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économie et finance - Page 522

  • L'UE verse 3 milliards d'euros à la Turquie

    Marine Le Pen dénonce :

    "Le plan d’accord conclu cette nuit entre l’Union Européenne et la Turquie sur la question des migrants est une capitulation inacceptable au détriment de tous les intérêts de notre pays.

    La Turquie va d’abord recevoir un confortable chèque de 3 milliards d’euros de la part des Etats européens, contraints d’accepter ce chantage aux migrants car désarmés par la suppression volontaire de leurs frontières nationales et par Schengen. En pleine crise, en pleine austérité, les peuples européens et les Français ne pourront qu’être indignés.

    La Turquie ensuite va bénéficier d’une augmentation des visas accordés par l’Europe à ses ressortissants. Prétendre combattre l’immigration en ouvrant les vannes, voilà une drôle de conception de l’action politique !

    Enfin, alors que l’opinion publique française y est légitimement très hostile, le processus d’adhésion de la Turquie à l’UE sera relancé, de l’aveu même de Madame Merkel. De nouveaux chapitres de discussion seront ainsi prochainement ouverts. [...]"

    Michel Janva

  • Michel Drac : « La crise commencée en 2007 avec les subprimes n’est qu’un détonateur, la véritable charge n’a pas encore explosée » | Entretien pour Le Cercle Curiosa.

    En février 2013, nos concurrents et amis des éditions Alexipharmaque publiaient « Entretiens avec des hommes remarquables », un recueil d'entretiens réalisés par le Cercle Curiosa, avec Luc-Olivier d'Algange, Christian Bouchet, Klaus Charnier, Francis Cousin, Alexandre Douguine, Michel Drac, Arnaud Guyot-Jeannin, Thibaut Isabel et Laurent James. L'ouvrage est préfacé par Alain de Benoist.
    Avec leur aimable autorisation, nous publions aujourd'hui l'entretien de Michel Drac tout en vous proposant de vous procurer l'ouvrage en ebook pour découvrir les riches écrits des autres contributeurs...

    Le Cercle Curiosa : Dans la profession de foi de Scriptoblog, le site dont vous êtes un des fondateurs, nous pouvons lire la chose suivante : « L’esprit Internet, mis au service de la création littéraire. […] Ce site est destiné à tous ceux qui veulent, en écrivant, en lisant, en échangeant, refaire un sens, retrouver le goût du combat, refuser la passivité. […] Rejoignez-nous, restez vivant. » Au milieu des ruines du spectacle mondial, Internet peut donc nous aider à rester vivant et autonome ?
    Michel Drac : D’abord c’est mieux que rien. Ensuite, l’important, c’est d’en sortir si on y rentre. Il faut se méfier du tout Internet, parce que le pouvoir peut couper l’Internet ou le mettre sous contrôle, à la Chinoise, n’importe quand. Mais pour l’instant, c’est un bon moyen de faire circuler l’information et de construire du sens collectivement.
    La décroissance, en invitant chacun à la frugalité matérielle, peut-elle générer une ascèse spirituelle, un Retour aux Sources, et nous relié ainsi, tel un chaînon invisible, aux « principes immuables et éternels » (Guénon) ?
    L’actuel culte de la croissance n’est rien d’autre qu’une paraphrénie cherchant à se cautionner elle-même. Vous avez vu le film Shutter Island ? Eh bien DiCaprio dans ce film, c’est l’Occident contemporain. Ce que nous appelons la « croissance », c’est le mécanisme qui consiste à recycler le réel dans le cadre paraphrénique. La seule chose que mesure désormais la « croissance », c’est le territoire codé par le signe monétaire. Si demain on établissait la taxe carbone, « l’activité économique » des entreprises chargées de répercuter à leurs clients le poids de cette taxe entrerait dans le calcul du PIB ! Soyons clair, c’est un délire paraphrénique, et bientôt une paranoïa pure et simple. Donc, évidemment, il faut sortir de la « croissance » telle qu’on la mesure aujourd’hui. Faut-il pour autant sortir de la croissance réelle, c’est-à-dire l’expansion de la production ? Sur ce point-là, j’aurais tendance à donner une réponse plus nuancée. Il est clair que nous produisons beaucoup de choses inutiles voire nuisibles. Objectivement, si on fabriquait moins de téléviseurs, on ne se porterait pas plus mal. Par contre, nous manquons de biens de première nécessité, ou en tout d’une utilité manifeste.

    Je ne verrais pas d’inconvénients, par exemple, à ce qu’on fasse croître la production de nourriture saine, de logements décents, de vêtements solides et esthétiques à la fois. Et, n’en déplaise aux rêveurs, avec les densités de population contemporaines, ce ne sera possible que dans le cadre industriel. Je crois que nous avons besoin d’une autre croissance, pas forcément d’une décroissance. Il s’agit de sortir de la paraphrénie pseudo-productiviste induite par l’économie capitaliste contemporaine, qui se cherche constamment des débouchés, même insolvables à moyen terme, pour employer un énorme capital sur-accumulé. Qu’une autre mesure de la production intègre, dans ses paramètres, la nécessité de préserver, entre autres choses, le lien entre l’homme et la nature, entre l’homme et sa lignée, entre l’homme et le règne animal, n’est en rien incompatible avec la poursuite de la croissance, la vraie, celle de ce qui nous sert, celle de ce qui nous rend plus humains. Concernant maintenant la nécessité de l’ascèse, je pense, comme pas mal de monde avant moi, qu’il y a plusieurs types d’hommes dans l’humanité. Il est évident que les méditatifs se portent d’autant mieux qu’ils possèdent moins : ils recherchent les avantages spirituels de la non possession, condition sine qua non du non attachement. C’est une chose. Mais vous ne pouvez pas demander la même chose aux gens ordinaires. Eux, ils veulent « prendre du bon temps », « ne pas s’en faire ». Il n’y a aucun mal à ça, cette diversité humaine est une bonne chose. Il faut en tenir compte si on veut formuler un projet crédible et qui puisse être accepté par les masses – surtout après le conditionnement consumériste qu’elles ont subi.
    Donc, en résumé : pour une autre croissance, qualitative plus que quantitative, réelle et non virtuelle – avec, pour des minorités qui en feraient le choix, la possibilité d’une décroissance soutenable. Mais seulement pour ces minorités. Si tout le monde pouvait atteindre au non attachement, depuis le temps, ça se serait vu.
    Notre monde ne commence-t-il pas à ressembler à celui du film Resident Evil avec ses zombies, ses derniers humains et un virus qui aurait échappé au contrôle d’une hyperclasse refugiée sous terre, en Enfer ?
    Ce qui est sûr, c’est que notre monde commence à ressembler à l’Enfer tel que Bernanos le définissait : « L’Enfer, c’est de ne plus aimer. » C’est un enfer comique, d’ailleurs, parce que les damnés affectent souvent de s’y réjouir, n’ayant majoritairement pas conscience de leur condition. Cela étant, où est l’hyperclasse ? Je crois qu’ici, il faut, avant de répondre, définir le terme. Si par hyperclasse on entend, comme Jacques Attali, disons le 0,01 % le plus riche de l’humanité, les « hypernomades » titulaires d’un droit de résidence dans toutes les grandes capitales, je ne suis pas vraiment sûr que ces gens-là soient réfugiés sous terre, ni qu’ils aient perdu le contrôle de leur virus. On dirait plutôt qu’ils entendent se réfugier en altitude ; ils font du ski à Gstaad ou à Megève, et se moquent bien de ce qui peut se passer dans les plaines, là où l’air est pollué. Au fond, ils sont, à ce stade, plutôt contents de ce qui se passe, je suppose. Leur refuge, ils ne le vivent pas comme un enfer. Après tout, pour les démons, l’Enfer fait figure de paradis. Ensuite, si on s’intéresse au 0,000001 % de la population qui forme la vraie hyperclasse, c’est-à-dire ceux qui décident, et voient à long terme, là, il est possible que ces gens-là commencent à s’inquiéter pour de bon. Parce que, voyez-vous, la perte de contrôle, elle n’est pas là, mais on la sent venir. On n’est pas dans Resident Evil, on en plante juste le décor, pour l’instant. Ça viendra. Notre monde, à ce stade, me fait plutôt penser à La compagnie des glaces, pour prendre une autre référence grand public. Il y a les privilégiés, les actionnaires de la « Compagnie », qui ont des bulles chauffées où ils boivent des martinis à côté de plages artificielles paradisiaques ; il y a le populo, qui grelotte sur une terre frigorifiée, et se fait déplacer de force, le long de voies ferrées plus ou moins sûres ; et puis, tout en haut, chez les vrais patrons, il y a une angoisse diffuse, tandis que la « Sécurité » prend le contrôle de la « Compagnie ». Lisez ce vieux bouquin des 70’s. C’est terriblement daté sur certains plans, mais l’allégorie est bien vue, quand même.
    Pour parer à tout conflit pouvant faire surgir la Vérité à son sujet, le capitalisme procède à un renouvellement incessant de l’ordre. Ce renouvellement semble relever d’un recyclage, d’une recombinaison incessante des éléments de son système. Les possibilités de codage sont-elles infinies ?
    Non, rien n’est infini qui a été créé. Le capitalisme contemporain butera tôt ou tard sur ses limites. Il est d’ailleurs en train de le faire, je crois. Il va forcément falloir qu’il se réinvente en profondeur, cette fois. Il ne s’agira pas simplement de recombiner, la substance devra être modifiée. Nous sommes arrivés à un tournant majeur, le genre de ruptures qui ne se produisent qu’une fois par siècle, ou à peu près. La crise commencée en 2007 avec les subprimes n’est qu’un détonateur. La véritable charge n’a pas encore explosée, et elle est tout à la fois géopolitique, culturelle et écologique. Je crois qu’on ne peut plus poser les problèmes à l’intérieur du paradigme restreint défini par la critique intelligente des années 60-70 ; on change d’époque, de dimension. De braquet historique, si j’ose dire. C’est autre chose. 
    Les critiques dites « extrêmes », que ce soit celles de gauche ou de droite, semblent justement rivées à ces paradigmes obsolètes et de ce fait elles ne font que donner des coups d’épées dans l’eau, quand elles ne servent pas ce à quoi elles s’opposent. Quelles pourraient être les bases d’une critique radicale dont la lame serait de nouveau tranchante ?
    Ce qui me frappe, dans la plupart des discours dissidents contemporains, c’est qu’au fond, les gens qui les tiennent donnent l’impression de vouloir corriger le système. Pas d’accord. Nous ne sommes pas là pour corriger le système, ni même pour l’aider à s’auto-corriger. Rien ne peut nous faire plus plaisir de que de le voir incapable de s’amender. Certes, le spectacle est consternant, mais hauts les cœurs : pire ça sera, mieux ça sera ! Parce que pire ça sera, plus vite toute la boutique sera par terre ! C’est ici que nous devons introduire un nouveau concept. Quand je tiens ce genre de discours, en effet, « on » me fait remarquer que si le système implose, nous en subirons nous aussi les conséquences. À quoi je réponds : précisément, il s’agit de nous organiser pour ne pas en subir les conséquences. Ce n’est que quand nous n’aurons plus besoin du système que nous pourrons vraiment le combattre. La critique radicale redeviendra donc possible avec la réaffirmation d’une capacité à opérer une fracture dans le continuum sociétal. Nous devons être capables de produire progressivement une contre-société, que j’appelle « fractionnaire » pour indiquer que c’est plus qu’une dissidence, quasiment une sécession a-territoriale. C’est la voie de l’avenir, celle qui rendra possible la construction d’un rapport de force. Quand je vois des résistants qui écrivent des choses intelligentes, mais continuent à rechercher leur subsistance dans le système, sans s’organiser collectivement pour en sortir, j’ai envie de leur demander : et où vous croyez aller, comme ça ? Bien sûr, il m’est plus facile qu’à la majorité des gens d’entrer dans une telle logique. Ici, mon très ancien protestantisme joue un rôle, c’est certain. Quand vous admettez la double prédestination sur le plan spirituel, il est beaucoup plus facile de penser politiquement dans les catégories de la différence, de la hiérarchie, de la priorité. J’admets volontiers que les catholiques, qui se sont semble-t-il persuadés que l’Enfer était vide, auront quelques difficultés à le voir se remplir ici-bas, dans une assez respectable préfiguration. Eh bien, il va falloir qu’ils s’y résignent, parce que de toute façon, c’est ce qui va se passer si on continue comme ça. La question est de savoir si tout le monde y finira, dans cet Enfer simulé, ou si une fraction, se définissant en rupture d’avec le continuum sociétal, saura choisir une autre voie, construire un avenir alternatif. Votre lame tranchante, elle est là. Ce qu’elle tranche, c’est l’unicité de l’expérience humaine. Il faut arrêter de poursuivre cet objectif absurde : le salut de tous par tous. Certains peuvent se sauver eux-mêmes, d’autres pas, voilà la vérité. Dès qu’on pense ainsi, un nouveau champ de critique s’ouvre, mais surtout, plus important, un immense champ d’action, avec, pour commencer, la fabrication méthodique d’une nouvelle élite. Une élite qui tranchera à l’intérieur d’elle-même, en même temps qu’elle tranchera entre ce qu’elle est et ce qu’elle n’est pas. Et une élite qui pourra peut-être, si Dieu veut, le jour venu, sauver dans son sillage ceux qui n’avaient pas vocation à la rejoindre au départ, mais portent en eux, malgré tout, comme un feu endormi. Quant aux autres… Quelqu’un a dit, je crois, quelque chose comme : « ce qui penche, il faut le faire tomber ». Ce quelqu’un avait raison. Je crois bien que c’était Nietzsche, d’ailleurs.
    On évoque dans certains milieux le financement de la révolution bolchévique par les banques américaines et anglaises, faisant advenir rapidement et brutalement un « Capitalisme d’état » dans une société féodale et traditionnelle. Le communisme a-t-il été l’idiot utile du Capital comme l’est aujourd’hui notre social-démocratie vacillante ?
    Le Capital, avec un grand « C », est un principe. Or, les principes n’ont pas d’idiot utile, ils se déploient dans le réel, c’est tout. Le bolchevisme a consisté, concrètement, à fabriquer un capitalisme d’État qui préparait l’étatisme du capital, d’où la remarquable convergence des oligarchies stato-maffieuses russes avec les oligarchies mafio-étatiques occidentales, dans les années 1990. Je ne suis pas sûr qu’il faille y voir l’indice d’une planification, ça s’est peut-être fait tout seul, hasard et nécessité, si vous voulez. C’est la technique qui est le véritable moteur de l’histoire, ça devient de plus en plus évident – elle surdétermine tout le réel social, à commencer par l’évolution de la structure de classes. Le bolchevisme a prouvé que l’État n’était pas l’instrument qu’il fallait pour sortir du capitalisme, c’est tout. Il a été avalé par la technique, exactement comme le capitalisme occidental, et ça l’a conduit au même type de structure sociale, pour finir. Cela dit, évidemment, si on enlève le grand « C » et qu’on le remplace par un petit « c », alors là, on peut effectivement poser la question comme vous le faites – parce que dans ce cas-là, le capital, c’est des gens. Et les gens peuvent avoir leurs idiots utiles, évidemment. Le fait est que Lénine a été financé par le capital allemand – je ne dirais pas qu’il était un idiot utile, mais le fait est qu’on a voulu l’utiliser. Même chose pour Trotski, avec le capital américain. Enfin, américain… Pour aller plus loin dans le raisonnement, il conviendrait que je consulte préalablement un avocat bien versé dans la loi Pleven. Joker. 
    Si une révolution doit advenir, ressemblera-t-elle selon vous à une Seconde Révolution Française providentielle (Joseph de Maistre) ou bien à un djihad islamique, soit la « grande guerre sainte » contre l’ennemi intérieur introduisant la « petite guerre sainte » contre l’ennemi extérieur ?
    Pour faire la révolution, il faut une conscience politique. Cette conscience ne sera jamais produite par les masses, elle ne peut être secrétée que par une élite. La nature de cette élite indique la nature probable de la révolution future. Donc, où se trouvent, aujourd’hui, les élites révolutionnaires capables de secréter une conscience politique en rupture avec le système ? Il y a bien les milieux musulmans, mais ça pèse quoi ? En fait, pas grand-chose. Il ne faut pas être dupe des prêches enflammés : les musulmans ont vocation à rester minoritaires en France – que reste-t-il de « l’islam de toujours » chez la beurette consommatrice contemporaine ? Allons, comme Todd l’a très bien montré, nous allons vers ce qu’il appelle un « rendez-vous des civilisations ». Moi, j’appellerais volontiers ça un rendez-vous des suicides – mais sur l’existence du rendez-vous, je le rejoins. À part ça, quoi ? Eh bien à part ça, rien. La gauche est en miette, et à 80 %, elle est passée avec armes et bagages dans le camp de son adversaire historique. « L’extrême droite », n’en parlons pas : à part quelques boutonneux antifas qui veulent jouer les résistants avec sept décennies de retard (c’est moins dangereux), tout le monde sait très bien que ça se décompose entre : un tiers de braves gars complètement déphasés, un tiers d’opportunistes qui rêvent de se vendre à la droite d’affaires, un tiers de gens de passage, qui sont là surtout parce qu’ils ne savaient plus où aller. Quant à l’Église catholique, c’est une institution immense, admirable sans doute par sa longévité, et qui, je n’en doute pas, incarnera encore longtemps un pôle de résistance dans certains pays. Mais en France, on n’en parlera pas. Par moment, je me demande si ce n’est pas, en grande partie, une fausse Église catholique – une façade catholique, avec quelque chose de tout à fait différent derrière. Je suis sérieux, je me pose la question. Je ne parlerai pas non plus des églises protestantes – d’abord, elles se veulent modernes, ça dit tout ; ensuite, en France, de toute façon, c’est quantité négligeable. Le plus probable est que nous allons assister à la généralisation d’une révolte diffuse, produite spontanément par les masses dans un réflexe collectif. Sans élite pour la canaliser, cette révolte ne débouchera sur rien de probant, même si elle peut momentanément fragiliser le système. Conclusion : le boulot, c’est de produire une élite capable, le jour venu, de chevaucher cette révolte pour lui donner un sens. La providence s’occupera de nous donner une révolte à canaliser. Mais le canal, il faudra le creuser nous-mêmes.
    Si le Capital est la forme économique qui apparaît quand Dieu commence à mourir, peut-on en déduire qu’il est une forme de nihilisme actif ? Pourrait-on comparer le Capital à un trou noir, soit à un puits d’antimatière ?
    Votre question est intéressante. Qu’est-ce que Dieu ? La cause première, celle qui, par conséquent, porte en elle toutes les autres causes, y compris les causes finales. Dire que Dieu meurt, c’est dire qu’on admet qu’il n’existe pas de cause première, et que, donc, les causes finales ne sont pas prédéterminées. Il ne s’agit pas ici de « croire » ou de « ne pas croire » en Dieu, formulations totalement vides de sens et d’enjeu. Il s’agit d’une posture de l’être humain par rapport à l’être tout court. Dire que les causes finales ne sont pas prédéterminées, c’est dire qu’elles sont déterminables. Par qui ? Par l’homme. Ça, c’est le point de départ de la modernité, l’instant où nous sommes sortis de l’univers religieux. Une fois sorti de cet univers, toutes les anciennes morales explosent. On essaye bien de se raccrocher à la philosophie, mais c’est un pis-aller. Maïmonide ne peut survivre qu’à travers Spinoza, Luther à travers Leibniz. Ça ne marche pas : allez donc philosopher avec les foules – c’est une religion qu’il leur faut, pas une philosophie. Et puis, il y a Thomas d’Aquin, qui ne doit pas escompter la pitié de Descartes. 
    Bref, une fois sortis de l’univers religieux, puisque tout explose, nous voilà obligés de déterminer les causes finales, et sans l’équipement qui permettrait au moins de le faire proprement, avec des outils éprouvés. Alors, on bricole. Ça s’appelle l’idéologie, et ça commence en France, avec Montesquieu je crois, au fond, pour s’accomplir en Allemagne, avec Hegel. Chez Montesquieu, il s’agit de mettre le Droit à la place de Dieu. Chez Hegel, il faut déifier l’Histoire pour que l’État devienne le Messie. Rien de tout cela ne marche, bien sûr ; pas longtemps, en tout cas. Et pendant ce temps-là, dans une île perdue au nord du continent, un petit peuple trouve une solution idéologique qui fonctionne – temporairement du moins. Hobbes, Locke, Bentham et compagnie : le tour est joué. Puisque les causes finales ne sont pas prédéterminées, c’est qu’il n’y en a pas. C’est à ce moment-là que le capitalisme, en tant qu’idéologie, est né. Le Capital existait évidemment avant, et le capitalisme comme système économique date au moins du Moyen Empire Égyptien. Mais quant au capitalisme comme idéologie, c’est bel et bien en Angleterre, au XVII° siècle, qu’il prend son envol. Le capitalisme, en tant qu’idéologie, énonce qu’il n’y a pas de causes finales. Le Capital, comme principe, n’a donc pas d’autres justifications que lui-même, puisqu’il est la seule finalité du Travail. CQFD, en avant pour la conquête du monde, dégageons du profit, pillons la nature. La finalité, c’est d’y aller. Où ça ? On verra. En attendant, ça nous plaît, d’y aller. Utilitarisme, voilà le mot-clef. S’il n’y a pas de cause finale, alors, c’est que le Bien, c’est ce qui nous sert, nous, ici, maintenant. Si l’on scrute la pénombre pour discerner la « main invisible », si l’on dépouille la « société ouverte » de ses oripeaux, donc si l’on fout Adam Smith et Popper à poils, passez-moi l’expression, voilà le fond de l’affaire. Tout le reste en découle, à commencer par le désastre contemporain, dont nous parlions tout à l’heure. Et justement, c’est là que votre question devient intéressante. Parce que, voyez-vous, ce qui est très curieux, c’est que la négation du religieux nous ramène en plein dedans. Le capitalisme, au fond, ressemble de plus en plus à un culte idolâtrique sacrificiel. Le Capital comme principe, c’est Baal. Il y a des passages dans l’Écriture qu’on dirait écrits tout exprès pour dénoncer le capitalisme contemporain. Comme si, une fois sortis de l’univers religieux, nous étions obligés d’y retourner par le bas, par l’idolâtrie pure. René Girard a très bien montré, par exemple, comment les idéologies modernes étaient finalement construites sur un schéma assez proche de celui des cultes sacrificiels primitifs. Votre « puits d’antimatière » ressemble beaucoup à cette fente dans un mur, en haut des pyramides aztèques, où l’on jetait les cœurs des suppliciés pour nourrir je ne sais plus quelle divinité ethnique absurde. Donc, vous n’avez pas tout à fait tort, on dirait. 
    Justement, si l’idolâtrie pure est un substitut à la foi, soit une vision religieuse par le bas, est-il de notre devoir, pour renverser la tendance et réintégrer par le haut la Lumière Primordiale, de sacrifier les tenants du Capital, comme le héros du roman de Jef Carnac, Vendetta ?
    Vous noterez que Carnac a fait précéder son roman d’un avertissement : « c’est du second degré ». Il est donc clair que ce qu’il décrit n’est pas ce qu’il souhaite voir advenir. À mon avis, Vendetta, c’est ce qui se passera si nous ne parvenons pas à fonder cette logique « fractionnaire », dont je parlais plus haut. Si nous ne créons pas un espace en rupture, à l’intérieur duquel incuber le sens, l’absurdité débouchera sur les logiques criminogènes qui ont ensanglanté le XX° siècle. C’est tout l’enjeu, justement, de notre démarche : faire en sorte que la révolte soit canalisée vers la construction, au lieu d’être captée par les destructeurs.
    Auteur d’un livre intitulé La question raciale, comment aborder sereinement et sans complexe cet épineux sujet ? Quid de la race au sens antique et de la race au sens moderne ?
    Dans cet essai, j’oppose la race au sens antique à la race au sens moderne. La nuance est subtile, mais bien réelle : chez les Anciens, la race est une réalité biologique. Une « race » est une lignée. Alors que chez les modernes, la race est un agrégat statistique défini par un critère. À partir de là, je développe un argumentaire auquel on pourra adhérer ou pas, mais qui, dans mon esprit, a, disons, le mérite de soulever un certain nombre de questions d’ordinaires passées sous silence, et généralement non identifiées. En particulier, le caractère étonnamment réversible du racisme et de l’antiracisme dans la modernité : finalement, dans les deux cas, il y a réduction de l’humain à la donnée statistique, ultra-segmentée dans le cas du racisme, unifiée dans le cas de l’antiracisme, mais toujours statistique, mathématique, quantifiable. Bref, j’arrive à la conclusion qu’un antiraciste contemporain est souvent un raciste au nom de l’humanité métisse à venir, ou quelque chose de cet ordre. Comment aborder cet épineux problème ? En parlant clair, net, simple. Je vais vous dire quelque chose qui va peut-être vous étonner : j’ai parlé de cet essai avec des dizaines de lecteurs, dont beaucoup n’étaient pas de « race blanche ». Eh bien personne n’a été choqué, personne, parmi les lecteurs, ne m’a accusé de m’être montré insultant, ou quoi que ce soit de cet ordre. À part quelques forumistes crétins sur des sites pour idiots du web, qui ont parlé de mon livre sans l’avoir lu, personne ne m’a « nazifié » à cause de ce que j’ai dit. Ce qui prouve bien que quand on parle sereinement et sans se cacher derrière son petit doigt, avec respect pour tous nos frères humains, on peut parfaitement dire, comme je le fais, que la question raciale se pose. Ça ne choque que les petits gauchistes déréalisés, et autres guerriers du web à la con. Ça ne pose en revanche aucun problème aux personnes qui ne sont pas de la même origine que nous.
    Quel regard posez-vous sur l’eugénisme, ou plutôt sur les eugénismes ? Ce rejeton du scientisme et du positivisme, d’essence calviniste selon G. K. Chesterton, peut-il aider à la constitution d’une aristocratie biologique héréditaire, et ainsi contrebalancer l’élite oligarchique ?
    L’eugénisme me paraît effectivement en partie d’essence calviniste, sur ce point je rejoins Chesterton. Cela étant, il m’apparaît plus comme une pathologie induite par l’esprit puritain que comme l’essence même du calvinisme. C’est ce qui arrive quand on prolonge une pensée hors du paradigme au sein de laquelle elle a été formulée : on la retourne contre sa pure expression. Pour avoir lu Calvin, je peux vous garantir qu’il serait bien étonné si, revenu parmi nous, il constatait ce que ses héritiers ont fait de sa pensée ! Ce qui est inquiétant dans l’eugénisme, c’est qu’il pose l’homme comme un objet. Le sous-entendu, c’est que l’on peut, par la matière, réparer le Verbe. C’est le retournement de notre authentique héritage chrétien. Ce qui fonde l’aristocratie n’est pas la performance, mais l’esprit. L’aristocrate est digne de gouverner non parce qu’il est le plus fort, sélectionné racialement selon des méthodes pseudo-scientifiques, mais parce qu’il est le meilleur. Or, ici, que veut dire meilleur ? Courir plus vite, comme un lévrier ? Avoir un super-score aux tests de QI, comme un singe savant ? Non, cela veut dire : être digne de l’Amitié qui unit les âmes bonnes. Cela n’a rien, mais rigoureusement rien à voir avec l’eugénisme. En fait, la simple idée de recourir à l’eugénisme pour secréter une aristocratie prouve qu’on ne comprend plus ce qu’est une aristocratie. Il y a plus de noblesse chez un paralytique qui se dépasse aux jeux paralympiques que chez un sprinteur surentraîné qui triche avec des anabolisants, parce qu’un paralytique qui se dépasse réussit l’unité de son être et la réconciliation de son corps avec son âme. C’est tout.
    Si le Capital est une « brèche qui anéantit », n’y a-t-il que la Religion pour anéantir le néant ? Le Capital, miné par le poids de ses contradictions, finira-t-il, tel un Chronos s’auto-dévorant, par s’annihiler lui-même ?
    Le Capital, miné par le poids de ses contradictions, va s’écrouler, avec le poids de quelque chose comme 80.000.000.000.000 de dollars de créance irrécouvrable sur les épaules. Cela, c’est la rupture majeure, celle qui ne se produit qu’une fois par siècle. Mais, en s’écroulant, le Capital pulvérisera tout sur son passage, de sorte que ce n’est pas forcément lui qui mourra de sa chute. En fait, une fois qu’il aura détruit l’État, il se pourrait qu’il soit renforcé comme principe. C’est manifestement tout le projet de notre classe dirigeante. Là, pour l’instant, la dette fabriquée par le système capitaliste a été transférée aux États. Quand ils feront faillite, après avoir sauvé les banques, on érigera sur leurs ruines un État corporatif d’un nouveau genre – sans doute un État « eurocorporatif », s’agissant de notre continent. Un État « eurocorporatif » qui sera lui-même inclus dans un réseau plus vaste, une sorte de pouvoir corporatif mondial en gestation – un « globalitarisme », pour parler comme Virilio. Un « totalitarisme des totalitarismes », dont le seul objet sera de maintenir à l’échelle globale un fonctionnement totalitaire homogène dans son principe, bien que ses dispositifs idéologiques fonctionnels puissent varier localement. À ce moment-là, une fois de plus, le Capital aura gagné dans le monde. Il faut bien comprendre que la faillite fait partie intégrante de son être, ce n’est qu’une phase dans le processus de concentration des richesses, un moment dans une respiration. Et on se retrouvera, au final, avec un pouvoir capitaliste « globalitaire », structuré par une vision du monde infantile et perverse, et si profondément intégrée par les hommes qu’à de rares exceptions près, ils la percevront comme une simple description du réel. Ce sera une étape de plus dans le triomphe de l’Antéchrist, si vous voulez bien poser cela en termes mystiques. Après, évidemment, il y a la suite. C’est cela qu’il faut préparer, ce qui vient après ce moment où l’Antéchrist aura épuisé une de ses formes possibles. Nous verrons sans doute des convulsions annonciatrices, mais quant à l’évènement lui-même, nous ne le verrons pas avec nos yeux d’homme. Cela arrivera bien après notre mort. Nous aurons quelques victoires, ici ou là, sans doute, mais rien qui permette de faire imploser le Capital. Nous survivrons, c’est tout, pour transmettre ce que nous savons, pour que d’autres ensuite reprennent le combat, quand l’adversaire reviendra, sous une autre forme. Nous ne verrons jamais notre propre victoire. Entre nous, c’est une sacrée chance. Vous savez ce que nous faisons ici ? Je veux dire : nous, qui ne sommes pas dupes. Nous cherchons l’être. Et le fait de savoir que nous luttons pour après notre mort nous place en permanence dans la situation exacte de celui qui va mourir. Or, cette situation est la seule d’où l’on puisse contempler l’être. Vous vous rendez compte de notre chance ? Si nous gardons en tête que nous préparons la survie des hommes futurs qui traverseront le règne du Mal, nous vivons chaque instant de notre vie, là, exactement, présents totalement à nous-mêmes. L’anéantissement du Capital comme principe, nous pouvons le vivre à chaque seconde – à l’intérieur de nous. Ça a commencé depuis longtemps, et ça durera encore longtemps.

    http://www.scriptoblog.com/index.php/archives/actu-videos-auteurs/140-entretiens/1759-michel-drac-la-crise-commencee-en-2007-avec-les-subprimes-n-est-qu-un-detonateur-la-veritable-charge-n-a-pas-encore-explosee-entretien-pour-le-cercle-curiosa

  • La taxe du jour

    Images-2Le gouvernement vous avait dit que les impôts ont baissé. Et vous avez tous reçu (sauf ceux, nombreux, qui ont vus leurs impôts augmenter) dans votre boîte aux lettres un courrier du ministère de la baisse d'impôts dont vous avez bénéficiés.

    Mais l'Etat compte reprendre de l'autre main ce qu'il a pu concéder. La taxation du gazole augmentera d'un centime par litre en 2016 et 2017 et celle de l'essence sera réduite du même montant sur la même période, a annoncé mercredi Matignon.

    Michel Janva

  • Du champ à l’assiette : Les nouveaux circuits

    Acheter des aliments frais c’est l’espoir de manger plus sainement, de savoir d’où vient ce que l’on consomme et de le payer au juste prix. Et c’est exactement la promesse de nouveaux points de vente qui se multiplient partout en France : ils s’appellent « La Ruche qui dit Oui » ou « O’Tera ».

     

    Leur principe : supprimer les intermédiaires entre producteur et consommateur. Derrière cette belle affiche, comment fonctionnent ces circuits courts ? Peut-on croire aux arguments de qualité et de juste prix mis en avant ? Comment les grandes surfaces ripostent-elles face à cette nouvelle concurrence ?

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  • Air France : la violence syndicale est-elle défendable ?

    L’urgence n’est pas de faire des gorges chaudes des conditions de leur arrestation mais de sauver une grande compagnie aérienne française.

    Le ridicule tue. Il tue le dialogue et le débat. « Jour de deuil. 4 salariés arrêtés pour fait de lutte. Que la résistance et la colère soient plus contagieuses que la peur ! », s’émeut dans un tweet Jean-Luc Mélenchon, après l’arrestation aux aurores de plusieurs suspects dans le cadre des violences syndicales d’Air France. S’il y a un deuil dont on peut se féliciter, c’est celui de l’impunité. « Arrêtés chez eux à 6 h du matin ? Pourquoi ? Pour les humilier devant leurs familles ou parce qu’ils préparaient une fuite à Saint-Martin ? », réagit Cécile Duflot, tandis qu’Olivier Besancenot balance un lapidaire « Relâchez-les ! » Pour le communiste Pierre Laurent, ils sont « traités comme des criminels ». Déjà, quelques jours plus tôt, Clémentine Autain, sur BFM TV, soutenait sans réserves les agitateurs, face à une Laure Adler plus nuancée, préférant y porter un regard d’historienne : les actions de violence ont jalonné de tous temps l’histoire du prolétariat, le phénomène n’a donc rien de nouveau, ce qui ne l’excuse pas pour autant.

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  • Évasion fiscale : enquête sur le Crédit Mutuel

    C’est l’enquête dont Canal+ n’a pas voulu. Elle porte sur le Crédit mutuel et l’évasion fiscale. Cinquante-cinq minutes d’investigation spécialement tirée au cordeau par Nicolas Vescovacci et Geoffrey Livolsi pour l’émission « Pièces à conviction », diffusée sur France 3 mercredi 7 octobre à 23h20.

    Yachts au mouillage, port de Monaco… Dès la première image, on comprend qu’il ne s’agit pas ici seulement d’argent, mais de fortune. Costume cravate, tenue élégante, deux hommes et une femme ont rendez-vous sur une terrasse ensoleillée. Ce sont trois ex-employés d’une banque. Les trois sources principales de ce film qui vise à dénoncer un système d’évasion fiscale, via Monaco, la Suisse et la France. On y parle de la banque Pasche, une filiale du Crédit mutuel-CIC, dont les valeurs sont le partage, la solidarité et l’exemplarité.

     

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  • Marketing : Les stratégies secrètes

    Noms, prénoms, adresses, âges, mais aussi passions et habitudes de consommation: certaines entreprises récoltent une foule d’informations sur les clients qui achètent, sur Internet ou encore par le biais de leurs cartes de fidélité.

    A longueur de transactions, ces sociétés enregistrent, compilent et analysent les données personnelles recueillies de manière à mieux cerner leurs cibles potentielles. Pendant un an, une équipe a enquêté sur les techniques marketing des grands groupes, comme Apple ou Danone, et leurs stratégies commerciales tenues secrètes. Comment imposent-ils leur diktat sur le marché?

    http://fortune.fdesouche.com/

  • La fallacieuse théorie du libre échange et la diabolisation du protectionnisme

    Le modèle de la théorie des coûts comparés de Ricardo, décrit en 1817, dans son ouvrage  On the principles of Political Economy repose sur une hypothèse essentielle, à savoir que la structure des coûts comparatifs dans les divers pays reste invariable au cours du temps. Or, il n’en est ainsi que dans le cas des ressources naturelles. Ainsi, par rapport à l’Europe occidentale, les pays producteurs de pétrole disposent d’un avantage comparatif qui restera le même dans un avenir prévisible. De même, les produits tropicaux ont un avantage comparatif qui ne saurait disparaître.

    La théorie des coûts comparés est fondée sur l’immobilité des facteurs de production

    En revanche, dans le domaine industriel, aucun avantage comparatif ne saurait être considéré comme permanent. Chaque pays aspire légitimement à rendre ses industries plus efficaces et il est souhaitable qu’il puisse y réussir. Il résulte de là que l’arrêt de certaines activités dans un pays développé, en raison des désavantages relatifs d’aujourd’hui, pourra se révéler demain complètement stupide, dès lors que ces désavantages relatifs disparaîtront. Il faudrait alors rétablir ces industries, mais entre-temps on aura perdu le savoir-faire.

    Voir : Les théories de la mondialité par Gérard Dussouy
    http://www.polemia.com/article.php?id=2347

    La théorie de Ricardo ne vaut que dans un monde stable et figé. Elle n’est pas valable dans un monde dynamique, où les fonctions de production et les salaires évoluent au cours du temps, où les capitaux peuvent se déplacer librement et où les industries peuvent être délocalisées.

    Selon la théorie de Ricardo, le libre échange n’est justifié que si les taux de change correspondent à l’équilibre des balances commerciales. Or, c’est l’importance des flux financiers spéculatifs et des mouvements de capitaux qui expliquent l’extraordinaire instabilité des cours du dollar, du yen ou de l’euro. La prétendue régulation par les taux de change flottants des balances commerciales n’a donc aucune signification aujourd’hui.

    Or capital et main d’œuvre sont de plus en plus mobiles

    De tous les dogmes économiques, le libre-échange est celui sur lequel les néo-libéraux sont le plus intraitables. Formulé il y a presque deux siècles dans le contexte théorique de l’immobilité des facteurs de production (capital et travail) et de la division internationale du travail, il est toujours présenté comme le nec plus ultra de la modernité, et comme la recette du développement et de la croissance. Ses hérauts ont réussi le tour de force de le pérenniser dans un contexte exactement contraire à celui de sa conception : aujourd’hui, le capital ne connaît plus aucune entrave à sa circulation internationale et la main d’œuvre devient, elle aussi, de plus en plus mobile. Quant à la division internationale du travail, elle appartient au passé, avec la multiplication des entreprises mettant en œuvre des technologies de pointe dans les pays à bas salaires. L’économie mondiale est devenue un bateau ivre, sans gouvernail.

    La  réalité disqualifie intellectuellement le libre-échangisme

    Voilà qui devrait disqualifier intellectuellement le libre-échangisme. Il n’en est rien. Il constitue, bien au contraire, le soubassement même de l’Union européenne, qui fait de la libre circulation des capitaux, des biens et des services trois de ses libertés fondamentales, la quatrième étant celle de la circulation des personnes.
    Il est assez cocasse de remarquer que les Américains eux-mêmes, en la personne de Paul Volcker, ancien Président de la Federal Reserve Bank, dans un livre commun avec Toyoo Gyothen, ancien Ministre des Finances au Japon, ont reconnu que la théorie des avantages comparatifs perdait toute signification lorsque les taux de change pouvaient varier de 50% ou même davantage (1). Une forte dévaluation du dollar de 20% ou plus qui équivaut à une barrière douanière protectrice pour les pays qui appartiennent à la zone dollar est un énorme coup de canif aux principes du libre échange..

    De Friedrich List à Paul Bairoch

    Friedrich List, en 1840, expliqua qu’il fallait protéger les industries naissantes en Allemagne face à la concurrence sans merci des pays industriels les plus avancés. : « Toute nation qui, par des tarifs douaniers protecteurs et des restrictions sur la navigation, a élevé sa puissance manufacturière et navale à un degré de développement tel qu’aucune autre nation n’est en mesure de soutenir une concurrence libre avec elle ne peut rien faire de plus judicieux que de larguer ces échelles qui ont fait sa grandeur, de prêcher aux autres nations les bénéfices du libre échange, et de déclarer sur le ton d’un pénitent qu’elle s’était jusqu’alors fourvoyée dans les chemins de l’erreur et qu’elle a maintenant, pour la première fois réussi à dénouer la vérité ».

    Paul Bairoch, professeur à l’Université de Genève, a également montré que la croissance économique dans la période 1870-1940, fut largement liée au protectionnisme. Paul Bairoch a publié, en 1994, une étude sur les Mythes et Paradoxes de l’histoire économique (2). Il écrit : «  On aurait du mal à trouver des exemples de faits en contradiction plus flagrante avec la théorie dominante qui veut que le protectionnisme ait un impact négatif, tout au moins dans l’histoire économique du XIXe siècle. Le protectionnisme a toujours coïncidé dans le temps avec l’industrialisation et le développement économique, s’il n’en est pas à l’origine. Bairoch montre notamment que le protectionnisme ne fut pas la cause, mais bien la conséquence du krach de Wall Street en octobre 1929. A partir de séries statistiques s’étalant de 1800 à 1990, il explique que le monde développé du XIXe siècle et de la première moitié du XXe siècle, à l’exception de quelques brèves périodes, tira son expansion économique de politiques très majoritairement protectionnistes, mais que, en revanche, il imposa le libéralisme aux pays qui allaient devenir le tiers monde, à l’Inde en particulier. Ni le Royaume-Uni, ni la France, ni la Corée, ni le Japon, ni la Prusse n’ont acquis leur puissance industrielle en respectant la loi des avantages comparatifs de David Ricardo.

    La croissance dopée par les droits de douane

    Cette approche a même donné naissance au « paradoxe de la croissance dopée par les droits de douane » (Tariff-growth paradox). Il est en effet établi, pour le XIXe siècle comme pour une bonne partie du XXe siècle, que la croissance est en relation inverse avec le degré d’ouverture du commerce international (3)

    Les « nouveaux pays industrialisés » d’Asie démontrent également l’importance du protectionnisme. Une étude, publiée par l’université Harvard, souligne qu’il peut, tout autant que le libre-échange, générer une forte croissance économique (4). Ainsi, alors que le discours dominant du journalisme économique proclame depuis deux décennies que le protectionnisme est le mal absolu, les travaux scientifiques les plus récents aboutissent à un résultat inverse. Il y a donc discordance entre les discours économiques médiatiques et le discours scientifique.

    Droits de douane et protection de l’environnement

    Par ailleurs la libéralisation des échanges est loin de produire les gains espérés (5). Elle engendre des coûts qui ne sont pas pris en compte dans les modèles utilisés par les organisations internationales. Son bilan économique, hors même tout jugement social, est bien plus sombre qu’on ne l’affirme. Les droits de douane par exemple contribuent à défendre l’environnement en diminuant les quantités de CO2 engendrées par les périples de la mondialisation. Avant de venir garnir les linéaires des grandes surfaces en Ecosse, les crevettes « pêchées in Scotland » de la société Young’s Sea Food effectuent 27000 km aller eetour avec le Bengla Desh pour être simplement décortiquées dans ce pays à bas coût de main d’œuvre ! (6)

    Les États-Unis, une nation longtemps protectionniste…

    Si l’on regarde l’histoire économique des Etats-Unis, depuis leur création, il n’y a pas eu de nation plus protectionniste que les Etats-Unis ! On a dit d’Alexander Hamilton, dès la création des Etats-Unis, qu’il était un autre Colbert. La guerre de sécession opposait le Nord industriel protectionniste au Sud agricole libre-échangiste (7). Le paroxysme du protectionnisme fut atteint en 1930 avec la loi Smoot-Hawley qui imposait des droits de douane record aux importations. De leur origine jusqu’aux années 1930, les Etats-Unis pratiquèrent donc un protectionnisme virulent avec des tarifs douaniers de l’ordre de 50% ; c’est avec cette stratégie qu’ils connurent le taux de croissance le plus élevé du monde et accédèrent au leadership mondial.

    …Devenue libre-échangiste en 1945

    Ce n’est que depuis 1945, sous la pression des Etats-Unis y trouvant leur intérêt, qu’une véritable pensée unique s’est mise en place : seul le libre échange absolu serait conforme à la rationalité économique. Toute autre analyse relève d’une pensée pré-scientifique et ne peut que susciter la commisération des gens compétents (8). Par ailleurs le pays qui s’est fait le soudain héraut du libre-échange le bafoue sans vergogne s’il n’y trouve plus avantage. Il y a fort à parier, avec une balance commerciale déjà déficitaire en 2006 de 763 milliards de dollars dont 232 milliards de dollars avec la Chine, que les mesures protectionnistes du Congrès américain vis-à-vis des importations chinoises vont se multiplier et prendre de plus en plus d’ampleur, malgré les digues de l’OMC.

    Les Européens, en tant que consommateurs, peuvent acheter des produits de Chine ou d’Inde meilleur marché. Mais pour ces consommateurs, la contrepartie réelle de ces importations à bas prix est finalement la perte et la précarité de leur emploi ou la baisse de leurs salaires, ainsi que des prélèvements accrus pour couvrir le coût social du chômage. Les importations de biens de consommation en Europe augmentent d’une façon structurelle plus vite que les productions nationales menant le plus souvent à leur disparition.
    Vers un protectionnisme européen ?
    Emmanuel Todd a donc entièrement raison lorsqu’il a pu dire en décembre 2006 : « Je suis arrivé à la conclusion, il y a quelques années, que le protectionnisme était la seule conception possible et, dans un second temps, que la seule bonne échelle d’application du protectionnisme était l’Europe ». Mais là encore les médias et les moutons de panurge européens attendent que les Etats-Unis virent de bord à nouveau vers le protectionnisme, pour avoir enfin bonne conscience, voir les réalités en face et proclamer avec force leurs nouvelles certitudes d’une préférence communautaire qu’ils n’osent même pas évoquer à l’heure actuelle ! La forteresse Europe ne semble pouvoir être construite qu’à la remorque de « Fortress USA ». Ulysses Grant, Président des Etats-Unis de 1868 à 1876, a pu dire, avec un grand sentiment prémonitoire : « Pendant des siècles, l’Angleterre s’est appuyée sur la protection, l’a pratiquée jusqu’à ses plus extrêmes limites et en a obtenu des résultats satisfaisants. Après deux siècles, elle a jugé commode d’adopter le libre échange, car elle pense que la protection n’a plus rien à lui offrir. Eh bien, Messieurs, la connaissance que j’ai de notre pays me conduit à penser que dans moins de deux cent ans, lorsque l’Amérique aura tiré de la protection tout ce qu’elle a à offrir, elle adoptera le libre échange ».

    En finir avec les bobards libre-échangistes !

    Alors que cela est inexact, un très grand nombre d’Européens, crétinisés par les lieux communs médiatiques, établissent très souvent la comparaison avec la ligne Maginot, croyant ainsi mettre brillamment et très rapidement un terme aux discussions avec leur interlocuteur, essayant de lui faire comprendre que la messe est dite ! Or, à la réflexion, la ligne Maginot en mai 1940 a parfaitement joué son rôle, car la seule véritable erreur a été de faire sur le plan militaire le même pêché de naïveté qu’aujourd’hui sur le plan économique, à savoir de respecter la neutralité de la Belgique, tout comme l’on respecte aujourd’hui les bobards libre-échangistes, et de ne pas en achever la construction jusqu’à Dunkerque, dont l’équivalent économique actuel serait le rétablissement de la préférence communautaire ! L’Allemagne avait aussi sa ligne Maginot, la ligne Siegfried, qui a parfaitement joué son rôle fin 1944- début 1945 !
    Marc Rousset, 15/12/2009
    Auteur de la Nouvelle Europe Paris Berlin Moscou , Godefroy de Bouillon, 538 p., 2009Notes:

    1) Paul Volcker et Toyoo Gyohten - Changing Fortunes - NY, Random House-1992-p293
    2) Paul Bairoch- Mythes et Paradoxes de l’histoire économique - Editions La découverte,  1994, p.80
    3) Kevin H. O’Rourke -Tariffs and growth in the late 19th century - Economic Journal, vol.110, n°3, Londres, avril 2000
    4) Michael A. Clemens et Jeffrey G. Williamson - A tariff-growth paradox ? Protection’s  impact in the world around 1875-1997- Center for International Development - Université Harvard- Cambridge-Mass-août 2001
    5) Franck Ackerman - The shrinking gains from trade : a critical assessment of Doha round projections - Global Development and Environment Institute- document de  travail n° 05-01, Université Tufts-Medford (Mass)- octobre 2005
    6) Thierry Fabre - L’incroyable parcours des produits « made in monde - Capital - Mars  2007, pp 76-79
    7) André Philip - Histoire des faits économiques et sociaux - Aubier-1963 - pp 142 - 146 
    8) Marc Rousset - Les Euroricains - Chapitre XX - Non au libre échange mondialiste- Godefroy de Bouillon -2001- pp.186 - 199

    http://archives.polemia.com/article.php?id=2592