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  • Régions et provinces de l’Europe unie de demain par Thomas FERRIER

    J’évoque souvent sur les réseaux sociaux cette Europe unie, l’Europe-Nation à bâtir, en expliquant qu’elle sera fondée sur le principe de la « subsidiarité identitaire » selon une formule classique de partage des tâches, à savoir « à l’Europe la souveraineté, aux régions l’identité ». Cette vision de la « région » et/ou « province » et/ou « nation »,  qui peut correspondre au cadre national classique ou à des subdivisions nouvelles du dit cadre, mérite d’être explicitée. 

    Deux régions aujourd’hui se battent pour leur indépendance par rapport à un cadre étatique traditionnel. Il s’agit de l’Écosse et de la Catalogne. Il convient de souligner que de nombreuses barrières leur sont opposées. À ceux qui affirment que le mondialisme veut le démantèlement des nations par le régionalisme, ces évènements apportent un démenti catégorique. En effet, ni l’ONU ni l’Union européenne n’encouragent leurs revendications, bien au contraire. Et même si ces régionalismes sont de centre-gauche, qu’ils ne remettent malheureusement pas en question le « multiculturalisme » qui est plus mortifère pour eux qu’un cadre national qui n’a jamais eu depuis les années 70 en tout cas comme volonté de briser leurs identités, ils sont combattus. Il suffit de songer à la mise en examen d’Artur Mas ou au refus de tenir compte de l’appel à l’indépendance d’une majorité de parlementaires catalans. Il faut aussi songer aux nombreuses pressions que le Royaume-Uni et l’Union européenne ont fait peser sur les électeurs écossais, l’indépendance étant refusée par une majorité légère, appuyée par le vote des électeurs issus des minorités d’importation. 

    Pour moi, le cadre politique est moins important que le cadre identitaire, et il est plus important que la Catalogne préserve son identité au sein d’une Espagne unie que par une indépendance théorique. Mais il est vrai qu’aujourd’hui, peu importe ce cadre, nos identités sont menacées comme jamais elles ne l’ont été. Et une Écosse indépendante ou une Catalogne indépendante demain ne feront pas mieux que le Royaume-Uni et l’Espagne et j’ai peur même qu’elles fassent pire.

    Mais en revanche il existe aussi des aspirations naturelles pour chaque peuple, pour chaque identité d’Europe, d’être respecté. Et si la séparation du cadre national, mais en se maintenant en revanche pleinement dans la construction européenne, peut apaiser les tensions générées par une histoire complexe, alors il faut la faire. Que l’Europe unie demain soit divisée en 46 ou en 150 subdivisions internes n’est en rien problématique s’il y a bien unité et un État européen à la tête du continent, respectueux bien sûr de toutes les identités qui le composent. 

    Dans le cadre de l’Europe de demain à laquelle j’aspire, et qui irait donc des fjords d’Islande aux steppes de Russie, toutes les identités devront être préservées et des pouvoirs spécifiques au niveau le plus près de ces réalités devront exister pour le permettre.

    Voici donc le schéma que je défends concernant les pouvoirs dévolus à chaque niveau administratif et/ou identitaire. 

    Le premier cadre est la cité. Il faut revoir complètement son fonctionnement afin que les citoyens soient pleinement associés à sa vie et à son évolution. Élire un maire et son conseil municipal pour plusieurs années n’est pas suffisant. Une fois le mandat en poche, l’édile fait ce qu’il veut, et bien souvent l’édile de droite appliquera la politique promue par son adversaire de gauche. Ou il sera enchaîné par des règles juridiques l’empêchant de tenir ses promesses. C’est donc aux citoyens de trancher. Le référendum municipal doit être inscrit dans le droit, chaque cité divisée en quartiers ou dèmes élisant chacun ses représentants et instituant un système de rotation. Pas de maire donc, mais un édile choisi par les comités de quartier et représentant leurs intérêts. Et selon un principe de répartition des pouvoirs, les habitants de la cité, pour peu qu’ils y soient installés un temps suffisamment long à définir, décideront de l’avenir de leur ville. Par exemple, ce ne sera pas au maire, ni au préfet, ni au conseil d’État, et encore moins au gouvernement, de décider si une mosquée, ou n’importe quel autre temple d’ailleurs, doit être construite dans les frontières de la collectivité territoriale. 

    Le second cadre est celui de la région qui peut correspondre aux anciennes nations (région « Portugal » par exemple) ou à un nouveau cadre décidé par les habitants (région « Catalogne »). Dans tous les cas, ce redécoupage éventuel ne sera pas décidé d’en haut pas devra provenir de l’expression libre du peuple. Bretons, Corses… et autres choisiront librement s’ils voudront faire partie d’une « région » France ou être leur propre région. Ces décisions ne remettront en revanche jamais en cause l’appartenance à l’Europe. Il n’y aura jamais « d’article 50 » dans la (vraie) constitution européenne que j’imagine. La région aura des pouvoirs spécifiques, des sénateurs pour la représenter au Sénat européen, une sorte de Bundesrateuropéen, une assemblée régionale dotée de réels pouvoirs, mais toujours par subsidiarité, et notamment celui de protéger la langue de la région (par exemple le breton en Bretagne), de déterminer les règles d’urbanisme pour respecter l’environnement et les traditions locales, et même éventuellement de décider de l’installation d’Européens issus d’autres régions. La région pourra favoriser le localisme économique, privilégier ainsi la ruralité, et aura en charge des missions nombreuses en matière d’écologie. Ce n’est pas à une commission à Bruxelles ou ailleurs de décider de la façon de fabriquer les produits artisanaux. La limite sera la non-utilisation d’OGM et tout ce qui peut avoir un impact sur les autres régions. La défense du terroir au niveau du terroir. 

    Ainsi, certains Européens sont attachés à leurs figures souveraines. Même si je suis personnellement très républicain, je n’ai pas à juger de cet attachement sincère à ces têtes couronnées. Hors de question de les abolir par décision européenne. Ce seront aux gens concernés de maintenir ou pas ce lien s’ils le souhaitent. Il y a là une indéniable démarche identitaire que je ne saurais vouloir balayer d’un revers de main. On peut penser que les Anglais voudront conserver leur lien avec la dynastie des Windsor par exemple et ils doivent pouvoir le faire. On peut imaginer en revanche que les Gallois voudront rompre et ils auront aussi ce droit. Aux régions concernées d’imaginer librement le statut qu’ils leur conféreront.

    La subsidiarité identitaire comme fondement de l’Europe doit être un principe intangible. Nous aurons tous la même nationalité en commun mais pas nécessairement les mêmes attachements charnels. Il est hors de question de vouloir bâtir une Europe jacobine et encore moins de tenir en suspicion les liens historiques profonds de chaque peuple composant ce grand peuple que sont les Européens.

    Un régionaliste sincère et un patriote attaché à sa patrie historique doivent pouvoir exister pleinement dans l’Europe unie, se reconnaître en elle et s’y épanouir. Les identités ne s’opposent pas mais se renforcent. On doit pouvoir se sentir nancéen, lorrain, français et européen dans l’Europe de demain, mais tout autant si on le souhaite ne se sentir qu’« européen » ou « corse et européen » ou « nantais et européen » ou « français et européen ». En revanche on aura à cœur de conserver toutes les strates qui composent notre européanité, et qui fait la véritable richesse de notre continent. 

    En revanche, ce principe exclut le cadre politique « traditionnel », le droit en vigueur dans un pays européen n’étant pas une « tradition identitaire ». Hors de question de considérer un laxisme « local » comme une règle à préserver. Tout ce qui relèvera du souverain au sens fort sera du domaine de l’État européen. 

    Une euro-région pourra décider de créer une police régionale et même une armée régionale citoyenne, mais l’armée européenne, même divisée en légions « linguistiques », dépendra de l’État européen, de même que la diplomatie, la politique de l’énergie, la justice (dans les domaines où la subsidiarité n’aurait pas de sens) et tout ce qui relève des fonctions dévolues à un État. Là sera le vrai partage des tâches.

    Thomas Ferrier

    • D’abord mis en ligne sur le blogue de Thomas Ferrier, le 12 novembre 2015.

    http://www.europemaxima.com/?p=4644

  • La forme politique du Saint Empire Romain Germanique

    Extrait de l'ouvrage de Gaëlle Demelemestre, Les deux souverainetés et leur destin, Le tournant Bodin-Althusius, éd. Cerf, 2011, pp. 134-142

    Ex: http://www.in-limine.eu

    2815254790.jpgNous ne sommes pas familiers de la forme impériale développée par le Saint Empire romain germanique réunissant les territoires italiens, bourguignon et germanique à l'origine, émancipant par la suite les deux premiers. Elle s'étend pourtant sur près de neuf siècles, et constitue le grand modèle institutionnel duquel se démarqua l'État souverain. Si Pufendorf a pu le qualifier de « monstre politique », « irregulare aliquod corpus et montro simile », il n'en reste pas moins que sa longévité nous incline à considérer sérieusement la forme institutionnelle de ce pouvoir. Nous en rappellerons brièvement les éléments essentiels, d'un point de vue normatif plus qu'historique. Le titre de Saint Empire romain germanique, das Heilige Römische Reich deutscher Nation, ne commence à être utilisé qu'à la fin du XVe siècle. Mais il n'est encore ni une appellation officielle, ni une seule utilisée pour décrire la situation politique de l'Empire germanique. L'ambition de cette désignation consiste à trouver un critère discriminant d'appartenance des différents peuples germaniques à une structure politique commune.

    Son but premier sera donc de distinguer ceux qui appartiennent à la nation allemande de ceux qui sont liés à l'empire sans faire partie de la nation germanique. Il est forgé en réaction à la situation politique contemporaine des territoires germaniques, dont l'appartenance à la structure impériale n'est pas clairement fixée. « La peur de perdre la liberté », suscitée par les incursions nombreuses de souverains non germaniques au sein des territoires germaniques, provoque, à l'origine, un besoin de savoir distinguer les Germains des autres nations.

    Une sorte de fièvre obsidionale s'empara d'elle (l'Allemagne). Le vocabulaire des documents officiels reflète cette émotion patriotique. On y trouve de plus en plus souvent après 1430 les mots de deutsche Lande, les « pays allemands ». Ces terres étaient occupées par le peuple allemand, la nation. Une précision était indispensable car au concile, la « nation germanique » englobait les Scandinaves, les Hongrois et les Polonais[...]1

    Se caractérisant par la multiplicité des peuples mis en présence, l'Empire germanique court le risque d'un éclatement de sa pertinence s'il ne parvient à trouver un principe d'identification, discriminant ceux qui sont germains et ceux qui ne le sont pas.

    Mais lequel trouver si l'Empire se caractérise, par nature, par sa diversité ethnique ?

    Le trait qui déterminant l'appartenance à cette nation, c'était la langue, deutsche Zunge. L'Allemagne est donc la patrie de ceux dont l'allemand est la langue maternelle, mais la vocation politique de cette nation s'étend au-delà des frontières de l'Allemagne ; la direction de l'Empire lui appartient. La titulature l'affirme avec de plus en plus de netteté, accolant d'abord en 1441 sacrum imperium et germanica natio, puis utilisant le génitif qui marque la possession, heilig römisches Reich der deutschen Nation ; enfin, en 1486, apparaît la formulation définitive, Heiliges Römisches Reich deutscher Nation. Ces mots ne désignent pas la partie de l'empire peuplée d'allemands ; ils proclament haut et fort que l'Empire appartient aux Allemands.2

    Ainsi fut trouvé le critère d'identification des peuples allemands – leur langue -, et avancée la spécificité de leur nature – l'aspiration vers la forme politique de l'empire qu'ils revendiquent comme composante de leur identité.

    La signification politique de cette appellation emprunte à l'histoire un cadre de référence très connoté. Si elle recouvre une forme d'organisation politique tout à fait particulière, elle se revendique de la plus grande figure institutionnelle qui soit : l'empire. Le terme de Reich, Imperium, décrit « une puissance de commandement (Herrschaftsgewalt) supérieure3 » qui, par son appellation même, transcende quelque chose – ce dont le génitif « nation allemande » ne rend pas compte. Cette expression à première vue tautologique de Herrschaftsgewalt – Herr-schaft pouvant signifier « pouvoir », ou « domination », et Gewalt « autorité » - décrit pourtant assez bien la nature de l'empire : il repose en effet sur une forme d'autorité pouvant œuvrer par l'utilisation du pouvoir. L'expression mêle deux natures d'obligation différentes. L'autorité n'a en effet pas besoin du pouvoir pour s'exercer ; elle échoue si elle doit utiliser le pouvoir de contraindre. L'obligation commandée par une relation de pouvoir, à l'inverse, use de la capacité à contraindre. Le descriptif d'une autorité disposant en plus d'un pouvoir serait alors contradictoire. En fait, la figure impériale conjugue la forme de l'autorité qui légitime l'usage du pouvoir, et la capacité à en user. Ceci lui confère deux ordres de réalité différents : l'autorité ressort de la légitimité qui lui est reconnue d'avoir des actions positives, tandis que la catégorie du pouvoir traduit son mode d'action. Il s'agit d'une forme de pouvoir légitimée par sa nature impériale. Cette duplicité situe le domaine d'exercice du principe impérial au-delà des autres formes de pouvoir existantes, puisqu'il est celui qui les permet, qui les valide, qui les reconnaît. La réalité impériale se constitue donc en regard d'un ordre de réalité qu'elle dépasse, d'une diversité qu'elle subsume. Nanti de ces deux dimensions, le pouvoir impérial est donc par nature supérieur à toutes les autres formes de pouvoir, qu'il n'est pas chargé de nier, mais de reconnaître en les dépassant.

    La première caractéristique de l'Empire est de distinguer et d'héberger trois natures d'obligation : celle engendrée par l'autorité de l'empereur, celle découlant de son pouvoir de contraindre, et celle qu'il fait exister en la reconnaissant, incarnée par le pouvoir des membres de l'Empire. Les schèmes de la forme impériale ne pourront en conséquence pas coïncider avec ceux d'une collectivité structurée par un pouvoir souverain. Dès ce début de définition, nous voyons qu'il n'y aura pas dans l'Empire un seul pouvoir homogène s'exerçant sur un territoire défini, mais à l'inverse une multiplicité de pouvoirs coexistant par l'intermédiaire de leur reconnaissance commune de l'autorité impériale. La réalité impériale ne se caractérise donc pas par la cristallisation unitaire du pouvoir politique, mais à l'inverse comme une transversalité, un principe embrassant par nature un divers dont l'autonomie sera plus ou moins respectée, et qu'il aura comme caractéristique d'unir. D'où sa nature paradoxale, et l'émergence d'une gageure prometteuse : l'empire entend rassembler du différent sans l'unifier, en l'unissant par le biais d'un principe subsumant commun, à l'opposé du mouvement premier de la souveraineté d'homogénéisation de la population. La réalité impériale n'a pas besoin de requérir l'homogénéité de ses territoires parce qu'elle incarne l'universel réalisé pratiquement par la diversité particulière des populations ; concernant le Saint Empire germanique sur lequel nous travaillons ici, « il s'agissait bien plus d'un pouvoir universel, transpersonnel, qui se concevait comme détaché d'un territoire particulier ou d'un peuple4 ».

    L'Empire germanique est une réalité transversale, qui regroupe dans la période du Moyen Age des territoires italiens, bourguignons et allemands. Il ne recouvre pas un espace précis parce que les membres de l'Empire y sont rattachés par des traités différents, et peuvent en être soustraits. Ainsi, les cantons suisses prendront leur autonomie de l'Empire, en 1389, sans que cela le déstructure. L'Empire n'a ni frontières naturelles, ni frontières conventionnelles. S'il ne se laisse pas définir par une certaine géographie, l'homogénéité de sa population lui fait encore plus défaut, puisqu'il n'a pas comme condition la nécessité de renvoyer à une population homogène de mœurs, de langage ou de coutumes. L'hétérogénéité de ses territoires et de ses populations fait partir de sa réalité. Si le Saint Empire romain germanique reprend une référence à l'Empire romain, c'est justement parce qu'il entend s'inscrire, comme lui, au-delà de frontières et de populations particulières ; il y a dans la forme de l'Empire une aspiration à l'universel, la tentative de dépasser le particulier par quelque chose de plus englobant, de plus universel, supérieur aux simples déterminations phénoménales. La diversité en son sein n'est pas comprise comme un obstacle à la possibilité de l'exercice du pouvoir, mais à l'inverse comme une de ses composantes.

    2944118197.jpgMais l'Empire romain auquel on est renvoyé n'est pas celui de César et d'Auguste ; c'est celui de Constantin. Charlemagne inaugure cetteRenovatio Imperii en se faisant couronner par le pape en 800 : l'onction papale seule pouvait assurer la mission sacrée remplie par l'empereur. Par ce geste, Charlemagne entendait reprendre le modèle romain d'une union politique de peuples divers, usant de l'autorité spirituelle pour valider ses décisions. Ce qui réinscrit le mouvement de l'Empire germanique dans la forme de l'Empire romain, et permet à l'empereur de distinguer son pouvoir de celui des autres princes allemands, de le placer dans un rapport de transcendance repris de la référence à l'Empire romain. Il permet de fonder la supériorité du pouvoir de l'empereur et inscrit par là la forme impériale dans le mouvement d'un devenir historique précis, en reprenant le critère de l'universalité et en y adjoignant le critère de protection que son pouvoir devra prendre comme fil conducteur, assumé par l'adjectif heilig.

    La Heiligkeit de l'Empire signale en effet la liaison que le pouvoir impériale entretiendrait comme par nature avec le pouvoir divin. Cette désignation inscrit la forme d'organisation politique, par lesquelles les territoires germaniques seront unis, dans des registres très différents. La référence à l'Empire romain renvoie à la volonté de gouverner une multitude de peuples sous un même principe ; la caractérisation de ce pouvoir subsumant comme heilig inscrit la quantité de cette fonction dans le cadre de l'universalité, comme principe rassembleur, sacré. Il signale aussi que le pouvoir d'Empire n'est pas compris dans le seul cadre des réalités terrestres, mais qu'il les oriente vers leur destination spirituelle. Cette appellation n'inscrit cependant pas la réalité impériale dans une dépendance envers le pouvoir ecclésiastique. Otton Ier parvient à allier l'autorité spirituel au pouvoir temporel, mais très vite les revendications du pape se font plus précises. La querelle des Investitures de 1074 à 1123, puis le grand interrègne de 1257 à 1273 et la volonté de se séparer de la logique du pouvoir terrestre provoquent sa sécularisation ; mais c'était alors pour mieux légitimer la nécessaire dépendance de ce pouvoir à l'égard de l'autorité pontificale.

    Frédéric Hohenstaufen parvient, à la fin du XIIéme siècle, à asseoir sa légitimité en s'appuyant sur les ducs et les princes, cherchant par là à émanciper le pouvoir impérial de l'autorité papale. Les relations entre le pape et l'empereur seront très conflictuelles, mais assez rapidement l'empereur recevra sa légitimité de son élection, et non de son couronnement. La charge impériale ne sera plus alors dépendante de l'onction, mais du choix effectué par les princes électeurs :

    Charles Quint fut le dernier – après qu'il fut choisi roi en 1519 et couronné à Aix-la-Chapelle – à se laisser encore oindre Empereur en 1530 à Bologne par le pape. Par la suite, les empereurs prétendront à ce titre par l'élection de la Diète d'empire5.

    Mais les deux autorités se heurtent encore violemment. Il était fait usage du célèbre faux de Constantin – la « Donation de Constantin » - pour légitimer les revendications ecclésiastiques6. Frédéric II en inversait déjà la signification, lorsqu'il en déduisait que la compétence impériale ne pouvait être mesurée à l'aune des références spirituelles. Le pouvoir impérial gagnera ensuite rapidement assez de légitimité par l'appui de son mode de désignation – l'élection – pour pouvoir se passer de sa validation par l'autorité papale. Cette évolution se fait cependant progressivement et ne rend pas compte des conflits que les deux pouvoirs, impérial et ecclésiastique, vont nourrir tout au long du Moyen Âge7.

    Le titre de Saint Empire romain germanique propose donc un projet d'union, ainsi que les moyens pour y parvenir. C'est l'universalité à laquelle prétendaient ces deux formes de gouvernement sous la même appellation d'empire qui sera retenue : unir dans la différence, trouver un « gouvernement de nations diverses par les mœurs, la vie et la langue8 ». Ce qui permet de retenir comme caractéristique essentielle de l'Empire germanique son aspiration à un gouvernement tendant vers la recherche de l'universalité9. Il faut remarquer que l'agir impérial ne peut pas être comparé à celui du pouvoir divin, comme le fait Bodin ; l'empereur n'est pas le lieutenant de Dieu sur terre. Par contre, c'est l'universalité de l'aspiration divine, le dépassement de la diversité contingente vers une forme de transcendance que la référence auheilig entend signaler. Elle confère la suprématie au pouvoir impérial par rapport à n'importe quel autre monarchie, avant de caractériser la spécificité de ce gouvernement. Il y gagne d'être qualitativement distingué de toutes les autres formes empiriques de pouvoir, ce qui pose son autorité, sa légitimité, et qui constituera la puissance sur laquelle il pourra compter pour être reconnu, quelles que soient les forces qui s'opposeront à ses volontés.[...]

    Notes:

    1 Francis Rapp, Le Saint Empire romain germanique, Paris, Tallandier, 2000, p. 299

    2Ibid

    3Barbara Stollberg-Rilinger, Das Heilige Reich Deutscher Nation, Vom ende des Mittelalters bis 1806, Munich, C. H. Beck, 2006, p. 10.

    4B. Stollberg-Rilinger, Das Heilige Reich Deutscher Nation, p. 10.

    5B. Stollberg-Rilinger, Das Heilige Reich Deutscher Nation, p. 11.

    6« Il [Constantin] lui avait en effet paru indigne de posséder la puissance comme empereur terrestre là où trônait le chef de la foi chrétienne, investi par l'empereur du ciel. Sans rien retrancher à la substance de la juridicature, le Siège apostolique avait finalement transmis la dignité impériale aux Germains, à Charlemagne et avait accordé la puissance du glaive à ce dernier par le Couronnement et l'Onction », Ernst Kantorowicz, L'Empereur Frédéric II, Œuvres, Paris, Gallimard, 2000, p. 403.

    7Si la caractérisation de l'autorité impériale comme sacrée perd peu à peu sa dépendance à l'égard de l'autorité pontificale, un autre événement provoquera la mise sur le devant de la scène de la religion : la révolution théologique introduite, au XVIéme siècle, par Luther. En justifiant le pouvoir temporel, sans reconnaître de légitimité à une autorité positionnée entre Dieu et les hommes, Luther disqualifie la capacité des pouvoirs ecclésiastiques à exercer une quelconque pression sur les hommes : « Un bon théologien enseigne de la sorte : le vulgaire doit être contraint par la force extérieure du glaive, lorsqu'il a mal agit […], mais les consciences des gens du peuple ne doivent pas être prises au filet de fausses lois […]. Car les consciences ne sont liées que par le précepte venant de Dieu seul, afin que cette tyrannie intermédiaire des pontifes, qui terrorise à faux, tue à l'intérieur des âmes et à l'extérieur fatigue en vain le corps soit tout à fait abolie », Martin Luther, Du serf arbitre, Paris, Gallimard, 2001, p. 104. Cependant, la constitution de l'Empire se caractérise, dès ses origines, par un étroit entrelacement entre les formes spirituelles et temporelle. L'autorité spirituelle avait d'abord son importance pour démarquer l'autorité impériale des autres formes de pouvoir ; même s'il ne fut plus, par la suite, sacré par le pape, l'empereur devait pouvoir incarner l'universalité, telle qu'elle caractérisait analogiquement l'Être divin. Ensuite, s'il fallait retirer aux instances ecclésiastiques les droits qu'elles possédaient et les fonctions qu'elles remplissaient, la question se posait de savoir qui allait les remplacer. Il faudra attendre le traité d'Augsbourg de 1555 pour que le protestantisme soit reconnu comme loi d'empire, au même titre que le catholicisme. Ce traité instaure la loi du cujus regio, ejus religio ; mais les conflits entre les deux religions ne seront réglés pour autant, puisque la Diète elle-même restera bloquée par cette bipartition. Le schisme religieux introduit par Luther permet de prendre la mesure de l'interdépendance entre la politique et la religion de cette époque. Comme le souligne H. Arendt, « Ce fut l'erreur de Luther de penser que son défi lancé à l'autorité temporelle de l'Église et son appel à un jugement individuel sans guide laisserait intactes la tradition et la religion », La crise de la culture, Paris, Gallimard, 1972, p. 168. En brisant l'un des trois piliers sur lesquels reposait implicitement l'autorité impériale, Luther fragilisait l'ensemble de la structure de l'Empire ; c'était la source de l'autorité impériale qu'il attaquait en contestant les pouvoirs de l'autorité ecclésiastique.

    8Charles IV, Bulle d'or, 1356.

    9« À cette époque [de Frédéric II], la Germanie en tant qu'imperium symbolisa réellement la grande idée de l'Empire romain, unification de toutes les nations et de toutes les races de l'univers. Elle fut le reflet du grand Empire chrétien universel. Elle fut les deux à la fois et devait le rester, la faveur ou la malignité des choses ayant voulu qu'en Germanie fût préservée cette pluralité des peuples et des races, qui correspond en fait à l'idéal d'une grande communauté des rois et des nations d'Europe. Au contraire de ses voisins de l'Ouest, habiles politiques, l'Allemagne demeura toujours l' ''Empire'' », E. Kantorowicz, L'Empereur Frédéric II, p. 364.

    http://euro-synergies.hautetfort.com/

  • David Cameron dynamite l'Union européenne

    Pour ou contre l’Union européenne ? Telle est la question que l’on se pose depuis que, le 10 novembre, le premier ministre britannique David Cameron a, dans un discours, et dans une lettre adressée au président du conseil européen Donald Tusk, présenté sa vision d’une réforme de l’union européenne.

    Les conditions édictées aujourd'hui par David Cameron ne sont pas nouvelles. Bien que plus précises, elles correspondent aux idées déjà développées le mois dernier dans les colonnes du quotidien conservateur The Telegraph, idées par lesquelles le Premier ministre britannique soulignait sa volonté d'obtenir une dispense de la clause du traité de Rome prévoyant une « union toujours plus étroite » des États ayant adhéré à l'Union européenne.

    Cette remise en cause d'un fédéralisme toujours plus prégnant qui correspond bien à l'esprit de Bruxelles appert plus précisément encore dans le récent de discours de David Cameron, et dans la longue missive adressée à Donald Tusk.

    Une brèche très surveillée

    Si le Premier ministre réaffirme de façon habituelle son soutien à la construction européenne, il observe cependant n'avoir « aucun attachement sentimental aux institutions de l'Union européenne ». Sa démarche se veut une défense contre le risque de Brexit, mais pas au prix de l'équilibre du Royaume-Uni - ni même, sans doute, de sa place à la tête du gouvernement de Sa Gracieuse Majesté...

    L'idée majeure consiste à préserver autant que faire se peut la place et l'influence britanniques. Et David Cameron le dit on ne peut plus clairement : « Reconnaissons que la réponse à tous les problèmes n'est pas toujours plus d'Europe. C'est parfois moins d'Europe. » Ou, reprenant une formule lapidaire empruntée aux Néerlandais : « L'Europe si nécessaire, le national si possible. »

    On ne saurait marquer moins d'enthousiasme... D'autant que son idée majeure consiste à aller, en définitive, à rebours du sens sinon de l'Histoire, mais de Bruxelles, qui est aussi celui affiché par quelques-uns de ses principaux partenaires : Berlin, Paris, etc.

    Certes, David Cameron se pose en réaliste politique. « Nous ne demandons pas un droit de veto pour chaque État-membre, affirme-t-il. Nous reconnaissons que, dans une Europe à 28, ce serait la paralysie. Mais nous voulons un nouvel arrangement dans lequel les parlements nationaux doivent pouvoir se rassembler et rejeter des règles européennes qui ne correspondent pas à leur intérêt. »

    Le Premier ministre est fin politique. Il ne revendique pas cette exception de fédéralisme pour son seul pays - même si c'est la seule qui l'intéresse - mais pour tout le monde. Nul doute que, ce faisant, il réalimente les mouvements de scepticisme européen qui, un peu partout, se sont fait jour, et qui viendront ainsi apporter leur poids psychologique dans la balance. À commencer, sans nul doute par le groupe de Visegrad - Pologne, Hongrie, République tchèque et Slovaquie - qui manifeste de plus en plus de difficultés et d'impatience face aux directives de Bruxelles.

    En pratique, cette idée de n'être plus contraint à une « union toujours plus étroite » contrevient non seulement à l'esprit bruxellois, mais plus directement encore aux traités européens.

    Si c'est là le point principal de la réflexion de David Cameron, c'est pourtant loin d'être le seul. Le Premier ministre britannique, en exigeant non seulement une révision du contrôle des flux migratoires au sein de l'Union européenne, mais aussi du principe de libre circulation entre les États-membres, remet directement en cause l'espace Schengen, déjà fortement laminé par les décisions prises dans de nombreux pays pour contrer la crise migratoire.

    Adieu l'euro ?

    Notons, pour finir, le point particulier concernant la monnaie unique, point particulièrement important, puisqu'il a été le point de départ réel de l'existence de l'Union européenne. David Cameron entend tout simplement faire admettre que « l'Union européenne a plus d'une monnaie ».

    Là encore, c'est en contradiction directe avec les traités européens, pour lesquels l'Union n'a qu'une monnaie unique : l'euro, à laquelle doivent, au final, se rallier tous les États-membres. Et ce, dès qu'ils en rempliront les critères d'admission, ce qui est déjà un problème les pays l'ayant déjà adoptée...

    Un peu partout, les réactions se sont voulues apaisées. Paris a prétendu qu'il n'y avait pas de « surprise ». Plus réservée, Angela Merkel a cependant déclaré : « Nous coopérerons de façon constructive à la réforme, mais certains succès comme la libre circulation des personnes et la non-discrimination, ne sont pas négociables. »

    Manifestement plus inquiète, la Commission européenne a jugé de façon plus péremptoire que certaines exigences britanniques étaient « hautement problématiques ».

    De fait, en prétendant vouloir éviter un Brexit, David Cameron propose tout simplement de dynamiter les traités européens. Un « Euro-pexit » en quelque sorte !

    Olivier Figueras monde&vie 23 novembre 2015

  • La guerre des trois aura lieu par Georges FELTIN-TRACOL

    À seize mois de l’échéance présidentielle, le résultat final des élections régionales de décembre 2015 rend compte de l’état du rapport de forces politiques à moins que François Hollande décide de réviser par référendum la Constitution sur certains points précis (réforme du Conseil supérieur de la magistrature, inscription de l’état d’urgence, peut-être droit de vote des étrangers aux élections locales) ou démissionne et se représente aussitôt, créant une surprise certaine qui déstabiliserait l’opposition de droite – centre-droit. Les Républicains (LR) affûtent déjà leurs couteaux pour la fameuse primaire à l’automne 2016. 

    La récente élection hivernale confirme la vive conflictualité entre trois pôles de poids à peu près équivalents que la collusion, réclamée par les sociaux-libéraux du PS et les progressistes du centre, ne peut être que factuelle et provisoire. Les régionales entérinent la tendance enregistrée lors des législatives partielles de 2013 – 2014, des européennes de mai 2014 et des départementales de mars 2015, unetripolarisation de la vie politique hexagonale. 

    Le premier ensemble coïncide avec la majorité présidentielle édifiée en 2012 grâce à une entente de fer entre le PS et les radicaux de gauche qui sut bon an mal an intégrer les Verts, l’inaudible Front de Gauche et les ultimes adhérents du MRC. Or ce pôle se trouve maintenant désuni avec les tenants d’une politique progressiste sociale-libérale autoritaire (Valls, Macron, Cazeneuve, Placé) et les partisans d’une autre politique anti-austérité qu’on retrouve chez les Verts, le Front de Gauche et les frondeurs du PS. Aucune réconciliation n’est possible surtout si les opposants de gauche parviennent à se donner un candidat commun (Cécile Duflot ? Clémentine Autain ? Jean-Luc Mélenchon ? Pierre Laurent ?) capable d’empêcher François Hollande d’accéder au second tour de la présidentielle. 

    Le deuxième pôle correspond à l’attelage LR – UDI ainsi qu’aux divers-droite et même au MoDem. Or, outre des rivalités personnelles entre François Bayrou et Jean-Christophe Lagarde qui n’arrive d’ailleurs pas sur le plan intellectuel à la cheville du premier, le parti LR entre dans une longue période de turbulence du fait de la primaire. Nicolas Sarközy entend se venger de sa défaite méritée en 2012, mais face à lui se dressent déjà le cheval de retour Alain Juppé, Bruno Le Maire, l’égérie d’une gauche morale bo-bo Nathalie Kosciusko-Morizet ou Christian Estrosi dit la « Girouette niçoise », Jean-François Copé, François Fillon, le libéral-conservateur Hervé Mariton. Cacophonie et zizanie restent les mamelles nourricières d’une formation qui ne vise qu’à sauver ses prébendes. 

    Le troisième pôle concerne les forces « protestataires » qualifiées de « populistes ». À côté du FN, vainqueur paradoxal des trois derniers scrutins puisqu’il n’a remporté aucune collectivité territoriale tout en dépassant en nombre de voix le résultat de Marine Le Pen en 2012, et les autres listes souverainistes tellesDebout la France de Nicolas Dupont-Aignan, l’Union populaire républicaine (UPR) de François Asselineau, ou droitistes de Jacques Bompard et Jean-Claude Martinez. On doit aussi y inclure les listes régionalistes du divers-gauche pro-« Bonnets rouges » Christian Troadec, « Oui la Bretagne » (6,71 %), et présentées en Corse. Même si le mouvement frontiste ne se déchire pas comme le font le PS, le Front de Gauche, les Vertset LR, il n’en demeure pas moins tiraillé entre une ligne étatiste nationale-républicaine anti-euro défendue par Florian Philippot, et une ligne nationale-conservatrice libérale décomplexée représentée par Marion Maréchal – Le Pen. Les électeurs frontistes se fichent bien de ces dissonances parce qu’ils expriment surtout leur refus de l’immigration et de la mondialisation et que les discours frontistes correspondent aux attentes locales.

    Les deux premiers pôles (PS et LR) se composent de la même homogénéité géo-sociologique (les fonctionnaires, les cadres moyens et supérieurs, les retraités vivant dans des aires métropolitaines connectées aux flux mondialisés marchands). Le troisième pôle — revendicatif – populiste — se caractérise en revanche par une très forte hétérogénéité sociologique qui en fait le seul « bloc » vraiment « inter-classiste », d’où la nature complexe du néo-FN qui est passé du nationalisme des origines (1972 – 1986) et du national-populisme tribunicien (1986 – 2011) à un populisme assumé depuis 2011, année de l’accession de Marine Le Pen à la tête du parti.

    Une terrible guerre des trois se jouera donc en 2017, quand bien même les principaux auteurs ne sont pas encore totalement connus (Hollande ou Valls ? Sarközy, Juppé, Le Maire, Copé ? Marine Le Pen ou Marion Maréchal – Le Pen ?). Cependant, ce conflit politique en préparation ne doit pas occulter une autre rivalité, d’ordre moins politicien, opposant trois sensibilités de l’« anti-gauche ». Entre le conglomérat LR – UDI et le FN tente en effet d’émerger une tierce droite qui rassemblerait des tendances de l’ex-UMP (Droite sociale de Laurent Wauquiez, Droite forte de Guillaume Peltier et Geoffroy Didier, Droite populaire de Thierry Mariani, Lionnel Luca et Jacques Myard), quelques éléments nationaux-chrétiens épars, rescapés du villiérisme et de La Manif pour Tous ainsi que, peut-être, certains proches (des éclaireurs ?) de Marion Maréchal – Le Pen. Cette ligne serait défendue par l’ancienne éminence grise de Sarközy, Patrick Buisson, et des journalistes à Valeurs actuelles parmi lesquels Geoffroy Lejeune, auteur d’un roman de politique-fiction,Une élection ordinaire (Ring, 2015), qui installe à l’Élysée Éric Zemmour ! Or, Éric Zemmour a gardé de ces lectures de Marx un point de vue marxien anti-libéral guère compatible à long terme avec le national-conservatisme libéral promu par cette mouvance droitière… En parallèle s’agitent dans le champ para-politique des experts de la récupération droitarde d’un catholicisme politique éculé, étriqué et épuisé via des « boîtes à idées », L’Avant-Garde et Phénix, dont les références sont l’ordo-libéralisme et une admiration pour le néo-thomisme de Jacques Maritain. Les parrains de cette initiative seraient ainsi Charles Millon qui dirigea un temps une Droite libérale-chrétienne (tout un programme !), son épouse, la philosophe catholique libérale néo-conservatrice et signataire en 2003 d’une pétition approuvant l’agression yankee contre l’Irak baasiste du Président Saddam Hussein, ou l’avocat Jacques Trémolet de Villers. La parution de la revue d’écologie intégrale (Maritain publiait en 1936 Humanisme intégral), Limite, s’inscrit volontiers dans ce projet qui écarte les questions identitaires fondamentales (l’ethnie et les races au sens de Julius Evola) et la légitime transformation des rapports sociaux dans l’entreprise en rompant avec le système capitaliste libéral au profit d’une coopérative cogérée.

    Mais ces sordides considérations politiciennes ne doivent pas oublier une troisième guerre tripolaire, plus sociologiques celle-là que les actuelles tendances politiques auraient tort de négliger, de sous-estimer ou de mépriser parce que la tripolarisation n’atteint en réalité que la moitié environ des électeurs. Cet autre « bloc » anti-politique hautement composite, est l’abstention. Si le bloc contestataire populiste, potentiellement révolutionnaire, exprime une dissidence politique assumée, l’abstentionnisme signifie toujours une sécession civique radicale. Toutes les études politologiques évoquent néanmoins d’évidentes proximités géographiquement et sociologiquement marginalisées entre la masse abstentionniste et les électeurs mécontents et prêts à renverser la table. L’abstentionniste est un électeur FN en puissance ou, plus exactement, l’électeur frontiste est un abstentionniste repenti par intermittence. Par delà cette abstention structurelle massive s’ajoutent les quelques centaines de milliers de personnes non inscrites sur les listes électorales qui marquent leur complète indifférence envers une vie politique sclérosée. Cette remarque ouvre au pôle populiste – contestataire des perspectives réjouissantes si les nombreux abstentionnistes décident de se mobiliser en faveur d’une véritable rupture politique.

    Entre ces deux manières d’exprimer une défiance légitime s’intercale un tiers pôle, plus mineur, qui regroupe les votes blancs (2,41 %, puis 2,80 %) et nuls (1,58 %, puis 2,07 %). Ces deux votes traduisent aussi l’exaspération d’électeurs insatisfaits qui refusent d’apporter leurs voix aux listes sarközystes ou qui devinent la vacuité du pouvoir politique

    Loin de la simple actualité politicienne, la triple « guerre des trois » démontre le désenchantement des citoyens. L’action politique seule ne suffit pas. Celle-ci s’agence par symbiose avec le travail social, caritatif, écologique, syndical, culturel et militaire. Pour preuve, la victoire de la coalition régionaliste – autonomiste – indépendantiste à l’Assemblée territoriale de Corse. Seule bonne nouvelle de cette élection régionale.

    Georges Feltin-Tracol

    http://www.europemaxima.com/

  • On a trouvé les fameuses "valeurs" de la République

    Florence Robine, Directrice générale de l'enseignement scolaire au Ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, publie un courrier pour enseigner non pas à lire, écrire, compter, mais les fameuses valeurs de la République :

    "Cette année a été placée par la ministre de l'éducation nationale, Najat Vallaud-Belkacem, sous le signe d'une forte mobilisation de l'ensemble de l'institution scolaire pour les valeurs de la République. 

    Un ensemble de ressources sont mises à votre disposition par le réseau Canopé au sein d'un portail intitulé "Valeurs de la République" : https://www.reseau-canope.fr/les-valeurs-de-la-republiqueCe portail a pour objectif de porter un double éclairage, à la fois historique et philosophique, sur l'ensemble des notions et des termes propres à la République et à ses concepts fondateurs. Ces ressources sont accompagnées de définitions et de textes de référence facilitant le travail pédagogique avec les élèves. 

    Elles pourront être mobilisées dès le mois prochain, pour l’enseignement moral et civique et les échanges pédagogiques que vous serez amenés à conduire à l’occasion des commémorations un an après les attentats de janvier 2015. A cet effet, différentes ressources seront mises en ligne par le réseau Canopé, en lien avec l'association "Dessinez, Créez, Liberté" initiée par Charlie Hebdo, ainsi qu’un numéro spécial de "Mon Petit Quotidien". 

    Des projets artistiques en préparation viendront compléter et appuyer ces supports pédagogiques afin d’aborder avec les élèves les événements passés et, au-delà, la liberté d’expression et la liberté de la presse. Des citoyens engagés dans la Réserve citoyenne de l’éducation nationale sont mobilisables, à vos côtés, pour accompagner et enrichir des projets que vous aurez construits pour ces commémorations. 

    Des ressources nouvelles en cours de construction, en particulier pour l’éducation aux médias et à l’information et pour l’éducation contre le racisme et l’antisémitisme, seront également mises à disposition des équipes éducatives et pédagogiques sur le portail "Valeurs de la République". 

    Je sais votre attachement à faire vivre les valeurs de la République et les valeurs citoyennes en classe et dans l'exercice de votre métier et vous remercie par avance de votre engagement à transmettre ces valeurs et ces principes qui sont au cœur de notre École et de notre société démocratique."

    Capture d’écran 2015-12-19 à 16.11.53

    http://lesalonbeige.blogs.com/my_weblog/2015/12/on-a-trouv%C3%A9-les-fameuses-valeurs-de-la-r%C3%A9publique.html

  • Le combat de Zemmour contre la novlangue et… la 17e Chambre correctionnelle

    Interrogé par David Doucet des Inrocks dans la revue Charles (n° 15, en kiosque), Eric Zemmour expose comment, lui aussi, combat la novlangue.

    David Doucet :

    « Votre propos ressemble beaucoup à celui tenu par Jean-Yves Le Gallou, théoricien de l’extrême droite (inspirateur de la préférence nationale –NDLR) et ancien cadre du FN, qui estime que le combat est aujourd’hui sémantique. »

    Eric Zemmour :

    « Je ne me laisse pas imposer sémantiquement une idéologie.
    Je le connais bien et je partage ce combat. Comme lui, j’essaye de combattre la “novlangue” imposée par les médias. Ma première chronique de rentrée sur RTL était sur le mot “migrant”, par exemple. Je pense qu’il y a des mots comme “sans-papiers” qui nous sont imposés et d’autres qui nous sont interdits, comme “race”. J’ai décidé de ne pas employer les mots qui nous sont imposés par les médias et de recourir à ceux qui nous sont interdits. Je ne me laisse plus imposer mon vocabulaire. Si j’ai envie de dire “race” je dis “race”. Si j’ai envie de dire “envahisseur”, je dis “envahisseur”. Je n’emploie pas le mot “gay” mais le mot “homosexuel”. Je refuse que l’on m’impose sémantiquement une idéologie. »

    Les horreurs de la 17e Chambre correctionnelle

    La liberté a un prix : le risque de la condamnation correctionnelle. Le chroniqueur et animateur Eric Zemmour a été condamné jeudi 17 décembre à 3.000 euros d’amende pour provocation à la haine envers les musulmans, lors d’un entretien avec le journal italien Corriere della Sera en octobre 2014.

    Voici ce qu’Eric Zemmour déclarait à propos des musulmans :

    « [Ils] ont leur code civil, c’est le Coran », « vivent entre eux, dans les banlieues. Les Français ont été obligés de s’en aller ». (…) « Je pense que nous nous dirigeons vers le chaos. Cette situation de peuple dans le peuple, des musulmans dans le peuple français, nous conduira au chaos et à la guerre civile », ajoutait-il. « Des millions de personnes vivent ici, en France, mais ne veulent pas vivre à la française. »

    Il s’est trouvé des juges pour censurer ces phrases ! Gageons que pour Madame Fabienne Siredey-Garnier, présidente de la 17e Chambre correctionnelle de Paris, et pour ses assesseurs, Mme Mongin et M. Rondeau, le déni de réalité sera un puissant accélérateur de carrière. Comme pour leurs prédécesseurs aux mêmes fonctions.

    La caste judiciaire comme la caste médiatique sont au cœur de la trahison du peuple français.

    Polémia, 18/12/2015

    http://www.polemia.com/le-combat-de-zemmour-contre-la-novlangue-et-la-17e-chambre-correctionnelle/

  • Rassembler à gauche et grignoter à droite: Hollande met le cap sur 2017

    Rassembler à gauche et grignoter à droite et au centre: François Hollande met en place une stratégie et un calendrier de campagne pour s'assurer une place au second tour de la présidentielle, sans soulever l'enthousiasme.

    Le président a très vite tiré les leçons des régionales. Si le Front national n'a conquis aucune région, il continue sa progression élection après élection, pour atteindre son plus haut historique.

    Dans un pays qui s'ancre dans le tripartisme, la priorité absolue avant 2017 est donc de réunir la gauche autour de sa candidature et d'occuper, au centre et au delà, le terrain laissé vacant par Nicolas Sarkozy, toujours fidèle à sa ligne droitière.

    Un exemple parmi d'autres: Manuel Valls s'est empressé mercredi de saisir la main tendue par l'ancien Premier ministre (LR) Jean-Pierre Raffarin, partisan d'un "pacte républicain contre le chômage". Au soir du second tour, pendant que Nicolas Sarkozy était au Parc des Princes, il avait déjà téléphoné aux personnalités de droite élues aux régionales avec des voix de gauche.

    La nouvelle tentation du centre revient ainsi en force au PS, après Michel Rocard qui avait fait un gouvernement d'"ouverture" en 1988 ou Jacques Delors refusant de concourir à la présidentielle en 1995, faute d'une majorité suffisamment large pour le soutenir.
    Pour la majorité en effet, le combat en 2017 se jouera entre deux blocs, l'un "républicain" et l'autre "réactionnaire", expliquait jeudi le premier secrétaire du PS, Jean-Christophe Cambadélis. D'où l'impératif de resserrer les liens du camp "républicain", au sein d'une "alliance populaire", tout en s'attelant au "dépassement" du PS.

    "On commence par le PS, on fait une alliance avec des citoyens et les partenaires les plus proches, on discute avec les écologistes voire les communistes, on s'ouvre aux centristes, aux républicains qui voudront venir. Nous voulons être le centre de gravité !", a-t-il dit.

    Une source proche du Premier ministre, qui plaide depuis longtemps pour une "maison commune", se réjouit d'une telle initiative. Elle rappelle que "le problème stratégique est celui du premier tour de la présidentielle" car l'une des composantes du tripartisme, la gauche ou la droite classique, prédisent les sondages, sera éliminée dès le premier tour. "Le seul rassemblement de la gauche ne suffit pas", estime cette source, "on voit bien qu'il faut élargir".

    Soucieux de conserver son image de chef de l'Etat, au-dessus des partis, François Hollande a plutôt plaidé, lors d'un déplacement hautement symbolique auquel assistait Xavier Bertrand (LR), pour la recherche de "concorde pour l'intérêt du pays".

    - "Où est le projet ?" -

    "Jean-Christophe Cambadélis au PS et François Hollande avec 2017 en tête, comptent visiblement sur l'épouvantail frontiste pour discipliner à la fois le PS et la gauche", commente Fabien Escalona (Science-Po Lyon) sur Slate.fr. Mais s'il assure ne rechercher "je ne sais quelles combinaisons" politiques, le chef de l'Etat ne convainc pas totalement à gauche.

    L'écologiste Cécile Duflot lui a certes "tendu la main". Mais chez les communistes, on le soupçonne plutôt de vouloir "enterrer la gauche dans son ensemble", ou de "liquider le mouvement socialiste", selon les termes de Jean-Luc Mélenchon.

    "C'est une imposture, ils font semblant de vouloir rassembler à gauche alors qu'ils font la politique de Jean-Pierre Raffarin !", s'agace David Cormand, numéro 2 d'Europe Ecologie-Les Verts.

    Même au sein du PS, le scepticisme est de mise sur cette stratégie d'alliance. "Où est le projet ? Quel est le projet politique ? C'est ça qui m'intéressera", prévient l'ancien ministre Jean Glavany, redoutant une "combinaison" électorale "très IVe république".
    A droite aussi, la défiance prévaut. "Certains à droite tombent dans le piège tendu par Hollande", regrette Eric Ciotti (Les Républicains), tandis que Guillaume Larrivé (LR) est "convaincu que l'avenir de la France ne passe pas par (...) une petite tentative tactique d'accord d'arrière-boutique entre un Parti socialiste à la dérive" et Les Républicains".
    Jean-Raffarin lui-même a tenu à rappeler l'essentiel à ses yeux, à savoir que les Républicains sont et restent "les rivaux du Parti socialiste". Ce dernier organisera d'ailleurs une convention à l'automne 2016, une grand'messe unitaire censée parasiter la primaire de la droite qui se déroulera au même moment.
    source : Le Parisien lien

    http://www.voxnr.com/cc/politique/EuVpVkVAEAraCTJBkW.shtml

  • Le mépris à l'encontre des électeurs du Front national est inconcevable en Scandinavie

    Selon un blogueur sur place où l'union des droites contre la gauche est une réalité :

    "[...] Non seulement le vainqueur ne rafle pas toute la mise, mais on s’interdit les ententes de cartel qui feraient que les mal-nés devraient toujours perdre. Avec prudence, bon sens et pragmatisme, on n’y insulte ni son voisin, ni l’avenir. Aussi, à la différence de madame Michu, madame Jørgensen-qui-vote-mal ne trouve pas dressés devant elle, menaçants ou méprisants, la radio de service public, les journaux, la classe politique, les syndicats et le patronat. Il arrive même que les élus de madame Jørgensen puissent participer à la constitution d’une majorité parlementaire, voire à un gouvernement. Et on n’en fait pas tout un drame.

    Ainsi, depuis juin dernier au Danemark, et pour la deuxième fois dans l’histoire du royaume, s’est constituée une majorité de droite, incluant les populistes du Dansk Folkepartiet (DF, équivalent local du FN). Le gouvernement dirigé par les libéraux du Venstre négocie des accords majoritaires pour tous les grands sujets et reçoit le soutien des parlementaires du DF. Cette droite plurielle est combattue par la gauche, mais on n’a jamais vu là-bas des mobilisations générales contre le danger que le DF ferait courir à la démocratie. Le DF est au contraire l’une des expressions de celle-ci – contestable, contestée, mais respectée et partie intégrante de la nation.

    Quant à la Norvège, en dépit du très lourd discrédit que les attentats du 22 juillet 2011 ont porté aux idées d’extrême-droite,le Fremskrittspartiet (parti du Progrès, droite populiste anti-immigration) participe au gouvernement depuis 2013.Ses représentants occupent sept des dix-huit ministères du gouvernement d’Elna Solberg (Droite). Et non des moindres : Siv Jensen est numéro deux du gouvernement et ministre des Finances, Anders Anundsen, ministre de la Justice, Robert Eriksson, ministre du Travail… Là aussi, cette participation des populistes à la direction des affaires publiques n’a occasionné aucun drame collectif.

    D’où vient cette profonde différence dans la manière d’appréhender le phénomène populiste et son intégration au jeu démocratique ?

    D’abord, il faut noter la pratique de la négociation, du compromis et de l’accord qui régit l’ensemble de la vie publique. En Scandinavie, on n’a jamais les pleins pouvoirs, et il est d’autant plus facile d’entamer des discussions avec des concurrents politiques, qu’on ne risque pas de donner à eux seuls les clés de la maison – chacun dispose d’un double, si l’on peut dire. La pratique du scrutin proportionnel encourage évidemment de telles pratiques.

    [...] Une autre différence particulièrement saillante entre la France et la Scandinavie tient à l’obsession française de la seconde guerre mondiale dès qu’il est question du populisme. Il ne viendrait à l’idée de personne, en Norvège comme au Danemark, d’associer le Fremskritt ou le DF « aux heures les plus sombres de leur histoire ». Or, même si la vulgate privilégie la résistance scandinave à la collaboration, nul ne peut nier que ces heures sombres ont aussi existé. Ainsi, dans le numéro 1 de l’Esprit de Narvik, nous évoquions, avec Monique Zerbib, la rafle de l’automne 42 à Oslo où Ruth Meier fut arrêtée, puis déportée en Pologne et assassinée à Auschwitz, avec un millier d’autres réfugiés juifs. Alors d’où vient que, dès qu’il est question des droites populistes, les élites françaises brandissent le spectre du nazisme alors que Danois et Norvégiens ne le font presque jamais ? Il sera sans doute difficile de répondre avec certitude à cette question, mais je risquerais ceci : le fantôme historique qui nous poursuit, ce n’est peut-être pas l’occupation qu’on nous répète mais la guerre d’Algérie dont nous ne voulons entendre parler. Un mot pour un autre, comme dans un classique phénomène de déni individuel. Il va de soi, ici, que les Scandinaves n’ont pas notre histoire, et que, tranquillement, ils peuvent envisager de collaborer avec leurs propres partis populistes, quand le nôtre, honni et méprisé, vient raviver, jusqu’à l’hystérie collective, la vraie blessure française : 1962."

    Michel Janva

    http://lesalonbeige.blogs.com/my_weblog/web.html

  • Vers une “ukrainisation” de la Turquie ?

    Ex: http://www.dedefensa.org

    On nous dit que les affaires vont soudainement très bien entre la Turquie et l’Ukraine. Le “Calife à la place du Calife“ et le “roi du chocolat”, – respectivement MM. Erdogan et Porochenko, – se sont trouvés comme pacte d'amitié une fondamentale inimité commune qui les pousse à mettre en place une alliance irrésistible. Erdogan s’appuie sur l’OTAN et les USA, Porochenko sur Joe Biden et les USA, ce qui vous a un air de famille ; Erdogan alimente Daesh en bons conseils et en camions-citernes, Porochenko laisse faire ses croix gammées, ce qui vous a un air de complicité. Tous les deux, bien sûr, se jugent assez assurés des “valeurs” postmodernes pour réclamer une admission des plus rapides dans l’UE, ce qui a de moins en moins de chances de se faire ; en attendant cette issue qui ne viendra pas, ces deux pays sont, par des moyens divers, des nuisances constantes pour l’UE, qui doit supporter la pesanteur extrême de leur allégeance supposée.

    Voici donc quelques mots sur “les affaires” que Turcs et Ukrainiens envisagent de faire ensemble désormais liés par leur commun sentiment antirusse (Russia Insider du 12 décembre, repris de International Business Times) :

    « As tensions between Moscow and Ankara continue, Turkey has turned to another Kremlin foe and Eastern European state: Ukraine. Defense firms in Turkey and Ukraine have begun talks on tank modernization programs, Defense News reported Sunday.

    » Both Turkey and Ukraine find themselves at odds with the Kremlin. Russia applied harsh economic sanctions against Ankara after Turkey shot down a Russian jet at the end of November, saying the aircraft crossed into its sovereign airspace. Moscow denies this allegation. Ukraine continues to battle Russian-backed separatists in the Eastern Donbass region in a conflict that has left over 8,000 people dead. Moscow continues to deny playing any direct military role in the conflict in Ukraine. The situation has prompted the leaders of Turkey and Ukraine to warm relations. “We have agreed on a plan of our actions and preparations for my visit to Turkey, which is due in the first quarter of 2016,” Ukrainian President Petro Poroshenko said at the start of the month. “We are expecting this visit to make a breakthrough.” »

    Si le processus n’est pas vraiment étonnant, il est remarquable par l’espèce de mimétisme qui est en cours d'installation entre les deux directions, tant la politique semble ne pouvoir se concevoir aujourd'hui que sur l'apriorisme de l'histilité comme référence, y compris les références communes. Notre hypothèse suggère de considérer une évolution de la Turquie qui pourrait avoir lieu si aucun événement majeur ne vient débloquer ses relations avec la Russie. Un tel déblocage semble particulièrement difficile en raison de l’extrême fermeté de la politique russe qui est un élèment nouveau et très puissant d'une part, de l’attitude pour l’instant intransigeante d’Erdogan, facilitée par son isolement intérieur volontaire et l’évolution de son pouvoir vers une sorte d’absolutisme constitutionnel d’autre part.

    Il semblerait alors possible que la Turquie d’Erdogan suive une évolution très spécifique, se comportant désormais comme l’Ukraine de Porochenko, empilant menace sur menace contre les Russes, parlant de guerre, de riposte, pratiquant divers actes d’illégalité internationale, figurant avec à sa tête une structure népotique, corrompue et mafieuse (le clan Erdogan), etc. A notre sens, la politique turque ne se trouve pas loin, désormais, d’être engagée sur la voie de se trouver réduite au cadre d’action et à la pratique ukrainiennes, elle-même réduite à développer des séries d’anathèmes antirusses comme axe fondamental de sa politique générale. C’est ce que nous nommons l’“ukrainisation” de la Turquie, qui constitue un processus d’abaissement de la politique extérieure à un simple antagonisme sans issue ni perspective constructive, sinon le ridicule des menaces de destruction de la Russie ; dans ce cadre, la politique se réduit de plus en plus à ne considérer qu’une seule référence, qui est l’hostilité à la Russie, et considérant ses liens avec les autres en fonction de l’attitude des autres vis-à-vis de cette orientation.

    Il y a là un “modèle” assez nouveau de “faillitisation” des États (la nouveauté de la chose justifiant de proposer un terme nouveau pour la qualifier) ; c’est-à-dire un processus non pas de faillite normale (il y aura toujours un FMI  de fortune ou unbankster d’infortune pour sauver la baraque au dernier moment) mais bien de développement des structures et du statut de l’État vers une sorte de faillite volontaire, par processus de corruption psychologique avec le reste qui suit selon un objectif de plus en plus unique et essentiellement négatif ; une faillite qui s’effectue dans la mesure de son abaissement, de sa réduction à des processus négatifs de communication essentiellement et au choix d’une narrative également négative (antirusse) à la place de la prise en compte des vérités-de-situation.

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    A la lumière de l’exemple ukrainien, ce “modèle“ nous paraît beaucoup plus crédible comme effet des processus-Système, que le modèle traditionnel des “États-faillis” (“failed states”). Il installe l’impuissance et la paralysie à mesure des emportements de la rhétorique, c’est-à-dire la faillite soutenue par la jactance et une sorte de politique du sur-place puisqu’entièrement conditionnée par la négativité des liens avec la Russie. (La Russie est la seule référence à considérer à cet égard à cause de sa puissance pri,ncipielle [la souveraineté] et l'effet antiSystème de plus en plus marqué de sa politique.) Il s'agit d'une sorte de faillite par les termites (considérées comme un symbole de l'évolution décrite), qui minent la psychologie, effectivement évoluant vers une sorte de néantisation de toute existence souveraine. Au bout du compte, ce “modèle“ n’est même plus celui de vassal du bloc-BAO mais plutôt de parasite du Système qui embarrasse le Système plus qu’il ne le sert bien qu’il en soit sa créature, et dont le sort serait de plus en plus de tourner en rond sur lui-même, nourrissant son propre désordre encore plus que disséminer ce désordre hors de lui-même, et minant décisivement sa propre substance. En effet et bien entendu, l“ukrainisation“, ou “modèle ukrainien”, laisse libre à chacun de ses adeptes de développer sa propre forme de désordre intérieur, celui de “Kiev-la-folle“ s'étant déjà imposé comme typique et très spécifique comme il convient à un archétype ; ainsi pourrait-on penser, pour assurer la narrative et rassurer les esprits inquiets, qu'il s'agit d'une sorte de souveraineté, mais invertie : la souveraineté qui s'exprime dans le choix souverain qu'on fait de la forme de sa propre impuissance et du désordre de soi-même.

    http://euro-synergies.hautetfort.com/archive/2015/12/19/vers-une-ukrainisation-de-la-turquie-5733252.html