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plus ou moins philo - Page 33

  • « l’Union Européenne a laissé ses banques faire n’importe quoi »

    Marianne: Que pensez du plan de sauvetage de Chypre présenté par la troïka, Union européenne, Banque centrale européene et FMi, visant à taxer les comptes courants?

    Frédéric Lordon : L’Europe nous a certes habitué à son attraction pour le pire, mais on ne pensait tout de même pas qu’elle pourrait aller jusque là. Il y a donc à Bruxelles, Commission et Conseil confondus, un don pour la performance herculéenne – en l’occurrence : comment transformer un problème de la taille d’un confetti en potentielle déflagration nucléaire? Pour réussir pareil exploit, il faut produire une solution qui, très au delà des intéressés – les déposants des banques chypriotes –, soit de nature à frapper, mais catastrophiquement, les esprits dans toute la zone européenne.

    C’est précisément ce que réussit l’extravagante idée de renflouer les banques en taxant les dépôts, c’est-à-dire en envoyant urbi et orbi le signal tout à fait explicite qu’aucun déposant européen n’est plus en principe à l’abri de voir ses encaisses mises à contribution pour rattraper les petits déboires des banques. Aurait-on voulu provoquer une panique bancaire et un run sur les dépôts dans tous les pays où la situation des banques, loin d’être réglée, appellera probablement de nouvelles opérations de sauvetage – on pense en particulier à l’Espagne –, qu’on ne s’y serait pas pris autrement.

    Ajoutons, par extension, que  l’inquiétude serait alors susceptible de gagner les déposants des banques (réputées) saines par le simple jeu des interconnexions bancaires européennes. Il faut prendre vraiment les déposants pour des crétins pour s’imaginer qu’ils resteraient bras ballants sans se rendre compte de rien si une banque tierce, dans laquelle leur banque propre se trouve notoirement engagée, venait à être victime d’un run – spectacle dont on ne peut douter qu’il soit absolument frappant, et dont la probabilité a maintenant été singulièrement relevée quand les clients des  banques à problème sont susceptibles de passer au tourniquet en cas de bail out.

    Le scandale des renflouements bancaires avait pourtant fini par faire émerger la notion de « bail-in », c’est-à-dire l’idée que l’addition devraient être réglée par qui de droit, ou plutôt de devoir, en l’occurrence non pas par « l’extérieur » (out) des contribuables (qui n’y sont pour rien), mais par « l’intérieur » (in) des créanciers, qui ont sciemment pris des risques en prêtant aux banques, dûment touché les taux d’intérêt quand tout allait bien, mais qui ont été soigneusement exonérés (par les gouvernements) de tout effort quand les choses ont mal tourné. Il y avait là au moins le commencement d’un progrès intellectuel… que le plan « Chypre » réussit à inverser en scandale redoublé en donnant au bail-in le sens du sauvetage non par les créanciers mais par les déposants ! – en effet, eux aussi, pour leur malheur, sont « à l’intérieur »…

    Marianne: Mais en sauvant les banques chypriotes, sans mettre à contribution les déposants, on aurait aussi sauvé les mafieux «gratuitement». Cet argument a-t-il du sens?

    Frédéric Lordon: Même « l’objection » des déposants à moralité douteuse, dont les banques chypriotes se sont fait une spécialité, ne peut justifier d’avoir envisagé une mesure aussi dangereuse. Il est bien certain que l’idée de devoir sauver les dépôts d’un bataillon d’oligarques aux fortunes pestilentielles, de mafieux, trafiquants d’armes ou d’êtres humains, a tout pour rester en travers du gosier. Mais au lieu d’une décision qui ne produit aucune discrimination, on pouvait commencer par garantir absolument les dépôts des résidents pour envisager de ne s’en prendre qu’aux dépôts des non-résidents (au sens de l’UE).

    C’est bien ce qu’ont fait les Islandais qui n’ont pas hésité à refuser d’indemniser les clients britanniques et hollandais de leurs banques quand celles-ci étaient sur le point de s’écrouler. On ne sache pas d’ailleurs que ces pauvres clients non-résidents des banques islandaises aient eu quoi que ce soit à se reprocher, sinon d’avoir été victimes des promesses de la mondialisation financière et de s’être laisser tourner la tête par des promesses de rémunération accrue… mais sans se préoccuper de la sécurité de leurs avoirs dans des institutions situées hors de leur propre espace juridique – mais il n’est probablement pas d’autre moyen que ces déconvenues cuisantes pour venir à bout de l’esprit de cupidité; on peut d’ailleurs parier que tous ces infortunés déposants resteront maintenant tranquillement chez eux plutôt que d’aller courir la banque en ligne mondialisée pour gratter quelques points de taux d’intérêt en plus.

    Quant aux oligarques et autres mafieux qui ont, ou se sont arrangés pour avoir des passeports chypriotes (ou intra UE), eh bien tant pis – pour nous ! Dans une situation pourrie, la rationalité est de choisir entre deux maux le moindre. Rien ne surpassant le risque de la panique bancaire, la seule ligne de conduite raisonnable consistait à l’éviter à tout prix – quitte à devoir sauver au passage quelques crapules.

    Marianne: Selon vous, comment aurait-il fallu agir ?

    Frédéric Lordon: La constitution même du problème chypriote en dilemme suggère de sortir de l’affrontement sans issue des deux arguments opposés :

    1) taxer les dépôts envoie un signal potentiellement désastreux;
    2) ne pas les taxer exonère des déposants auxquels on aurait volontiers fait la peau et dont l’idée qu’ils vont bénéficier du sauvetage choque la moralité élémentaire.

    Mais voilà, le dilemme est constitué et il faut faire avec. La ligne de conduite aurait donc dû être la suivante :

    1)  dans une situation aussi défavorable, choisir ce qui sauve, et tant pis pour les coûts (de moralité) qui doivent s’en suivre, il est trop tard pour se préoccuper de ce à quoi on n’a prêté aucune attention dans le passé ; mais
    2) se poser aussitôt la question de savoir comment cette situation de dilemme en est venue à  se constituer, et taper aussi fort que nécessaire pour qu’elle ne se reproduise plus !

    En l’occurrence, une fois de plus, la réponse est très simple : l’UE a laissé ses banques faire n’importe quoi. Dans le cas chypriote, le « n’importe quoi » créateur du dilemme est d’une nature un peu particulière puisqu’il a à voir avec la tolérance coupable aux activités de blanchiment d’argent sale à une échelle extravagante relativement à la taille du secteur bancaire. Si l’UE avait eu tant soit peu de jugeote, elle aurait annoncé, sitôt un plan de sauvetage (non suicidaire !) décidé, de mettre les banques chypriotes sous tutelle et de passer au Karcher leurs livres pour en exclure tous les clients douteux, avant de prendre des mesures draconiennes et générales afin d’en finir avec cette invraisemblable négligence qui a conduit à ce que l’un des secteurs bancaires de l’Union se fasse quasiment un business model du recyclage d’argent sale.

    Le plus extravagant dans cette affaire est que le cas chypriote n’est formellement pas autre chose qu’un dérivé particulier de la situation tout à fait générale où se sont trouvés les gouvernements quand il a fallu sauver les banques en 2008-2009, à savoir:

    1) on a laissé les banques faire n’importe quoi – le n’importe quoi en l’espèce n’ayant pas de caractère proprement crapuleux mais « seulement » celui de prises de risques invraisemblables;
    2) la capacité du secteur bancaire à tenir otage toute l’économie a crée une situation de dilemme où ne restaient que des mauvais choix: sauver les banques mais au prix d’un scandale moral sans précédent, ou ne pas les sauver mais tous y passer derrière !

    Là encore la solution consistait à choisir, dans l’urgence, ce qui sauve, pour aussitôt après fracasser les structures bancaires et financières qui ont produit le dilemme. Comme on sait les banques ont été sauvées sans la moindre contrepartie, les rodomontades de régulations financières sont restées à l’état de… rodomontades, comme l’atteste l’indigente loi Moscovici de « séparation » bancaire (qui ne sépare rien), et rien des dilemmes de la finance en folie n’a été attaqué si peu que ce soit. Pendant ce temps, interloqués, ajoutant les erreurs techniques au scandale politique et moral de la « gestion » de la crise financière, eurocrates et responsables nationaux s’étonnent d’avoir « un problème » avec les populations…

    Marianne  http://fortune.fdesouche.com/

  • « La vaste fumisterie de la théorie du genre »

    Explication de vote de Bruno Gollnisch   sur le Rapport Liotard (A7-0401/2012) portant sur l’Elimination des stéréotypes liés au genre dans l’Union européenne

     Le rapport de Mme Liotard sur l’élimination des stéréotypes liés au genre dans l’Union européenne est lui-même un immense stéréotype androphobe et un plaidoyer pour la vaste fumisterie qu’est la « théorie du genre ». Tous les poncifs y passent, avec les habituelles solutions : bourrage de crâne dès l’enfance, répression de la moindre pensée ou parole prétendue « sexiste », quotas et même révision de l’Histoire ! J’aime à penser que Jeanne d’Arc ferait des confettis avec le rapport de Mme Liotard.

     La description extrêmement négative de nos sociétés fait véritablement contraste avec les circonlocutions et le langage très diplomatique utilisé dans un autre rapport voté aujourd’hui, consacré il est vrai à la situation des femmes en Afrique du Nord.

     J’ai d’ailleurs été surpris de ne trouver dans le rapport de Mme Liotard aucune mention ni même allusion aux conséquences d’une immigration massive, aux valeurs culturelles différentes voire opposées aux nôtres, au traitement des femmes et des jeunes filles dans de nombreux quartiers de nos villes. Ce n’est pas, que je sache, à cause des « stéréotypes » machistes européens, prétendument véhiculés par nos médias, qu’on y a le choix entre la burqa et la tournante, qu’on y subit des mutilations sexuelles, ou que l’on y est mariée de force.

    http://www.gollnisch.com

  • ERNST JÜNGER : PRÉSENT !

    Dans sa cent-troisième année, l'ancien combattant de la guerre 14-18 est mort. L'écrivain allemand au beau visage distingué avait presque traversé dans sa totalité le XXème siècle (il était né dans la ville célébrissime de Heidelberg).
    Son oeuvre et son engagement politique d'avant la seconde guerre furent controversés et il a du subir la bave haineuse de la gauche allemande même si l'écrivain devait en rire avec morgue en pensant que François Mitterrand l'admirait beaucoup, lui qui n'avait sans doute pas compris dans toute sa profondeur la portée politique et idéologique de l'oeuvre.
    L'ancien soldat de retour du front avait écrit « Orages d'acier », livre qui exaltait la guerre, Elle permettait à l'homme de se réaliser, de se métamorphoser et de se confronter au plus grand des défis. Elle est en quelque sorte la mère de l'homme (« la guerre notre mère »), Cela nous rappelle Mussolini lorsqu'il en vantait aussi les vertus curatives : « elle guérit de la tremblote ». L'idéal guerrier et chevaleresque, sa spiritualité inhérente étaient loués au plus haut point. Jünger dans son livre la mobilisation totale avait même inversé Clausewitz : la politique devenant la continuation de la guerre.
    A notre époque où la guerre peut devenir une guerre presse-boutons l'idéal guerrier n'est pourtant pas mort. Nous devons être des guerriers politiques, culturels et idéologiques, De nos jours, il n'y a plus de front. Le combat est partout dans nos villes, nos banlieues, nos quartiers, nos rues, nos immeubles, à l'école, au travail...
    Jünger était avant tout un écrivain mais avait un peu étudié la philosophie. On ne peut parler de lui sans faire référence aux deux philosophes assez proches sur le plan politique (avec bien sûr des nuances) Nietzsche et Heidegger.
    On trouve des thèmes récurrents aux uns et aux autres assez proches. Jünger avait bien sur lu Nietzsche et avait personnellement connu Martin Heidegger (ils habitaient la même région : le Bade-Wurtemberg en pays souabe).
    L'idéal guerrier s'accompagne bien évidemment du mépris pour le bourgeois : peureux, couard, grelotteux, sans spiritualité, politiquement libéral-démocrate dont le seul but dans la vie est la recherche de la sécurité, du confort et du bien-être matériel. Tout ceci s'oppose aux valeurs héroïques du soldat : le courage, l'audace, l'acceptation du risque et de la hiérarchie. Le guerrier possède et domine cette violence parfois nécessaire pour accoucher de l'être, ceci s'appelle l'impératif ontologique de la violence.
    Le bourgeois incarne socialement le « nihilisme européen » terme clef que nous allons expliciter. La peste spirituelle de l'Europe est le nihilisme. La France et sa culture droitdelhommesque, avec ses idéaux de gauche qui ont même empoisonné la droite en est le plus «bel» exemple et sans doute le pays le plus avancé dans ce domaine de décomposition spirituelle.
    Les idéaux français ou européens des «Lumières» : droits de l'homme, raison, idéal scientiste, universalisme, économisme, moralité kantienne, conception abstraite de l'homme auquel on nie tout aspect charnel, égalitarisme qui implique la suspicion haineuse envers tout ce qui est créateur et libre. Bref tout ce qui est mortifère et l'apologie de tout ce qui détruit notre culture, notre pays, notre peuple. Les symptômes actuels de ce nihilisme sont une partie de la jeunesse européenne qui renie son pays, sa culture et se réfugie dans la drogue, le sexe, la débauche, ...
    Nietzsche avait parfaitement vu que ces valeurs elles-mêmes étaient conformément à leur essence intrinsèquement nihilistes, leur état actuel de décomposition (voir la France actuelle) reflète leur potentiel de départ (et que cela ne vient pas comme le croient encore certains idéologues de gauche d'une baisse de l'idéal initial). Jünger et Heidegger par leur engagement politique de départ, même s'ils ont un peu divergé après, ont donc voulu dépasser le nihilisme européen : « Là où croît le danger, croît aussi ce qui sauve ». Cette phrase résolument optimiste d'Hölederlin redonnait espoir à Jünger et à Heidegger.
    L'engagement nationaliste était une façon de s'opposer sous une forme authentique au nihilisme européen qui obsédait tant les penseurs de génie européens. Pour eux, seule l'Allemagne pouvait avoir cette mission de renouveau spirituel. La défaite momentanée des mouvements nationalistes des années trente ne doit pas faire oublier leur origine intellectuelle, spirituelle et philosophique, le problème étant loin d'être réglé. Le nihilisme européen a atteint en France et en Europe un paroxysme et seul un mouvement nationaliste et spirituel fort pourra répondre à  cette menace persistante pour l'avenir de la France, de l'Europe et de l'Occident. 
    Patrice GROS-SUAUDEAU

  • Le Qatar soutient l'islamisation des banlieues françaises

    Le Qatar, avec le feu vert du gouvernement français, a créé un fond pour investir massivement dans les banlieues française. Ou comment assurer l’implantation islamiste dans ces dernières :

  • La Conscience

    Ce mot en français a plusieurs significations. On parle en philosophie de la conscience du monde qui nous entoure, la conscience de son moi ce qui nous distingue des animaux. La conscience peut aussi avoir un sens spirituel, lorsque par exemple certains par des exercices de spiritualité veulent élever leur « conscience ». Il y a enfin la conscience morale qui est un troisième sens, mais celle-ci est reliée à la conscience tout court.
    « L'homme est conscience de soi. Il est conscient de soi, conscient de sa réalité et de sa dignité humaines, et c'est en ceci qu'il diffère essentiellement de l'animal... » (A. Kojève).
    La conscience de soi est le cogito cartésien, le socle sur lequel va s'appuyer la philosophie occidentale : « Cogito, ergo sum ». Parménide écrivait : « le penser et l'être sont le même ». Le « donc » cartésien peut sembler superfétatoire. La phénoménologie étudiera la constitution du monde par nos actes de conscience.
    La conscience possède plusieurs propriétés. Elle doit être transparente. Elle permet la certitude. En psychologie, l'accès à ma conscience s'appelle l'introspection comme le préconisait l'allemand Wundt. La conscience doit être aussi immédiate. Il y a primauté du présent sur le passé. La vérité est celle du présent. Les affections de l'homme sont multiples. La conscience unifie ces affections. « Posséder le je dans sa représentation : ce pouvoir élève l'homme infiniment au-dessus de tous les êtres vivants sur la Terre. Par là, il y a une personne ; et grâce à l'unité de la conscience dans tous les changements qui peuvent lui survenir, il est une seule et même personne, c'est à dire une être entièrement différent, par le rang et la dignité, de choses comme le sont les animaux sans raison, dont on peut disposer à sa guise » (Kant).
    La phénoménologie
    Pour Husserl, la conscience est toujours conscience de quelque chose. C'est ce qu'on appelle l'intentionnalité de la conscience. La conscience vise donc le monde extérieur. Heidegger parlera d'« être dans le monde ».
    « La conscience et le monde sont donnés d'un même coup : extérieur par essence à la conscience, le monde est par essence relatif à elle : connaître ; c'est « s'éclater vers » » (Sartre).
    Si la conscience est intentionnalité, alors il n'y a pas de pure vie intérieure. « Nous voilà débarrassés de Proust. Délivrés en même temps de la « vie intérieure » : en vain chercherions-nous comme Amiel, comme une enfant qui s'embrasse l'épaule, les caresses, les dorlotements de notre intimité, puisque finalement tout est dehors, tout jusqu'à nous-mêmes... » (Sartre)
    « C'est l'intentionnalité qui caractérise la conscience au sens fort et qui autorise en même temps de traiter tout le flux du vécu comme un flux de conscience et comme l'unité d'une conscience » (Husserl)
    Lien entre la conscience et le corps
    La pensée moderne après Descartes identifie la pensée et le corps. « Mon corps n'est plus l'autre de l'esprit, mais bien intimement le même, le dénominateur commun de tout ce qui à un titre quelconque, intervient dans un domaine vital » (G. Gusdorf)
    La conscience morale
    En anglais et en allemand on différencie la conscience disons psychologique et la conscience morale : conscioussness et conscience en anglais, Bewusstsein et Gewissen en allemand. La conscience morale n'existe pas bien sûr sans la conscience psychologique. Il reste philosophiquement la question du fondement de la conscience morale. Schopenhauer écrivait qu'il est plus facile de prêcher la morale que de la fonder.
    L'inconscient
    On ne peut parler de la conscience sans aborder aussi l'inconscient. Leibniz aborde le premier l'existence de pensées inconscientes. Freud a repris ces analyses en distinguant dans notre appareil psychique : le ça, le moi et le surmoi.
    Le « ça » constitue les forces profondes : pulsions de l'agressivité, désirs sexuels, faim...
    Le « moi » constitue la conscience mais une partie du moi est inconsciente sous l'emprise des pulsions.
    Le « surmoi » est l'ensemble des contraintes institutionnelles et morales, de tous les interdits.
    Le « moi » se trouve entre le « ça », les pulsions et le surmoi. Trop de « surmoi » peut créer des névroses. L'inconscient se manifeste dans les actes manques et les rêves. Le rêve exprime un désir. Pour Freud, le rêve est la voie royale de l'inconscient. L'inconscient est un problème pour de nombreux philosophes comme Sartre qui le nie. Il substitue « la mauvaise foi ». On élude les problèmes.
    Si la conscience est toujours dirigée vers l'extérieur « être une conscience c'est s'éclater vers le monde » (Sartre), la conscience nous sépare des autres êtres vivants.
    « Ce qui élève l'homme par rapport à l'animal c'est la conscience qu'il a d'être un animal...du fait qu'il sait qu'il est un animal, il cesse de l'être » (Hegel)
    PATRICE GROS-SUAUDEAU

  • Les mécanismes psycho-sociaux de l’aliénation néolibérale

    par Olivier Labouret

    Ex: http://mecanoblog.wordpress.com/

    Comment penser et affronter les bouleversements impensables qui nous affectent aujourd’hui ?

    On va chercher à comprendre comment le néolibéralisme nous aliène tous collectivement, certes, mais surtout chacun d’entre nous, individuellement. Pas seulement les couches populaires, les Français moyens, les « beaufs », les lecteurs de Gala, les spectateurs de TF1 ou les électeurs qui marinent, mais vous, moi, nous tous… Tant qu’on nie cette évidence que chacun d’entre nous est étroitement, inconsciemment aurait dit Freud, conditionné par les valeurs égoïstes de la compétition marchande, tant qu’on n’a pas compris que les bouleversements qui nous affectent ne sont pas seulement de nature économique et sociale, mais de nature psychologique et individuelle, c’est à dire s’immiscent en nous jusqu’à influencer notre pensée elle-même, comment peut-on prétendre faire de l’éducation populaire, concrètement, comment accomplir une quelconque transition ? En réalité, la guerre économique est aussi une guerre psychologique. Et si l’on veut penser autrement, sortir du déni de réalité dominant, guérir du « capitalisme cognitif » qui doit faire de nous les meilleurs sur le marché de l’emploi, du savoir et de la renommée, ici sur le campus du Mirail comme ailleurs, il faut connaître parfaitement l’ennemi, même et surtout quand il est tellement sournois qu’il s’est tapi à l’intérieur de soi, dans les recoins de son psychisme, ou ce qu’on nomme aujourd’hui communément tel.

    Au fond, la question est de comprendre comment la loi du marché a finalement fait pour rentrer subrepticement, mais au sens propre, à l’intérieur du cerveau, de nos cerveaux… Car ce n’est pas un vain mot, quand on sait qu’une discipline nouvelle a vu le jour et a été adoptée par les plus hauts conseillers des gouvernements occidentaux : la neuro-économie. Ces économistes au pouvoir ont intégré la technique comportementale et les neurosciences à leurs travaux. Un rapport du Centre d’analyse stratégique de 2010, officine d’experts patentés aux ordres du Premier ministre français, mais rapport co-dirigé par un conseiller du président Obama, Richard Thaler, se targue ainsi de pouvoir littéralement « rentrer dans le cerveau du consommateur », grâce en particulier à l’imagerie cérébrale, pour orienter, influencer ses choix économiques… Cela ne fait que confirmer redoutablement l’essentiel de mon propos : l’idéologie comportementale et cognitive, qui considère que l’individu, réduit à un instrument de traitement de l’information, peut être conditionné dans ses choix par un ensemble de sanctions et de récompenses, la bonne vieille méthode de la carotte et du bâton, est devenue une idéologie d’État pour les gouvernements néolibéraux : à travers un ensemble de techniques de propagande, il leur est possible aujourd’hui non seulement de conformer le comportement de chacun aux normes du marché, mais surtout de favoriser leur intégration cognitive, pour en faire une loi naturelle, incontestable… Quiconque y déroge, dorénavant, peut être ainsi déclaré objectivement, scientifiquement, souffrant sinon malade, et relever d’un traitement psychologique, et médical.

    Parler de ma place de psychiatre, praticien hospitalier de service public, pour décrire ces phénomènes est une position privilégiée, car l’évolution de la psychiatrie témoigne en première ligne de cette évolution de la doctrine néolibérale : la psychiatrie constitue un miroir grossissant de ce que le système de domination économique dans lequel nous vivons est en train de faire de la subjectivité de chacun d’entre nous. La psychiatrie n’a plus en effet pour rôle de soigner des maladies mentales, strictement définies par un ensemble de symptômes, mais s’occupe désormais officiellement de programmer la santé mentale des populations, santé mentale définie négativement, par l’absence de toute déviance comportementale vis à vis de la norme socio-économique. Un autre rapport, quasi-simultané, du Centre d’analyse stratégique gouvernemental, dirigé cette fois par une professeure d’épidémiologie formée à l’école comportementaliste et scientiste canadienne, Viviane Kovess, définit en effet la santé mentale, qui est « l’affaire de tous », comme « la capacité à s’adapter à une situation à laquelle on ne peut rien changer, (ou encore) l’aptitude à jouir de la vie ». Il s’agit là ni plus ni moins de la définition de l’individu libéral héritée d’Adam Smith, voire du marquis de Sade : la recherche égoïste et concurrentielle de l’intérêt individuel fait la richesse des nations et le bonheur collectif. Viviane Kovess est l’une des promotrices d’un programme européen de santé mentale visant à conditionner celle-ci par des logiciels d’apprentissage dès l’enfance. On voit que la psychiatrie est bel et bien devenue l’instrument d’une politique européenne et mondiale de santé, ou plutôt de conformité mentale, faisant d’ailleurs l’objet en France de plans quinquennaux, soutenus par la fondation d’État FondaMental. Cette dernière a pour mission de dépister tout trouble, toute défaillance individuelle le plus précocement possible, et de les corriger par la « psycho-éducation », car ils nuisent à la compétition économique, ainsi que l’affirmait son ancienne présidente, parlementaire UMP… La psychiatrie est donc aujourd’hui vraiment une affaire d’État : elle est instrumentalisée par le pouvoir néolibéral pour lui servir de caution scientiste à sa politique gestionnaire et répressive qui ne cesse de se durcir (comme le laisse à penser la continuité de la politique d’expulsion des étrangers en situation irrégulière depuis le changement présidentiel). Elle est devenue l’arme principale du contrôle socio-économique des comportements déviants, délinquants et même simplement défaillants. Comment diable en est on arrivés là ?
    Survol de l’évolution historique de la psychiatrie

    La psychiatrie est née avec les lumières et a grandi avec le scientisme positiviste : dès son origine, elle a constitué un système symbolique essentiel pour la civilisation occidentale (donnant une représentation acceptable de la folie et de la finitude, par le déplacement symbolique de la souffrance, de la violence sociale vers le psychisme individuel et la science médicale). Mais ce qui se passe aujourd’hui, c’est que ce système symbolique est devenu un système de propagande au service de l’ordre néolibéral : la métaphore psychologique et médicale permet de nier la violence que celui-ci exerce, de naturaliser la norme économique dans la subjectivité, de faire rentrer la loi du marché à l’intérieur de nos neurones sinon jusque dans nos gènes… La pression normative écrasante qui s’exerce aujourd’hui sur chacun d’entre nous et dans le monde entier est ainsi niée symboliquement, par psychiatrie interposée. Comment une telle mutation s’est-elle opérée, en deux siècles d’histoire ?

    Passons rapidement sur les deux guerres mondiales : à leur décours, avec Freud puis Parsons, le système symbolique médico-psychologique se prend de plus en plus pour la réalité, l’adaptation psychologique devient la norme individuelle du progrès civilisationnel. Mais c’est surtout avec la chute du mur de Berlin que ce système de croyances acquiert la force d’une conviction absolue. Avec l’effondrement du bloc communiste vient le triomphe du néolibéralisme, et le début de la troisième guerre mondiale : le seul ennemi devient l’individu, à embrigader dans la guerre économique. Ce tournant se traduit par la mondialisation de l’idéologie comportementale : tout trouble est désormais une maladie mentale. Apparaissent en effet en cascade les classifications mondiales des troubles du comportement, et en France la loi sur l’hospitalisation d’office des troubles à l’ordre public, ainsi que la circulaire instaurant la politique de santé mentale. C’est aussi le début du contrôle informatique effréné des activités humaines.

    Dix ans plus tard, surviennent les attentats du World Trade Center, simple incident de parcours dans cette fuite en avant hégémonique du système néolibéral : le terroriste se cache parmi nous, l’ennemi est intérieur. On assiste alors à une avalanche de lois sécuritaires (plus de trente en dix ans). Encore presque dix ans plus tard, 2008, voici la crise ultime des SubPrimes. La bulle n’est pas seulement spéculative mais psychologique, la dépression est tout autant nerveuse qu’économique : c’est la baudruche consumériste qui éclate, l’illusion de la possession matérielle pour tous qui s’effondre. Pour sauver le capitalisme, au moins temporairement, il n’y aura pas d’autre solution que de « changer les comportements et les mentalités », projet que le président Sarkozy annoncera à plusieurs reprises. Son discours de Toulon sera très rapidement suivi du discours d’Antony instrumentalisant un fait divers, le meurtre commis par un schizophrène malencontreusement échappé d’un hôpital psychiatrique, pour annoncer le grand tournant sécuritaire de la psychiatrie : celle-ci devra dorénavant garantir le risque zéro. Vous voyez qu’il existe un rapport dialectique étroit entre science psychiatrique et crise économique…

    Tout malade est un criminel en puissance, et tout individu est un malade qui s’ignore, pour peu qu’il trouve à redire à l’ordre en place : moins de 3 ans plus tard, cette dérive sécuritaire se concrétise dans la loi du 5 juillet 2011, instaurant les « soins sans consentement ». On peut, on doit désormais surveiller et traiter de force tout trouble du comportement, par des « programmes de soins » à domicile. Voici comment la psychiatrie est devenue sans coup férir une arme de dissuasion massive de tout remise en cause individuelle dérangeante du système de domination néolibéral, permettant un déni symbolique de toute contrainte, de toute violence socio-économique.
    État des lieux actuel de la psychiatrie : une triple dérive qui s’accélère

    Dérive scientiste : c’est donc le triomphe de l’idéologie comportementale, qui diffuse la bonne santé mentale dans l’ensemble de la société, du sommet de l’État à la dernière des classes maternelles en passant par le monde de l’entreprise, à travers les procédures d’évaluation et échelles de comportement. Cette idéologie au pouvoir est renforcée par un véritable délire scientiste : la norme comportementale a une origine biologique, tout trouble doit avoir forcément une cause médicale, organique. C’est le sens des recherches faramineuses en neurosciences et sur la vulnérabilité génétique : tous les troubles, toutes les déviances sont concernés (hyperactivité, troubles des conduites, addictions, conduites suicidaires, troubles bipolaires et labiles…). Des intérêts colossaux sont en jeu, à la fois scientistes (congrès et publications de la psychiatrie universitaire, instituts de recherche privés comme FondaMental et publics avec l’Inserm), politiques (prises de positions gouvernementales, rapports du Centre d’analyse stratégique) et industriels (poids du lobbying pharmaceutique). On a parlé des recherches en neuro-économie, il faut citer également la classification internationale DSM-5 dont la parution est imminente, et qui décrit des troubles prédictifs : désormais, il faut dépister le trouble le plus précocement possible voire avant même qu’il arrive pour le tuer dans l’oeuf !

    Dérive marchande : comme dans tous les services publics, ou ce qu’il en reste, c’est le triomphe de l’idéologie managériale cognitivo-comportementaliste de la rentabilité, de l’évaluation, de la qualité, réalisant une course incessante à la performance (sélection des meilleurs soignants au mérite, et culpabilisation, mise à l’écart des incapables), parallèlement à une pénurie croissante des moyens et à un contrôle administratif renforcé, et aboutissant à une perte de toute indépendance et de toute éthique professionnelle.

    Dérive sécuritaire enfin, cachant une violence institutionnelle qui s’accroît : cinq lois et deux circulaires en cinq ans, psychiatrisant toujours plus la déviance et la délinquance, et accompagnant des pratiques « soignantes » de plus en plus coercitives. La mission de la psychiatrie devient l’expertise prédictive omnipotente de la dangerosité, parallèlement à la mise en place d’un fichage généralisé des populations à problèmes, qui coûtent trop cher, pour les trier voire les éliminer en douceur. Surtout, la loi du 5 juillet 2011 instaure une société de contrôle d’un genre nouveau, à travers les soins sans consentement à domicile, autrement dit le déni psychiatrique de toute contrainte extérieure pesant sur l’individu. On assiste là à l’abolition de tout libre-arbitre, de la possibilité de penser différemment, et finalement de la vie privée, par une loi qui dicte à toute la population le bon comportement individuel. Dorénavant, chacun devra se conformer de lui-même à des normes posées comme une réalité absolue, même si il n’y consent pas. C’est l’avènement d’un État policier où la psychiatrie exerce la police des comportements, le ministère de l’intérieur psychique, conditionnant une normopathie de masse, au sens de Hannah Arendt. L’implosion psychologique remplace toute possibilité d’explosion sociale, chacun est tenu d’être surveillé et traité médicalement chez soi et en soi pour être heureux… C’est l’avènement de l’hygiénisme du bonheur obligatoire, du repli programmé dans le confort de son cocon personnel, mais aseptisé, vidé de toute distance critique, de toute altérité.
    La psychiatrie resituée dans l’évolution socio-économique : la propagande néolibérale

    C’est la stratégie du choc psycho-économique dont parle Naomi Klein, autrement dit l’application systématique par le pouvoir des méthodes cognitivo-comportementales de soumission (on parlera de renforcement positif et négatif, ou en plus imagé de la carotte et du bâton).

    La « carotte », c’est la propagande spectaculaire et marchande du divertissement, de la consommation, et la propagande techno-scientiste (mythe du progrès, de la croissance, de l’amélioration des performances…). Elle est portée par le marketing publicitaire, les industries culturelles, la télévision, les technologies de l’information et de la communication (TIC), les jeux vidéo : tous ces moyens reposent sur le culte de l’argent roi et le star système, la promesse du bonheur et de la possession ; ils agissent par hypnose, tendant un miroir narcissique dans lequel se reflète et se leurre toute la société. Ainsi se réalise une auto-excitation vers toujours plus, une fuite en avant incessante, un emballement, comme un tourbillon qui nous emporte irrésistiblement…

    Le « bâton », c’est la politique de la peur de l’ennemi intérieur, du bouc émissaire : une police de plus en plus répressive (gardes à vue, délits d’outrage, manifestations piégées, affaire de Tarnac, politique migratoire, armes non létales…) ; une justice de plus en plus intrusive et prédictive (loi LOPPSI II, loi Estrosi, fichier Hortefeux PASP, FNAEG, délinquance routière = exemple de psychologisation cognitivo-comportementale généralisée, et redoutablement efficace, de la répression…) ; un dressage éducatif de plus en plus sévère (casse de l’école par la RGPP provoquant une sélection de plus en plus élitiste, politique de prévention de la délinquance, réforme de la justice des mineurs, fichage informatique des compétences…) ; une destruction sociale accélérée (précarisation généralisée, management par l’évaluation = modèle clef décidément de la psychologisation cognitivo-comportementale universelle de la soumission néolibérale, idéologie de la lutte contre la fraude, rôle de contrôle social et technologique des travailleurs médico-sociaux eux-mêmes menacés de sanctions automatiques) ; dissuasion psychiatrique visant comme on l’a vu à renforcer le moral des troupes ou du troupeau (psychiatrisation de toute défaillance étiquetée « dépression »). Tout cela a généré en quelques années seulement d’ordre néolibéral absolu incarné par la présidence sarkozienne, une société de suspicion et de surveillance généralisée (dans laquelle les TIC jouent un rôle majeur : fichiers de police, mouchardage électronique, vidéosurveillance, géolocalisation, biométrie, fichier centralisé des Cartes nationales d’identité…) et même d’auto-surveillance où la vie privée devient transparente (TIC encore avec les réseaux sociaux, plan vigipirate, voisins vigilants, matraquage permanent, à tous les coins de rue, du message « pour votre sécurité » = emblématique de l’intériorisation psychologique de toute contrainte, de toute violence socio-économique)…
    Les conséquences de cette pression normative écrasante qui se dénie comme telle : la destruction de la subjectivité

    C’est le conditionnement d’un conformisme, d’une normopathie de masse marquée par la duplicité. Il s’agit pour chacun d’entre nous, de faire semblant d’adhérer à des normes de plus en plus injustes et absurdes : l’alternative se pose dans l’ensemble du champ social entre se soumettre, se démettre, tomber malade, ou résister. Illustrations : Arendt (banalité du mal), psychosociologie (Asch), Foucault (nouvelle gouvernementalité biopolitique post-disciplinaire), critiques du management par l’évaluation, telle que celle de Dejours (peur de la précarisation : oeillères volontaires, cynisme viril). Mis à part déserter ou résister, on peut donc au choix :

    Tomber malade : c’est la dépression du burn out, qui touche les plus vulnérables, autrement dit les gens sincères et engagés. En témoignent également les épidémies récentes de suicides professionnels et de crimes de masse (Norvège, Toulouse, Denver = Batman en avant-première au cinéma : acte « fou » ? Pas tant que ça, car riche de sens en brisant le miroir spéculaire insupportable de la violence générée par « The American Way of Life »). Ainsi que les pathologies de la consommation (addictions) et de l’accélération (hyperactivité, labilité émotionnelle, troubles bipolaires…)
    Se soumettre : la perversion narcissique est aujourd’hui la personnalité culturelle, la néo-subjectivité malade du néolibéralisme (Lasch, Dejours, Dufour, Brown, Dardot et Laval…). C’est le conditionnement généralisé d’un narcissisme conformiste et consumériste de masse voué à la jouissance immédiate. Il traduit une fuite auto-excitatrice, comme une ivresse, dans la concurrence et le profit immédiat, c’est à dire un déni de la dépression, de la vulnérabilité, et sa projection dans un bouc émissaire. Cette instrumentalisation, cette chosification d’autrui est entièrement commandée par les nouveaux modes de contrôle social (politique de santé mentale opportuniste, idéologie comportementale conquérante, course à la performance, fichage informatique omniscient…). Passons sur les analyses sociologiques du sadisme inconscient : Habermas, Bourdieu, De Gauléjac, Prigent, Méheust (politique de l’oxymore = injonctions paradoxales, euphémisation de la violence) ; et sur les conséquences historiques redoutables de cette évolution : retour de l’eugénisme (trans-humanisme), accélération insensée du temps vers ce que Hartmut Rosa décrit comme « immobilité fulgurante ».
    « Remèdes » : quelques pistes pour une alterpsychiatrie

    Retrouver un mode de pouvoir non abusif, réellement démocratique : l’autorité est légitime quand elle est capable de se critiquer, quand elle est reconnue comme telle car non niée symboliquement (par psychiatrie, TIC, etc.). Le rétro-contrôle individuel doit être rendu possible dans le système sociopolitique (tirage au sort, référendum d’initiative populaire, justice indépendante, etc.).

    Restaurer des limites épistémologiques strictes à la psychiatrie et au travail socio-éducatif, qui ne doivent plus s’occuper du contrôle techno-scientiste de toute déviance sociale. En particulier, promouvoir une alterpsychiatrie soucieuse de la subjectivité, des droits et des libertés individuels (la véritable santé se définit comme liberté, création de ses propres valeurs – cf. Campguilhem). Une véritable psychiatrie devrait se constituer comme médiation symbolique, capable de résister sans concession à la triple dérive actuelle, scientiste, marchande et sécuritaire.

    Enfin respecter les limites éthiques de l’existence, ce qui demande un « travail » personnel et relationnel (« thérapie psycho-politique ») : accepter sa vulnérabilité, avec humilité (auto-limitation, castration symbolique, etc.), prôner la décélération voire la décroissance, revendiquer la franchise, condition de la confiance. Concrètement, il va falloir se résoudre à sortir vraiment du mythe de l’enrichissement et de la performance pour accéder à l’austérité conviviale (Ivan Illich) : c’est d’abord cela, la transition.

    Sur un mode comparable, une autre politique éducative est possible…

    Olivier Labouret

    Source : Blogs d’Attac

  • HEIDEGGER ET LE NAZISME (SUITE SANS FIN)

    Sur cette question souvent abordée ces derniers temps, chaque commentateur y met sa vision du monde et de la philosophie, toute interprétation étant infinie. Soit on démontre que le philosophe était un nazi pour le discréditer avec toutes les variantes possibles, sa philosophie l'étant en partie ou non. Soit on affirme qu'il ne l'a pas été (ou que cela a été une erreur très passagère sans conséquence). Pour l'instant, il semble que cet engagement a été bien plus fort qu'on a bien voulu le dire. Cette affaire procure à certains une joie maligne de pouvoir ainsi juger négativement le grand philosophe et de se trouver ainsi mieux que lui. L'attitude parfois ambiguë d'Heidegger par la suite a surtout été celle d'un homme qui a cherché à assurer sa survie philosophique et même économique après la guerre.
    Nous allons donc poser la question :
    Y-a-t-il des points communs entre la pensée de Heidegger et un courant de la pensée allemande antidémocratique, anti-judéochrétien, anti-rationaliste que l'on retrouve aussi chez Nietzsche, interlocuteur posthume du grand philosophe d'origine catholique, ces thèmes pouvant se retrouver dans le nazisme ?
    Heidegger était profondément Allemand. Cette évidence a de l'importance. Il a très peu quitté son pays et a eu comme lieu de réflexion la Forêt Noire, au sud de ce pays qui est la vraie et belle Allemagne qu'imaginent par exemple les Français. Il fut imprégné de ces thèmes récurrents à la culture allemande : la dureté et la pureté. L'être authentique dans toute sa dureté d'acier et sa pureté de cristal pouvait-il avoir une âme de démocrate ? La démocratie ne peut que fabriquer des individus tièdes, soumis, atomisés par le consensuel. On comprend tout par lassitude. Société démocratique qui met en avant des individus à la morpho-psychologie insignifiante, société qui refuse le conflit, l'affrontement, alors que « l'homme libre est guerrier ». On ne peut plus nier ou affirmer. Règne de la médiocrité, des médiocres, de l'insignifiant, du «modeste» qui rassure, triomphe des mots pompeux et creux, de la «tolérance», puisqu'il n'y a plus rien à refuser ou affirmer. Société où n'existent, comme l'écrivait le poète italien Marinetti, ni tragique ni émotion et qui évolue inexorablement vers le vide spirituel. Pour ce courant de pensée, le démocrate est fondamentalement inauthentique puisqu'il est le produit de l'opinion commune, du «on». Chez Heidegger on trouve aussi une apologie de l'origine avec, entre autres, celle des Allemands qui ont gardé leur langue originelle qui est devenue un bel instrument chez ce peuple de penseurs, poètes et musiciens.
    Pour le philosophe de Freibourg, la philosophie parle allemand comme elle a parlé grec.
    On trouve aussi l'éloge de l'enracinement, du sol natal, sol de l'enfance, des ancêtres. L'être enraciné s'oppose à l'errance, critique donc de la modernité, de l'américanisme opposé à l'esprit germano-européen. Philosophe de l'Etre, il avait sans doute ressenti plus qu'un autre la néantisation de l'Occident et la menace du nihilisme qui pesait sur celui-ci La pensée de gauche voit dans l'appartenance à un sol, un pays ou une nation le produit du hasard, ce qui est dépréciatif.. Dans la pensée heideggérienne, les notions de facticité, d'être jeté, d'être au monde donnent à cette appartenance une signification des plus profondes. Heidegger appartient au courant anti-rationaliste qui est aussi un prolongement de la phénoménologie husserlienne où toutes les certitudes scientistes, la mathématisation du monde, l'idée de raison, le réalisme naïf ont été mis à bas. On peut d'ailleurs noter que Husserl a été très étudié par les catholiques et même les ecclésiastiques. Car c'était sans doute la première fois qu'un courant de pensée majeur et puissant, non religieux, (la phénoménologie) remettait la science, vieille et grande rivale de l'Eglise et de la religion à sa place. La science a cru et croit encore être la vérité ou le réel alors qu'elle n'est qu'une construction axiomatique de l'esprit qui se surajoute au monde perçu qui est premier et dans lequel baignent tous les individus depuis leur naissance. La science même si elle nie, a comme fondements ultimes des postulats métaphysiques. Puisque n'existent que le subjectif et l'affectif, les mythes et la poésie ont droit de cité à la constitution de toute vérité au même titre que les modes de connaissance qui ont cru pendant longtemps depuis Descartes à l'objectivité de leurs méthodes.
    La question dans la question est : Heidegger était-il raciste ? Certains n'ont pas hésité à la poser avec toute la dose de culpabilité que ce qualificatif peut engendrer de nos jours. Le philosophe avait connu une amourette avec une étudiante juive Hannah Arendt dont la jeunesse, le beau visage à l'époque et la maturité philosophique avaient attiré l'homme de trente cinq ans qu'était à ce moment là Heidegger. Mais ceci en général ne prouve pas grand chose. Plus fondamentalement Heidegger croyait au destin exceptionnel du peuple allemand et à i sa mission spirituelle pour combattre la décadence. Il fallait protéger «racialement» ce peuple allemand et ses points de vue rejoignaient parfois ceux d'Eugen Fischer, hygiéniste de la race qui, entre autres, était très inquiet de l'africanisation de la France dans les années trente, due à ses colonies. Que dirait-il de nos jours ? Heidegger ne croyait sans doute pas au racisme biologique puisqu'il avait lui-même déconstruit l'idée de science de façon encore plus radicale que Husserl, mais pour lui c'était le « peuple qui devait décider » de sa santé et de sa préservation.
    par Patrice GROS-SUAUDEAU  nov . déc 2002

  • C’est l’espoir, et non l’indignation, qui change le monde

    Le caractère inoffensif de l’indignation pour le système en place explique le concert de louanges, plus ou moins hypocrites qui a marqué la disparition de Stéphane Hessel. 

    Qu’on se comprenne bien. Le vieil homme indigné était admirable. Il avait notamment eu le courage de dénoncer certains agissements condamnables d’Israël, ce qui lui avait valu des accusations fort injustes. C’est le mot d’ordre de son intervention dans l’espace public, avec l’incroyable succès de sa brochure Indignez-vous!, qui est ici en cause.

    L’indignation, colère sans lendemain

    L’indignation, nous rappelle Le Robert, est un «sentiment de colère que soulève une action contre laquelle réagit la conscience morale ou le sentiment de la justice». Sentiments, colère, morale : le registre n’est assurément pas celui de l’action, de la réflexion et de la politique.

     

    Dans son best-seller, Hessel demandait aux générations montantes de repérer les «choses insupportables» qui défigurent le monde actuel : «Pour le voir, il faut bien regarder, chercher. Je dis aux jeunes : cherchez un peu, vous allez trouver.»

    Est-ce bien là le problème? Les raisons de s’indigner sont à la fois pléthoriques et transparentes. Creusement des inégalités sociales, menaces et catastrophes écologiques, arrogance et cynisme des élites ou encore dégâts de l’individualisme forcené : point n’est besoin de chercher longtemps des motifs de colère et de révolte.

    Le succès du vieil humaniste vient de ce qu’il a réussi à ramasser en un court message des sentiments fort répandus. Mais si chacun s’indigne facilement, l’engagement suppose d’entrevoir une solution aux problèmes posés.

    La référence à la Résistance, dont usait fréquemment Hessel, est ici inopérante. Le risque de l’action était alors majeur mais l’objectif très clair : en finir avec l’occupant.

    L’affaire est assurément autrement plus complexe dans un univers mondialisé soumis à la loi du capitalisme financier. On aura remarqué, au passage, qu’il ne suffit pas d’éliminer Nicolas Sarkozy pour sauver le pays.

    Dans un texte cruel mais non dénué de fondement, l’intellectuel centriste Jean-Louis Bourlanges s’était risqué à démonter la «misère de l’indignation»:

    «L’indignation, c’est ce qui reste du rêve quand on a tout oublié, et de la révolution quand on a perdu les soviets, l’Armée rouge et le Parti fer de lance de la classe ouvrière, c’est un extrémisme qui n’a pas les moyens.»

    Force est de constater que les mouvements qui s’en sont inspirés ont échoué à changer réellement le cours des choses. En Espagne, les centaines de milliers d’«Indignés» qui se sont mobilisés en 2011 n’ont pas empêché la poursuite des politiques d’austérité, moyennant le retour de la droite au pouvoir.

    Discrédit de la réforme et de la révolution

    La faiblesse politique du message porté par Hessel l’a logiquement conduit à des prises de positions très fluctuantes. L’ancien résistant fut candidat sur les listes écologistes aux élections régionales de 2010. En décembre de la même année, il vante néanmoins les qualités d’«homme de gauche» de Dominique Strauss-Kahn tout en manifestant sa préférence pour une candidature présidentielle de Martine Aubry. En mai 2011, Hessel assure pourtant Nicolas Hulot qu’il le soutiendra «quoi qu’il arrive maintenant». Et il finira par se prononcer en faveur de François Hollande…

    A la surprise de ceux qui projetaient sur lui leurs fantasmes de radicalité, Hessel se définissait lui-même comme un social-démocrate. Il n’avait sans doute pas pris la mesure de l’effondrement de cette référence idéologique. La social-démocratie n’a plus grand sens dans un contexte de mondialisation qui rend obsolètes les compromis sociaux naguère forgés dans un cadre national.

    La difficulté à définir la réponse politique qui prolongerait l’indignation tient précisément au discrédit des deux grandes idéologies de gauche, la réforme et la révolution. Cette dernière a été mortellement touchée par le drame du communisme réel. Le schéma d’un changement brutal et violent évoque désormais trop le spectre du totalitarisme.

    Mais le réformisme n’est guère en meilleur état. L’impuissance des partis qui s’en réclament est de plus en plus avérée en ces temps de crise. La «réforme» est devenue, pour les peuples, synonyme de nouveaux sacrifices et de reculs sociaux. Loin de porter l’espérance, elle est désormais autant chargée de négativité que la révolution.

    Nouvelles révolutions

    Or, c’est bien la perspective concrète d’un monde meilleur qui pousse à l’action collective. La chute des dictatures arabes a légitimement pu apparaître comme garante d’un vrai changement, raison pour laquelle l’indignation populaire a débouché, en ces cas, sur une issue révolutionnaire.

    Rien de tel dans nos démocraties occidentales mâtinées de ploutocratie. L’absence d’un cadre politique alternatif crédible condamne l’indignation à n’accoucher, au mieux, que de sporadiques révoltes.

    Les révolutions, rappelait le journaliste Jean-François Kahn, ne se préparent pas en ce sens qu’elles sont généralement déclenchées involontairement par des provocations de la part des puissants. Dans ces réactions populaires à la goutte d’eau qui fait déborder le vase, l’indignation est un puissant facteur de mise en branle.

    Mais les révolutions qui réussissent sont celles qui sont adossées à un projet politique et intellectuel préalablement défini. La prise de la Bastille n’aurait pas accouché de la Révolution française sans les Lumières. La prise du palais d’Hiver n’aurait pas débouché sur la Révolution d’octobre sans le dessein communiste.

    En l’absence d’un quelconque cadre théorique, les indignations contemporaines peuvent provoquer bien des soubresauts et révoltes, mais pas de vraies révolutions. Les changements profonds portés par l’espérance d’une vie meilleure se situe aujourd’hui, dans nos sociétés, à un niveau infra-politique.

    Animée d’une conscience écologique, aspirant à une meilleure qualité des liens sociaux, une minorité agissante expérimente sans bruit d’autres manières de vivre. Le réseau Colibris des amis du philosophe Pierre Rabhi tente de fédérer ce type d’initiatives en France, mais de très nombreux pays sont concernés par ces «révolutions tranquilles».

    Hessel lui-même avait invité ses lecteurs à s’engager dans des actions concrètes qui permettent de passer du stade de l’indignation à celui de la réalisation. Ce message a toutefois eu nettement moins d’écho que son cri de colère.

    Reste à savoir si ces expérimentations positives atteindront la masse critique où elles seraient capables d’entraîner un véritable changement politique. Mais ceci est une autre histoire.

    Slate  http://fortune.fdesouche.com

  • L’habit fait le moine – par NB

    Est-il normal, que, parce qu’il se produit de temps en temps, très rarement, exceptionnellement, le contraire de l’évidence, il faille systématiquement nier toute évidence ? Non, bien sûr ! Et pourtant… L’HABIT FAIT LE MOINE.
    Les banques, leurs valets: les gouvernements, les valets des gouvernements: les médias, les valets des médias: les intellectuels et les valets des intellectuels: les enseignants tentent actuellement par tous les moyens possibles et imaginables de mondialiser la planète, c'est-à-dire de « bouilli-ifier » le genre humain.
    L’arme suprême pour ce faire est évidemment le « L’habit ne fait pas le moine, L’habit ne fait pas le moine, L’habit ne fait pas le moine, L’habit ne fait pas le moine, L’habit ne fait pas le moine, L’habit ne fait pas le moine, L’habit ne fait pas le moine, L’habit ne fait pas le moine » répété des milliers et des milliers de fois et à longueur de journée, de semaines, de mois et d’années. Ce proverbe est comme tous les proverbes : il est très caricatural, outré, à la fois faux et vrai et en l’occurrence plus faux que vrai, car en fait, l’habit fait le moine… et heureusement, mon Dieu heureusement !
    Cette volonté violente, forcenée de briser, d’effacer tout repaire physique dans le genre humain donne franchement dans la déraison.
    L'apparence n'est pas trompeuse.
    Elle peut l'être, mais c’est rare, très rare… mais en général elle ne l’est pas. Il faut s’en méfier bien sûr parce que beaucoup trichent pour masquer ce qu’ils sont véritablement, c'est-à-dire leur véritable apparence.
    Une apparence « feinte » est quelque chose d’assez exceptionnel. Ce qui veut dire que la tromperie n’est pas la règle et que l’apparence d’une façon générale renseigne à la seconde sur la personne ou l’être que l’on a en face de soi.
    En fait et pour tous les êtres vivants, ce que l’on voit, on le voit, ce qui est inquiétant est inquiétant, ce qui est rassurant est rassurant, tout simplement, comme dirait monsieur de La Palice et quoi qu’en pensent nos divins PENSEURS. 
    Ils m’irritent quelquefois au plus haut point jusqu’à me mettre en rage, hors de moi.
    Cette façon de se poser continuellement en maîtres du savoir-vivre-en-ce-bas-monde comme si nous étions tous très cons, ainsi que leur manie de poser un raisonnement super-hyper-méga-compliqué sur chaque chose et de ne jamais vouloir regarder la réalité en face est absolument insupportable, ainsi que de se poser en divins contradicteurs de Dame Nature qui comme chacun sait ne leur arrive pas à la cheville.
    Quels CONS !
    Mais enfin bon Dieu de bon Dieu, si Dame Nature, ou le grand architecte ou le bon Dieu, comme on veut, a doté tous les êtres vivants de cette faculté de préjuger d’un danger ou d’un non-danger ce n’est pas pour rien !
    Allez leur dire à ces crétins, allez leur dire qu’il suffit de regarder et de voir. Mais ils en sont bien incapables… ils PENSENT !
    Souriez à un bébé et il va vous sourire, froncez les sourcils et il va pleurer… c’est comme ça, c’est spontané, instinctif, ça ne s’explique pas… c’est un mystère !
    Pourquoi a-t-on envie de caresser une biche ou de prendre un moineau dans sa main ? Pourquoi ? Mystère !
    Pourquoi n’a-t-on pas du tout envie de caresser une araignée, un serpent ou un crocodile ? Mystère !
    Pourquoi un lion ou un aigle nous impressionne fortement alors qu’une hyène ou un vautour ne fait que nous répugner ? 
    Sans même le savoir, à leur seule apparence, on comprend aussitôt que ces derniers sont des charognards.
    Je me souviens d’un jour, tout enfant, où j’avais accompagné mon grand-père à la pêche au bord de la Garonne. Tout à coup je le vois qui ferre, sort de l’eau une espèce de petite anguille d’une vingtaine de cm et se met à la décrocher en rouspétant du plus fort qu’il pouvait : « Tiens, regarde-moi ça petit, cette saloperie ! »
    Il la jeta sur le sol. L’anguille se contorsionnait encore passablement et je l’empêchais de rejoindre l’eau du bout de mon bâton. J’étais étonné qu’il ne l’assomme pas. « Non, pas la peine petit, elle va crever toute seule, c’est une lamproie ! » 
    Une lamproie ? C’était la première fois que j’en voyais une. Elle finit par mourir, mais dans son cas je préfère cent fois employer le terme « crever ».
    Quelle horreur cet animal ! Après l’avoir prise plusieurs fois dans mes mains et l’avoir examinée sous toutes les coutures j’étais révulsé. Sa simple vision me répugnait jusqu’à avoir envie de vomir. Pourtant j’avais l’habitude des anguilles, mais j’avais compris instantanément que cet animal, par sa seule « apparence », avait quelque chose de « monstrueux ». Mon grand-père voyant mon dégoût se saisit de l’animal et me l’expliqua. L’animal, mou comme une chique avait plein de petits trous ronds sur le côté qui étaient ses ouïes. Il avait deux petits yeux globuleux et glauques… mais ce qui était horrible, véritablement très laid c’était sa bouche : une énorme bouche par rapport à sa masse, toute plate, toute ronde, entièrement dirigée vers le bas, entourée d’une énorme lèvre violacée, toujours ouverte, béante, et à l’intérieur une cavité rougeâtre munie d’une multitude de petites dents en cercle. 
    « Tu vois petit » me dit mon grand-père « cette bouche-là c’est une énorme ventouse… avec ça la lamproie se plaque à un poisson qui ne peut plus s’en débarrasser et avec toutes ces petites dents elle lui ronge les écailles et la chair pour lui sucer le sang ». 
    La bestiole était franchement laide, répugnante et j’avais deviné toutes les explications de mon grand-père avant même qu’il n’ouvre la bouche. Cette fausse anguille avait tout l’aspect d’un parasite. Son « apparence » ne m’avait pas trompé.
    Plus tard, alors que j’avais 17 ou 18 ans, j’avais été très intrigué par une petite guêpe noire qui tournait autour de moi et se posait ici et là de temps à autres. Elle était étonnamment arrogante par rapport à ses congénères jaunes et noires, arrogante et laide, étonnement laide. Quelque chose de franchement antipathique, d'écœurant même se dégageait d'elle… sans doute cet immense appendice aussi long que son corps et qu’elle balançait fièrement au bout de son abdomen. Moche, franchement moche… Je n’avais pourtant rien contre les abeilles et les guêpes…mais celle-là avait une « apparence » tout à fait répugnante.
    Je filais aussitôt vers l’encyclopédie Littré en 20 volumes de la maison et apprenais ce que j’avais déjà compris : c’était une guêpe parasite, très courante qui pondait le plus naturellement du monde ses œufs à l’intérieur d’autres insectes ou de chenilles vivantes. Ses larves se développent tranquillement dans l’insecte en le dévorant vif petit à petit de l’intérieur. Charmant, non !
    Comme quoi l’apparence ne trompe pas. Elle nous renseigne instantanément.

    Je m’en suis encore aperçu récemment ou du moins ces dernières années. Comme je ne suis pas de première jeunesse j’ai bien évidemment vu « partir » beaucoup de monde dans ma famille, dans ma belle-famille et chez mes amis.

    Chacun avait son caractère et, en fait, chacun portait sur lui ce qu’il était : jovial, morose, généreux, radin, fourbe, sensible, dur, nerveux, placide, vicieux, fouineur, droit… on lisait sur leur visage à livre ouvert. Quand on est heureux ça se voit, quand on est triste aussi, quand on a envie de pleurer ou de frapper aussi, même quand on a une idée derrière la tête… ÇA SE VOIT !
    Je les connaissais bien de leur vivant, très bien. Par contre une fois morts, quelques heures après… impossible de les reconnaître. Le caractère profond qui sous-tendait jusque-là les muscles de leur visage n’opérait plus et il n’émanait plus rien d’eux. Ils étaient lisses, inexpressifs… on ne les reconnaissait plus.
    Mon propre père, ma propre mère, quelques heures après leur mort me paraissaient presque étrangers. Ils n’avaient plus l’ « apparence » de ce qu’ils étaient.
    Quand on a un doute, bien sûr, il faut se méfier, mais en général, dans l’immense majorité des cas on peut et on DOIT se fier à l’ « apparence ».
    Elle est faite pour ça. Elle explique tout.
    Si l'on ne pouvait absolument pas s’y fier la vie serait d’une absurdité totale, pratiquement invivable.
    On n’éviterait plus les coléreux ou les jaloux et les sadiques en crises, les fous, les fanatiques, les fêlés de la cafetière, ceux qui préparent un mauvais coup, on n’aurait plus envie de protéger les siens, les hommes ne seraient plus attirés par les femmes, les femmes par les hommes, on ne verrait plus arriver les coups d’où qu’ils soient. C’est d’ailleurs un peu ce qu’il se passe aujourd’hui avec cette interdiction imbécile et monstrueuse d’antipathie ou de sympathie appelée très emphatiquement, très hautainement et avec tant de mépris : « délit de sale gueule ».
    On n’a pas besoin d’être un mirifique, un sublimissime, un divin PENSEUR pour comprendre.
    Bien au contraire. Sans penser tout devient lumineux, tout s’éclaire.
    La Hollande est plus « évoluée » que la France. Allez-y et regardez les gens… vous comprendrez aussitôt. Idem pour l’Allemagne, idem pour la Scandinavie qui est plus évoluée que l’Allemagne. 
    Idem pour l’Espagne qui est moins évoluée que la France. Idem pour l’Italie du nord qui est plus évoluée que l’Italie du sud. Idem pour le Maghreb et l’Afrique noire qui n’arrivent pas à décoller du moyen-âge ou de la préhistoire malgré notre aide colossale et permanente… allez-y, allez dans tous ces pays et regardez les gens… vous comprendrez aussitôt.
    Un aigle a une tête d’aigle parce que c’est un aigle, un européen a une tête d’européen parce que c’est un européen, un vautour a une tête de vautour parce que c’est un vautour, un arabe a une tête d’arabe parce que c’est un arabe, un primate a une tête de primate parce que c’est un primate, un noir a une tête de noir parce que c’est un noir.
    Je viens juste de me remémorer une émission très docte, à la télé, sur les échecs scolaires, échecs malheureusement pléthoriques chez nous.
    On y comparait notre système d’enseignement à celui de la Finlande, exemplaire dans ce domaine.
    Il y avait là tout un aréopage de PENSEURS émérites, qui, chevauchant leurs plus beaux raisonnements, étincelants de formules, jetaient négligemment au passage pour le vil peuple que nous étions des bouquets de joliesses à peine vendangées dans les vignes du vocabulaire.
    Ils nous expliquaient que… vu les horaires, vu les programmes, vu le système, vu les locaux, vu les rythmes, vu les éducateurs, vu les salaires, vu l’Histoire, vu le climat, vu les politiques, vu les budgets, vu mon oncle, vu que s’il en avait ce serait ma tante, et blablabli, et blablabla… et rien absolument rien sur les enfants, alors que la caméra s’était pourtant longuement promenée, et plusieurs fois sur les visages des petits finlandais, adorables, fins, gentils, éveillés, vifs, intelligents… RIEN ! C’était tabou… les PENSEURS l’interdisaient. Il ne fallait surtout pas parler des enfants.
    Alors je me suis levé d’un coup et me suis mis à engueuler bruyamment la télé : « Bandes de crétins, de gros cons, d’incapables ! Ça marche en Finlande parce qu’en Finlande il y a des finlandais, un point c’est tout ! Essayez le même truc en France et vous n’arriverez à rien ! »
    Ça n’a pas fait avancer le smilblick mais bon Dieu de bon Dieu que ça m’a fait du bien !!!
    Hé oui, c’est tout simple : l’Afrique est l’Afrique parce qu’en Afrique il y a des africains, le Maghreb est le Maghreb parce qu’au Maghreb il y a des maghrébins, l’Europe est l’Europe parce qu’en Europe il y a des européens.
    Et ce monsieur Hollande qui n’a pas l’air du tout de s’inquiéter de l’avenir du pays. C’est effrayant ! Au fait, avez-vous bien observé notre président? De quoi a-t-il l’air ?... Ah, je ne vous le fais pas dire !… et il n’a pas que l’air, il a aussi la chanson. Comme quoi, encore une fois les apparences ne trompent pas !

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  • Schopenhauer

    Schopenhauer, philosophe de la volonté et archétype du solitaire méprisant la politique

    Il y a 150 ans mourrait Arthur Schopenhauer (1788-1860)

    « L’absence d’esprit prend toutes les formes pour se dissimuler : elle se camoufle en pathos, en emphase ; elle prend le ton de la supériorité et se donne des grands airs et tout cela de cent autres façons. »

    La philosophie allemande classique du XIXe siècle peut se subdiviser, grosso modo, en 2 courants majeurs qui, tous 2, commencent avec Kant. Celui-ci avait accompli dans sa Critique de la raison pure une « révolution copernicienne » passant ainsi de l’ontologie à la théorie de la connaissance ; il avait aussi affirmé que la capacité humaine de connaître était intrinsèquement liée aux formes de la représentation que sont le temps et l’espace [formes a priori de la sensibilité], d’une part, les 12 catégories de la raison, d’autre part, parmi lesquelles le principe de causalité. Pour faire en sorte que la raison ne produise pas elle-même ces propres objets, Kant s’était vu contraint d’accepter une « chose en soi » transcendantale [qui concerne les conditions de possibilité de la connaissance], qui, pour le sujet connaissant, n’était pas connaissable au-delà de cet appareil fonctionnel.

    Côté subjectif de ce monde coupé en 2 par Kant, nous trouvons vers 1800 la philosophie idéaliste, qui culminera dans les grands systèmes de Hegel et de Schelling, puis, sous le signe du matérialisme, sera poursuivie par Marx et Engels. L’autre courant est moins visible, il est plutôt souterrain et cherche à saisir la face objective, en dépit de la césure kantienne. Ce courant-là commence avec Arthur Schopenhauer et nous amène, au-delà de Nietzsche, vers la modernité, une modernité qui n’est pas seulement philosophique.

    Schopenhauer, né le 22 février 1788 à Dantzig dans le foyer d’un négociant, est un penseur et une personnalité de la transition. Selon la tradition philosophique allemande, et surtout selon cet idéalisme allemand contre lequel il engage la polémique, Schopenhauer participe lui aussi à cette volonté de systématiser, c’est-à-dire de chercher à expliquer les principes métaphysiques du monde en un seul ouvrage : en effet, c’est ce qu’il tentera de faire dans son ouvrage principal, Die Welt als Wille und Vorstellung (Le monde comme volonté et comme représentation), dont le premier volume paraît dès 1819 et dont le second ne paraitra qu’en 1844. Il amorce ses réflexions au départ du principe fondamental de Kant, celui de la subjectivité de la faculté de connaître, et le soumet à une métaphysique volontariste, dans la mesure où il identifie la « chose en soi » avec la volonté (Wille), qu’il interprète comme une pulsion d’existence [une force vitale], agissant derrière tous les phénomènes. Contrairement à l’usage habituel, il entend la volonté comme un principe irrationnel, que l’on n’expérimente pas seulement lorsque l’on procède à une analyse introspective de soi et, partant, comme une pulsion vitale et sexuelle, mais qui se manifeste, compénétrante, à travers la nature toute entière voire aussi dans le déroulement causal non vivant.

    En dépit du caractère universel de la volonté qui se combat elle-même éternellement par le truchement des phénomènes qu’elle génère et qui détermine ainsi tout élan individuel de volonté, comme l’explique Schopenhauer dans un écrit de 1839, qui lui vaut un prix de la Société Royale Norvégienne des Sciences, et qui a pour titre Über die Freiheit des menschlichen Willens (De la liberté de la volonté humaine), eh bien, en dépit de cela, il existe tout de même 2 portes dérobées par lesquelles l’homme peut se dégager de la souffrance que lui inflige le monde : l’une est constituée par la morale, l’autre par l’esthétique. Par empathie avec les autres créatures souffrantes, l’homme peut dépasser son isolement apparent et reconnaître la même volonté de vivre (et en fin de compte se reconnaître lui-même) en tous les autres êtres, ce que Schopenhauer exprime par les mots « tat twam asi » (« cela, tu es »), empruntés aux Upanishads de l’Inde ancienne. Dans son éthique de la compassion, qu’il explicite dans Über das Fundament der Moral (Du fondement de la morale), il se tourne, de manière radicale, contre l’impératif catégorique de son maître Kant, dont il mésinterprète l’appel à toujours penser aux conséquences de sa propre action pour l’universalité (pour la chose publique), comme une obligation à se soumettre à une pensée obéissante à l’autorité. Tout anti-étatiste pourrait, en se soumettant à une telle pensée, considérer que les lois ne sont que contraintes et non par autant de formules dont la validité est universelle.

    L’autre échappatoire vers le paradis (toutefois sans Dieu) est la « contemplation détachée de tout intérêt » qu’offre la contemplation esthétique : en jouissant d’une œuvre d’art, surtout une œuvre musicale, l’homme peut aussi dépasser le principium individuationis et s’unir au fond cosmique de l’univers.

    Schopenhauer comme précurseur de la psychanalyse freudienne

    Aujourd’hui on ne juge pas tant l’importance de Schopenhauer à la teneur de ses principales idées philosophiques qu’à ses multiples influences postérieures. De son vivant, son ouvrage principal n’a quasiment pas été pris en considération. Il a fallu attendre le der nier tiers du XIXe siècle, donc après la mort de Schopenhauer, pour assister à une réception de son œuvre d’une rare intensité. Schopenhauer a amorcé ses réflexions philosophiques à l’époque dite des Biedermeier en Allemagne ; dans sa jeunesse, il a encore connu Gœthe. Sa mère, Johanna Schopenhauer, écrivait des romans et tenait un salon littéraire à Weimar. Sa célébrité posthume, Schopenhauer la doit au fait qu’il fut un contemporain de Richard Wagner, dont L’Anneau des Nibelungen avait été fortement imprégné par la pensée de notre philosophe. Il la doit également à Friedrich Nietzsche qui, dans ses Considérations inactuelles, évoque « Schopenhauer comme éducateur » et fait l’éloge de sa « volonté de vérité » et de son pessimisme héroïque. C’est justement au départ de cette réflexion nietzschéenne sur Schopenhauer qu’un filon s’amorce en direction de la critique révolutionnaire/conservatrice du XXe siècle. En effet, l’archétype du solitaire et du précepteur oisif, méprisant la politique, se repère dans le philosophe grognon des Considération d’un apolitique de Thomas Mann. Celui-ci reconnaît encore sa dette à l’endroit de Schopenhauer dans quelques-uns de ces récits, dont la nouvelle Tobias Mindernickel, où il traite de l’éthique de notre philosophe.

    L’œuvre de Schopenhauer a eu un impact considérable sur des écrivains aussi importants que Hermann Hesse, Samuel Beckett et Thomas Bernhard. Dans l’univers des philosophes, l’impact a d’abord été moindre et ce sont, dans un premier temps, des figures marginales du monde universitaire du début du XXe siècle qui se sont intéressées à lui : songeons à Georg Simmel et à Max Scheler qui, tous 2, font démarrer leurs réflexions à la suite de Schopenhauer. La plupart du temps, les philosophes universitaires l’ont considéré d’abord, et souvent à raison, comme un disciple original de Kant ou comme un précurseur de Nietzsche. Certes, il fut l’un des principaux précurseurs de Nietzsche mais il fut surtout l’une des principales figures anticipatrices de la psychanalyse. La réduction freudienne de la vie sentimentale à la pulsion sexuelle se retrouve, bien avant Freud, dans l’œuvre de Schopenhauer, et sans la moindre ambiguïté. Dans la conception schopenhauerienne de la volonté comme une puissance irrationnelle dépassant la conscience individuelle, nous trouvons les prémisses essentielles de l’inconscient collectif de Carl Gustav Jung.

    Schopenhauer nous a transmis aussi la sagesse indienne, ce qui ne fut pas le moindre de ses mérites. Le premier contact qu’il a eu avec l’univers mental indien date de 1813, lorsqu’il séjournait à Weimar et qu’il y rencontra pour la première fois l’orientaliste Friedrich Majer, disciple de Herder. Sous l’influence des études de Majer, Schopenhauer finit par se considérer comme « le premier bouddhiste d’Europe ». Ainsi débuta l’histoire d’une méprise créatrice, comparable à l’interprétation quiétiste de l’antiquité classique, dont on vantait « la noble simplicité et la grandeur tranquille ». Les conséquences de cette méprise résident surtout dans une interprétation fausse du bouddhisme comme nihilisme, un nihilisme qui reposerait sur une rétention vis-à-vis de tout agir et verrait le but le plus élevé de l’existence dans une immersion dans le “néant”. On a vu l’effet de cette mésinterprétation du bouddhisme sévir dans la décennie qui suivit la Grande Guerre, où régnait une ambiance de déclin, comme, plus tard, dans la vogue bouddhiste qui se retrouve en Occident jusque aujourd’hui.

    Petit bourgeois réactionnaire et ennemi des bourgeois étriqués

    Schopenhauer est lié à son temps quand il exprime son système philosophique basé sur la volonté ; il l’est également dans l’insouciance relative dont il fait montre à l’endroit de toute recherche empirique, ainsi que dans sa prétention à pouvoir présenter une interprétation générale du monde qui sera à jamais irréfutable. Mais les impulsions qui partent de son œuvre pour aboutir à notre temps sont fort nombreuses. Parmi elles : son habitus non académique de philosophe artiste et de littérateur. Il y a aussi son attitude ambivalente face à la classe bourgeoise : d’une part, Schopenhauer est très nettement un petit bourgeois réactionnaire qui méprise la période prérévolutionnaire d’avant 1848, le Vormärz ; d’autre part, en tant que demi bohémien, il est un ennemi de la mentalité bourgeoise étriquée (le Spiessertum), qui se manifeste surtout dans l’institution du mariage, cible de sarcasmes perpétuels pour ce misogyne grognon et animé par ses pulsions. Pour s’assurer un certain équilibre émotionnel, notre célibataire endurci s’est flanqué pendant toute sa vie d’un compagnon canin, un caniche : dès que l’un de ces animaux favoris mourrait, il s’en procurait un nouveau qu’il baptisait invariablement « Atman », comme tous ses prédécesseurs. Ce nom signifiait en sanskrit “souffle de vie” ou “âme individuelle”, car, croyait-il, il y avait, actif, dans chaque caniche un seul et même principe de vie, le Pudels Kern, le « noyau du caniche ».

     Arthur Schopenhauer meurt le 21 septembre 1860, comme un vieil original, peu célèbre et bizarre, à Francfort sur le Main, ville où, après ses années de pérégrination et d’études, il s’était fixé pour y passer la seconde moitié de sa vie. Quelques années après son passage de vie à trépas, Léon Tolstoï le nomme « le plus génial de tous les hommes ».

    ► Baal Müller (article paru dans Junge Freiheit n°38/2010, Berlin).

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