Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

tradition - Page 228

  • Maurras, inlassable avocat des langues régionales

    De ses tout premiers engagements de jeunesse, Maurras a-t-il conservé l’idée que décentralisation et défense des langues régionales vont de pair ? C’est une hypothèse naturelle, tant la chose allait de soi dans la Déclaration des jeunes félibres fédéralistes de 1892. Mais ce n’est qu’une hypothèse, qu’il faudrait étayer par des études sérieuses qui, à notre connaissance, n’existent pas.

    Lorsque Maurras construit son corpus doctrinal sur la République centralisatrice, les problématiques linguistiques n’y figurent pas en première ligne, ne serait-ce que parce tous les territoires ne sont pas concernés, ou pas également concernés. On pourrait dès lors formuler l’hypothèse inverse : le combat de Maurras pour la décentralisation, qui a donné lieu à un nombre considérable d’écrits, et son combat pour la langue et la culture provençales, accessoirement pour le breton ou l’alsacien, ont été menés quasi indépendamment l’un de l’autre, avec des rencontres qui ne sont que fortuites.

    Pourquoi se poser cette question ? Simplement parce que l’ouvrage de synthèse que Maurras consacre aux langues régionales et à leur enseignement, Jarres de Biot, date de 1951, soit un an avant sa mort, alors que son équivalent L’Idée de la décentralisation a été composé en 1898.

    Un élément de réponse se trouve peut-être dans l’observation du comportement du pays légal. Tout député, même le plus pénétré d’idéologie jacobine, sera un jour en butte au pouvoir d’un préfet et en tirera la conclusion que, s’il avait été libre de ses mouvements et de ses décisions, les choses seraient allé mieux et plus vite. Il y a donc chez chaque élu un décentralisateur qui sommeille et, lorsqu’il est dans l’opposition, il trouvera aisément matière à faire une proposition en ce sens. Dans L’Idée de la décentralisation, Maurras dresse l’impressionnante liste de ces joutes parlementaires, analysées avec minutie, et nul doute qu’il a continué à les suivre avec attention tout le restant à vivre de la IIIe République. Le scénario en a toujours été le même ; le parti au pouvoir enterre le projet, quelle que soit sa couleur, et c’est l’un des siens qui en représentera un autre semblable lorsque le gouvernement sera renversé, ce qui était fréquent à l’époque.

    Les propositions en faveur des langues régionales, également récurrentes et également toujours retoquées, n’obéissaient pas à la même logique. Elles n’étaient présentées que par des élus des régions concernées, Bretons, Basques, Catalans… qui pouvaient également être décentralisateurs, mais qui souvent ne l’étaient pas. Maurras eut d’ailleurs très tôt affaire à certains dirigeants du Félibrige qui étaient de farouches jacobins. Ceci l’a sans doute amené à faire la part des choses.

    Jarres de Biot, que nous publions aujourd’hui et qui n’a été tiré à l’époque qu’en édition de luxe à 500 exemplaires, est sans doute, avec Le Mont de Saturne qui est d’un tout autre genre, le plus achevé, le plus documenté, le mieux argumenté des textes écrits par le Maurras d’après guerre.

    Sa publication fait suite à des polémiques qui se sont déroulées en 1950 pendant la discussion de la première loi républicaine sur l’enseignement des langues régionales, dite « loi Deixonne ». L’un des principaux adversaires de cette mesure fut l’académicien Georges Duhamel qui sonna le tocsin dans plusieurs articles du Figaro. Jarres de Biot est en fait la réponse de Maurras aux articles de Georges Duhamel ; il n’évoque pas la loi Deixonne en tant que telle.

    Il n’est pas inutile de resituer ces événements dans leur contexte. Tout a commencé par l’initiative de deux députés communistes bretons, Pierre Hervé et l’aïeul Marcel Cachin. Ceux-ci exhument une proposition de loi déposée avant guerre par un député démocrate-chrétien nommé Trémintin, laquelle concernait l’enseignement de la langue bretonne à l’école primaire. Ils la rajeunissent quelque peu et la déposent, le 16 mai 1947. Mais juste avant, le 5 mai, le gouvernement Ramadier se sépare des ministres communistes ; c’est le début de la guerre froide en France. La bataille pour la langue bretonne commence donc dans un climat d’affrontement violent qui lui confère un enjeu inattendu ; rapidement, le MRP s’y associe, ce qui met les socialistes en minorité. Ceux-ci tiennent certes le gouvernement, mais sur ce point précis ils doivent composer et finissent par nommer un de leurs, Maurice Deixonne, rapporteur du projet de loi, avec mission occulte de le saboter autant que possible.

    Deixonne est un gros bosseur, qui de son propre aveu ne connaît rien au sujet, et qui de plus a sans doute quelques fréquentations ultra-pacifistes d’avant guerre à se faire pardonner, la plupart de ses amis d’alors ayant fini dans la collaboration. C’est un orphelin qui s’est fait lui-même à coup de brillantes études ; mais dès la fin des années 1920 il interrompt sa carrière universitaire pour s’engager au parti socialiste. Sa puissance de travail impressionne ; d’ailleurs sa la loi sur les langues régionales, qui porte son nom, ne figure même pas dans sa biographie de l’Assemblée, tant il y a fait d’autres choses depuis jugées plus importantes…

    Il s’attelle à la tâche et finalement, contre toute attente, réussit à finaliser un texte consensuel qui sera adopté par l’Assemblée le 30 décembre 1949.

    Entre temps il sera parvenu à faire la jonction avec les députés catalans, puis à intégrer le basque et l’occitan, terme préféré après de longues escarmouches à ceux de provençal ou de langue d’oc. Il aura ainsi pratiquement reconstitué le contenu de la circulaire Carcopino de décembre 1941, qui par la force des choses ne concernait ni le flamand, ni l’alsacien, ni le lorrain, et qui a été abolie à la Libération.

    Il reste alors, ainsi fonctionnait la quatrième République, à faire adopter le texte par le Conseil des ministres. Cela durera toute l’année 1950, jusqu’à promulgation de la loi le 11 janvier 1951. Cette année 1950 verra la polémique gagner la presse, l’Académie Française et tout le monde enseignant, avec d’un côté une alliance de fait entre communistes et MRP, auxquels on peut joindre l’Action française, et de l’autre les jacobins de tout bord, dénonçant les risques épouvantables qu’une heure facultative de langue bretonne à l’école fera immanquablement courir à l’unité française.

    Le texte final de la loi est plus que modeste. Les mots « facultatif », « dans la mesure du possible », reviennent sans cesse. Le ton à l’égard des langues concernées est volontiers condescendant : il est question de « richesse du folklore et des arts populaires » ; rien de bien subversif, et cependant cela a conduit Georges Duhamel à pousser des cris d’orfraie au long de cinq éditoriaux d’avril et de mai 1950. Avec au moins une conséquence heureuse,celle d’avoir incité Maurras à écrire ce qu’il avait sur le cœur, sans doute depuis cinquante ans et plus.

    Il y a eu deux éditions de Jarres de Biot, comportant en plus du texte lui-même des illustrations et des poèmes. Nous avons noté les variantes entre les deux éditions, et reproduit l’ensemble des illustrations. Nous publierons en revanche les poèmes à part, dans un autre cadre, car ils n’ont aucun rapport avec la loi Deixonne ni avec Georges Duhamel.

    http://maurras.net/2013/03/02/maurras-inlassable-avocat-des-langues-regionales/#more-1901

  • Avortement : le changement des valeurs est profond

     

    Voici la réflexion d'Uli Windisch sur le site Observateurs.ch à propos du référendum suisse du 9 février prochain demandant que l’interruption volontaire de grossesse ne soit plus remboursée par l’assurance de base:

    UWAvortementFoetus15_12_13-448x293"(...).En réalité, sans être obstinément d’un camp ou de l’autre dans cette votation, je pense que le fond du problème est ailleurs et que les partis dits bourgeois ne voient pas que les sensibilités collectives ont changé et que les vrais débats se situent de plus en plus au niveau des valeurs, et que certaines valeurs qui ont été dénigrées pendant des décennies dans la phase dite de  « libération générale des mœurs » depuis les années 1970, reviennent à la surface et reprennent une place parfois de première importance. Ce courant est général et ce serait une erreur que de n’y voir que conservatisme, attitude réactionnaire, vaine nostalgie, intégrisme religieux, etc.

    Le changement des valeurs en cours est profond, souvent implicite, et touche aux fondements mêmes de notre culture et civilisation. Cela au moment même où un maximalisme idéologique diamétralement opposé, emmené par exemple par les socialistes très à gauche au pouvoir en France, tente de s’imposer sur les questions de société. Le conflit ne peut être que frontal et total.

    Mais la droite devrait comprendre que des valeurs comme la nation, la patrie, la famille et la vie elle-même, et d’autres encore, redeviennent essentielles, et plus fortement encore face à ce maximalisme idéologique de gauche que même mai 1968 n’exigeait pas.

    Pour en rester simplement à la valeur de la VIE dont il est question ici, l'image en cause est celle de la vie, de la vie de l’enfant dès sa conception, et cette image a beaucoup changé, également sous l’effet des progrès technologiques qui offrent des images magnifiques de cette vie dès son origine et qui ne laissent personne indifférent. La vie redevient un phénomène extraordinaire, sacré pour beaucoup, dont on suit l’évolution précisément avec images à l’appui (amniocentèses, etc).

    Le problème posé par une personne confrontée à un avortement devient beaucoup plus préoccupant et important. Ce n’est plus un acte comme cela l’était dans les années 1970. Un tel acte ne va plus de soi. Les souvenirs, voire les séquelles d’un avortement  peuvent  poursuivre certaines femmes leur vie durant. Négliger ces changements, c’est ne pas voir la profondeur des mutations en cours, indépendamment des idéologies politiques, qu’on le veuille ou non.

    Cela se traduit jusque dans le langage : le mot avortement, bien plus concret et brutal que celui, délibérément euphémisé, d’IVG est de nouveau utilisé même par ceux qui n’en font encore qu’une banale opération chirurgicale. Ils ne s’en rendent même pas compte.

    Proposition : développer réellement et sérieusement des conditions permettant aux familles et aux femmes confrontées à ce terrible dilemme de pouvoir garder un enfant même quand cela semble impossible.Il nous faut une vraie politique nataliste. Plutôt que refuser des aides financières et autres, par exemple, aux femmes qui seraient prêtes à avoir trois enfants au lieu de deux, de même à celles qui souhaitent rester à la maison, même quelques années, pour élever leurs enfants  plutôt que de les confier mécaniquement et automatiquement à l’ETAT, sous une forme ou une autre. Mais de cela on n’en a pas voulu.

    L’immense bonheur que peut procurer un bébé et un enfant devrait retrouver tout son sens de même que les valeurs qui sont ici en jeu (...). Vouloir donner la vie plutôt que faciliter sa fabrication par d’autres ou faciliter sa suppression devrait se situer au-delà des idéologies.

    Au-delà des oppositions frontales sur ce thème, travaillons à plus essentiel : à une vraie politique nataliste, au lieu de compter sur l’immigration ou de demander simplement aux femmes d’entrer plus massivement sur le marché du travail. Il en va du type de société que nous voulons et des valeurs qui la fondent, plutôt que d’une opposition entre « progressistes » et « réactionnaires » (...)"

    http://www.lesalonbeige.blogs.com/

  • Après les martyrs, les moines, les missionnaires voici le temps des familles

    L'abbé Guillaume de Menthière, curé à la paroisse Saint Jean-Baptiste de La Salle - Chapelle Notre-Dame du Lys à Paris, écrit :

    "Quand Jésus naît quelque part, on n’est jamais tranquille très longtemps. Impossible de s’attarder à faire risette sur le berceau du petit Jésus. Voilà qu’il faut déjà fuir. Faire passer le Fils de Dieu, incognito, en contrebande. La scène idyllique de Noël tourne au désastre jusqu’au mystère saintement épouvantable des fils de Rachel mis à mort par Hérode. « Le Verbe s’est fait chair et il a planté sa tente parmi nous », tente de nomade. Il ne s’est pas fait sur-homme, il s’est fait homme, tout simplement. Et voici que le Sauveur se sauve… prend la fuite en Égypte. Il est le nouveau Moïse sauvé des mains criminelles de Pharaon au pays d’Égypte.

    Un enfant, une famille, un amour c’est toujours encombrant. Cela demande beaucoup de volonté, d’abnégation, de générosité. Dans une homélie prononcée à Nazareth Paul VI parlait de « l’austère et simple beauté de la famille ». Voyez comme une mère est soucieuse. Sa fille est sortie, elle ne dort plus, inquiète jusqu’à l’heure de son retour. Et vous voudriez dire à cette mère :

    - Madame si vous n’aviez pas eu d’enfant vos nuits seraient tranquilles et sans souci…

    - Quel raisonnement est-ce là ! vous répondrait la mère, je préfère mille fois mon tourment et mon amour plutôt qu’une nuit paisible qui n’aime personne.

    Il est vrai que de nos jours la famille est une aventure périlleuse. Les pères de famille sont bien ces aventuriers des temps modernes dont parlait Péguy. Loin d’être l’institution bourgeoise qu’on a pu dénoncer en elle, la famille est plutôt aujourd’hui une petite association de réfractaires au modèle ambiant et le non-conformisme consiste désormais à la défendre plutôt qu’à l’attaquer. Jean-Paul II l’a souvent répété : après les martyrs, les moines, les missionnaires voici le temps des familles. Rien n’assurera mieux pour notre époque la crédibilité de l’évangile que l’existence de foyers chrétiens heureux, forts et tendres. C’est de cela dont notre vieille Europe ridée, avec sa démographie dévalante, source de tant de maux, a besoin. C’est cela qui convient : cet espace d’inclusion qu’est la famille, centre et cœur de la civilisation de l’amour."

    http://www.lesalonbeige.blogs.com/

  • Prolégomènes : Réflexions introductives sur le concept de modernité au sein de l’antagonisme contemporain l’opposant à la tradition (2ème Partie)

    III – Du Dieu sacré (Religion) au dieu profane (Science)

    « Je propose d’appeler « religions séculières » les doctrines qui prennent dans les âmes de nos contemporains la place de la foi évanouie et situent ici-bas, dans le lointain de l’avenir, sous la forme d’un ordre social à créer, le salut de l’humanité. » (Raymond Aron)

    Dans les temps antiques, les vérités ont toujours été comprises comme étant essentiellement des vérités non humaines. Il en était de même dans la Tradition chrétienne, la Vérité étant le Christ, révélée en partie dans les Ecritures, partiellement compréhensible par l’étude, les révélations, mais pleinement dévoilée seulement à la fin des Temps. Les temps ont changé : on ne considère plus le supra-humain, le transcendant. Le monde moderne se caractérise principalement par la négation de la vérité traditionnelle et supra-humaine.

    Avec le déclin des religions « sacrées » et l’avancée des religions séculières, la Science, essentiellement technique et au service du profit matériel en vue de l’instauration d’une humanité éternelle ici-bas, ne sert plus l’aspiration à une vie éternelle après la mort.

    L’abandon progressif des vertus, courage, tempérance, etc., a dégradé nos comportements et mené une partie de la population mondiale à souffrir des maladies dites de « civilisation », bien qu’au contraire, nous pourrions trouver que se gaver de sucres et de graisses, de rechigner à tout effort physique et intellectuel, en se vautrant dans tous les plaisirs extérieurs, soit tout sauf civilisé.

    La civilisation occidentale moderne promet en effet un corps parfait, grâce à des pilules-miracles, absorbant graisses et sucres ; elle promet la disparition des rides, une libido constante quel que soit l’âge, la capacité de conserver sa mémoire, de se muscler sans effort grâce à de simples électrodes, de « perdre » des cuisses, du ventre, de partout à l’aide d’une simple crème…et demain ? De se greffer un nano-disque dur pour encore mieux éluder les efforts intellectuels. Déjà que l’on nous avait évité de réfléchir, de penser, de philosopher, pour ne faire qu’apprendre « bêtement » par cœur et rabâcher mécaniquement ses leçons. La généralisation de la méthode (Descartes) a rendu possible l’enseignement de l’algèbre à « tous », à développer la mémoire, mais a peut-être fait passer au second plan le questionnement, l’étonnement, la curiosité, la recherche du Vrai, la quête du plus grand Bien, en bref, l’intelligence et la philosophie, les vertus sapientielles. Mais voilà que même cet aspect de mémorisation basique, on s’apprête à le balayer. Ceci porte un nom : le transhumanisme, évidemment réservé à ceux qui pourront s’offrir ces implants. Améliorer « l’humain » soi-disant, mais certainement pas en le rendant plus juste, plus charitable, plus vertueux, alors même que nous savons depuis Platon que le vrai but de l’association politique devrait être le bonheur de ses membres par la vertu.

    Si, au regard de la technique, l’homme moderne est assurément un géant comparé à l’homme antique, qu’en est-il de sa sagesse ? Or, s’il n’est pas plus sage, il ne s’agit que d’un géant aveugle.

    Selon Léo Strauss : « Progressivement on a basculé, des devoirs exigés envers les citoyens, devoirs vertueux, nous sommes passés aux droits, pour ne plus en garder qu’un seul, le droit à la vie.[1] » Hobbes, le théoricien du Léviathan, de l’Etat moderne, s’est proposé d’effacer la tempérance de la liste des vertus pour lui préférer l’humanisme (bonté et charité sans Dieu) et la bienfaisance. Or, la suppression de la tempérance s’accorde parfaitement avec la montée en puissance du capitalisme, allant de pair avec les révolutions industrielles et la production/consommation de masse : il faut consommer à profusion, tout consommer sans distinction, sans retenue surtout ; être intempérant est « bon » pour le consommateur, qui démontre ainsi ostensiblement son pouvoir, son statut, et surtout bénéfique pour les commerçants qu’ils enrichissent.

    En synchronie avec la perte de l’autorité, il devint peu à peu évident qu’il était plus aisé d’exiger des citoyens qu’ils défendent leur droit de vivre plutôt que des devoirs. Cette perte d’autorité de l’Etat, couplée au changement des mœurs et de la politique, a progressivement évolué du bien commun vers l’individualisme et d’une visée à moyen et long terme vers un profit tout utilitaire et matériel à court terme.

    Ce basculement, donc, se situant aux alentours du XVIIe siècle, progressivement se chargea d’évincer toutes les vertus tendant à rendre l’homme excellent (courage, générosité, tempérance, sagesse…) et s’attela à n’en conserver qu’une seule : la paix sociale. On peut se demander si, aujourd’hui, cette « paix » (toute relative) sociale ne nous a pas coûté bien cher, à tout point de vue, et ne nous coûtera pas encore plus cher demain.

    On pourrait qualifier la théorie de Hobbes d’hédonisme politique quand Epicure promouvrait, quant à lui, un hédonisme apolitique. Comme Epicure, Hobbes associe le bien à l’agréable, il juge donc les plaisirs des sens supérieurs à l’honneur et la gloire. Cela nous permet de mieux comprendre comment nous sommes parvenus à l’échelle des « valeurs » d’aujourd’hui : argent – consommation - gloire du vedettariat, bien qu’il soit même devenu hors de propos de parler de valeurs, encore moins d’établir une hiérarchie, prélude essentiel au relativisme régnant en maître, avant l’avènement du nihilisme absolu.

    Ce qu’on l’on appelle « progrès économique » a été obtenu par la transformation des humains en machines à produire et à consommer.

    Ainsi, « la diminution du temps de travail converge avec le déclin de l’utilité marginale des biens[2] » (J.K Galbraith). Dans ce contexte, il est logique que les premières personnes dont on se passe soient les jeunes, les vieux, les handicapés et toutes les personnes jugées les « plus faibles » en général. D’où le risque d’une possible « programmation » de la part d’une oligarchie souhaitant élargir son contrôle total, et donc d’évincer progressivement ceux qu’elle considère comme faibles ou inutiles.

    Depuis les années 1950, on remarque ce déclin de l’utilité marginale des biens, couplé à l’ « évolution destructrice » décrite par J. Schumpeter ainsi qu’à l’infâme dumping social (mondialisation). Tout cela  accélère le « changement civilisationnel » auquel nous assistons tous. Soit nous poursuivons dans cette voie, et tout ce que nous voyons se profiler comme mesures depuis un certain nombre d’années tendra à resserrer le contrôle de plus en plus totalitaire en général, et une réduction démographique draconienne en particulier ; soit nous devons repenser intégralement la question des valeurs que nous posons comme les plus importantes, à savoir, l’argent aujourd’hui, la volonté d’écraser l’autre, socialement, matériellement via la « consommation ostentatoire » (T.Veblen), la gloire, le pouvoir, au profit de la charité, du partage des ressources, d’un retour à la tempérance.

    Nous prônons un retour aux racines de nos « valeurs civilisationnelles occidentales classiques », la Bible et la philosophie grecque, Jérusalem et Athènes.

    Ce retournement permettrait de restaurer un dialogue avec les autres civilisations, orientales et extrêmes-orientales, de saisir leurs aspirations, leurs angoisses, d’une manière plus charnelle. Ce retournement du monde occidental pourrait devenir salutaire à l’humanité, en lui permettant de demeurer humaine, pleinement humaine, et non plus idéologique, fictionnelle, déshumanisante.

    Il est néanmoins probable qu’avec le degré de destruction technico-scientifique détenu aujourd’hui par de nombreux pays, et même, au-delà par de nombreux acteurs du système international (lequel se limite de moins en moins aux seuls Etats), il devienne nécessaire de tolérer ce qu’hier nombre d’Etats auraient jugé intolérable[3] et auraient par conséquent fait taire via la solution militaire.  Ce qui exigera d’accentuer les efforts de concertations interétatiques et transnationales de manière à converser le plus possible avec le large panel des acteurs des différentes sphères socioculturelles de la planète.

    La plus grande usurpation réside peut-être dans le fait de persuader les peuples qu’ils se gouvernent eux-mêmes et qu’ils sont libres. Car si tout (ou presque) leur est officiellement permis, officieusement, rien (ou presque) ne leur est possible (M. Clouscard).

    A ce propos, nous pouvons citer une nouvelle fois C. Castoriadis : « Dans l’Occident contemporain, l’individu libre, souverain, autarcique, substantiel n’est guère plus, dans la grande majorité des cas, qu’une marionnette accomplissant spasmodiquement les gestes que lui impose le champ social-historique : faire de l’argent, consommer et « jouir » (s’il y arrive…). Supposé « libre » de donner à sa vie le sens qu’il « veut », il ne lui « donne », dans l’écrasante majorité des cas, que le « sens » qui a cours, c’est-à-dire le non-sens de l’augmentation indéfinie de la consommation. Son « autonomie » redevient hétéronomie, son « authenticité » est le conformisme généralisé qui règne autour de nous. »

    IV – Hypothèses prospectives : vers un changement de paradigme

    Castoriadis, toujours, nous indiquait, il y a peu, pourquoi le capitalisme vivait ses dernières heures :

    « L’équilibre et la conservation de la société capitaliste moderne depuis les années 1950 s’obtiennent par le renvoi de chacun à sa sphère privée et son enfermement dans celle-ci (ce qui est rendu possible par l’aisance économique des pays riches, mais aussi par une série de transformations sociales, notamment en matière de consommation et de « loisirs ») parallèle et synchrone avec un immense mouvement « spontané » (et pour l’essentiel induit par toute l’histoire précédente) de retrait de la population, d’apathie et de cynisme à l’égard des affaires politiques. »

    Or, nous remarquons que l’aisance économique des pays riches est de moins en moins générale, mais réservée à une petite élite, et que le cynisme à l’égard des affaires politiques se meut en révolte de moins en moins silencieuse.

    Notons aussi que, si autrefois le « système » maintenait une situation aisée ou tolérable pour 80 à 85% de la population (plus ou moins dans la crainte du chômage) et laissait de côté 15 à 20% des individus les plus faibles, incapables de se muer en formation politique en mesure de défendre adroitement ses intérêts, mais seulement capables de casse, de marginalisation et de criminalité, ce qui permettait au « système » de se maintenir sans difficulté, depuis quelques années, les 15 à 20% tendent à augmenter et touchent de plus en plus des citoyens armés de moyens cognitifs et de réseaux suffisamment solides pour faire trembler les institutions officielles. 

    Pour conclure, pourquoi cette offensive contre la famille ? On note que les mœurs, ces lois non écrites issues de la tradition et propagées en partie par la famille, prévalent peut-être sur les lois, « car ce n’est pas par les décrets mais par les mœurs que les cités sont bien policées : les hommes qui ont reçu une mauvaise éducation ne craindront pas de transgresser les lois écrites les plus précises, tandis que ceux qui ont été bien élevés voudront rester soumis aux lois les plus simples » (Isocrate).

    Rappelons-nous du qualificatif de la « France bien élevée » pour décrire les manifestants déambulant par millions dans les rues françaises ou bien, depuis, avec le pacifisme des sentinelles et des Veilleurs ainsi que les autres militants pacifiques.

    Les mœurs sont en grande partie transmises par la « première des cités », la cellule familiale ; il est donc « logique » que cette dernière soit dûment attaquée de tous côtés et en voie d’atomisation.

    L’arsenal mis en place à cet effet est large : contraception, avortement, fierté d’être gay, ringardisation du mariage, multiples difficultés d’avoir une famille nombreuse, mariage unisexe, théorie du genre, qualité du sperme en baisse (hypofertilité allant de pair avec la généralisation de l’alimentation chimique/OGM).

    Cette ambition d’un contrôle total, sur la Nature, sur l’Histoire, sur les peuples, se porte irrémédiablement vers la problématique légitime, mais taboue, relative à la démographie, la liberté à tout un chacun de procréer.

    Au cœur d’une planète aux dimensions définies, aux ressources limitées, où les vertus de charité, d’altruisme, de partage et d’équité se sont évanouies, sur cette Terre des hommes où il y a 2000 ans, à travers la parabole de la multiplication des pains et des poissons, il nous a été indiqué qu’un partage équitable des ressources pourrait rassasier tout le monde au-delà de ses besoins, une oligarchie semble avoir mis les vertus et la foi de côté pour se faire elle-même son propre dieu et « corriger » les « imperfections » divines lui demeurant inintelligibles, selon ses critères rationnels et ses jugements tout humains.

    On a voulu se débarrasser du doute : cela était-il peut-être trop dur à supporter[4] ? Nous avons abandonné Dieu, sa promesse de vie éternelle, pour demeurer ici, éternellement livrés à nous-mêmes, nous fondant uniquement sur notre capacité à créer, concevoir et voyant le salut dans notre seule « raison ».

    Jonathan


    [1] Leo Strauss, Droit naturel et histoire, Flammarion, 2008 (1953)

    [2] Nous reprenons l’expression « d’utilité marginale des biens » pour signifier la surabondance de biens à la nécessité de moins en moins pressante, cf. L’ère de l’opulence, « On dit que nous avons été capables de réduire les heures de travail parce que l’on produit en moins de temps. On ne fait jamais remarquer que l’on pourrait produire davantage en plus de temps. [] La réduction de la semaine de travail est une réaction extrêmement normale à la décroissance de l’utilité marginale des produits ».

    [3] Cf. Bertrand Russell, The Impact of Science on Society, George Allen & Unwin, 1952.

    [4] cf. Kierkegaard, estimant que pour se débarrasser du sentiment désagréable du doute qui le tiraille, une partie des hommes fait le bond du doute vers la croyance, pendant que l’autre fait le bond du doute à l’incroyance.

    POUR ALLER PLUS LOIN :

    Arendt Hannah, La crise de la culture, Gallimard, 1972 (1954-68).

    Arendt Hannah, Condition de l’homme moderne, Pocket, 1992 (1961)

    Aristote, Ethique de Nicomaque, GF, 1965.

    Castoriadis Cornelius, La montée de l’insignifiance, Points, 2007 (1996).

    Castoriadis Cornelius, Le monde morcelé, Points, 2000 (1990).

    Galbraith J.K., L’ère de l’opulence, Calmann-Lévy, 1961 (1958).

    Guénon René, La crise du monde moderne, Folio essais, 1994 (1927).

    Guénon René, Autorité spirituelle et pouvoir temporel, Guy Tredaniel, 2013 (1929).

    Habermas Jürgen, La technique et la science comme « idéologie », Tel Gallimard, 2011 (1968).

    Kurzweil Ray, The Singularity Is Near: When Humans Transcend Biology, Penguins Books, 2006.

    Le Goff Jean-Pierre, La démocratie post-totalitaire, La Découverte, 2002.

    Marcuse Herbert, L’homme unidimensionel, Les Editions de Minuit, 1968 (1964).

    Morel Georges, Questions d’homme : conflits de la modernité, Aubier Montaigne, 1976.

    Morin Edgar, L’esprit du temps, Le Livre de Poche, 1983 (1962).

    Platon, La république, GF, 1986.

    Schmitt Carl, La notion politique. Théorie du partisan, Flammarion, 2009 (1963).

    Schumpeter Joseph A., Capitalisme socialisme et démocratie, Payot, 1963 (1942).

    Strauss Leo, La renaissance du rationalisme politique classique, Tel Gallimard, 2009 (1993).

    Taguieff Pierre-André, Les contre-réactionnaires. Le progressisme entre illusion et imposture, Denoël, 2007.

    Toynbee Arnold J., La civilisation à l’épreuve, Gallimard, 2008 (1948).

    Valery Paul, Le Bilan de l’intelligence, Allia, 2012 (1935).

    http://www.printempsfrancais.fr/3750/prolegomenes-reflexions-introductives-sur-le-concept-de-modernite-au-sein-de-lantagonisme-contemporain-lopposant-a-la-tradition-2eme-partie/

  • Veilleurs et Sentinelles ne lâchent rien à Angers

    Bon article du Courrier de l'Ouest de ce jour :


    A

  • Une Marche pour la vie aux couleurs de l’Espagne

    Communiqué de la Fondation Lejeune :

    "La Marche pour la Vie a lieu cette année dans le cadre d’une actualité brûlante sur l’avortement : un mois après la présentation d’un projet espagnol limitant l’avortement et à la veille d’un débat en France sur des dispositions libéralisant l’avortement. Cette édition 2014 sera l’occasion à la fois de saluer le courage espagnol et de dénoncer le projet français. Cette manifestation permettra aussi d’initier une interpellation des responsables politiques sur le respect de la vie comme enjeu politique.

    1. Viva España

    La Fondation Jérôme Lejeune salue l’audace du gouvernement de M. Rajoy qui vient de présenter un projet pour restreindre les avortements de convenance et les avortements eugéniques en Espagne. Bientôt dans ce pays il ne sera plus autorisé d’éliminer un enfant avant sa naissance sauf en cas de menace pour la santé de sa mère ou après un viol. Ainsi, la trisomie ne sera plus en Espagne une raison d’avorter.

    Elle salue aussi les associations de défense de la famille, les défenseurs de la vie, et les associations de défense des handicapés, dont la mobilisation forte et sans concession a conduit les responsables politiques à prendre en compte ce problème de société comme enjeu politique de la dernière élection. Conscientes de l’ampleur du sujet (vie ou mort d’un enfant) elles exigent l’avortement zéro.

    Elle salue tout particulièrement le ministre de la justice M. Ruiz-Gallardon, responsable de la concrétisation de ce point du programme ayant fait élire son gouvernement. Il assume aujourd’hui « d’en finir avec le mythe de la supposée supériorité morale de la gauche ».

    2. En France c’est l’omerta

    Plusieurs dispositions viennent d’être insérées insidieusement dans le projet de loi Egalité Femmes/Hommes qui conduiront à libéraliser l’avortement. Parmi ces dispositions, la suppression de l’état de détresse pour demander un avortement, et l’extension du délit d’entrave à l’information sur l’avortement. Pour le constitutionnaliste Bertrand Mathieu, ces changements représentent un « véritable bouleversement » de la loi française.
    En effet, ces changements :

    • inscriront la banalisation de l’avortement de convenance dans la loi au-delà de la banalisation de l’avortement déjà constatée dans la pratique et les esprits,
    • feront de l’avortement un droit (depuis 1975 l’avortement n’est qu’une dérogation au principe fondamental du respect de l’être humain au commencement de sa vie) ;
    • installeront l’idée d’un droit à disposer de son corps qui pourra fonder des revendications comme la GPA ou la prostitution ;
    • légitimeront la logique de l’avortement eugéniste. La suppression de la détresse comme raison pour avorter rendra possible une sélection à la carte en fonction du génome de l’enfant ou de son sexe ;
    • créeront une atteinte à la liberté d’expression en obligeant à présenter la vie et la mort comme deux réponses équivalentes.

    Malgré l’importance de l’enjeu, très peu de voix politiques françaises se sont fait entendre.

    3. Un mouvement européen de re-conscientisation

    Après le succès de l’initiative européenne ONE OF US qui visait à stopper le financement de la destruction d’embryons humains (près de 2 millions de signatures, plus de 100 000 en France) et après la mise en échec de la résolution Estrela favorable à la promotion de l’avortement, le projet de loi espagnol va accrocher une troisième étoile au palmarès du respect de la vie en Europe. Le message est clair avant les échéances politiques à venir.

    http://www.lesalonbeige.blogs.com/