« Triste et insensé personnage » pour Umberto Eco, l'auteur du célébrissime Au nom de la rose, « érudit de génie » selon Marguerite Yourcenar, « gnostique » sulfureux aux yeux de certains catholiques qui ne l'ont jamais lu, Julius Evola (1898-1974) a fait l'objet, de son vivant comme après sa mort, des jugements les plus contrastés. A l'occasion de la réédition, dans une nouvelle traduction intégrale, de son livre le plus important, Révolte contre le monde moderne (1), son traducteur retrace une partie de l'itinéraire de cet aristocrate qui a laissé une œuvre énorme, et résume l'histoire de la « réception » d'Evola en France.
À en croire feu Jacques Bergier, prophète, en son temps, avec Louis Pauwels, d'un nouveau « matin des magiciens », « si les nazis et les fascistes avaient triomphé, Evola aurait certainement été le sommet de leur contre-culture ». Affirmation à mettre sous bénéfice d'inventaire, quand on se rappelle les côtés déconcertants, voire délirants, de celui qui fut l'un des nombreux gourous de l'actuel éditorialiste du Figaro-Magazine. Mais l'importance intrinsèque de l'œuvre d'Evola n'a pas échappé à des gens plus sérieux, et même bétonnés de sérieux c'est ainsi que Pierre-André Taguieff, expert en « antiracisme » et pourtant fasciné par la « culture de droite », a pu dire de la pensée d'Evola, en 1986 et à la Sorbonne s'il vous plaît, qu'elle est « dotée de cohérence interne, caractérisée par l'ampleur des perspectives, la hauteur des vues ainsi que par l'étendue encyclopédique des thèmes et problèmes abordés ».
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