Voici les portraits de l’improbable duo chargé de gérer la répression du mouvement des Gilets jaunes.
Christophe Castaner
Ministre de l’Intérieur. Homme politique, né le 3 janvier 1966 à Ollioules (Var).
Malgré un accent prononcé et assumé, Christophe Castaner n’est pas un pur Provençal. Son aïeul Jaime Castañer Ferrer, un Espagnol originaire de Soller (Majorque) arrivé en France à la fin du XIXe siècle, s’est installé comme épicier à Angoulême (Charente) où est né Pierre Castaner(1933-2013), son père, marié à Marie-Claire Saint-Jean (1937-2010), femme au foyer originaire de Gironde. Après une carrière de fusilier marin (ce qui explique sa naissance dans la région toulonnaise), Pierre Castaner est devenu technicien supérieur au Commissariat à l’énergie atomique (CEA) de Saclay. La famille s’est donc installée à Massy (Essonne) avant de se fixer à Manosque (Alpes-de-Haute-Provence) où Pierre Castaner est connu pour avoir présidé la Société de chasse « La Diane ». Aussi Christophe Castaner est-il le benjamin d’une fratrie au sein de laquelle l’aîné Serge Castaner, aujourd’hui retraité, a fait carrière au CEA de Cadarache et le cadet, Marc Castaner, est médecin généraliste à Manosque.
Marié et père de deux filles, le ministre de l’Intérieur est propriétaire d’une belle bastide sur les hauteurs de Forcalquier (Alpes-de-Haute-Provence). Il déclare à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) un patrimoine net de 1,2 million d’euros dont plus de 800 000 euros de biens immobiliers (le reste en assurances-vie et en comptes bancaires), ce qui implique une déclaration d’impôt sur la fortune immobilière.
À l’adolescence, il a violemment rompu avec les valeurs de son père : « L’ancien enfant de chœur élevé à la messe et au camping scout mais sans débat politique à la maison, aurait pu faire partie d’une autre Dream Team […]. Quand il plaque le lycée au milieu des années 1980, c’est dans une Manosque ville ouverte qu’il traîne ses guêtres dans les arrière-salles. C’est l’époque des frères [Vincent et Bruno] Saccomano, de Christian Oraison, dit "Le Grand Blond". Grosses bagnoles et mauvaises vies et dans les parages, "Casta", déjà impertinent : "Il m’appelait l’étudiant". "J’ai vu une part d’ombre, l’argent facile." […] Il en a gardé un goût pour la frime : "J’assume un petit côté kéké" » (La Provence, 3 décembre 2015). Dans la région, base arrière des milieux varois et corso-marseillais, notons la figure de Daniel Areno, qui passe pour le véritable chef de la « bande de Manosque ».
En 1986, il passe son baccalauréat en candidat libre (obtenu à 20 ans au rattrapage), puis s’engage au PS où il commence à militer après son inscription à l’Université d’Aix-Marseille. Selon sa notice au Who’s Who, il serait titulaire d’un DES de sciences pénales et de criminologie, d’un diplôme de juriste conseil en entreprise et d’un DESS de juriste d’affaires internationales. Membre de l’UNEF-ID, il rejoint les clubs Forum animés par Manuel Valls, Stéphane Fouks et Alain Bauer. À propos de ce dernier, il explique aujourd’hui qu’il « a eu le rôle et la dimension d’un gourou » (L’Obs, 17 mars 2018).
Au sein de la deuxième génération des cercles rocardiens, il se lie avec Benoît Hamon, fondateur de la scission du PS Génération-s, Olivier Faure, actuel Premier secrétaire du Parti socialiste, Christophe Clergeau, Président du groupe socialiste au conseil régional des Pays de la Loire et François Blouvac, qui deviendra son directeur de cabinet à la direction de La République en marche. Second couteau, Christophe Castaner n’accède pas à la direction nationale et reste cantonné dans sa région d’origine. Après une participation à la campagne de Jean-Louis Biancoaux élections cantonales de 1992, il intègre brièvement le service juridique de la BNP, puis rejoint Guy Ravier à la mairie d’Avignon comme adjoint au directeur général des services de la ville, un poste qu’il doit abandonner en 1995 après l’élection de sa concurrente, la candidate RPR Marie-Josée Roig. Christophe Castaner sera condamné pour la diffusion de caricatures pornographiques de cette dernière dans le cadre de la campagne électorale. Monté à Paris, il dirige le cabinet de Tony Dreyfus à la mairie du Xe arrondissement, avant de rejoindre, comme conseiller technique puis comme chef de cabinet, Catherine Trautmann, alors ministre de la Culture et de la Communication et porte-parole du gouvernement. En 2000, il est nommé chef du cabinet de Michel Sapin au ministère de la Fonction publique et de la Réforme de l’État d’où il prépare son élection, en 2001, à la mairie de Forcalquier avec 50,63 % face au maire RPR sortant Pierre Delmar. Ses seize ans de mandature dans cette sous-préfecture de 5 000 habitants où est implantée la famille de son épouse (son beau-frère, y est propriétaire du Café de l’Hôtel de Ville) ont été épinglés pour un endettement de 7,8 millions d’euros, une somme deux fois supérieure à la moyenne des communes de taille comparable. S’il a été réélu en 2008, puis en 2014, c’est en partie parce qu’il a su caresser dans le sens du poil la part croissante dans le corps électoral de néo-ruraux du type bobos d’extrême gauche. Il a notamment accueilli dans sa commune, le 8 mai 2009, « Les 12 heures contre l’antiterrorisme » organisées par le Comité de sabotage de l’antiterrorisme de Forcalquier, avec la venue d’Éric Hazan (éditeur de Houria Bouteldja) connu pour son soutien aux bandes ethniques allogènes contre la police considérée comme « une armée d’occupation ». Dix jours plus tard, Christophe Castaner défendra encore l’éditeur alternatif François Bouchardeau (fils aîné de l’ancienne ministre Huguette Bouchardeau) et Samuel Autexier lors de leur interpellation pour la diffusion d’un tract de soutien à Julien Coupat sur lequel était mentionnée l’adresse d’une résidence secondaire du directeur central du renseignement intérieur Bernard Squarcini dans la région.
À cette époque, monsieur le maire se montre assez nettement pro-palestinien évoquant la « barbarie de l’État israélien » lors de l’abordage de la flottille pour Gaza en 2010 ou bien en participant à une journée de « soutien à tous les prisonniers palestiniens » organisée par l’Association France Palestine Solidarité en avril 2015. À l’Assemblée nationale, il s’est indigné, au nom de la liberté d’expression, lors de la promulgation par Christiane Taubira d’une circulaire incitant le parquet à poursuivre les appels au boycott des produits israéliens. Il s’est rattrapé depuis en décorant, au nom du gouvernement, Frida Mousstachis, membre du bureau du Fonds social juif unifié lors du gala de l’Union des collectivités juives du Val-d’Oise (UCJ 95) en décembre 2017, avant de figurer parmi les invités du dîner du CRIF en 2018.
Président de la communauté de communes Pays de Forcalquier-Montagne de Lure de 2003 à 2014, il échoue aux élections législatives de 2007 face au maire UMP de Sisteron Daniel Spagnou(46,04 %) dans la 2e circonscription des Alpes-de-Haute-Provence où il sera finalement élu en 2012 avec 54,04 % contre le candidat UMP Jean-Claude Castel. Membre de la Commission des finances, rapporteur de la loi Macron, il se fait connaître au niveau national comme tête de liste du PS aux élections régionales de 2015 en Provence-Alpes-Côte d’Azur, la direction du parti ayant renoncé à y parachuter Emmanuel Macron en raison du résultat catastrophique d’un sondage commandé en interne. Candidat par défaut pour succéder à Michel Vauzelle (dont il a été l’un des vice-présidents entre 2004 et 2012), Christophe Castaner bénéficie lors de cette campagne des soutiens d’Olivier Baussan, fondateur du Groupe L’Occitane, de Paul Hermelin, PDG de Capgemini, du couturier Christian Lacroix et de l’éditrice Françoise Nyssen.
Raillé au PS, considéré au mieux comme le « Kennedy du 04 qui ne fait que de la com’ » (La Provence, 3 décembre 2015) au pire comme « le simplet », le surnom que lui a donné l’entourage de Jean-Christophe Cambadélis, cet inconnu peine à décoller avec sa campagne sur le thème : « Faire de la région PACA la Californie de l’Europe ». À l’avant-veille du premier tour, Michèle Teboul, la Présidente du CRIF Marseille-Provence, lui demandera de « tout faire » (c’est-à-dire de se désister) pour empêcher la victoire de Marion Maréchal-Le Pen, une candidate qui, selon elle, « revendique la prédominance de la religion catholique sur les autres, et une hiérarchie entre les hommes [sic]. » Cependant, « le fou de l’échiquier » (Le Point, 29 septembre 2017) assure à ses colistiers qu’il donnera à l’un d’eux un mandat pour maintenir une liste d’union de la gauche au second tour, malgré un éventuel désistement personnel. Au soir du premier tour où il est arrivé bon troisième avec 16,6 % (contre 40,6 % pour Marion Maréchal-Le Pen et 26,5 % pour Christian Estrosi), il se fend d’une déclaration ambiguë poussant le Premier secrétaire du Parti socialiste Jean-Christophe Cambadélis à annoncer lui-même le retrait de la liste PS en PACA. À l’époque, le bruit a circulé qu’il avait fallu lui promettre un maroquin pour qu’il daigne se retirer… Humilié, il est l’un des tous premiers élus à se rallier à Emmanuel Macron au début de 2016 (avec François Patriat, Gérard Collomb, Renaud Dutreil et Richard Ferrand) participant aux dîners politiques organisés par le couple Macron à Bercy. Porte-parole de sa campagne présidentielle, il est nommé, le 17 mai 2017, secrétaire d’État chargé des Relations avec le parlement et porte-parole du gouvernement avec pour mission de traduire en langage commun la novlangue macronienne.
À ce poste, il multiplie les lapsus révélateurs : les attentats du Bataclan deviennent les « attentats du Ramadan », les députés expérimentés deviennent « expérimentaux » sans oublier « Muriel Pinocchio » pour Muriel Pénicaud, etc. « À l’Élysée et à Matignon, on se dit satisfait : "Castaner a raison de tenter de nouvelles formes de communication. L’idée, c’est de parler au plus grand nombre, pas juste au microcosme parisien." Emmanuel Macron ? L’élu des Alpes-de-Haute-Provence l’aime d’amour » (L’Express, « Et Castaner devint "Casta" », 25 novembre 2017). De son côté, l’intéressé explique « assumer cette dimension amoureuse […] Emmanuel est fascinant. Tout l’est chez lui : son parcours, son intelligence, sa vivacité, sa puissance physique même… » (Le Point, 29 septembre 2017).
En novembre 2017, alors qu’il vient de prendre la tête de La République en Marche pour donner du corps à la coquille vide présidentielle, son influence locale s’effondre avec l’arrivée du socialiste René Massette à la tête du conseil départemental des Alpes-de-Haute-Provence grâce à une alliance conclue avec Les Républicains et l’UDI, un tir de barrage contre Claude Fiaert, le candidat qu’il avait adoubé pour succéder à Gilbert Sauvan décédé quelques semaines plus tôt.
Donné, sans plus de précision, comme franc-maçon par Valeurs actuelles (6 juillet 2017), ce VRP du président, assumant son côté « fayot en chef » (Paris Match, novembre 2017), a donc été propulsé ministre de l’Intérieur après le départ de Gérard Collomb. Ayant mis sa démission dans la balance, il a finalement été imposé par Emmanuel Macron à Édouard Philippe qui voyait plutôt un sarközyste (Gérald Darmanin, Frédéric Péchenard ou Jean Castex) prendre le poste. Signe que la confiance règne, son portefeuille a été amputé des collectivités territoriales avec une relégation au 11e rang dans l’ordre protocolaire (contre le 2e pour son prédécesseur). Surtout, il est flanqué de Laurent Nuñez-Belda, nommé secrétaire d’État pour assurer le volet opérationnel. Bien que chargé exclusivement de la communication, il s’est rapidement attiré les foudres de l’institution policière en déclarant dès sa nomination sur RTL : « Je suis intimement convaincu que mettre en prison un jeune homme pour une première faute n’est pas une bonne solution parce que je crois que la prison est criminogène. »
Laurent Nuñez-Belda
Secrétaire d’État auprès du ministre de l’Intérieur. Préfet, né le 19 février 1964 à Bourges (Cher).
Il est un des trois enfants d’un couple de pieds-noirs d’origine espagnole installés dans le Berry après avoir quitté Oran en 1962 : « À la maison, je n’ai jamais entendu de discours pied-noir militant » se croit-il obligé de préciser dans le JDD (11 juillet 2017).
Enfant, Laurent Nuñez-Belda est scolarisé dans la classe de sa mère, institutrice. Son père, Jean-Marie Nuñez, architecte, fut adjoint du maire LR de Bourges Serge Lepeltier de 1995 à 2001. Il a épousé une Marseillaise connue lors de son passage à Bercy (deux filles).
Passé par le lycée Alain-Fournier de Bourges, titulaire d’une maîtrise de droit public et d’un diplôme d’études supérieures spécialisées de gestion des collectivités locales obtenus à la faculté de droit de Tours, ce diplômé de l’École nationale des impôts de Clermont-Ferrand est affecté, en 1989, au bureau du contrôle fiscal de la Direction générale des impôts au ministère du Budget. En 1993, il rejoint le ministère de la Fonction publique comme chef adjoint du cabinet du radical André Rossinot (membre du Grand Orient de France) dont il fut l’attaché parlementaire. Inspecteur vérificateur à la Direction nationale des vérifications de situations fiscales (DNVSF), il est affecté au ministère de l’Intérieur à sa sortie de l’ENA en 1999 (promotion Cyrano de Bergerac) où il est entré par la voie interne. Nommé adjoint au chef de bureau des concours financiers de l’État, il est promu chef du bureau des budgets locaux et de l’analyse financière à la Direction générale des collectivités locales en 2001 avant d’être nommé sous-préfet en 2003 et de s’installer à Vesoul en tant que secrétaire général de la préfecture de la Haute-Saône. En 2005, il est nommé chef du bureau de gestion du corps préfectoral et des administrateurs civils. Directeur de cabinet de Claude Baland puis de Nacer Meddah à la préfecture de la Seine-Saint-Denis (2007-2010), il est, depuis décembre 2009, secrétaire de la para-maçonnique Association du corps préfectoral et des hauts fonctionnaires du ministère de l’Intérieur. Sous-préfet de Bayonne entre 2010 et 2012, il est propulsé directeur de cabinet du préfet de police de Paris Bernard Boucault après le retour de la gauche aux affaires.
Comme numéro 2 de la « PP », véritable État dans l’État, il a notamment été à la manœuvre lors de la répression de la Manif’ pour tous avant d’être titularisé préfet en mars 2014. Victime collatérale de la guerre entre Manuel Valls et Bernard Boucault, il a finalement été débarqué pour sa gestion des manifestations pro-palestiniennes de l’été 2014. Les auteurs de Bienvenue Place Beauvau (Robert Laffont, 2017) expliquent sa nomination à la préfecture de police de Marseille, un joli point de chute, par la possession d’une vidéo compromettante de François Hollande.
Promu directeur des services actifs de la Police nationale et directeur général de la sécurité intérieure (DGSI) à l’arrivée de Gérard Collomb place Beauvau, il semble n’avoir jamais vraiment trouvé sa place à ce poste où lui a succédé l’un de ses proches, Nicolas Lerner (issu du corps préfectoral, ancien directeur adjoint du cabinet de Gérard Collomb, membre de la promotion Léopold-Sédar-Senghor de l’ENA, celle d’Emmanuel Macron). Nommé directeur de cabinet de Laurent Nuñez-Belda, le préfet Étienne Stoskopf, ancien conseiller aux affaires intérieures auprès des Premiers ministres socialistes Manuel Valls et Bernard Cazeneuve, sera chargé d’épauler Stéphane Bouillon, nommé directeur de cabinet de Christophe Castaner.
Invité depuis 2016 au club Le Siècle (biographie disponible dans F&D n° 428), ce cacique de la fonction publique quelle que soit la coloration politique du pouvoir (passé par les cabinets de Roger Fauroux, de Pierre-René Lemas, de Lionel Jospin, de François Fillon et de Claude Guéant), plusieurs fois condamné, avait mis à disposition sa villa marseillaise pour les vacances du couple Macron à l’été 2017.
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https://www.egaliteetreconciliation.fr/Qui-sont-Christophe-Castaner-et-Laurent-Nunez-53415.html