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économie et finance - Page 522

  • Quand gestion rime avec tradition

    Nous étions un certain nombre à pressentir que la mondialisation ne constituait pas seulement un facteur d’uniformisation et de massification, mais provoquait également – et fort heureusement – en retour une réaffirmation, une réappropriation identitaire puisant sa légitimité dans de très anciennes stratifications ethno-culturelles.
    L’originalité de l’essai de Philippe d’Iribarne est d’appliquer cette vision à une sphère qui lui est généralement étrangère, voire hostile : celle de l’économie et plus précisément de l’organisation du travail en entreprise.
    Et son principal mérite est qu’il s’agit non pas d’un pamphlet, mais d’un véritable travail d’enquête.


    A partir de l’exemple de trois usines choisies dans chacun des trois pays retenus (la France, les Etats-Unis et les Pays-Bas), l’auteur reste fidèle à ce rythme ternaire en y effectuant un triple travail : de sociologue pour dépecer la manière dont se comporte le personnel, de la base à la direction ; d’historien pour rechercher dans la culture nationale quelques facteurs explicatifs de ce qu’il a observé sur le terrain ; d’économiste enfin, pour définir quelle sorte de gestion serait la plus adaptée à la sensibilité de chaque pays.

    Si aux Etats-Unis, c’est le contrat qui constitue la pierre angulaire des rapports sociaux, et aux Pays-Bas le consensus (ou à tout le moins sa recherche permanente), en France prédomine ce que l’auteur nomme très justement « la logique de l’honneur » qui fournit la trame autant que le titre de son ouvrage.

    Cette logique est le fruit de nombreux facteurs : l’indépendance d’esprit des ouvriers dans le respect des consignes, un vif amour-propre s’attachant à la réalisation des devoirs de leur état, des conflits ouverts et des ajustements largement informels, mais aussi l’entente sur un certain « devoir de modération » qui permet de travailler ensemble sans être obligé de bien s’entendre. Ce n’est donc pas la centralisation qui apparaît comme une caractéristique générale des rapports hiérarchiques français. Le plus frappant, en revanche, c’est qu’on repère des états qui constituent des sortes de charges donnant par elles-mêmes des responsabilités bien définies.
    Philippe d’Iribarne voit ainsi dans la logique de l’honneur l’explication fondamentale du comportement du Français au travail. Cet honneur, comme l’écrit Montesquieu, est « moins ce que l’on doit aux autres que ce que l’on doit à soi-même » (« ce que l’on se doit à soi-même » répond en écho Dominique Venner dans Le cœur rebelle) : il est intimement lié à la fierté que l’on a de son rang et à la crainte d’en déchoir. Ainsi sont systématiquement stigmatisées, dans les rapports hiérarchiques, les attitudes contraires à ce type d’honneur, du « petit chef » au parvenu en passant par le courtisan qui siège dans les états-majors…
    Rendre service sans être servile favorise la bonne gestion, ainsi que la recherche du meilleur parti à tirer de ce que nous sommes, sans vouloir « casser » les ordres, les états, les corps qui sont consubstantiels à la société française.

    Bien différent est notamment le modèle américain, notre principal adversaire de la guerre économique mondiale.
    Le modèle dont il s’inspire (le « contrat ») n’élimine évidemment pas, dans l’entreprise, les pressions de toute nature auxquelles l’encadrement pourra soumettre les ouvriers, mais il est censé empêcher qu’elles soient « unfair », c’est-à-dire injustes ou déloyales. Vieil héritage du mélange primordial et détonant entre « éthique protestante » et « esprit du capitalisme »…
    Car pour que le système américain fonctionne, il faut que les supérieurs respectent, au-delà de la lettre des textes, les principes moraux d’égalité des personnes qui régissent le credo politique des Etats-Unis. Un homme comme J. Watson, le fondateur d’IBM, avait fort bien compris que « le respect pour les individus » constitue le coeur de la philosophie de l’entreprise, et il précisait que cette orientation « n’est pas motivée par l’altruisme, mais par la simple conviction que si nous respectons nos gens et les aidons à se respecter eux-mêmes, l’entreprise fera le maximum de profit ».

    La modernité ne triomphe donc jamais sans partage : elle doit composer avec les valeurs de toujours qui fondent les sociétés sur lesquelles elle s’est abattue.
    C’est le principal mérite de cet essai remarquable, qui n’a pas pris une ride depuis sa parution il y a plus de 10 ans, que de démontrer que les formes d’intégration des individus à une collectivité donnée (nation ou entreprise) ne relèvent pas d’un sentiment diffus d’appartenance, mais d’une véritable modélisation par des traditions qui conditionnent la structure même de la « conscience morale ».
    Et c’est ainsi que Marx meurt encore une fois, tandis que les traditions sur-vivent.

    G.T., 03/03/2003

    La logique de l’honneur, gestion des entreprises et traditions nationales, de Philippe d’Iribarne, Points Seuil 1993 (épuisé).

    http://www.polemia.com/quand-gestion-rime-avec-tradition/

  • Carl Lang nous parle de la crise grecque….

  • Nos éleveurs victimes de l’embargo sur la Russie ?

    Il y a près d'un quart de siècle, nos éleveurs de poulets se sont retrouvés dans la débine, tout cela parce que de brillants stratèges avaient décrété judicieux de faire la guerre à Bagdad, en 1990, alors que l’Irak ne jurait alors que par la volaille bretonne…

    Quand nous étions plus jeunes, nos camarades communistes avaient pris pour habitude de nous affirmer : « Si tu ne t’intéresses pas à la politique, la politique, elle, s’intéressera à toi. » La maxime vaut toujours pour la géopolitique.

    Ainsi, l’usine PSA d’Aulnay-sous-Bois qui a récemment fermé ses portes, c’était parce que General Motors, géant américain qui détenait alors 5 % de la traditionnelle firme au lion, nous a obligés à abandonner le marché iranien, le deuxième client à l’étranger de Peugeot… Pis : alors que Téhéran s’apprête à commercer avec le reste du monde, les entreprises françaises, jusque-là les mieux placées, risquent bien de payer les pots cassés de l’incompréhensible intransigeance d’un Laurent Fabius dans les récentes négociations menées avec l’Iran.

    Après, on peut toujours prétendre que cela ne nous concerne pas et que nos hommes et femmes politiques seraient mieux inspirés de s’occuper d’affaires plus franco-françaises. Ah bon ? La preuve par nos éleveurs, actuellement au bord d’une nouvelle grande jacquerie. Certes, on ne saurait défendre de manière inconditionnelle des paysans dévoyés qui élèvent des animaux à la chaîne, polluant au passage rivières, plages et paysages. Mais s’ils donnent désormais dans l’élevage aussi intensif qu’industriel, c’est aussi parce que certains technocrates les y ont poussés, à coups de directives européennes et de grasses subventions financées par l’argent des contribuables.

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  • La colère des éleveurs bouscule le gouvernement

    Un plan d'aides d'urgence présenté en Conseil des ministres ce mercredi a pour objectif de faire retomber la pression et de lever les barrages.

    Le gouvernement a dû chambouler son emploi du temps ce mardi, face à la contagion du mouvement de protestation des agriculteurs à l'ensemble de la France. Partie de Normandie ce dimanche, la colère des éleveurs s'est étendue à des sites symboliques comme la grotte de Lascaux II en Dordogne, la Cité corsaire à Saint-Malo en Ille-et-Vilaine et au Mont-Saint-Michel dans la Manche.

    Le président de la République, sitôt la crise grecque traitée, a dû à nouveau monter au créneau pour tenter d'éteindre cet incendie alors qu'il participait au «sommet des consciences» au Conseil économique, social et environnemental à Paris, à quatre mois de la conférence sur le climat. «Je demande à tous les agriculteurs de comprendre que nous sommes tous mobilisés. Nous sommes conscients de leurs difficultés, elles sont très grandes et elles appellent des mesures structurelles. Elles seront prises. Et des mesures conjoncturelles, c'est-à-dire l'urgence, elles seront également décidées demain», a indiqué le chef de l'État.

    Dans la foulée, Manuel Valls a convoqué à Matignon une «réunion de ministres sur les filières d'élevage» à laquelle participaient Emmanuel Macron (Économie), Christian Eckert (Budget), Matthias Fekl (Commerce extérieur) et Stéphane Le Foll (Agriculture). À l'issue de cette réunion un peu avant 13 heures, seul Stéphane Le Foll a pris la parole. «Cette discussion nécessitait un arbitrage du premier ministre puisque c'est une décision qui mobilise différents ministres. Je présenterai demain en Conseil des ministres un plan d'urgence de 16 à 17 propositions et pistes de travail qui ont été évoquées et analysées techniquement», souligne le ministre de l'Agriculture.

    La répartition des tâches dans l'exécutif apparaissait établie: le président de la République fixe la ligne, le premier ministre coordonne, Bercy tente de trouver des marges de manœuvre et le ministre de l'Agriculture agit sur le terrain. C'est ainsi qu'après avoir annoncé qu'il ne se rendrait pas à Caen pour répondre à la convocation des agriculteurs, Stéphane Le Foll a été prestement dépêché sur place. Au point de se contredire en une matinée et de filer en urgence sur l'épicentre de la colère paysanne en Basse-Normandie .

    Rapport du médiateur des prix

    Arrivé en hélicoptère, dans un quartier entièrement bouclé par les CRS, le ministre de l'Agriculture est parvenu sans encombre vers 16 h 30 à la préfecture de Caen où l'attendaient les principaux responsables syndicaux agricoles de la FDSEA (Fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles) et des JA (Jeunes Agriculteurs) du Calvados. Il en est reparti deux heures et demie après. «Il me semblait normal qu'une fois les décisions actées par le gouvernement, j'aille sur le terrain en parler avec les intéressés. Je connais les difficultés des éleveurs, je les mesure et les respecte. J'ai un BTS agricole. Ma vie aurait pu tourner autrement, se justifie Stéphane Le Foll à la sortie de la préfecture de Caen. J'ai pris du temps, je voulais venir avec un peu de fond et je m'en excuse auprès des professionnels agricoles.»

    De leur côté, les leaders syndicaux locaux sont restés mitigés. «Il faut reconnaître que le déplacement du ministre et les échanges avec lui ont été particulièrement intéressants. Cependant, on n'est pas dupes, on attend les conclusions du rapport du médiateur et les annonces du plan d'urgence en Conseil des ministres», souligne Jean-Yves Heurtin, président de la FDSEA du Calvados.

    Justement, ce fameux rapport, celui du médiateur des prix désigné par le ministre pour faire la lumière sur les circuits commerciaux et la fixation des prix agricoles, n'a permis que d'y voir un peu plus clair. «Le verre est à moitié plein. Pour une fois, la grande distribution est à l'heure et respecte l'accord du 17 juin de revalorisation des prix, conclut Jean-Pierre Fleury, président de la FNB (Fédération nationale bovine). En revanche, tous les abatteurs ne le sont pas.» Toutefois, Stéphane Le Foll a refusé de désigner des coupables. «On a des éléments assez détaillés sur la revalorisation des prix, mais je ne participerai pas à la désignation de quiconque entre ceux qui ont joué le jeu des hausses des prix et les autres», estime-t-il.

    Le rapport, dont la remise a été avancée de 24 heures en raison des blocages, devrait être rendu public ce mercredi. Sur le terrain, la pression est maintenue. «Il n'y a pas de raison de lever les barrages qui pourraient même s'étendre à d'autres régions mercredi», constate Xavier Beulin, président de la FNSEA. Le Nord a ainsi vu le déclenchement d'une opération escargot sur l'autoroute A1. En Mayenne et ailleurs, de nouveaux blocages sont apparus.

    Eric de La Chesnais et François-Xavier Bourmaud

    source : Le Figaro :: lien

    http://www.voxnr.com/cc/politique/EuFZVukZulhbrsJXvS.shtml

  • Les dix commandements du libéralisme

    La recomposition en cours est d’ampleur, et ne constitue rien moins qu’une véritable révolution anthropologique, qui se déploie partout et à chaque instant. Ce bouleversement est si radical que toute notre culture et notre monde se voient comme retournés de l’intérieur : 
         - En art, la transgression permanente (de quoi ? pour quoi ?) est devenue la règle, au point que le bluff cynique est ce qui fait tenir l’ensemble du dispositif spéculatif agrégé autour de cette vaste supercherie. (« Même si l’on ne comprend rien, c’est peut-être très profond, donc ne risquons pas de paraître réactionnaire en disant que c’est nul. ») Le retournement de l’œuvre opéré par Duchamp (« Vous voyez cet urinoir ? Eh bien puisque vous le regardez dans une exposition, c’est donc que c’est une œuvre : prenez conscience que c’est vous, spectateurs, qui octroyez la valeur artistique aux choses. ») est devenu un dogme, s’accordant d’ailleurs parfaitement avec les exigences égotiques du marché, qui ne s’occupe guère de la qualité des produits, tant que ça se vend. 
         - A l’école, l’absence de figure d’autorité contre (et même tout contre) laquelle l’élève peut se construire empêche la formation de réels individus émancipés, capables de jugement critique relativement à des savoirs arrêtés, bien que nécessairement en partie arbitraires, qui leur auraient été donnés. Pierre Bourdieu et son analyse de la reproduction sociale est alors sous le feu de la critique. S’il est indéniable que des rapports de classe traversent profondément l’institution scolaire, Dufour refuse de la réduire à cela, précisément parce que l’élévation a toujours été le moyen de la pédagogie depuis l’Antiquité, visant avant tout à apprendre aux jeunes humaines à réfréner leurs pulsions afin d’être en mesure de vivre en société. Désormais, des générations entières d’élèves sont donc sacrifiées aux seuls vrais parents qui les éduquent en les rabaissant : la télévision, Internet et le marché, main dans la main. - La sexualité devient contrat libéral dans le mouvement même où elle est intégrée au marché pour qu’en soient tirés de juteux profits : un site internet pornographique moyen génère de 10 000 dollars à 15 000 dollars par jour, voire jusqu’à 100 000 dollars pour les plus performants, et chaque seconde, 28 858 internautes et 2 304 € atterrissent sur les portails du sexweb 2.0. 
          - Avec les grands Sujets, les distinctions fondatrices pour l’organisation humaine s’estompent aussi, à commencer par la différence sexuelle et générationnelle. Le marché a besoin d’enfants capricieux prêts à céder à leurs pulsions consuméristes et consumatoires, et consacre logiquement la figure de l’adulescent (« l’adulte-adolescent »), qui à 40 ans aime toujours les superhéros, les dessins animés, les gadgets et les bonbons. Relativement à la distinction sexuelle, Dufour s’en prend aux théories queer, qui prétendent brouiller les identités de genre (masculin/féminin) sans s’attaquer aux fondements de la domination des femmes par les hommes. 
     
    Le Divin Marché analyse les Dix Commandements du libéralisme : 
    1. Tu te laisseras conduire par l’égoïsme. 
    2. Tu utiliseras l’autre comme un moyen pour parvenir à tes fins. 
    3. Tu pourras vénérer toutes les idoles de ton choix, pourvu que tu adores le Dieu suprême, le Marché. 
    4. Tu ne fabriqueras pas de Kant-à-soi visant à se soustraire à la mise en troupeau. 
    5. Tu combattras tout gouvernement et tu prôneras la bonne gouvernance. 
    6. Tu offenseras tout maître en position de t’éduquer. 
    7. Tu ignoreras la grammaire et tu barbariseras le vocabulaire. 
    8. Tu violeras les lois sans te faire prendre. 9. Tu enfonceras indéfiniment la porte ouverte par Duchamp. 
    10. Tu libéreras tes pulsions et chercheras une jouissance sans limite. 
     
    Guillaume Carnino, « Dany-Robert Dufour, une psychanalyse du libéralisme », inRadicalité, 20 penseurs vraiment critiques

  • Le tabou des suicides dans les campagnes

    4 à 500 : c’est le nombre de suicides d’agriculteurs recensés en France, chaque année, d’après des chiffres provenant des Caisses de la MSA (Mutualité sociale agricole) et de l’INVS, l’Institut national de veille sanitaire. Mais le chiffre réel est sans doute bien supérieur aux statistiques car, pour des problèmes liés aux assurances notamment, beaucoup de décès seraient déclarés dans la catégorie accident ou maladie.

    Par des lois scélérates, par une multiplication des contraintes administratives et environnementales notamment, par le système du « toujours moins cher » auquel on a habitué le monde urbain, le monde politique accule des agriculteurs à mettre fin à leurs jours. Reportage de Reinformation.tv :

    Michel Janva

  • A lire ! ! Yanis Varoufakis sur l’Eurogroupe et sur sa démission

     

    Source : Mediapart
    Une passionnante interview-fleuve de l’ex-ministre des Finances Grec, qui donne un éclairage précieux car vraiment renseigné sur le fonctionnement dictatorial de l’eurogroupe et la volonté allemande de casser la Grèce. A lire, puis enchainer sur sa tribune expliquant pourquoi il a voté “non” à “l’accord” entre la Grèce et l’Eurogroupe et le même accord annoté par lui. 

    Interview de Yanis Varoufakis (traduit par MONICA M. pour Mediapart) accordée à la revue Newstatesman avant que Tsakalotos et Tsipras ne partent à Bruxelles négocier avec les créanciers de la Grèce.
    Cette interview est édifiante et instructive à plusieurs égards. Elle montre le fonctionnement proprement insupportable de l’UE et de la Zone Euro, et elle révèle que Varoufakis avait un autre plan que la majorité du gouvernement pour affronter l’Hydre, ce qui l’a conduit à démissionner après le référendum.

    Harry Lambert : Alors comment vous sentez-vous ?

    Yanis Varoufakis : Je me sens au dessus du monde – Je n’ai plus à vivre à travers un agenda de folie, qui est absolument inhumain, juste incroyable. J’ai dormi deux heures par jour pendant cinq mois. Je suis aussi soulagé de ne plus avoir à subir cette incroyable pression de devoir négocier pour une position que je trouve difficile à défendre, même si je me suis arrangé pour forcer l’autre partie à acquiescer, si vous voyez ce que je veux dire.

    HL : A quoi cela ressemblait-il ? Aimiez-vous quelque aspect de tout ça ?

    YV : Oh oui beaucoup de choses. Mais l’information qui arrive, qui confirme vos pires craintes…voilà qu’il est en votre “pouvoir” que cela vous soit dit directement, et que ce soit comme vous le redoutiez – la situation était pire que vous l’imaginiez ! Ainsi, ce fut bon après de n’être plus aux premières loges.

    HL : De quoi parlez-vous ?

    YV : L’absence complète de tous scrupules démocratiques, de la part des supposés défenseurs de la démocratie européenne. La très claire compréhension d’autre part que nous sommes sur la même course analytiquement – bien sûr cela n’arrivera plus à présent. Avoir ces vraies figures de pouvoir qui vous regardent dans les yeux et disent “Vous avez raison dans ce que vous dites, mais nous allons vous croquer de toute façon.”

    HL : Vous avez dit que les créanciers vous contestaient parce que vous avez parlé économie dans l’Eurogroupe, ce que personne ne fait. Qu’est-il arrivé lorsque vous l’avez fait ?

    YV : Ce n’est pas que ça n’allait pas – c’est qu’il y avait un refus total de s’engager dans des argumentations économiques. Refus total. … Vous avancez un argument sur lequel vous avez réellement travaillé – pour être sûr que c’est logiquement cohérent – et vous rencontrez des regards vides. C’est comme si vous n’aviez pas parlé. Ce que vous dites est indépendant de ce qu’ils disent. Vous auriez pu aussi bien chanter l’hymne national suédois – vous auriez eu la même réponse. Et c’est saisissant, pour quelqu’un qui est habitué aux débats académiques. … D’ordinaire l’autre partie participe toujours et là il n’ y avait aucune participation du tout… Ce n’était même pas de l’ennui, c’est comme si personne n’avait parlé.

    HL : Quand vous êtes arrivé, début février, il n’a pas pu y avoir une position commune ?

    YV : Il y avait des personnes qui étaient sympathiques à un niveau personnel – ainsi, vous savez, derrière les portes fermées, sur une base informelle, notamment avec le FMI [HL : "Aux plus hauts niveaux ?" YV : " Aux plus hauts niveaux, aux plus hauts niveaux "]. Mais ensuite dans l’Eurogroupe, quelques mots gentils et c’est tout, retour derrière le parapet de la version officielle.
    [Mais] Schäuble était d’une grande cohérence. Son option était “Je ne suis pas en train de discuter le programme – il a été accepté par le précédent gouvernement et nous ne pouvons pas permettre à une élection de changer quoi que ce soit. Parce que nous avons tout le temps des élections, nous sommes 19, si à chaque fois qu’il y a une élection quelque chose change, les contrats entre nous ne voudraient plus rien dire”.
    Aussi à ce point il ne me restait plus qu’à me lever et à dire : “Bon peut-être que nous ne devrions plus jamais organiser des élections dans les pays endettés”, et il n’y a pas eu de réponse. La seule interprétation que je puisse donner c’est “Oui, ce serait une bonne idée, mais elle serait difficile à mettre en application. Donc soit vous signez sur la ligne en pointillé, soit vous sortez.”

    HL : Et Merkel ?

    YV : Vous devez comprendre que je n’ai jamais rien eu à faire avec Merkel, les ministres des finances parlent aux ministres des finances, les premiers ministres parlent aux chanceliers. De ce que je comprends, elle était très différente. Elle tentait d’apaiser le Premier Ministre (Tsipras) – elle disait “Nous trouverons une solution, ne vous inquiétez pas, je ne veux pas qu’il arrive quelque chose de d’horrible, faites juste votre travail et travaillez avec les institutions, travaillez avec la Troïka ; il ne peut pas y avoir d’impasse ici.”

    Ce n’est pas ce que j’entendais de la part des mes interlocuteurs – à la fois de la tête de l’Eurogroupe et du Dr Schäuble, ils étaient très clairs. A un certain point il me fut signifié sans équivoque “C’est un cheval et soit vous l’enfourchez, soit il est mort”.

    HL : Quand était-ce ?

    YV : Au début, au tout début (ils se sont rencontrés la première fois début février)
    Source : Lire la suite sur Mediapart

    http://fr.novopress.info/

  • La minute d’Olivier Delamarche : Tsipras, un politique "sans testicules et sans cerveau" - 20/07

    Le 20 juillet, Olivier Delamarche s'est penché sur les actualités et les négociations autour de l'endettement grec dans Intégrale Placements, présenté par Cédric Decoeur et Guillaume Sommerer, sur BFM Business.

    http://bfmbusiness.bfmtv.com/mediaplayer/video/la-minute-d-olivier-delamarche-tsipras-un-politique-sans-testicule-et-sans-cerveau-2007-589793.html

    L’intégralité : 

    Olivier Delamarche VS Malik Haddouk (1/2) : La situation économique en Grèce va-t-elle finir par s’améliorer ? - 20/07

    http://bfmbusiness.bfmtv.com/mediaplayer/video/olivier-delamarche-vs-malik-haddouk-12-la-situation-economique-en-grece-va-t-elle-finir-par-s-ameliorer-2007-589824.html

    Olivier Delamarche VS Malik Haddouk (2/2) : "En macroéconomie, rien ne va ni en Europe ni en Asie" - 20/07

    http://bfmbusiness.bfmtv.com/mediaplayer/video/olivier-delamarche-vs-malik-haddouk-22-en-macroeconomie-rien-ne-va-ni-en-europe-ni-en-asie-2007-589832.html

    http://www.agoravox.tv/actualites/europe/article/la-minute-d-olivier-delamarche-50525

  • Exploités agricoles

    Dans l'élevage, beaucoup a été fait en termes de mécanisation, mais il sera plus difficile de s'y passer de l'homme.

    Des ouvrages de science-fiction nous laissent entrevoir des mondes où les processus de production sont totalement automatisés, et où les hommes n’ont plus qu’à se laisser vivre ; ce qu’ils font avec plus ou moins de bonheur, généralement plutôt moins. C’est sans doute ce monde dont rêvaient ceux qui ont mis en place les 35 heures.

    Il faut dire qu’on peut aujourd’hui, grâce aux progrès techniques, envisager que les tracteurs partent seuls dans les champs, fassent le travail programmé, sans doute avec plus de précision et d’efficacité qu’un chauffeur moyen, et revienne « à la ferme » pour y rapporter la récolte, faire le plein ou subir réparation ou entretien.

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  • Aris Chatzistefanou : « Si la rébellion contre l’austérité persiste, ils joueront la carte du fascisme »

    Le réalisateur a signé les documentaires « Debtocracy », « Catastroïka » et « Fascism Inc. ». Il est aussi cofondateur du magazine critique Unfollow. Retour sur une défaite grecque aux conséquences incertaines.

    Comment jugez-vous l'accord imposé à Alexis Tsipras par les créanciers et ratifié par la Vouli malgré le « non » massif exprimé par le peuple grec lors du référendum du 5 juillet ?

    Aris Chatzistefanou. Pour moi cet accord est une capitulation totale, je n'ai pas d'autre mot. Pour la première fois depuis quarante ans, le peuple grec avait enfin la possibilité de s'exprimer, de décider de son futur et ce gouvernement a finalement décidé de tourner le dos à l'expression de la volonté populaire en reprenant des négociations menant à la même impasse qu'avant le référendum. C'est à se demander s'ils voulaient vraiment gagner ce référendum, s'ils n'espéraient pas un résultat plus serré pour se revendiquer d'un mandat trop confus pour aller à la confrontation. Cela crée une situation de danger, pas seulement pour la Grèce, mais pour toute la gauche en Europe. Walter Benjamin disait du fascisme qu'il prospère sur les décombres des révolutions perdues. En ce sens, si la gauche grecque perd cette bataille, cela enverra un message négatif à tous les partis progressistes et à tous les militants de gauche en Europe mais surtout, cela libèrera l'espace pour les nazis d'Aube dorée, qui sont les héritiers en ligne directe des collaborationnistes grecs durant l'occupation allemande. Ils auront l'opportunité de se présenter comme les seuls représentants d'une ligne anti-système, anti-austérité. Dans la nuit de la ratification de l'accord, leur chef, Nikolaos Michaloliakos, s'est approprié un vocabulaire de gauche pour critiquer le capitalisme, l'Union européenne, la zone euro. Nous sommes face à un sérieux danger.

    Cette capitulation tient-elle seulement à la volonté du Premier ministre grec, du gouvernement Syriza ? Que dites-vous de l'odieux chantage des créanciers, des institutions européennes, des autres chefs d'Etat et de gouvernement de la zone euro ?

    Aris Chatzistefanou. Il ne s'agit pas seulement de chantage. Nous avons assisté à un coup d'État. De la même façon, la Banque centrale européenne était intervenue en 2011 pour renverser le gouvernement Berlusconi en Italie. Peu importe ce qu'on pense de Berlusconi : c'était un coup d'Etat financier. La BCE s'était alors employée à faire monter délibérément les taux d'intérêts de la dette, pour faire tomber un gouvernement élu. George Papandréou a subi le même sort, il a été remplacé par un banquier non élu, Lucas Papademos, incarnation d'une dictature de la finance. Je ne le nie pas : le gouvernement Tsipras a été pris au piège et s'est retrouvé dans une position très dangereuse. Mais cela tient aussi à leurs erreurs. Ces vingt dernières années, au sein de Synaspismos, puis de Syriza, il y avait cette confusion entre attachement à l'Europe et tabou de l'euro. Exprimer de la méfiance vis à vis de l'euro faisait de vous, à leurs yeux, un nationaliste tournant le dos aux autres peuples d'Europe. Mais l'Union européenne, ce n'est pas une famille de nations ! C'est juste un instrument au service des grandes puissances financières. La direction de Syriza n'a jamais voulu ouvrir les yeux là dessus. Si vous allez à des négociations sans être prêt à envisager le défaut, la sortie de la zone euro et la nationalisation des banques, il n'y a aucun espace de négociation pour vous. Il était évident que dans cette position, sans autres options, les négociateurs grecs se mettaient à la merci du chantage. Il y avait à la fois ce terrible chantage et les erreurs fatales du gouvernement Tsipras.

    Vos films décrivent le saccage démocratique qui a accompagné les politiques d'austérité imposées au peuple grec. La dette est-elle devenue un régime politique ?

    Aris Chatzistefanou. Absolument. Leur stratégie n’est plus celle de l’intervention militaire. Ils se contentent de dicter leurs choix en contrôlant, via la Banque centrale européenne, les flux de capitaux en direction des pays endettés. Pour l'instant, nous n'avons pas d'armes pour répondre à ce genre d'agression. C'est la même chose que d'envoyer des chars ou des troupes au sol. Vous n'avez pas besoin de tuer des gens, quoique... On le voit en Ukraine, l'UE n'a aucun problème à coopérer avec des fascistes qui tuent mais ça, disons que c'est le dernier stade. Avant, il y a tout une panoplie de mesures de coercition, ils les ont utilisées en Grèce. Dans les années 70 et 80, la dette est devenue le mécanisme principal par lequel ils ont pris le contrôle de nombreux pays d'Afrique, d'Asie, d'Amérique latine. Pour la première fois nous voyons, depuis cinq ans, que ce mécanisme s'applique à des pays de l'Union européenne.

    Dans cet accord, quels aspects vous paraissent les plus préoccupants, les mesures d'austérité ou les abandons de souveraineté?

    Aris Chatzistefanou. Ces deux aspects sont indissociables. Ils savent que ces mesures d'austérité, que ces privatisations ne pourront s'imposer sans perte de souveraineté, sans attaque directe contre la démocratie, contre la liberté de la presse. Pour rappel, nous avons perdu, au gré des programmes d’austérité, cinquante places dans l'indice établi par Reporters sans frontières, ce qui nous ravale au rang des dictatures ou des pétromonarchies du Golfe.

    Pourquoi le choix de la Grèce comme terrain d'expérimentation de ce néolibéralisme autoritaire?

    Aris Chatzistefanou. Bien sûr ce sont les failles architecturales de la zone euro qui ont crée et aggravé le problème de la dette mais les défauts structurels de l'économie grecque ont fait du pays un maillon faible. Peut être aussi la Grèce a-t-elle été prise pour cible parce que son peuple est enclin à la rébellion. En détruisant l'économie de la Grèce, ils tentent aussi de réduire au silence l'une des sociétés les plus politisées d'Europe.

    D'où vient cette tradition de délibération et de résistance?

    Aris Chatzistefanou. Peut-être que la guerre civile n'a jamais vraiment pris fin. Nous sommes le seul pays d'Europe où les collaborateurs des nazis ne se sont pas retrouvés dans la position des vaincus. Ils ont gagné la guerre civile et sont devenus l'armature de l'appareil d'Etat et de la classe bourgeoise, ils ont pris part à la dictature des colonels. Désormais leurs enfants, leurs petits-enfants sont les complices les plus loyaux de cette dictature financière. La gauche, elle, même réprimée, a su entretenir l'esprit de résistance et garder sa clairvoyance : nous devions survivre dans cet Etat contrôlé par les vieux ennemis de la Grèce.

    Quelles seront les conséquences de cette défaite sur le peuple grec? Est-ce qu'elle annihile ses capacités de résistance ?

    Aris Chatzistefanou. Si vous observez l'humeur des gens dans la rue, vous êtes tentés de dire que le fatalisme va l'emporter. Un tel enthousiasme a accueilli la victoire du « non » au référendum ! Et quelques jours plus tard seulement, découvrir ce nouveau mémorandum était totalement déprimant... Mais je reste optimiste. En fait, je viens de vivre le meilleur mois de ma vie. J'ai découvert un peuple qui, même sous la menace, avec les banques fermées, avec une propagande médiatique lui promettant la mort, a eu le courage de dire « non ». C'est le plus important pour moi. L’autre fois, à Athènes, une jeune couple m’a demandé sa route. L’itinéraire était un peu compliqué. Ils ont réagi en disant, avec humour : « Nous renonçons ! C’est plus simple de retourner à la drachme ! » Peu importe ce que fait la direction de Syriza, je suis sûr à 100% que ce nouveau paquet austéritaire ne pourra être appliqué en pratique. Même le FMI admet que c'est un plan fou. En fait, si je devais garder un instant de ce mois si dense, ce serait le « non » du 5 juillet, qui nous rend fiers et heureux. Ce « non » du peuple grec marquera durablement les consciences, quoi qu’il arrive.

    Comment expliquez-vous la résistance des Grecs à l'austérité, sur une si longue durée?

    Aris Chatzistefanou. Il n'y a pas d'autre choix ! Ce n'est pas seulement la posture de la Pasionaria, « mourir debout plutôt que vivre à genoux ». Certains parlent de « dignité », pour moi ce n'est pas une affaire de dignité, simplement il n'y a pas d'autre solution. Nous avons subi ces cinq dernières années deux mémorandums qui ont détruit l'économie grecque. Nous avons commencé avec une dette à 115% du PIB et après la période dite de « sauvetage », elle est montée à 180% du PIB. Les nouvelles projections évoquent une dette à 200% du PIB avec ce troisième mémorandum. Nous avons perdu un quart du PIB. Il n'y a aucun précédent historique dans un pays qui n'est pas en guerre. Nous avons 1,5 millions de chômeurs. Plus de la moitié de la jeunesse est privée d'emploi. Dire « stop », ce n'est pas une histoire de dignité, c'est une affaire de survie.

    L'opposition entre le « oui » et le « non » au référendum a mis au jour un fort clivage de classe. Cela laissera-t-il des traces ?

    Aris Chatzistefanou. Il est toujours bon de revenir aux fondamentaux, à la lutte des classe. La cartographie électorale du « non » et du « oui » révèle une claire conscience de classe. Mais ceci posé, je crains que la droite et l'extrême-droite ne tirent avantage de cette situation. Le système lui même, s'il constate que cette rébellion du « non » ne s'éteint pas, sera tenté d'instrumentaliser le fascisme pour dévoyer le mouvement populaire. Nous en sommes à ce point très critique. Bien sûr, l'histoire ne se répète pas, si ce n'est sous forme de farce, mais cela me rappelle 1923 lorsqu’Hitler, après l'échec du putsch de la Brasserie, a été mis en prison pour quelques mois. Au fond nous sommes dans la même position, avec toute la direction d'Aube dorée en prison ou en procès.

    Cette victoire des usuriers de la Grèce va-t-elle entraver la montée des forces anti-austérité ailleurs en Europe, en Espagne en particulier ?

    Aris Chatzistefanou. Nous devons attendre et observer la suite des évènements. La montée de Podemos était, c'est vrai, indexée sur celle de Syriza, jusqu'aux élections législatives du 25 janvier. Ils ont aussi profité de la victoire du « non », avant que l'adoption du nouveau mémorandum ne se traduise pour eux par une chute dans les sondages. Personnellement, j'attends de Podemos quelque chose de plus radical. Je ne suis enthousiasmé ni par leurs propositions ni par leur stratégie. Ils sont bien plus modérés que Syriza qui, déjà, est un parti de gauche modéré. Mais c’est une évidence, ce qui se passe en Grèce est déterminant pour le devenir du mouvement contre l'austérité partout en Europe. J'espère que les militants de Syriza, majoritairement opposés à cet accord, ne s'en tiendront pas là et, surtout, que le peuple grec trouvera les ressources pour réagir.

    Entretien réalisé par Rosa Moussaoui

    source : humanite.fr :: lien

    http://www.voxnr.com/cc/tribune_libre/EuFZupZFuyAnhqAsQR.shtml