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  • L’OTAN n’amène que la destruction, l’insécurité et la misère. Elle doit être abolie

    Apprécié pour la rigueur et la justesse de ses analyses le sociologue canadien Mahdi Darius Nazemroaya (*), 30 ans, s’est imposé comme un des meilleurs connaisseurs de l’OTAN. Ses investigations, traduites en de nombreuses langues, ont acquis une audience internationale et son ouvrage « The globalisation of NATO » [« La mondialisation de l’OTAN »] fait aujourd’hui référence.

    En 400 pages denses, fascinantes, préoccupantes, il nous fait prendre la mesure de la menace que l’OTAN fait peser sur la paix du monde et l’avenir de nombreux peuples. Il nous fait également prendre conscience de l’urgence qu’il y aurait à obtenir la dissolution de cette dangereuse organisation.

    Silvia Cattori : Dans votre remarquable ouvrage vous mettez en lumière les stratégies mises en place par l’OTAN pour étendre son emprise militaire dans le monde. J’aimerais vous demander ce qui vous a motivé à consacrer tant d’énergie à un sujet aussi ardu et exigeant. Comment en êtes-vous venu à considérer que l’analyse du rôle de l’OTAN et des stratégies qu’elle a mises en place était une tâche absolument essentielle ?

    Mahdi Darius Nazemroaya : Les graines de ce livre ont été semées en 2007. J’avais alors rédigé un petit manuscrit mettant en relation les guerres en Afghanistan et en Irak (qui avaient fait suite aux tragiques évènements du 11 septembre 2001) avec l’expansion de l’OTAN, le projet de bouclier antimissiles états-unien - que je décrivais comme s’étant finalement couvert du manteau d’un projet de l’OTAN, - et le concept de ce que les néoconservateurs et leurs alliés sionistes appellent « destruction créative » pour redessiner la restructuration des pays du Moyen-Orient, et l’encerclement aussi bien de la Chine que de la Russie.

    J’ai toujours considéré que tous les évènements négatifs auxquels le monde est confronté étaient les éléments d’un ensemble ; ou de ce que le savant et révolutionnaire hongrois György Lukács a appelé « totalité fragmentée ». Les guerres en « série », l’accroissement des lois de sécurité, la guerre contre le terrorisme, les réformes économiques néolibérales, les « révolutions colorées » dans l’espace post-soviétique, la diabolisation de différentes sociétés par les médias, l’élargissement de l’OTAN et de l’Union Européenne, et les fausses accusations au sujet d’un programme d’armement nucléaire iranien font partie d’un tout. Un de mes articles publié en 2007 [1], posait également les principales bases de cette feuille de route et reliait tous les éléments de la guerre perpétuelle à laquelle nous assistons.

    J’ai écrit ce livre parce que je pensais que c’était un sujet très important. J’ai lu la plupart des textes de l’abondante littérature concernant l’OTAN et aucun n’examine l’OTAN dans la perspective critique où je me place. De même qu’aucun ne relie l’OTAN de manière pertinente à une « vue d’ensemble » des relations internationales. Un chercheur de l’Université Carleton m’a dit que mon livre était comme une Bible des relations internationales et de tous ses sujets importants. Je vois moi aussi mon livre sur l’OTAN de cette manière.

    Ma principale motivation pour écrire ce livre était d’amener les lecteurs à prendre conscience de la nature impérialiste des conflits internationaux modernes et de les aider à en voir la « totalité » au lieu de ses éléments « fragmentés ». Quand vous voyez l’ensemble, vous êtes en mesure de prendre de meilleures décisions. Je pense avoir donné de l’OTAN une évaluation correcte. Dans sa bibliothèque à Bruxelles il y a un exemplaire de mon livre. C’est l’OTAN elle-même qui a annoncé son acquisition comme l’une des ressources de sa bibliothèque, en novembre 2012. Ce livre est ma contribution, en tant que chercheur, pour essayer de permettre aux lecteurs de prendre des décisions en connaissance de cause en voyant au-delà des effets de miroirs et des éléments fragmentés du tableau.

    Aujourd’hui dans le monde, les gens sont de façon générale plus instruits. Mais malheureusement l’ignorance se répand en ce qui concerne les relations de pouvoir et ce qui se passe dans ce domaine au niveau mondial. Nous entrons dans une ère trompeuse de l’histoire où beaucoup de gens à travers le monde sentent de plus en plus qu’ils ne peuvent rien faire d’autre que d’être des spectateurs impuissants, réduits à n’être que des particules, des rouages, ou des extensions d’une immense machine invisible sur laquelle ils n’ont aucun contrôle.

    Les scénarios du livre de George Orwell « 1984 » se sont pour l’essentiel réalisés. Les gens sont devenus étrangers à leur monde et gouvernés de plus en plus par cette machine capitaliste invisible qui travaille à détruire toutes sortes de façons alternatives de vivre ou de penser ; l’ordre qui s’impose aujourd’hui à nous est comme un resserrement de la « cage d’acier » de Max Weber [2] qui réduit de plus en plus notre indépendance et nos mouvements.

    La plupart des gens regardent maintenant les nouvelles et la télévision passivement. Ils essaient de se distraire de la réalité ; ils tentent d’engourdir leur conscience et de vivre dans un faux état de bonheur qui leur permet d’ignorer la réalité et les misères du monde. Collectivement, nos esprits ont été colonisés, on leur a fait croire à un faux ordre des choses. L’humanité est en train d’être de plus en plus déshumanisée. Peut-être que j’ai l’air hégélien, mais les gens deviennent étrangers à eux-mêmes. Ils deviennent aussi étrangers aux capacités de leur propre esprit et aux talents dont ils ont été dotés. Mais la vérité est que nous ne sommes pas séparés des évènements et des processus qui façonnent ce monde. Nous ne devrions pas devenir les esclaves des objets ou des structures de notre propre fabrication, que ce soit le capitalisme ou les structures politiques. Nous ne devons pas devenir de simples spectateurs de notre parcours de vie.

    L’hégémonie est un processus continu de leadership, de contrôle, et d’influence qui implique à la fois la contrainte et le consentement. Mais son emprise n’est jamais totale et elle peut toujours être combattue. Nous voyons des défis à l’hégémonie dans la construction de blocs historiques qui affrontent les centres de pouvoir impérialistes et capitalistes. Le Mouvement bolivarien d’Hugo Chávez et l’ALBA sont des exemples réussis d’une contestation de l’hégémonie traditionnelle des élites compradores qui gouvernent la région au bénéfice de forces extérieures.

    Silvia Cattori : Un grand chapitre passionnant et troublant de votre livre est consacré à l’Afrique. L’entrée en guerre de la France au Mali n’a pas dû être une surprise pour vous. La déstabilisation de ce pays affaibli, engendrée par l’intervention de la France en Libye, n’ouvre-t-elle pas une grave crise dans tous les pays du Sahel, de l’Atlantique à la Mer rouge ?

    Mahdi Darius Nazemroaya : Dès le début j’ai soutenu que la division du Soudan, l’intervention française en Côte d’Ivoire soutenue par les États-Unis, et la guerre de l’OTAN en Libye, faisaient partie d’une deuxième « ruée vers l’Afrique ». J’ai expliqué que la guerre en Libye visait à déstabiliser d’autres parties de l’Afrique et aurait un effet d’entraînement sur une large partie de ce continent incluant des pays comme le Niger et le Mali.

    Dans mon livre, j’ai examiné le Sahel qui est constitué par les terres intérieures de l’Algérie, du Niger, de la Libye, et du Mali. La guerre de l’OTAN contre la Libye a déclenché une réaction en chaîne, comme une démolition contrôlée, que les États-Unis et leurs alliés utilisent pour contrôler une vaste portion de l’Afrique et de ses ressources. Comme la première « ruée vers l’Afrique » qui a été déclenchée par une crise économique dans les pays industrialisés de l’Europe occidentale, ces évènements concernent en fait le contrôle des ressources. Alors que les États-Unis s’impliquaient davantage en Afrique, son gouvernement et le Pentagone se sont mis à parler de plus en plus de l’expansion des facilités dont disposait Al-Qaïda en Afrique et de la manière dont l’armée américaine et ses alliés devaient combattre cette organisation en augmentant leur présence sur le continent africain. En fait, les États-Unis ont constitué en 2011 un budget pour l’actuelle guerre au Mali sous le couvert de la lutte contre Al-Qaïda en Afrique de l’Ouest. Des intérêts stratégiques comme l’obsession grandissante des États-Unis pour le Golfe de Guinée et l’approvisionnement en pétrole en Afrique de l’Ouest sont occultés dans un récit qui nous parle de la lutte contre les groupes terroristes rangés sous le label d’Al-Qaïda. Nous savons d’expérience que l’Empire américain a en fait travaillé avec ces groupes, aussi bien en Libye qu’en Syrie. Et que l’on cherche à pousser hors d’Afrique la Chine, la Russie, l’Inde, le Brésil, et d’autres rivaux économiques du bloc occidental, mais on n’en parle pratiquement pas. En lieu et place, on déguise les intérêts des États-Unis et des ses alliés de l’OTAN comme la France, en objectifs altruistes visant à aider des États faibles.

    Pour en revenir au Mali. Je n’ai pas été surpris quand le Président François Hollande et son gouvernement ont ordonné aux soldats français d’envahir ce pays. Aussi bien la France que les États-Unis sont très au fait des réserves de gaz et de pétrole au Mali, au Niger, et dans l’ensemble du Sahel. Mon livre traite de ces points et de la création par le gouvernement français, en 1945, d’un Bureau de recherches pétrolières dans le but d’extraire le pétrole et le gaz de cette région. Quelques années plus tard, en 1953, Paris a délivré des licences d’exploitation à quatre compagnies françaises en Afrique. En raison de ses craintes, à la fois des empiétements américains et des demandes africaines d’indépendance, Paris a créé l’Organisation Commune des Régions Sahariennes (OCRS) pour maintenir son contrôle sur les parties riches en ressources de ses territoires africains qui possèdent du pétrole, du gaz, et de l’uranium. L’uranium a été important pour garantir l’indépendance de la France vis-à-vis de Washington par la création d’une force de dissuasion nucléaire stratégique, en riposte au monopole anglo-américain.

    Ce n’est donc pas un hasard si les zones du Sahel que les États-Unis et ses alliés ont désignées comme faisant partie de la zone où Al-Qaïda et les terroristes sont situés correspondent à peu près aux frontières de l’OCRS, riche en énergie et en uranium. En 2002, le Pentagone a commencé d’importantes opérations visant à contrôler l’Afrique de l’Ouest. Cela a eu lieu sous la forme de l’Initiative Pan-Sahel, qui a été lancée par l’US European Command (EUCOM) et l’US Central Command (CENTCOM). Sous la bannière de ce projet de l’armée américaine, le Pentagone a formé des troupes du Mali, du Tchad, de la Mauritanie, et du Niger. Les plans visant à établir l’Initiative Pan-Sahel remontent toutefois à 2001, lorsque l’Initiative pour l’Afrique a été lancée à la suite des attentats du 11 septembre. Sur la base de l’Initiative Pan-Sahel, la Trans-Saharan Counter-terrorism Initiative (TSCTI) a été lancée en 2005 par le Pentagone sous le commandement du CENTCOM. Le Mali, le Tchad, la Mauritanie, et le Niger ont été rejoints par l’Algérie, le Maroc, le Sénégal, le Nigeria, et la Tunisie. La TSCTI a été transférée en 2008 au commandement de l’AFRICOM récemment activé. Il faut relever que le capitaine Amadou Sanogo, le leader du coup d’État militaire qui a eu lieu au Mali le 21 mars 2012, est l’un des officiers maliens qui ont été formés dans le cadre de ces programmes américains en Afrique de l’Ouest.

    L’analyse du coup d’État de 2012 au Mali montre qu’il s’agit d’un acte criminel. Le coup d’État militaire a renversé le Président Amadou Toumani Touré sous prétexte qu’il ne pouvait pas restaurer l’autorité malienne sur le nord du pays. Le Président Amadou était sur le point de quitter son poste et n’avait pas l’intention de rester dans la vie politique, et les élections allaient avoir lieu dans moins de deux mois. Ce coup d’État a essentiellement empêché une élection démocratique d’avoir lieu et l’action du capitaine Sanogo a mis fin au processus démocratique au Mali et a déstabilisé le pays. Sa nouvelle dictature militaire a été reconnue par l’OTAN et par le gouvernement installé en Côte d’Ivoire par les Français. Les États-Unis ont continué à financer le gouvernement militaire du Mali et des délégations militaires et civiles des États-Unis et d’Europe occidentale ont rencontré le régime militaire de Sanogo. Peu après, la France a déclaré qu’elle avait le droit d’intervenir en Afrique partout où ses citoyens et ses intérêts étaient menacés. C’était autant de préliminaires.

    Les armes qui sont utilisées au Mali et au Niger aussi bien par les groupes terroristes que par les tribus touaregs sont liées aux actions de l’OTAN en Libye. Plus précisément ces armes viennent des arsenaux libyens pillés, et des armes envoyées en Libye par les Français, les Anglais et les Qataris. L’OTAN a eu un rôle direct dans ce domaine et l’on sait que les Français ont soudoyé les groupes touaregs et ont contribué à les armer et à les financer durant la guerre contre la Libye. Du reste, en Afrique, les Français ont toujours manipulé les Touaregs et les Berbères contre d’autres groupes ethniques à des fins coloniales.

    Par ailleurs, les tensions entre le Soudan et le Sud-Soudan sont attisées. La région soudanaise du Darfour et la Somalie sont toujours des points chauds. Tout cela fait partie d’un arc africain de crise qui est utilisé pour restructurer l’Afrique et l’englober dans les frontières du bloc occidental.

    Silvia Cattori : Quand sous l’impulsion du président Sarkozy, après 33 ans de retrait, la France est revenue dans le commandement militaire de l’OTAN, il n’y a eu aucune protestation. N’est-ce pas le signe que les citoyens ignorent, que cette organisation menace l’humanité et que l’appartenance de leur pays à l’OTAN implique sa subordination à la politique étrangère belliciste de Washington et la perte de sa souveraineté ?

    Mahdi Darius Nazemroaya : Je pense que ce que le Président Sarkozy a fait en réintégrant la France dans le commandement militaire de l’OTAN est largement le reflet d’un consensus au sein de la classe politique française. Je sais qu’à Paris de nombreuses voix politiques l’ont critiqué, mais si au sein de la classe politique française l’opposition avait été intransigeante, elle aurait pu faire beaucoup plus que parler. Aujourd’hui, les membres de l’establishment politique français, aussi bien à « gauche » qu’à « droite », se battent entre eux pour savoir qui va le mieux servir les centres impérialistes et capitalistes à Washington et à New York. L’establishment politique français ne fait pas cela parce qu’il est particulièrement pro-américain, mais parce qu’il est au service du système mondial corrompu qui sert lui-même le capitalisme global dont le centre en voie d’affaiblissement est aux États-Unis. Ainsi, nous avons aussi besoin de réévaluer ce qu’est l’anti-américanisme, ou d’où proviennent et ce que représentent en fait les sentiments anti-américains.

    De larges segments de l’élite de l’Europe occidentale sont au service de ce système mondial parce que leurs propres intérêts y sont investis et y sont liés. Comme les États-Unis sont en voie d’affaiblissement et en lutte pour maintenir leur primauté mondiale en tant que centre du capitalisme, de la régulation et de l’accumulation capitaliste, ils vont de plus en plus déléguer leurs missions impériales à des pays comme la France. On verra également davantage de compromis entre les États-Unis et des pays alliés comme la France et l’Allemagne. Il s’agit là d’une décentralisation dialectique du pouvoir des États-Unis visant à renforcer l’hégémonie du système mondial et à maintenir l’Empire américain par délégation. Il faut noter que ce système capitaliste mondial est fragmenté en blocs, raison pour laquelle nous voyons des rivalités entre les États-Unis, la Chine et la Russie.

    De façon générale, la majorité des citoyens dans de nombreuses sociétés sont de plus en plus passifs vis-à-vis des décisions de leurs gouvernements et de leurs dirigeants. C’est le reflet d’un sentiment croissant d’aliénation, de détachement et d’impuissance qui a transformé les êtres humains en marchandises et en objets. Cela fait partie du resserrement de la « cage d’acier » dont je parlais plus haut, en termes weberiens.

    Silvia Cattori : La France a été au commencement, avec le Qatar, le principal « parrain » de la déstabilisation de la Syrie [3]. La Chine et la Russie ont empêché par leurs vétos l’adoption d’une résolution du Conseil de sécurité qui aurait autorisé une intervention militaire de l’OTAN comme cela a été le cas en Libye. Mais on peut se demander si les pays de l’OTAN et leurs alliés arabes ne sont pas en train de réaliser leur plan de déstabilisation de la Syrie par d’autres voies ? Et pensez-vous que la Chine et la Russie pourront durablement contenir l’OTAN tant que les pays émergents n’auront pas leur mot à dire et les moyens d’imposer un véritable multilatéralisme au Conseil de sécurité ?

    Mahdi Darius Nazemroaya : En premier lieu, il faut voir que les évènements en Syrie font partie d’une guerre par procuration menée par les États-Unis, l’OTAN, Israël et les dictatures arabes (comme l’Arabie Saoudite), contre la Chine, la Russie, l’Iran et leurs alliés. Deuxièmement, quand on considère les évènements en Syrie d’un point de vue international, on devrait penser à la Guerre civile espagnole qui a éclaté avant la Deuxième guerre mondiale. De même, on peut considérer les évènements en Libye et en Afrique, et peut-être les invasions antérieures de l’Afghanistan et de l’Irak, en pensant à l’invasion de la Chine par le Japon ou l’invasion de la Tchécoslovaquie par l’Allemagne avant la Deuxième guerre mondiale. Cela ne signifie pas que la Syrie ou ces évènements soient nécessairement le prélude à une Troisième guerre mondiale, mais ils ont le potentiel d’allumer un vaste incendie au niveau mondial — à moins que l’on ne pense que tous ces évènements font déjà partie de la Troisième guerre mondiale.

    Les thèses de Giovanni Arrighi sur les cycles systématiques d’accumulation dans le « système-monde » peuvent nous aider à trouver une base de réflexion. Son travail est important parce que nous pouvons l’utiliser pour lier entre eux, de la Syrie à l’Afrique, les éléments dont nous parlions en termes de « totalité fragmentée » constituant le système mondial. Les cycles d’accumulation étudiés par Arrighi se rapportent à des périodes de temps qui s’étendent sur une centaine d’année ou plus, durant lesquelles le centre du capitalisme dans le système mondial se situe dans un lieu géographique ou un pays donné. Ses thèses sont fortement influencées par les travaux du savant français Fernand Braudel sur l’expansion du capitalisme. Pour Arrighi ces centres d’accumulation ont été les pouvoirs hégémoniques du système mondial en expansion. À la dernière étape de chaque cycle, les capitalistes déplacent leurs capitaux de ces centres dans d’autres endroits et finalement dans le nouveau centre capitaliste qui a émergé. Ainsi, chronologiquement, le pouvoir hégémonique du système mondial a été transféré de la ville-État italienne de Gênes aux Pays-Bas, puis en Grande Bretagne et, finalement, aux États-Unis. Le déplacement géographique du centre du système mondial se produit au cours d’une période de crise, au moins pour les anciens centre capitalistes, et dans un court laps de temps. Nous en arrivons aujourd’hui à la Chine. Ce qui se passe est que le centre du capital est sur le point de sortir des États-Unis. Si l’on suit la tendance soulignée par Arrighi, alors le prochain centre d’accumulation capitaliste du système mondial sera la Chine. Toutefois d’autres scénarios ne sont pas à écarter, comme une direction globale de toutes les principales puissances capitalistes. En me référant aux travaux d’Arighi, je veux dire ici que nous avons affaire à un système capitaliste mondial qui inclut la Chine et la Russie. Ni les États-Unis ni la Chine ni la Russie ne veulent perturber ce système. Ils sont en compétition pour en devenir le centre d’accumulation capitaliste. C’est pourquoi aucune des parties ne veut une guerre directe. C’est pourquoi les Chinois n’ont pas utilisé la dette étrangère américaine pour dévaster l’économie des États-Unis ; la Chine souhaite voir un transfert ordonné du centre d’accumulation depuis les États-Unis.

    La Chine et la Russie ne changeront pas leurs politiques et leurs positions sur la Syrie ou l’Iran, mais elles veulent éviter une guerre qui perturbe le système capitaliste mondial. Bien sûr, les États-Unis essaient de maintenir leur position en tant que centre du système mondial, par la force brute, ou en impliquant leurs alliés et vassaux dans leurs opérations impérialistes, comme au Mali et en Libye.

    Silvia Cattori : Vous consacrez un long chapitre (p 67 à 113) à l’intervention de l’OTAN en Yougoslavie. Pouvez-vous résumer pour nos lecteurs ce à quoi cette guerre, qui a démembré un pays et généré tant de souffrances, devait aboutir ?

    Mahdi Darius Nazemroaya : Le démantèlement de la République fédérative socialiste de Yougoslavie a été une étape importante pour ouvrir les portes d’une expansion vers l’Est de l’OTAN et de l’Union Européenne. Il a ouvert la route pour la marche vers les frontières de la Russie et de l’ex-Union soviétique. L’ex-Yougoslavie était aussi un obstacle majeur vis-à-vis du projet euro-atlantique de l’OTAN et de l’UE en Europe. En outre, la guerre de l’OTAN en Yougoslavie a permis de préparer la logistique des guerres en Afghanistan et en Irak.

    Silvia Cattori : Denis J.Halliday [4] écrit dans la préface de votre ouvrage : « L’OTAN n’amène que la destruction, la pauvreté, l’insécurité et la misère. Elle doit être abolie ». Quand on sait qu’il n’y a aucun mouvement qui s’oppose à la guerre, que des ONG comme Amnesty, HRW, MSF, MDM, prennent le parti de l’ingérence militaire des grandes puissances, comme on l’a vu en ex-Yougoslavie, au Soudan, en Libye, en Syrie, que peut-on suggérer à toute une jeunesse en quête de justice et désireuse d’agir pour un monde meilleur ? Que peuvent faire concrètement les peuples européens contre la machine destructrice de l’OTAN ?

    Mahdi Darius Nazemroaya : Comme je l’ai dit, nous en sommes arrivés à la situation décrite par George Orwell dans son roman “1984”. Amnesty International, Human Rights Watch, et une grande partie des ONG de l’industrie humanitaire sont des outils de l’impérialisme pratiquant les deux poids deux mesures. Les organisations d’aide étrangère sont profondément politiques et politisées. Cela ne signifie pas que tous leurs employés soient de mauvaises gens qui ne veulent pas aider le monde. Bon nombre de leurs employés et des bénévoles sont des gens estimables ; ils ne comprennent pas tous les faits et ils ont de bonnes intentions. Ces gens ont été trompés ou aveuglés par la pensée de groupe institutionnelle. Leurs esprits devraient être débarrassés de tous les préjugés et de la désinformation dont ils ont été nourris ; une véritable tâche de dévouement.

    Les citoyens des pays de l’OTAN doivent travailler à se positionner eux-mêmes pour informer leurs sociétés respectives sur l’OTAN et finalement les influencer pour qu’elles se retirent de cette organisation. Cela peut être fait de diverses manières. Mais cela commence par une compréhension de ce qu’est l’OTAN et une connaissance non censurée de son histoire.

    Je ne suis pas une autorité morale ou un stratège. Se maintenir soi-même sur la bonne voie est déjà un défi assez difficile, je pense. Je n’ai aucun droit à pontifier sur la façon dont les gens devraient vivre. Je vais toutefois vous dire ce que je pense personnellement. À mon avis, le plus gros problème pour beaucoup de gens est qu’ils veulent changer le monde à une beaucoup trop grande échelle sans s’attaquer aux problèmes immédiats dans leurs propres vies. Je trouve que la meilleure manière de changer le monde est de commencer par de petits pas dans notre vie de tous les jours. Je parle ici d’ « échelle » et pas de « changement graduel » ou de « rythme ». Faire un monde meilleur commence par votre environnement immédiat. Le changement commence avec vous-même et ceux qui vous entourent, tout comme le devrait la charité. Imaginez si la plupart des gens faisaient cela ; le monde serait changé par petites étapes qui aboutiraient collectivement à un changement monumental. Rien de tout cela ne peut non plus se faire sans patience et détermination, et je souligne encore une fois qu’action et connaissance ne devraient pas être séparées. Je ne sais que dire de plus.

    Silvia Cattori : En mettant ensemble les pièces du puzzle vous démontrez magistralement dans votre livre comment ces guerres en série, menées sous des prétextes humanitaires, s’inscrivent dans une stratégie de « destruction créative » conçue par « les néoconservateurs et leurs alliés sionistes », et comment – de la Yougoslavie, à l’Afghanistan, à l’Irak et à la Libye – elles sont toutes liées. Des personnalités de premier plan, comme l’ancien Secrétaire général adjoint de l’ONU Denis J. Halliday qui a préfacé votre ouvrage, vous donnent entièrement raison : l’OTAN est bel et bien le principal danger pour la paix du monde. Mais vous savez qu’en Europe, notamment dans les pays où, comme en France, les organisations juives ont une forte emprise sur les politiques et les médias, dénoncer la stratégie des néoconservateurs et de leur allié Israël [5], ou dénoncer les révolutions colorées suffit à vous faire cataloguer comme « théoricien du complot » et à vous écarter du débat. Que peut-on faire à votre avis pour modifier cette désespérante situation ?

    Mahdi Darius Nazemroaya : Mon expérience (au Canada) est différente. On ne m’a jamais qualifié de théoricien du complot. Je pense que la censure des médias et le mépris systématique sont des tactiques clés utilisées contre ceux qui remettent en question le récit dominant ou les opinions énoncées par les forces hégémoniques qui dominent la société. L’objectif visé en diabolisant des personnes ou des groupes sous le qualificatif de « théoriciens du complot » est de les discréditer et de les neutraliser. Cela se produit généralement quand ils ont beaucoup attiré l’attention et quand ils ont aussi quelques idées fausses qui peuvent être ridiculisées et liées à leurs positions. Néanmoins, ceux qui se voient qualifiés de théoriciens du complot ne devraient pas laisser cette accusation les dissuader de maintenir leurs positions et de continuer à s’adresser aux gens. Car la démoralisation fait partie de la tactique utilisée pour réprimer les points de vue et réflexions « dérangeantes ».

    Les groupes et les lobbies sionistes ont une présence forte et disproportionnée dans le domaine politique et dans les médias de plusieurs pays, mais il faut reconnaître qu’ils ne sont pas homogènes et qu’ils ne sont pas les seuls facteurs influents ; ils font partie d’un bloc d’intérêts pour qui il est important d’empêcher qu’un discours critique n’ébranle les forces hégémoniques qui dominent aujourd’hui la société. Et les lobbies sionistes ne sont pas tous liés à Israël. Il arrive qu’un groupe sioniste travaille à introduire et à imposer à Israël des projets externes. Les motivations de ces groupes ne sont pas toutes les mêmes, mais elles font partie du programme dominant qui s’est développé en ce que les renommés sociologues Giovanni Arrighi et Immanuel Wallerstein ont appelé « système-monde » [ou « économie-monde »].

    À mon humble avis, être entendu est la chose la plus importante. Internet et les réseaux sociaux ont contribué à ce processus. Je pense que, pour être entendu, il est également important de proposer des analyses rigoureuses et bien articulées. C’est une tâche difficile qui doit être accomplie, et qui fait partie d’un processus culturel plus large incluant l’éducation et la rééducation. Modifier les forces hégémoniques dominant la société ne peut se faire qu’en établissant de nouveaux courants de pensée pouvant contester leur hégémonie. La critique ne suffit pas non plus, une alternative et un meilleur programme doit être articulé et proposé. La critique en elle-même est inutile si l’on n’offre pas parallèlement un programme alternatif. Pensée et action doivent également être liées dans un processus pratique.

    Silvia Cattori : Votre livre va-t-il être traduit en français ? A-t-il eu la couverture médiatique lui permettant de toucher un large public ?

    Mahdi Darius Nazemroaya : Mon livre devait être traduit en français en trois volumes par un éditeur en France, mais malheureusement l’accord a fait long feu. En notre temps où la durée d’attention s’amenuise, peu de gens sont intéressés à lire un livre de plus de 400 pages. Très peu d’attention lui a été accordée de la part des grands médias. Il y a plusieurs mois, Le Monde Diplomatique à Paris a contacté mon éditeur aux États-Unis, ainsi que la maison qui le diffuse en Grande Bretagne, pour leur demander l’envoi d’un exemplaire. Je ne sais pas si Le Monde Diplomatique a réellement l’intention de faire une recension d’un livre aussi critique et, très honnêtement, je ne m’en soucie pas vraiment.

    Mon ouvrage a eu de bonnes critiques disant que c’est un livre à lire absolument. Il est diffusé dans les universités et les collèges. On en trouve des exemplaires dans les bibliothèques de diverses institutions comme l’Université de Harvard et l’Université de Chicago. Il est référencé à la Haye et dans la prestigieuse collection de la Bibliothèque du Palais de la Paix aux Pays-Bas qui tient à jour les livres relatifs aux lois internationales. Sur Amazon au Royaume Uni, il est classé comme l’un des meilleurs livres sur l’OTAN et je crois qu’il est en train de prendre un bon départ.

    Mahdi Darius Nazemroaya/Silvia Cattori http://www.voxnr.com

    notes :

    (*) Mahdi Darius Nazemroaya est un sociologue interdisciplinaire, auteur primé, et analyste politique connu. Il est chercheur au Centre de recherche sur la mondialisation à Montréal, collaborateur expert de la Strategic Culture Foundation à Moscou, et membre du Comité scientifique de la revue de géopolitique Geopolitica, en Italie.

    [1] Publié d’abord sous le titre « La mondialisation de l’OTAN » puis sous le titre modifié « La mondialisation de la puissance militaire : l’expansion de l’OTAN » . Cet article a été traduit en de nombreuses langues, y compris en arabe par la chaîne qatari d’information Al-Jazeera.

    [2] La « cage d’acier » (ou « cage de fer ») est un concept sociologique introduit par Max Weber qui se réfère à la rationalisation accrue de la vie sociale, en particulier dans les sociétés capitalistes occidentales. Ainsi la « cage d’acier » enferme les individus dans des systèmes fondés uniquement sur l’efficacité, le calcul rationnel et le contrôle.

    [3] Voir :
    - « Gérard Chaliand dit quelques vérités sur la Syrie » :
    http://www.silviacattori.net/article3350.html
    - « Syrie : Les victimes de l’opposition armée ignorées » :
    http://www.silviacattori.net/article3416.html

    [4] L’Irlandais Denis J. Halliday a passé une bonne partie de sa carrière auprès des Nations Unies, impliqué dans des actions d’aide humanitaire. En 1997, il fut nommé Sécrétaire général adjoint et directeur du programme humanitaire en Irak. Un an plus tard, après 34 ans de service au sein des Nations Unies, Halliday a annoncé sa démission en raison des sanctions économiques imposées à l’Irak, qu`il a qualifiées de « génocide ». En 2003, il a reçu Le Gandhi International Peace Award. Depuis son départ des Nations Unies, Denis Halliday a participé de manière active dans plusieurs actions contre la guerre et les crimes contre l’humanité. Il est présentement membre de l’Initiative de Kuala Lumpur en vue de « criminaliser la guerre ».

    [5] Par exemple, en France l’écrivain Israël Shamir a été accusé en 2003 d’antisémitisme par Olivia Zemor, Nicolas Shahshahani et Dominique Vidal parce qu’il disait qu’Israël et le « lobby juif » aux Etats-Unis avaient joué un rôle prépondérant dans l’entrée en guerre contre l’Irak ; ce qui devait aboutir au renversement du régime de Saddam Hussein (l’un des derniers leaders arabe qui refusait de reconnaitre l’Etat juif d’Israël), à démembrer l’Irak pour assurer la « sécurité d’Israël ».

  • L'homoparentalité contraire au droit international

    Mariage gay : menaces sur l’adoption

    Des juristes étrangers ont adressé un texte aux sénateurs mettant en garde contre les conséquences du projet de loi.

    « Nous, juristes du monde, appelons contre le danger de réification des enfants à adopter. » Alors que le Sénat a donné son feu vert, mercredi, à l’adoption par des couples de même sexe, un nouvel appel de juristes contre le projet de loi vient d’être adressé aux parlementaires de la Haute Assemblée. Dans un contexte de baisse du nombre d’adoption international, il sonne comme un avertissement.

    Brésilien ou Russe, Haïtien ou Vietnamien, Tunisien ou Indien, ses 24 signataires ont pour particularité d’exercer dans les pays d’origine des enfants adoptés en France. Ils dénoncent de concert un texte qui transforme l’enfant adopté « en simple objet de substitution auquel un adulte prétendrait avoir droit, alors que, selon le droit international, c’est une famille de substitution à laquelle il pouvait prétendre ». Sensible à ce plaidoyer, le sénateur UMP de la Vendée Bruno Retailleau, ex-villiériste, l’a cité jeudi dans l’Hémicycle. « Mon appel au rejet de la loi sur le mariage pour tous ne se situe pas dans la position de l’homophobie », précise Aviol Fleurant, professeur de droit international des droits de l’homme, et avocat au barreau de Port-au-Prince en Haïti. Mais « la loi haïtienne en son état actuel s’accroche à la conception traditionnelle et multiséculaire considérant le mariage comme étant l’union de l’homme et de la femme, rappelle-t-il. Je suis certain que l’adoption de la loi sur le mariage pour tous va pousser les autorités haïtiennes, dans le souci du respect de l’intérêt supérieur de l’enfant, à la réticence s’agissant de la possibilité de faire droit aux demandes d’adoption venant de couples français ».

    Civilistes, pénalistes ou avocats généralistes, la critique des juristes s’appuie en grande partie sur la Convention de New York relative aux droits de l’enfant (1989) et la Convention de La Haye sur la coopération en matière d’adoption internationale (1993). Selon cette dernière,les adoptions ne peuvent avoir lieu que si les autorités de l’État ont constaté qu’une adoption internationale répond à l’intérêt supérieur de l’enfant et que les futurs parents adoptifs sont qualifiés et aptes à adopter. C’est là toute la question.

    Les pays d’origine des enfants adoptés reconnaîtront-ils que les couples homosexuels sont « aptes » à adopter ?« Le texte légitime par avance le refus de reconnaître comme qualifiés et aptes à adopter des candidats à l’adoption s’ils n’apparaissaient pas comme de futurs parents adoptifs, c’est-à-dire une mère et un père unis », avancent les signataires. Certains pays ont pris les devants. « Les Parlements britannique et français ont légalisé le mariage homosexuel. Cela réduit les possibilités pour les citoyens de ces pays d’adopter des enfants russes », a fait savoir en février Konstantin Dolgov, représentant pour les droits de l’homme du ministère russe des Affaires étrangères.

    Depuis l’affaire de l’Arche de Zoé, les pays d’origine des enfants se méfient de plus en plus de l’éthique de la France, avertit le pédopsychiatre Pierre Lévy-Soussan qui craint une chute du nombre d’enfants adoptés en France pour l’ensemble des couples adoptants. « Aujourd’hui, la France est en train d’envoyer le message qu’elle ne croit plus à l’adoption, au fait qu’un enfant puisse à nouveau se relier à un père et à une mère, juge ce spécialiste de l’adoption. Elle s’apprête à valider des situations à risque pour des enfants qui ont déjà été abandonnés une fois et qui, plus que tous les autres, ont besoin de banalité et d’une filiation raisonnable. »

    Le Figaro  http://www.actionfrancaise.net

  • On ne moralise pas, on est moral !

     

    Il y a toujours, à la suite des désastres politiques ou sociétaux, quelque chose de drôle, d'ironique et, en même temps, de pathétique.

    Jérôme Cahuzac a été exclu du PS et il est dorénavant livré à sa solitude et à sa conscience. J'espère qu'il saura résister à la tentation de placer son courage et de faire preuve d'audace dans un domaine totalement inapproprié : celui de l'Assemblée nationale.

    Un grand vent de pureté et de transparence s'est levé et j'ose à peine dire que, si je l'approuve globalement, il frôle le ridicule à certains moments devant quelques comportements à l'éthique médiatiquement ostensible (Le Monde, Libération, Le Parisien, Le Figaro). François Fillon contraint Jean-François Copé à montrer patte blanche : sera-ce difficile ?

    On va partir à la chasse des évadés fiscaux et je ne doute pas que durant les prochains mois, nous aurons à foison notre ration de secrets dévoilés et de scandales grands ou petits dénoncés. On tombera des nues parce qu'on s'apercevra que la profusion d'argent ne rassasie pas mais au contraire excite l'appétit.

    On s'est léché les babines de contentement parce qu'on s'apprêtait, à la suite de Libération, à pourfendre Laurent Fabius mais, déception, celui-ci demeure dans le camp des ministres honorables.

    François Hollande et Jean-Marc Ayrault ont décidé de mettre en oeuvre un grand plan de moralisation publique avec la gravité douloureuse qui sied après chaque catastrophe ayant failli emporter, plus qu'un ministre talentueux, le Pouvoir tout entier. On peut compter sur le président et sur son Premier ministre pour faire voter au plus vite ces mesures de peur que, la réflexion venant, on hésite à sauver la mise à une République pas assez soupçonneuse et vigilante. L'unanimisme qui est attendu de l'Assemblée nationale recouvrira d'un voile à la fois noble et vain des émois troubles et des dysfonctionnements étranges. Il faut toujours se méfier des votes consensuels : ils signifient que les députés s'accordent parce que persuadés que l'union ne fera pas la force et que la pureté célébrée et promise n'accouchera même pas d'une souris : seulement d'elle-même.

    Quand la France se retrouvera confrontée à de telles dérives, quand demain un ministre, un conseiller, un haut fonctionnaire, une personnalité réputée intègre seront pris la main, le coeur, l'esprit dans le sac, il y aura la même effervescence dénonciatrice, les mêmes engagements. Un nouveau projet de loi.

    Et ce cycle se répétera, gauche, droite, droite, gauche.

    A cause de cette inéluctabilité, tout ce qui se déroule sous nos yeux citoyens depuis quelques jours prend un tour pathétique. Une grosse caisse qui fait du bruit pour rien. Un tintamarre superficiel pour pas grand-chose. Du mouvement et de l'agitation mais aucune avancée véritable.

    On s'émeut d'un sondage effrayant pour l'image des politiques. Pour 70% des Français, ils seraient corrompus. Cette vision est absurde mais comment une autre appréciation aurait-elle pu advenir ? Non pas tant à cause des mensonges et des tromperies, aussi indécents et honteux qu'ils aient été, mais parce que les remèdes proposés, mécaniques, stéréotypés, font sourire ou frémir : on pressent qu'ils ne serviront qu'à donner bonne conscience aux gouvernants et à désillusionner les citoyens aspirant, malgré tout et tous, à une démocratie exemplaire.

    Quand on moralise, si on croit nécessaires les lois éthiques, de redressement personnel, de réforme intellectuelle et morale, quand on projette de rendre la classe politique pure, digne et honnête, lorsque le Pouvoir se mue en éducateur, on peut être sûr de l'échec. Les imparfaits prétendent dicter leur conduite aux imparfaits.

    Moraliser, c'est prendre un mauvais chemin. Il faut être moral.

    Le citoyen qui déplore, qui vitupère devra voter pour le candidat qui n'a pas que des condamnations purgées à offrir à ses électeurs ; et ne pas faire triompher, comme d'habitude, son adversaire.

    Pour que cette démarche salubre parvienne partout à ses fins, qu'on ne vienne pas non plus cracher en permanence sur les quelques médias qui permettront de l'éclairer, de la faciliter.

    La morale tout court doit devenir une idée neuve en France.

    http://www.philippebilger.com/blog/

  • Vers un gel du projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes ?

    Vers un gel du projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes ?

    Photo ci-dessus : autour de Notre-Dame-des-Landes, le projet suscite une agitation permanente.

    NANTES (NOVOpress Breizh) – Pour apaiser les esprits autour de son projet de création d’un nouvel aéroport international, Jean-Marc Ayrault avait nommé une « commission du dialogue » assistée de deux commissions plus techniques. Remises le 9 avril, leurs conclusions, si elles sont suivies d’effet, aboutiront à retarder fortement la réalisation du projet. On peut même se demander si ce n’était pas l’objectif dès le départ, dans la perspective des élections municipales de l’an prochain. 

    « Ayrault s’est sérieusement planté sur ce coup-là », s’énerve un partisan du projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes. Remis au gouvernement le 9 avril, le rapport de la Commission du dialogue sur le futur Aéroport du Grand Ouest n’est pas du tout conforme aux attentes. En créant la commission, pensait-on, le Premier ministre jouait sur du velours. Son président désigné, Claude Chéreau, faisait partie du cabinet de Lionel Jospin, alors Premier ministre, lors du fameux conseil interministériel de 2000 au cours duquel la décision de créer l’aéroport a été prise.

    Au surplus, la mission de la commission était étroitement bornée. Elle devait rencontrer toutes les parties prenantes afin qu’elles puissent exprimer leur avis, leur « apporter des précisions complémentaires » et remettre « une synthèse des auditions et des propositions notamment sur la manière de poursuivre le dialogue ». Il ne lui était pas demandé d’exprimer une opinion. Or, sans remettre en cause le projet, elle n’a pu s’empêcher de relever de très nombreuses failles dans ses justifications et ses modalités.

    Elle préconise donc de nombreuses études et vérifications complémentaires sur les possibilités de réaménagement de l’actuel aéroport de Nantes Atlantique, les dessertes routières, les compensations environnementales, etc. De quoi retarder le projet de plusieurs années.

    Mais ce n’est pas tout. La commission du dialogue était flanquée de deux commissions plus spécialisées, une « commission agricole » et une « commission des experts scientifiques ». Elles aussi avaient une mission très encadrée : améliorer le projet mais pas le remettre en cause. Pointant de nombreux flous méthodologiques, la première souligne que « le projet dont l’origine remonte à près de 30 ans a été conçu dans un contexte très différent de celui qui prévaut aujourd’hui ». Entre les lignes, elle conclut que tout le volet agricole du dossier est à revoir.

    La commission des experts scientifiques est plus sévère encore. Il lui appartenait d’examiner la méthode de compensation des incidences du projet sur les zones humides. À l’unanimité, elle conclut explicitement : « cette méthode ne peut pas être validée en l’état ». Son rapport très détaillé mentionne dix critiques majeures, quatre concernant la méthode et six son application à Notre-Dame-des-Landes. Pire encore : elle « estime que ces réserves devraient être levées pour que le projet puisse être poursuivi », ce qui revient en clair à réclamer son arrêt.

    Face à ce tir de barrage, que pouvait faire Jean-Marc Ayrault, initiateur des commissions ? Dans un communiqué du 9 avril, il invite les ministres des transports, de l’agriculture et de l’écologie, ainsi que le préfet de région, à prendre en compte leurs recommandations. Ce qui en toute logique devrait conduire à un gel durable du projet. Et certains commencent à se demander si la création des commissions n’était pas en réalité destinée à cela.

    « Ayrault va devoir quitter Matignon avant longtemps », note l’un de ses opposants nantais. « Pour ne pas rester sur un échec, il sera tenté de se faire réélire maire de Nantes en 2014. Mais sans les écologistes, ce serait difficile. » Or les écologistes, de leur côté, vivent de plus en plus mal leur contradiction interne : soutien des notables à Ayrault, hostilité de la base au projet d’aéroport. Une mise sous cocon de ce dernier permettrait à tout le monde de se réconcilier. Au moins pour un temps : après les élections, le projet pourrait être réactivé. Si les circonstances économiques et environnementales le permettent. « Ayrault s’est planté… », reprend notre interlocuteur. « Ou alors, c’est nous qu’il a plantés ! »

    Crédit photo : DR. http://fr.novopress.info

  • Oui à un Printemps Français !

    La mobilisation contre le mariage dit pour tous, pour la protection de la famille et de l’enfance ne faiblit pas, loin s’en faut. La manifestation du 24 mars dernier à Paris témoigne même d’une motivation croissante du pays réel, n’en déplaise au pouvoir politique qui ne traite que par le mépris une volonté populaire non conforme à sa folie idéologique. C’est ainsi qu’un totalitarisme « démocratique » s’installe dans le pays, nous rappelant les heures sombres de l’ère soviétique où seul le parti avait la capacité de représenter le peuple.

    « Certains pensent que nous sommes vulnérables parce que nous n’avons pas d’armée. C’est exactement le contraire. C’est parce que nous n’avons pas d’armée que nous sommes forts. » Oscar Arias Sanchez

    Cette mobilisation s’est faite dans un premier temps avec une relative neutralité médiatique. L’ambiance des manifestations était alors bon enfant et en termes de stratégie médiatique : c’était tant mieux. A présent, la donne a changé et il apparait de plus en plus clairement que les porteurs de ce projet insensé et contre-nature ne céderont que dans le cadre d’un bras de fer politique.

    A nous tous de nous adapter ! Et donc de changer de stratégie en passant à une phase civique, bien aidés il faut le dire par l’actualité providentielle de l’énorme scandale politique et moral qui frappe la majorité présidentielle.

    Convient-il de créer le rapport de force que Jean-Pierre Michel, rapporteur du projet de loi au Sénat, considérait il y a peu de temps comme le fondement marxiste de la loi ? Il est au moins opportun d’exiger la démission d’une Garde des Sceaux, qui en plus d’être la cheville ouvrière du projet de loi qui nous mobilise, est en outre en équilibre instable dans sa propre Chancellerie et au sein du gouvernement.

    Pour ces diverses raisons, le collectif « Catholiques en campagne » appelle solennellement toutes les personnalités impliquées par la mobilisation en cours contre le « mariage » homosexuel à tenir des positions très fermes face à la radicalisation du Gouvernent. Force est de constater que l’entêtement du Gouvernement à ne pas faire baisser la pression de la rue pourrait conduire à une grave crise politique entrainant la chute d’un Gouvernement.

    Le Collectif, après avoir soutenu toutes les démarches contre le projet de loi Taubira, au moment même où celui ci vient d’être accepté par le Sénat, salue les initiatives du type « printemps français », se réjouit de voir dans ce mouvement les personnalités qui résistent depuis la première heure contre l’homofolie et leur apporte ici son soutien. La résistance au projet de « mariage » pour tous fait partie maintenant d’un ensemble sociétal plus vaste intégrant la théorie du genre, l’école, la bioéthique ainsi que les allocations familiales.

    http://fr.altermedia.info

  • Bergé perd les pédales et se prend pour Staline

     Le 17 mars dernier, Pierre Bergé « tweetait » le message suivant : « Vous me direz, si une bombe explose le 24 mars sur les Champs à cause de la Manif pour tous, c'est pas moi qui vais pleurer ! ».

    Le message avait été retiré mais, le collectif de « la Manif Pour Tous » représenté par Maître Alexandre Varaut avait porté plainte pour « incitation à commettre un acte de terrorisme ».
    Effectivement, le 24 mars, ce n’est pas Bergé qui a pleuré mais bien ceux qui se sont pris des gaz plein la figure ! Mais peut-être aurait-il vraiment préféré d’autres bombes que des lacrymogènes. 
    En tout cas, pas suffisamment satisfait de cette première sortie, le Bergé des gays récidive aujourd’hui dans l’abject. Il se dit « scandalisé » par la publication dans « Le Monde », dont il est actionnaire, d'une publicité où, sur une pleine page payée naturellement, "La Manif pour tous" s'adresse aux sénateurs pour leur demander de rejeter le texte actuellement examiné au Sénat.
    Sur Twitter, le président du Conseil de surveillance (sic !) du Monde (excusez du peu !) se dit « profondément scandalisé que le journal Le Monde ait publié une publicité pour la Manif pour tous contraire aux valeurs de ce journal ».
    Il précise même avoir « demandé des explications à Louis Dreyfus », président du directoire. Censure, quand tu nous tiens...
    « Cette pub est tout simplement une honte et ceux qui l'ont acceptée ne sont pas dignes de travailler dans ce journal », écrit-il déguisant à peine une menace de licenciement. Alors Bergé va-t-il faire virer « les responsables », les faire gazer, fusiller ? Bergé perd les pédales et se prend pour Staline.
  • Les BRICS, l'Union transatlantique et l'Algérie

    Les BRICS, l'Union transatlantique et l'Algérie L'actualité internationale est brûlante. Ces jours-ci, Alger vit au rythme des visites des hauts responsables occidentaux. Tout a l'air de se confondre autour de nous. Tout a l'air de se rejoindre quelque part.

    Au Mali, les puissances internationales se disputent l'uranium, l'or et le pétrole. Du côté syrien, la crise perdure.

    Les Américains et les Russes n'ont pas réussi à trouver un terrain d'entente à cause des sionistes et leurs subordonnés qui ne veulent pas entendre parler de la paix. Concernant le dossier nucléaire iranien, l'Iran refuse toujours de se soumettre aux diktats des Etats-Unis. La Chine et la Russie apportent leur soutien sans faille au gouvernement d'Ahmadinejad. Quant au conflit israélo-palestinien, rien de spécial, les enfants palestiniens se cachent pour mourir et les colonies israéliennes foisonnent dans les territoires occupés. A côté de cela, la crise financière s'amplifie comme une boule de neige, désormais le dollar et l'euro ne sont plus considérés comme des monnaies fortes.

    Il y a des signes ne mentent pas. Le monde est en plein mutation. Bientôt, il sera divisé en deux mégapoles politico-économiques les BRICS et l'Union transatlantique.

    Le BRICS

    Le sommet des BRICS (26-27 mars 2013) ne laisse aucune ambigüité sur les ambitions du Brésil, la Russie, l'Inde, la Chine et l'Afrique du Sud. « C'est fait », a annoncé le ministre sud-africain des finances avant la réunion des cinq chefs d'Etat. La banque de développement des BRICS est née en Afrique du Sud. Cette institution est censée concurrencer le FMI. Dotée d'un capital de 50 milliards de dollars, elle est destinée à financer les projets d'infrastructures dans le monde entier, ce qui représente une réelle alternative à l'hégémonie du FMI.

    La construction d'une banque qui rivalise avec le Fond Montataire International imposera une nouvelle donne. Certainement, les Etats-Unis n'accepteront jamais une perte significative sur la scène internationale. D'ailleurs, ils ont anticipé les choses. En s'attaquant aux alliés de la Russie et la Chine, les Américains veulent, avant tout, chasser les Russes des points de passages stratégiques et priver les Chinois des ressources naturelles. Le démantèlement de la Syrie par la CIA éliminera la Russie du bassin méditerranéen et privera les Chinois d'une importante source d'énergie. Selon le site d'information voltairenet.org : « Les réserves pétrolières prouvées de la Syrie, d'un montant de 2,5 milliards de barils, sont plus importantes que celles de tous les pays environnants à l'exception de l'Irak. » Cette estimation a été faite par l'agence de statistique américaine, l'EIA (Energy Information Administration). A l'heure qu'il est, les Syriens peuvent encore compter sur les Russes. A la fin du mois de mars, les djihadistes appuyés par la Turquie et le Qatar ont intensifié leurs opérations en Syrie. Vladimir Poutine n'a pas tardé à exprimer soutien à Bachar Al-Asad. Dès son retour d'Afrique du Sud, le président russe a lancé des manouvres militaires dans la mer Noire. Visiblement, l'axe sino-russe est déterminé à en finir avec la dictature étasunienne. Pour rappel, les BRICS représentent 40 % de la population mondiale et 20 % du PIB planétaire.

    L'UNION TRANSATLANTIQUE

    Tous les économistes s'accordent à dire que les économies européenne et étasunienne sont préoccupantes. En 2012, le taux de chômage dans l'union européenne a atteint 12% chez la population active, 23,9% chez les moins de 25 ans. La croissance économique est restée très faible, parmi les 27 Etats membres, seuls neuf ont enregistré une croissance de plus de 1% du produit intérieur brut (PIB). Aux Etats-Unis, le taux de chômage réel est de 20%. Le PIB américain a enregistré une augmentation dérisoire de 0,4% au cours des trois derniers mois de 2012, selon les organismes de statistiques.

    C'est dans ce contexte que les mondialistes (partisans du gouvernement mondial) interviennent pour présenter l'Union transatlantique comme un remède à tout. Le mois de février, Barack Obama avait annoncé que l'administration étasunienne et la commission européenne s'apprêtent à lancer des négociations en vue de créer une zone de libre-échange entre les États-Unis et l'Union Européenne. Lors de sa dernière visite en France, le secrétaire d'État des États-Unis John Kerry se voulait rassurant sur certains points : « Je sais qu'il y a des craintes à certains endroits. Je sais qu'il existe une dimension géographique de certains produits fabriqués en France et j'y attache de la valeur. Il y a des raisons pour lesquelles le Roquefort est le Roquefort ou le Champagne est le Champagne. Nous le comprenons. »

    Tout le monde sait très bien que lorsque les Etats-Unis rassurent un pays, il peut s'attendre au pire. En fait, une Union transatlantique profite exclusivement aux entreprises américaines qui souhaitent inonder le marché européen avec des produits de qualité à prix imbattable. L'Empire américain veut phagocyter l'Union européenne ni plus ni moins. En créant l'Union transatlantique, les Etats-Unis sauveront le dollar moribond et réussiront à faire face aux BRICS. L'Oncle Sam aura fait un grand pas vers l'édification du gouvernement mondial.

    Afin de pouvoir résister à la dictature mondialiste, les pays en voie de développement doivent faire leur choix dès maintenant. Un pays comme l'Algérie doit être ambitieux. L'Etat algérien ne doit pas se contenter de multiplier les relations commerciales avec les BRICS, mais fixer comme objectif l'adhésion au groupe des cinq pays émergents. Il faut réunir tous les efforts pour passer à une économie créatrice de richesse. Ne posons pas trop de questions idéologiques. Etant donné que les islamistes ont fait banqueroute aux pays arabes et que les laïcards ont déclaré faillite en Europe, parions uniquement sur le nationalisme algérien.

    Belhaouari Benkhedda http://www.voxnr.com

    source : http://www.lequotidien-oran.com/index.php?news=5181607

  • La Russie est devenue un modèle alternatif fondé sur les valeurs traditionnelles

    Entretien d’Alexandre Latsa avec Xavier Moreau

    Il est souvent difficile de bien comprendre les bouleversements qu’a connus la Russie, depuis la chute de l’URSS jusqu’à nos jours. Vu de l’extérieur et notamment d’Europe, l’histoire de ce jeune pays européen qu’est la Russie ressemble à un puzzle chaotique et dénué de toute logique.

    Pourtant, l’auteur de “La Nouvelle Grande Russie”, qui dirige également l’antenne russe du Think-tank français Realpolitik TV, a choisi de présenter l’histoire russe en fonction de dates clefs, démontrant ainsi que les événements importants qui ont fait l’histoire récente de la Russie sont en réalité des maillons constitutifs d’un seul et même processus. Un processus ayant abouti au redressement spectaculaire que le pays continue de connaître aujourd’hui.

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    Xavier Moreau bonjour ! Pourriez-vous vous présenter ?

    Je suis un ancien officier saint-cyrien, j’ai servi dans les parachutistes. J’ai suivi également un cursus universitaire puisque je suis doctorant spécialisé sur les relations soviéto-yougoslaves pendant la guerre froide, sous la direction de Georges-Henri Soutou. J’ai travaillé sur les archives soviétiques et yougoslaves.

    J’appartiens à ce que j’appelle “l’Ecole historique française” dont le fondateur est Jacques Bainville et qui met en évidence les tendances lourdes ainsi que l’enchainement logique des évènements. L’Histoire y est décrite comme le laboratoire de la Politique. C’est une analyse au sein de laquelle les considérations morales n’interviennent pas et qui place l’intérêt suprême de la Nation au centre de la réflexion. Cette Ecole a été “modernisée” par Aymeric Chauprade, qui a donné ses lettres de noblesses à la “Géopolitique française”. Il a fait de cette pseudo-science anglo-saxonne et germanique, qui visait avant tout à justifier l’impérialisme et le racisme inhérents à ces deux civilisations, une science rigoureuse et logique.

    J’essaie donc de m’inscrire dans cet héritage intellectuel.

    Qu’est ce qui vous a poussé à écrire ce livre sur la Russie de 1991 à aujourd’hui ?

    La Russie est devenue un modèle alternatif fondé sur les valeurs traditionnelles

    La nouvelle grande Russie

    Aymeric Chauprade m’avait toujours encouragé à écrire sur la Russie contemporaine, j’ai donc sauté sur l’occasion lorsque les éditions Ellipses m’ont proposé de participer à leur collection “Dates clés”.

    Pourquoi avoir choisi d’analyser la Russie selon des dates clefs? Selon des événements clefs ?

    En fait la collection fonctionne selon ce principe, que je trouve excellent, car il oblige à être synthétique et à identifier les évènements réellement fondateurs, tout en en cherchant les causes profondes.

    Vous affirmez que le redressement russe, “le miracle russe” comme vous dites, est en grande partie due aux décisions de l’élite politique du pays plus qu’à un heureux concours de circonstances, à savoir un prix des matières premières en hausse et une demande extérieure et européenne notamment, croissante. Pourriez-vous développer ?

    Les matières premières ont souvent été en hausse en Russie, ça n’a pas empêché le pays entier de basculer dans la banqueroute à plusieurs reprises. La grande différence depuis 2000, c’est que l’État russe à commencer à épargner et à gérer ses ressources en prévision des moments difficiles. La crise de 2008, sous un gouvernement Eltsine, aurait mis la Russie à genoux. Au lieu de cela la Russie a été un des premiers pays à en sortir et sa position en a été renforcée.

    Les ressources ne suffisent pas sans la volonté politique de bien les utiliser. La France a des ressources humaines et industrielles colossales, qui sont gaspillés depuis 40 ans.

    Vous citez le bombardement de la Serbie en 1999 comme un élément décisif et une date clef de l’histoire russe, pourquoi cet événement de politique extérieure entre t-il en compte d’après vous ?

    A la chute de l’URSS, les Russes ont été fascinés et bienveillants vis-à-vis du modèle américain. Ils sortaient du monde du mensonge et croyait sincèrement que la vérité était occidentale. Au fur et à mesure des années 90, ils ont découvert que les États-Unis avaient pris la relève comme “Empire du mensonge”.

    En 1999, le masque est tombé définitivement, les États-Unis sont apparus comme ce qu’ils étaient, c’est-à-dire les ennemis de la civilisation européenne, capables de s’allier avec des mafias, des mouvements terroristes et/ou islamistes, pour parvenir à leur fin.

    Vous analysez un autre événement extérieur, la guerre des 5 jours contre l’armée Georgienne, comme, je vous cite: “l’événement qui marque la fin de l’expansion américaine dans l’étranger proche de la Russie” ?

    Comme prise de conscience de la duplicité mais également de la faiblesse américaine. La “guerre des cinq jours” vient comme la suite logique du bombardement de la Serbie. La différence est qu’en face de l’impérialisme américain, se dresse cette fois la Russie de Poutine, qui humilie l’administration américaine impuissante. En l’espace de deux mois, les États-Unis ont montré au monde, qu’ils étaient incapables de protéger ni leurs alliés, ni leurs banques.

    [...]

    Source et suite de l’article sur Blogs RIA Novosti.

    http://fr.novopress.info/

  • La dictature de la transparence

    Le président de la République, François Hollande, a confirmé hier sa volonté de transparence fiscale des élus parlementaires et des membres du gouvernement. Il propose donc de revoir « entièrement » les règles de publication des patrimoines, notamment en créant une haute autorité « totalement indépendante« , laquelle devrait contrôler les déclarations de patrimoines et d’intérêt des parlementaires, des ministres ainsi que des hauts responsables publics, au début et à la fin de leurs mandats. Une haute autorité réclamée par Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois de l’Assemblée nationale.

    Il reste que cette règle de la transparence à tout prix semble davantage procéder d’une réaction à chaud que d’une véritable délibération. Or, on ne légifère pas sous le coup de l’émotion, on prend d’abord de la distance. On ne légifère pas en rebondissant sur un cas particulier, car la loi doit concerner l’intérêt général.

    En l’état, ce projet de « transparence » semble faire fi de la distinction fondamentale entre vie privée et vie publique. Or la loi ne s’intéresse qu’aux comportements qui engagent la vie publique :
    elle respecte en revanche la dimension privée de la personne qui, en tant que telle, n’engage pas le bien commun. Même les hommes politiques ont une intimité qu’ils ont le droit de préserver. La transparence en question est finalement une négation de cette intimité, de cette frontière entre vie privée et vie publique. En ce sens, on peut parler d’une dictature de la transparence et d’un certain totalitarisme.

    A vrai dire, seuls les gens malhonnêtes ont des comptes à rendre. Or en France, la présomption d’innocence établit que le tort d’untel doit être manifesté : on ne part pas du principe qu’il est a priori coupable. Or, cette mesure à venir semble jeter la suspicion sur l’ensemble de la classe politique, laquelle est appelée à lever le doute, le soupçon, en déclarant son patrimoine, comme si chacun avait quelque chose à se reprocher. Une mesure qui, en frappant de discrédit les élus, n’aura sans doute pas le caractère apaisant recherché.

    L’étalage public des patrimoines, enfin, va sécréter, de manière mécanique, un discrimination fondée sur le patrimoine, et il sera aisé de mettre en difficulté un adversaire politique en le renvoyant à des revenus pourtant honnêtement acquis et qui, pourtant, ne concerne que lui. L’instrumentalisation politique de telles données, à des fins partisanes, ne manquera pas de créer un climat délétère parmi les parlementaires…

    http://www.contre-info.com