Ce billet d’Henry Montaigu nous semble une judicieuse lecture en ces temps de souvenir royal… qui donne matière à réflexion.
Par Henry Montaigu
Place de la Révolution. 21 janvier 1793. Le souffle glacé d’une terreur sans nom et presque sans visage a figé le peuple le plus gai du monde, le plus policé de l’Europe – le plus civilisé, croyait-il encore il y a quatre ans – mais surtout le moins propre à se laisser dominer par la peur, l’illusion, le mensonge préludant aux vastes infamies collectives de notre XXe siècle. Avec les principes inversés, les croyances foulées, les conditions abolies, les biens spoliés, les symboles détruits jusqu’aux propres idéaux qui avaient été à la genèse du phénomène (dont l’abolition de la peine de mort), ce peuple avait lui-même abdiqué son état d’être le plus constant depuis plus de mille ans d’histoire, et qui était, qui demeure encore, on veut le croire, saugrenu, frivole ou salvateur mais toujours nécessaire, l’esprit de contradiction. Hébété par un événement qui le dépasse et qu’il ne pouvait souhaiter, Paris assiste sans broncher, sans même pousser d’atroces clameurs nocturnes de délivrance, à cette grand-messe de la terreur qui va partager en deux l’histoire du monde.