Le plan immigration présenté par Edouard Philippe confirme l’un des principaux aspects de la méthode Macron : sur la forme, on dit tout et son contraire, sur le fond, on se place dans la lignée de son prédécesseur.
Cela donne un plan « ferme et solidaire » en clair, les vannes restent grandes ouvertes, mais avec fermeté. Tel un Valls expliquant que « les jeunes Français doivent s'habituer à vivre durablement avec la menace d'attentats », Edouard Philippe a ouvert la présentation de son plan immigration par un renoncement. « Compte tenu des causes qui l'explique [...] cette situation est amenée à durer ».
Une résignation qui n'est pas le seul point commun entre l'action de Philippe et celle de son prédécesseur. Ce qui frappe pourtant d'emblée, c'est que le Premier ministre est bien la voix de son maître, Macron. Dans son discours, le même souci de ménager la chèvre et en même temps le chou. Il a ainsi multiplié l'utilisation du mot « solidarité », à destination de sa gauche, et en même temps les mesures de « fermeté » pour rassurer le Français moyen, du moins celui qui écoute d'une oreille distraite.
Car au-delà du verbe, c'est le grand flou macronien. Le gouvernement affirme ainsi que « les personnes déboutées feront systématiquement l'objet d'une mesure d'éloignement dès le rejet de leur demande d'asile ». Comment ? Mystère. Pourtant, il admet l'ampleur du problème, reconnaissant que sur 91000 étrangers en situation irrégulière interpellés, moins de 25 000 ont quitté le territoire. Il n'a tout de même pas cité la Cour des comptes, qui a relevé que 96 % des personnes déboutées du droit d'asile restaient en France. Cela aurait été admettre que l'État organise une filière d'immigration clandestine.
Fermeté verbale...
En revanche, Edouard Philippe a. aussi insisté sur sa « volonté d'éviter la mise en place de nouveaux campements ».. Sans donner la moindre précision sur la manière d'y parvenir. À ce propos, celui de la porte de la Chapelle, évacué pour la... 34e fois à la veille de son annonce, se remplissait déjà au moment même où il donnait de la voix. Le gouvernement aurait voulu illustrer qu'il entendait vider la mer à la petite cuiller qu'il ne s'y serait pas pris autrement.
Autre point non détaillé dans ce plan gouvernemental, la préservation des moyens liés à l'hébergement et à l'accompagnement d'urgence. Est-ce parce que la pilule des économies passe mal, notamment auprès des armées (cf. pp. 24-23) - que le Premier ministre n'a pas souhaité en chiffrer le coût ?
Il a pourtant été plus précis sur d'autres éléments du volet « solidarité », quand il a annoncé la création de 12 500 places d'hébergement pour les clandestins d'ici à 2019 7 500 places pour les demandeurs d'asile et 5 000 autres pour aider les « réfugiés » à accéder au logement. Naturellement, penser que de telles mesures puissent créer un appel d'air, comme l'a démontré la même politique menée par Hollande, serait inconvenant.
Laxisme factuel
Inconvenant aussi de se dire que les mesures en faveur de « l'intégration », puis de cours de français, de dispositifs de formation, ne semblent pas à la hauteur des enjeux. L'intégration ne consiste-t-elle pas pour l'immigré à adopter les valeurs du pays d'accueil, et pas seulement sa langue et ses emplois ?
Inconvenant enfin de constater que le « passeport-talent », repris mot pour mot d'une mesure annoncée par Hollande, ressemble à un gadget rive droite et que les mesures d'accélération des procédures d'octroi du droit d'asile s'enliseront dans le flot sans cesse croissant des clandestins, à l'instar de celles de son prédécesseur.
Car le contrôle de l'immigration est largement resté au niveau des vœux pieux. Si le premier a affirmé vouloir « mieux maîtriser les flux migratoires en Europe et en France », cette maîtrise repose pour lui sur le contrôle aux frontières françaises jusqu'en novembre. Les niçois, qui voient passer chaque jour des dizaines de clandestins en provenance d'Italie, apprécieront l'ironie de la chose. Au-delà, ce sera la finalisation de la transformation de Frontex en agence européenne des garde-frontières qui devra permettre un meilleur contrôle des limes de l'UE. Quand on sait que cette dernière favorise l'immigration et que les navires de Frontex acheminent les clandestins sur nos rives, on mesure l'hypocrisie toute macronienne du propos d'Edouard Philippe.
Richard Dalleau monde&vie 26 juillet 2017