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économie et finance - Page 464

  • Juncker au centre d'un scandale fiscal impliquant 340 multinationales

    Les accords fiscaux secrets passés entre des centaines de firmes et le Luxembourg, afin de soustraire des milliards d'euros à l'impôt, ont forcément été couverts par le président de la Commission européenne.

    Quarante médias internationaux s'appuyant sur des documents obtenus par le Consortium international des journalistes d'investigation (ICIJ) viennent de révéler l'existence d'accords fiscaux secrets entre le Luxembourg et 340 multinationales, dont Apple, Amazon, Ikea, Pepsi ou Axa. Ces accords, qui permettent à ces firmes de minimiser leurs impôts, représentent des milliards d'euros de recettes fiscales perdues pour les États où ces entreprises réalisent des bénéfices, selon l'ICIJ et ses médias partenaires, dont Le Monde en France, The Guardian au Royaume-Uni, le Süddeutsche Zeitung en Allemagne, l' Asahi Shimbun au Japon. Ils ont été passés entre 2002 et 2010, soit à une période où Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne depuis le 1er novembre, était aux commandes du Luxembourg.

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  • Bulletin économique du Front National spécial BREXIT avec B. Monot et J-Y Narquin.

  • Un « réfugié » a commencé le regroupement familial de ses 3 femmes et 20 enfants qui vont tous vivre aux frais des contribuables

    Au Danemark, le cas de Daham Al Hasan est dans tous les journaux. Ce « réfugié » s’est installé au Danemark. Mais il a trois épouses et vingt enfants ! Il est d’abord arrivé seul. Puis une de ses femmes et huit enfants ont suivi. Et il a demandé de bénéficier du regroupement familial pour pouvoir faire venir ses autres femmes et tous leurs enfants au Danemark si accueillant. Grâce aux pressions, neuf autres enfants sont déjà arrivés au Danemark. Et, bien que la législation danoise interdise la polygamie, les experts juridiques considèrent que les deux autres femmes doivent pouvoir venir à leur tour au Danemark puisque… la plupart de leurs enfants y sont déjà arrivés.

    Il faut encore préciser que Daham Al Hasan affirme être trop malade pour travailler et trop vieux pour apprendre la langue danoise. Il se réjouit donc de pouvoir vivre avec sa grande famille grâce aux allocations que lui accordent le Danemark. Des allocations très importantes puisqu’elles tiennent compte des vingt enfants dont dix-sept ont moins de quinze ans.

    Curieusement, il paraît que de plus en plus de Danois envisagent de voter pour un parti anti-immigration. Etrange, non ? Mais surtout un peu trop tard…

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  • Juvin en Libertés : semaine du 20/06/2016 au 25/06/2016

  • Charlie Hebdo a-t-il « détourné les fonds » jadis promis aux familles des victimes ?

    Source : OJIM

    Mais où sont passés les millions de Charlie Hebdo ? Collectés après l’attaque du 7 janvier 2015, ils devaient être reversés aux familles des victimes.

    Philippe Val, ancien directeur de Charlie, s’était même engagé à verser l’intégralité des recettes du numéro des « survivants », le premier publié après les attentats, aux familles. Un joli pactole , puisque la vente de ce numéro a rapporté 12 millions d’euros et les dons 4,3 millions d’euros. Mais tout ne s’est, semble-t-il, pas passé comme prévu…

    18 mois après la mort de son mari, la veuve de Michel Renaud a décidé d’attaquer la nouvelle direction du journal en justice, parlant d’abus de confiance et de « trahison ». Dans le courrier de cinq pages transmis au procureur de la République de Paris, Gala Renaud dénonce une « volte-face ». Selon elle, la nouvelle direction de l’hebdomadaire satirique a décidé de conserver ces bénéfices colossaux. « Quant aux dons, tout ou partie de ceux-ci aurait été reversé sur le compte de l’association “Les Amis de Charlie” », peut-on lire. 

    Ainsi, « les acheteurs du journal comme les victimes de l’attentat et leurs ayants droit ont été dupés par la direction […] qui est délibérément et unilatéralement revenue sur ses engagements », poursuit Mme Renaud. Ce revirement montre une « intention de détourner les fonds promis initialement aux familles », estime-t-elle. Pour son avocat, Me Portejoie, la démarche de sa cliente « est fondée sur le plan moral, mais surtout juridique. En tant que victime, elle a un droit de regard légitime sur l’affectation des sommes collectées après la tuerie. Son statut l’autorise à demander des comptes. »

    Face à ces accusations et à cette plainte, Éric Portheault, directeur général de Charlie, s’est dit « étonné et choqué ». « Nous avons toujours déclaré que le produit de la vente du journal serait consacré à assurer sa pérennité. Ce choix légitime ne saurait être remis en cause par cette initiative sans aucun fondement juridique ou moral. Nous ne comprenons pas la démarche de la plaignante », explique-t-il, jugeant celle-ci « inutile et déplacée ».

    « Je ne fais pas ça pour l’argent, mais pour la mémoire de mon mari. Avant la tuerie, Charlie était dans une situation financière catastrophique. C’est désormais le journal le plus riche de France. Je ressens ce déséquilibre comme une injustice profonde. Michel n’est pas mort pour ça », conclut Gala Renaud. Il y a trois mois déjà, elle dénonçait l’opacité des aides financières prévues pour elle et sa fille. Aujourd’hui, elle a choisi de porter sa colère en justice et de mettre en lumière les agissements d’un journal qui se sert de son martyr pour rebondir, aux dépens de ceux qui l’ont payé de leurs vies.

    http://fr.novopress.info/202045/charlie-hebdo-a-t-detourne-fonds-jadis-promis-aux-familles-victimes/#more-202045

  • Travailler plus pour gagner autant : le Sénat adopte les accords offensifs pour l’emploi

    Travailler plus pour gagner autant. Ce sera possible en cas d’accord offensif pour l’emploi. Ce point de la loi travail a été adopté par le Sénat. L’exécutif prévoit qu’un accord ne peut pas diminuer la rémunération mais en cas de refus de l’accord, un salarié pourra être licencié.
    Ça avance. Si les débuts de l’examen de la loi travail étaient pour le moins long – la faute aux 200 amendements sur le seul article 2 sur les accords d’entreprise – les choses se sont relativement accélérées depuis. Lundi, les sénateurs ont examiné 114 amendements. A minuit, à la fin de la séance, il en restait 414 à examiner, soit plus de la moitié, sur les 1.000 amendements déposés.
    Après avoir adopté l’article 10 sur les référendums d’entreprise (voir notre article sur le sujet), les sénateurs ont adopté l’article 11 sur les accords dit « offensifs » pour l’emploi. Ils sont dans la lignée des accords de maintien de l’emploi, modifiés par la loi Macron, qui permettent à une entreprise de modifier le temps de travail ou la rémunération en cas de graves difficultés économiques.
    Clause de retour à meilleure fortune
    Dans le texte du gouvernement, il s’agit d’étendre cette philosophie à un accord d'entreprise « conclu en vue de la préservation ou du développement de l'emploi ». Les modifications au contrat de travail peuvent se faire « en matière de rémunération (soit ici la rémunération horaire, ndlr) et de durée du travail ». Soit par exemple augmenter la durée du travail sans augmentation. Précisions importantes : un accord « ne peut avoir pour effet de diminuer la rémunération mensuelle du salarié ». En cas de refus de l’accord par un salarié, il peut en revanche se faire licencier.
    Mais la majorité sénatoriale de droite et du centre est allée plus loin. En commission, ils ont permis qu’un accord offensif permette une baisse de salaire, excepté pour les rémunérations en dessous de 1,2 Smic. Cependant, en séance, le co-rapporteur LR Jean-Baptiste Lemoyne est en partie revenu sur la modification qu’il avait lui-même défendue en commission. « En cas d’accord de développement de l’emploi, la rémunération mensuelle des salariés ne pourra pas être diminuée » précise l’amendement du rapporteur, qui ne concerne en revanche pas le cas d’un accord de préservation de l’emploi. Autre ajout du Sénat : une clause de retour à meilleure fortune pour le salarié, en cas de santé retrouvée pour l’entreprise. « La commission prend à la fois les besoins collectifs de l’entreprises et ceux des salariés » défend Jean-Baptiste Lemoyne.
    « Les accords sur l’emploi constituent une véritable bombe » pour les communistes
    Qu’il s’agisse de la version de la commission ou de celle du gouvernement, la sénatrice PS Marie-Noëlle Lienemann pointe les effets de l’article 11. « J’entends bien qu’on ne peut pas baisser les salaires, (…) mais on peut travailler plus pour avoir le même salaire, ce qui revient à baisser la rémunération » souligne la sénatrice frondeuse. Elle ajoute : « Petit à petit, on se met sur un terrain bien connu, celui du Medef, (…) qui cherche une dynamique économique par des reculs sociaux ».
    La sénatrice communiste Laurence Cohen est tout aussi claire : « Pour notre groupe, c’est non ». « Les accords sur l’emploi constituent une véritable bombe. (…) Les employeurs n’auront plus à justifier leur licenciement » renchérit la sénatrice. Même opposition du sénateur EELV Jean Desessard, qui sur de nombreux points est en accord avec les sénateurs PCF. Il s’oppose à cet article « en raison de la grande précarité dans laquelle il placerait les salariés ». « Le salarié devra faire un choix entre précarité et perte de son emploi » dénonce le sénateur de Paris.
    Le groupe PS a défendu un amendement pour que les efforts concernent aussi les dirigeants d’entreprise. « Il semble plus mobilisateur pour l’ensemble de l’entreprise, notamment les salariés, que les efforts qu’ils seront amenés à consentir, le soient aussi par les dirigeants et les actionnaires » stipule l’amendement. Il n’a pas été adopté. « C’est dommage » a réagi le sénateur UDI Gérard Roche. Un peu plus tôt dans les débats, il avait voté un amendement du gouvernement sur les accords d’entreprise et le référendum. Il pointe « une très mauvaise image » « vis-à-vis du public ».

    Public Sénat :: lien

    http://www.voxnr.com/cc/politique/EuyyulkAFpXPDpfBwJ.shtml

  • Une idéologie à la source de nos problèmes: le néolibéralisme (The Guardian)

    Des économistes du FMI se demandaient récemment si le néolibéralisme n'avait pas été surestimé (voir leur texte ici). Leur texte était - évidemment - plein de précautions. Celui traduit ci-dessous n'en comporte aucune. Il est assez saisissant de se dire qu'il provient du Guardian britannique
    L'intérêt du texte, mais plus encore la liberté du ton méritait une mise à disposition en français. La voici. 
    Texte de George Monbiot traduit par Monique Plaza
    Imaginez que  le peuple  de l'Union soviétique n'ait jamais entendu parler du communisme. Et bien pour la plupart d'entre nous, l'idéologie qui domine nos vies n'a pas de nom.  Parlez-en au cours d'une  conversation et vous obtiendrez en retour un haussement d'épaules. Même si vos auditeurs ont entendu le terme auparavant, ils auront du mal à le définir. Le « néolibéralisme » : savez-vous seulement ce que c'est ?
    Son anonymat est à la fois un symptôme et la cause de sa puissance. Il a joué un rôle déterminant dans un très grand nombre de crises : la crise financière de 2007-2008, la délocalisation de la richesse et de la puissance, dont les Panama Papers nous offrent à peine un aperçu, le lent effondrement de la Santé publique et de l’Éducation, la résurgence du phénomène des enfants pauvres, l'épidémie de solitude, le saccage des écosystèmes, la montée de Donald Trump. Mais nous traitons ces crises comme si chacune émergeait de manière isolée, ne voyant pas qu'elles ont toutes été générées ou exacerbées par la même philosophie cohérente, une philosophie qui a - ou avait - un nom. Quel plus grand pouvoir que de pouvoir se déployer de manière anonyme ? 
    Le néolibéralisme est devenu à ce point omniprésent que nous ne le reconnaissons même pas comme une idéologie. Nous semblons accepter l'idée que cette foi utopique millénariste relève en fait d'une force neutre, une sorte de loi biologique, comme la théorie de l'évolution de Darwin. Pourtant, cette philosophie a bel et bien surgi comme une tentative consciente de remodeler la vie humaine et de modifier les lieu d'exercice du pouvoir. 
    Le néolibéralisme considère la concurrence comme la caractéristique principale des relations humaines. Il redéfinit les citoyens comme des consommateurs, dont les prérogatives démocratiques s'exercent essentiellement par l'achat et la vente, un processus qui récompense le mérite et sanctionne  l'inefficacité. Il soutient que « Le marché » offre des avantages qui ne pourraient jamais être atteints par quelque type de planification que ce soit.  
    Les tentatives visant à limiter la concurrence sont considérées comme des dangers pour la liberté. L'impôt et la réglementation sont considérés comme devant être réduits au minimum, les services publics comme devant être privatisés. L'organisation du travail et la négociation collective par les syndicats sont dépeints comme des distorsions du marché qui empêchent l'établissement d'une hiérarchie naturelle entre les gagnants et les perdants. L'inégalité est rhabillée en vertu : elle est vue comme une récompense de l'utilité et un générateur de richesses, lesquelles richesses ruisselleraient vers le bas pour enrichir tout le monde. Les efforts visant à créer une société plus égalitaire sont considérés comme étant à la fois contre-productifs et corrosifs moralement. Le marché est supposé garantir que chacun obtienne ce qu'il mérite. 
    Or nous intériorisons et reproduisons ces croyances. Les riches se persuadent qu'ils ont acquis leur richesse par le mérite, en ignorant les avantages - tels que l'éducation, l'héritage et la classe d'origine - qui peuvent avoir contribué à son obtention. Les pauvres tendent à se blâmer pour leurs échecs, même quand ils ne peuvent guère changer leur propre situation.
    Peu importe le chômage structurel : si vous ne disposez pas d'un emploi, c'est parce que vous n'êtes pas entreprenant. Peu importe les coûts invraisemblables du logement : si votre compte bancaire est vide, c'est que vous êtes irresponsable et imprévoyant. Peu importe que vos enfants n'aient plus de terrain de jeu : s'ils deviennent gras, c'est de votre faute. Dans un monde régi par la concurrence, ceux qui échouent sont vus et s'auto-perçoivent comme perdants.
    Paul Verhaeghe montre les conséquences de tout ceci  dans son livre What About Me ? : épidémies d'automutilation, troubles alimentaires, dépression, solitude, angoisse de la non-performance et phobie sociale. Il n'est pas surprenant que la Grande-Bretagne, où l'idéologie néolibérale a été appliquée le plus rigoureusement, soit la capitale de la solitude de l'Europe. Nous sommes tous d'authentiques néolibéraux à présent. 
    Le terme « néolibéralisme » a été inventé lors d'une réunion à Paris en 1938. Deux délégués, Ludwig von Mises et Friedrich Hayek, ont alors défini les contours de cette idéologie. Tous deux exilés d'Autriche, ils considéraient  la social-démocratie, illustrée par le New Deal de Franklin Roosevelt aux États-Unis et par le développement progressif du welfare en Grande-Bretagne, comme les manifestations d'un collectivisme de même nature que le nazisme et le communisme.
    Dans La Route de la servitude, publié en 1944, Hayek a notamment souligné que toute forme de planification par un gouvernement conduisait inexorablement, en écrasant l'individualisme, à un contrôle social de type totalitaire. Tout comme Bureaucratie, le livre de Mises, La Route de la servitude a été énormément lu. Il a notamment attiré l'attention de certains très riches, qui ont vu dans cette philosophie une occasion de se libérer de la réglementation et de l'impôt. Lorsqu'en 1947, Hayek fonde la première organisation de promotion de la doctrine du néolibérale - la Société du Mont Pelerin - il est soutenu financièrement par des millionnaires et par leurs fondations.
    Avec leur aide, il commence à créer ce que Daniel Stedman Jones décrit dans Les  Maîtres de l'Universcomme « une sorte d'Internationale néo-libérale » : un réseau transatlantique d'universitaires, d'hommes d'affaires, de journalistes et de militants. Les riches bailleurs de fonds du mouvement financent une série de groupes de réflexion pour affiner et promouvoir l'idéologie. Parmi eux, l'American enterprise Institute, laHeritage foundation, le Cato institute, l'Institut des affaires économiques, le Centre des études politiques et l'Institut Adam Smith. Ils financent également des postes et des départements universitaires, en particulier dans les universités de Chicago et de la Virginie.
    En évoluant, le néolibéralisme est devenu plus virulent. L'idée de Hayek que les gouvernements devraient réglementer la concurrence pour empêcher la formation des monopoles a cédé la place - chez les apôtres américains comme Milton Friedman - à la croyance que la situation monopolistique pourrait être considéré comme une récompense de l'efficacité.
    Quelque chose d'autre s'est produit au cours de cette transition : le mouvement a perdu son nom. En 1951, Friedman était heureux de se décrire comme un néolibéral. Mais peu après, le terme a commencé à disparaître. Plus étrange encore, alors même que l'idéologie devenait plus nette et le mouvement plus cohérent, le nom effacé n'a été remplacé par aucun substitut.
    Dans un premier temps, en dépit du financement somptueux de sa promotion, le néolibéralisme est resté en marge. Le consensus d'après-guerre était quasi universel : les prescriptions économiques de John Maynard Keynes étaient largement appliquées, le plein emploi et la réduction de la pauvreté étaient des objectifs communs aux États-Unis et à une grande partie de l'Europe occidentale, les taux d'imposition supérieurs étaient élevés et les gouvernements  cherchaient avant tout des résultats sociaux, en développant de nouveaux services publics et des filets de sécurité.
    Mais dans les années 1970, lorsque les politiques keynésiennes ont commencé à tomber en désuétude et que les crises économiques ont frappé des deux côtés de l'Atlantique, les idées néolibérales ont commencé à s'infiltrer dans le grand public. Comme le faisait remarquer Friedman, « lorsque le moment s'est présenté de changer d'orientation ... il y avait une alternative toute prête qui attendait ». Avec l'aide de journalistes sympathisants et de conseillers politiques, des éléments du néolibéralisme, en particulier ses prescriptions dans le domaine de la politique monétaire, ont été adoptés par l'administration de Jimmy Carter aux États-Unis et par le gouvernement de Jim Callaghan en Grande-Bretagne.
    Après que Margaret Thatcher et Ronald Reagan eurent pris le pouvoir, le reste suivit : réductions d'impôts massives pour les riches, écrasement des syndicats,  déréglementation, privatisations, externalisation, concurrence dans les services publics. Grâce au  FMI, à la Banque mondiale, au traité de Maastricht et à l'Organisation mondiale du commerce, les politiques néolibérales ont été imposées - souvent sans le consentement démocratique des populations - dans une grande partie du monde. Le plus remarquable a été leur adoption par les partis qui appartenaient autrefois à la gauche : le Labour et les Démocrates, par exemple. Comme le fait remarquer Stedman Jones, «il est dur d'imaginer aucune autre utopie qui ait été aussi pleinement réalisée ». 
    Il peut sembler étrange qu'une doctrine glorifiant le choix individuel et la liberté ait été promue avec le slogan « il n'y a pas d'alternative ». Mais, comme Hayek l'a fait remarquer lors d'une visite au Chili de Pinochet - l'une des premières nations où le programme néolibéral a été complètement appliqué - « ma préférence personnelle penche vers une dictature libérale plutôt que vers un gouvernement démocratique dénué de libéralisme ». La liberté que le néolibéralisme offre et qui semble si séduisante lorsqu'elle est exprimée en termes généraux, signifie la liberté pour le brochet, et non pour les vairons. 
    La liberté syndicale et la négociation collective signifie la liberté d'amputer les salaires. La liberté de la réglementation signifie la liberté d'empoisonner les rivières, de mettre en danger les travailleurs, d'imposer des tarifs iniques d'intérêt et de concevoir des instruments financiers exotiques. La liberté de l'impôt signifie la liberté de s’extraire de la redistribution des richesses qui permet de sortir des gens de la pauvreté.  
    Comme le montre Naomi Klein dans La théorie du choc, les théoriciens néolibéraux ont préconisé d'utiliser les crises pour imposer des politiques impopulaires pendant que les gens étaient distraits comme, par exemple, à la suite du coup d’État de Pinochet, de la guerre en Irak et de l'ouragan Katrina, que Friedman a décrit comme «une occasion de réformer radicalement le système éducatif » à la Nouvelle Orléans. 
    Lorsque les politiques néolibérales ne peuvent pas être imposées directement aux pays en interne, elles le sont iau niveau international, par le biais des traités commerciaux incorporant des ISDS ( juridictions privées ad hoc dédiées au règlement des différends investisseur-État : voir à ce sujet une longue interview sur le TAFTA ici ) qui peuvent faire pression pour supprimer des protections sociales et des législations environnementales. Lorsque les Parlements de certains États ont par exemple voté pour restreindre les ventes de cigarettes, protéger l'approvisionnement en eau des compagnies minières, geler les factures d'énergie ou empêcher les firmes pharmaceutiques de voler l'état, des multinationales ont attaqué les États concernés au tribunal, souvent avec succès. La démocratie se réduit ainsi à un théâtre.
    Un autre paradoxe du néolibéralisme est que la concurrence universelle repose sur la quantification universelle et la comparaison. Le résultat est que les travailleurs, les demandeurs d'emploi et les services publics de toute nature sont soumis à un ergotage procédurier, étouffant le régime d'évaluation et de surveillance, afin d'identifier les « gagnants » et de punir les « perdants ». La doctrine que Von Mises avait proposée pour nous libérer du cauchemar bureaucratique de la planification en a plutôt fabriqué un.
    Le néolibéralisme n'a pas été conçu comme un self-service à visée d'extorsion, mais il en est rapidement devenu un. La croissance économique a été nettement plus lente dans l'ère néolibérale (depuis 1980 en Grande-Bretagne et aux États-Unis) qu'elle ne l'était dans les décennies précédentes, sauf pour les très riches. L'inégalité dans la distribution des revenus et la répartition des richesses, après 60 années de résorption, a augmenté rapidement depuis, en raison de l'écrasement des syndicats, des réductions d'impôt, de la hausse des loyers, des  privatisations et de la dérégulation. 
    La privatisation ou la marchandisation des services publics tels que l'énergie, l'eau, les trains, la santé, l'éducation, les routes et les prisons a permis aux entreprises de mettre en place des péages, des loyers ou des dépôts de garantie, payables par les usagers et par les gouvernements. 
    Au bout du compte, ces rentes ne sont ni plus ni moins que des revenus du capital, désignés d'une autre façon. Lorsque vous payez un prix artificiellement gonflé pour un billet de train, seule une partie du prix sert à rémunérer les opérateurs, les dépenses d'énergie, les salaires ou l'amortissement du matériel roulant. Le reste, c'est ce qu'on vous ponctionne. 
    Ceux qui possèdent et dirigent les services privatisés ou semi-privatisés du Royaume-Uni amassent des fortunes prodigieuses en investissant peu et en facturant cher. En Russie et en Inde, les oligarques ont acquis des actifs de l’État à des prix dérisoires. Au Mexique, Carlos Slim a obtenu le contrôle de presque tous les services de téléphonie, et il est rapidement devenu l'un des hommes les plus riches du monde. 
    La financiarisation, comme le note Andrew Sayer dans Why We Can’t Afford the Rich, a eu un impact similaire. « Comme la rente », soutient-il, « l'intérêt est... un  revenu du capital obtenu sans aucun effort ». Comme les pauvres deviennent plus pauvres et les riches plus riches, les riches acquièrent de plus en plus le contrôle d'un autre outil essentiel : la monnaie. Le paiements d'intérêt, à une écrasante majorité, permet un transfert financier des pauvres vers les riches. Comme les prix de l'immobilier et le retrait de l’État pèsent sur les personnes endettées (exemple : le remplacement des bourses d'études par des prêts aux étudiants), les banques et leurs dirigeants s'enrichissent à leur détriment.
    Selon Sayer, les quatre dernières décennies ont été marquées par un transfert de richesse non seulement des pauvres vers les riches, mais également parmi les riches, depuis ceux qui gagnent de l'argent en fournissant de nouveaux produits ou services vers ceux qui en gagnent en contrôlant les actifs existants, en récoltant des loyers, des intérêts ou des gains de capital. Le revenu acquis a été supplanté par les revenus du capital non acquis. 
    Mais partout, les politiques néolibérales se heurte à des défaillances du marché. Les banques sont devenues « too big to fail », et des sociétés privées sont désormais chargées de fournir les services publics. Comme souligné par Tony Judt, le raisonnement d'Hayek a omis le fait que les services publics vitaux n'avaient pas le droit  de s'effondrer, ce qui signifie que la concurrence ne peut pas suivre son libre cours. Dès lors, le monde du business prend les profit les bénéfices, mais les États conservent les risques.
    Or plus l'échec apparaît comme grand, plus l'idéologie se radicalise. Les gouvernements utilisent les crises du néolibéralisme lui-même pour l'approfondir, s'en servant comme occasion de réduire les impôts, de privatiser les services publics restants, d'agrandir les trous dans les filets de sécurité sociale, de déréglementer les sociétés et de re-réglementer les citoyens. La haine de soi de l’État plante maintenant ses crocs dans l'ensemble des services publics. 
    L'effet le plus dangereux du néolibéralisme ne réside peut-être pas les crises économiques mais les crises politiques qu'il génère. Dans la mesure où le domaine de l’État se réduit, notre capacité à changer le cours de nos vies par le vote se réduit également. A la place, la théorie néolibérale affirme que les gens peuvent exercer leur liberté choix en orientant leurs dépenses. Mais certains ont plus à dépenser que d'autres : dans la grande démocratie du consommateur ou de l'actionnaire, un vote n'équivaut pas à un autre vote. Le résultat est une déresponsabilisation des pauvres et de la classe moyenne. Comme les partis de droite et de l'ex-gauche adoptent des politiques néolibérales similaires, la déresponsabilisation tourne à la privation effective des droits. Un grand nombre de personnes ont été exclues de fait du débat politique. 
    Chris Hedges note que « les mouvements fascistes s'appuient sur une base constituée non des actifs mais des inactifs politiques, des « perdants » qui  sentent, souvent à raison, qu'ils n'ont aucune voix ni aucun rôle à jouer ». Lorsque le débat politique ne s'adresse plus à lui, le peuple devient sensible aux slogans, symboles et sensations qui le remplacent. Pour les admirateurs de Trump, par exemple, les faits et les arguments semblent sans importance.
    Judt explique pour sa part que lorsque le maillage épais des interactions normales entre les individus et l'État se réduit à l'exercice de l'autorité et à l'obéissance, la seule force qui nous reste et nous lie est le pouvoir décuplé de l’État. Le totalitarisme que Hayek craignait tant est plus susceptible de voir le jour dans une situation où les gouvernements ayant perdu l'autorité morale qui découle de la fourniture des services publics, sont réduits à « cajoler, menacer et finalement contraindre les gens à leur obéir ». 
    Tout comme le communisme, le néolibéralisme est une sorte de Dieu déchu. Mais la doctrine zombie continue sa route en bringuebalant. L'une des principales raisons est son l'anonymat, ou plutôt une série de choses qu'on omet de nommer. 
    Des bailleurs de fonds invisibles maintiennent en vie la doctrine invisible de la main invisible. Lentement, très lentement, nous commençons à découvrir l'identité de quelques-uns d'entre eux. Nous constatons que l'Institut des affaires économiques, qui s'est opposé avec force dans les médias à  toute nouvelle réglementation de l'industrie du tabac, a été secrètement financé par la British American Tobacco depuis 1963. Nous découvrons que Charles et David Koch, deux des hommes les plus riches le monde, ont fondé l'institut qui a lui-même mis sur pied le mouvement Tea Party. Nous constatons que Charles Koch, en fondant  l'un de ses groupes de réflexion, avait  noté que « dans le but d'éviter les critiques indésirables, la façon dont l'organisation est contrôlée et dirigée ne doit pas être largement diffusée ».
    Les concepts utilisés par le néolibéralisme dissimulent souvent plus qu'ils ne désignent. « Le marché » sonne comme un phénomène naturel, tout comme pourraient l'être comme la gravité ou la pression atmosphérique. Mais il se heurte à des relations de pouvoir. Ce que « le marché veut » tend à signifier « ce que les entreprises et leurs patrons veulent » Le terme « investissement », comme le note Sayer, peut désigner deux choses très différentes. La  première est le financement d'activités productives et socialement utiles. La deuxième est le simple achat d'actifs existants pour percevoir des intérêts, des dividendes et des gains en capital. En utilisant le même mot pour différentes activités, on « camoufle les sources de richesse », ce qui conduit à confondre la création de richesse et la ponction opérée sur la richesse. 
    Il y a un siècle, les nouveaux riches étaient décriés par ceux qui avaient hérité leur argent. Les entrepreneurs ont cherchaient la reconnaissance sociale en se faisant passer pour des rentiers. Aujourd'hui, la relation a été inversée: les rentiers et les héritiers se présentent comme entrepreneurs. Ils prétendent avoir gagné leur revenu qui n'est que prélevé. 
    Cette confusion verbale s'ajoute à l'absence de nom et de lieu qui caractérise le capitalisme moderne, et le modèle de la franchise qui garantit que les travailleurs ne savent pas pour qui ils triment. Certaines entreprises sont enregistrées à travers un réseau de régimes offshore si complexe que même la police ne peut pas en découvrir les véritables propriétaires. Des montages fiscaux embobinent les gouvernements. Des produits financiers sont créés, si complexes que personne n'y comprend rien.
    L'anonymat du néolibéralisme est jalousement protégé. Ceux qui sont influencés par Hayek, Mises et Friedman ont tendance à rejeter le terme, clamant - non sans justesse - qu'il n'est aujourd'hui utilisé que de façon péjorative. Mais ils ne nous proposent aucun terme substitutif. Certains se décrivent comme libéraux ou libertaires classiques, mais ces descriptions sont à la fois trompeuses et curieusement dissimulatrices, comme si elles suggéraient qu'il n'y a rien de nouveau depuis la La Route de la servitude, Bureaucratie ou le travail classique de Friedman Capitalisme et liberté
    On doit bien convenir qu'il y a quelque chose de remarquable dans le projet néolibéral, du moins tel qu'il existait à ses débuts. Il constituait une philosophie innovante promue par un réseau cohérent de penseurs et de militants ayant un plan d'action clair. Il était patient et persévérant. La route de la servitude est devenue la voie vers le pouvoir.
    Le triomphe du néolibéralisme reflète d'ailleurs l'échec de la gauche. Lorsque l'économie du laissez-faire a conduit à la catastrophe en 1929, Keynes a conçu une théorie économique globale pour la remplacer. Lorsque la formule keynésienne de relance par la demande a atteint ses limites dans les années 70, une alternative était prête, le néolibéralisme. Mais lorsque celui-ci a semblé s'effondrer en 2008 il n'y avait ... rien. Voilà pourquoi le zombie continue de marcher. La gauche n'a produit aucun nouveau cadre général de la pensée économique depuis 80 ans.
    Chaque invocation de Lord Keynes est un aveu d'échec. Proposer des solutions keynésiennes aux crises du XXI° siècle revient à ignorer trois problèmes évidents: il est difficile de mobiliser les gens sur de vieilles idées; les défauts du keynésianisme révélés dans les années 70 n'ont pas disparu; surtout, les keynésiens n'ont rien à dire au sujet d'une préoccupation nouvelle et de première importance : la crise environnementale. Le keynésianisme fonctionne en stimulant la demande des consommateurs pour promouvoir la croissance économique. La demande des consommateurs et la croissance économique sont les moteurs de la destruction de l'environnement.
    Ce que l'histoire des deux doctrines, keynésianisme et du néolibéralisme, démontre, c'est qu'il ne suffit pas de s'opposer à un système à bout de souffle. Il faut aussi proposer une alternative cohérente. Pour le Labour, les Démocrates et les plus à gauche, la tâche centrale devrait être de développer une sorte de « programme économique Apollo », c'est à dire de concevoir un nouveau système de pensée, adapté aux exigences d'aujourd'hui. 

  • La Hongrie refuse que l’Union européenne décide à sa place pour des traités comme le TAFTA

    Hongrie, Budapest – Le Parlement hongrois a voté une motion visant à contrer le partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (PTCI ; TTIP en anglais) aussi connu sous le nom de traité de libre-échange transatlantique (TAFTA en anglais) et l’accord économique et commercial global (AECG ; CETA en anglais), mais aussi l’Accord sur le Commerce des Services (ACS / TiSA). 
    Proposé par le député vert Schiffer, du parti LMP (La politique peut être différente), cette motion vise à pousser le gouvernement à, tout d’abord, tirer des lignes rouges ne pouvant pas être franchies, en particulier dans des domaines tels que les normes environnementales et sanitaires , les réglementations sociales et démocratiques, les droits des consommateurs, ou même le droit. Le deuxième point visé par cette motion est de pousser le gouvernement à changer le mode de ratification de ces traités. 
    Depuis le traité de Lisbonne de 2007, ces traités sont négociés par la Commission européenne uniquement, et ratifiés par l’Union européenne, tant qu’ils ne comprennent pas les dispositions légales « non commerciales ». Avec cette motion, les députés hongrois veulent classer ces traités commerciaux comme « accord mixte », considérant que ce traité est bien plus qu’un simple traité commercial. La Commission européenne aurait alors à faire signer le document par chaque État membre avant la mise en vigueur du traité. 
    La motion a été acceptée par 178 oui, 5 abstentions et 2 non (le Parlement hongrois a 199 sièges). 

  • La baisse des prix du pétrole renverse l’échiquier géopolitique

    La baisse des prix du pétrole a démenti la théorie du « pic de Hubbert ». Il ne devrait pas y avoir de pénurie énergétique dans le siècle à venir. La baisse des prix a probablement aussi commencé le démantèlement de la théorie de « l’origine humaine du réchauffement climatique ». Elle a privé de toute rentabilité les sources d’énergie alternatives et les investissements dans les hydrocarbures de schistes et les forages en eaux profondes. Renversant l’échiquier géo-politique, elle est susceptible de rappeler les militaires US au Proche-Orient et de contraindre le Pentagone à abandonner définitivement la théorie du « chaos constructeur ».

    En deux ans, le marché mondial des sources d’énergie a été bouleversé. D’abord, l’offre et la demande ont considérablement changé, puis les flux commerciaux, enfin les prix qui se sont écroulés. Ces changements radicaux remettent en cause tous les principes de la géo-politique du pétrole.

    Le mythe de la pénurie

    Le ralentissement de l’économie des pays occidentaux et celui de certains pays émergents s’est traduit par une baisse de la demande, tandis que la croissance continue en Asie l’a, au contraire, augmentée. En définitive, la demande globale poursuit son lent développement. Côté offre, non seulement aucun État producteur n’a vu ses capacités s’effondrer, mais certains ont pu l’augmenter comme la Chine, qui amasse désormais d’importantes réserves stratégiques. De sorte qu’au total, le marché est très excédentaire.

    Ce premier constat contredit ce qui était la doxa des milieux scientifiques et professionnels durant les années 2000 : la production mondiale s’approchait de son pic, le monde allait connaître une période de pénurie au cours de laquelle certains États allaient s’effondrer et des guerres de ressources éclater. Dès son retour à la Maison-Blanche, en janvier 2001, le vice-président Dick Cheney avait formé un groupe de travail sur le développement de la politique nationale de l’énergie (National Energy Policy Development — NEPD), qualifié de « société secrète » par le Washington Post [1]. Dans une ambiance ultra-sécurisée, les conseillers de la présidence auditionnèrent les patrons des grandes entreprises du secteur, les scientifiques les plus reconnus, et les patrons des services de Renseignement. Ils arrivèrent à la conclusion que le temps pressait et que le Pentagone devait garantir la survie de l’économie états-unienne en s’emparant sans attendre des ressources du « Moyen-Orient élargi ». On ignore qui participa exactement à ce groupe de travail, sur quelles données il travailla, et les étapes de sa réflexion. Tous ses documents internes ont été détruits afin que nul ne connaisse les statistiques auxquelles il avait eu accès.

    C’est ce groupe qui conseilla de mener des guerres contre l’Afghanistan, l’Iran l’Irak, la Syrie, le Liban, la Libye, la Somalie et le Soudan ; un programme qui fut officiellement adopté par le président George W. Bush lors d’une réunion, le 15 septembre 2001, à Camp David.

    Je me souviens d’avoir rencontré à Lisbonne, lors d’un congrès de l’AFPO, le secrétaire général du groupe de travail de la Maison-Blanche. Il avait présenté un exposé sur l’étude des réserves annoncées, l’imminence du « pic de Hubbert » et les mesures à prendre pour limiter la consommation d’énergie aux USA. J’avais alors été convaincu —à tort— par son raisonnement et son assurance.

    Nous avons constaté avec le temps que cette analyse est complétement fausse et que les cinq premières guerres (contre l’Afghanistan, l’Irak, le Liban, la Libye et la Syrie) ont été de ce point de vue inutiles, même si ce programme se poursuit aujourd’hui. Cette énorme erreur de prospective ne doit pas nous surprendre. Elle est la conséquence de la « pensée de groupe ». Progressivement une idée s’impose au sein d’un groupe que nul n’ose remettre en question au risque de se voir exclure du « cercle de la raison ». C’est la « pensée unique ». Dans ce cas, les conseillers de la Maison-Blanche sont partis et sont restés dans la théorie malthusienne qui domina la culture anglicane du XIXe siècle. Selon elle, la population augmente à un rythme exponentiel, tandis que les ressources ne le font qu’à un rythme arithmétique. À terme, il ne peut pas y avoir de ressources pour tous.

    Thomas Malthus entendait s’opposer à la théorie d’Adam Smith selon laquelle, lorsqu’il est libre de toute réglementation, le marché se régule de lui-même. En réalité, le pasteur Malthus trouvait dans sa théorie —non démontrée— la justification de son refus de subvenir aux besoins des innombrables pauvres de sa paroisse. À quoi bon nourrir ces gens si, demain, leurs nombreux enfants mourront de faim ? Le gouvernement de George W. Bush était alors largement WASP et comprenait de nombreuses personnes issues de l’industrie pétrolière, à commencer par le vice-président Cheney, ancien patron de l’équipementier Halliburton.

    Si le pétrole est une ressource non renouvelable et qu’il aura donc une fin, rien ne permet de penser que celle-ci est proche. En 2001, on raisonnait en fonction du pétrole de type saoudien que l’on savait raffiner. On ne pensait pas exploitables les réserves du Venezuela par exemple, dont on admet aujourd’hui qu’elles suffisent à pourvoir à l’ensemble des besoins mondiaux pour au moins un siècle.

    On observera que la théorie de l’« origine humaine du réchauffement climatique » n’est probablement pas plus sérieuse que celle du pic pétrolier. Elle procède de la même origine malthusienne et a en outre l’avantage d’enrichir ses promoteurs à travers la Bourse des droits d’émission de Chicago [2]. Elle a été popularisée dans le but d’apprendre aux Occidentaux à diminuer leur consommation d’énergie d’origine fossile, donc de se préparer à un monde où le pétrole serait devenu rare et cher.

    La fin des prix artificiels

    La hausse du prix du baril à 110 dollars a semblé conforter la théorie de l’équipe de Dick Cheney, mais sa chute brutale à 35 dollars montre qu’il n’en est rien. Comme en 2008, cette chute a débuté avec les sanctions européennes contre la Russie qui ont désorganisé les échanges mondiaux, déplacé les capitaux et en définitive crevé la bulle spéculative du pétrole. Cette fois, les prix bas ont été encouragés par les États-Unis qui y ont vu un moyen supplémentaire de couler l’économie russe.

    La chute s’est aggravée lorsque l’Arabie saoudite y a trouvé son intérêt. En inondant le marché de ses produits, Riyad maintenait le cours du baril d’Arabian light entre 20 et 30 dollars. De la sorte, il détruisait la rentabilité des investissements dans les sources alternatives d’énergie et garantissait son pouvoir et ses revenus à long terme. Il est parvenu à convaincre ses partenaires de l’OPEC de soutenir cette politique. Les membres du cartel ont pris la décision de sauver leur autorité à long terme quitte à gagner beaucoup moins d’argent durant quelques années.

    Par conséquent, la baisse des prix, encouragée par Washington contre Moscou, a fini par l’atteindre lui aussi. Si plus de 250 000 emplois ont été détruits dans les industries de l’énergie en deux ans dans le monde, environ la moitié l’ont été aux États-Unis. 78 % des plateformes pétrolières US ont été fermées. Même si le recul de la production n’est pas aussi spectaculaire, il n’en reste pas moins que les États-Unis ne sont probablement plus indépendants énergétiquement ou ne vont pas tarder à le devenir.

    Et ce ne sont pas que les États-Unis : tout le système capitaliste occidental est impacté. En 2015, Total a perdu 2,3 milliards de dollars, ConocoPhillips 4,4 milliards, BP 5,2 milliards, Shell 13 milliards, Exxon 16,2 miliards, Chevron près de 23 milliards.

    Cette situation nous renvoie à la « Doctrine Carter » de 1980. À l’époque, Washington s’était donné le droit d’intervenir militairement au Proche-Orient pour garantir son accès au pétrole. Par la suite, le président Reagan avait créé le CentCom pour appliquer cette doctrine. Aujourd’hui on exploite du pétrole un peu partout dans le monde et sous des formes assez différentes. Le fantasme du « pic de Hubbert » s’est dissipé. De sorte que le président Obama a pu ordonner de déplacer les troupes du CentCom vers le PaCom (théorie du « pivot vers l’Asie »). On a pu observer que ce plan a été modifié avec l’accumulation de forces en Europe orientale (EuCom), mais il devra l’être encore si les prix stagnent entre 20 et 30 dollars le baril. Dans ce cas, on cessera d’exploiter certaines formes de pétrole et l’on reviendra vers l’Arabian light. La question du repositionnement des forces au Proche-Orient se pose donc dès à présent.

    Si Washington s’engage dans cette voie, il devra probablement également modifier les méthodes du Pentagone. La théorie straussienne du « chaos constructeur », si elle permet de gouverner des territoires immenses avec très peu d’hommes sur le terrain, exige beaucoup de temps pour permettre l’exploitation de vastes ressources, comme on le voit en Afghanistan, en Irak et en Libye. Peut-être faudra-t-il revenir à une politique plus sage, cesser d’organiser le terrorisme, admettre la paix, pour pouvoir commercer avec les États ou ce qu’il en reste.

  • Politique et éco n°94 : Les droits de l’homme contre le peuple