par Stéphane Blanchonnet
Dans ces lignes écrites en juin 1940 et recueillies dans Notes pour comprendre le siècle (1941), Pierre Drieu la Rochelle porte un jugement sur lequel nous pouvons encore nous interroger quatre-vingts ans plus tard : « La France des scouts, des routiers, des skieurs n’était pas assez forte pour s’imposer à la France des assis, des pêcheurs à la ligne, des buveurs de Pernod, des bavards de comités, de syndicats ou de salons. La France des militants déterminés d’extrême gauche ou d’extrême droite n’était pas assez forte pour s’imposer aux bavards conservateurs qui se nommaient encore sans honte modérés, radicaux ou socialistes. La France qui avait lu Sorel, Barrès, Maurras, Péguy, Bernanos, Céline, Giono, Malraux, Petitjean n’était pas assez forte pour s’imposer à la France qui lisait Anatole France, Duhamel, Giraudoux, Mauriac, Maurois. La France du Maroc, de l’Indochine, des aviateurs et des missionnaires ne pouvait s’imposer à la France des casaniers, des joueurs de belote et de boules, des ignorants de la géographie ».