selon la narration imposée par le mainstream médiatique et moral français, la pauvreté en banlieue serait telle que le désespoir pousserait cette énergique et dynamique jeunesse à exprimer sa rage et son désespoir dans de la violence à l’égard de l’Etat.
    Pourtant, cette justification des violences urbaines que connaît la France depuis deux décennies tient de moins en moins la route face à la réalité des faits. La pauvreté en France ne se situe pourtant pas uniquement dans les banlieues dites défavorisées des grandes villes, mais au contraire de plus en plus dans les campagnes.
    Une grande étude de 2009 avait en effet permis de découvrir que par exemple si dans le Nord du pays, la pauvreté se concentre d’abord dans les grandes agglomérations, les zones les plus concernées par la pauvreté sont le Cantal et la Creuse. En Aveyron, en Lozère ou dans le Gers, le taux de pauvreté varie de 8,3 à 9 %.
    L’excellent Xavier Raufer affirmait d’ailleurs récemment que « l’escroquerie selon laquelle c’est la misère qui génère le crime est balayée par une étude sur la pauvreté publiée en 2009. Qui sont les vrais pauvres, où est la vraie misère dans ce pays ? Est-ce en Seine-Saint-Denis ? Non, elle est dans le Cantal et dans la Creuse. Les formes de pauvreté les plus graves, la pauvreté monétaire, se trouvent dans le Cantal et dans la Creuse. Maintenant on en a la preuve. Des voitures brûlent-elles dans la Creuse ou dans le Cantal ? Y a-t-il des gens lynchés ? Cette histoire comme quoi c’est la misère qui génère le crime, elle est fausse depuis Victor Hugo, maintenant on le sait ».
    Cette évolution de la pauvreté nationale est une évolution que l’on peut qualifier d’évolution à l’américaine. Le Daily Mail relevait récemment que la pauvreté montre en Amérique un visage majoritairement blanc. En effet si 15% de la population américaine vit sous le seuil de pauvreté ce sont plus de 19 millions de Blancs qui sont eux en-dessous du seuil de pauvreté de 23 021$ (17 367 €) pour une famille de quatre, ce qui fait plus de 41% des déshérités de la nation, soit près du double du nombre que l’on obtient chez les Noirs.
    Dans certaines zones où les taux de pauvreté avoisinent les 99%, plus de 60% des pauvres sont blancs, particulièrement dans tout le cœur de l’Amérique : le Mid-Ouest industriel, le Missouri, l’Arkansas ou encore l’Oklahoma et jusqu’aux Grandes Plaines. Pour la première fois depuis 1975, le nombre de foyers blancs gérés par des mères seules vivant dans la pauvreté et avec des enfants a surpassé ou égalé celui des foyers noirs durant la dernière décennie, pendant que le taux de pauvreté dans les classes actives blanches a augmenté plus vite que dans les classes actives non-blanches.
    Autre élément surprenant et peu connu du grand public : pour la première fois, la part des enfants noirs dans les quartiers très pauvres a baissé de 43% à 37%. Une tendance similaire a celle que connaît l’Angleterre puisque le dernier rapport du Bureau de l’inspection de l’Education nationale britannique (Ofsted), intitulé "Enfants invisibles" vient de briser un tabou et de jeter à nouveau un pavé dans la mare en affirmant que contrairement aux années 80-90, les enfants pauvres des grandes villes, majoritairement issus des minorités ethniques, s’en tirent de mieux en mieux.
    Aux alentours de 2030, près de 85% de toute la population en âge de travailler aux États-Unis vivra l’insécurité économique sous un aspect ou un autre. Est-ce là l’avenir que nous souhaitons pour la France et l’Europe ?

     Alexandre Latsa   http://www.voxnr.com

  • Aube dorée poursuit sa conquête des rues d’Athènes

    La crise économique que subit la Grèce depuis plusieurs années s’est accompagnée d’une crise politique avec un attrait de la population pour des offres politiques nouvelles, comme l’Aube dorée.

    arton19341-b8715.jpgDistribution gratuite de nourriture :

    L’Aube dorée double sa présence à chaque scrutin électoral, d’une stratégie sociale, de terrain, à destination du peuple grec. Ansi, la trésorie de ce mouvement (constituée de dons, financements publics et versement d’une partie des émoluments de ses élus) sert principalement à l’achat et à la distribution gratuite de nourriture destinée aux "Grecs de souche" (après vérification de l’identité de ces derniers).

    Le ministre de "l’Ordre public et de la Protection du citoyen" (mais capable de protéger son peuple de la rapacité des banquiers), Nikos Dendias a qualifié l’Aube dorée "de copie du totalitarisme nazi" et a estimé que "l’annonce de cette manifestation sous prétexte de distribution de nourriture était une ironie en cette date du 39e anniversaire du rétablissement de la démocratie" après le septennat de la junte militaire (1967-1974).

    Quant au maire d’Athènes Georges Kamini, il a refusé "d’octroyer une autorisation à l’Aube dorée pour cette manifestation" en jugeant que l’initiative était "inacceptable" et encourageait "le racisme et la xénophobie".

    Mais en ce mercredi 24 juillet 2013, une distribution géante a malgré tout eu lieu à Athènes, avec près de 10 000 personnes.

    La classe politique grecque, incapable de venir en aide au peuple, s’est contentée de s’indigner de cette distribution de nourriture à "caractère discriminatoire".

    Protection des citoyens :

    Enclavé par rapport aux États membres de l’Union européenne [1], la Grèce a vu de nombreux immigrés, ne se destinant qu’à transiter par le pays, se retrouver bloqués sur son territoire.

    Cette présence massive dans un pays "immergent" a entraîné une forte hausse de la violence. De nombreux habitants et commerçants ont fait appel aux milices de l’Aube Dorée afin d’être protégés.

    Vers un Hezbollah grec ?

    Ilias Panagiotaros, député de l’Aube Dorée a déclaré à la télévision australienne que son parti avait pour ambition de devenir pour la Grèce ce qu’est le Hezbollah pour le Liban.

    Ces actions en direction du peuple grec semblent porter leurs fruits : les derniers sondages hissent l’Aube dorée en troisième position des intentions de vote, avec 14,5% des voix.

    [1] sauf de la Roumanie et de la Bulgarie, mais la situation de ces pays n’en font pas des pays de destination pour l’immigration, en outre ils ne font pas partie de l’espace Schengen

    http://www.egaliteetreconciliation.fr/Aube-doree-poursuit-sa-conquete-des-rues-d-Athenes-19341.html

  • La révolution ontologique de Francis Cousin par Georges FELTIN-TRACOL

     

    En janvier 2012, à quelques semaines du premier tour de l’élection présidentielle, des folliculaires d’une célèbre feuille de choux vespérale, spécialisés dans la dénonciation de tous ceux qui pensent mal, s’alertaient des accointances coupables entre Francis Cousin et Marine Le Pen. Celle-ci citait en effet dans Pour que vive la France des extraits de La société de l’indistinction, un essai en partie rédigé par Francis Cousin.

     

    Diplômé en philosophie et philo-analyste de métier, Francis Cousin participe à un groupe informel de rédaction nommé « Gustave Lefrançais » qui a intégré un inter-collectif officieux, « L’Internationale ». D’émanation clairement situationniste et d’ultra-gauche, ces équipes n’ont pas hésité à collaborer à Europe Maxima sans en partager le dessein. Contrairement à maints de leurs « camarades » sectaires et arrogants, ces militants ont montré à diverses reprises leur esprit d’ouverture, leur goût pour la discussion franche, directe et courtoise et leur désir de confronter des idées sans s’invectiver. En leur sein, Francis Cousin en est l’éminent maïeuticien.

     

    Longtemps réticent à publier un écrit sous sa signature, l’ami Cousin s’est finalement décidé à sortir L’être contre l’avoir, un ouvrage de haute volée, à la lecture exigeante et à la réflexion ciselée. Ce livre déclare une guerre totale à la présente société marchande et à ses pâles idoles. Lecteur assidu de Guy Debord, de Karl Marx, de Friedrich Engels, de Pierre Clastres, de Marshall Sahlins et de quelques présocratiques, l’auteur y défend la « tradition primordiale de l’être ». Attention cependant au risque compréhensible de confusion ! Cette « tradition primordiale »-là n’a rien à voir et ne se compare pas avec la Tradition primordiale d’un René Guénon ou d’un Julius Evola. Pour Cousin, leur raisonnement s’est arrêté prématurément !

     

    La thèse de L’être contre l’avoir est résolument anti-politique et anti-économique. Pour son auteur, l’« essence du politique » chère à Julien Freund résulte de la fragmentation de l’unité totale originelle. Il dénie ainsi toute pertinence à la tripartition indo-européenne mise en évidence par Georges Dumézil. La tripartition est déjà pour Cousin une solide avancée de l’avoir aux âges anciens. À l’aube de l’humanité, aux temps pré-historiques donc, l’homme vivait dans la concorde, une « unité sacrale du cosmique originel qu’économie, religion, politique et science ont séparé (p. 316) ». « L’homme des vieilles communautés de l’être a vécu durant des millénaires anti-économiques et anti-politiques au rythme des saisons cosmiques dans une vie harmonique d’anti-argent avec la nature sacrale (p. 49). » Bref, pour Cousin, « la communauté primitive n’est pas une société sans argent et sans État, mais une société contre l’État et contre l’argent (p. 155) ». Il est donc légitime qu’à ses yeux, « toute l’histoire de la modernité est l’histoire du déploiement de la dialectique par laquelle l’avoir s’est employé à effacer le souvenir de l’être (p. 95) ». Mieux encore, il explique que « la communauté est le site cosmique de la pro-venance de l’homme en l’être alors que la polis est le site mercantile de sa relégation en l’avoir (p. 86) ».

     

    Francis Cousin s’affirme communiste et estime que le communisme réel n’a jamais été appliqué, car il s’est toujours confronté à la présence mortifère de la politique (soviétisme) et de l’économique (capitalisme). En fait, « le but de la révolution communiste pour la communauté humaine n’est pas de fonder un système de gestion économique nouveau, mais d’engendrer au-delà et contre toute gestion et toute économie une activité différente qui rompe avec la falsification de la vie sociale (p. 283) ». Malgré la pesante domination de l’avoir, « la révolution communiste du refonder le cosmos de l’être […] permettra aux hommes de la qualité de redevenir des êtres de la qualité humaine (p. 115) ». Le retour à l’être s’impose ! Mais pas n’importe comment. « L’époque actuelle, apogée de l’humanisme de la marchandise, a voulu faire de chacun un simple objet d’échange et de désir chosifié. Elle nous offre ainsi la preuve permanente que la classe capitaliste est la classe de l’organisation de la mort généralisée (p. 209). » Il s’agit de retrouver, de reconstituer l’unité perdue en se reliant au sol, à la terre. « L’être est […] ce qui pose comme énergie du tenir, en tant que force de l’auto-mouvement du vivre des puissances de la terre… (p. 237) », car « dans la communauté de l’être, être, penser et parler sont le même mouvement de vie de l’être (p. 84) ».

     

    Dans ce cadre enfin libéré de l’emprise de l’argent surgit « l’homme de l’être [qui] est l’homme qui saisit l’être qui est en le recueillant et en y demeurant aux racines de terre de l’existence véridique (pp. 131 – 132) ». Francis Cousin s’oppose à toutes les structures politiques de l’histoire : l’État, l’Empire, la cité, le royaume, la république, la théocratie, etc., aliènent l’être de l’homme. S’appuyant sur les vieux Germains décrits par Tacite et sur le quotidien des Amérindiens des Grandes Plaines, l’auteur esquisse une alternative utopique (dans les deux sens du mot) : une fédération mondiale de communes libres. Fidèle à une pensée communarde délaissée, il considère, d’une part, que « la Commune est […] la communauté réunie pour toute délibération ordinaire ou extra-ordinaire de son habitat unitaire en tant qu’assemblée (éventuellement insurrectionnelle !) du mouvement de sa préservation générique (p. 183) » et, d’autre part, que « contre la mondialisation cosmopolite de l’avoir (la formule est de Marx !), la résistance du prolétariat pour faire jaillir l’être de l’homme par l’auto-abolition de la condition prolétarienne s’est dès les origines, d’emblée et immédiatement, auto-intitulée : Internationale, cela pour bien mettre en perspective l’inter-activité nécessaire de tous les espaces-temps du foyer du naître… (p. 263) ».

     

    Cette « révolution internationale communarde de l’être » devra impérativement s’inspirer des révoltes populaires qui ont égrené l’histoire européenne. Francis Cousin rend hommage à l’exemplarité de ces insurrections françaises et européennes. Souvenons-nous des Flagellants, des Jacques, des Maillotins, des Croquants et des Nu-Pieds. Il s’enthousiasme pour la méconnue « Guerre des Demoiselles » qui concerna l’Ariège entre les années 1830 et 1870. Il salue aussi la Vendée de 1793, la Chouannerie et la Commune de Paris de 1871. Il indique que leur facteur déclencheur est souvent la prise par quelques particuliers enrichis de terres communes qui bénéficiaient jusqu’alors à l’ensemble de la communauté. Les paysans pyrénéens déguisés en jeunes filles pour ne pas être reconnus, d’où leur surnom de « Demoiselles », agissent physiquement contre l’interdiction des pratiques communautaires forestières ! L’auteur souligne que le premier à s’indigner du « populicide » vendéen fut le partageux Gracchus Babeuf. Comme plus tard les fédérés parisiens, « les Vendéens s’emparant des villes républicaines de la marchandise et les communards de 1871 mettant la main sur les édifices de la servitude, auront toujours le même comportement insurrectionnel d’aller vouloir enflammer les papiers aliénants de l’administration étatique (pp. 114 – 115) ».

     

    Francis Cousin demande aux Européens de renouer avec cet état d’esprit protestataire et de relancer, renouer et reprendre une intense lutte des classes. « L’homme de l’être est l’homme qui se lève et qui refuse le monde échangiste où l’assurance de posséder la détresse du patrimonial se troque contre l’obligation de mourir d’ennui (p. 112). » Ce combat n’est pas civique, car « le prolétariat n’a rien à faire sur le terrain de la votation qui organise les territoires de la Cité du maintien de l’ordre capitaliste, pas plus à participer qu’à s’abstenir (p. 303) » d’autant que « les élections constituent un terrain de mystification destiné à perpétuer la dictature démocratique de la marchandise totalitaire librement circulante (p. 303) ». Il préférerait que l’« Europe [… redevienne un] espace historique de la tradition critique radicale (p. 212) » parce qu’à la différence des autres aires humaines d’Asie, d’Afrique et d’Amérique, le continent européen détient une vieille conscience révolutionnaire si bien que « toute l’histoire des luttes radicales qui ont fini par positionner la nécessité du subversif conscient sont nés sur le terrain pagano-christianiste des ancestrales communautés paysannes dont est sorti ultérieurement le prolétariat européen, dans la tradition primordiale du souci de l’être et du refus de sa réduction en avoir calculé (p. 185) ». Cette habitude à la contestation propre aux Européens ne serait-elle pas due précisément à la particularité longtemps vivace de privilégier le politique ? Si les Asiatiques, les Africains, les Américains ne possèdent pas ce Logos radical de l’être, cela signifierait-il peut-être qu’ils sont potentiellement plus communistes (au sens que l’entend Francis Cousin) que les Européens ?

     

    Loin des proclamations enflammées et intéressées de ses zélateurs stipendiés, l’avoir n’implique pas le bien-être. Il le détruit plutôt par un changement profond et insidieux des mentalités. Francis Cousin rappelle qu’au Moyen Âge, l’Européen mangeait beaucoup plus de viande qu’à partir du XVIe siècle. En plus, loin de l’hygiénisme ambiant de ce début de XXIe siècle, « les hommes du Moyen Âge boivent beaucoup plus qu’aujourd’hui et surtout beaucoup mieux des crus de véridique qualité de terre (p. 257) ». Outre l’alimentation (il s’approche à ce sujet des idées de l’écologiste radical Bernard Charbonneau) et le divertissement qui rend idiot, le caractère ontologiquement réfractaire de l’esprit européen tend à s’éroder, à s’émousser, à se corrompre sous les effets dévastateurs du « Grand Remplacement (Renaud Camus) » démographique. « Si l’immigrationnisme est la clef de voûte du capitalisme contemporain, c’est avant tout parce que l’immigré y est bien toujours la matière première la plus maniable, la plus inféodée et la plus malléable (p. 228). » Il souligne que « l’immigration se révèle […] comme une stratégie capitaliste de vaste envergure pernicieuse qui vise fondamentalement à disloquer la spontanéité historique des solidarités prolétaires naturelles en hétérogénéisant le substrat de la réalité du sentir et du ressentir ouvrier. De la sorte, l’immigration est toujours l’expression de la contre-révolution du capital car elle permet avant tout de dé-manteler la combativité ouvrière en désarticulant l’identité de ce qui structure les cohésions et les immanences de l’éco-système de sa longue durée (pp. 27 – 28) ». C’est une action de destruction du fond réfractaire européen puisque « à partir du moment où l’envisageable du métisser cesse d’être une possible rencontre personnelle pour devenir un commandement idéologique de la tyrannie spectaculaire des obligations marchandes générales, il est clair qu’est alors bien advenu l’âge du camp de concentration de la liberté du totalitarisme cosmopolite du marché planétaire (p. 46) ». Francis Cousin prévient par conséquent que « le principe de la production de la société de l’avoir, c’est le fractionnement quantitativiste de la vie en la coupure de l’être, la perte de soi dans la production tourmentée et inconsciente d’un monde qui échappe totalement à ses producteurs puisque leur existence y devient justement le procès universel de la détention permanente où tout regard s’y perd dans le bagne de la possession (p. 21) ».

     

    « La liberté démocratique est la tyrannie de la marchandise comme seule consommation autorisée et comme seule opinion permise dans la circulation sans fin des hommes falsifiés par la domination spectaculaire du temps – argent (p. 21). » À ce stade, il ne faut rien attendre – sinon le pire – des oppositions marginalisées et théâtrales du Système. « La gauche et l’extrême gauche du Capital en tant qu’avant-garde du progrès de la raison mercantile, sont là les meilleurs serviteurs du melting-pot mondialiste qui aspire à créer cet homme hors-terre, hébété, nomade et vagabond qui n’a plus pour seul repère que les grandes surfaces spectaculaires de la possession, là où l’existence se mesure exclusivement à l’aune des calculs du fétichisme marchand, de l’errance narcissique et du coloriage stupide de la vie fausse (p. 27). » La collusion et le reniement sont inévitables parce que « le spectacle moderne de la dictature démocratique de la marchandise se révèle comme le règne autocratique de la liberté de marché enfin parvenu à mettre en mouvement la plénitude mondiale de sa logique appropriative (p. 22) ». Jeux politiciens et campagnes électorales ne sont donc que des diversions qui neutralisent le potentiel contestataire, révolutionnaire, des Européens. « La démocratie de la marchandise spectaculaire est un énorme carnaval parodique qui se confond avec la fin désormais manifeste de toute possibilité pour l’intelligence d’apparaître de manière perceptible dans aucun domaine qui se prétend officiellement compétent pour causer de sa spécialité. Le seul fait que le faux soit désormais reconnu pour le vrai sans aucune discussion lui a donné cette qualité magique tout à fait exceptionnelle de faire que le vrai a maintenant cessé d’exister pratiquement en tout lieu puisqu’il est de la sorte réduit à l’état d’une hypothèse indémontrable qui ne pourra par principe jamais être discutée (p. 17). » L’auteur ne réserve pas que ses coups à la gauche. La « droite » reçoit de belles raclées. Il s’en prend ainsi au « concept équivoque de désinformation, mise en vogue ces temps derniers par ceux qui souhaiteraient voir se mettre en place une autre forme d’économie politique de l’aliénation et qui aboutit finalement à faire croire que le mensonge résulterait d’une simple utilisation inadéquate et malveillante de l’authenticité qu’il conviendrait uniquement de changer en bon usage de réinformation, oublie que c’est la marchandise qui est en soi pure contre-vérité. tant que le fétichisme de la marchandise existera, et peu importe là quelle faction étatique en assume la gestion, le renseignement et l’investigation, la vérité officielle du spectacle démocratique ne saurait être chose que la perfidie impérialiste du marché, puissance la plus hostile qui puisse être pour la vraie passion de vérité humaine. Ainsi, de l’extrême droite à l’extrême gauche du Capital, tous les contre-médiatiques qui voudraient simplement changer d’État et modifier la donne de l’argent, omettent de voir que le faux ne résulte nullement de soi-disant mauvais jugements, observations ou déductions mais qu’il est, a contrario, l’impeccable conclusion du bon raisonnement spectacliste de l’intellection marchande (p. 19). »

     

    Pour Francis Cousin, non seulement « le temps médiatique du spectaculaire mercantile purge chaque soir le déroulement des événements pour réinventer chaque matin la comédie d’un nouveau théâtre où le triomphe du pouvoir culturel du profit emprisonne toujours plus les hommes dans la consommation illusoire d’objets inutiles et dans la prosternation devant la puissance universelle de la marchandise totale ravageant l’ensemble des domaines du vécu (p. 11) », mais « le fétichisme de la marchandise étant devenu le Tout du monde, la seule chose qui puisse s’y présenter c’est, d’entrée, l’imprimature systémique, irréfléchi et stéréotypé de tout ce par quoi la cybernétique du ministère de la Vérité a fait du monde le spectacle du Tout de la marchandise (pp. 17 – 18) ». Implacable dans son jugement, il assène que « le héros journalistique comme tous les héros scientifiques, artistiques ou bancaires est toujours un supplétif de la Bourse, de la Maffia ou de l’État. Il se rêvasse toujours en conseiller du Prince et c’est pourquoi il est l’ennemi des vérités indésirables, chargé simplement d’aider à passer le temps de la liberté dictatoriale du marché (p. 20) ». Francis Cousin en profite aussi pour se moquer de « l’actuelle mode orwelliste qui voit tous les thuriféraires du spectacle critique faire aujourd’hui obstacle massif à une véritable critique du spectacle de la marchandise en tant que telle, il convient sans cesse de rappeler que la décence commune, la réputée common decency (comme cœur radical de toute protestation humaine contre l’in-humain) sur laquelle insiste avec tant de justesse Orwell est, pour paraphraser Marx, d’abord et avant tout une activité pratique – critique puisque la discussion sur la réalité ou l’irréalité d’une pensée qui s’isole de la pratique, est d’emblée et purement la scolastique de l’illusoire (p. 14) ». Cet illusoire est solidement cadenassé. Il conduit les populations à accepter un sort sordide.

     

    « Le XXIe siècle, né du triomphe des perfectionnements totalitaires de la finance occidentale par les vétustés carcérales du capitalisme soviétique, s’impose dorénavant planétairement comme abondance fastueuse de la sur-vie dans les galeries marchandes des droits de l’homme commercialisé (p. 22). » Dans ce nouveau totalitarisme sophistiqué et indolore, l’État joue le rôle de gardien vigilant, voire de garde-chiourme attentif. Il assure à la domination de l’avoir les moyens de perdurer. Il y a d’abord « l’alliance militaire États-Unis/O.T.A.N./Israël [qui] n’a qu’un seul but : […] vassaliser davantage les Européens en tentant de les distancier toujours plus de la perspective de s’installer fortement sur le marché des vraies décisions mondiales (p. 215) ». Ensuite, « les fauves urbains de l’économie souterraine qui brûlent rituellement des voitures ne sont pas des enfants d’ouvriers en révolte qui se battent par haine de la marchandise, mais des paumés incultes adorateurs du fric, de ses modes insanes et de toutes ses grossières insipidités. Bien loin d’être des persécutés en rupture, ce sont les enfants chéris du système de la discrimination positive de l’anti-subversif, les talismans médiatiques de l’ordre capitaliste à révérer (pp. 30 – 31) ». Les racailles des banlieues sont les mercenaires du terrorisme d’État. Certes, « l’État a toujours été terroriste [… et] a toujours recruté ses troupes de choc dans la faune des truands et des proxénètes et il a toujours usé du lumpenprolétariat abruti pour écharper le prolétariat insoumis. À l’heure où des groupes financiers peuvent s’acheter des pays entiers, il est normal qu’à côté des polices et des armées officielles, la tyrannie démocratique du marché puisse lever dans toutes les banlieues racailleuses de la planète des milices privées, des polices parallèles et des cohortes de toutes sortes chargées d’aider à la défense des sanctuaires du profit (p. 44) ». On a compris que « le terrorisme d’État est la continuation de la politique de l’économie de crise par d’autres moyens et sur d’autres modes plus expéditifs. Il accomplit ici la force supérieure des manœuvres obscures de l’État de droit (p. 41) ». Bref, « le spectacle terroriste mondial est le prolongement de la politique de guerre commerciale (p. 217) ».

     

    Anti-politique conséquent, Francis Cousin ne soutient aucun régime en place sur le globe. Il les vomit tous. « La mythologie tiers-mondiste sud-américaine de Chavez n’est pas mieux en l’être que les fadaises éthico-monétaristes nord-américaines d’Obama… (p. 247). » Un puissant pessimisme semble pourtant le tenir. Il juge que « les peuples vont immanquablement disparaître et s’y substitueront alors des populations informes de libres consommateurs serviles de la temporalité échangiste du métissage obligatoire en l’adoration des galeries marchandes de la dépense (p. 301) ». Aurait-il compris que le retour à l’être est impossible et que son unité primordiale est irrémédiablement perdue ? Cela n’empêche pas que L’être contre l’avoir soit un grand ouvrage subversif et vivifiant.

     

    Georges Feltin-Tracol http://www.europemaxima.com/

     

    • Francis Cousin, L’être contre l’avoir. Pour une critique radicale et définitive du faux omniprésent…, Le retour aux sources, 2012, 331 p., 21 €.

  • Brave FMI : Peut mieux faire !

    COMMUNIQUÉ de presse de Jacques MYARD, Député UMP, Président du Cercle Nation et République

    Le rapport annuel du FMI sur la France rappelle à juste titre la nécessité d'effectuer des réformes fondamentales et structurelles, telle la réforme des retraites qui doit passer par un allongement du temps de travail ou celle des cotisations sociales qui pèsent sur le coût des salaires et, en conséquence, sur la compétitivité des entreprises.

    Ce sont là des évidences connues et acceptées par tous les esprits objectifs et honnêtes sauf par le gouvernement socialiste...
    Mais ce rapport ne manque pas de sel lorsqu'il fustige la réduction accélérée des dépenses publiques qui va directement freiner la croissance conformément aux nouvelles analyses menées par Olivier Blanchard sur le taux du multiplicateur de la réduction de la dépense publique. Les experts du FMI oublient un peu trop vite les icônes qu'ils ont adorées pendant des décennies, alors qu’ils ont dénoncé à l'envie la dépense publique comme l'ennemi public numéro un !
    Mais surtout le FMI ne va pas au bout de sa logique : il refuse de se rendre à l'évidence lorsqu'il constate le perte de compétitivité de la France, il ne dit mot du handicap structurel qu'est la monnaie unique qui est la principale cause de la perte de compétitivité des entreprises françaises ! Il se contente de prôner des mesures de dévaluation interne très largement insuffisantes pour regagner des marges de manœuvre, seule une dévaluation externe peut relever le défi de la compétitivité et de la relance économique.
    Le FMI demeure pétri d’idéologie, tout comme Bruxelles et Francfort, et continue de nier la réalité d'une monnaie unique qui est structurellement inadaptée à des économies divergentes et de niveaux très différents.
    Oui, la France doit faire des réformes structurelles et au premier chef l'euro qui étrangle son économie depuis plus de dix ans !¢
    Jacques MYARD
    Député UMP
    Président du Cercle Nation et République

    Le 6 août 2013  http://www.francepresseinfos.com/

  • « Le Capital » de Marx, une analyse toujours plus actuelle ! par Pierre LE VIGAN

    Le Capital n’est pas une « révélation » écrivent  Ben Fine et Alfredo Saad-Filho, les auteurs de Capital ! Introduction à l’économie politique de Marx. Mais l’opus magnum de Marx reste un livre essentiel. Sa lecture n’est pas aisée compte tenu de ce qu’il s’appuie sur un contexte historique qui n’est plus le nôtre. Il est constitué de trois livres, auquel on ajoute parfois – ce que ne font pas les auteurs – les théories sur la plus-value qui constitueraient un livre IV. Des trois premiers livres du Capital, seul le premier est paru du vivant de Marx, les deux suivants sont des notes rassemblées par Engels. Dans ces trois livres, Marx s’attache successivement aux questions de la production, de la circulation, et de la reproduction de la valeur – concept central chez Marx (la valeur en économie a comme seule source le travail, vivant ou cristallisé dans les machines).

     

     

    « Toute théorie sociale, y compris la théorie marxiste, devient une parodie d’elle-même et perd sa validité si elle est poussée au-delà du champ historique dans lequel elle s’applique » notent les auteurs. C’est pourquoi il était important de déterminer dans quelle mesure la situation actuelle peut être comprise – ou non – en s’appuyant sur la méthode créée par Marx il y a près de 150 ans.

    C’est le grand intérêt de ce livre à la fois clair et approfondi. Production, répartition et finance relèvent d’une même logique, tout comme niveau national et international sont issus du même processus de recherche de valorisation du capital. Les auteurs ne manquent pas de souligner le rôle de la financiarisation ou « capital porteur d’intérêt » dans l’étape actuelle du capitalisme. « Le capital porteur d’intérêt a activement promu l’accumulation du capital financier (fictif) aux dépens des actifs productifs. » C’est parce que Marx analyse un processus et ne se contente pas de décrire une réalité économique et sociologique que Le Capital est plus actuel que jamais.

     

    Pierre Le Vigan http://www.europemaxima.com/

     

    • Ben Fine et Alfredo Saad-Filho, Capital ! Introduction à l’économie politique de Marx, Raisons d’agir, 266 p., 10 €

    • D’abord mis en ligne dans une version simplifiée sur Métamag, le 4 juin 2013.

  • Tout pour les « quartiers », rien pour la France pauvre

    La France va concentrer ses efforts sur 1.200 quartiers défavorisés au lieu de 2.400 actuellement, a déclaré vendredi la porte-parole du gouvernement. L’État va y investir 5 milliards d’euros.

    « Il s’agit de mettre fin à un certain saupoudrage et de se concentrer sur les territoires qui en ont le plus besoin », a déclaré Najat Vallaud-Belkacem, précisant : « Ces nouveaux quartiers prioritaires seront définis sur la base d’un critère unique et global de revenu des habitants – pour le dire autrement : de la pauvreté des habitants. »

    Question : pourquoi les quartiers et pas les départements les plus défavorisés ?

    On nous dit que seul le revenu des habitants doit être pris en compte, mais alors il faut privilégier le Cantal, l’Ariège et l’Aude, les trois départements les plus pauvres. D’après une étude du Secours catholique, corroborée par les autres associations caritatives, dans ces départements 80 % des personnes aidées par ces organisations sont de nationalité française. Est-ce pour cela que l’on n’en parle jamais ?

    86,1 % des demandes exprimées portent essentiellement sur l’alimentation, mais le plus bouleversant est le besoin d’écoute des gens faisant l’objet d’une séparation, d’un divorce, d’un abandon ou encore souffrant d’isolement. Ils sont ainsi 67,4 % à attendre un peu de chaleur humaine. Ils sont loin d’être retraités : 41,5 % des personnes les plus touchées sont âgées de 25 à 40 ans ; leur dénuement est souvent la conséquence du chômage, lui-même essentiellement provoqué par une maladie de longue durée ou un accident. Il faut savoir que dans ces coins de l’Hexagone, 30 % des habitants ne touchent aucun revenu, et même lorsqu’ils bénéficient du RSA (50 % d’entre eux), leurs problèmes sont souvent insurmontables.

    Cette situation est elle tolérable ? Est il tolérable, par exemple, que Lyliane, retraitée de 62 ans, sans argent et sans domicile, ait dormi en juin dans un cimetière de Vineuil-Saint-Firmin, dans l’Oise, après avoir erré dans la région ? Est il tolérable qu’elle ne vive plus chez elle depuis 2006, victime de fraudes bancaires l’ayant laissée sans ressources ?

    Abandon ou désintérêt, cela fait longtemps que nos gouvernements successifs ont laissé tomber les Français de régions perdues. Comment tolérer de voir une partie de la France au bord de la mendicité alors que des sommes considérables sont déversées dans les cités de la petite couronne, et de Seine-Saint-Denis notamment ? Comment tolérer que les voitures brûlées, les trafics de drogues ou d’armes prospèrent dans ces mêmes quartiers « défavorisés » quand les ruraux des villages, malgré leur misère, paient leurs impôts et leur loyer ? Comment tolérer que le Qatar aide en priorité, dans notre pays, ces mêmes zones souvent de « non-droit » au détriment de départements totalement sinistrés ?

    Madame Vallaud-Belkacem, on attend avec intérêt la rentrée pour connaître le nom de vos quartiers et combien se situeront dans les départements les plus pauvres. Hélas, on se fait peu d’illusions !

    J.-P. Fabre Bernadac dans Boulevard-voltaire

    http://fr.altermedia.info/

  • Comment les banques gagnent de l’or en stérilisant des matières premières

    « Les banques devraient être des banques, pas des sociétés pétrolifères »
    Pour les ultralibéraux les marchés et les bourses éclairent les décideurs économiques à l’aide d’indicateurs rationnels. La réalité est tout autre : adossées aux facilités financières de la Banque fédérale de réserve américaine (la FED), les grandes banques de Wall Street spéculent sur les matières premières (pétrole, blé, cuivre, aluminium, etc.),  pèsent sur leurs cours et disposent, avant d’autres acteurs économiques, d’éléments permettant d’anticiper l’évolution du cours de bourse des entreprises qui achètent les matières premières, objet des spéculations. C’est l’institutionnalisation du délit d’initié. Même certains journaux américains « mainstream » commencent à s’en émouvoir. Polémia publie sous la signature d’une de ses correspondantes un texte présentant un article de David Kocieniewski, paru le 20 juillet 2013, dans le « New York Times ». Nous livrons aussi à nos lecteurs l‘intégralité de l’article intitulé « Des tas d’aluminium mais, pour les banques, de l’or pur ». A  déguster et à méditer.
    Polémia

    Je suis avec beaucoup d’intérêt l’actualité financière, comme on lit un polar, sauf que la fin n’est pas encore rédigée…
    Plusieurs grosses banques (Goldman Sachs, JP Morgan par exemple) ont mis en place une spéculation sur les matières premières (blé, pétrole, aluminium, etc.). Dans l’article ci-après que j’ai traduit en français (tiré du New York Times) il est décrit très précisément comment elles procèdent. Vous comprendrez comment certains malins ont deviné que le cuivre allait flamber ; attention aux poignées de porte qui risquent de disparaître !
    Pour rappel ou information, Blythe Masters, une Anglaise de 48 ans, chargée du négoce sur les matières premières de la JP Morgan, a créé en 1994 ce qu’on appelle les CDS ou couvertures de défaillance. L’idée était de diluer sur plusieurs assureurs le risque d’assurance supporté pour de grosses opérations financières. Le procédé a été repris partout et, au final, a été un des éléments de la crise des subprimes. Pierre Jovanovic a écrit un livre à son sujet, que l’on peut compléter par les ouvrages de Paul Jorion sur la crise financière pour comprendre les mécanismes qui ont conduit à la situation actuelle.
    Certaines banques dont Goldman et la JP Morgan, se sont aussi focalisées sur le marché des matières premières, surtout après le commencement de la crise en 2008. La JP Morgan a créé ce qu’elle nomme un centre de profit consacré à cette activité. Or, la semaine dernière, la JP Morgan a décidé d’y mettre un terme et négocie actuellement un accord à l’amiable de 500 millions d’euros avec les autorités, pour éviter des poursuites à l’encontre de la banque et de Blythe Masters.
    Ce qui est intéressant est que quand on lit la presse anglo-saxonne (article ci-après) il est fort possible que Goldman Sachs et JP Morgan se fassent une guerre impitoyable, via les autorités de régulation qui ne seraient pas réellement aux manettes. C’est la bataille des Titans. Goldman a l’air de prendre le dessus. D’après certaines sources journalistiques, il n’y aurait pas de place pour deux.
    Quelle est la conséquence économique pour les citoyens (là où les Anglais utiliseraient le vocable de consommateurs tant ils sont imprégnés de commerce) ?
    - une inflation : les prix des denrées alimentaires augmentent beaucoup plus que le taux d’inflation officiel ;
    - les salaires et pensions non indexés sur cette inflation réelle ;
    - l’argent ne circule pas dans l’économie mais va soit dans des jeux d’écriture soit se placer dans des bulles spéculatives ;
    - les banques anglo-saxonnes bénéficient d’argent gratuit (planche à billets de la Fed) et peuvent acquérir des actifs d’autant plus facilement qu’on explique aux Etats qu’étant déficitaires ou défaillants ils ont tout intérêt à vendre leurs bijoux de famille ;
    - les économies des Français servent à renflouer les banques françaises en sursis (le livret A etc. qui va renflouer l’ardoise de Dexia) et, donc, cet argent ne circule pas non plus.
    On laissera le lecteur libre d’imaginer les conséquences.  Nous risquons d’avoir :
    - une surveillance de la population par des moyens techniques accrus (caméra, traçabilité, etc.) qui sera justifiée par la montée des vols, incidents, etc. ;
    - un contrôle de l’argent accru (comme l’obligation de payer en virement tout paiement à partir de 10.000 euros et bientôt 4.000 euros) afin d’éviter la ruée aux guichets en cas de défaillance ;
    - une augmentation de la fiscalité, et notamment immobilière pour obliger les gens à payer des taxes ou à vendre (et payer d’autres taxes en vendant), or, vu la montée du chômage, il va y avoir des situations d’arbitrage douloureux ;
    - une monnaie qui perd de sa valeur, avec la création éventuelle d’une nouvelle monnaie avec une zone plus large (Etats-Unis + Europe) ; voir l’analyse de Pierre Hillard sur ce sujet.
    Il a été déjà mis en place un système de renflouage des banques européennes via les comptes bancaires qui seraient ponctionnés en cas de faillite, ce qui comprend les comptes de dépôts de trésorerie des entreprises.
    Bonne lecture, en attendant que les Goldman & Cie rachètent les instruments de musique après nous avoir fait bien danser !
    VBS 29/07/2013

    Correspondance Polémia – 3/08/2013

    Business Day
     Des tas d’aluminium mais, pour les banques, de l’or pur
    Des centaines de millions de fois par jour, des Américains assoiffés ouvrent une cannette de soda, de bière ou de jus de fruit. Et à chaque fois, ils payent une fraction d’argent en plus à cause des manœuvres de la part de Goldman Sachs et d’autres agents financiers coûtant finalement aux consommateurs des milliards de dollars.
    L’origine de ce mécanisme commence dans les 27 entrepôts de la région de Detroit où une filiale de la Goldman Sachs entrepose l’aluminium des consommateurs. Chaque jour, une flopée de camions déplacent des barres de métal entre ces entrepôts. Deux à trois fois par jour, parfois plus, les camionneurs suivent le même parcours. Ils remplissent un entrepôt. Ils en vident un autre. Et ils recommencent.
    Cette gigue logistique a été chorégraphiée par Goldman pour user de la régulation des prix déterminée pour les échanges de matière première, ce qu’une enquête du New York Times a révélé. Ces allers-retours augmentent les délais de stockage. Et cela remplit de plusieurs millions annuels les coffres de la Goldman qui détient les entrepôts et fait payer des loyers pour le stockage. Cela fait aussi augmenter les prix payés par les manufacturiers et par les consommateurs dans tout le pays.
    Tyler Clay, un camionneur qui travaillait dans les entrepôts de Goldman jusqu’à cette année, appelle ce procédé « le tour de manège des métaux ».
    Seulement environ un dixième du prix d’une cannette peut être imputé à cette stratégie. Mais multiplions cela par 90 milliards de cannettes consommées par an aux E-U (ajoutez les tonnes d’aluminium dans les voitures, l’électronique, etc.) et les efforts de la Goldman et d’autres opérateurs financiers auront coûté aux consommateurs plus de 5 milliards de dollars sur les 3 dernières années, d’après d’anciens cadres, analystes ou consultants de ce secteur.
    Le prix gonflé artificiellement de l’aluminium n’est qu’une manière dont Wall Street exerce ses muscles et capitalise sur des règlements fédéraux plus laxistes afin d’influencer une série de marchés des matières premières, selon des documents réglementaires, les archives et des interviews de personnes dans ces secteurs.
    Ces manœuvres dans les marchés du pétrole, blé, coton, café et d’autres encore ont ramené des profits aux banques comme la Goldman, JP Morgan et la Morgan Stanley, obligeant les consommateurs à payer un peu plus à chaque fois qu’ils font le plein, allument la lumière, boivent une bière ou achètent un téléphone portable. L’année dernière, les autorités fédérales ont accusé 3 banques, dont la JP Morgan, de truquer le prix de l’électricité et la semaine dernière la JP Morgan essayait d’obtenir un règlement à l’amiable qui pourrait lui coûter 500 millions de dollars.
    Utilisant des exemptions spéciales octroyées par la Réserve fédérale et des règlements plus lâches approuvés par le Congrès, les banques ont acheté une quantité impressionnante d’infrastructures utilisées pour le stockage et la livraison (des pipelines, raffineries en Oklahoma, Louisiane, Texas, des flottes de tankers pétroliers dans le monde, des sociétés qui contrôlent les opérations dans des ports principaux comme Oakland, Calif., et Seattle).
    Dans le cas de l’aluminium, Goldman a acheté la Metro International Trade Services, l’une des plus grandes sociétés spécialisées dans le stockage des métaux. Plus du quart de l’approvisionnement disponible sur le marché est gardé dans les entrepôts de cette société à Detroit.
    Avant que Goldman achète cette société il y a 3 ans, les clients des entrepôts attendaient une moyenne de six semaines pour que leur achat soit localisé, enlevé et livré. A l’heure actuelle, maintenant que la Goldman détient cette société, la durée d’attente a été multipliée par plus de dix (plus de 16 mois, selon les données du secteur).
    Des délais plus longs peuvent être perçus comme une simple difficulté, mais ils font augmenter les prix partout dans le pays, à cause de la formule économique utilisée pour fixer le prix du métal sur le marché de gré à gré. Les délais sont devenus si problématiques que Coca-Cola et d’autres manufacturiers n’achètent pas d’aluminium stocké là-bas. Mais ils achètent de toute façon de ce fait, à un prix plus élevé.
    Goldman Sachs déclare être en conformité avec les standards du secteur qui sont fixés par le marché des métaux de Londres et il n’est pas suggéré que ces activités enfreignent quelque loi ou règlement que ce soit. Metro International, qui n’a pas souhaité s’exprimer à ce sujet, a dans le passé attribué les délais d’attente à des problèmes de logistique, un manque de camions et de conducteurs, et des complications administratives pour le suivi de ce métal. Mais les interviews conduites avec des employés et anciens employés de cette société, ainsi qu’avec une personne ayant une connaissance approfondie du business plan de la société, suggèrent que les temps d’attente prolongés font partie de la stratégie de la société et permettent à Goldman d’augmenter les profits de ses entrepôts.
    Metro International détient environ 1,5 million de tonnes d’aluminium à Detroit mais les règles de l’industrie veulent qu’un métal ne peut rester ad vitam aeternam dans un entrepôt. Au moins 3.000 tonnes doivent bouger chaque jour. Mais presque aucun métal que la Metro déplace ne va aux clients, selon nos interviews. A la place, il est déplacé d’un lieu de stockage à l’autre.
    Puisque la Metro Internaional facture un loyer pour chaque jour de métal stocké, les longues attentes provoquées par le mouvement de l’aluminium entre les entrepôts signifient de plus grands profits pour Goldman. Et comme le prix du stockage est un des éléments majeurs du « premium » qui forme le prix du marché de l’aluminium, les délais signifient un prix plus élevé pour pratiquement tout le monde, même si le métal ne passait jamais par l’un des entrepôts de Goldman.
    Selon des analystes de l’industrie de l’aluminium, les délais prolongés de la Metro International depuis que Goldman l’a acquise sont la raison majeure du doublement du prix sur le marché depuis 2010. Le résultat est un coût additionnel de 2 dollars pour 1.000 cannettes de boisson, et près de 12 dollars pour une voiture américaine moyenne.
    « C’est un coût totalement artificiel », a déclaré Jorge Vazquez, cadre dirigeant à Harbor Aluminium Intelligence, une société de conseil dans les matières premières ; « cela pèse sur l’économie, et tout le monde paye ».
    Les représentants de la Metro ont déclaré qu’ils ne faisaient que réagir aux forces du marché et sur leur site internet ils décrivent leur rôle comme permettant de « regrouper ensemble les producteurs de métal, vendeurs et utilisateurs » aidant à « créer et maintenir la stabilité » des échanges.
    Mais la place de Londres des échanges du métal, qui suit 719 entrepôts dans le monde, n’a pas toujours été un arbitre impartial ; elle reçoit 1% de tous les loyers reçus par les entrepôts. Jusqu’à l’année dernière, elle était détenue par certains membres, notamment Goldman, Barclays et Citigroup. Beaucoup de ses règlements ont été formulés par le comité sur le stockage de la place de Londres des échanges du métal, incluant le président de la Metro ainsi que des représentants de sociétés de commerce puissantes en Europe. La place des échanges du métal a été vendue l’année dernière à un groupe d’investisseurs de Hong Kong et ce mois-ci il a été proposé de nouvelles régulations qui pourraient être effectives en avril 2014 et dont l’effet attendu est de réduire les congestions de Metro.
    Tout ceci pourrait finir si le conseil de la Banque fédérale américaine refusait de proroger les exemptions qui ont permis à Goldman et Morgan Stanley de faire des investissements majeurs dans des activités non financières, bien qu’il y ait des signes que Washington et la Fed vont laisser la situation inchangée. Les banques de Wall Street pendant ce temps ont tourné leur attention sur une autre matière première : après des efforts de lobbying continus, la SEC a approuvé l’année dernière un plan qui va permettre à JP Morgan Chase, Goldman et BlackRock d’acheter 80% du cuivre disponible sur le marché.
    Dans les documents officiels de la SEC, Goldman a déclaré qu’au début de l’année prochaine elle prévoyait de stocker au même endroit, à Detroit, du cuivre. Samedi dernier cependant, Michael DuVally, un représentant de Goldman, a déclaré que la banque avait décidé de ne pas s’engager dans le cuivre bien qu’il ne l’ait pas publiquement confirmé. Il n’a pas souhaité détailler ce sujet.

    Les banques sont devenues des négociants de matière première
    Durant presque tout le dernier siècle, le Congrès avait essayé de maintenir un mur entre les activités bancaires et le commerce : les banques ne pouvaient pas détenir des activités non financières (et vice-versa) pour minimiser les risques qu’elles prenaient et, enfin, pour protéger les déposants. Le Congrès a renforcé ces règles dans les années 1950 mais dans les années 1980, une vague de dérégulation commença et les banques, dans certains cas, se sont transformées en traders, selon Saule T. Omarova, un professeur de droit à l’Université de Caroline du Nord et expert en régulation financière. Goldman et d’autres sociétés ont obtenu l’approbation du législateur pour acheter des sociétés qui échangeaient du pétrole ou d’autres matières premières. D’autres restrictions furent réduites ou levées dans les années 1990 quand certaines banques ont été autorisées à se diversifier sur le stockage et le transport de marchandises.
    Ces dix dernières années, une poignée de sociétés détenues par des banques ont cherché et obtenu l’approbation de la Fed pour acheter des actifs de trading de matières premières.
    Selon les documents officiels concernant la JP Morgan Chase, la Fed a déclaré que ces arrangements ne pouvaient être approuvés que s’ils ne posaient aucun risque pour le système bancaire et pouvaient « raisonnablement produire des effets positifs pour le public comme une meilleure disponibilité, une compétition accrue, une plus grande efficacité, effets supérieurs à d’éventuels effets négatifs comme une concentration excessive des ressources, une baisse de la compétitivité ou une compétition déloyale, des conflits d’intérêts ou des pratiques bancaires déraisonnables ».
    En contrôlant les entrepôts, pipelines et ports, les banques ont une connaissance importante du marché, d’après les analystes. Cela leur permet d’avoir une avance sur la transaction sur le marché des matières premières. Sur le marché des actions, une telle structuration peut être vue comme un conflit d’intérêt, ou même une information privilégiée. Mais dans le domaine du marché des matières premières, c’est parfaitement légal.
    « L’information a de la valeur dans le monde du trading des matières premières, et la seule manière de l’obtenir est d’être dans le marché physique », d’après Jason Schenker, président et économiste en chef de Prestige Economics à Austin, Texas. « Ainsi, les institutions financières qui s’impliquent dans le trading des matières premières ont un avantage décisif car la propriété d’actifs réels leur donne des informations sur le flux physique des matières premières ».
    Certains investisseurs disent que les banques ont aidé les consommateurs en encourageant les investissements et en rendant les marchés plus efficaces. Mais même les banques ont parfois avoué que les activités de Wall Street dans les matières premières sur les dix dernières années ont contribué à une partie des augmentations des prix.
    En 2011, par exemple, un mémo interne de Goldman Sachs suggère que la spéculation des investisseurs compte pour un tiers du prix du baril de pétrole. Un membre de la commission des trading sur les contrats à terme, un régulateur fédéral, a utilisé cette estimation pour calculer que la spéculation a généré 10 dollars de coût dans le plein d’un conducteur américain moyen. D’autres experts ont trouvé que le coût total combiné serait de 200 milliards par an.

    De hauts premiums (franchises ou bonus)
    L’entrée dans l’un des principaux entrepôts de Metro International de la région de Detroit n’est pas signalée hormis un panneau avec deux mots : Mount Clemens, soit le nom de la ville.
    La plupart du temps en journée il n’y a qu’une poignée de voitures sur un parking et, à 17 heures, le parking et le poste de surveillance sont souvent vides d’après les voisins. Cependant à l’intérieur de deux entrepôts caverneux il y a des rangées et des rangées de barres de métal gigantesques, pesant plus d’une tonne chaque, empilées sur 4,5 m de hauteur.
    Après que Goldman eut acheté la société en 2010, Metro International a commencé à entasser. Elle a même commencé à payer un bonus important aux traders qui stockaient leur aluminium chez elle – tandis que la réserve d’aluminium augmentait, de 50.000 tonnes en 2008 à 850.000 en 2010 et à près de 1,5 million aujourd’hui, le temps d’attente pour retirer le métal et le prix, aussi. A l’été 2011, les augmentations de prix ont amené Coca-Cola à se plaindre auprès du régulateur de l’industrie, le London Metal Exchange (L.M.E.), indiquant que les retards de Metro en étaient la cause.
    Martin Abbott, à la tête de la L.M.E. a alors indiqué qu’il ne pensait pas que les retards de livraison étaient la cause du problème. Mais le groupe a essayé de calmer la fureur en imposant de nouvelles règles sur le doublement du volume de métal que les entrepôts devaient envoyer chaque jour, de 1.500 à 3.000 tonnes. Mais peu de traders ou de manufacturiers pensaient que cela réglerait le problème.
    « Ce changement est trop faible et trop tardif pour avoir un effet effectif à moyen terme sur un marché physique déjà très tendu, surtout aux Etats-Unis », d’après un analyste de la Morgan Stanley dans une note de cet été destinée aux investisseurs.
    En effet, les temps d’attente de la Metro ont augmenté, provoquant une nouvelle augmentation du coût. D’anciens et d’actuels employés de la société disent que ces délais sont intentionnels.
    Les analystes et les employés de sociétés pensent que la grande majorité de l’aluminium déplacée dans les entrepôts de la société Metro n’appartient pas à des manufacturiers ou des grossistes, mais à des banques, des hedge funds et des traders. Ils achètent des lots d’aluminium dans des contrats financiers. Quand ces contrats arrivent à terme, et le métal avec, les propriétaires peuvent choisir de les renouveler, un processus connu sous le nom de re-warranting.
    Pour encourager les spéculateurs sur l’aluminium à renouveler leurs contrats, Metro offre à certains clients un bonus de 230 dollars par tonne, et généralement déplace le métal d’un endroit à l’autre, selon des analystes et des employés de la société.
    Pour les propriétaires, ces bonus signifient de la trésorerie immédiate et la possibilité de réaliser des profits si les prix augmentent. Pour Metro, cela permet de garder des délais longs, et de facturer un coût de stockage de 48 cents par tonne. Goldman a acheté la société pour 550 millions de dollars en 2010 et, aux taux actuels, elle pourrait ramasser près de 250 millions de loyers par an.
    Les responsables de la Metro ont refusé de discuter les détails des renouvellements contractuels ou des politiques commerciales.
    Mais les analystes en métal, comme M. Vazquez, estiment que 90%, ou plus, du métal déplacé à Metro chaque jour partent dans un autre entrepôt pour recommencer le même jeu. Ce chiffre a été confirmé par des employés de la société familiers avec les comptes de la Metro et qui se sont exprimés anonymement à cause des politiques de confidentialité de la Metro.
    Goldman Sachs n’a pas souhaité parler du détail de ses opérations. M. DuVally, porte-parole de Goldman Sachs, a indiqué que la London Metal Exchange interdit aux sociétés de stockage de métaux d’être propriétaire de métaux, donc tout l’aluminium chargé et déchargé par Metro est stocké et envoyé vers d’autres propriétaires.
    « En fait », a-t-il dit, « les entrepôts de métaux ont l’interdiction de vendre ou d’acheter tous les produits de ce type pour leur propre compte ».
    Comme les délais d’attente ont augmenté, beaucoup de manufacturiers se sont tournés ailleurs pour acheter leur aluminium, souvent en achetant directement auprès des mines ou des points de traitement, en s’affranchissant totalement des entrepôts/grossistes. Mais même actuellement, les délais augmentent les coûts des manufacturiers, car ils impactent le premium qui s’ajoute au prix de l’aluminium vendu sur le marché.

    La danse des entrepôts
    Malgré les retards, beaucoup des entrepôts de Metro n’ont qu’une seule tournée et restent sans activité pendant 12 heures par jour. Dans une ville comme Detroit, où les usines opèrent 24h sur 24h si besoin est, les employés disent qu’un rythme si lent n’a pas de précédent.
    Quand ils travaillent, les manutentionnaires disent qu’il est plus urgent de charger ou de déplacer l’aluminium d’un entrepôt à l’autre plutôt que de l’envoyer ailleurs. M. Clay, un manutentionnaire, qui a travaillé à Mount Clemens jusqu’à février dernier, a indiqué que si l’aluminium arrive par de gigantesques trains, il quitte les lieux par mince filet et en camion.
    « Ils remplissent un entrepôt et parfois, quand l’un est totalement plein, ils le ferment et envoient les conducteurs ici pour en remplir un autre », d’après M. Clay, 23 ans.
    Comme le principal est simplement transporté d’un entrepôt à l’autre, les employés disent qu’ils voient régulièrement les mêmes conducteurs faire trois ou plus d’allers-retours chaque jour. Anthony Stuart, un chef d’équipe de Mount Clemens jusqu’à 2012, a dit que lui et son neveu, qui travaillait dans un entrepôt de Metro à 4 km à Chester Township, demandaient régulièrement aux chauffeurs de passer des messages entre eux.
    « Parfois je parlais à mon neveu le week-end et nous plaisantions à ce sujet, je lui demandais s’il avait reçu tout le métal que nous lui avions envoyé, et il me répondait que oui, me demandant si j’avais tout ce qu’ils nous avaient envoyé ».
    M. Stuart a aussi ajouté qu’il ne croit pas en l’explication de Metro selon laquelle la raison majeure des retards en mois des délais de livraison était la difficulté pour la société de localiser le lot d’aluminium spécifique de chaque client et de déplacer les énormes barres pour y accéder. Quand il arrivait au travail, la tâche de M. Stuart était d’identifier et d’enlever les lots spécifiques des vastes piles de l’entrepôt et de les préparer pour les camions.
    « Tout est organisé en rangées », a-t-il dit, « vous pouvez trouver et prendre tout ce que vous voulez en une journée si vous le voulez. Et si vous êtes pressé, quelques heures suffisent au maximum ».
    Quand la place des échanges des métaux de Londres (L.M.E.) a été vendue à une société de Hong Kong pour 2,2 milliards de dollars l’année dernière, son directeur exécutif avait promis d’utiliser un « bazooka » pour régler le problème d’attente prolongée.
    Mais le nouveau propriétaire de cette place des échanges a reculé et a adopté une solution proposée par un consultant engagé pour étudier la question en 2010 : limiter le loyer que les entrepôts peuvent collecter durant l’attente de la livraison. La place des échanges reçoit 1% de ce loyer, donc une telle mesure lui coûterait des millions en chiffre d’affaires.
    D’autres utilisateurs d’aluminium ont pressé la place des échanges d’interdire les sociétés de stockage d’offrir des bonus à ceux qui ne font que stocker des réserves d’aluminium, mais sans succès.
    Le mois dernier cependant, après des plaintes d’un consortium de brassiers, la place a proposé de nouvelles règles qui exigeraient que les sociétés de stockage livrent plus de métal qu’elles ne réceptionnent. Mais des sociétés financières ont levé des objections à ces nouvelles mesures, en déclarant qu’elles pourraient impacter négativement les traders et les producteurs. Le conseil de la place des échanges va soumettre au vote cette proposition en octobre et, si elle passait, elle ne pourrait pas prendre effet avant avril 2014.
    Nick Madden, chef des achats pour l’un des plus grands acheteurs d’aluminium du pays, Novelis, a dit que cette situation illustrait les dangers de laisser les industries se réguler elles-mêmes. Il a ajouté que la place des échanges a toléré pendant des années des délais d’attente et des premiums sur les prix, et sa proposition, bien qu’encourageante, est encore loin de régler la question. « Nous sommes soulagés que la place prend enfin des mesures qui vont au final aider le marché et normaliser la situation », a-t-il dit. « Cependant, nous allons encore avoir une nouvelle année de prix gonflé et un risque d’approvisionnement ».
    Entretemps, la Fed, qui régule Goldman Sachs, Morgan Stanley et d’autres banques, revoit ses exemptions qui ont permis aux majors de faire des investissements dans les matières premières. Certaines de ces exemptions ont des dates limites, mais la Fed ne semble pas avoir de plan qui requerrait les banques de vendre leurs infrastructures de stockage et d’autres infrastructures de matières premières, selon des personnes informées.
    Un représentant de la Fed, Barbara Hagenbaugh, nous a fourni la déclaration suivante : « La Réserve fédérale suit régulièrement les activités sur les matières premières des sociétés supervisées et est en train de suivre la directive de 2003 selon laquelle certaines activités sur les matières premières sont complémentaires d’activités financières et de ce fait autorisées pour les sociétés détenues par des banques ».
    Le sénateur Sherrod Brown, qui participe aux discussions au Congrès qui auront lieu mardi prochain au sujet de l’acquisition par Wall Street des lieux de stockage, pipelines et autres actifs liés aux matières premières, a dit qu’il espère que la Fed surveille les banques.
    « Les banques devraient être des banques, pas des sociétés pétrolifères », d’après M. Brown, sénateur démocrate de l’Ohio ; « elles devraient faire des prêts, pas manipuler les marchés pour augmenter les prix des manufacturiers et exposer notre système financier entier à des risques indus ».

    Prochainement, le cuivre
    Puisque Goldman Sachs a bénéficié de son entrée follement lucrative dans le marché de l’aluminium, la JP Morgan est allée plus loin grâce à des plans pour établir un centre de profit incluant un métal encore plus crucial : le cuivre, une matière première pour l’industrie qui est extrêmement utilisée pour les maisons, l’électricité, les voitures et d’autres produits que les économistes suivent comme baromètre de l’économie mondiale.
    En 2010, la JP Morgan s’est embarquée dans une frénésie d’achat sur le marché du cuivre. En quelques semaines (le temps nécessaire pour identifier l’acheteur mystérieux) la banque a amassé 1,5 milliard de cuivre, plus de la moitié disponible stockée dans tous les entrepôts de la place. Les prix du cuivre ont atteint des sommets en conséquence.
    En même temps, la JP Morgan, qui contrôle aussi des entrepôts de métaux, a cherché à faire approuver un plan qui pourrait finalement lui permettre, ainsi que Goldman et BlackRock, d’acheter 80% du cuivre disponible sur le marché pour le compte d’investisseurs et de l’acheminer dans des lieux de stockage. Ces sociétés ont déclaré au législateur que ces réserves, qui seront utilisées pour sécuriser de nouveaux fonds de transaction sur le cuivre, n’affecteraient pas le prix de ce dernier. Mais les manufacturiers et les grossistes ont averti que ces arrangements vont tendre le marché et envoyer les prix au sommet. Ils ont demandé à la SEC de rejeter le plan proposé.
    Après une campagne de lobby intense par les banques, Mary L. Schapiro, de la SEC, a approuvé les nouveaux fonds sur le cuivre en décembre dernier, durant ses derniers jours en fonction. Les représentants de la SEC ont déclaré penser que ces fonds vont suivre le prix du cuivre mais ne vont pas l’influencer, et convergent avec la position de ces sociétés – contre l’avis de certains économistes – que la réduction du volume de cuivre disponible sur le marché ne va pas faire augmenter les prix.
    D’autres ont actuellement peur que Wall Street répète ou améliore les stratégies qui ont provoqué l’augmentation des prix de l’aluminium. Une telle situation, disent-ils, aura des conséquences sur toute l’économie. Les consommateurs finiront par payer plus cher pour des biens aussi divers que la plomberie, les voitures, les téléphones portables et les télévisions.
    Robert Bernstein, un avocat de la firme Eaton & Van Winkle, qui représente les sociétés qui utilisent du cuivre, déclare que ses clients craignent la pression des investisseurs financiers sur le marché : « Nous pensons que la SEC n’a pas vu l’évidence ».
    David Kocieniewski,
    The New York Times,
    20/07/2013
    Titre original :
    A Shuffle of Aluminum, but to Banks, Pure Gold – The New York Times
    http://www.polemia.com