Il n’a pas sa langue dans la poche, notre pape François, et c’est pour cela qu’on l’aime. En rappelant aux 45 députés et sénateurs français, reçus en audience samedi au Vatican, que leur tâche peut également consister à « abroger des lois », en affirmant que l’Église « désire apporter sa contribution spécifique sur des questions profondes qui engagent une vision plus complète de la personne et de son destin », non seulement au niveau « anthropologique ou sociétal, mais aussi dans les domaines politique, économique et culturel », et en se félicitant que « la société française redécouvre des propositions faites par l’Église […] qui offrent une certaine vision de la personne et de sa dignité en vue du bien commun », le nouvel apôtre des pauvres prouve à nouveau son courage et sa perspicacité.
Son courage, on n’en doutait plus ; la réforme de gouvernement de la curie qu’il a engagée, sa parole vraie, directe et incisive vis-à-vis de quelques princes cléricaux carriéristes en attestent. Mais l’allusion claire à l’abrogation de la loi Taubira, qu’il relie à une redécouverte en France de la doctrine sociale de l’Église, révèle sa capacité à comprendre ce qui se vit chez sa fille aînée, éternelle jouvencelle, d’une manière bien plus lucide que la plupart des administrateurs, élus ou non, du vieil Hexagone.
S’il est une nation qui a été ratiboisée dans son identité par un laïcisme anticlérical, c’est bien la France. S’il est un pays où moins qu’un autre on pouvait imaginer que des chrétiens, que l’on croyait affadis et tous au moins septuagénaires, se lèvent au nom de leurs valeurs contre un projet de loi gay-friendly, c’est bien celui de la première convention.
Pourtant, la profondeur de ce qui se dit dans les assemblées de Veilleurs partout en France chaque soir, la vitalité des engagements de groupes comme les Mères Veilleuses ou les Hommen, la sagesse qui inspire des associations soucieuses de la formation des leurs, comme Alliance Vita ou Renaissance catholique, témoignent d’une singulière conception anthropologique puisée aux sources d’une Église aussi inspirée qu’à son origine.
Ils ont raison, les commentateurs, quand ils parlent de radicalisation, à condition qu’on la comprenne au sens de retour aux racines que donne son étymologie. Et n’en déplaise à quelques culs bénis, faux chouans et vrais tartuffes, qui cachent leur tiédeur derrière une pseudo-prudence de façade, c’est une bonne chose ! C’est le retour aux racines d’une civilisation qui a porté au plus haut la dignité de l’être humain et à laquelle quelques apprentis sorciers alliant malthusianisme et théorie du genre voudraient substituer la leur, toute imaginaire qu’elle est.
45 parlementaires français vont revenir de Rome, exhortés par le Pape d’insuffler aux lois un « esprit, une âme qui ne reflète pas uniquement les modes et les idées du moment ». Ils vont rencontrer dans leurs départements et leurs circonscriptions des Français galvanisés par neuf mois de combat et de résistance contre une loi parfaitement emblématique de ce qu’est un « projet tendance » dépourvu de tout fondement naturel solide. Si tout ce petit monde est capable de s’entendre, d’entendre surtout le souffle mystique qui peut rendre au sel d’un peuple le goût qu’il croyait avoir perdu, les mois qui viennent nous promettent d’être particulièrement épicés.
Merci François !