"[...] Aujourd’hui, il est clair que le fruit de Mai 68 a déçu. Par bien des côtés, notre société ressemble à un éternel adolescent qui n’a pas assumé son rapport à la loi et qui pense encore que la liberté s’acquiert dans la transgression. Et des transgressions, nous en avons eu depuis 45 ans ! Elles sont venues progressivement, et leur banalisation a eu pour effet d’anesthésier les consciences. Il serait injuste de parler d’anesthésie générale car, dans certains domaines, le sens du respect de la personne humaine a progressé. L’attention plus grande portée aux personnes handicapées, l’ouverture à d’autres cultures, l’abolition de la peine de mort, par exemple, sont des signes positifs.
Mais dans d’autres domaines, des idéologies ont produit une sorte d’hypnose collective. Citons simplement les 220 000 avortements annuels passant inaperçus, les expérimentations sur les embryons, la banalisation des divorces, le tout nouveau « mariage pour tous » et bientôt peut-être l’autorisation de la GPA.
Dans ce contexte, le mouvement de contestation qui est apparu sonne comme le début d’un réveil des consciences. J’avoue être très impressionné par les images de ces « veilleurs » - jeunes pour la plupart - exprimant pacifiquement leur opposition à toutes ces dérives. Ils ne jettent pas des pavés sur les forces de l’ordre, mais ils entendent lutter contre l’aveuglement dont est frappée notre société. Ils veulent réveiller les consciences.
Tel est bien notre rôle de chrétiens. Nous sommes dans le monde mais pas du monde, comme dit Jésus (cf. Jn 17,15.16), et il nous faut certainement apprendre aujourd’hui à nous situer d’une manière nouvelle dans un monde qui n’est plus chrétien. Nous ne pourrons pas toujours éviter que des lois contraires à la dignité de la personne soient votées, mais nous devons aider nos concitoyens à décrypter les présupposés idéologiques qui se cachent sous certains projets de lois apparemment très généreux.
Nous ne pourrions le faire si notre souci premier était d’être bien vus du monde. Nous risquerions alors de penser et d’agir comme le monde, ainsi que le disait récemment le Pape François aux évêques italiens. Mais nous ne serions pas plus fidèles à l’Evangile si nous tombions dans la tentation de mépriser ce monde ou de le fuir avec l’illusion de construire, à part, un monde « moralement pur ».
Et surtout, nous ne pourrons jouer ce rôle si nous ne nous efforçons pas de vivre en cohérence avec les valeurs que nous défendons. Qu’il s’agisse du respect de l’immigré, du mariage, de l’enfant à naitre ou de notre rapport à l’argent, l’Evangile nous appelle à faire des choix radicaux et parfois crucifiants. Mais peut-être est-ce là la grâce de notre époque : nous redécouvrons qu’être chrétien, ce n’est pas être attaché à un modèle culturel, c’est faire le choix un peu fou de renoncer à soi-même pour mener une vie nouvelle. Pacifiquement, vivons en enfants de lumière ; éveillons !"