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anti-national - Page 1142

  • Le vieux monde et l'enfance

    Remboursement intégral de l'avortement, eugénisme, recherches sur l'embryon, adoption d'enfants par les couples homosexuels : les menaces sur l'enfance se multiplient, sous-tendues par une conception matérialiste et utilitariste de l'être humain.
    En 1966, Gilbert Cesbron écrivit un livre au titre prophétique : C'est Mozart qu'on assassine racontait l'histoire d'un jeune garçon de sept ans brisé et déraciné par le divorce et les querelles de ses parents. Au fil du temps, les manières d'assassiner Mozart se sont multipliées et ont été légalisées, à commencer par l'avortement devenu droit des femmes, qu'il est question de rembourser intégralement en dépit du vertigineux déficit de la Sécurité sociale. La mort des enfants à naître figure ainsi parmi les objectifs prioritaires du gouvernement. Le socialisme est une épée de Damoclès suspendue sur la tête des enfants.
    Les menaces, ces temps-ci, se multiplient, même sur des sujets qui paraissaient avoir été, sinon réglés, du moins temporairement pacifiés : est-il si urgent de revenir, déjà, sur la loi de bioéthique du 7 juillet 2011, en reposant la question de l'autorisation des recherches sur les cellules souches embryonnaires, ces expériences sur le vivant qui le détruise ?
    L'autorisation deviendra la règle
    La lecture du compte rendu analytique de la séance du 15 octobre au Sénat, au cours de laquelle a été discutée une proposition de loi du sénateur Françoise Laborde (groupe RDSE, radicaux de gauche), contient des aveux intéressants. La proposition vise à remplacer le principe d'interdiction des recherches sur l'embryon avec dérogations exceptionnelles, figurant dans la loi de juillet 2011, par un régime d'autorisation encadrée - il ne faut pas être grand clerc pour comprendre que l'autorisation deviendra la règle.
    « Les tenants de l'interdiction voient dans le fœtus un être humain en puissance, a expliqué Françoise Laborde. Selon cette logique, il aurait fallu maintenir une interdiction totale, sans dérogation. Si l'embryon est une personne humaine potentielle, la seule potentialité ne suffit pas à constituer cette personne. Le potentiel de vie (...) n'existe pas en soi ; il est fonction de la nature et du projet du couple pour lequel l'embryon est conçu en assistance médicale à la procréation. »
    Remarque préliminaire : les tenants de l'interdiction ne voient pas dans le fœtus « un être humain en puissance », mais un être humain tout court. Au contraire, pour Françoise Laborde, c'est finalement le projet du couple qui fait de l'embryon une personne. C'est donc d'une certaine manière son utilité.
    Cette réification de l'être humain se retrouve dans le raisonnement de Gilbert Barbier, rapporteur de la commission des affaires sociales et lui aussi radical de gauche, qui observe qu' « il s'agit d'embryons surnuméraires voués à la destruction après cinq ans de conservation. » Par conséquent, autant les utiliser...
    Le verbe utiliser est expressément employé par Muguette Dini (groupe Union centriste et républicaine). Après avoir précisé que, pour elle, « L'embryon est un amas de cellules indifférenciées ayant au maximum cinq jours d'existence », elle poursuit : « D'où viennent ces embryons ? Ils ne sont plus utilisés dans le cadre d'une assistance médicale à la procréation En France, 160000 embryons surnuméraires ne font pas l'objet d'un projet parental. Qui décidera de leur sort ? Les parents, au terme de cinq ans. Ce sont donc, de toute façon, des embryons destinés à la destruction qui serviront à la recherche. »
    Suit une contradiction flagrante : « Sait-on comment les embryons non désirés sont détruits ? Ils sont décongelés sur une paillasse avant d'être jetés ! Une collègue, qui a recouru à l'AMP, l'a découvert avec horreur ». Pourquoi être horrifiée, s'il ne s'agit que d'un amas de cellules ?
    Curieusement, le sénateur Barbier aborde lui aussi un terrain mouvant en déclarant : « Si, demain, la recherche sur les cellules souches induites progresse, celle sur les cellules souches embryonnaires prendra fin. Le texte est donc conforme à la convention d'Oviedo. » Voire. L'article 2 de la dite convention d'Oviedo sur les droits de l'Homme et la biomédecine, est ainsi rédigé : « Primauté de l'être humain. L'intérêt et le bien de l'être humain doivent prévaloir sur le seul intérêt de la société ou de la science. » Qu'en est-il, en l'occurrence ?
    Et que penser de l'intervention du socialiste Bernard Cazeau, qui déclare : « Les laboratoires partout dans le monde, ont au reste centré leur recherches sur les cellules souches embryonnaires. Allons-nous donner à nos chercheurs let moyens de lutter à armes égales ou faudra-t-il nous en remettre à l'industrie américaine ou japonaise ? » Est-elle compatible avec la convention d'Oviedo ?
    L'injustice est notre affaire a tous
    Mme Dini, décidément en verve, est en revanche parfaitement logique lorsqu'elle dit : « Je peux comprendre ceux qui considèrent que l’on ne peut toucher à la vie humaine mais alors, il faut revenir à l'interdiction totale, sinon, c’est l'hypocrisie. » C'est la première question qui se pose, en effet : peut-on toucher à la vie humaine ? La deuxième question est celle de la conception matérialiste de l'homme qui conduit à l’utiliser et à lui accorder du prix en fonction de son utilité.
    Des réponses à ces deux questions découlent non seulement les expériences sur l'embryon, mais aussi l'avortement, les tendances eugénistes qui conduisent à dépister pour le supprimer les enfants trisomiques, et plus généralement la mentalité utilitaire qui réduit l'enfant - comme d'ailleurs la femme ou l’homme adultes - à un simple moyen, comme on le voit dans le cas de l'adoption par les couples homosexuels.
    « Que ce monde soit absurde, c'est l’affaire des philosophes et des humanistes. Mais qu’il soit injuste, c'est notre affaire à tous », a écrit Gilbert Cesbron.
    Eric Letty  monde & vie . 20 octobre 2012

  • [Exclusivité Novopress] Le prologue de “Sale Blanc” de Gérald Pichon

    PARIS (NOVOpress) - “Sale Blanc, chronique d’une haine qui n’existe pas” de Gérald Pichon est la dernière publication d’Idées éditions. Il est préfacé par Pierer Sautarel de Fdesouche.

    Comme l’affirme la quatrième de couverture : « Longtemps dénoncée comme un fantasme, assimilé à un outil de propagande de l’extrême droite, la haine antiblanche était jusqu’à récemment déconsidérée par nos élites politiques et médiatiques. Pourtant, cette douloureuse réalité touche un nombre grandissant de Français. Agressions, insultes, viols… Cette forme particulière de haine raciale existe bel et bien. Mais aux yeux de ses détracteurs, affirmer en être victime est une erreur, c’est refuser le sacro-saint vivre-ensemble érigé en valeur suprême de la société multiculturelle. A l’heure où de grossières et opportunistes tentatives de récupération politicienne se font entendre, l’ouvrage “Sale Blanc” vient, témoignages et chiffres à l’appui, rendre compte d’une réalité méconnue, volontairement dissimulée par les gouvernements de droite comme de gauche. »

    En attendant un entretien avec l’auteur – qui tiendra une conférence samedi 2 mars à Tours à l’invitation du Cercle Jean Royer – et les bonnes feuilles du livre, en exclusivité pour Novopress vous trouverez ci-dessus le prologue.

    « Trop seul, trop pâle,
    Trop seul pour qu’on te craigne
    Trop pâle pour qu’on te plaigne »
    Vae Victis

    C’est un petit garçon rentrant en sang chez lui, une adolescente terrorisée à l’idée de sortir, un jeune homme tombé sous des coups d’une violence inouïe, une grand-mère martyrisée que sa famille n’oubliera jamais. Tous ont connu la détresse, la peur, les sanglots étouffés, la solitude. Aucun ne pourra oublier ces scènes de violences maintes fois rejouées. Ces souvenirs qui restent et ceux qui s’envolent, ce traumatisme que l’on n’oubliera jamais. Combien de fois revoit-on la scène ? Et si, en fin de compte, nous l’avions provoquée ? Pourquoi moi, pourquoi nous ? Pourquoi toi et pourquoi vous, les agresseurs, les violeurs et les violents ? Pourquoi cette rencontre entre toi et moi, entre nous et vous ? Pourquoi moi et nous et pas lui et eux ? Pourquoi moi et pas toi ? Le hasard ? Le destin ? Dieu ou le diable ? Qu’a-t-on fait ou pas fait pour mériter ça ?

    Tu brandis un poing vengeur, tu as l’air énervé, tu as juste le temps de maugréer un « sale Blanc » avant de lui couper le fil de la vie, de lui enlever sa confiance dans les hommes ou de le laisser vieillir en paix. Devant les policiers, les tribunaux, vous, les agresseurs, justifierez votre acte. Tout y sera et même plus. Nous vous écouterons avec attention, avec une inquiétude mêlée d’espoirs : nous pourrons alors enfin comprendre cette agression, ce viol, cette mort… Procès, prison, amendes pour vous. Perte de confiance, peur et parfois oubli pour nous. Plus tard, vous vous moquerez de la victime, vous vous jouerez d’elle. « Victime ! Victime ! », c’est devenu la nouvelle insulte à la mode dans les cours de récréation. Vous ne regrettez rien, ou si peu. Vous êtes en guerre, nous sommes en pleurs. Si on ne t’a rien dit sur moi alors pourquoi nous ? C’est notre gueule, notre visage, notre faciès qui ne vous reviennent pas ? Oui…. trop pâle, trop blanc, trop simple… pas assez couleur locale dans ce quartier, cette ville. Cette époque ?

    Alors, t’as pas compris encore « petit Blanc » ? Je t’ai brisé car tu n’es pas comme moi et je te l’ai fait payer cher. Cette haine, elle est là. Elle est en moi et cette haine, c’est de toi, de ta couleur de peau : je prends ma revanche, je t’écrase, je t’humilie. Tu ne comprends pas, je te frappe, tu comprends, nous te frappons. Moi, on m’excusera ; toi, on t’oubliera. T’as rien compris encore. Regarde-toi dans le miroir, tu es faible dans tous les domaines, tu n’as même pas la force de réagir à tout ça. Mais regarde-toi, nous sommes forts, nous sommes forts de vos faiblesses. C’est vous qui nous avez appris à vous détester, on a bien retenu la leçon. Vous êtes nos défouloirs, la vie n’est pas tendre avec nous, alors on vient se servir sur votre dos, passer nos nerfs et oublier. Oublier quoi ? Je ne sais pas, mais ce qui est sûr c’est qu’on vous oublie rapidement, vous les victimes. Ne sois pas blanc de peur, car pour nous ce serait un nouvel appel du sang…

    http://fr.novopress.info

  • LE MINISTERE DE L’INJUSTICE par Louis-Joseph DELANGLADE

    Le débat est ancien : dès lors qu’une faute est commise, faut-il privilégier la sanction ou la possible rédemption du coupable ? Coteries et médias de la bien-pensance nous serinent que le fautif ne l’est jamais autant qu’on le croit et que, moins il serait « puni » par l’incarcération, plus il serait « réinsérable ». 

    C’est le point de vue de Mme Taubira dont l’habileté tactique repose sur une démarche en deux temps. D’abord, pour ne pas affoler l’opinion, on ne parle que des petits délinquants – c’est-à-dire, dans les faits, ceux qui pourrissent quotidiennement la vie des autres. Ensuite, on feint l’objectivité - c’est ainsi que mercredi dernier, un jury dit de consensus [?] sur la prévention de la récidive a remis des conclusions  qui vont souvent beaucoup plus loin que certains engagements du parti socialiste.

    L’irréalisme forcené de Mme Taubira se heurte pourtant aux faits les plus évidents. Ainsi, et quoi qu’on puisse en penser par ailleurs, la mansuétude « taubiresque » appliquée en Grande-Bretagne n’a rien réglé tandis que la tolérance zéro appliquée à New-York a entraîné un recul du tiers de la délinquance. En France même, depuis trente ans, l’explosion de la violence (jusqu’à 13000 vols, 2000 agressions et 200 viols par jour, d’après l’enquête de Laurent Obertone dans La France orange mécanique) est parallèle à la diminution de l’accomplissement des peines (qui peut atteindre les deux tiers !) - sans parler des 80% de petits délinquants qui ne voient pas de juge, des milliers de peines qui ne sont pas appliquées et très souvent de l’absence d’emprisonnement pour les peines inférieures à deux ans (grâce à M. Sarkozy et Mme Dati).

    Jeudi dernier, au petit matin, MM. Malamine Traoré et Mehdi Bensassou, percutent volontairement avec leur 4x4 un véhicule de la BAC parisienne, tuant deux policiers et en blessant grièvement un troisième. Le conducteur, âgé de 22 ans, est ivre et sans permis mais avec un casier chargé (huit condamnations, deux séjours en prison). On aimerait savoir combien de temps ce voyou a passé derrière les barreaux pour avoir récidivé aussi souvent… Petit délinquant « mis à l’épreuve », M. Malamine Traoré n’était pas en prison : il a tué deux policiers. S’il avait été à sa place, c’est-à-dire en prison, deux pères de famille seraient toujours en vie.

    On objectera qu’il ne faut pas généraliser. Mais il s’agit là d’un exemple parmi des centaines, des milliers d’autres – souvent moins tragiques mais toujours insupportables. Jusqu’à l’impossible preuve du contraire, la seule solution juste, et quel qu’en soit le coût, réside dans la fermeté des peines et de leur application : n’en déplaise à Mme Taubira, la société a le devoir de mettre le délinquant hors d’état de lui nuire.

    http://lafautearousseau.hautetfort.com

  • Science sans conscience, arme de destruction massive

    SOUS LE titre : « Cancer, mortalité infantile et ratio sexuel des naissances, Irak 2005-2009 », une toute récente étude épidémiologique révèle que les habitants de Fallujah ont été soumis à des radiations bien plus élevées que celles endurées par les populations d'Hiroshima et de Nagazaki, le 6 août 1945.
    LE DRAME DE FALLUJAH
    Située à une soixantaine de kilomètres de Bagdad, Fallujah a, en effet, été le théâtre d'un des plus horribles crimes de guerre de notre temps.
    En avril 2004, sa population, en majorité sunnite, s'était rendue célèbre en résistant à l'assaut donné par les forces d'occupation U.S - occupation fondée sur des mensonges, on s'en souvient.
    En juin, les notables de la ville ayant refusé ; d'accepter la légitimité du gouvernement provisoire du Premier ministre Iyad Allawi, l'oncle Sam décida d'en faire un exemple.
    L'assaut fut donné le 7 novembre. Pendant dix jours, des milliers de tonnes d'explosifs et de balles s'abattirent sur la ville.
    L'envoyé d'Infowars, James Cogan rapportait le 18 novembre 2004 : « Fallujah est dévastée. C'est un enfer de corps sans vie, de bâtiments détruits et partout l'odeur fétide de la mort... On peut voir des rescapés à la recherche de nourriture dans ce que furent leurs jardins. D'autres errent, hagards et émaciés alors que, laissés là où ils sont tombés, des corps bouffis se décomposent... La seule comparaison qui me vient à l'esprit sont les villes de Beyrouth et de Sarajevo... » (D'autres témoins oculaires affirmeront avoir vu des chiens affamés se nourrir de cadavres. Des cas de rage furent d'ailleurs signalés).
    Tout homme de 15 à 55 ans s'était vu interdire de quitter la ville. Sur une population d'alors environ 350 000 âmes, quelques milliers étaient parvenus à s'enfuir. Alors que l'estimation des pertes et des prisonniers restait vague (un ou deux milliers pour chacun des cas), c'est la nature des blessures qui frappait l'esprit des témoins*, notamment la vue des corps calcinés sous des vêtements intacts... Chez l'occupant, on dénombra un cinquantaine de morts.
    Pour justifier ce carnage, les media US puis internationaux avaient ressassé, des semaines durant, que la ville sunnite était aux mains de « terroristes étrangers » sous la conduite de l'extrémiste palestinien Abu Musaab al-Zarqawi - ce que niaient catégoriquement les habitants. Bien entendu, Zarquawi resta aussi introuvable que le furent les armes de destruction massive attribuées à Saddam Hussein. Cela n'empêcha pas le général US John Sattler de déclarer « avoir libéré Fallujah » et le camp des justiciers d'avoir eu raison « d'irrationnels fanatiques », qui se seront battus « jusqu'à la mort » dira d'eux le porte-parole américain, le colonel Regner.
    UN URANIUM QUI N'A RIEN D'APPAUVRI
    Cette nouvelle étude tant attendue, publiée le 23 juillet dernier dans « l'International Journal of Environmental Studies and Public Health » (IJERPH) a été produite sous forme de questionnaire, en janvier et février 2010. Ses auteurs furent pareillement taxés de "terroristes" (la voix de son maître... ) par les autorités irakiennes aux ordres, tentant d'intimider la population. Ce fut seulement en présence d'une personnalité connue de la communauté que les langues se délièrent ; 711 foyers représentant 4 843 personnes, y participèrent.
    La conclusion fait dire aux enquêteurs que « les taux de cancer ont en effet quadruplé depuis 2005 et que leurs différentes formes se révèlent similaires à celles rencontrées par les survivants d'Hiroshima et de Nagazaki, exposés à d'intenses retombées nucléaires ».
    Parmi les chercheurs, Chris Busby, professeur de sciences biologiques et moléculaires à l'Université de l'Ulster et directeur de la recherche scientifique de Green Audit (groupe de recherche indépendant) trouve ce résultat « extraordinaire et alarmant », n'hésitant pas à déclarer sur la chaîne de télévision italienne RAI 24 : « D'après moi, il s'agit d'uranium appauvri et les deux cas doivent être liés ».
    Comparé aux populations d'Egypte, de Jordanie et du Koweït, le taux de leucémie à Fallujah, s'avère 38 fois plus élevé ; 12 fois plus chez les enfants ; il l'est 10 fois plus pour le cancer du sein. On remarque aussi de nombreuses insuffisances rénales, des cas anormaux de lymphome et de tumeur du cerveau se développant chez les adultes. Quant à la mortalité infantile (80 sur 1000), elle aussi est supérieure : 5 fois plus qu'en Egypte et Jordanie et 8 fois plus qu'au Koweït.
    Si sous les pressions, les forces de coalition avaient dû admettre l'emploi intensif de napalm et de phosphore depuis 2003, il en est autrement pour celui de l'uranium (dit) appauvri (UA). Difficilement identifiable car contenu dans les munitions et les armes telles que le fusil d'assaut AK77, l'UA, malgré sa dangerosité, semble désormais l'arme de prédilection des créatures du Pentagone.
    Issu de l'uranium enrichi, d'activité inférieure à celle de l'uranium naturel, l'uranium appauvri (U235) est particulièrement fissile en dépit de sa densité. Il est non seulement chimiquement toxique (tel que le plomb, l'arsenic) mais aussi radiotoxique. Pyrophorique, il pulvérise sans mal tanks et bunkers en transperçant des mètres de béton et causant d'incommensurables dommages collatéraux... Il dégage à l'impact - nous parlons là de tonnes - entre 40 et 70 % de sa masse et disperse d'infinies particules (notamment de l'uranium, des traces de plutonium et d'américium) de poussière radioactive emportée par le vent sur de longues distances, absorbée par les sols, les eaux de surface et les nappes phréatiques ; touchant humains, animaux et plantes... Inhalé tel un gaz, l'oxyde d'uranium pénètre alors le corps qui ne peut l'éliminer et l'irradie, indéfiniment.
    L'emploi d'uranium appauvri par les États-Unis avait déjà été suspecté lors de la « Tempête du Désert » en 1991 et l'on sait désormais que près d'un million d'obus a été déversé en trois jours, sur les milliers de réfugiés et de soldats irakiens battant en retraite sur la route de Bassora - en violation de l'article 3 de la Convention de Genève.
    Parmi les nombreux témoins, Carole Picou, qui faisait partie du « service santé » des armées américaines et reconnue aujourd'hui invalide à 100 %, a pu constater l'horreur, tout au long de cette « autoroute de la mort » de corps totalement calcinés ; « littéralement fondus, pareils à des scories » écrira-t-elle. À partir de 2003, ces scènes se banaliseront, à Fallujah comme dans tout l'Irak.
    Dus à la présence de radioactivité, des tests avaient eu lieu dans six zones du sud du pays dont la ville de Bassora, particulièrement touchée. À l'aide d'un spectromètre gamma, un tiers des échantillons de végétaux collectés indiqua un taux de radioactivité trois fois supérieur à la normale. Dans ces zones, près de 900 000 tonnes de plantes sauvages comestibles et près d'un tiers des animaux étaient contaminés. Aussi bien par inhalation qu'ingestion de liquides ou de solides, ce taux, mesuré sur cinq ans (1991-1996) représentait déjà, chez les enfants de moins de 15 ans, 70 % de l'ensemble de la population étudiée.
    En octobre 2009, des médecins irakiens et britanniques ont demandé, via l'ONU, une commission d'enquête sur les maladies dues à la prolifération radioactive. Un mois plus tôt, les médecins de l'hôpital de Fallujah, alarmés par l'augmentation sans précédent d'anomalies du système nerveux central, avaient entre autres signalé que sur 170 nouveaux nés, 24 % d'entre eux n'avaient pas survécu plus d'une semaine, parmi eux, 75 % étant difformes.
    De deux admissions par quinzaine, on peut désormais parler de deux admissions par jour, affectant spécialement la tête et la moelle épinière, créant simultanément des déficiences dans les membres inférieurs.
    Nombre d'enfants qui survivent, développent avec le temps, cécités, infirmités (crânes anormalement développés, taches, excroissances apparaissant sur le visage et le corps) accompagnées parfois d'indicibles souffrances. Ceux qui s'étiolent, s'en vont accroître, pendant des décennies, la longue liste des victimes "différées", comme ce fut le cas au Japon.
    ALTÉRATION DU PATRIMOINE GENETIQUE
    Selon le dr. Roger Coghill, spécialiste anglais des radiations : « une seule particule de UA logée dans un ganglion lymphatique peut dévaster le système immunitaire entier ». Pour sa part, le professeur Siegwart Horst Günther, épidémiologiste autrichien, met en évidence la déficience du système immunitaire, provoquant, tel que pour le SIDA, l'apparition d'infections, d'herpès et de zonas, de dysfonctionnements rénaux, d'avortements spontanés et de malformations congénitales. Les leucémies, quant à elles, seraient dues à l'irradiation des cellules souches par des particules alpha fixées sur la moelle osseuse et certains tissus lymphatiques.
    Hautement cancérigène, « L'uranium appauvri [devient] ainsi la plus dangereuse des toxines connues de la science des hommes » affirme, quant à lui, le professeur A. Durakovic, directeur du département de Médecine nucléaire à l'Université Georgetown de New York et expert auprès du Pentagone (sic).
    Lors de l'impact, l'UA s'enflamme au contact de l'oxygène, provoquant une chaleur extrême (jusqu'à 10 000°C, avancent certains) entraînant la dispersion de 10 à 100 % d'uranium selon le type de projectile. Ainsi, un obus tiré par un char M1 Abrams produit entre 1 et 3 kg de cette poussière. D'après les travaux du chercheur Leonard Dietz, une seule particule de 5 microns engendre une dose de 1 360 rem, soit plus de trois cents fois la dose annuelle autorisée chez les chercheurs de l'industrie nucléaire. Attaquant l'ADN contenu dans spermatozoïdes et ovules, le résidu radioactif et toxique est ainsi la cause de malformations congénitales monstrueuses - dont la vue est difficilement soutenable. La fixation de l'UA sur le placenta des femmes enceintes contrarie le processus de formation de l'embryon par division cellulaire. Ainsi, de nombreux enfants naissent hydrocéphales ; avec deux ou sans tête, sans membres (comme les victimes de la thalidomide dans les années 1950 dont il serait intéressant d'en connaître l'exacte composition) ; souvent des organes en moins : yeux, nez, oreilles, anus et même cerveau... D'autres souffrent de graves problèmes cardiaques (absence d'oreillettes ou de valvules) ou pulmonaires ; d'autres encore, présentent des organes à l'extérieur du corps : cerveau, estomac, intestins...
    « Il est frappant, constate le journaliste Tom Eley, de voir combien, après 2005, la proportion de filles nées à Fallujah a augmenté. En règle générale, le ratio est de 1 050 garçons pour 1 000 filles. Dans les quatre années qui ont suivi l'attaque U.S [donc dans le groupe d'âge de a à 4 ans] le nombre de garçons est tombé à 860 pour 1 000 filles ... » Cette réduction de 18 %, due à un stress mutagène, s'explique par la sensibilité du chromosome mâle - l'homme possédant un seul chromosome X et la femme, deux - ce qui lui permet d'absorber la perte de l'un d'eux en cas de dommage génétique. Or, c'est bien de cela qu'il s'agit : une altération du patrimoine génétique, apparemment irréversible, dont il faudra plusieurs décennies pour mesurer l'étendue.
    Depuis la conception de la première bombe atomique à Los Alamos (Nouveau Mexique), de nouvelles armes ont été testées, sans aucun état d'âme, sur différentes populations du globe. (Sait-on que le napalm fut employé pour la toute première fois** sur Royan et Coutances par les 1 200 bombardiers américains en route pour Dresde ?). En Irak, 1991 ; en Bosnie, 1994-95 ; au Kosovo et en Serbie, 1999 ; en Afghanistan, 2001 et de nouveau, en Irak depuis 2003 - lors de conflits souvent qualifiés d'humanitaires ! On peut y inclure le siège de Beyrouth et celui de Gaza, puisqu'Israël fait officiellement partie des trois pays ayant recours à l'emploi d'uranium appauvri, aux côtés des USA et du Royaume-Uni.
    Quel est l'impact de ces actes irraisonnés sur notre propre santé ? Avons-nous conscience que, comme dans le cas de Tchernobyl, la contamination ne s'est pas arrêtée aux frontières ?
    Interviewé par la BBC, le département de la Défense américain continue pourtant de nier « les causes de prolifération résultant d'actions militaires U.S ». Il faut dire que même en ce qui concerne les années de la coalition, la chape de plomb pèse lourd sur les statistiques qui, moins nombreuses, n'en sont pas moins dramatiques pour les troupes et leur progéniture... C'est de retour au pays que commence pour eux, la descente aux enfers.
    La Convention de Genève condamne théoriquement l'emploi d'armes « sans distinction de civils ou de cibles » tandis que l'ONU classifie les munitions contenant de l'UA, « comme armes illégales de destruction massive » ! Faut-il donc en conclure que son emploi est sélectif, un genre de punition collective toléré selon le camp auquel on appartient ? Certes, cela n'est pas nouveau. Et qu'importe si l'arrêt des combats et des pilonnages n'apporte aucun soulagement aux souffrances des victimes, souffrances dont les stigmates n'ont pas fini d'affecter les générations futures.
    Aussi pénibles soient-elles, il serait souhaitable que ces vérités soient proclamées au plus grand nombre et placardées, si nécessaire, sur les murs de certains édifices publiques. S'il n'est pas déjà trop tard.
    Pour ce qui est de l' Afghanistan, les généraux McChrystal et Petraeus, tombés en disgrâce, ont été, tour à tour, limogés. Celui qui leur succède n'est autre que le général James Mad Dog, (chien fou) Mattis qui eut un rôle déterminant dans le massacre de Fallujah. En 2005, lors d'une réunion publique, il fit sensation en déclarant : « C'est amusant de tuer certaines gens... Vous savez, c'est diablement marrant ! (it's fun to shoot some people ... You know, it's a hell of a hoot) ». De la chair à canon au gibier sans défense, on prend les mêmes et on recommence !  
    Certains, heureusement, font preuve de décence : La député travailliste, Alice Mahon, par exemple, qui démissionna en juin 2005, s'insurgeant publiquement contre le gouvernement Blair et dénonçant « la puante hypocrisie des USA, osant donner des leçons de morale au reste du monde ». Tout récemment, le secrétaire de la Défense britannique Liam Fox, dans un rapport adressé à la Chambre des communes, confessera : « Les forces du Royaume-Uni ont utilisé environ 1,9 tonnes d'uranium appauvri en Irak durant l'année 2003... ». Estimation modeste. En Amérique même, le professeur Francis A. Boyle de l'Université de l'Illinois à Urbana Champaign, affirmait quant à lui, déjà en novembre 2007 que « l'emploi d'uranium appauvri par les USA et la destruction de Fallujah [étaient) des crimes de guerre ». Une voix dans le désert.
    Le 19 août, on pouvait voir sur nos chaînes de télévision, le retrait anticipé de certaines troupes américaines, heureuses assurément de rentrer chez elles, et « satisfaites, ajoutait le commentateur, d'avoir rétabli la démocratie dans ce pays ». Quel odieux mensonge dont témoignait ce départ furtif, en pleine nuit...
    Que ce soit en Irak ou ailleurs, aux bombardements sans discernement répondent des attentats dans les lieux publiques, tout aussi condamnables que lâches. Les forces qui s'affrontent, de part et d'autre, n'ont que faire du sang des innocents et de jeunes vies dont l'idéal est sacrifié sur l'autel de la déraison. Devant un tel gâchis, comment s'étonner de la montée, toujours croissante, d'un Islam qui se veut conquérant et à qui nous fournissons des martyrs ? Chez nous où existe un danger potentiel, on envoie au loin nos forces vives, les persuadant d'aller contraindre, chez eux, des gens qui n'aspirent qu'à y rester. De quelle criminelle imposture devraient répondre nos dirigeants corrompus !
    Au lendemain d'Hiroshima, Albert Camus prévenait déjà dans Combat du 8 août 1945 que la civilisation mécanique venait de parvenir à son dernier degré de sauvagerie ; qu'il allait falloir choisir, dans un avenir plus ou moins proche, entre le suicide collectif ou l'utilisation intelligente des conquêtes de l'homme... entre l'enfer ou la raison.
    Saurons-nous le faire, et à quel prix ?
    Michelle PAVARD-JIRARD. Rivarol du 17 septembre 2010
    * vidéos disponibles sur Internet.
    ** « Chacun savait que la guerre allait prendre fin [ce fut fait quinze jours plus tard]... il y avait une petite poche de soldats allemands encore présents près de la petite ville de Royan. L'ordre nous fut donné de les bombarder ... » dira l'un des participants, le politologue américain, devenu pacifiste, Howard Zinc, lors d'un voyage dans la ville martyre en 1966. Pétri de repentir, son témoignage est d'autant plus intéressant qu'il avait auparavant participé au bombardement d'Hiroshima le 6 août 1945. En 2005, loin de ce qu'autrefois il acceptait sans question : « la moralité absolue de la guerre contre le fascisme » il ajoutera, au cours d'une interview : « Tout est fait à distance, provoquant de terribles atrocités... C'est ce qui se passe à présent en Irak et en Afghanistan.... Que faisons-nous en Irak ? »

     

  • Tragédie yougoslave : L'Europe, les États-Unis, la Russie et la Yougoslavie ; par Pierre M. GALLOIS

    Article rédigé en 1994 pour la Revue d'Europe Centrale.

    Avec un décalage de près de quarante ans, cette fois non plus à cause du Canal, mais de l'ex-Yougoslavie, Paris a réussi un doublé inattendu : le "coup de Suez". 

    Pierre M. GALLOIS.jpgC'est-à-dire faire les frais d'une expédition militaire et y souffrir des pertes pour constater qu'il revient à nouveau aux États-Unis et à la Russie de négocier le règlement d'une crise que l'on n'a pas su prévenir, encore moins conclure. 

    Et, de surcroît, devoir admettre que les pourparlers aient lieu à Bonn, origine du drame yougoslave et à Vienne, par où transitaient les armes inondant les Balkans en dépit de l'embargo. Enfin, voir rejeter les plans d'organisation de la Bosnie qui avaient l'approbation des nations — dont la France au premier chef — qui contribuèrent activement à la sauvegarde des populations les plus meurtries par la guerre. Gribouille n'aurait pas fait pis. 

    Le 5 février 1994, au soir, le jour même où la destruction du marché de Markale causa la mort de 68 personnes et en blessa 197, le président de la République et le Premier ministre s'accordèrent sur la nécessité d'agir, d'en appeler aux principales nations concernées par le drame des Balkans afin que, par l'action, l'on réponde à l'attente de l'opinion publique. Il est vrai que mise en condition par une intense propagande — dont on évoquera plus loin les sources — profondément émue par cette tuerie, la population réclamait des mesures immédiates, y compris l'usage de la force. En démocratie, la règle est d'entendre l'électeur même, et surtout, s'il a été quelque peu abusé par la "désinformation". Mais si puissante et si convaincante qu'elle ait pu être, il n'en demeurait pas moins que Sarajevo était assiégée depuis des mois et que, chaque jour, on y mourrait par le fer et par le feu. 

    Solliciter l'ONU ? Les Résolutions précédemment votées permettaient le recours à la force (interprétation de la Résolution 836 de juin 1993). C'eût été risquer un veto russe. Et puis, régulièrement et consciencieusement informé de la situation locale par les chefs militaires de la FORPRONU, le Secrétaire général se serait montré réservé. ("Toutes ces gesticulations à propos de frappes aériennes ne riment à rien. Chaque fois qu'on approchait d'un accord, elles ont envenimé la situation", déclarait le général Francis Briquemont.) Que demander aux Douze qui n'ait déjà été fait. Assez paradoxale était la démarche française, la France ayant, à terre, en ex-Yougoslavie, le contingent le plus nombreux et l'un des plus exposés à d'éventuelles représailles, la retenue britannique paraissant mieux inspirée. Mais l'opinion publique réclamait que l'on mit un terme à l'inaction.

    Aussi, le lendemain de la triste affaire de Markale, le ministre français des Affaires étrangères s'adressa-t-il à son collègue américain. Difficile requête pour Paris : on n'y avait cessé de revendiquer la reconnaissance de l’"identité de défense européenne", des pouvoirs et des moyens (?) de l'UEO, l'emprise militaire américaine sur l'Europe devant leur faire place. Et voici que pour une guerre spécifiquement européenne, ensanglantant une région dont M. Clinton avait dit qu'elle ne présentait pas d'intérêt stratégique pour les États-Unis, voici que Paris demandait à Washington de prendre l'initiative d'un ultimatum adressé aux Serbes, éventuellement suivi d'interventions aériennes. À Bruxelles, le ministre français de la Défense afficha la détermination de Paris. "On nous dit, déclara-t-il en substance, que la présence de la FORPRONU interdit que nous frappions en utilisant la force aérienne. Intenable position..." Sous-entendu il convient de passer outre et d'en venir à la menace d'emploi de la force si l'ultimatum n'est pas suivi d'effet. "On nous dit" ? C'est bien l'opinion qui le disait, lassée des souffrances indéfiniment tolérées de la population de Sarajevo. 

    À Washington l'appel fut entendu. Certes, aussi longtemps que seuls Serbes et Croates s'affrontaient, la Maison-Blanche demeura passive. Il y eut bien, de sa part, quelques velléités d'agiter la menace aérienne, mais devant les objections de Paris et de Londres, Washington sembla se désintéresser des événements des Balkans. Et cela jusqu'à ce que, gagnant la Bosnie, la guerre mobilise à nouveau le Département d'État. Les intérêts pétroliers américains sont assez puissants pour que l'allié musulman soit secouru. Pour les États-Unis, la démarche française présentait l'avantage de justifier l'Otan — en dépit de la disparition du Pacte de Varsovie. Elle répondait à l'attente de Bonn, l'Allemagne étant désireuse d'étendre la garantie américaine à ses voisins de l'est et du sud. La démonstration était faite que l'Amérique était bien la seule superpuissance et, qu'à ce titre, il lui revenait de contribuer à rétablir un "ordre international" convenable là où il était gravement menacé. L'intervention des États-Unis renforçait également l'allié turc et elle allait appuyer la présence en Macédoine du petit contingent qui y avait été dépêché. Bref, les Européens invitaient les États-Unis à jouer un rôle dans les Balkans mettant en évidence leur leadership en Europe. À l'initiative de la France. 

    Nous sommes directement concernés, affirma alors Bill Clinton, qui disait le contraire l'année précédente. Préparé depuis longtemps à intervenir en Yougoslavie — et déplorant de ne pas y avoir été invité l'état-major de l'Otan prit aussitôt sous sa coupe les formations maritimes et aériennes déployées en Adriatique et sur le littoral italien. Et, sous l'autorité de l'amiral Jeremy Boorda, commandant la 6e Flotte des États-Unis, "l'identité de défense européenne" devint "l'identité de défense américaine". 

    Chacun s'attendait à l'emploi de la force, le souhaitait ou le redoutait. C'était compter sans la manœuvre diplomatique et les avantages que Washington pouvait retirer de l'invitation qui lui avait été adressée. Alors que Moscou venait de réitérer son opposition aux attaques aériennes, y procéder eût placé Boris Eltsine dans une situation critique. Ni le peuple russe, ni la Chambre basse, la Douma, n'eussent admis que leur pays subisse une nouvelle humiliation. Bien que l'échec des réformes socio-économiques dont on attendait bien prématurément des résultats bénéfiques ait conduit à l'élimination de Galdar et d'une partie de ses conseillers économiques, Washington misait toujours sur Boris Eltsine de crainte que la Russie ne succombe aux sollicitations des extrêmes, unis dans un même nationalisme. Aussi fallait-il ménager Moscou, tenir compte des liens l'unissant à Belgrade et l'inviter à un tête-à-tête américano-russe qui devrait trouver un compromis acceptable par les trois belligérants. 

    C'est sans doute la raison pour laquelle, devenu le maître tout-puissant des forces alliées déployées face aux Balkans, l'amiral Boorda, à son tour et probablement sur ordre de son gouvernement, déclara "... qu'il ne lancerait aucune attaque aérienne sans l'ordre de l'ONU". Paris avait souhaité contourner l'Organisation des Nations Unies, mais l'amiral annonçait qu'il n'agirait que selon les instructions qu'il en recevrait. 

    Peut-être sans illusion, mais soucieux d'utiliser le prétexte bosniaque pour servir leurs intérêts nationaux, Américains et Russes ont pris à leur compte le puzzle balkanique devant lequel l'ONU et les Douze avaient échoué. Mais c'est aux Russes qu'il est revenu de jouer le rôle principal. Non seulement Washington les sollicitent et les placent en vedette sur la scène internationale mais, par les pressions qu'ils sont en mesure d'exercer sur les Serbes — et grâce aux garanties qu'en échange ils leur promettent — ils sont les seuls à pouvoir éviter l'extension du conflit de Bosnie. Moyennant les assurances qu'ils donneront à Belgrade sur l'issue des négociations auxquelles, désormais, ils participent, les Serbes replieront leur artillerie à distance de Sarajevo sans paraître obéir à l'ultimatum, mais à la demande de leur allié ; les Américains y gagnent d'éviter un engagement militaire qu'à juste titre ils redoutent et la FORPRONU ne risquera pas d'être la cible facile d'éventuelles représailles. Les "va-t-en-guerre" manifesteront leur satisfaction, la force ayant été brandie et les "pacifiques" également puisqu'elle ne sera pas utilisée, du moins comme sanction d'un ultimatum qui n'aurait pas eu d'effet. Enfin, et surtout, Sarajevo bénéficie d'une accalmie. 

    Pour Boris Eltsine ce fut là une occasion inespérée d'être à nouveau le principal interlocuteur de la superpuissance, de fournir un motif de satisfaction au peuple russe meurtri par toutes les manifestations d'une grandeur perdue et aussi atténuer la virulence des attaques des partis nationalistes. Peut-être sans l'avoir voulu, Eltsine fit mieux à propos des Balkans que Gorbatchev lors de la guerre du Golfe. 

    Avant d'étudier la proposition des nouveaux négociateurs, Américains et Russes s'étant substitués aux deux médiateurs représentant l'un l'ONU, l'autre les Douze, il faudrait revenir sur le très étrange comportement de la communauté internationale devant le drame yougoslave. 

    Il apparaîtrait que les Serbes ne furent pas les auteurs de la tragédie de Markale. Il est vraisemblable que les experts militaires qui étudièrent les traces de la détonation — ou des détonations — et qui évaluèrent les dégâts matériels qui en résultèrent, sans être assurés, s'étaient cependant formé une opinion. Adressée au Conseil des Ministres des Douze, deux jours après l'ultimatum, une lettre de la FORPRONU accuserait les Bosniaques musulmans. Fort courageusement, Bernard Volker l'avait révélé lors du "journal de TF1" le 18 février, mais allant à l'encontre de la thèse officielle, l'annonce avait été étouffée. Techniquement l'attentat suscitait l'interrogation. Les mortiers, fut-ce de 120 mm, identifiés lors des premières investigations, sont trop imprécis pour qu'un seul tir atteigne un objectif relativement réduit en dimensions (quelque 1200 mètres carrés). Ou alors, quel qu'ait été le camp des tireurs, le hasard est à incriminer et, seul, il dissiperait le mystère s'il s'agissait vraiment d'un projectile lancé par un mortier. L'autopsie des victimes aurait peut-être permis de préciser la nature de l'explosif et celle des projectiles ayant fait un tel carnage : les malheureux avaient été mis en terre précipitamment. Belgrade obtint la réunion d'une commission d'enquête. Mais, autre singularité, la tragédie fut attribuée aux Serbes et l'ultimatum lancé contre eux, avant que les experts aient déposé leurs conclusions. Enfin, il est pour le moins étrange qu'une association "TV carton jaune animé par des magistrats, des juristes et des journalistes" soit sortie de l'ombre pour porter plainte contre TF1 sous prétexte de "défendre l'honnêteté de l'information diffusée" alors que la scandaleuse désinformation subie par le téléspectateur lors de la guerre du Golfe, par exemple, n'avait pas heurté ses conceptions de la déontologie. C'est sans doute pourquoi, le 11 mars, M. Bernard Volker appuyait sa révélation du 18 février par la publication de la lettre officielle de la FORPRONU aux Douze. Lettre dont la teneur fut démentie par le Quai d'Orsay. 

    Tout s'est donc passé comme si n'ignorant rien du caractère équivoque de l'accusation dirigée contre les Serbes, les capitales occidentales avaient décidé de leur faire porter la responsabilité de l'attentat afin de légitimer l'ultimatum et, si nécessaire, l'attaque aérienne de leurs positions autour de Sarajevo. Peu importait le coupable du massacre. Il était assez révoltant pour que les opinions publiques approuvent toute action de guerre, quel que soit l'ennemi plus ou moins arbitrairement désigné. 

    Ce comportement, des plus discutables, est à rapprocher de celui qui fut adopté après l'attentat du 27 mai 1992 (20 morts, 70 blessés) également attribué à l'artillerie serbe. Le 22 août 1992, le journal britannique The Independent l'imputait à une machination bosniaque. Mais la grande presse se garda de reprendre la révélation. Elle fut confirmée plusieurs mois plus tard par le général MacKenzie, commandant en second de la FORPRONU, lors de la publication de son livre Peacemaker (1) : "... la rue (Vase Miskina où se trouvait la boulangerie de Sarajevo) a été bloquée à ses deux extrémités juste avant l'incident. Après que la foule ait été admise et que la queue se soit formée, les médias apparurent mais se tinrent à distance. L'attaque eut lieu et les médias se trouvèrent immédiatement sur place. La majorité des morts étaient des Serbes tenus pour être des 'modérés'. Qui peut savoir ? La seule chose certaine, c'est que des innocents furent tués..." 

    De même que l'attentat de Markale permit l'ultimatum et justifia d'éventuelles attaques aériennes, de même celui du 27 mai 1992 fut le prétexte de l'embargo imposé à la Serbie et au Monténégro. Bien qu'il ait été officiellement reconnu que les Serbes n'étaient pas impliqués dans le massacre dit de la boulangerie, l'embargo ne fut pas levé. Il a déjà fait des milliers de victimes parmi la population civile et atteint pour longtemps non seulement l'économie de la nouvelle République fédérale de Yougoslavie, mais aussi celle de ses voisins. 

    Pour celui qui se soucie de morale politique — l'un à côté de l'autre les deux mots surprennent — et, plus généralement, de la dignité des peuples dans les relations internationales, ces deux événements ne laissent pas d'être préoccupants. Ils provoquent au moins deux questions :

    — Sommes-nous devant une nouvelle ruse de guerre ? L'Histoire n'en offre guère d'exemples malgré la malignité des hommes. L'on s'en prend à son propre parti, l'on massacre les siens et l'on accuse l'adversaire du forfait (2). Grâce à la toute-puissance des médias et, en particulier, de l'image télévisée, l'on bénéficie aussitôt de la commisération, puis de l'assistance internationale. 

    Celle-ci donne la victoire au coupable en croyant prendre parti pour la victime ou en feignant de le croire. Les succès du procédé invitent à la répétition. Les Bosniaques musulmans y eurent recours à la veille de chaque importante négociation où leur sort allait être évoqué. Et chaque fois à leur avantage. Devant l'émotion provoquée par la mort de civils en quête de pain ou faisant leur marché, les dirigeants musulmans furent en mesure de rompre les négociations lorsqu'elles leur étaient défavorables. Il suffisait d'évoquer les souffrances que l'adversaire infligeait à leur peuple. 

    Seconde question également suscitée par les guerres récentes, celle du Golfe et celle de l'ex-Yougoslavie : pour les démocraties également, la "désinformation" des populations est-elle devenue, officieusement, une des composantes de l'art de gouverner ? Afin de sataniser Saddam Hussein en mobilisant contre l'Irak une opinion publique indifférente, le président Bush reprit à son compte, dans ses discours officiels et au moins une demi-douzaine de fois, le récit mensonger de la fille de l'ambassadeur du Koweït aux États-Unis qui prétendait avoir été témoin du pillage d'un hôpital pédiatrique à Koweït City. Amnesty International démontra le subterfuge, mais il avait atteint ses objectifs. En toute bonne conscience, les Alliés pouvaient déverser 90.000 tonnes de bombes sur l'Irak, puis lui imposer un embargo qui fit plus de 200.000 victimes parmi la population civile. 

    Mystérieuse serait également la partialité dont firent preuve les médias rendant compte par l'écrit et par l'image des événements de Yougoslavie. L'étrangeté de ce comportement ne s'explique que par la mise en œuvre de très puissants intérêts stratégiques et économiques, sans doute la force du mark et l'argent du pétrole lorsque la Bosnie fut en guerre. 

    Le véritable diktat allemand des 16 et 17 décembre 1991, une semaine après la signature du Traité de Maastricht d'où devait naître une "diplomatie et une défense communes", fut à peu près ignoré. Pourtant les ministres des Affaires étrangères des Douze réunis à Bruxelles, sous la houlette de M. H.D. Genscher, furent soumis à une rude épreuve et ce n'est qu'après des heures de débats que le 17, au petit matin, le ministre allemand obtint satisfaction. On reconnaîtrait l'indépendance de la Slovénie et de la Croatie le 15 janvier suivant. Bonn et le Vatican, ce dernier manifestant son hostilité millénaire aux schismatiques orthodoxes, devancèrent l'engagement du 17 décembre et, le 23, reconnurent l'indépendance des Républiques sécessionnistes. Celle de la Bosnie suivra inéluctablement. C'était priver de citoyenneté près de trois millions de Serbes vivant en Slovénie, en Croatie et en Bosnie, en faire des minorités plus ou moins bien traitées. C'était également décider de l'éclatement de la République fédérative socialiste de Yougoslavie, violer la Constitution yougoslave de 1974 en transformant des limites administratives en frontières internationales et faire bon marché de l'Acte final d'Helsinki et de la Charte de Paris. Bref, les Douze piétinaient les textes qu'ils avaient eux-mêmes conçus, défendus et signés, s'inclinant devant la volonté de la déjà toute-puissante Allemagne. Il est vrai qu'elle était réunifiée, officiellement, depuis un an et qu'elle bénéficiait largement de son unité reconstituée sans avoir encore à en payer le prix. Mais, de ces manigances, les populations ne furent pas informées. Pas plus que, dès le début du conflit, on ne leur révéla la chasse aux Serbes de Croatie, leur fuite par centaines de milliers vers la mère-patrie, leurs villages rasés, leurs biens perdus à jamais : première phase de l'épuration ethnique pratiquée par les Croates et dont on ne s'émut que lorsque les Serbes, à leur tour, ripostèrent contre les exactions dont ils venaient d'être les premières victimes. Bien rares ont été les commentaires relatifs à la visite de M. Delors à Belgrade, réclamant du gouvernement fédéral, alors en fonction, qu'il maintienne l'unité du pays et subordonnant l'assistance de la CEE à la cohésion de la fédération yougoslave. Les Douze justifiaient ainsi les tentatives de l'armée fédérale cherchant à stopper les mouvements sécessionnistes. Ses unités furent encerclées dans leurs casernes et contraintes à la capitulation ou à un combat tenu alors par les Serbes eux-mêmes pour fratricide. Lorsque Sarajevo devint le symbole menacé d'une nouvelle construction politique fondée sur une confession et non sur la volonté des diverses nationalités de vivre ensemble, l'on s'est gardé de préciser que 30% de ses habitants étaient Serbes, tandis que près de 11% se déclaraient encore Yougoslaves, si bien qu'il était légitime que l'armée serbe ait pris position pour défendre ses concitoyens contre les 49% de Musulmans bosniaques. La dictature exercée en Croatie par M. Tudjman et son parti a été discrètement escamotée, de même que la profession de foi de M. Izetbegovic selon laquelle : "... il n'y a pas de paix, ni de coexistence entre la religion islamique et les institutions sociales non islamiques. Ayant le droit de gouverner lui-même son monde, l'Islam exclut clairement le droit et la possibilité de la mise en œuvre d'une idéologie étrangère sur son territoire". Allez, ensuite, imposer aux 32 % de Serbes et aux 17% de Croates vivant en Bosnie- Herzégovine d'accepter la loi d'un gouvernement bosniaque musulman faisant de l'exclusion des autres confessions le fondement de sa politique ! Enfin, bien rares ont été seulement les allusions au rôle des Croates et des Musulmans aux côtés des forces du Reich, pas plus qu'il n'a été rappelé qu'à défendre la cause des Alliés contre l'empire wilhelminien, puis hitlérien, la Serbie a perdu 23% de sa population en 1914-1918 et encore 15% entre 1941 et 1945. 

    Les voix des nombreux experts en science politique et en relations internationales ne se sont guère fait entendre lorsque la Communauté européenne a repris à son compte l'héritage du maréchal Tito décidant qu'une religion donnait droit à former un État. On ne les a pas davantage entendus au moment où les pays occidentaux concernés par le drame yougoslave luttaient pour le maintien et le développement d'une République musulmane bosniaque. 

    Après la proposition de Lord Peel relative au partage de la Palestine (1937), dix ans de lutte et les terribles années d'extermination par les Nazis, les Juifs réussirent à s'installer en milieu musulman et, par leur vaillance guerrière, à s'y maintenir. Mais au prix d'un demi-siècle de guerres. Probablement plus encore. Aujourd'hui, les Occidentaux s'efforcent de créer et de renforcer une République musulmane (confession islamique minoritaire) en milieu chrétien. Sans doute en acceptant l'éventualité de conflits permanents. De surcroît, peut- être un jour membre d'une Union très grandement élargie, la Bosnie- Herzégovine en sera-t-elle à part entière pour être alors l'antichambre de l'Islam en Europe. Curieusement, les États-Unis s'en réjouissent : "Il serait important qu'il y ait en Europe un État où coexistent Musulmans et non- Musulmans", déclarait un haut fonctionnaire du gouvernement américain (3). En somme, il serait important de créer en Europe une "nouvelle Palestine". Afin, sans doute, que Washington y trouve prétexte à intervention. 

    Discutables certes, ces sombres perspectives sont bien rarement évoquées par des médias qui nous avaient habitués à plus de liberté. Les difficultés économiques dont souffrent plus particulièrement les pays industrialisés sont-elles à incriminer ? Privés des ressources normalement fournies par les diverses activités publicitaires des entreprises hier prospères, les médias deviennent-ils dépendants des soutiens gouvernementaux ? Il ne faudrait pas que, la crise aidant, les démocraties rejoignent les autocraties dans leurs méthodes d'information. 

    Mais la crise yougoslave a d'autres conséquences moins sujettes à l'interrogation. Elle a détruit les derniers vestiges de la victoire de 1945. Vainqueurs sur terre, les Russes font modeste figure devant l'Amérique, puissance de la mer. Tenants du statu quo balkanique, Français et Britanniques se sont inclinés devant les Allemands qui l'avaient mis à mal en 1941. La politique, la diplomatie et la défense communes dont les partisans du Traité de Maastricht nous ont rebattu les oreilles, s'évanouissent dans les brumes d'un très lointain et très incertain avenir. Et le "couple franco-allemand", mariage de raison, en a tous les défauts tant sont nombreuses et graves les infidélités. 

    Lors de son retour de Maastricht, le président de la République déclara que le texte qu'il venait de signer n'était pas négociable ; il fallait le prendre — ou le laisser — tel qu'il était. Chacun pensa qu'il en irait de même pour tous les autres pays signataires. Les mois qui suivirent démontrèrent que la plupart des grands partenaires de la France non seulement le négociaient mais, qu'unilatéralement, ils le modifiaient à leur convenance. Ce fut le cas de l'Allemagne, premier "pilier" du Traité. En effet, la Cour Constitutionnelle fédérale siégeant à Karlsruhe interpréta le traité de Maastricht de telle manière que s'il n'a pas été vidé de son contenu, il l'a été de sa finalité. Lors d'un entretien publié par la revue Politique Internationale (4), le chancelier Kohl avait clairement défini sa politique : "... le fédéralisme, la subsidiarité et l'intégration des intérêts des régions constituent, pour nous, les principes structurels essentiels de l'édification de l'Europe de demain". Mais la cour de Karlsruhe affirma que "l'Union européenne n'est pas un nouvel État fédéral, plus simplement un groupe d'États qui repose sur la volonté des États membres et respecte leur identité nationale" — Exit le fédéralisme. "L'appartenance à ce groupe d'États peut toujours cesser par un acte contraire.... l'Union européenne ne dispose ni de pouvoirs de commandement, ni d'une personnalité juridique propre... le passage à la troisième phase de l'Union monétaire n'est pas automatique..." La Cour rappelle les moyens dont disposent les autorités allemandes, et spécialement les tribunaux allemands qui ont le pouvoir de ne pas reconnaître la force juridique à des actes qui excéderaient manifestement les compétences des organes européens tels que prévues par le Traité. (Rappelons qu'en mai 1974 la Cour avait déclaré inapplicable en Allemagne un acte communautaire contraire au droit fondamental allemand.) 

    Manfred Brunner, président de la Fondation démocrate et avocat à Munich, réitérait à Jean-Paul Picaper (5) l'interprétation restrictive allemande du Traité : "... La Cour Constitutionnelle allemande agit, certes, en coopération avec la Cour de Justice européenne, mais elle a le dernier mot en cas de conflit". La légitimation démocratique de la CEE sera incarnée essentiellement par les parlements nationaux : le Parlement européen n'a qu'une fonction complémentaire (?) ... l'Union monétaire peut être résiliée... Pour toutes les questions dépassant le cadre du marché unique, il faudrait conserver dans le Conseil des Ministres la règle de l'unanimité... Mieux vaut ce type de démocratisation qu'une extension des compétences du Parlement européen parce qu'il ne peut y avoir de représentation populaire sans peuple..." Et J.P. Picaper ajoute : "... on comprend pourquoi le gouvernement s'est efforcé de passer sous silence ces conclusions de la Cour". 

    D'ailleurs, les efforts déployés par Bonn pour élargir l'Union vise deux objectifs : déplacer vers l'est, vers Berlin, le centre de gravité économique et politique de l'Union par l'adhésion de la Suède, de la Finlande, de l'Autriche et de la Norvège, pays formant une zone d'influence linguistique et économique allemande, et aussi interpréter le Traité selon les vœux de la Cour de Karlsruhe en diluant au maximum les responsabilités des institutions supranationales, toutes dispositions réalistes, mais contraires aux fantasmes européens français. 

    Les apparences, sinon peut-être la réalité, donneraient à croire que l'Allemagne réunifiée — ou plutôt, à peine réunifiée — a mis en œuvre deux diplomaties : l'une se manifeste à Bruxelles et lors des rencontres des chefs d'État, comme celles qui rassemblent périodiquement les dirigeants allemands et français. L'autre, discrète, consiste à "façonner" l'Europe conformément aux intérêts de la future nation allemande. Brunner le laissait entendre : "... l'Allemagne doit se défaire de sa peur de penser en contextes géopolitiques (à nous, Haushofer !). Le concept de la Mitteleuropa... nous a été légué par l'Histoire comme tâche particulière redevenue actuelle par la dépolarisation et le dégel qui a succédé à la guerre froide..." (6) Quoi de plus normal qu'un grand peuple, capable d'être le premier exportateur mondial et dont le commerce rayonne sur tous les continents, quoi de plus naturel qu'il pratique une politique ambitieuse, à la mesure de sa puissance démographique et économique. Seulement il faut dissiper les illusions entretenues par les fédéralistes français et, plus généralement, par les partisans du Traité de Maastricht. On ne peut prétendre que le diktat du 17 décembre 1991, une semaine à peine après la signature du Traité de Maastricht, ait été une manifestation d'entente entre les partenaires européens et l'amorce d'une diplomatie commune. La décision de M. Genscher, imposée à ses collègues, s'est révélée désastreuse. MM. R. Dumas et C. Warren en ont convenu. L'éléphant allemand entrait avec fracas dans le magasin de porcelaines que sont les Balkans. Le ministre des Affaires étrangères de Bonn a déclenché un processus infernal et malheureusement irréversible. Lord Carrington le confiait ainsi au Figaro (du 13 juillet 1993) : "... Alija Izetbegovic m'avait alerté : 'je dois demander l'indépendance de la Bosnie... Si je ne le fais pas, j'aurai la gorge tranchée. Mais je dois vous dire qu'une telle démarche aboutira à la guerre civile' ". Aussi, après de tels débuts, la politique étrangère allemande ne laisse-t-elle pas d'être inquiétante. 

    Elle l'est aussi vis-à-vis de l'Europe des Douze où Bonn ne se soucie guère de la "préférence communautaire" lorsque ses intérêts économiques sont en jeu : dès 1986, alors que la France cherchait à réunir les éléments d'une forte présence européenne dans l'espace, le gouvernement allemand s'opposa à deux des trois composantes essentielles de cette ambition : pas de station européenne sur orbite, mais un module amarré à celle des États-Unis, pas de "navette", mais peut-être un strapontin quémandé aux Américains et aux Soviétiques, si bien que le sort d' "Hermès" fut déjà compromis avant d'être réglé par l'abandon du projet. Ariane, par ses succès, échappa seule au naufrage. De même, convoitant le marché mondial, l'européen n'étant pas à sa mesure, Siemens choisit de s'allier à IBM américain et à Hitachi et Fujitsu japonais plutôt qu'aux firmes françaises et britanniques. Après avoir pris le contrôle de MBB (Messerschmidt, Bolkow, Blohm), Daimler-Benz s'est tourné vers Mitsubishi... Pourtant, les partenaires européens de l'Allemagne s'étaient montrés de bonne composition puisqu'ils se soumirent aux conséquences de la stratégie de la Bundesbank : taux d'intérêt élevés, afflux de devises en Allemagne, mais augmentation du chômage chez eux. "La politique monétaire de la Bundesbank est une véritable catastrophe pour toute l'Europe", dira Henri Martre, alors patron de l'Aérospatiale 0. Quant à la politique militaire, elle est pour le moins étrange : les forces armées d'outre- Rhin sont maintenant réparties entre quatre organisations : le futur corps d'armée franco-allemand, un groupe germano-hollandais, une participation à une force d'action rapide de l'Otan, enfin, une solide contribution à l'Otan, le tout, d'ailleurs, devant être placé sous le commandement américain en cas de crise grave. C'est là une curieuse façon de se préparer à une "défense commune" proprement européenne. 

    Chacun applaudit : l'intervention des États-Unis et celle, correspondante, de la Russie a décidé, en quelques heures, de la levée du siège de Sarajevo et du retour à la vie des citadins canonnés. Mais elle a mis en évidence l'incapacité des Douze à remédier à la catastrophe déclenchée par l'un des leurs. Il est vrai que le comportement de l'Allemagne dans les Balkans, fut-il vieux d'un demi- siècle, neutralisait la Communauté tout entière, accusée sous la pression de Bonn, puis de Washington, de partialité. L'entrée en scène de Moscou a rétabli l'équilibre entre des intérêts opposés. Celle des États-unis risque de se révéler périlleuse pour les pays européens dans la mesure où, pour plaire aux pays pétroliers arabes, c'est à l'instauration d'un État musulman en Europe qu'œuvre la Maison-Blanche. L'éveil de la Russie a été soudain et volontariste. Il n'est pas exclu que la destruction des quatre avions serbes ait été un avertissement : d'accord pour négocier à deux sur les décombres de l'ex-Yougoslavie, d'accord également pour substituer nos projets à ceux des médiateurs (c'est-à- dire à ceux de l'ONU et des Douze européens), mais qu'on ne s'y trompe pas, il n'existe toujours qu'une seule superpuissance et c'est l'Amérique. 

    Celle-ci a-t-elle un projet balkanique, comme l'intérêt subit qu'elle témoigne pour la Macédoine pourrait le laisser à croire ? Sinon à la Maison-Blanche où la politique intérieure accapare les esprits, mais dans de nombreux centres universitaires de recherche, des hommes de valeur étudient ces trois bouleversements qui transforment sur ce versant de l'Europe l'ordre international : l'effondrement du communisme, la réunification de l'Allemagne et la puissance croissante de l'intégrisme musulman. Vue d'outre-Atlantique, la péninsule occidentale de l'Eurasie — seconde en importance après l'Asie du Pacifique — prend un aspect nouveau. Deux forces la dominent : au nord les 80 millions d'Allemands, au sud les 80 millions que seront les Turcs dans un proche futur. C'est avec Bonn/Berlin d'une part, Ankara de l'autre, qu'il faut défendre les intérêts américains. À Bonn, l'on pardonnera la dangereuse précipitation de M. Genscher et, à Ankara, la répression des Kurdes. L'Allemagne aura toute liberté d'action dans cette Mitteleuropa "léguée par l'Histoire comme tâche particulière", selon M. Manfred Brunner avec, en prime immédiate, le rattachement économique de la Slovénie et de la Croatie. Quant à la Turquie, elle exercera son influence sur l'Albanie, la Bosnie, le Kosovo musulman — au détriment des Serbes, affaiblis par l'embargo et désignés à la vindicte publique par une campagne de désinformation intense. Si l'Allemagne participera — avec mesure — à la réhabilitation de l'économie de la Russie, elle devra aussi demeurer la plaque tournante des forces de l'Otan si, par exemple, un néopanslavisme actif succédait un jour au messianisme marxiste. De surcroît, elle sera, en Europe, le champion du libre-échangisme si favorable à l'économie américaine — du moins à court et à moyen terme. L'Irak détruit, l'option laïque et socialiste du baassisme éliminée et l'option intégriste ralliant de plus en plus de fidèles, il reviendra à la Turquie, encore laïque, de former un môle de résistance tandis que son influence politique, et peut-être économique, s'exercerait sur les pays turcophones, hier membres de l'U.R.S.S, leur offrant une autre voie que le retour dans le giron de Moscou. Aussi l'intervention américaine dans la triste affaire des Balkans, aux côtés de l'Allemagne d'une part, des pays musulmans de l'autre, constitue-t-elle une bonne approche pour mettre en pratique, peu à peu, cette nouvelle — et élémentaire — stratégie. 

    Dans un délai qu'on ne saurait fixer, Moscou pourrait être en mesure d'altérer ces objectifs et de limiter les moyens nécessaires pour les atteindre. La crise yougoslave a stimulé une diplomatie paralysée par les difficultés internes. Mais, entre le comportement des Russes lors de la guerre du Golfe et le leur depuis que l'Amérique est diplomatiquement présente dans les Balkans, grande est la différence. Le Kremlin doit compter avec la nouvelle Douma d'autant qu'elle répond aux aspirations profondes de la population recrue d'humiliation. Après avoir tenu une place quasi dominante dans les affaires du monde, les Russes réclament une plus grande considération. Et les politiques comme les analystes devront se rendre à l'évidence : il faudra, à nouveau, s'accommoder des volontés de ce grand pays. D'ailleurs, si pour les hommes le pouvoir absolu conduit à l'arbitraire, de même l'omnipotence d'une seule nation l'amène à commettre des excès. Source d'équilibre, la bipolarité est aussi le gage de plus de mesure. C'est ainsi que l'attaque de Bagdad, le 23 juin 1993, pour punir l'Irak d'un attentat qui n'eut pas lieu (et qui ne fut même pas envisagé, selon la presse américaine), la partialité dont l'Occident a fait preuve tout au long du drame yougoslave n'ont été possibles que parce que la Russie avait pratiquement disparu de la scène internationale. Elle y entre et veut s'y faire entendre. 

    Dans un monde bipolaire, les forces antagonistes s'équilibrant à peu près, le complot antiserbe n'aurait pu prendre autant d'ampleur. On remarque, par exemple, que l'attentat du marché de Markale ayant eu lieu le 5 février en fin de matinée, le soir même, le gouvernement français s'apprêtait à réclamer un ultimatum aux Serbes et à l'accompagner de menaces d'attaques aériennes. Dans une démocratie, un suspect est présumé innocent jusqu'à ce qu'ait été prouvée sa culpabilité. Or, avant même que soit réunie la commission d'enquête et alors que les premières investigations des experts militaires concluaient à l'impossibilité de déterminer l'origine du tir (si tir il y avait eu), Paris décidaient que les Serbes étaient les coupables et qu'il convenait de les châtier. Étrange. 

    Étranges, également, les renvois successifs des chefs militaires de la FORPRONU. Sur le terrain et disant des vérités contraires à la tournure que les politiques voulaient faire prendre à cette guerre civile, ils furent, l'un après l'autre, contraints d'abandonner leur commandement. "La présidence bosniaque entretient là des combats qui n'ont, et ils le savent, aucune chance d'aboutir, mais qui ont le mérite d'attirer l'attention du monde", déclara le général Morillon. Il est rappelé à Paris. Le général MacKenzie révèle-t-il que l'attentat de la rue Vase Miskina a été préparé par les Bosniaques, qu'il est prié d'aller exercer ses talents au Canada, son pays d'origine. "Toutes ces gesticulations à propos des frappes aériennes ne riment à rien. Chaque fois qu'on approchait d'un accord militaire, elles ont envenimé la situation... Il faut en finir avec l'antiserbisme primaire véhiculé par quelques intellos en goguette", dira le général Briquemont aussitôt renvoyé en Belgique. Honnêtes et clairvoyants, ces militaires de haut rang dérangeaient les desseins des politiques qui entendaient que soit fardée la vérité. 

     

    Le "nouvel ordre international", conçu pour un monde unipolaire, en Irak comme en Yougoslavie, a cherché à atteindre ses objectifs par la "mise en condition" des opinions publiques, le recours aux cruautés des embargos et, si besoin était, les destructions massives. Ce sont maintenant les démocraties qui violent le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes se comportant comme les autocraties auxquelles, légitimement cette fois, elles eurent le mérite de longtemps s'opposer.

    Pierre-Marie GALLOIS (1911-2010)  http://www.theatrum-belli.com

    Général de brigade aérienne et géopoliticien, artisan de la dissuasion nucléaire française.Article issu de la Revue d'Europe Centrale, du 1er semestre 1994

    Notes :

    (1) Lewis MacKenzie. Douglas and McIntyre. Vancouver/Toronto, 1993, p. 194.

    (2) Le général MacKenzie, lors d'une conférence de presse : "... je ne suis pas en état d'empêcher les deux belligérants de tirer sur leurs propres positions pour satisfaire CNN"

    (3) Alain Frachon, Washington veut amener les Serbes à la table des négociations, Le Monde. 16 mars 1994, p. 3

    (4) N°52. Eté 1991.

    (5) Une Europe des Etats souverains. Géopolitique, n° 44, p. 73

    (6) Ibid., p. 75

    (7) Henri Tricot : "Le patron de l'Aérospatiale accuse l'Allemagne de provoquer la récession". Le Quotidien, 14 janvier 1992, p. 7

  • Les 6 milliards de Cahuzac et ceux de Valérie Pécresse

    130227 130227bLe 25 février, le ministre délégué au budget, Jérôme Cahuzac, affirmait  (1)⇓qu'il allait falloir trouver "6 milliards d'euros de recettes" supplémentaires en 2014. Il affirme vouloir conserver ce qu'il appelle "la stabilité fiscale". Il refuse ainsi de parler d'une augmentation d'impôts.

    Or le temps presse. Aujourd'hui, chacun s'accorde à déplorer l'humiliation imposée aux peuples de l'Europe du sud. On les regarde comme autant de cobayes. La dégradation de l'image de ces pays à l'étranger s'accompagne des dommages bien réels infligés aux conditions de vie d'une partie des habitants.

    À l'époque où je rédigeai mon petit livre contre le fiscalisme (2)⇓, ce travail tendait surtout à répondre à plusieurs préoccupations, légèrement différentes, sans doute au départ. La plus importante à mes yeux correspond, aujourd'hui encore, à la restauration des fonctions régaliennes, de défense, de sécurité intérieure et d'administration de la justice, structurellement étouffées par l'omniprésence de l'étatisme. La seconde s'investissait dans la réponse aux thèses néomarxistes de Piketty. Et enfin, pour pouvoir diminuer la pression fiscale aberrante qui pénalise si durablement le pays, tout en liquidant la dette et en interdisant les déficits, la seule solution consiste à diminuer le périmètre de l'état, ce qui renvoie au premier point évoqué.

    Or, à partir de l'été 2011, nous nous trouvions dans la période de l'élaboration des lois financières pour 2012. Valérie Pécresse avait accédé, à l'occasion du tout récent remaniement du gouvernement, du portefeuille de ministre du Budget. Dans ces fonctions elle se montra assez rapidement l'une des premières personnalités politiques à oser envisager la nécessité de réduire la dépense publique. Depuis lors, et petit à petit, l'idée prit corps, quoique de façon pudique, et le discours en prend forme désormais. Mais comme on pouvait déjà le remarquer, pour que la notion même en acquière une part de crédibilité, – en l'absence d'une situation du type "troïka" d'envoyés des bailleurs de fonds, – l'existence d'un courant d'opinion représente une condition sine qua non.

    On doit donc se féliciter, sur le principe, que l'UMP ait réuni le 20 février une "Convention" de ce qu'elle appelle son "labo des idées", l'expression Atelier renvoie peut-être un peu trop au grand orient de France. Le thème portait en l'occurrence sur "Comment et où baisser les dépenses publiques".

    Autre qualité des conclusions adoptées : elles aboutissent quand on observe le catalogue à "10 mesures pour 20 milliards d'économies". On peut remarquer cependant que l'on se trouve en recul par comparaison avec le "Rapport de l'Institut Montaigne de décembre 2012, qui annonce quant à lui "15 propositions pour 60 milliards d'économie".

    Les bons esprits se féliciteront sans doute, à la fois, de cette attitude apparemment plus modérée : ils la trouveront ainsi, peut-être, plus "réaliste" ; et, d'autre part, comment ne pas noter que ces [éventuels] "20 milliards du 20 février 2013 permettraient [par avance] de "financer" les 6 milliards de Cahuzac. Cette dernière évaluation s'inscrivant dans le cadre de la remise en cause des hypothèses de croissance, voilà, pensera-t-on autant de réponses que la technocratie s'adresse à elle-même.

    Hélas, on ne peut qu'observer la fragilité de tels satisfecit ; Fondés sur des calculs provisoires et fugaces, ces chiffres intimidants restent largement sujets à caution. Cautères puissants on propose une fois de plus de les appliquer sur autant de jambes de bois.

    Le sophisme fondamental consiste, encore et toujours, à proposer l'étatisme comme remède à ses propres nuisances. Ah certes le détail peut sembler impressionnant : 3,2 milliards d'économies, par exemple, figurent au point 7 du catalogue Pécresse, intitulé une politique de l'emploi plus efficace et centrée sur le retour rapide à l'activité". Quel caissier dédaignerait d'encaisser un tel gain, basé sur trois idées bien trempées "rapportant" respectivement 0,2 [par dégressivité de l'allocation-chômage"] + 1 [par lutte contre les préretraites déguisées] + 2 milliards [par fusion de la prime pour l'emploi et du RSA]. Magnifique.

    Comme tous ces remèdes proposés n'auront jamais l"occasion d'être expérimentés avant 2017, on ne saura pas non plus comment de telles évaluations se vérifient.

    En revanche on sait deux choses par avance : l'État n'offre pas les solutions, puisqu'il constitue lui-même le problème (cf. Reagan) et on ne résoudra aucun problème avec ceux qui les ont engendrés (cf. Einstein). Réduire la dépense ? Mille fois d'accord ! Et le plus vite possible ! Mais si l'on se borne à des travaux de laboratoires on demeure dans l'invraisemblable.

    Encore un effort risque donc à l'évidence de se révéler nécessaire pour aboutir à cet assainissement de plus en plus urgent.

    JG Malliarakis http://www.insolent.fr/

    Apostilles

    1. sur Europe 1.
    2. cf. "Pour une libération fiscale"
  • Mariage pour tous : le rejet de la pétition par le CESE est illégal

    Les opposants au mariage dit « pour tous » ont déposé, vendredi 22 février 2013, 694 429 signatures à l’appui d’une pétition demandant au Conseil économique, social et environnemental (CESE) de donner son avis sur cette question, comme le prévoit l’ordonnance n° 58-1360 du 29 décembre 1958, dans sa rédaction issue de la loi organique n° 2010-704 du 28 juin 2010.¢
    I. Dans une décision du 26 février 2013, le CESE a déclaré irrecevable cette saisine par voie de pétition : « Le bureau [du CESE] a constaté que les conditions de nombre et de forme étaient réunies », a souligné le CESE dans un communiqué. « Pour autant, et en vertu de l’article 69 de la Constitution et de l’article 2 de l’ordonnance du 29 décembre 1958 portant loi organique relative au Conseil économique social et environnemental, la saisine du CESE pour avis sur un projet de loi relève exclusivement du premier ministre ». En conséquence, « celle-ci ne saurait ainsi être autorisée par voie de pétition citoyenne », ce qui a amené l’assemblée consultative à déclarer irrecevable la saisine dont elle était l’objet.
    II. Cette décision est infondée en droit.
    En effet, l’article 4-1 de l’ordonnance susmentionnée dispose que la saisine du Conseil par voie de pétition est soumise à quatre conditions formelles qu’il énumère très précisément, et seulement à quatre. Ces quatre conditions sont les suivantes :
    1° La pétition doit porter sur « toute question à caractère économique, social ou environnemental ». C’est le cas en l’espèce.
    2° La pétition doit être « rédigée en français et établie par écrit ». C’est le cas en l’espèce.
    3° La pétition doit être « présentée dans les mêmes termes par au moins 500 000 personnes majeures, de nationalité française ou résidant régulièrement en France. Elle indique le nom, le prénom et l’adresse de chaque pétitionnaire et est signée par lui. » C’est le cas en l’espèce.
    4° La pétition doit être « adressée par un mandataire unique au président du Conseil économique, social et environnemental. » C’est le cas en l’espèce.
    Il appartient au Conseil de vérifier si ces quatre conditions sont satisfaites. Si elles le sont, le Conseil n’a pas le pouvoir de refuser d’examiner au fond une pétition dont il est légalement saisi.
    En effet, l’article 4-1 dispose que « le bureau statue sur [la recevabilité de la pétition] au regard des conditions fixées au présent article », et uniquement au regard des conditions fixées au présent article. Ces conditions sont au nombre de quatre, et pas une de plus. Le Conseil économique, social et environnemental n’était donc pas fondé à prononcer l’irrecevabilité de la pétition au seul motif qu’un projet de loi serait en cours de discussion au parlement.
    III. Pour prononcer l’irrecevabilité de la pétition, le CESE considère néanmoins que seul le Premier ministre peut saisir l’assemblée consultative concernant un projet de loi. À cet effet, il se fonde sur l’article 2 de l’ordonnance précitée. Or les dispositions contenues dans cet article ne prévoient nullement que la saisine du CESE, à laquelle procède le Premier ministre dans certains cas bien précis, serait exclusive du droit, pour les personnes visée à l’article 4-1, de saisir parallèlement l’assemblée consultative par voie de pétition.
    En effet, l’article 2 énumère quatre voies possibles pour la saisine du CESE par le Premier ministre, le président du Sénat ou de l’Assemblée nationale :
    1° La saisine obligatoire, pour avis, « par le Premier ministre, des projets de loi de plan et des projets de loi de programmation à caractère économique, social ou environnemental. »
    2° La saisine facultative, pour avis, « par le Premier ministre, des projets de loi de programmation définissant les orientations pluriannuelles des finances publiques, des projets de loi, d’ordonnance ou de décret ainsi que des propositions de loi entrant dans le domaine de sa compétence. »
    3° La saisine facultative, pour consultation, « par le Premier ministre, le président de l’Assemblée nationale ou le président du Sénat, sur tout problème de caractère économique, social ou environnemental. »
    4° La saisine facultative, pour étude ou pour demande d’avis, « par le Premier ministre, par le président de l’Assemblée nationale ou par le président du Sénat. »
    Aucune des conditions posées par ces dispositions n’interdit aux personnes physiques mentionnées à l’article 4-1 de saisir parallèlement le CESE par voie de pétition.
    IV. En outre, et à toutes fins utiles, la saisine du CESE pour avis, par le Premier ministre, ne peut relever, le cas échéant, que de la 2ème voie susmentionnée, et cette voie est facultative. Elle ne saurait donc faire échec à la saisine du Conseil par voie de pétition, sauf (peut-être) si elle avait déjà été utilisée. En l’espèce, ni le CESE ni les pétitionnaires ne soutiennent que le Conseil aurait déjà été saisi par le Premier ministre, ni que l’assemblée aurait épuisé sa compétence. On peut donc en conclure que le CESE n’a pas été saisi. Mais quand bien même il l’aurait été, on ne voit pas en quoi la saisine parallèle par voie de pétition serait contraire aux dispositions contenues aux articles 2 et 4 de l’ordonnance.
    La décision d’irrecevabilité prononcée par le Conseil est entachée d’excès de pouvoir et est susceptible le cas échéant, c’est-à-dire si les pétitionnaires le jugent opportun, de faire l’objet d’un recours devant le Conseil d’Etat. Affaire à suivre, donc…
    [MAJ]Pour qu’il n’y ait pas d’ambiguïté, je me permets de rappeler que j’ai précisé sur ce blog, le 17 août 2012, que j’étais pour le mariage homosexuel, mais contre l’adoption homosexuelle. Je n’ai donc pas signé la pétition dont il est question ici. Ce post développe uniquement un raisonnement juridique.
    [MAJ] A noter que le CESE a décidé de d’auto-saisir de la question :  » Par ailleurs, le bureau du CESE estime que les évolutions contemporaines de la famille et ses conséquences en matière de politiques publiques justifient une autosaisine de la part de notre Assemblée. Le Bureau examinera avec les formations de travail concernées les conditions d’examen et le calendrier de cette autosaisine. » Un recours jurifictionnel contre la décision de rejet de la pétition pourrait donc être jugé sans objet. C’est quand même la preuve de la gêne du Conseil quant à cette décision d’irrecevabilité.¢
  • Islam : Valls est traversé par un court éclair de lucidité

     

    Lundi soir, le ministre de l’Intérieur, Manuel Valls, accordait une interview exclusive à La Libre Belgique. S’exprimant sur la situation de l’islam en France, il reconnait, dans un moment de lucidité, que « l’islam est devenu en quelques années la deuxième religion de notre pays, avec quatre à six millions de Français ou de citoyens résidant en France de confession musulmane. Nous comptons entre 2 200 et 2 300 lieux de culte.(…) Il y a très peu d’exemples dans l’histoire de l’humanité où en aussi peu de temps une religion a pris son essor dans un pays« . Quoique nous nous interrogions sur le concept de Français de papier, estimant que l’appartenance à la France n’est pas l’objet d’une simple démarche administrative… Pour le reste, le constat est réel.

    Mais, en abordant les violences et les crimes commis au nom de l’islam, le ministre poursuit : « Il faut que l’islam puise dans son histoire, dans ses valeurs, pour combattre ce radicalisme et cette violence qu’une minorité porte« . Sauf que les valeurs de l’islam, si on se réfère au coran, semblent assez voisines de ce qu’il reproche à certains musulmans, relativement à la condition de la femme, au meurtre des infidèles, et à la place politique de la religion coranique dans la société civile. Concernant ce dernier point, l’islam, et c’est inscrit dans son ADN, nie la distinction entre privé et public, temporel et spirituel : au nom de l’oumma, l’islam est une théocratie ; et le coran un code civil, une juridiction.

    Quant à l’histoire de l’islam, mieux vaut que les musulmans ne puisent pas trop dedans et négligent cette suggestion du ministre de l’intérieur…qui ferait bien d’ouvrir un livre d’histoire de temps en temps…

    http://www.contre-info.com/

  • À propos de l'endettement de la France (archive 2010)

    De nombreuses raisons ont été données, mais nous allons en examiner deux particulièrement qui contribuent le plus aux mille milliards d'euros de dette.
    La Construction Européenne
    La France a toujours été un pays contributeur, c'est à dire une « vache à lait » au même titre que l'Allemagne ce qui donne des milliards d'euros cumulés à perte pour la France. Mme Thatcher déclarait : « I want my money back ». La France par générosité ou gloriole se veut à la pointe de la Construction Européenne. Cela a un coût. Il ne suffit pas d'être Européiste, il faut aussi le payer (quitte à vendre le stock d'or de la France !).
    Maurice Druon qui n'est pas économiste écrivait qu'avec l'euro, on n'avait plus la facilité de dévaluer.
    Une dévaluation n'est ni une chose facile ou difficile, une monnaie doit simplement être adaptée à la compétitivité du pays. Si le franc existait encore, on aurait certes pu dévaluer un peu, exporter plus et ainsi financer nos déficits en créant même plus d'emplois. La Chine utilise bien les délices d'une monnaie faible, trop au goût de certains.
    Avec l'euro, cela n'est plus possible. Le traité de Maastricht ligote les politiques économiques possibles et ôte beaucoup de souplesse aux différents pays.
    La Banque Centrale Européenne ne fait que lutter contre l'inflation dans l'intérêt des rentiers ce qui ne favorise pas la croissance. Une inflation modérée est pourtant une bonne chose pour l'économie puisque cela pénalise (légèrement) les rentiers non productifs et moins consommateurs au profit des productifs plus consommateurs.
    Le traité de Maastricht a été néfaste pour la France puisque maintenant la Banque de France ne peut plus faire d'avances au Trésor ce qui permettait la création monétaire au moment opportun. Dans le dernier rapport du FMI, il est prévu que la zone euro aura le taux de croissance le plus faible du monde, en dessous de l'Afrique subsaharienne.
    Voilà à quoi sont arrivés les Technocrates de la Construction Européenne, du pacte de stabilité et de la mise en place de l'euro.
    Dans un contexte de croissance plus forte (possible si nous avions gardé le franc) la dette de la France serait beaucoup moins un problème.
    L'immigration
    On peut évaluer à environ 300 000 immigrants supplémentaires en France chaque année (demandeurs d'asile inclus). C'est énorme d'autant plus que 90 % sont à la charge de la collectivité avec tous les frais supplémentaires différés que cela constitue (allocations renouvelées chaque année, écoles, hôpitaux, soins, logements, prisons ... ).
    Dans un contexte où on évalue à deux millions et demi (2 700 000 exactement) le nombre officiel de chômeurs, la France n'a pas les moyens économiques de les accueillir. Il a fallu par exemple réquisitionner 18 000 chambres d'hôtel pour les demandeurs d'asile dont le nombre ne fait qu'augmenter. On a toujours abordé la question de l'immigration en termes idéologiques. Il serait temps de raisonner aussi en termes économiques.
    La liquidation de la France (la grande affaire de la politique française)
    Depuis la fin de la seconde guerre mondiale, toute la politique de la France a consisté à en finir avec la France si l'on excepte la parenthèse De Gaulle. De l'extrême gauche en passant par Cohn-Bendit et Giscard jusqu'à l'extrême droite d'Alain de Benoit qui arrive à croire sans rire que la construction européenne est synonyme de l'Europe de la race blanche, pratiquement toute la classe politique (surtout celle au pouvoir ou proche de lui) a en commun la haine de la France et de la nation. Elle se grise de slogans : « L'Europe démultiplicateur de puissance ». Pour qui ? Pour quoi ? Pour défendre quel être ? Comme si l'Europe sac de noeuds d'intérêts divergents était le prolongement des intérêts de la France.
    « L'Europe : la France en plus grand » : expression franco-française qui fait sourire les autres Européens. L'Europe est devenu le trou noir de toute l'action politique en France depuis plus de trente ans. Cet ensemble européen est d'ailleurs flou, fluctuant, et indéfinissable. On aura sans doute l'entrée «irréversible» de la Turquie selon Jacques Chirac. Dominique Strauss-Kahn veut même faire entrer les pays du Maghreb dans l'union européenne. Tout n'est que question de temps. Ce qui est impensable aujourd'hui ne l'est déjà plus demain. Qui aurait pensé il y a vingt ans que la Pologne et les pays baltes intégreraient l'union européenne ? Ceux qui ne se plient pas à cette version du monde sont considérés comme nostalgiques, passéistes, aigris et même racistes, mot qui donne des frissons.
    Dans cette communion de la haine des nations, l'immigration n'est pas une question à part, mais est intimement liée avec la construction européenne, à la fin de la France, des nations et à la mise en place de l'idéologie post-nationale.
    Cela donne sans doute des satisfactions à tous les haineux de la France. De Gaulle ne voulait pas que l'Europe se fasse sur le cadavre de la France. Il n'avait pas vu assez loin. L'Europe se fera certes sur le cadavre de la France, des nations, mais aussi sur le cadavre des peuples européens qui disparaissent peu à peu noyés dans une immigration à venir encore plus forte que celle qu'ils ont connue jusqu'à maintenant. En trente ans (ce qui est très peu) la France a changé physiquement ; il suffit de se promener dans les banlieues des grandes villes pour que cela saute aux yeux. Les banlieues immenses, peuplées de jeunes d'origines diverses, pèseront demain infiniment plus lourd que les campagnes de France «encore» françaises mais peuplées d'une population dont la moyenne d'âge est très supérieure. La France de demain se trouve en banlieue et non en Corrèze.
    Dans un contexte de mondialisation totale où les détenteurs de capitaux investissent sans état d'âme sur toute la planète là où c'est le plus rentable, que veut dire l'Europe de l'économie ? La construction européenne a été fondée sur de grands mensonges à l'égard de ses habitants. Tout d'abord le mirage de la puissance (qu'est-elle vraiment de nos jours et pour quoi faire) fondée sur le nombre, le mirage de la paix qui dans le fond est venue de la dissuasion et qui n'empêche pas hélas le terrorisme, le mirage d'une Europe fondée sur l'héritage commun alors que dans le même temps on fait juxtaposer en France et en Europe toutes les religions et toutes les communautés de la planète, le mirage d'une Europe indépendante alors que les centres de décision se trouvent à l'ONU, l'OTAN, l'OMC et même à Washington et New-York dans les sièges des multinationales. Il serait temps d'arrêter de vivre sur des illusions et de réfléchir sur ce que l'on veut construire ou détruire. Y gagne t-on vraiment à noyer les identités nationales dans un grand magma ? Dans un cadre de mondialisation le cadre national n'est-il pas en fin de compte le mieux adapté ? Le référendum sur la constitution européenne ne sera sans doute comme toujours qu'une empoignade stérile pour un résultat déjà connu d'avance.
    Patrice Gros-Suaudeau