
Nicolas Lecaussin y était :
À la fin des années 1980, je vivais en Roumanie. Le communisme s’écroulait partout en Europe de l’Est. Ces pays et ces peuples se débarrassaient, enfin, de l’emprise totalitaire. Les hommes entrevoyaient la lumière après une trop longue période d’obscurité.
Aveuglés au début, ils tentaient, tant bien que mal, de s’habituer à cette chose qu’ils ne connaissaient pas : la liberté. Mais il n’y avait pas de repères et très peu de leaders qui ne se fussent discrédités sous la dictature. Le défoulement verbal auquel on assista alors était compréhensible et sympathique, mais il en résultait une cacophonie générale : tout le monde y allait de son avis, chacun parlait comme un homme d’État ou un économiste, nul n’ignorait ce qu’il fallait faire. Les plus culottés se conduisaient tels des nouveaux chefs. On créait des comités improvisés un peu partout, on organisait des réunions et… des débats. Sur tout. Sur tous les sujets. Les doléances des citoyens étaient transmises à la capitale, au nouveau pouvoir, temporaire, qui ne pouvait que distribuer de l’argent, forcément.
En outre, il y avait d’un côté les anciens bourreaux – réels ou supposés – qui avaient été au pouvoir sous le communisme et, de l’autre, les victimes, avérées ou autoproclamées, d’autant qu’être reconnu comme une victime du régime défunt donnait droit à indemnisation et à des avantages sociaux particuliers. Chacun était donc poussé à se présenter comme une victime, à juste titre ou de façon parfaitement fallacieuse. À tel point qu’on ne savait plus qui étaient les bons et les méchants.
En Roumanie, il y eut aussi des destructions et des violences, les mineurs, par exemple, voulaient « casser de l’élite et apprendre la vraie vie aux intellectuels ». La transition vers la démocratie et la désintoxication totalitaire ont duré des années. Les séquelles ont été profondes et tenaces.
Toute ressemblance avec la France d’aujourd’hui n’est pas à exclure. Naturellement, Emmanuel Macron est un président élu démocratiquement. Bien sûr, la France ne sort pas d’une ère totalitaire. Mais elle est en vrac. Tout le monde râle, chacun semble déboussolé, y compris – et surtout – le pouvoir en place, pourtant légitime. Que l’État se taise, le peuple veut parler, écoutons-le ! […]
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Pauvre Macron qui, désormais, relève [presque] de la pitié. On le voit s’agiter 6 heures durant, tel Fidel Castro, devant des auditoires de notables locaux. Soigneusement choisis par les préfets, parmi les 550 000 élus de la France profonde, ils ont été instruits des questions qu'il conviendra de poser. Gentiment, ils se plient à l'exercice. Au temps du quadrillage de l'Afrique du nord par le protecteur militaire, on avait inventé de les désigner comme s'il s'agissait d'une tribu ou d'une confrérie celle des béni-oui-oui. Et cependant certains s'écartent des consignes. N'est-ce pas à désespérer de cette consultation. Conçue comme une communication à ses unique, elle est présentée comme un grand débat.
