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  • L'Éclipse du sacré

    [La querelle entre l'orthodoxie catholique et le néo-paganisme n'est pas une querelle universitaire : elle implique deux visions de la Cité radicalement antinomiques. Pour le néo-paganisme, le divin est immergé dans la Cité, à l'image de cette figure d'Athéna.]
     
    Un dialogue philosophique et religieux entre le païen Alain de Benoist et le catholique Thomas Molnar : tel est l'objet d'un livre paru récemment aux Éditions La Table Ronde. Et quand un exemplaire de cet ouvrage, intitulé L'éclipse du sacré, m'est parvenu, j'ai un peu eu l'impression de revenir 8 années en arrière. Un dialogue similaire, en effet, avait eu lieu dans la revue munichoise Criticón (n°47) de mai-juin 1978 entre Molnar et Armin Mohler. Molnar, fidèle aux thèses qu'il avait exprimées avec brio dans Dieu et la connaissance du réel (PUF, 1976), se faisait l'avocat du "réalisme" politique tandis que Mohler plaidait pour un "nominalisme".
     
    Dans le numéro d'automne (1978) de feu la revue bruxelloise Pour une renaissance européenne (n° 22/23) animée alors par Georges Hupin, j'ai résumé ce dialogue. Quelques mois plus tard, A. de Benoist consacrait un numéro de sa revue Nouvelle École (n°33, été 1979) au "nominalisme" [« Fondements d'une attitude nominaliste devant la vie »] et publiait en version française le texte de Mohler [« Le tournant nominaliste : un essai de clarification »]. La tradition nominaliste, l'option nominaliste de la "Nouvelle Droite" prenait forme, tandis que le Tout-Paris accueillait le second livre théorique de Bernard-Henri Lévy, Le Testament de Dieu (Grasset, 1979), qui sommait les Français de choisir pour Jérusalem et la Loi, contre Athènes et la polis. En 1981, de Benoist répondra à son tour au défi de Lévy, en publiant, chez Albin Michel, Comment peut-on être païen ?
     
    Une querelle venait de s'ouvrir : celle du christianisme (ou judéo-christianisme) contre le néo-paganisme, celle de l'universalisme contre l'existentialisme nominaliste. L'éclipse du sacré marque une seconde étape dans cette vaste polémique philosophique, tandis que Jacques Marlaud en tire un bilan païen, tout en resituant la querelle dans l'histoire des lettres françaises (Cf. J. Marlaud, Le Renouveau païen dans la pensée française, Le Labyrinthe, 1986).
     
    Dans leur disputatio philosophique de 1978, Molnar et Mohler avaient jeté les bases de la querelle et l'on n'exagérerait pas en affirmant que ce dialogue polémique a quelque peu été "axial", en ce sens qu'il clarifiait les positions et permettait au public de choisir, en vue de construire une société conforme aux valeurs défendues par les protagonistes. Molnar appelait "réalisme" l'acceptation d'un "substrat" précédant et sous-tendant tout ce qui existe dans le cosmos. Ce substrat, affirme-t-il, est le soubassement d'un ordre intelligent, d'une structure de l'être et de la nature humaine. Pour Molnar, l'homme politique doit reconnaître ce "substrat" et s'y soumettre humblement, sans chercher à modifier la nature humaine, entreprise qui serait de toute façon vouée à l'échec.
     
    Refuser de reconnaître le substrat divin du monde est le propre des pensées utopiques/gnostiques, écrit Molnar. Pour lui, Dieu (le substrat) n'est ni inaccessible (ce qui impliquerait qu'il laisse le monde au hasard, aux aléas) ni immanent (ce qui implique qu'il n'y aurait pas de distance, génératrice du sacré, entre les hommes et Dieu). Molnar le Catholique croit en un Dieu transcendant et personnel, c'est-à-dire simultanément distancié du monde et des hommes et présent au sein du monde par le truchement de l’incarnation. L'homme, être de raison, est ainsi un "pont" entre Dieu et le monde. La conception thomiste de Molnar veut que l'homme soit matière et forme à la fois ; en langage théologique : hylémorphique.
     
    À ce réalisme, hostile aux "utopies" produites par les pensées ésotéristes, mystiques, immanentistes, Mohler opposait une sorte de pragmatisme qui réfutait l'idée d'un substrat universellement valable. Si les universalistes (parmi lesquels il rangeait Molnar) veulent bâtir un monde axé sur la notion de substrat unique, les nominalistes sont créateurs de formes ; ils répondent aux défis par des réponses hic et nunc, différentes selon les circonstances. La diversité des défis implique la diversité des réponses donc des formes et exclut toute espèce de monolithisme du substrat. Comme Faust, ces nominalistes voient le commencement de toute chose dans l'action. Mohler renoue là avec la pensée allemande de ce siècle, imprégnée de nietzschéisme.
     
    Pour Molnar, formé à l'école thomiste et professeur à New York, l'équation "conservatisme (ou droite) = christianisme (catholique de préférence)" est une évidence. Mohler a, lui, toujours contesté cette équation. À la suite de Nietzsche, il conteste l'eschatologie chrétienne et sa vision linéaire de l'histoire. Pour Mohler, l'histoire n'est pas téléologique, elle ne tend pas vers Dieu, vers le Jugement Dernier mais reçoit, de temps à autre, l'impulsion de grands peuples ou de grandes personnalités. La position du nominaliste est celle du réalisme héroïque (bien différent du réalisme substantiel de Molnar) : « tout ce qui arrive est adorable » (L. Bloy). Ou comme dirait Nietzsche : Amor fati. Le monde est espace de création, d'action formatrice. L'homme crée à ses risques et périls et les aléas peuvent réduire à néant ses créations. Le risque demeure omniprésent.
     
    Dans la querelle de 1978, indubitablement, Molnar, fort de ses écrits antérieurs et de ses recherches historico-théologiques, avait l'avantage de la clarté et aussi celui de s'inscrire dans une tradition philosophique bien discernable, celle du catholicisme romain. Mohler, lui, était moins clair mais plus prometteur. Il faisait appel à la fibre créatrice, au goût du défi et de la transgression.
     
    Huit années après ce débat, Molnar a quitté ses démonstrations limpides et écrit un texte fourmillant d'expériences personnel­les. Et A. de Benoist a approfondi son option "nominaliste", calquée au départ sur celle de Mohler et de son maître Walter Hof (1), et l'a étayée par une lecture assidue de Heidegger. Si, à mes yeux de modeste lecteur, Molnar me semblait avoir le dessus en 1978 (même si mes propres options me portaient à accepter pleinement le nietzschéisme de Mohler, sans que je n'ai encore eu la joie de lire W. Hof), de Benoist semble aujourd'hui avoir définitivement conquis la rigueur au profit des nominalistes et des néo-païens. Cette appréciation est sans doute bien personnelle, mais je persisterai désormais, jusqu'à nouvel ordre, à voir la quintessence des 2 démarches — la catholique/conservatrice de Molnar et la néo-païenne de de Benoist — dans Dieu et la connaissance du réel et dans la partie de L'éclipse du sacré rédigée par le philosophe païen.
     
    Dans L'éclipse du sacré, en effet, Molnar campe fermement sur ses positions, tout en se faisant moins théoricien, moins historien des théologies européennes (une lacune à mes yeux, mais certainement un avantage pour ceux qui n'ont pas la manie, comme moi, de collectionner les références, pour en faire des bornes-repères dans cette forêt qu'est l'histoire des idées et des concepts) et plus "parabolique", plus narrateur d'expériences vécues. Au risque d'une certaine confusion doctrinale, qui, auparavant n'avait nullement été son propre. Molnar, en effet, est toujours à l'affût des manifestations tangibles de son substrat divin.
     
    Cette quête inlassable s'avère chaque jour plus difficile dans un monde qui veut se soustraire à toute espèce de transcendance. La position de Molnar vis-à-vis du sacré est effectivement difficile à tenir ; pour lui, en effet, le "sacré" est médiateur, il est "connecté" au divin et à l'univers physique, matériel. En conséquence, Molnar refuse d'adorer un Dieu absent du monde, indifférent au monde ; il rejette les théologies qui expriment la radicale altérité du divin par rapport au monde, à l'univers physique. Deuxième conséquence, Molnar refuse la démarche mystique — celle d'un Maître Eckhart, par ex. — qui immerge le divin dans le inonde, abolissant du même coup la césure.
     
    Catholique, Molnar aperçoit le sacré dans le mystère de l'incarnation, dans la communication qui en résulte entre les sphères du divin et de l'immanence. Indubitablement, le génie du catholicisme, par rapport aux théologies du Dieu inaccessible, a été de revaloriser la création, le monde physique et sensible par le recours à l'incarnation. Néanmoins, la césure subsiste, hiatus que le catholicisme n'a jamais éliminé, et le monde ne reçoit d'autre validité que celle d'être objet de la sollicitude divine, d'être lieu éventuel de l'incarnation. Molnar refuse donc, par fidélité aux dogmes catholiques, la démarche mystique, celle de l'immersion du divin dans l'univers. C'est essentiellement contre ce refus, contre le maintien de la césure chrétienne, héritée des théologies judéo­-grecques où le Dieu unique est coupé du monde, que s'insurge le néo-païen A. de Benoist.
     
    Sa démarche s'articule autour de trois définitions : celle du sacré proprement dit, celle de la désacralisation et, enfin, celle de la sécularisation. Molnar constatait la disparition du sacré par l'avènement des gnosticismes laïcisés, qui cherchaient à transposer le parfait du divin dans le monde, générant dans la foulée les mirages utopiques. De Benoist, lui, constate une lente involution vers le désenchantement. Philologique, sa démarche a le mérite de commencer par une définition du sacré au départ des racines linguistiques indo-­européennes des vocables exprimant la sacralité, le divin, la sainteté, etc.
     
    Cette exploration, inspirée notamment de Benvéniste et de Dumézil, donne à sa démonstration une rigueur que semble avoir perdue Molnar par rapport à ses travaux antérieurs ; se situant dans la tradition romantique et nietzschéienne à la fois, de Benoist travaille ici par généalogie : il reconstitue l'histoire (hélas involutive) de la notion de sacré. Par l'analyse du vocabulaire grec, latin, celtique, germanique et slave, de Benoist, comme précédemment Mircea Eliade, peut déduire l'immanence du sacré comme trait récurrent de la religiosité indo-­européenne qui, qu'on l'admette ou non, forme finalement la religiosité éternelle, la trame religieuse incontournable, des peuples d'Europe, issus de la patrie originelle commune à tous les locuteurs de langues indo-européennes.
     
    De pseudo-morphoses en pseudo-morphoses (pour reprendre l'expression spenglérienne), cette religiosité a survécu au travers des travestissements chrétiens. Sigrid Hunke (in : La vraie religion de l'Europe, Le Labyrinthe, 1985), inspiratrice de de Benoist, a retracé de manière magistrale la longue histoire de cette religiosité toujours étouffée mais jamais annihilée. De la Gottheit (déité) de Maître Eckhardt à Heidegger, philosophe dont l'œuvre sous-tend tout le néo-paganisme de de Benoist, l'immanence, le monde créé, la nature, la Vie reprennent leurs droits, ravis jadis par le christianisme et ses théologies de la césure. Avec Heidegger, l'Être n'est plus hors du monde, mais fondamentalement "présence au monde". L'Être se dévoile au monde, par irruptions régulières mais est "toujours déjà­-là". Le substrat que les théologies bibliques et chrétiennes percevaient en dehors de l'immanence se voit ré-ancré dans la "concrétude ravissante" de l'univers. L'incarnation n'est plus un événement exceptionnel, elle est une constante sans commencement ni fin.
     
    Si l'immanence englobe le sacré et si celui-ci est manifestation du mystère de l'univers, la désacralisation, constatable dans notre actuelle civilisation, est un produit des théologies de la césure. Issues de la Bible, ces théologies posent une distinction radicale entre le monde et Dieu. Avec le théologien allemand Friedrich Gogarten, de Benoist démontre que la désacralisation commence précisément avec l'affirmation que le cosmos est distinct de Dieu. « Par là, écrit-­il, le cosmos se trouve en effet vidé de toutes les forces vivifiantes que le paganisme antique y voyait se manifester et advenir à la présence » (p.130). Le monde historique va devenir, par suite, le théâtre d'un affrontement entre les forces politiques partisanes des théologies de la césure et les forces politiques partisanes des religiosités naturelles et cosmiques, désignées "idolâtres" pour les besoins des croisades.
     
    Les théologies de la césure posent comme lieu de la perfection un au-delà, radicalement distinct de l'immanence. Elles biffent ainsi toute cité concrète de leur horizon. Ce qui a pour corollaire immédiat, la volonté de détruire les sacralités localisées, particulières, originales, en vue de construire le modèle unique de la Cité de Dieu. « La lutte contre "l'idolâtrie" est aussi, et peut-être surtout, lutte contre l'attachement au lieu sacralisé par les dieux qui le patronnent. Le lieu, en quelque façon, est toujours origine.  Or, désormais, l'avenir porteur d'espérance prime l'origine. lahvé n'est pas le dieu d'un lieu. Se tenant hors du monde, il est de partout, c'est-à-dire de nulle part » (p.157).
     
    Molnar tenait à préserver le lien de l'homme à la sacralité et évoquait l'exemple de la messe catholique, comme célébration de la présence du Christ, c'est-à-dire du divin, au milieu des hommes. De Bneoist démontre que l'éradication progressive des lieux sacrés du paganisme (qui ont subsisté dans le culte des saints, transformations des divinités celtiques ou germaniques) et l'abandon progressif, sous les coups du monde moderne, de cette religiosité populaire vaguement christianisée a brisé tous les liens qui unissaient les hommes entre eux et les a détachés du sacré communautaire. Paradoxalement, de Benoist exprime de manière plus cohérente la disparition du sacré, que Molnar déplore avec autant d'intensité que lui.
     
    Avec cette disparition du sacré ou plutôt à cause de son refoulement et à cause de la non reconnaissance de sa présence dans l'immanence, on assiste, nous explique de Benoist, à une sécularisation planétaire, à un désenchantement (Entzauberung pour reprendre le mot de Max Weber). Désormais, « la modernité se caractérise par l'anonymat, le désassujetissement, l'impossi­bilité grandissante de communiquer, l'angoisse qui naît du sentiment de déréliction... » (p. 188). Nouveau paradoxe, mis en exergue par le néo-païen de Benoist : le christianisme, qui a voulu être la seule "vraie" religion avec ou sans incarnation, aboutit à l'abolition du sacré, à l'athéisme (quand il se laïcise dans l'Europe du XVllle), à l'incroyance. Un éventail de questions nous vient aussitôt : L'homme ne peut-il croire réellement, ne peut-il avoir de re-ligion (de re-ligere) que dans un cadre restreint ? Que dans le cadre de sa tribu ? La volonté de mondialiser donc de délocaliser une religion ne constitue-t-elle pas une chimère ? Une utopie ? L'homme ne reconnaîtrait-il de substrat qu'à petite échelle ? La perspective planétaire ne parviendrait-elle pas à s'inscrire dans les cœurs et à mobiliser la foi ?
     
    A. de Benoist constate que l'Église, dans cette perspective de mondialisation, est obligée de redevenir iconoclaste (cf. p.192), de gommer le merveilleux des images de saints, merveilleux qui, pourtant, en dissolvant la pureté doctrinale du message chrétien et en incorporant des éléments de sacralité pagano-locaux, avait rendu le christianisme habitable. Ce retour aux origines iconoclastes permet de conclure à l'athéisme fondamental du christianisme, à l'impossibilité pratique du dieu sans lieu. L'idée que le christianisme est en fait un athéisme en gestation se retrouve aussi chez le philosophe Ernst Bloch (cf. Atheismus im Christentum : Zur Religion des Exodus und des Reichs, Suhrkamp, Frankfurt a.M., 1968). Les premiers athées, écrit-il, ont été les premiers chrétiens de la Rome de Néron qui niaient la divinité de la Cité.
     
    La Cité : les deux auteurs en parlent, certes, mais pas assez. Sera-ce l'objet d'un prochain ouvrage ? De Benoist l'a en tout cas anticipé par un opuscule part particuliérement intéressant sur la démocra­tie. Car le défi chrétien est un défi essentiellement politique. L'arasement cultu­rel qu'il a provoqué en Europe a largement été dépassé par l'érudition, la philologie, etc. du XIXe siècle, même si le XXe siècle a rendu caduc les implications politiques de ces découvertes révolutionnai­res. Le savoir du XIXe a, en quelque sorte, comblé les lacunes causées par la christianisation. Le recours à l'héritage païen chez de Benoist, conforté par la philosophie de Heidegger et l'histoire religieuse suggérée par Sigrid Hunke, devra ultérieurement se doubler d'un dépassement des implications politiques de la christianisa­tion, c'est-à-dire des stratégies de construction de la Cité de Dieu, héritage augustinien et carolingien. Avec ce dépassement, il faudra recourir au droit coutumier et aux formes d'organisation gentilice et communautaire dont l'Europe entière a gardé la nostalgie. Le christianisme a confisqué à bon nombre de peuples européens le droit à l'auto­-détermination. La lutte contre les injustices nées de la collusion des intérêts carolingiens et chrétiens relève d'une dimension historique. C'est dans l'histoire, dans la lutte politique concrète que se restaurera le sacré, en même temps que l'auto­détermination des peuples.
     
    A. de Benoist, dans deux livres, Comment peut-on être païen ? et L'éclipse du sacré, nous indique les assises religieuses, métaphysiques et éthiques du renouveau païen en Europe. L'étape suivante sera indubitablement de tirer les conséquences politiques de cette démonstration, de ce nécessaire travail d'exploration. Ayant dégagé les grandes lignes d'une aliénation religieuse presque deux fois millénaire pour le bassin méditerranéen et onze fois centenaire pour l'Europe centrale et septentrionale, A. de Benoist ne pourra plus ignorer les aliénations concrètes, sociales, politiques et économiques que cette christianisation a imposées. Une telle réflexion sur l'aliénation le forcera sans doute à découvrir ou redécouvrir les racines de ce phénomène chez Schiller, Fichte et Schelling. L'œuvre de Robert Muchembled, qui oppose la culture populaire, demeurée largement païenne, à la culture des élites, chrétienne, constitue en ce sens un apport non négligeable, capable, de surcroît, de donner à la "Nouvelle Droite" de de Benoist une dimension révolutionnaire que lui ôtent, qu'on le veuille ou non, le vocable "droite" et les amalgames que fabriquent les journalistes et les chercheurs à courte vue.
     
    Dans une telle optique, l'œuvre de de Benoist pourra devenir un outil de lutte contre l'aliénation culturelle et religieuse majeure de notre histoire et, donc, un instrument de libération continental. Ce corpus doctrinal pourra-t-il encore être classé à droite, c'est-à-dire du côté des avocats du statu quo ? Ou deviendra-t-il plus explosif que les concepts que manie de plus en plus maladroitement l'intelligentsia de gauche en France ? L'avenir nous le dira... En tout cas, la perspective ouverte par la politisation du discours néo-païen de de Benoist nous interdit le pessimisme, état d'esprit que l'on peut déplorer dans certains passages de L'éclipse du sacré...
     
    ♦ Alain de Benoist, Thomas Molnar, L'éclipse du sacré : Discours - Réponses, La Table Ronde, 1986, 299 p.
     
     
    ◘ Note :
     
    ( 1 ) L'œuvre de Walter Hof a été grandement appréciée par Armin Mohler. L'influence de ses travaux sur la genèse du "nominalisme" et du "réalisme héroïque" de la "Nouvelle Droite" française n'a pas encore été découverte par les observateurs. Nous y reviendrons. L'ouvrage principal de Hof est : W.H., Der Weg zum heroischen Realismus, Verlag Lothar Rotsch, Bebenhausen, 1974. On lire également avec profil l'article suivant de Hof : W.H., Vom verpönten zum obligatorischen Pessimismus, in : G.K. Kaltenbrunner, Der innere Zensor : Neue und alte Tabus in unserer Gesellschaft, Herder (Bücherei Initiative Nr.22), Freiburg LB., 1978.

     

  • Cumuler des mandats, c’est cumuler des indemnités : l’exemple de l’agglomération nantaise

    NANTES (NOVOpress Breizh) – Difficile de comprendre la question du cumul des mandats si le côté « gamelle » n’est pas pris en compte. Le plus souvent, le casse-croûte explique l’acharnement de certains à collectionner les casquettes. Professionnalisation de la politique oblige. A partir du moment où l’exercice des mandats représente un temps complet, l’existence d’un revenu – confortable de préférence – domine toute autre considération.

    Certes le législateur a déjà limité le nombre de mandats que peut s’adjuger un élu. Certes l’écrêtement empêche un parlementaire cumulard d’encaisser d’avantage que le plafond légal de 9.857 euros par mois ; en cas de dépassement, il reverse le surplus à un ou plusieurs élus de son choix, moins bien rémunéré(s).

    Le mensuel Capital (février 2013) a additionné les indemnités de 500 politiciens d’Ile-de-France et des dix agglomérations les plus peuplées. Parmi elles, celle de Nantes.

    Gérard Allard (PS) : 4.713 euros ; vice-président du conseil général (3.459 euros) et maire-adjoint de Rezé (1.254 euros).

    Bernard Aunette (PS) : 6.747 euros ; maire de Sainte-Luce-sur-Loire (2.471 euros), vice-président de la communauté urbaine (1.806 euros), conseiller général (2.470 euros).

    Jean-Marc Ayrault (PS) : 14.910 euros ; Premier ministre (14.910 euros), conseiller municipal de Nantes, conseiller de la communauté urbaine.

    Gilles Bontemps (PCF) : 4.789 euros ; vice- président du conseil régional (3.725 euros), conseiller de la communauté urbaine (1.064 euros).

    Christophe Clergeau (PS) : 7.260 euros ; vice-président du conseil général (3.725 euros), maire-adjoint de Sainte-Luce-sur-Loire (2.471 euros), conseiller de la communauté urbaine (1.064 euros).

    Marie-Françoise Clergeau (PS) : 9133 euros ; député (7.100 euros), maire-adjointe de Nantes (969 euros), conseiller de la communauté urbaine (1.064 euros).

    Ronan Dantec (EELV) : 9.133 euros ; sénateur (7.100 euros), conseiller municipal délégué de Nantes (969 euros), conseiller de la communauté urbaine (1.064 euros).

    Sophie Errante (PS) : 8.735 euros ; député (7.100 euros), maire de la Chapelle-Heulin (1.635 euros).

    Jean-Pierre Fougerat (PS) : 9.857 euros ; député (7.100 euros), maire de Couëron (2.471 euros), vice-président de la communauté urbaine (1.806 euros). Ecrêtement.

    Charles Gautier (PS) : 5.227 euros ; maire de Saint-Herblain (3.421 euros), vice-président de la communauté urbaine (1.806 euros).

    Alain Gralepois (PS) : 3.725 euros ; vice-président du conseil régional.

    Michèle Gressus (PS) : 4.277 euros ; maire de Bouguenais (2.471 euros), vice-présidente de la communauté urbaine (1.806 euros).

    Joël Guerriau (UDI) : 9.857 euros ; sénateur (7.100 euros), maire de Saint-Sébastien-sur –Loire (3.421 euros), vice-président de la communauté urbaine (1.806 euros). Ecrêtement.

    Claude Guillet (UDI) : 4.277 euros ; maire de Carquefou (2.471 euros), vice-président de la communauté urbaine (1.806 euros).

    Michel Ménard (PS) : 9.857 euros ; député (7.100 euros), vice-président du conseil général (3.459 euros). Ecrêtement.

    Michelle Meunier (PS) : 9.818 euros ; sénateur (7.100 euros), conseiller général (2.718 euros).

    Fabienne Padovani (PS) : 5.961 euros ; vice-présidente du conseil général (3.459 euros), maire-adjoint de Nantes (1.438 euros), conseiller de la communauté urbaine (1.064 euros).

    Joseph Parpaillon (DVD) : 7.945 euros ; maire d’Orvault (3.421 euros), vice-président de la communauté urbaine (1.806 euros), conseiller général (2.718 euros).

    Catherine Piau (PS) : 5.429 euros ; maire-adjoint de Nantes (1.438 euros), conseiller de la communauté urbaine (1.064 euros), conseiller régional (2.927 euros).

    Dominique Raimbourg (PS) : 8.164 euros ; député (7.100 euros), conseiller de la communauté urbaine (1.064 euros).

    Gilles Retière (PS) : 6.414 euros ; maire de Rezé (3.421 euros), président de la communauté urbaine (2.993 euros).

    Patrick Rimbert (PS) : 7.318 euros ; maire de Nantes (5.512 euros), vice-président de la communauté urbaine (1.806 euros).

    Alain Robert (PS) : 7.383 euros ; vice-président du conseil général (3.449 euros), maire-adjoint de Nantes (1.438 euros), conseiller de la communauté urbaine (1.064 euros), président du syndicat mixte pour l’hébergement des gens du voyage (1.422 euros).

    Johanna Rolland (PS) : 5.962 euros ; maire-adjoint de Nantes (1.438 euros), vice-pésidente de la communauté urbaine (1.806 euros), conseiller général (2.718 euros).

    François de Rugy (EELV) : 8.164 euros ; député (7.100 euros), conseiller de la communauté urbaine (1.064 euros).

    Catherine Touchefeu (PS) : 5.961 euros ; vice-présidente du conseil général (3.459 euros), maire-adjoint de Nantes (1.438 euros), conseiller de la communauté urbaine (1.064 euros).

    Ce petit tour d’horizon montre que les politiciens les plus en vue de l’agglomération nantaise se situent dans la fourchette 3.725/9.857 euros. Dans le premier cas, on a affaire à Alain Gralepois, premier secrétaire fédéral du PS en Loire-Atlantique jusqu’en 2012. Dans le second, on trouve les parlementaires que leur activité de législateur ne suffit pas à occuper puisqu’ils éprouvent le besoin d’être maire ou vice-président de ceci ou de cela par-dessus le marché.

    Conséquence de la professionnalisation des élus, le « boss » – à Nantes un certain Jean-Marc Ayrault – tient son « personnel » bien en main. Système qui ressemble fort à celui en vigueur au Moyen Âge avec le suzerain et ses vassaux. Car c’est le patron qui répartit la manne. C’est lui qui récompense la fidélité des uns et l’ardeur des autres. C’est sur lui qu’on compte pour monter d’un cran – ou de plusieurs – aux prochaines élections. Tout conseiller municipal rêve de devenir adjoint…Tout conseiller général ambitionne de devenir président de commission…Tout conseiller régional se voit devenir vice-président. Mais carte de visite plus flatteuse et indemnité plus nourrissante dépendent du bon vouloir du « boss ». Il ne suffit plus de prendre sa place dans la file et d’attendre les effets de l’ancienneté, comme autrefois.

    Etant bien entendu qu’en dehors du Parti socialiste, devenu véritable parti « institutionnel », il n’y a point de salut à gauche ; c’est le patron du parti hégémonique qui distribue les mandats et fait les carrières. Aux alliés (PCF, PRG) il ne reste qu’à faire allégeance et à ramasser les miettes.

    Rares sont les élus qui osent quitter le PS parce qu’ils sont en désaccord avec la ligne de la rue de Solferino. Ceux qui s’y risquent voient leur vie politique réduite à la plus simple expression ; c’est le cas de Françoise Verchère, conseiller général, ancien maire de Bouguenais, qui a quitté la grande surface socialiste pour rejoindre une épicerie de quartier (Front de gauche). Attitude courageuse qui honore cette femme de caractère. D’autant plus qu’elle s’oppose aux grands chefs socialistes à propos du projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes. Elle milite activement contre le déménagement. M. Ayrault et ses boys ne lui feront donc pas de cadeaux.

    Paul le Guern http://fr.novopress.info

  • Ces politiques malades de l’Union européenne

    Qu’ils sont nombreux ces hommes politiques malades de leur idéologie européanno-fédéraliste. A RageMag, nous avons plusieurs services (cinéma, politique, porno…) et même un service de psychiatrie spécialisé dans le traitement des libéraux et des fédéralistes fans de l’Union européenne ! Brisons exceptionnellement le secret médical pour vous présenter nos plus beaux patients. Patient numéro 1 : Antoine Riboud est le PDG et le fondateur de Danone. Symptômes : Le sujet a affirmé le 7 mai 1992 dans Libération que « tout le contenu du nouveau traité est depuis plus de vingt ans inscrit en lettres d’or dans [leurs] stratégies industrielles ». Doit-on supposer que le dumping social, la maltraitance des travailleurs exploités, la suppression lente mais certaine des acquis sociaux étaient prévus au programme de Maastricht ? Était-ce donc ça qu’avait majoritairement soutenu la gauche lors des débats ? Contradiction, le même patient a défendu les 32 heures en 1993. Diagnostic : Cette forte incohérence dans les propos est le résultat d’un délire euro-psychotique aigü ! Projet de soins, traitement : Il faut faire retrouver au sujet un ancrage avec la réalité. Nous proposons une thérapie avec Atelier Travail en milieu ouvrier. La suite sur Ragemag http://www.actionfrancaise.net

  • Femen : des militantes du RF Paris se rendent à leur local

    Communiqué du Renouveau français :
    « Il y a quelques jours, une quinzaine de militantes du RF Paris ont envahi le local de la milice extrémiste antichrétienne « Femen » (grassement subventionnée par de discrets oligarques).
    Cette première action est une « déclaration de guerre » à la bêtise et à la haine qu’incarnent les Femen, sous le vocable trompeur de « féminisme ».
    Les Françaises sont dans leur très grande majorité plus proches des valeurs que défendent nos militantes, que de celles d’une minorité de bobos libertaires.

    http://www.youtube.com/watch?feature=player_embedded&v=fcmOAKnlICc

    Les VRAIES femmes n’ont pas dit leur dernier mot.
    Non, les Fem’haine ne défendent pas les femmes, mais seulement la vulgarité et la haine du christianisme. »
    http://www.contre-info.com/

  • « La croissance n’est pas la solution, c’est le problème »

    Par Jean Gadrey, économiste et membre en 2008-2009 de la « Commission Stiglitz ». On nous dit que, sans croissance, c’est la régression sociale, on ne peut pas réduire les dettes, ni le chômage, ni la pauvreté, et l’on n’aura pas les moyens d’engager la transition écologique. Pourtant, je propose de dire « Adieu à la croissance », qui est le titre de mon livre, dont ont peut lire les bonnes feuilles ici. Il serait temps que les économistes, s’ils veulent être « responsables », prennent en compte les risques écologiques et qu’ils se posent les questions suivantes : et si ce culte de la croissance relevait d’un aveuglement des élites économiques et politiques ? Et si la quête de la croissance, fondée sur des gains de productivité sans fin, était l’un des facteurs de crises, voire la plus grave des menaces à terme pour l’humanité ? Et si, quoi que l’on fasse, la croissance ne revenait jamais dans les pays « riches » ? Et si une « prospérité sans croissance » était possible et nécessaire pour sortir de la nasse où nous sommes ? Et si notre pays était immensément riche sur le plan économique, ce qui permettrait de faire face à tous les défis, sans croissance, dans le cadre d’une transition ambitieuse ? Ces hypothèses sont de plus en plus crédibles. Le graphique joint représente l’évolution, depuis 1949, des taux annuels de croissance. On ne peut certes rien en conclure sur les évolutions futures, mais cela pourrait au moins faire réfléchir les dévots de la croissance. Les causes du plongeon Bien des raisons expliquent cette baisse spectaculaire. La poursuite de la croissance se heurte d’abord à différentes limites sociales. Elle n’est plus depuis longtemps un facteur de mieux vivre, vu qu’elle est définie comme la progression quantitative d’un « truc technique », le PIB (Produit intérieur brut), lequel n’a pas été fait pour enregistrer la qualité de la vie individuelle et collective, les dommages écologiques, les inégalités, le temps libre, le bénévolat, le travail domestique, etc. Comme le disait en mars 1968 le sénateur Robert Kennedy, quelques mois avant son assassinat, « le PIB mesure tout, sauf ce qui fait que la vie vaut d’être vécue ». C’est à un constat semblable qu’est parvenue la « Commission Stiglitz » quarante ans plus tard ! Mais la raison qui va devenir la plus importante est écologique. Elle est résumée par cette citation d’un grand économiste américain, Kenneth Boulding : « Celui qui pense qu’une croissance exponentielle infinie est possible dans un monde fini est soit un fou soit un économiste. » La finitude des ressources naturelles se manifeste notamment par les premiers effets du pic du pétrole et de bien d’autres pics (le « peak all », le pic de tout), qu’il s’agisse de ressources non renouvelables, extraites du sous-sol, qui s’épuisent et dont le prix va grimper sans cesse, ou de ressources en principe renouvelables mais tellement surexploitées qu’elles ne parviennent plus à se renouveler : climat, eau, biodiversité, forêts, terres arables… Les avocats de la croissance à perpétuité font penser à de mauvais médecins qui jugeraient la santé d’une personne par la croissance de sa taille et de son poids alors qu’elle a atteint un âge où son développement qualitatif, individuel et social, devrait primer. C’est pour cela que nous vivons sous un régime d’obésité consumériste, au demeurant très inégalitaire. Et le chômage dans tout ça ? Mais alors, si la croissance prend fin dans les pays riches, et s’il faut le souhaiter pour diverses raisons, en particulier pour préserver ou restaurer des patrimoines naturels vitaux aujourd’hui endommagés, le chômage ne va-t-il pas poursuivre son envolée ? La fin de la croissance sera en effet un drame pour l’emploi si l’on prolonge la trajectoire productiviste symbolisée par les Trente Glorieuses, car les gains de productivité détruisent l’emploi s’il n’y a pas assez de croissance. Sauf – c’est une première piste à exploiter – si l’on réduit la durée du travail. Je suis favorable au passage assez rapide et négocié en France aux 32 heures ou à la semaine de quatre jours à la carte. Mais ce n’est pas la seule piste. En effet, rien ne nous condamne à viser toujours plus de productivité, surtout quand on mesure les dégâts humains et écologiques que cela entraîne, mais aussi la dégradation de la qualité dans bien des cas, dont des cas récents dans l’agriculture et l’alimentation. Il faut s’orienter vers des gains de qualité et de durabilité (le « toujours mieux » à la place du « toujours plus »), qui ont déjà été dans le passé des sources de création d’emplois et qui devraient l’être beaucoup plus à l’avenir : agroécologie, construction et isolation thermiques, énergies renouvelables, circuits courts, relocalisation, mobilité douce, services de bien-être, etc. Par exemple, on a besoin d’environ 30% d’emplois en plus dans l’agriculture biologique pour produire les mêmes quantités, donc sans croissance quantitative. On est là dans une logique vertueuse favorable aussi bien à l’environnement qu’à la santé publique, à l’emploi et au sens retrouvé du travail. C’est vrai dans bien d’autres activités. La soutenabilité écologique et sociale n’est pas l’ennemie de l’emploi, et donc de la protection sociale, contrairement au productivisme. Encore faut-il des politiques résolues pour cette grande bifurcation, et une réduction des inégalités. Des scénarios de très bonne qualité existent, il faut les mettre à l’agenda politique. Ils ne sont nullement régressifs, bien au contraire. 5% du PIB part en dividendes Privés de croissance, reste à savoir comment les pouvoirs publics pourraient dégager les financements nécessaires à la protection sociale et à la transition écologique sans creuser la dette. En réalité, on cherche les clés sous le réverbère de la croissance et pas là où elles se trouvent, du côté des inégalités, des privilèges, du pouvoir économique d’une infime minorité, et de la maîtrise du crédit. En termes économiques, les Français sont environ deux fois plus riches qu’au début des années 1970. En fait, les « marges de manœuvre » financières de gouvernements qui chercheraient les clés au bon endroit sont considérables. Voici trois exemples. D’abord, depuis les années 1980, le partage de la richesse économique (la « valeur ajoutée ») a évolué en faveur des profits (principalement les dividendes) et en défaveur des salaires, dans des proportions énormes. Le graphique 2 représente les dividendes versés par les entreprises aux actionnaires depuis 1949 en pourcentage de la masse salariale. Il se passe de commentaires. Aujourd’hui, 100 milliards d’euros annuels, soit 5% du PIB, partent en dividendes. Il faudrait cinq fois moins que ce montant pour éradiquer la pauvreté ! Ensuite, selon un rapport du député UMP Gilles Carrez, les niches fiscales représentent au bas mot 100 à 120 milliards d’euros par an de manque à gagner pour l’État. Certaines sont justifiées, mais plus de la moitié ne le sont pas et sont jugées inefficaces par la Cour des Comptes. Enfin, l’évasion fiscale et la fuite dans les paradis fiscaux, plus la fraude fiscale, représentent elles aussi plusieurs dizaines de milliards d’euros de pertes sèches qui ne peuvent servir ni les objectifs sociaux ni les finalités écologiques. Ajoutons à cela le fait qu’en se privant de la création monétaire par leur propre banque centrale (c’est-à-dire de la maîtrise du crédit), les États de la zone euro se sont privés d’un instrument majeur de réorientation écologique des investissements. Il faudrait, comme le demandent la Fondation Nicolas Hulot, le « collectif Roosevelt » et d’autres associations, récupérer cet outil pour financer la transition. Quand il s’agit de « sauver l’humanité », ne pourrait-on pas faire ce qu’on a fait pour « sauver les banques » ? Terra Eco http://fortune.fdesouche.com

  • Les Gaulois, nos ancêtres.


    IIIe millénaire : apparition des indo-européens, considérés comme les ancêtres des Celtes.
    Vers 800 avant J.C venant de l'est de l'Europe par vagues successives, les Celtes s'installent dans l'ouest européen.
    Dont les Gaulois, peuple ancien et nouveau, ancien car faisant partie des Celtes, nouveau par la jeunesse de leur dénomination.
    Lorsque les Celtes de ce qui deviendra la Gaule se déplaçaient, ils emmenaient des cages de volailles vivantes pour avoir toujours de la nourriture et quand ils déferlèrent sur Rome à la suite de Brennus (saccage de Delphes), les Romains les surnommèrent «poulets» : «Galli», ce nom leur restera, «Gaulois».
    Leur pays pris le nom de «Gaule» «Gallia». La Gaule mosaïque de peuples ou de nations gauloises qui occupait ce qui est la France d'aujourd'hui et la Belgique alors que les territoires celtes s'étendaient de l'Irlande jusqu'à deux milles kilomètres vers l'est. Pour certains historiens, ce serait César qui aurait inventé la Gaule afin d'unifier ses conquêtes, les Grecs quant à eux les appelaient Galataï.
    « L'ensemble de la Gaule est divisé en trois partie : l'une est habitée par les Belges, l'autre par les Aquitains, la troisième par ceux qui dans leur propre langue, se nomment Celtes et, dans la nôtre, Gaulois. Tous ces peuples diffèrent entre eux par le langage, les coutumes, les lois. Les Gaulois sont séparés des Aquitains par le cours de la Garonne, des Belges par la Marne et la Seine » César au début de la Guerre des Gaules ( de Bello Gallico, I,1 ), les Latins quand ils parlaient de ce pays y ajoutaient toute l'Italie padane ainsi qu'une partie de la côte adriatique jusqu'à Ancone, région conquise par les Celtes au début du IVe siècle av. J.C.
    Lorsque les Romains s'installent dans ce qui deviendra la Narbonnaise, ils lui donneront le nom de Gallia togata, la gaule en toge, la Gaule indépendante prenant le nom de Gallia comata, la Gaule chevelue.
    La Gaule était principalement agricole, forêts remplacées par des champs et des prés. La campagne gauloise est riche, prospère, bien cultivée et la taille des fermes est variable. Seule la polyculture est employée, on y cultivait le blé, l'orge qu'ils utilisaient pour fabriquer la cervoise (une sorte de bière ) et le millet. Les Gaulois pratiquaient l'élevage de bovins, d'ovins de chevaux et de porcs. ( les animaux à l'époque étaient plus petits que ceux de maintenant )
    « Ils sont si riches en ovins et en porcins ( Strabon 1er siècle avant J.C ) qu'ils fournissent à profusion de leurs sayons ( manteau à capuche ) et de leurs salaisons non seulement les marchés de Rome mais aussi la plupart de ceux d'Italie. » (IV,4)
    Les Gaulois sont réputés pour leur artisanat, principalement la métallurgie (par exemple, les populations celtiques sont les seules dans l'antiquité à réaliser les fourreaux de leurs épées en métal) dont les oppidas comme Bribracte (sur les pentes du Mont Beuvray au sud de la Bourgogne) capitale des Eduens, conservent encore les traces des ateliers.
    Ils étaient aussi réputés et appréciés comme mercenaires.
    Les oppidas, centre politique pouvaient servir aussi de centre de marché et de foire mais aussi de refuge en cas d'agression. Cependant, au vu de la faiblesse défensive de certains remparts, ils auraient eu une fonction de « tape à l'œil ». Les gaulois habitaient généralement des villages.
    Sur le plan religieux, les Gaulois ont de multiples divinités ( qu'ils refusèrent longtemps de représenter ).
    Taranis : dieu du tonnerre, Cernunnos : le dieu aux bois de cerf qui symbolise le renouveau des forces de la nature, Teutatès : symbolise le serment donné, Lug : dispensateur de richesses, Sucellus « le dieu frappeur » : il passe pour aider les mourants à gagner sans crainte l'au-delà, Epona ( déesse) : la protectrice des chevaux, Esus : dieu bûcheron.
    Les Gaulois portaient un culte particulier aux éléments de la nature, astres, sources, eaux dormantes, sommets, fleuves.
    Au moins dans les derniers siècles de notre ère, différents types de sanctuaires sont élevés . Ce sont des autels non couverts à l'origine puis couverts au centre d'un enclos doublé d'un fossé où se trouvent des fosses et un bosquet.
    La Gaule était très peuplée, divisée en peuples tantôt alliés, tantôt rivaux dont on retrouve les noms, Arvernes ⇒ Auvergne, Bituriges ⇒ Bourges, Vénètes ⇒ Vannes, Parisii ⇒ Paris, Andégaves ⇒ Anjou....
    Beaucoup de ces peuples s'enrichissaient grâce aux péages installés aux passages obligés sur les fleuves ou dans les vallées, la Gaule étant un pays où le commerce était très développé, notamment avec les Grecs et les Romains ( le vin ).
    Comme les Romains ou les Grecs, les Gaulois se divisent en deux catégories, les hommes libres et les esclaves qui tant qu'ils ne sont pas affranchis, n'ont aucune action dans la vie sociale et donc dans les affaires politiques.
    Les Gaulois se divisent en trois classes,
    - religieux ⇒ les druides, ils suivent un enseignement purement orale qui peut durer vingt ans, ils se cooptent les uns les autres, n'importe qui peut le devenir. Grâce à la pratique cultuelle, ils ont pu développer des connaissances en astronomie, calcul et anatomie. Ils se verront confier l'éducation des jeunes nobles. Ils enseignent entre autre l'immortalité de l'âme.
    ( les bardes personnages importants, ils faisaient perdurer l'histoire des tribus ( poèmes et légendes ), ils connaissent les chants et étaient adroits dans les rîmes. Ils allaient aussi au combat (il était interdit de tuer un barde car avec sa mort l'histoire de la tribu mourrait avec lui. )
    - les guerriers ⇒ les chevaliers,
    - la plèbe ⇒ les agriculteurs, artisans... etc
    ( s'y ajoutaient les esclaves provenant souvent des peuples vaincus )
    - Les druides ne paient pas l'impôt et sont dispensés du service militaire.
    - Les chevaliers paient l'impôt et sont soumis au service militaire.
    - Les plébéiens paient l'impôt et sont soumis au service militaire.

    « Partout en Gaule il y a deux classes d'hommes qui comptent et sont considérés. Quant aux gens du peuple, ils ne sont guère traités autrement que des esclaves, ne pouvant se permettre aucune initiative, n'étant consultés sur rien. La plupart, quand ils se voient accablés de dettes, ou écrasés par l'impôt, ou en butte aux vexations de plus puissants qu'eux, se donnent à des nobles ; ceux-ci ont sur eux tous les droits qu'ont les maîtres sur leurs esclaves.
    « Pour en revenir aux deux classes dont nous parlions, l'une est celle des druides, l'autre des chevaliers. [...] Ceux-ci, quand il le faut, quand quelque guerre éclate ( et avant l'arrivée de César cela arrivait à peu près chaque année, soit qu'ils prissent l'offensive, soit qu'ils eussent à se défendre ), selon sa naissance et sa fortune, a autour de soit un plus ou moins grand nombre d'ambacts ( guerrier qui dépend d'un personnage important et qui le suit au combat. ) et de clients. Ils ne connaissent pas d'autre signe du crédit et de la puissance » César (BG VI, 13 et 165).
    La Gaule comme les autres Celtes, pratique le système de clientèle, en échange de services ou de biens, les hommes libres apportent leur service pour les combats ou les péripéties de la vie politique.

    Vers 390 av JC des Gaulois de la tribu des Sénons, dans le centre-est de la Gaule traversent l'Italie, battent les Romains à Allia et parviennent jusqu'à Rome qui à part le Capitole est incendiée. Ils massacrent les patriciens et infligent une terrible humiliation aux Romains.
    Tite-Live en parle dans son Histoire de Rome .
    « Alors le Sénat se réunit et chargea les tribuns militaires de traiter avec l'ennemi. Il y eut une entrevue du Tribun militaire Quintus Sulpicius et du chef des Gaulois Brennus. Un accord fut conclu et on estima à mille livres d'or la rançon d'un peuple appelé à devenir le maître du monde. A cette honte vint s'ajouter un outrage : les Gaulois avaient apporté des poids et comme le tribun refusait, l'insolent ennemi y ajouta une épée et fit entendre ces paroles intolérables pour les Romains : "Vae victis" : Malheur aux vaincus. »
    Vers 279 av JC, une troupe de Gaulois ayant participé au raid sur Delphes et après le suicide de Brennus ( un autre Brennus ) s'installent en Asie Mineure et fonde le royaume éphémère des Galates d'où elle menaçait la puissance de Bysance.

    Après des années de guerres provoquées par César pour des raisons politiques intérieurs romaines, la Gaule indépendante disparaît pour laisser la place à une nouvelles province romaine et un nouveau peuple les Gallo-Romains.
    Sources : Nos ancêtres les Gaulois , Renée Grimaud
    Les Gaulois Jean-Louis Brunaux
    Les Celtes Barry Cluniffe
    L'Histoire décembre 2003, décembre 2007
    Dossier pour la science octobre-décembre 2008

    Pat

  • Le Baas syrien face à la mouvance islamique sunnite

    Thierry Pierret Ex: http://mediabenews.wordpress.com/ Alors que l’on a souvent souligné le caractère « séculier » des soulèvements arabes de 2011, du moins avant que les mouvements islamistes n’en apparaissent comme les principaux bénéficiaires électoraux, la religion est rapidement apparue comme une composante importante des mouvements de protestation observés en Syrie depuis le mois de mars. En témoignent notamment la récurrence des slogans religieux, la visibilité acquise par certains hommes de religion durant les événements, et la concentration des manifestations dans et autour des mosquées, seuls espaces publics relativement épargnés par le maillage sécuritaire. Une telle prégnance du référent islamique est a priori susceptible de conférer un rôle majeur aux représentants de la mouvance islamique, c’est-à-dire les mouvements islamistes d’opposition, d’une part, et les oulémas (« savants », spécialistes des sciences religieuses), d’autre part. Sans être négligeable, ce rôle est toutefois contraint par l’histoire et en particulier par les conséquences des politiques ultra-répressives menées par le régime baasiste contre l’islam politique. De tradition laïque, ce régime s’est montré d’autant plus hostile aux islamistes que ses principaux dirigeants, à commencer par la famille Assad, étaient issus de la minorité alaouite, perçue comme hétérodoxe par une bonne partie de la majorité sunnite. Fondés à l’indépendance en 1946, les Frères musulmans syriens font leurs modestes débuts dans un contexte de démocratie parlementaire. En 1963, le coup d’État du Baas met un terme définitif à cette phase d’expériences démocratiques. Radicalement hostile aux islamistes, le nouveau régime socialiste et laïcisant les contraint à la clandestinité ou à l’exil. Dans les années 1970, toutefois, les Frères profitent de la popularité croissante du référent religieux parmi la jeunesse pour reconstruire discrètement leurs forces. Cette montée en puissance va de pair avec l’affirmation de l’Avant-garde combattante, une organisation islamiste dissidente prônant l’action armée. En 1979, ses militants lancent une vaste campagne d’assassinats et d’attentats à la bombe, tandis qu’un soulèvement populaire émerge dans les villes du Nord. Le régime y opposera une réponse militaire qui culmine en 1982 avec le siège de la ville de Hama et le massacre de milliers de ses habitants. Totalement éradiqués à l’intérieur du pays, les Frères Musulmans seront réduits, jusqu’à ce jour, au statut de parti d’exilés. Dès lors, les oulémas (« savants », spécialistes des sciences religieuses) constitueront les seules voix de la mouvance islamique en Syrie. Durant les années 1960, la radicalisation gauchiste du Baas avait été à l’origine de plusieurs crises entre le régime et le clergé, dont certains membres avaient été emprisonnés pour avoir critique l’« athéisme » de l’équipe dirigeante. Suite à son coup d’état de 1970, le général Hafez el-Assad adopte une approche plus pragmatique, affichant même quelques signes de piété. La décennie est donc caractérisée par un processus de relative détente que vient toutefois interrompre l’insurrection armée entamée en 1979. Après 1980, face à un mouvement de réislamisation sociale qu’il ne peut empêcher, le régime prend graduellement conscience que la répression de l’islam politique doit s’accompagner d’une relative tolérance à l’égard des activités éducatives islamiques, du moins lorsqu’elles sont menées par des partenaires sûrs. La décennie qui suit l’insurrection voit donc apparaître de nouveaux instituts supérieurs islamiques tels que la Fondation Abu al-Nur, établie par le Grand Mufti Ahmad Kaftaro. C’est à la même époque que le régime noue une alliance de longue durée avec le Dr Said Ramadan al-Buti, doyen de la faculté de Charia de Damas et essayiste à succès. Sur le plan des idées, l’intéressé se situe aux antipodes du parti au pouvoir puisqu’il est radicalement hostile au nationalisme et au socialisme, principales composantes du baasisme. Toutefois, au nom d’une lecture ultra-conservatrice de la théologie politique sunnite, al-Buti prône l’obéissance au pouvoir en place, la tyrannie étant jugée préférable au risque d’anarchie. La stratégie d’al-Buti repose aussi à la fitna (« discorde ») mais aussi sur l’idée que le dialogue avec le pouvoir permettra à terme la satisfaction des revendications du clergé. De fait, à partir des années 1990, le régime libéralise progressivement sa politique religieuse en levant certaines restrictions pesant sur les pratiques cultuelles (célébration de l’anniversaire du Prophète, port du voile à l’école), en autorisant le retour d’oulémas exilés ou encore, au milieu des années 2000, en tolérant un véritable bourgeonnement des associations de bienfaisance et écoles secondaires islamiques. Ces évolutions s’opèrent notamment au bénéfice de Jamaat Zayd (« le groupe de Zayd »), un influent mouvement de prédication dont l’action se concentre sur l’éducation religieuse des étudiants de l’enseignement séculier dans le cadre de cercles d’études informels organisés dans les mosquées. Contrains à l’exil durant l’insurrection de 1979-1982, les dirigeants de ce groupe reviennent en Syrie au milieu des années 1990. Établissant des relations avec le régime, ils n’en conservent pas moins une certaine indépendance de ton et seront toujours perçus avec méfiance par les autorités. Une telle stratégie, imposée au régime par la nécessité de resserrer les liens avec l’opinion religieuse dans un contexte de tensions régionales (invasion de l’Irak, crise libanaise), aura pour effet non désiré de donner aux oulémas une assurance nouvelle qui les conduit à s’en prendre aux éléments laïcistes dominant les ministères de l’Information et de l’Éducation. En 2008, le retour en grâce de la Syrie sur la scène internationale après plusieurs années d’isolement permet au pouvoir de faire volte face et de revenir à des politiques beaucoup plus strictes vis-à-vis de la mouvance islamique. Tandis que sont nationalisées certaines institutions religieuses demeurées privées, est lancée une campagne de « re-laïcisation » qui se traduit notamment par l’interdiction du port du voile facial (niqab) au sein du corps enseignant et dans les universités. À la veille du soulèvement de 2011, les relations entre le régime et l’élite religieuse s’étaient également tendues en raison des activités missionnaires chiites dans le pays. L’alliance du régime baasiste avec le chiisme duodécimain débute avec l’arrivée au pouvoir de Hafez al-Assad en 1970. Premier président non sunnite de l’histoire syrienne, le nouveau chef de l’État cherche à faire reconnaître sa communauté alaouite comme une branche du chiisme et, partant, de l’oumma musulmane. Cette fatwa, il l’obtiendra de clercs chiites duodécimains étrangers alliés au régime syrien pour des raisons politiques : l’opposant irakien Hassan al-Chirazi et Musa al-Sadr, fondateur du mouvement libanais Amal. Surtout, après 1979, Damas nouera une alliance stratégique avec la République Islamique d’Iran et son extension libanaise, le Hezbollah. Profitant de leurs relations étroites avec le régime syrien, des réseaux religieux chiites étrangers établissent des séminaires dans la banlieue damascène de Sayyida Zaynab et reconstruisent selon le style persan des sites de pèlerinage chiites dans le pays. Certains animateurs de ces réseaux ne cachent guère leur volonté d’utiliser leurs têtes de pont syriennes pour engranger des conversions au chiisme parmi la majorité sunnite du pays. Ils ne rencontrent guère de succès mais un certain nombre d’exceptions frappent les imaginations. Au milieu des années 2000, les rumeurs de « chiisation » massive trouvent un terreau favorable dans un contexte de guerre civile sunnito-chiite en Irak et de fortes tensions confessionnelles au Liban. La dégradation des relations entre régime et oulémas à la fin de la dernière décennie a été partiellement compensée par les conséquences de la libéralisation économique menée par Bachar el-Assad après son accession au pouvoir en 2000. Il a souvent été dit que cette évolution avait surtout profité à une poignée d’hommes d’affaires proches du président, dont le plus connu est son cousin Rami Makhluf. En réalité, l’abandon du socialisme a aussi contribué, dans des proportions certes plus modestes, à l’enrichissement d’une catégorie plus large d’entrepreneurs moyens. Or, c’est de leur alliance avec ces derniers que les oulémas syriens ont traditionnellement tiré les ressources financières de leurs séminaires et associations de bienfaisance. Ces ressources augmenteront donc considérablement à la faveur de la libéralisation économique et des conséquences du boom pétrolier de 2003. Ce même contexte voit également l’ouverture en Syrie de banques islamiques, qui recrutent des oulémas au sein de leur comité de supervision. Ces transformations économiques ont donc rapproché l’élite religieuse syrienne des milieux d’affaires et, par leur intermédiaire, de l’establishment politico-militaire. Traversée par ces dynamiques contradictoires, la mouvance islamique syrienne abordera la crise de 2011 en rangs dispersés. Si les Frères Musulmans et autres militants islamistes soutiennent le soulèvement avec enthousiasme, les oulémas sont profondément divisés. Ayant largement bénéficié du régime en place, ses alliés historiques comme Sa‘id Ramadan al-Buti et le Grand Mufti Ahmad Hassun demeurent loyaux. En face, les « oulémas révolutionnaires » émergent surtout dans les villes périphériques insurgées telles que Der‘a, dans le Sud, ou Banyas, sur la côte. À Damas et Alep, certaines figures religieuses respectées adressent de sévères critiques au régime. Dans la capitale, les protestataires se pressent ainsi pour assister aux sermons des cheikhs Oussama al-Rifa‘i et Krayyim Rajih, dont les mosquées sont le théâtres de manifestations régulières. S’ils n’appellent pas ouvertement au renversement du pouvoir, ces prêcheurs n’en rejettent pas moins la rhétorique officielle des « bandes armées » commandées par l’étranger, défendent la légitimité des revendications démocratiques et tiennent l’appareil de sécurité pour responsable des violences. Il n’est guère étonnant que ce défi émane d’anciens ennemis du régime ne s’étant réconciliés avec ce dernier que sur le tard et de manière équivoque. Pendant cinq mois, le pouvoir ne sait comment réagir face aux prêcheurs rebelles. Craignant les conséquences d’un affrontement ouvert, il recourt, sans succès, à divers moyens de séduction et de pression. C’est pendant le mois de Ramadan (août 2011) que les autorités sortent de leurs atermoiements : les oulémas contestataires ayant fustigé l’envoi des chars dans les villes de Hama et Deir ez-Zor, ils sont interdits de prêche, menacés et, pour l’un d’entre eux, physiquement agressés par les chabbiha, des voyous à la solde du pouvoir. Ces événements constitueront un tournant de la première année du soulèvement. Dominait jusqu’alors l’idée que le pouvoir n’oserait pas se confronter aux oulémas contestataires par crainte de la réaction populaire. Par conséquent, suite à l’agression perpétrée contre al-Rifa‘i, certains prédisent des manifestations-monstres qui emporteront le régime. Or, si les habitants des banlieues populaires de Damas manifestent en nombre, les quartiers centraux de la capitale ne se mobilisent guère. Or, c’est dans ces quartiers relativement aisés que la victime compte la plupart de ses nombreux adeptes. Les proches disciples d’al-Rifa‘i ne cachent pas leur rancœur face à l’inaction de ceux qui, la veille encore, donnaient du baisemain à leur guide spirituel. Ce que révèlent ces événements, c’est l’importance du facteur socio-économique dans le soulèvement actuel. Ce dernier est dans une large mesure celui des perdants de l’abandon du socialisme : ruraux et rurbains délaissés par un État qui, par le passé, se targuait de défendre leur intérêts, et habitants des ceintures de pauvreté des grandes villes. C’est au camp des bénéficiaires de l’économie de marché qu’appartiennent les grands oulémas. Par conséquent, même si leurs convictions et l’influence de leurs disciples politisés ont poussé certains d’entre eux à prendre le parti de l’opposition, ils ont dû prendre acte de la tiédeur du soutien que leur adressaient ces citadins aisés qui sont à la fois leurs fidèles et leurs bailleurs de fonds. Par là-même, ils ont pu apprécier à leurs dépens la fragilité faut-il dire l’inexistence, du sentiment communautaire sunnite. Thomas Pierret http://euro-synergies.hautetfort.com/

  • Présentation du blogue indépendante de ma volonté

    Je ne peux mettre une mise en forme correcte la barre d'outils de hauetfort n'apparaissant plus, veuillez m'excuser pour une meilleur qualité vous pouvez vous rendre sur le frère jumeau d'information nationaliste, au coeur du nationalisme ! (en lien sur le blogue.

  • Les mécanismes psycho-sociaux de l’aliénation néolibérale

    par Olivier Labouret

    Ex: http://mecanoblog.wordpress.com/

    Comment penser et affronter les bouleversements impensables qui nous affectent aujourd’hui ?

    On va chercher à comprendre comment le néolibéralisme nous aliène tous collectivement, certes, mais surtout chacun d’entre nous, individuellement. Pas seulement les couches populaires, les Français moyens, les « beaufs », les lecteurs de Gala, les spectateurs de TF1 ou les électeurs qui marinent, mais vous, moi, nous tous… Tant qu’on nie cette évidence que chacun d’entre nous est étroitement, inconsciemment aurait dit Freud, conditionné par les valeurs égoïstes de la compétition marchande, tant qu’on n’a pas compris que les bouleversements qui nous affectent ne sont pas seulement de nature économique et sociale, mais de nature psychologique et individuelle, c’est à dire s’immiscent en nous jusqu’à influencer notre pensée elle-même, comment peut-on prétendre faire de l’éducation populaire, concrètement, comment accomplir une quelconque transition ? En réalité, la guerre économique est aussi une guerre psychologique. Et si l’on veut penser autrement, sortir du déni de réalité dominant, guérir du « capitalisme cognitif » qui doit faire de nous les meilleurs sur le marché de l’emploi, du savoir et de la renommée, ici sur le campus du Mirail comme ailleurs, il faut connaître parfaitement l’ennemi, même et surtout quand il est tellement sournois qu’il s’est tapi à l’intérieur de soi, dans les recoins de son psychisme, ou ce qu’on nomme aujourd’hui communément tel.

    Au fond, la question est de comprendre comment la loi du marché a finalement fait pour rentrer subrepticement, mais au sens propre, à l’intérieur du cerveau, de nos cerveaux… Car ce n’est pas un vain mot, quand on sait qu’une discipline nouvelle a vu le jour et a été adoptée par les plus hauts conseillers des gouvernements occidentaux : la neuro-économie. Ces économistes au pouvoir ont intégré la technique comportementale et les neurosciences à leurs travaux. Un rapport du Centre d’analyse stratégique de 2010, officine d’experts patentés aux ordres du Premier ministre français, mais rapport co-dirigé par un conseiller du président Obama, Richard Thaler, se targue ainsi de pouvoir littéralement « rentrer dans le cerveau du consommateur », grâce en particulier à l’imagerie cérébrale, pour orienter, influencer ses choix économiques… Cela ne fait que confirmer redoutablement l’essentiel de mon propos : l’idéologie comportementale et cognitive, qui considère que l’individu, réduit à un instrument de traitement de l’information, peut être conditionné dans ses choix par un ensemble de sanctions et de récompenses, la bonne vieille méthode de la carotte et du bâton, est devenue une idéologie d’État pour les gouvernements néolibéraux : à travers un ensemble de techniques de propagande, il leur est possible aujourd’hui non seulement de conformer le comportement de chacun aux normes du marché, mais surtout de favoriser leur intégration cognitive, pour en faire une loi naturelle, incontestable… Quiconque y déroge, dorénavant, peut être ainsi déclaré objectivement, scientifiquement, souffrant sinon malade, et relever d’un traitement psychologique, et médical.

    Parler de ma place de psychiatre, praticien hospitalier de service public, pour décrire ces phénomènes est une position privilégiée, car l’évolution de la psychiatrie témoigne en première ligne de cette évolution de la doctrine néolibérale : la psychiatrie constitue un miroir grossissant de ce que le système de domination économique dans lequel nous vivons est en train de faire de la subjectivité de chacun d’entre nous. La psychiatrie n’a plus en effet pour rôle de soigner des maladies mentales, strictement définies par un ensemble de symptômes, mais s’occupe désormais officiellement de programmer la santé mentale des populations, santé mentale définie négativement, par l’absence de toute déviance comportementale vis à vis de la norme socio-économique. Un autre rapport, quasi-simultané, du Centre d’analyse stratégique gouvernemental, dirigé cette fois par une professeure d’épidémiologie formée à l’école comportementaliste et scientiste canadienne, Viviane Kovess, définit en effet la santé mentale, qui est « l’affaire de tous », comme « la capacité à s’adapter à une situation à laquelle on ne peut rien changer, (ou encore) l’aptitude à jouir de la vie ». Il s’agit là ni plus ni moins de la définition de l’individu libéral héritée d’Adam Smith, voire du marquis de Sade : la recherche égoïste et concurrentielle de l’intérêt individuel fait la richesse des nations et le bonheur collectif. Viviane Kovess est l’une des promotrices d’un programme européen de santé mentale visant à conditionner celle-ci par des logiciels d’apprentissage dès l’enfance. On voit que la psychiatrie est bel et bien devenue l’instrument d’une politique européenne et mondiale de santé, ou plutôt de conformité mentale, faisant d’ailleurs l’objet en France de plans quinquennaux, soutenus par la fondation d’État FondaMental. Cette dernière a pour mission de dépister tout trouble, toute défaillance individuelle le plus précocement possible, et de les corriger par la « psycho-éducation », car ils nuisent à la compétition économique, ainsi que l’affirmait son ancienne présidente, parlementaire UMP… La psychiatrie est donc aujourd’hui vraiment une affaire d’État : elle est instrumentalisée par le pouvoir néolibéral pour lui servir de caution scientiste à sa politique gestionnaire et répressive qui ne cesse de se durcir (comme le laisse à penser la continuité de la politique d’expulsion des étrangers en situation irrégulière depuis le changement présidentiel). Elle est devenue l’arme principale du contrôle socio-économique des comportements déviants, délinquants et même simplement défaillants. Comment diable en est on arrivés là ?
    Survol de l’évolution historique de la psychiatrie

    La psychiatrie est née avec les lumières et a grandi avec le scientisme positiviste : dès son origine, elle a constitué un système symbolique essentiel pour la civilisation occidentale (donnant une représentation acceptable de la folie et de la finitude, par le déplacement symbolique de la souffrance, de la violence sociale vers le psychisme individuel et la science médicale). Mais ce qui se passe aujourd’hui, c’est que ce système symbolique est devenu un système de propagande au service de l’ordre néolibéral : la métaphore psychologique et médicale permet de nier la violence que celui-ci exerce, de naturaliser la norme économique dans la subjectivité, de faire rentrer la loi du marché à l’intérieur de nos neurones sinon jusque dans nos gènes… La pression normative écrasante qui s’exerce aujourd’hui sur chacun d’entre nous et dans le monde entier est ainsi niée symboliquement, par psychiatrie interposée. Comment une telle mutation s’est-elle opérée, en deux siècles d’histoire ?

    Passons rapidement sur les deux guerres mondiales : à leur décours, avec Freud puis Parsons, le système symbolique médico-psychologique se prend de plus en plus pour la réalité, l’adaptation psychologique devient la norme individuelle du progrès civilisationnel. Mais c’est surtout avec la chute du mur de Berlin que ce système de croyances acquiert la force d’une conviction absolue. Avec l’effondrement du bloc communiste vient le triomphe du néolibéralisme, et le début de la troisième guerre mondiale : le seul ennemi devient l’individu, à embrigader dans la guerre économique. Ce tournant se traduit par la mondialisation de l’idéologie comportementale : tout trouble est désormais une maladie mentale. Apparaissent en effet en cascade les classifications mondiales des troubles du comportement, et en France la loi sur l’hospitalisation d’office des troubles à l’ordre public, ainsi que la circulaire instaurant la politique de santé mentale. C’est aussi le début du contrôle informatique effréné des activités humaines.

    Dix ans plus tard, surviennent les attentats du World Trade Center, simple incident de parcours dans cette fuite en avant hégémonique du système néolibéral : le terroriste se cache parmi nous, l’ennemi est intérieur. On assiste alors à une avalanche de lois sécuritaires (plus de trente en dix ans). Encore presque dix ans plus tard, 2008, voici la crise ultime des SubPrimes. La bulle n’est pas seulement spéculative mais psychologique, la dépression est tout autant nerveuse qu’économique : c’est la baudruche consumériste qui éclate, l’illusion de la possession matérielle pour tous qui s’effondre. Pour sauver le capitalisme, au moins temporairement, il n’y aura pas d’autre solution que de « changer les comportements et les mentalités », projet que le président Sarkozy annoncera à plusieurs reprises. Son discours de Toulon sera très rapidement suivi du discours d’Antony instrumentalisant un fait divers, le meurtre commis par un schizophrène malencontreusement échappé d’un hôpital psychiatrique, pour annoncer le grand tournant sécuritaire de la psychiatrie : celle-ci devra dorénavant garantir le risque zéro. Vous voyez qu’il existe un rapport dialectique étroit entre science psychiatrique et crise économique…

    Tout malade est un criminel en puissance, et tout individu est un malade qui s’ignore, pour peu qu’il trouve à redire à l’ordre en place : moins de 3 ans plus tard, cette dérive sécuritaire se concrétise dans la loi du 5 juillet 2011, instaurant les « soins sans consentement ». On peut, on doit désormais surveiller et traiter de force tout trouble du comportement, par des « programmes de soins » à domicile. Voici comment la psychiatrie est devenue sans coup férir une arme de dissuasion massive de tout remise en cause individuelle dérangeante du système de domination néolibéral, permettant un déni symbolique de toute contrainte, de toute violence socio-économique.
    État des lieux actuel de la psychiatrie : une triple dérive qui s’accélère

    Dérive scientiste : c’est donc le triomphe de l’idéologie comportementale, qui diffuse la bonne santé mentale dans l’ensemble de la société, du sommet de l’État à la dernière des classes maternelles en passant par le monde de l’entreprise, à travers les procédures d’évaluation et échelles de comportement. Cette idéologie au pouvoir est renforcée par un véritable délire scientiste : la norme comportementale a une origine biologique, tout trouble doit avoir forcément une cause médicale, organique. C’est le sens des recherches faramineuses en neurosciences et sur la vulnérabilité génétique : tous les troubles, toutes les déviances sont concernés (hyperactivité, troubles des conduites, addictions, conduites suicidaires, troubles bipolaires et labiles…). Des intérêts colossaux sont en jeu, à la fois scientistes (congrès et publications de la psychiatrie universitaire, instituts de recherche privés comme FondaMental et publics avec l’Inserm), politiques (prises de positions gouvernementales, rapports du Centre d’analyse stratégique) et industriels (poids du lobbying pharmaceutique). On a parlé des recherches en neuro-économie, il faut citer également la classification internationale DSM-5 dont la parution est imminente, et qui décrit des troubles prédictifs : désormais, il faut dépister le trouble le plus précocement possible voire avant même qu’il arrive pour le tuer dans l’oeuf !

    Dérive marchande : comme dans tous les services publics, ou ce qu’il en reste, c’est le triomphe de l’idéologie managériale cognitivo-comportementaliste de la rentabilité, de l’évaluation, de la qualité, réalisant une course incessante à la performance (sélection des meilleurs soignants au mérite, et culpabilisation, mise à l’écart des incapables), parallèlement à une pénurie croissante des moyens et à un contrôle administratif renforcé, et aboutissant à une perte de toute indépendance et de toute éthique professionnelle.

    Dérive sécuritaire enfin, cachant une violence institutionnelle qui s’accroît : cinq lois et deux circulaires en cinq ans, psychiatrisant toujours plus la déviance et la délinquance, et accompagnant des pratiques « soignantes » de plus en plus coercitives. La mission de la psychiatrie devient l’expertise prédictive omnipotente de la dangerosité, parallèlement à la mise en place d’un fichage généralisé des populations à problèmes, qui coûtent trop cher, pour les trier voire les éliminer en douceur. Surtout, la loi du 5 juillet 2011 instaure une société de contrôle d’un genre nouveau, à travers les soins sans consentement à domicile, autrement dit le déni psychiatrique de toute contrainte extérieure pesant sur l’individu. On assiste là à l’abolition de tout libre-arbitre, de la possibilité de penser différemment, et finalement de la vie privée, par une loi qui dicte à toute la population le bon comportement individuel. Dorénavant, chacun devra se conformer de lui-même à des normes posées comme une réalité absolue, même si il n’y consent pas. C’est l’avènement d’un État policier où la psychiatrie exerce la police des comportements, le ministère de l’intérieur psychique, conditionnant une normopathie de masse, au sens de Hannah Arendt. L’implosion psychologique remplace toute possibilité d’explosion sociale, chacun est tenu d’être surveillé et traité médicalement chez soi et en soi pour être heureux… C’est l’avènement de l’hygiénisme du bonheur obligatoire, du repli programmé dans le confort de son cocon personnel, mais aseptisé, vidé de toute distance critique, de toute altérité.
    La psychiatrie resituée dans l’évolution socio-économique : la propagande néolibérale

    C’est la stratégie du choc psycho-économique dont parle Naomi Klein, autrement dit l’application systématique par le pouvoir des méthodes cognitivo-comportementales de soumission (on parlera de renforcement positif et négatif, ou en plus imagé de la carotte et du bâton).

    La « carotte », c’est la propagande spectaculaire et marchande du divertissement, de la consommation, et la propagande techno-scientiste (mythe du progrès, de la croissance, de l’amélioration des performances…). Elle est portée par le marketing publicitaire, les industries culturelles, la télévision, les technologies de l’information et de la communication (TIC), les jeux vidéo : tous ces moyens reposent sur le culte de l’argent roi et le star système, la promesse du bonheur et de la possession ; ils agissent par hypnose, tendant un miroir narcissique dans lequel se reflète et se leurre toute la société. Ainsi se réalise une auto-excitation vers toujours plus, une fuite en avant incessante, un emballement, comme un tourbillon qui nous emporte irrésistiblement…

    Le « bâton », c’est la politique de la peur de l’ennemi intérieur, du bouc émissaire : une police de plus en plus répressive (gardes à vue, délits d’outrage, manifestations piégées, affaire de Tarnac, politique migratoire, armes non létales…) ; une justice de plus en plus intrusive et prédictive (loi LOPPSI II, loi Estrosi, fichier Hortefeux PASP, FNAEG, délinquance routière = exemple de psychologisation cognitivo-comportementale généralisée, et redoutablement efficace, de la répression…) ; un dressage éducatif de plus en plus sévère (casse de l’école par la RGPP provoquant une sélection de plus en plus élitiste, politique de prévention de la délinquance, réforme de la justice des mineurs, fichage informatique des compétences…) ; une destruction sociale accélérée (précarisation généralisée, management par l’évaluation = modèle clef décidément de la psychologisation cognitivo-comportementale universelle de la soumission néolibérale, idéologie de la lutte contre la fraude, rôle de contrôle social et technologique des travailleurs médico-sociaux eux-mêmes menacés de sanctions automatiques) ; dissuasion psychiatrique visant comme on l’a vu à renforcer le moral des troupes ou du troupeau (psychiatrisation de toute défaillance étiquetée « dépression »). Tout cela a généré en quelques années seulement d’ordre néolibéral absolu incarné par la présidence sarkozienne, une société de suspicion et de surveillance généralisée (dans laquelle les TIC jouent un rôle majeur : fichiers de police, mouchardage électronique, vidéosurveillance, géolocalisation, biométrie, fichier centralisé des Cartes nationales d’identité…) et même d’auto-surveillance où la vie privée devient transparente (TIC encore avec les réseaux sociaux, plan vigipirate, voisins vigilants, matraquage permanent, à tous les coins de rue, du message « pour votre sécurité » = emblématique de l’intériorisation psychologique de toute contrainte, de toute violence socio-économique)…
    Les conséquences de cette pression normative écrasante qui se dénie comme telle : la destruction de la subjectivité

    C’est le conditionnement d’un conformisme, d’une normopathie de masse marquée par la duplicité. Il s’agit pour chacun d’entre nous, de faire semblant d’adhérer à des normes de plus en plus injustes et absurdes : l’alternative se pose dans l’ensemble du champ social entre se soumettre, se démettre, tomber malade, ou résister. Illustrations : Arendt (banalité du mal), psychosociologie (Asch), Foucault (nouvelle gouvernementalité biopolitique post-disciplinaire), critiques du management par l’évaluation, telle que celle de Dejours (peur de la précarisation : oeillères volontaires, cynisme viril). Mis à part déserter ou résister, on peut donc au choix :

    Tomber malade : c’est la dépression du burn out, qui touche les plus vulnérables, autrement dit les gens sincères et engagés. En témoignent également les épidémies récentes de suicides professionnels et de crimes de masse (Norvège, Toulouse, Denver = Batman en avant-première au cinéma : acte « fou » ? Pas tant que ça, car riche de sens en brisant le miroir spéculaire insupportable de la violence générée par « The American Way of Life »). Ainsi que les pathologies de la consommation (addictions) et de l’accélération (hyperactivité, labilité émotionnelle, troubles bipolaires…)
    Se soumettre : la perversion narcissique est aujourd’hui la personnalité culturelle, la néo-subjectivité malade du néolibéralisme (Lasch, Dejours, Dufour, Brown, Dardot et Laval…). C’est le conditionnement généralisé d’un narcissisme conformiste et consumériste de masse voué à la jouissance immédiate. Il traduit une fuite auto-excitatrice, comme une ivresse, dans la concurrence et le profit immédiat, c’est à dire un déni de la dépression, de la vulnérabilité, et sa projection dans un bouc émissaire. Cette instrumentalisation, cette chosification d’autrui est entièrement commandée par les nouveaux modes de contrôle social (politique de santé mentale opportuniste, idéologie comportementale conquérante, course à la performance, fichage informatique omniscient…). Passons sur les analyses sociologiques du sadisme inconscient : Habermas, Bourdieu, De Gauléjac, Prigent, Méheust (politique de l’oxymore = injonctions paradoxales, euphémisation de la violence) ; et sur les conséquences historiques redoutables de cette évolution : retour de l’eugénisme (trans-humanisme), accélération insensée du temps vers ce que Hartmut Rosa décrit comme « immobilité fulgurante ».
    « Remèdes » : quelques pistes pour une alterpsychiatrie

    Retrouver un mode de pouvoir non abusif, réellement démocratique : l’autorité est légitime quand elle est capable de se critiquer, quand elle est reconnue comme telle car non niée symboliquement (par psychiatrie, TIC, etc.). Le rétro-contrôle individuel doit être rendu possible dans le système sociopolitique (tirage au sort, référendum d’initiative populaire, justice indépendante, etc.).

    Restaurer des limites épistémologiques strictes à la psychiatrie et au travail socio-éducatif, qui ne doivent plus s’occuper du contrôle techno-scientiste de toute déviance sociale. En particulier, promouvoir une alterpsychiatrie soucieuse de la subjectivité, des droits et des libertés individuels (la véritable santé se définit comme liberté, création de ses propres valeurs – cf. Campguilhem). Une véritable psychiatrie devrait se constituer comme médiation symbolique, capable de résister sans concession à la triple dérive actuelle, scientiste, marchande et sécuritaire.

    Enfin respecter les limites éthiques de l’existence, ce qui demande un « travail » personnel et relationnel (« thérapie psycho-politique ») : accepter sa vulnérabilité, avec humilité (auto-limitation, castration symbolique, etc.), prôner la décélération voire la décroissance, revendiquer la franchise, condition de la confiance. Concrètement, il va falloir se résoudre à sortir vraiment du mythe de l’enrichissement et de la performance pour accéder à l’austérité conviviale (Ivan Illich) : c’est d’abord cela, la transition.

    Sur un mode comparable, une autre politique éducative est possible…

    Olivier Labouret

    Source : Blogs d’Attac

  • LA COLONISATION : UN BILAN POSITIF On n'en aura jamais fini avec l'Algérie

    Sans repentance, ce serait une insulte à nos morts.
    Sans honte, parce que l'oeuvre réalisée est une évidence.
    Sans haine, car nous avons laissé là-bas plus d'amis que d'ennemis.
    En 2012, nous allons commémorer un certain nombre d'événements de l'année 1962, liés à la guerre d'Algérie... en laissant à d'autres le loisir de les "célébrer" : les accords d'Évian (18 mars) ; le massacre de la rue d'Isly (26 mars) ; l'indépendance de l'Algérie (4 juillet) ; les tueries d'Oran (5 juillet) ; l'exode des Pieds-Noirs (juin, juillet, août) ; le massacre des harkis (qui dura plusieurs mois)... le tout se résumant en deux mots : la forfaiture gaulliste.
    Cent quinze livres
    Un demi-siècle après, la guerre d'Algérie reste un sujet polémique, ravivant des souffrances et des passions qui explosent sporadiquement. Pourquoi les feux sont-ils mal éteints ? Parce que les mensonges officiels ont toujours cours : pour "l'idéologie dominante", le "bien" (la rébellion) a triomphé du "mal" (la colonisation). Le périodique Livre Hebdo a recensé cent quinze livres parus ou à paraitre entre janvier et juin 2012 sur le sujet "Algérie". Quasiment tous ne font que ressasser les poncifs (souvent de seconde main) sur le "péché colonialiste", la "sale guerre", la torture pratiquée par l'armée, le racisme des Pieds-Noirs, etc., le tout baignant dans le remords et la culpabilité censés peser sur la conscience française. Coupable de quoi ?
    Le procès de la colonisation est instruit inlassablement à charge, par des idéologues hostiles par principe au fait colonial et refusant d'en reconnaître le moindre aspect positif. La philosophie des Lumières, dont se réclamaient les premiers colonisateurs, n'aurait donc abouti qu'à la "nuit coloniale" ! Refaisons le voyage au bout de cette "nuit". L'Algérie de 1830 n'était qu'une régence médiévale d'un Empire ottoman en décadence, un repaire de pirates. Ces immenses territoires étaient quasiment vides. La nation la plus dynamique a occupé la place. C'était "l'esprit du temps". Toutes les entreprises de conquête coloniale à travers les siècles ont eu pour but essentiel d'occuper le terrain, d'étendre la puissance et d'accroître les richesses du conquérant. Accessoirement d'apporter la civilisation !
    En deux mille ans d'histoire, l'Algérie fut romaine, arabe, turque ou morcelée en une poussière de tribus guerrières, mais indépendante, elle ne le fut jamais. En 1830, elle ne constituait pas un État, encore moins une nation (Ferhat Abbas disait l'avoir vainement cherchée). De larges portions de l'Algérie actuelle - la Kabylie, le M'Zab, l'Aurès et tous les massifs montagneux - n'avaient connu que le système tribal. L'énorme majorité de la population autochtone était analphabète et croupissait dans la misère et l'anarchie. La colonisation française apporta non seulement une relative prospérité mais une administration, une scolarisation, une médecine, une technique. Elle a mis un terme à la piraterie barbaresque qui captura des dizaines de milliers de chrétiens, réduits en esclavage, libérés contre rançon ou mis à mort. Faut-il s'en excuser ?
    Elle a pacifié le territoire en établissant l'ordre et la sécurité. En cent trente ans, elle lui a donné les structures d'un État moderne : facultés, lycées franco-musulmans, collèges, écoles, seize grands hôpitaux, une centaine de cliniques, des dispensaires, des centres sociaux, des équipements de sport et de jeux (stades, piscines) ; 14 000 kilomètres de routes nationales et 23 000 de routes secondaires ; 4 300 kilomètres de voies ferrées ; l'exploitation des ressources minérales (fer, zinc, plomb, uranium, phosphates ...) ; 820 millions de mètres cube d'eau dans les barrages ; vingt-sept centrales hydroélectriques ; vingt-cinq centrales thermiques ; 250 000 véhicules ; vingt et un ports bien équipés ; trois aérodromes internationaux, trente commerciaux et cent cinquante locaux ; un réseau de communication téléphonique, de radio, de télévision ; un domaine immobilier considérable qui a donné aux grandes villes l'aspect de métropoles modernes et fait d'Alger la plus belle ville du bassin méditerranéen. Devons-nous en rougir ? En 1963, Nasser, reçu à Alger par Ben Bella, lui dit : « Vous avez beaucoup de chance que les Français vous aient laissé tout ça ! » La colonisation a fait passer l'agriculture du stade archaïque ancestral au stade d'une économie d'avant-garde par une réforme dont les principales mesures furent : l'aménagement foncier et le remembrement des exploitations ; la réforme du khamesat ou métayage coutumier ; la revalorisation des salaires ; la création de sociétés corporatives agricoles, de groupement mutualistes, de sociétés agricoles de prévoyance apportant une aide technique et financière aux fellahs. Il faudrait en avoir honte ?
    Progrès sanitaires
    C'est la colonisation qui a mis en place une législation sociale et du travail avec l'extension à l'Algérie du fonds national de solidarité, des assurances sociales et des allocations familiales. Elle est venue à bout des grandes endémies (choléra, peste, typhus, malaria, paludisme). En 1830, la plaine de la Mitidja était un marécage pestilentiel dont le général Berthezene, successeur du général Bourmont, disait qu'il serait « le tombeau de ceux qui oseraient l'exploiter ». Rachid Mimouni, écrivain et professeur à l'École supérieure de Commerce d'Alger, a pu écrire dans son livre L'Algérie sans la France (1991) : « Les colons qui débarquaient en Algérie derrière les canonnières [...] rêvaient d'une nouvelle Amérique. Sitôt installés sur les terres, ils s'acharnèrent à défricher la garrigue, assécher les marais, creuser des puits. Ils vont surtout cultiver cette vertu de l'effort fécond qui fera des plaines algériennes de superbes vergers. Après l'indépendance, une collectivisation mal conduite laissera péricliter les champs autrefois verdoyants et, au vu du désastre, les paysans ne pourront réfréner un sentiment de paradoxale nostalgie. »
    Entre autres calomnies extravagantes, on entend dire que la colonisation aurait "dépeuplé" l'Algérie ! En 1848, les autochtones étaient environ 2,5 millions. En 1962, ils étaient 13 millions. Doit-on se le faire pardonner ? La guerre d'indépendance aurait tué plus d'un million d'Algériens ! Le chiffre sur lequel tous les historiens sérieux tombent d'accord est celui de 250 000 morts, incluant toutes les pertes européennes et musulmanes, civiles et militaires. Le FLN a tué dix fois plus de civils musulmans (environ 35 000) que d'Européens (environ 3 000).
    La colonisation aurait étouffé la culture algérienne ! L'engagement de respecter l'art et l'artisanat, les coutumes et la religion a constitué un dogme pour tous les gouvernements qui se sont succédé. L'apport de la France ne s'est pas fait au détriment de la culture islamique et de la personnalité algérienne puisque, au contraire, les Français favorisèrent la diffusion de l'islam dans les provinces berbères, construisirent des mosquées et substituèrent la langue arabe et le droit coranique aux divers dialectes et coutumes locales, contribuant ainsi à créer une unité religieuse et linguistique que l'Algérie n'avait jamais connue auparavant.
    Le français résiste
    Aujourd'hui, l'Algérie est le deuxième pays francophone du monde. Le FLN a eu beau, pendant trente ans, expurger la mémoire algérienne de toute référence à l'ancien colonisateur et arabiser à toute force, le français résiste partout. Pour des millions de bilingues, la langue française est un passeport pour la modernité scientifique, technique, juridique, culturelle... Les écrivains algériens de langue française (Jean Amrouche, Mouloud Mammeri, Kateb Yacine, Rachid Mimouni, Mohamed Dib, Assia Djebar...), qui ont retourné contre la France sa propre culture et l'ont prise au piège des "droits de l'homme" et du "droit des peuples à disposer d'eux-mêmes", à qui sont-ils redevables, sinon aux instituteurs de la colonisation ?
    C'est la France qui a commencé de donner une conscience nationale à ce pays, à son insu pourrait- on dire, et presque à son corps défendant car, de 1910 à 1940, les Algériens, à qui on avait appris à aimer la France, ne souhaitaient rien tant que l'assimilation et l'égalité des droits avec les Européens. C'est même la France qui lui a donné son nom, Algérie, qui a contribué à faire l'unité de la nation.
    Ingrate Algérie ! De toutes les colonies françaises, elle fut celle qui reçut en hommes, en moyens et en capitaux l'investissement le plus considérable. D'un strict point de vue économique et financier, l'Algérie a été pour la France une source de dépenses et non de profit ; de la colonisation, elle a tiré d'innombrables avantages, la France aucun. (Le seul domaine dans lequel la France a tiré un bénéfice de ses colonies est le domaine militaire ; sans l'armée d'Afrique, la Première et la Seconde Guerres mondiales auraient coûté beaucoup plus cher à la France.) Pour le reste, le mythe de l'Eldorado (le pays de cocagne mis au pillage, ce fameux "pillage du tiers monde") ne résiste pas aux chiffres. Deux historiens économistes, Daniel Lefeuvre dans Chère Algérie et Jacques Marseille dans Empire colonial et Capitalisme français, ont démontré que les colonies, et principalement l'Algérie, ont été un fardeau financier pour la métropole et qu'elles ont plus entravé le développement économique de la France qu'elles ne l'ont stimulé. De Gaulle le disait : « L'Algérie nous coûte - c'est le moins qu'on puisse dire - plus cher qu'elle ne nous rapporte. »
    Si l'oeuvre de la colonisation (« un paradis perdu » pour Hocine Aït-Ahmed, un des "chefs historiques" de la rébellion) a été imparfaite, incomplète, c'est que la république gaulliste n'a pas voulu la poursuivre : ce que Rudyard Kipling appelait « le fardeau de l'homme blanc » était trop lourd pour elle. La France a laissé aux Algériens un pays riche et moderne. Qu'en ont-ils fait ? Depuis 1962, une gigantesque gabegie a abouti à la mise en coupe réglée du pays par les apparatchiks de la dictature militaire. Qui profite des milliards du pétrole et du gaz sahariens ? Que deviennent les aides financières de la France, des États-Unis, de la Banque mondiale et les prêts du FMI ? Ils ne servent le plus souvent qu'à cautionner des gouvernements incompétents, corrompus, impopulaires. Et la guerre civile endémique a fait plus de 200 000 morts.
    On peut l'affirmer tranquillement : la seule période positive et heureuse de l'histoire de l'Algérie, c'est son passé français. Mais la dénonciation lancinante du "péché colonial" imprègne l'enseignement de l'histoire, aussi bien en Algérie qu'en France. L'Algérie instruit un procès permanent pour obtenir que la France se reconnaisse coupable de "crimes contre l'humanité", voire de "génocide", qu'elle exprime sa repentance et, bien sûr, qu'elle lui verse des indemnités faramineuses. La propagande officielle en Algérie n'incite qu'à la haine de la France : c'est tout ce que Bouteflika peut offrir à son peuple comme ciment national. En France, où "l'intelligentsia" partage le sentiment algérien d'une France "criminelle", il est désormais interdit d'évoquer un "bilan globalement positif de la colonisation".
    Est-ce que l'indépendance de l'Algérie a fait le bonheur des Algériens ? C'est la seule question qui vaut d'être posée. La réponse est dans les chiffres de l'immigration massive qui déferle. La colonisation fixait et nourrissait (tant bien que mal) cette population que l'on voit aujourd'hui, masse sous-développée, islamisée et agressive, venir battre nos frontières pour trouver sa subsistance. Voilà l'oeuvre de la décolonisation. L'unique objet de notre repentance.
    Norbert Multeau L’ACTION FRANÇAISE 2000 Du 15 mars au 4 avril 2012
    ✓ À LIRE - Pierre Goinard, Algérie, l'oeuvre française, Robert Laffont, 1984 ; Pierre Laffont, Histoire de la France en Algérie, Plon, 1980 ; Claire Janon : Ces maudits colons. La Table Ronde, 1965.