Roger Faligot, Renaud Lecadre, Histoire secrète de la Vème République
économie et finance - Page 469
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Affaires locales, petits arrangements entre amis
(Le verrouillage est complété parce que les élus savent faire de mieux : des lois) Ainsi la réduction du délai de prescription de l'abus de biens sociaux (ABS). Un délit fourre-tout, plus facile à réprimer que la corruption - qui nécessite d'établir la réalité d'un "pacte de corruption" préalable. L'ABS, c'est tout simplement piquer dans la caisse, peu importe le motif. Avec ce petit plus : le délai de prescription (trois ans, comme tous les autres délits) ne débute pas à la date de l'infraction, mais au moment de sa découverte, qui peut intervenir bien des années plus tard. De ce fait, c'est un délit pratiquement imprescriptible. Régulièrement, un parlementaire plus ou moins bien intentionné propose de revenir à un délai de prescription plus raisonnable. La vigilance des médias et des magistrats a permis d'éviter l'adoption de ce type d'amendement nocturne. Qu'à cela ne tienne, les élus de la République, qui sont souvent aussi des élus locaux, vaccinés contre les interventions flagrantes dans les grandes affaires nationales, reviennent à leur coeur de métier : les affaires locales. De ce point de vue, les cessions parlementaires 2000 et 2001 ont été fastes.Par "affaires locales", il faut entendre ces lièvres soulevés par les chambres régionales des comptes, instituées par les lois de décentralisation du début des années 1980. A l'instar de la Cour des comptes (CRC) au niveau national, ces juridictions traquent localement les gabegies et mauvaises gestions de l'argent public. Elles sont à l'origine des mésaventures judiciaires de Jean-Michel Boucheron, maire socialiste d'Angoulême, de Jacques Médecin, maire UDF de Nice, de Patrick Balkany, maire RPR de Levallois-Perret, de Jean-François Mancel, président RPR du conseil général de l'Oise, et de bien d'autres.Les collectivités territoriales (municipalités, conseils généraux et régionaux) ignorant la séparation entre exécutif et législatif, il n'est guère étonnant que leurs élus aient souvent affaire à la justice. Les CRC sont des juridictions financières, elles n'ont pas les moyens coercitifs de la justice pénale (détention provisoire, perquisition...), mais elles possèdent une sorte "d'arme absolue" : la faculté de prononcer l'inéligibilité des élus locaux.Novembre 2000. Une centaine de membres des CRC manifestent sous les fenêtres de la Chancellerie. Du jamais vu. Les principaux syndicats de magistrats (judiciaires, administratifs et financiers) organisent une conférence de presse commune pour dénoncer les "menaces que font peser les projets de réforme actuels sur la démocratie et l'Etat de droit". Ils visent une proposition de loi initiée par un sénateur RPR de Vendée, ancien trésorier national du parti chiraquien, Jacques Oudin. Elle semble faire consensus entre parlementaires de tous bords. En période de cohabitation, le gouvernement Jospin laisse des élus légiférer sur leur propre "sécurité juridique" et s'en remet à la "sagesse" du Parlement. L'essentiel de cette réforme aux petits oignons tient en deux points : 1) les "lettres d'observation" des CRC, sorte de remontrance préliminaire avant réponse de la collectivité locale mise en cause, ne pourront plus être rendues publiques six mois avant une élection locale ; en cas de désaccord, ces lettres seront susceptibles d'être contestées en appel devant le Conseil d'Etat, prolongeant de plusieurs années leur délai de publication ; conséquence pratique : le vote des électeurs ne risque plus d'être pollué par ces sombres histoires d'argent public ; 2) l'inéligibilité de six ans d'un élu mus en cause ne serait plus automatique : il pourra continuer à parader le temps de longues procédures contentieuses.Le débat parlementaire va durer... un an et demi. Le temps pour Michel Charasse, sénateur socialiste du Puy-de-Dôme et ancien collaborateur de François Mitterrand, de dire tout haut ce que beaucoup d'élus pensent tout bas : "Les CRC n'ont pas reçu le droit de se prononcer sur l'opportunité politique des choix et décisions des assemblées locales issues du suffrage universel. Elles ne sauraient, sans violer la séparation des pouvoirs, se prononcer sur des choix politiques qui ne relèvent que des élus et, le moment venu, des électeurs."Charasse s'en prend à "la poignée de magistrats excités qui en demandent toujours plus pour trancher à la place du peuple, quelques petits saints portant le beau nom de magistrats semant le doute dans l'esprit civique sur le thème facile de tous pourris". Tout est dit et bien dit : la séparation des pouvoirs est une conception à sens unique. Valérie Turcey, président de l'Union syndicale des magistrats (USM, syndicat apolitique et majoritaire), ne peut que constater l'incompréhension : "Les élus nagent en pleine paranoïa, ils pensent que les magistrats ne cherchent qu'à leur nuire. D'où leur volonté de les réduire au silence."La loi finalement adoptée en novembre 2001 remplace l'inéligibilité automatique par une simple période de suspension, le temps que l'élu remette ses finances locales d'aplomb. Cerise sur le gâteau de l'année 2001, Laurent Fabius ministre de l'Economie, décrète le 7 mars une réforme du Code des marchés publics, toujours au motif d'assurer la "sécurité juridique" des élus locaux, réputés noyés sous la paperasserie au point de ne plus oser prendre la moindre décision d'investissement. Les marchés publics, passés par l'Etat ou les collectivités locales, représentent 8% du revenu national, ils sont à l'origine de bien des affaires de corruption. Laurent Fabius relève le seuil à partir duquel il est obligatoire de lancer un appel d'offre aux différents fournisseurs potentiels (de 100 000 à 200 000 euros). Il exonère de toute mise en concurrence les dépenses dites "récréatives" (incluant buffets et petits fours), sportives ou juridiques (y compris les frais d'avocat d'un élu poursuivi).Précédemment tenté de légiférer sur les marchés publics, Alain Juppé avait prudemment renoncé à un débat public sur la question, politiquement trop risqué. En passant par la voie d'un simple décret, et après s'être contenté de consulter quelques élus locaux, Laurent Fabius s'est épargné une mauvaise publicité. Jusqu'à présent, la jurisprudence avait élaboré une définition formelle du délit de favoritisme : seul le non-respect des procédures de marchés publics permettait de condamner des élus. Sous couvert de "simplification", le ministre socialiste les immunise un peu plus. Un an auparavant, le 10 juillet 2000, le vote de la loi Fauchon, du nom du sénateur centriste du Loir-et-Cher, avait réduit la responsabilité pénale des élus : désormais, ils ne peuvent être condamnés que s'ils ont volontairement participé à un délit.Poursuivre un élu de la République relève toujours plus ou moins d'un parcours du combattant. L'oeuvre est parachevée sous le quinquennat de Jacques Chirac. Les grandes affaires restaient encore soumises aux aléas d'un juge d'instruction incontrôlable. La loi Perben II, du nom du garde des Sceaux, promulguée le 9 mars 2004, tend à généraliser les enquêtes préliminaires, menées sous le contrôle exclusif d'un parquet aux ordres, de préférence aux informations judiciaires, instruites par un juge d'instruction inamovible. C'est le cas de l'affaire, qui éclate en septembre 2004, des billets d'avions gratuits dont aurait bénéficié Bernadette Chirac, l'épouse du président de la République. Deux ans plus tard, l'enquête était toujours en cours, dans le plus grand secret, sans possibilité d'intervention extérieure d'un avocat ou d'un magistrat intempestif. Sans l'air d'y toucher, la Vème demeure une République des plus bananières...
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Ces ex-dignitaires libyens qui inquiètent Sarkozy
Victoire militaire en 2011, le dossier franco-libyen peut devenir un boulet judiciaire en 2013 pour Nicolas Sarkozy. Deux juges parisiens enquêtent sur les différents aspects de cette affaire d'Etat. Ils vont notamment avoir la possibilité d'auditionner d'anciens responsables de l'Etat libyen, qui en savent long sur les financements occultes dont auraient pu bénéficier les sarkozystes.Dans la plus grande discrétion, l'avocat historique du régime de Mouammar Kadhafi en France, Me Marcel Ceccaldi, a pris contact fin avril avec Serge Tournaire et René Grouman, les deux juges chargés de l'information judiciaire visant un éventuel financement occulte de la campagne 2007 de Nicolas Sarkozy par l'ancien dictateur. Une enquête ouverte après les accusations spectaculaires, quoique non étayées, de l'intermédiaire Ziad Takieddine, elles-mêmes inspirées par celles proférées, en mars 2011, par Saïf Al-Islam, l'un des fils du "Guide" libyen.Me Ceccaldi – qui fut l'avocat de M. Takieddine – propose aux magistrats de faire témoigner quatre anciens dignitaires kadhafistes parvenus à quitter la Libye au moment de la chute du régime, au printemps 2011. Ces quatre personnes auraient eu connaissance des flux financiers suspects susceptibles d'avoir bénéficié à des politiques français.
NOTICE ROUGE D'INTERPOLIl s'agit de Bachir Saleh, l'ex-directeur du cabinet de Kadhafi, qui vivrait en Afrique du Sud ; d'Abdallah Mansour, un autre ancien conseiller du dictateur, réfugié au Niger ; du général Abdelhafid Massoud, haut responsable de l'armée de Kadhafi, aujourd'hui en Algérie ; et de Sabri Shadi, ex-patron de l'aviation civile libyenne, basé au Liban. Seules exigences fixées par l'avocat : que ses clients soient entendus avec le statut de témoin "sous X", et que la France n'exécute pas la notice rouge d'Interpol les visant, rendant possible leur arrestation.Ces quatre témoins seraient susceptibles de confirmer le soupçon de financement politique de la campagne de M. Sarkozy. Pour autant, Me Ceccaldi conteste l'authenticité d'une note produite par Mediapart en avril 2012 évoquant les mêmes faits. Selon lui, il s'agit d'un "faux grossier". La note, qui n'a été confirmée par aucun de ses signataires supposés, fait l'objet d'une enquête distincte à la suite d'une plainte pour faux déposée par M. Sarkozy.Le dossier judiciaire pourrait aussi concerner le PS. La DCRI a ainsi eu connaissance, en 2012, d'informations, non recoupées, visant le financement par le clan Kadhafi du camp socialiste en 2007. "Des proches des kadhafistes sont venus m'en parler, évoquant une somme de 5 millions d'euros, sans preuves", confirme l'ex-patron de la DCRI, Bernard Squarcini, qui assure avoir "rendu compte de cela à la DGSE".BACHIR SALEH, OBJET DE TOUTES LES ATTENTIONS DU POUVOIR SARKOZYSTEL'ex-ministre Roland Dumas aurait joué les intermédiaires. Ce dernier conteste formellement et déclare au Monde : "J'ai reçu de l'argent pour défendre M. Kadhafi, en 2011, en tant qu'avocat. Ce sont les seules sommes que j'ai perçues des autorités libyennes."Homme-clé de l'affaire, Bachir Saleh, qui connaissait les secrets financiers du régime kadhafiste, a été l'objet de toutes les attentions du pouvoir sarkozyste. Arrivé en France le 23 novembre 2011, via la Tunisie, grâce à l'intermédiaire Alexandre Djouhri, il va être pris en charge par Bernard Squarcini, proche de Nicolas Sarkozy.Dans deux notes "Confidentiel Défense" du 7 février 2012, dont Le Monde a eu connaissance, M. Squarcini écrit au préfet de police de Paris pour lui demander d'intervenir en faveur du couple Saleh. "Je vous saurais gré de bien vouloir faire délivrer une autorisation provisoire de séjour, de six mois", à M. et Mme Saleh, écrit le chef du contre-espionnage. Les choses ne traînent pas. Dès le lendemain, le 8 février 2012, Jean-Louis Fiamenghi, le directeur du cabinet du préfet de police, écrit au directeur de la police générale pour le "prie(r) de bien vouloir lui délivrer une autorisation provisoire de séjour pour une durée de six mois".Dès le mois d'août 2011, c'est la DGSE qui avait été mobilisée pour exfiltrer de Libye, au cours d'une opération clandestine maritime, Mme Saleh et ses enfants. M. Squarcini ne conteste pas avoir veillé au séjour de M. Saleh en France, mais réfute avoir essayé de protéger un homme détenteur de secrets inavouables de la "Sarkozie" : "Il a joué le rôle d'intermédiaire entre la cellule diplomatique de l'Elysée et le Conseil national de transition (CNT), il pouvait permettre d'éviter la guerre civile."Selon M. Squarcini, "c'est à la demande du Quai d'Orsay que j'ai été voir trois fois Bachir Saleh". Mais Bachir Saleh ne tient pas ses promesses de discrétion, il déploie une activité débordante dans l'Hexagone. "J'ai dû le convoquer pour lui expliquer que s'il manquait à ses engagements, il serait "shooté" c'est-à-dire dégagé du pays", confirme M. Squarcini.Suivi pas à pas par le contre-espionnage, Saleh sollicite Dubaï pour obtenir un passeport (il a déjà un passeport diplomatique du Niger), contacte l'avocat israélien du fils Kadhafi, tente d'acheter un bien immobilier à Garches (Hauts-de-Seine) fin 2011, rencontre Nesrine Ben Ali, fille du dictateur tunisien, à Carrières-sur-Seine (Yvelines) en avril 2012, se rend en Corse chez l'ancien député européen (PRG) Michel Scarbonchi...D'après M. Squarcini, il existe "des notes sur tout ça à la DCRI, à la DGSE, au Quai d'Orsay mais aussi à la cellule diplomatique de l'Elysée". Il affirme que c'est Jérôme Bonnafont, directeur du cabinet d'Alain Juppé au ministère des affaires étrangères, qui lui "écrivai(t) pour qu'on s'occupe de gérer Saleh". Sollicité par Le Monde, M. Bonnafont assure n'avoir "aucun souvenir de l'affaire Saleh". Le 28 avril 2012, la publication de la note de Mediapart, en pleine campagne présidentielle, va entraîner la panique au sommet de l'Etat.ATTESTATION DE MORALITÉLes sarkozystes craignent-ils les révélations de Bachir Saleh, si ce dernier venait à être arrêté ? En tout cas, le 3 mai, à 72 heures du second tour, Saleh est exfiltré via un avion privé qui part du Bourget, et affrété, selon la DCRI, par l'incontournable Alexandre Djouhri – qui a refusé de répondre au Monde.Auparavant, le 29 avril, M. Saleh a fait adresser, via Me Pierre Haïk, un communiqué rejetant sa "connaissance ou participation" à un financement occulte de M. Sarkozy. Me Haïk dément avoir agi en service commandé : "C'est le conseiller du président du Togo, Charles Debbasch, que je défends, qui m'avait demandé début 2012 si je pouvais régler l'histoire du mandat d'arrêt visant Saleh en France. Je m'en suis occupé, puis il a disparu en mai et je n'ai plus jamais eu de ses nouvelles."Dans l'intervalle, l'avocat a obtenu une attestation de moralité de Dominique de Villepin (très proche de M. Djouhri). Dans cette lettre, du 2 avril 2012, l'ex-premier ministre "atteste que M. Bachir Saleh a participé à plusieurs reprises à des négociations pour trouver un accord entre les parties libyennes tout au long du printemps et de l'été 2011".
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ZOOM - Yvan Stefanovitch
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Rappel : François Hollande assume les hausses d'impôts
D'un François Hollande à l'autre. Après s'être présenté en ennemi de la finance, lors de son discours du Bourget, le candidat socialiste a endossé hier à la Maison des métallos, à Paris, son costume de comptable. Devant un parterre de journalistes et en présence des leaders du PS, Martine Aubry, Ségolène Royal ou encore Laurent Fabius, François Hollande a présenté ses 60 engagements pour la France. Il en a surtout détaillé le financement. 29 milliards pour résorber le déficit et 20 milliards de propositions nouvelles. "Lucide" sur la crise, le candidat assume les hausses d'impôts à venir.Le socialiste réfute à l'avance le procès qu'il sent monter à droite. La hausse des prélèvements qu'il envisage est "exactement la même que celle que prévoit le gouvernement actuel", assure-t-il. "Alors que nul ne vienne sur ce terrain-là : laisser penser que la gauche augmenterait les impôts et que la droite les baisserait", met-il en garde. Pour réduire comme promis à 3% en 2013 le déficit, 29 milliards d'euros seront nécessaires. "Le grand débat de cette élection, ce n'est pas les 29 milliards un peu plus ou un peu moins, c'est qui va les payer", martèle-t-il. Il détaille : 17,3 milliards à la charge des entreprises et 11,8 milliards en faisant contribuer les ménages aisés, selon lui. François Hollande tient sa cible : "Ceux-là mêmes qui ont reçu beaucoup, beaucoup trop du président sortant et de la majorité." En clair, les riches. François Hollande ne les a jamais beaucoup aimés.Mais à droite, on juge que les classes moyennes seront frappées par la hausse des impôts. "C'est un programme essentiellement dédié au matraquage fiscal des classes moyennes", a déclaré Jean-François Copé. Ce dont François Hollande se défend, notamment lorsqu'il évoque sa réforme du quotient familial, qui ne touchera pas les ménages dont les revenus sont inférieurs à "six smic". Le candidat socialiste en profite aussi pour s'en prendre au bilan de Nicolas Sarkzoy : "Ces classes moyennes, elles ont été ponctionnées pendant cinq ans".Réformes puis redistributionPour paraître crédible, François Hollande a assorti sa plate-forme présidentielle de tableaux chiffrés sur le désendettement ou la croissance. Pour 2012, il mise sur 0,5% de croissance puis, pour 2013, sur 1,7%, avant de renouer avec une trajectoire de 2%. Soit des estimations délibérément inférieures à celles de la majorité. "Personne ne me prendrait au sérieux si je prenais comme taux de croissance celui du gouvernement", ironise-t-il. S'il était élu et que l'actuel gouvernement ait finalement eu raison, celui lui permettrait alors de bénéficier d'une cagnotte fiscale. De toute façon, François Hollande prévoit deux temps dans son quinquennat, en cas de victoire : d'abord les réformes de structures, ensuite la redistribution. C'est dans cette deuxième étape, à condition d'avoir les moyens nécessaires, qu'il inscrit notamment l'allocation d'autonomie sous condition de ressources, pour les jeunes.Si François Hollande a donc tranché et précisé ses propositions, sur le fond, il n'y a rien de nouveau dans les 42 pages du petit livre qu'il a dévoilé. Les propositions étaient déjà toutes connues : elles sont raccord avec le projet du PS, même si certaines ont été rognées, compte tenu du contexte économique. Par exemple les emplois d'avenir : la promesse porte sur 150 000 contrats et non plus 300 000. Comme les postes de policiers : 5 000 sur 5 ans et non plus 10 000. "Quand les objectifs de croissance sont divisés par deux, il faut s'adapter", reconnaît le porte-parole du PS, Benoit Hamon.Sur France 2, François Hollande a assuré le service après-vente de ses propositions. Avec pour contradicteur le ministre des Affaires étrangères, Alain Juppé. "C'est plus important pour Alain Juppé que pour François Hollande", s'amuse Pierre Moscovici. "Alain Juppé est candidat à Matignon, François Hollande est candidat à l'Élysée". Pour le socialiste, l'exercice avait quand même un objectif : montrer sa solidité face à l'ancien premier ministre. Avec ces échanges, François Hollande a clos une semaine clé pour lui. Il fallait lever les doutes sur sa campagne et répondre aux accusations sur son positionnement. "Il savait que c'était important pour lui", rapporte Manuel Valls.Le Figaro N°20 991
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Une sortie de l’euro est nécessaire si l’on veut éviter une catastrophe en France, mais aussi en Europe
L’économiste souverainiste n’en pose pas moins expressément trois conditions de réussite : établissement d’un contrôle des mouvements de capitaux, remise de la Banque de France sous tutelle gouvernementale, réutilisation du levier des taux d’intérêt
Pour la plupart des spécialistes, une sortie de la France de la zone euro serait une catastrophe. Pas pour Jacques Sapir. L’économiste souverainiste renverse même la perspective en expliquant qu’“une sortie de l’euro est nécessaire si l’on veut éviter une catastrophe non seulement en France, mais aussi en Europe”. Balayant les unes après les autres les objections avancées contre cette sortie – les traités ne la prévoient pas, les dettes exploseraient, etc. – Jacques Sapir n’en pose pas moins expressément trois conditions pour une sortie réussie de l’euro : établissement d’un contrôle des mouvements de capitaux, remise de la Banque de France sous tutelle gouvernementale, réutilisation du levier des taux d’intérêt. “Il s’agit ni plus ni moins de passer d’une situation de libéralisation financière totale à une situation de finance contrôlée” explique-t-il en esquissant en détail le scénario de cette bascule lors d’un week-end qu’il qualifie lui-même de “crucial”. Mais pour Jacques Sapir, aucun doute, l’opération ne peut être que bénéfique. “L’incertitude ne porte pas sur la mécanique de ce changement, qui est assez bien maîtrisée, mais sur ses effets. Ces derniers seront-ils positifs ou… très positifs ?” lance-t-il avec une belle assurance.
Propos recueillis par Philippe Plassart
Une sortie de l’euro est possible et nécessaire si l’on veut éviter une catastrophe, non seulement en France mais aussi en Europe. Or si la France sort de l’euro, alors l’euro se disloquera à coup sûr et n’existera plus en réalité. Cela veut dire que les Français – et avec eux les Italiens – ont d’une certaine manière l’avenir de l’Europe entre leurs mains. Cela relève de leur responsabilité. La zone euro se désagrégerait parce que le choc de compétitivité consécutif à la sortie de la France – et/ou de l’Italie – sera beaucoup trop élevé à supporter par les autres pays. L’effet de dislocation serait rapide : si l’Italie sortait la première de la zone, la France lui emboîterait nécessairement le pas quelques semaines après. Et si la France décidait de sortir la première, l’Italie sortirait en même temps. Je pense à l’Italie parce que quand on regarde les statistiques de croissance de ce pays, notamment l’évolution du PIB par habitant, la situation est dramatique. Et en Italie, le scénario d’une sortie de l’euro est ouvertement posé sur la table, que ce soit par le mouvement 5 étoiles, Forza Italia (qui est l’équivalent un peu plus à droite des Républicains chez nous) ou Berlusconi, qui se montre de plus en plus eurosceptique.
L’euro, un handicap pour la croissance
La sortie de l’euro est souhaitable et possible. Elle est souhaitable parce que l’on constate que la croissance dans la zone, y compris l’Allemagne, est durablement depuis 1999 inférieure, de l’ordre 1 point, à la croissance des autres pays européens hors zone euro. Et si on retire l’Allemagne, l’écart de croissance au détriment de la zone euro est encore plus élevé (1,3 %). Sur une quinzaine d’années, le gap est considérable. Le décrochage se fait sentir avant même la création de l’euro dans les années 1996/1999, c’est-à-dire à partir du moment où les pays font des efforts d’ajustement, en vue précisément de se qualifier dans la zone euro. Depuis lors, tous les pays hors de la zone euro, que ce soit la Norvège, la Suède ou la Grande-Bretagne, font mieux que les pays de la zone. Mais ce qui est encore plus impressionnant, c’est ce qui se passe au niveau de l’investissement.
“On constate que la croissance dans la zone, y compris l’Allemagne, est durablement depuis 1999 inférieure, de l’ordre 1 point, à la croissance des autres pays européens hors zone euro”
Dans la zone euro, celui-ci stagne et est toujours à peu de chose près à son niveau de 1999. Et rapporté à la population, le recul du flux d’investissement par tête – le ratio qui compte, car c’est lui qui conditionne la croissance future d’une économie – est tout à fait impressionnant, sauf en France où l’investissement public a été maintenu au prix d’un déficit important des finances publiques. Mais même en tenant compte de cette spécificité, l’investissement par tête demeure inférieur depuis 1999 en France par rapport à la Grande-Bretagne, et très inférieur par rapport à la Suède. Ce déficit de croissance et d’investissement s’explique par le frein qu’exerce l’euro du fait de l’impossibilité d’ajuster le change vis-à-vis en particulier de l’Allemagne, et qui pèse sur la compétitivité. Cet effet est très visible sur l’agriculture. Il y a un point extrêmement important qui doit être pris en considération : les besoins d’investissement sont en France très différents de l’Allemagne. Outre-Rhin, l’investissement est trop faible, ce qui est dommageable, mais en même temps, les besoins sont moindres du fait de la diminution de la population.
Le corset préjudiciable d’un change fixe
Si nous étions restés avec les monnaies nationales, le franc se serait déprécié de 10 % par rapport au cours de l’euro actuel, tandis que le mark se serait apprécié d’environ 25 % à 30 %. Cet ajustement monétaire – au total de l’ordre de 40 % – qui n’a pas eu lieu explique la quasi-totalité des difficultés du porc et du lait français qui souffrent de la concurrence allemande. Il y a d’une part cet effet de la fixité des changes, et il y a eu aussi l’effet de la surévaluation de l’euro vis-à-vis du dollar entre 2002 et 2014. L’euro, avant d’être une monnaie, est avant tout un système de change fixe intra-européen qui rend impossible les ajustements pourtant nécessaires.
“Si nous étions restés avec les monnaies nationales, le franc se serait déprécié de 10 % par rapport au cours de l’euro actuel, tandis que le mark se serait apprécié d’environ 25 % à 30 %”
De ce point de vue là, il est comparable à l’étalon or dans les années 30 qui a joué, à l’époque, un rôle néfaste dans l’approfondissement de la crise. Il est essentiel de laisser la possibilité aux monnaies s’ajuster, en particulier en période de crise. Certes bien sûr, dans un régime de changes flottants, la spéculation existe, mais cette dernière peut être largement combattue par des politiques de contrôle des capitaux. Le change fixe nous oblige à mener une politique de dévaluation interne en pesant sur les salaires et sur l’emploi. Ce qui ne va pas sans poser de problèmes politiques. Dans les pays à faible croissance, le chômage augmente, ce qui accroît les problèmes sociaux. D’après mes calculs, environ 1,1 million de chômeurs supplémentaires en France peuvent être attribués à l’euro sur la période 2008-2015. Et l’on retrouve la même équation en Italie ou en Espagne du fait des politiques d’ajustements mise en place pour “sauver” la zone euro.
Le risque d’une voie fédérale au rabais
Deuxième point, tout aussi important : la constitution de l’euro a retiré l’arme de la politique monétaire des mains du gouvernement. Et par voie de conséquence, dans un système de change fixe, l’autonomie de la politique budgétaire. Un abandon qui a même été institutionnalisé par le TSCG [traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, ndlr] voté en septembre 2012. Résultat : les Parlements nationaux, quand ils votent le budget, deviennent de pures chambres d’enregistrement, ce qui fait éclater l’un des fondements de la démocratie.
“Le seul moyen pour faire coexister des États ayant des économies et des structures très différentes, à l’instar des États fédérés des États-Unis, c’est l’existence d’un budget fédéral tout à fait important”
Le seul moyen pour faire coexister des États ayant des économies et des structures très différentes, à l’instar des États fédérés des États-Unis, c’est l’existence d’un budget fédéral tout à fait important (aux États-Unis, les dépenses fédérales représentent 60 % des dépenses totales). Mais cela impliquerait au premier chef l’acceptation par l’Allemagne d’une multiplication par 6,5 du montant des transferts bruts, de 41 milliards d’euros aujourd’hui à 240 milliards, voire 280 milliards. Soit l’équivalent de huit points de son PIB. Ce qui est impensable. Dans ces conditions, le pire risque serait d’emprunter une voie fédérale au rabais, c’est-à-dire où les décisions fiscales et budgétaires seraient fédéralisées, mais sans flux de transfert. Ce scénario serait la chronique de la mort annoncée de nos économies.
L’euro, un processus réversible
On connaît les objections à une sortie de l’euro. La première : elle n’est pas prévue dans les traités. Il faut faire preuve d’un minimum de réalisme : en politique, les traités, “on s’assoit dessus”. Les traités ne servent que les jours de beau temps, pas dans la tempête. C’est si vrai que durant la dernière crise grecque, certains n’ont pas hésité à menacer d’expulser la Grèce de la zone euro, procédure qui n’est pourtant pas prévue dans les traités ! Si l’hypothèse d’une expulsion d’un pays de la zone euro est envisageable, pourquoi une sortie volontaire ne le serait-elle pas ? Un autre argument est parfois mis en avant contre une sortie de l’euro : les liaisons inextricables des contrats libellés en euros entre eux. Un faux argument : tous les contrats peuvent être re-libellés dans les monnaies anciennes. C’est si vrai que les banques londoniennes ont maintenu dans leurs comptes des lignes avec les monnaies préexistantes des pays de la zone euro. Même si elles sont inscrites à zéro, des lignes en francs français existent toujours à Londres ! Et il y en a aussi en deutschemarks, en lires, en pesetas… Du jour où la zone euro est dissoute, il sera possible instantanément de re-libeller les contrats.
Le quasi faux problème des dettes
Les arguments avancés contre une sortie de l’euro jouent sur la peur irrationnelle et sur la méconnaissance de la population. Les sujets étant techniques, on peut facilement effrayer les gens. En ce qui concerne la dette publique, le principe de base est que la dette est libellée dans la monnaie du pays signataire du contrat. Pour l’heure, la dette française est libellée en euros, puisque la monnaie ayant cours légal en France est l’euro. Mais si demain, la France décide que sa monnaie redevient le Franc, la dette française sera libellée en francs. Ce principe figure dans tous les manuels de droit. Actuellement, à peine 3 % de la dette publique française n’est pas libellée depuis Paris, mais en contrats étrangers (essentiellement des contrats négociés à la City). Cette proportion est beaucoup plus élevée dans un seul pays, la Grèce, qui a, à cause de la crise, émis beaucoup de titres de dette non pas depuis Athènes mais depuis Francfort, voire Paris. En cas de dissolution de la zone euro, les Grecs auraient de ce fait un problème et devraient probablement faire défaut sur leur dette. Mais pour la France, les choses se présenteraient très différemment.
“Si demain, la France décide que sa monnaie redevient le Franc, la dette française sera libellée en francs”
La dette en euro serait convertie en franc au cours de un pour un. Puis en fonction de l’évolution du franc, qui est appelé à se déprécier – c’est l’un des buts recherchés – sur le marché des changes. Mais par rapport à la lire qui nous accompagne dans le mouvement, la situation française sera plus favorable. Et puis parallèlement, la France (et l’Italie) mettrait en place un circuit de financement interne en opérant une sorte de renationalisation de la dette. Et comme dans ce scénario, l’économie se redresse – et avec elle les comptes publics –, les besoins de financement de la dette se réduisent pour ne concerner que les émissions de renouvellement de la dette arrivée à maturité. L’enjeu ne porte plus que sur la partie “roulée” de la dette. Un raisonnement rassurant peut aussi être tenu pour la dette des ménages, qui ressort à 98,5 % du droit français. Le problème ne se pose que pour une partie infime de la dette des ménages (1,5 %).
Pour la dette des entreprises, le problème est plus compliqué – pas pour les PME et ETI qui se sont endettés avec des contrats de droit français, mais pour les grandes entreprises, pour qui les contrats en droit étranger représentent 40 % du montant de leur dette. Sauf que si une partie de leurs dettes est réévaluée vis-à-vis des monnaies en hausse par rapport au franc, leur chiffre d’affaires réalisé dans ces pays le sera tout autant. Si bien que pour elles, les choses s’équilibrent à peu près. Quant aux banques et aux assurances, elles ont largement rapatrié leur capital après la crise financière et ont recentré leur activité en France. L’impact global d’une sortie de l’euro serait, via les comptes de leurs filiales étrangères, des pertes comprises entre 0 et au pire 5 milliards d’euros. Il n’y a que pour les banques et les assurances espagnoles que les dégâts ont une certaine ampleur, ce qui pourrait justifier le maintien d’aides européennes de façon transitoire pour lisser le choc. Au total, quand on prend tous les compartiments de la dette, le retour aux monnaies nationales ne pose pas de problème insurmontable, excepté pour la Grèce. L’hypothèse d’une nécessaire renationalisation des banques ne concerne que les pays qui subiraient un choc bancaire important – la Grèce et sans doute l’Espagne, mais pas la France.
Les trois conditions d’une sortie de l’euro réussie
Les taux de change correspondent fondamentalement à l’état des balances des paiements et à des balances commerciales qui jouent comme force de rappel. C’est la raison pour laquelle nous tablions dans un chiffrage établi en 2013 avec Philippe Murer [Philippe Murer a rejoint le Front national en 2014 et est devenu conseiller économique de Marine Le Pen, ndlr] et Cédric Durand sur une dépréciation du franc de l’ordre de 10 %, qui pourrait aller, cela n’est pas à exclure, jusqu’à -20 %. Il y aurait en même temps un mouvement inverse d’appréciation du deutschemark. Ces mouvements justifieraient que l’on réintroduise entre les pays des mécanismes de contrôle des mouvements de capitaux. Ce sera même indispensable. Comme il sera indispensable de rehausser encore le niveau de surveillance du système bancaire dans la ligne du renforcement opéré dans le cadre de l’Union bancaire. Enfin, il faut passer à un nouveau mode de financement de la nouvelle dette, pas de la dette ancienne. Et à cette fin, il faudra renationaliser la Banque de France en vue de rompre avec le cadre financier mis en place à l’occasion du traité de Maastricht. Cet élément est clé : il faut que la Banque de France puisse racheter de la dette publique en monétisant partiellement cette dernière. C’est une mesure extrêmement importante de nature à faire pivoter le système financier français vers un cadre dit de “répression financière”, celui-là même qui est de plus en plus défendu par les experts du FMI, par opposition à la finance libéralisée.
“Ces mouvements justifieraient que l’on réintroduise entre les pays des mécanismes de contrôle des mouvements de capitaux”
Répression financière ? Je n’aime pas trop cette terminologie qui laisse croire que l’on “réprime” la finance. Concrètement, ce cadre repose premièrement sur la remise de la Banque centrale sous la tutelle du gouvernement. La Banque centrale, redevenue l’instrument du gouvernement, peut racheter une partie des titres de dette publique à des taux qui peuvent être à zéro. Un rachat à l’émission de 20 à 30 % des titres de dette constitue une enveloppe suffisante pour assurer la liquidité du marché interbancaire, il est inutile que la Banque centrale achète 100 % des titres. La Banque centrale doit ensuite reprendre la main sur la fixation des taux d’intérêt, comme le Conseil national du Crédit l’a fait dans les années 60 ; de la sorte, elle pourra imposer une baisse des taux d’intérêt réels. Il est vrai que les taux d’intérêt nominaux n’ont jamais été aussi bas qu’actuellement mais parallèlement, l’inflation n’a jamais été aussi basse, si bien qu’on se retrouve avec des taux d’intérêt réels élevés, de l’ordre de 3 à 4 %.
“Les taux d’intérêt nominaux n’ont jamais été aussi bas qu’actuellement mais parallèlement, l’inflation n’a jamais été aussi basse, si bien qu’on se retrouve avec des taux d’intérêt réels élevés, de l’ordre de 3 à 4 %. Des niveaux de taux meurtriers”
Des niveaux de taux meurtriers pour les entreprises et pour les financements des grands projets d’investissements, qui requièrent des taux de 1 %, voire 1,5 % au maximum. Pouvoir actionner le levier des taux d’intérêt sur l’économie est indispensable. Or dans un système de liberté totale de circulation des capitaux, cette reprise en main n’est pas possible. Ré-introduire le contrôle des capitaux, reprendre le contrôle de la Banque de France et de la fixation des taux d’intérêt : ces mesures forment un tout indissociable et nécessaire qui s’appelle la politique de répression financière. Est-ce une rupture ? Assurément oui par rapport à ce qui existe aujourd’hui, mais pas par rapport au passé. Ce système, qui est celui qui fonctionne en Chine et dans d’autres pays, nous renvoie au modèle de financement de l’économie qui prévalait grosso modo jusqu’à la fin des années 70. Si le contrôle des mouvements de capitaux à court terme est impératif, il n’y a en revanche aucune raison de contrôler les mouvements de capitaux à long terme. Actuellement, sur les marchés des changes, 97 % des volumes traités sont à moins de trois jours.
Les jours cruciaux du scénario de sortie
Le candidat qui fera la proposition de sortir de l’euro devra indiquer vers quoi il veut diriger le pays – “l’euro est condamné, il faut retrouver notre souveraineté monétaire” – mais il ne doit rien dire quant aux moyens ne serait-ce que pour maintenir les marchés dans un état d’incertitude. Par contre, dès qu’il sera élu et qu’il aura pris ses fonctions, ce (ou cette) Président(e) devra agir très vite, parce que de toutes les manières, la France sera l’objet d’attaques spéculatives importantes. À ce stade, l’idée d’organiser un référendum sur la sortie de l’euro post-élection présidentielle ne tient pas opérationnellement. Une attaque spéculative – avec hausse brutale des spreads sur les taux d’intérêt – pourrait toutefois servir au nouvel exécutif pour considérer que le bon fonctionnement des institutions est mis en cause. Un constat qui pourrait lui donner une bonne raison de déclencher l’article 16. Cela lui permettrait dans une période pas nécessairement très longue de prendre des mesures décisives, comme d’organiser la sortie de l’euro, prendre le contrôle sur la Banque de France, instaurer le contrôle des capitaux, avoir un œil sur les banques pour être sûr qu’elles ne fassent pas de bêtises.
Personnellement, je ne fais pas trop confiance à nos banquiers. Il n’y a qu’à voir le lobby d’enfer qu’ils ont fait pour éviter de séparer les banques de dépôts des banques d’affaires… L’impératif sera dans ces circonstances d’agir vite, impérativement en moins d’un mois et même plus vite dans la mesure du possible. La sortie de l’euro sera une opération importante en termes de mesures à prendre sur le plan réglementaire. Il s’agit ni plus ni moins de passer d’une situation de libéralisation financière totale à une situation de finance contrôlée. Une bascule qui doit être techniquement préparée très soigneusement en amont, avant même l’élection présidentielle. Mais une fois la mécanique lancée, les événements peuvent se dérouler vite. L’annonce de la décision de sortir doit naturellement être prise en concertation avec les autres membres de la zone euro. Le Président français téléphone à la chancelière allemande, au président du conseil italien, au Premier ministre espagnol pour leur annoncer l’intention de la France de sortir de la zone euro.
“L’impératif sera dans ces circonstances d’agir vite, impérativement en moins d’un mois et même plus vite dans la mesure du possible”
Et il leur demande s’ils sont d’accord pour décider une auto-dissolution de la zone à l’occasion d’une conférence qui aurait lieu quelques jours plus tard ou, s’ils préfèrent, laisser les Français agir seuls. Dans cette dernière hypothèse, le Président français en prendrait acte et il n’y aurait rien à négocier. L’essentiel sera de tenir le cap et de savoir par quel chemin y aller. Ces heures cruciales devront être naturellement les plus courtes possibles pour ne pas laisser le temps aux marchés d’imaginer d’autres scénarios – les marchés sont très imaginatifs ! – qui pourraient contrecarrer la marche à suivre. Il faudra savoir où aller, comment, et s’y tenir. Des instruments spécifiques peuvent être mobilisables mais à ce stade, je préfère rester discret sur eux.
“Le scénario de loin préférable est le suivant :”
1) Décision de sortie prise dans la nuit du vendredi au samedi. 2) Information et consultation de nos partenaires le samedi. 3) Mise en place des instruments techniques de la sortie le dimanche. 4) Bascule opérationnelle le lundi matin, plaçant les marchés – et les agents économiques – devant le fait accompli. Les euros s’appellent les francs, actifs et dettes sont libellés en francs. J’ai testé ce scénario auprès de professionnels. Il tient la route. Ce qui a été fait dans un sens – passer en 1999 des monnaies nationales à l’euro –, il est possible de le faire dans l’autre sens. Sans doute faudra-t-il fermer la bourse et le marché des changes pendant trois jours. Un laps de temps qui ne pose pas de problèmes majeurs. Certes, il y aura certainement inévitablement des tentations de fuites de capitaux. Ce ne sont pas les valises qui sont les plus déstabilisantes, mais les comptes des entreprises. Il faudra être extrêmement vigilants.
Les effets attendus d’une sortie de l’euro
Certes tout n’est pas prévisible et il demeure des incertitudes. Pour moi, l’incertitude majeure ne porte pas sur la mécanique de ce changement, qui est assez bien maîtrisée, mais sur ses effets. Ces derniers seront-ils positifs ou… très positifs ? D’après les premiers calculs de Cédric Durand et Philippe Murer, une sortie de l’euro générerait 3,5 millions d’emplois. Une estimation haute car passé le lot des nouvelles embauches, les plus faciles à réaliser, la situation du marché tend à se durcir au fur et à mesure qu’elle concerne les salariés les moins bien formés. Si bien que nous avons convenu avec mes deux collègues de réduire l’effet net positif prévisible à 2 millions d’emplois. Ce qui n’est déjà pas si mal.
L’idée d’un Front de libération nationale
J’ai parlé de la constitution d’un Front de libération nationale, terme qui a été employé pour la première fois par Stefano Fassina, un ancien ministre italien et ancien dirigeant du PCI. Mon approche est ici plus politique qu’économique. Ce front pourrait inclure toute une série de partis, on pense au Parti de Gauche et à Debout la France, mais aussi inclure une partie des députés issus des Républicains, l’aire politique des partisans d’une sortie de l’euro étant assez large. Les évolutions récentes du discours des dirigeants du Front national posent désormais le problème de sa possible participation.
“La bataille de l’euro doit amener à des rapprochements, même avec des gens avec qui on peut avoir de graves désaccords”
Quoi qu’il en soit, la bataille de l’euro doit amener à des rapprochements, même avec des gens avec qui on peut avoir de graves désaccords, car on voit bien que parmi les partisans de l’euro se constitue une “sainte alliance” des possédants, bien décidée à tout faire pour conserver l’euro. Il faut ici citer Louis Aragon qui, dans le poème ‘La Rose et le Réséda’, écrivait en 1943 ceci : “Celui qui croyait au ciel / Celui qui n’y croyait pas / (…) Quand les blés sont sous la grêle / Fou qui fait le délicat / Fou qui songe à ses querelles / Au cœur du commun combat”.
Une approche globale de la souveraineté
La souveraineté, qui est nécessaire pour l’exercice de la démocratie, ne se découpe pas en tranches. Elle est globale et doit inclure la souveraineté monétaire. Mon plaidoyer pour un retour au franc ne repose que très peu sur l’idée qu’il faudrait à tout prix récupérer ce symbole de notre souveraineté – un argument somme toute assez limité – mais sur le constat des effets néfastes de l’euro sur notre économie, notre société politique, et plus généralement sur la société française. Mon approche de la souveraineté relève de la question de la démocratie. Il y a eu historiquement – et il y a encore – beaucoup d’États souverains qui n’étaient pas démocratiques, mais on ne compte pas un seul État démocratique qui n’est pas souverain. Le droit ne peut être défini uniquement en légalité, il doit l’être aussi en légitimité. Le pouvoir de dire ce qui est légal, une cour, un tribunal l’ont, mais dire le juste renvoie nécessairement à un consensus social qui ne peut se forger qu’au sein d’un corps politique rassemblé et capable de prendre des décisions.
“Il y a eu historiquement – et il y a encore – beaucoup d’États souverains qui n’étaient pas démocratiques, mais on ne compte pas un seul État démocratique qui n’est pas souverain”
C’est cela pour moi la souveraineté. Cette conception n’a rien à voir avec une approche beaucoup plus fondamentaliste de la souveraineté, qui renverrait par exemple à l’idée même de Dieu… La Banque centrale européenne est ainsi un organisme légal mais qui n’a pas de légitimité, non pas au sens où elle n’est pas légitime à faire ce qu’elle fait, mais elle n’a pas de légitimité au sens où elle n’exprime pas un peuple européen. Certes, la théorie même de la souveraineté accepte l’idée de transferts de souveraineté, mais elle ne parle pas d’abandons. Et une délégation de transferts dans un sens, une décision en sens inverse peut l’annuler. C’est un processus réversible. La démocratie ne peut exister que dans le cadre national. Pour qu’il y ait démocratie en Europe, il faudrait qu’il y ait un peuple européen. Or ce dernier n’existe pas. Le fait de revendiquer le souverainisme n’implique pas de vouloir constituer un isolat sans avoir de contact avec les autres. Les relations entre pays, l’histoire l’a montré, peuvent être coopératives, voir Ariane ou Airbus, qui étaient au départ des projets entre nations avant de devenir européens. Le retour au franc est un moyen de reconstruire la démocratie, que ce soit la démocratie politique, économique ou sociale. Il doit permettre la nécessaire remise en cohérence de ces trois plans, notamment par la lutte contre le chômage et les discriminations, afin de redonner à chacun le contrôle de ses conditions d’existence. Un objectif qui ne me paraît pas possible sans une monnaie nationale.
Jacques Sapir est docteur en économie, spécialiste de l’ex-URSS et la Russie, directeur de recherches à l’EHESS. Il a présenté en 1986 sa thèse sur les modes de régulation de l’économie soviétique sous la direction de Michel Aglietta. Il dirige depuis 1996 le Centre d’études des modes d’industrialisation de l’EHESS, et enseigne en parallèle à l’Ecole économique de Moscou. Économiste à la gauche de la gauche, convaincu du “retour des nations” et de la nécessité du protectionnisme, il s’est progressivement rapproché de la mouvance souverainiste dont il plaide le regroupement des composantes sous l’égide d’un Front de libération nationale, dont il n’exclut plus expressément, dans cet entretien, le Front national. Signe révélateur : il est intervenu, via une vidéo enregistrée dans un atelier consacré au thème “L’Europe après le Brexit”, au rassemblement du Front national de Fréjus le 17 septembre dernier.
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Cette Union européenne des élites privilégiées qui ruine les peuples
Hallucinant mais tellement prévisible :
"Seize anciens commissaires européens de la Commission José Manuel Barroso, qui ont quitté leur poste en 2014, perçoivent toujours des versements mensuels de plus de 8000 euros, rapporte l’hebdomadaire allemand Die Zeit.
Cela s’appelle l’allocation transitoire. Elle permet d’éviter des conflits d’intérêts et d’empêcher les commissaires d’accepter des postes clés dans les secteurs de l’industrie immédiatement après avoir quitté leur poste à la Commission européenne. Le problème ? Ces allocations sont l’équivalent de leur salaire d’antan qui était alors faramineux (...).
On y apprend que la plupart de ces commissaires concernés ont depuis belle lurette retrouvé de hauts postes extrêmement bien rémunérés« en tant que lobbyistes, gestionnaires ou membres d’autres bureaux politiques » (...)"
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Taxe foncière : des records de hausse
Être propriétaire d’une maison ou d’un appartement, c’est avantageux. Cependant, n’oublions pas les charges qui vont avec. L’une des plus importantes est la taxe foncière, et le montant augmente de plus en plus chaque année, notamment dans certaines régions.
La taxe foncière, c’est quoi au juste ?
La taxe foncière est un impôt dont tous les propriétaires d’un bien immobilier doivent s’acquitter chaque année. Cette somme est ensuite remise aux régions respectives. Cet impôt est à payer en plus de la taxe d’habitation s’il s’agit de votre résidence principale. Le montant à payer dépend de chaque commune.
À chaque commune sa taxe.
En effet, le montant de la taxe à payer varie selon chaque commune. Elle fixe un taux d’imposition (qui est voté par les collectivités locales). C’est à partir de ce taux que le montant de la taxe est calculé, ainsi qu’en fonction de la valeur locative cadastrale du bien imposable.
Pour faire clair, c’est ce taux d’imposition qui fait varier le montant de la taxe à payer par zone géographique.
Évolution des taxes foncières.
Si l’on se réfère aux chiffres publiés par l’UNPI (Union National des Propriétaires Immobiliers), les communes sont de plus en plus gourmandes en matière de taxes foncières. Entre 2010 et 2015, le montant de cet impôt a connu une forte hausse, et cela, sur toute la France (+14,7% en 5 ans).
Résultat, la facture s’alourdit pour les propriétaires immobiliers, spécialement dans la défiscalisation immobilière. La plus forte hausse concerne les propriétaires de la région lilloise, où la taxe a augmenté de 23% depuis 2010. Les habitants d’Angers ne sont pas en reste, ainsi que ceux de Clermont-Ferrand, Lyon ou encore Créteil, avec une hausse respective de près de 20%.
Toutefois, certaines villes ont choisi de ne pas mettre la barre trop haute. Des villes comme Grenoble, Nice ou encore Roubaix ont enregistré une hausse d’environ 7%, toujours depuis 2010.
Et l’année 2016 ?
Le bilan publié par l’UNPI le 13 octobre dernier est sans appel. Pour l’année 2016, la liste des départements qui ont choisi d’augmenter la taxe foncière s’est allongée par rapport à l’année 2015. Pas moins de 35 départements ont augmenté le montant de leurs taxes foncières cette année.
La palme de la hausse la plus importante revient au département des Yvelines avec une augmentation de… 68%. C’est tout simplement le record en matière de taxe foncière.
Cette hausse parait démesurée comparé aux chiffres enregistrés dans le Val d’Oise, le Nord, et le Loir-et-Cher, qui affichent pourtant des augmentations respectives de 30%, 27% et 26%.
Toutefois, si les unes taxent plus leurs habitants, d’autres villes comme Nantes, Lille ou encore Argenteuil ont décidé de rester sous la barre des 15%. Mieux encore, d’autres communes, à l’instar de Paris, n’ont pas changé (ou presque) leurs taux d’imposition, pour le plus grand bonheur des propriétaires immobiliers.
http://www.medias-presse.info/taxe-fonciere-des-records-de-hausse/62903
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Jean-Vincent Placé membre de la secte du GODF annonce que les éoliennes pourront être agrandies sans demande de permis de construire préalable
Jean Vincent Placé, sénateur dissident écologiste devenu secrétaire d’État chargé de la Réforme de l’État et de la simplification, avait annoncé le 11 mars dernier une « simplification massive » des procédures concernant les énergies renouvelables. Il avait également indiqué qu’il allait charger son allié le député Denis Baupin à siéger au Conseil de la simplification pour les entreprises.
Sous le nom de Repowering, Jean Vincent Placé vient d’annoncer la publication d’un décret concernant la suppression des demandes de permis de construire préalables pour « moderniser » les éoliennes existantes. Cette mesure lorsqu’elle sera publiée officiellement permettra aux promoteurs éoliens d’augmenter la puissance et la hauteur des éoliennes industrielles, c’est à dire de les faire passer de 100 m à 200 m de haut par exemple, sans pratiquement aucune barrière de protection légale pour les riverains.
Au moment où pour les simples citoyens, la loi sur le logement de Cécile Duflot durcit les lois concernant le logement à tel point que la construction d’un abri de jardin devient un casse-tête juridique environnemental, Jean-Vincent Placé et Denis Baupin arrangent la mise en place des 20.000 à 50.000 éoliennes géantes prévues par la Transition énergétique de François Hollande et Ségolène Royal, au mépris des lois de l’environnement et sans aucune protection des riverains ayant à subir les pollutions sonores et lumineuses de ces éoliennes industrielles à seulement 500 mètres de leur habitation.
A titre d’exemple, peut-on imaginer qu’il serait accepté qu’un promoteur immobilier puisse doubler la taille de la tour Montparnasse sans être contraint de déposer au préalable un nouveau permis de construire ?
La Fédération Environnement Durable regrette que depuis plusieurs années, le parti écologiste aie comme objectif obstiné, de couvrir la France de machines industrielles géantes, de supprimer les protections environnementales et particulièrement celles ayant un impact sur la santé, la sécurité, l’environnement des riverains et de dénaturer les paysages de la France.
L’obstination du duo Jean Vincent Placé – Denis Baupin à vouloir modifier coûte que coûte la législation existante sur les éoliennes industrielles, ne peut qu’interpeller et conduit à s’interroger sur les liens qui pourraient exister entre ce groupe et le lobby des nouvelles fortunes industrielles privées construites sur l’économie du vent.
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Manuel Valls se prononce en faveur du financement public des mosquées
Le 2 février 2013, Manuel Valls participe à l'émission Ripostes avec Tariq Ramadan et Malek Boutih consacrée à Vers un islam de France. Manuel Valls se prononce en faveur du financement public des mosquées (alors qu'à Radio Judaica Strasbourg, le 17 juin 2011, il tacle Sarkozy exactement sur ce point). Il explique comment a été financée la Grande mosquée d'Evry (avant qu'il ne soit maire) : "On a pris un terrain à Courcouronnes et on est allé chercher de l'argent en Arabie Saoudite".Emmanuel Ratier, Le vrai visage de Manuel Valls -
Politique & éco n° 109 : Adieu l’argent-roi place aux héros européens