Ce 12 juillet marque le 170e anniversaire d’un événement de l’histoire canadienne trop souvent occulté, voire totalement ignoré : l’émeute orangiste de Saint-John au Nouveau-Brunswick.
L’Ordre d’Orange qui avait été fondé en 1795 par des protestants loyalistes d’Irlande du Nord en opposition aux Irlandais catholiques s’installa rapidement au Canada et prit une importance indéniable. Ce groupe attaché à la couronne d’Angleterre et à la « suprématie » britannique importa le conflit irlandais et transféra sa haine aux populations catholiques francophones, qu’elles soient acadiennes ou canadiennes françaises, ainsi qu’aux immigrants irlandais.
Au cours de sa sombre histoire, l’Ordre connut un engouement indéniable au Canada, comptant notamment quatre premiers ministres fédéraux et des centaines de maires, députés, ministres et premiers ministres provinciaux dans ses rangs, faisant du Canada, à une certaine époque, le pays dans lequel la moitié des orangistes du monde vivait, surpassant ainsi l’Ulster elle-même !
En Acadie, si les orangistes, implantés officiellement depuis 1818, s’en prenaient d’abord et avant tout aux Acadiens qui avaient survécu ou étaient revenus du Grand Dérangement de 1755, une déportation massive et génocidaire orchestrée par les Britanniques, ils en avaient également contre les immigrants irlandais installés principalement dans les villes.
Dès 1820, des affrontements interethniques devinrent relativement fréquents dans la ville de Saint-Jean, mais aussi à Fredericton et à Woodstock, au Nouveau-Brunswick. Ces violences culminèrent le 12 juillet 1849, une date qui n’est pas anodine. Le 12 juillet est la date à laquelle les orangistes célèbrent la bataille de la Boyne où le roi anglo-hollandais Guillaume d’Orange défit le catholique James II en 1690, permettant ainsi la conquête de la verte Erin.
Pour la parade de Saint-John, les orangistes voulaient, en 1849, faire un coup de force et organiser la plus grosse parade de l’histoire des Provinces Maritimes, rameutant des membres de partout dans la colonie pour marcher dans le quartier irlandais catholique de la ville. Les loyalistes convergèrent ainsi vers Saint-John en cette date fatidique. Le maire Wilmot voulut interdire la parade, mais les orangistes décidèrent d’aller de l’avant, confiants que grâce à la force du nombre, les catholiques n’oseraient pas répondre à leur provocation flagrante.
Deux ans auparavant, le 12 juillet 1847, à Woodstock, un affrontement entre orangistes et catholiques avait laissé dix personnes sur le pavé. Les catholiques s’attendaient à une procession armée dans leur district et s’étaient préparés en conséquence. C’est d’ailleurs parce qu’ils s’étaient munis de haches et de bâtons que 35 catholiques furent condamnés, alors que les orangistes, qui bénéficiaient de l’appui tacite des autorités, ne furent pas inquiétés.
Ainsi, en 1849, les Irlandais décidèrent, afin de protester contre la provocation loyaliste dans leur quartier de York Point, d’ériger une arche verte sous laquelle les orangistes seraient forcés de passer, ce qui représenterait pour ces derniers une humiliation. L’arche était défendue par 200 Irlandais, qui comptaient bien résister face aux centaines d’orangistes qu’on savait armés de pistolets, mousquets et épées. Lorsque la parade s’engagea, les Irlandais accueillirent les protestants avec une volée de pierres à laquelle on riposta avec des coups de feu.
Toutefois, malgré la puissance de tir des orangistes, les catholiques résistèrent et maintinrent leur arche, forçant les orangistes à passer dessous en baissant leurs étendards. Après cette première défaite, ces derniers allèrent chercher des renforts et de nouvelles armes pour laver cet affront impardonnable.
Lorsque les loyalistes et leurs renforts arrivèrent devant l’arche, les Irlandais, défiants, lancèrent des pierres en leur direction pour défendre leur quartier et leur honneur. On leur répondit avec des balles et de la poudre. Une bataille féroce s’ensuivit et finalement les Irlandais mirent la main sur un chariot contenant le reste des armes des orangistes, ce qui leur permit de répondre avec les mêmes armes. Avec un tel revirement de situation, les protestants abandonnèrent, la retraite étant protégée par les soldats britanniques qui se décidèrent finalement à intervenir après être restés passifs, et allèrent célébrer leur « victoire » à l’hôtel Nethery’s.
Leur incursion en quartier catholique avait laissé pas moins de douze morts irlandais et d’innombrables blessés dans les deux camps.
Par la suite, on arrêta davantage de catholiques que de protestants. Les assassins furent acquittés et toutes les charges contre les orangistes furent abandonnées. Comme quoi la justice coloniale britannique avait un parti pris évident.
Après avoir atteint un tel niveau de violence, les tensions s’estompèrent et l’Est du Canada ne connut plus d’épisode aussi meurtrier par la suite.
Cette lutte fratricide entre catholiques et protestants semble aujourd’hui aussi inutile qu’archaïque alors que les peuples européens font tous face au Grand Remplacement et à l’acculturation. Pourtant, si les tensions religieuses semblent bien chose du passé, l’élection l’an dernier d’un gouvernement unilingue anglais, appuyé par le parti francophobe People’s Alliance, dans cette province acadienne officiellement bilingue démontre que les querelles linguistiques, même si elles sont moins violentes que dans le passé, restent malheureusement toujours d’actualité.
Et si l’on ne peut que déplorer ces tristes événements ainsi que les violences liées à cette opposition entre deux peuples européens et chrétiens, on peut aussi se demander où sont passés cette fougue et ce désir de défendre son identité. Combien aujourd’hui se joignent à des organisations luttant pour la survie de leur identité ? Combien sont prêts à défendre celle-ci et leur honneur ? D’un extrême, nous sommes passés à un autre et aujourd’hui plus personne ne daigne plus lever le petit doigt pour défendre sa communauté et son honneur.
Rémi Tremblay
• D’abord mis en ligne sur EuroLibertés, le 17 juillet 2019.
http://www.europemaxima.com/dun-extreme-a-lautre-par-remi-tremblay/